Le point sur…
Influence des procédés de transformation
sur le potentiel santé des produits fruitiers
Les fruits sont protecteurs pour la santé. Mais est-ce vrai quel que soit leur degré
de transformation? En effet, certaines études suggèrent que l’effet protecteur des
aliments dépend du degré de transformation. Cet article présente donc les résultats d’une revue exhaustive de données de la littérature scientifique afin d’identifier les procédés technologiques préservant au mieux le potentiel santé des fruits.
Mr Anthony Fardet, INRAE, UMR 1019, UNH, CRNH Auvergne, & Clermont Université, Université d’Auvergne, Unité de Nutrition Humaine, Clermont-Ferrand. Mme Céline Richonnet,
Materne MOM Group, Département Nutrition, Paris.
Mots-clés :
Fruits,
Produits fruitiers,
Transformation,
Maladies chroniques,
Potentiel santé,
Effet “matrice“,
Potentiel antioxydant,
Potentiel alcalinisant,
Potentiel glycémique
Déclaration d’intérêts : L’analyse bibliographique a été financée en partie dans le cadre d’un contrat INRA-Materne
MOM Group. C. Richonnet est Directeur Nutrition du groupe MOM Materne Mont Blanc.
w Introduction
La consommation quotidienne de fruits est reconnue comme
étant protectrice pour la santé (1, 2) et préconisée dans
les recommandations nutritionnelles internationales (2). En
effet, une faible consommation de fruits et légumes est un
facteur de risque des maladies non transmissibles et serait à
l’origine de 3,9 millions de décès dans le monde en 2017
(3). En outre, il a été évalué par un collectif d’experts internationaux qu’un apport insuffisant en fruits pourrait être
responsable d’environ 65 millions “d’années perdues en
bonne santé en raison d’une maladie chronique“ à travers le
monde (pour 195 pays), et d’environ 2,4 millions de décès,
recommandant par conséquent un apport quotidien optimal
de fruits de 250 g/jour (crus, cuits, séchés, surgelés ou en
conserve - hors jus de fruits et fruits marinés ou salés) (4).
Cependant, cela est-il valable quelle que soit leur forme et
degré de transformation, de nombreuses études suggérant
que l’effet protecteur des aliments peut varier en fonction
du degré de transformation (5-7) ?
Notre objectif a donc été d’examiner systématiquement :
1) les méta-analyses basées sur des études de cohortes et
d’intervention contrôlées randomisées, reliant la consommation de fruits aux risques de maladies chroniques et de
dérégulations métaboliques au regard du degré de transformation des fruits ;
2) les mécanismes potentiels sous-jacents aux effets de la
transformation, avec un focus sur la densité nutritionnelle
en composés protecteurs et les potentiels antioxydant,
satiétogène, alcalinisant et glycémique.
w Que disent les méta-analyses ?
Une méta-analyse est une méthode scientifique systématique
combinant les résultats de différentes études indépendantes
sur un sujet donné, selon un protocole reproductible. La
méta-analyse permet ainsi d’augmenter la puissance statistique en compilant le nombre de cas étudiés, permettant de
dégager plus nettement des conclusions globales. Une méta-
analyse est donc déjà le résultat d’une sélection au sein d’un
grand nombre d’études épidémiologiques ou d’intervention.
On observe dans les méta-analyses identifiées sur l’impact
santé de la consommation de fruits une tendance à un
impact du degré de transformation (Tableau 1) (8) : les
fruits frais entiers sont globalement plus protecteurs que
sous forme de jus, les fruits en conserve et en jus avec
sucres ajoutés sont moins protecteurs que les jus 100 %
fruits. Les fruits frais entiers sont notamment associés à des
risques diminués de surpoids. Les jus 100 % fruits ont des
effets différents selon les maladies chroniques considérées,
à la fois protecteurs (AVC), neutres, i.e., pas d’association,
(diabètes de type 2, maladies cardiovasculaires, cancers
totaux, du côlon, du sein, insulinémie/glycémie à jeun,
cholestérol total, et pression sanguine systolique) ou délétères (poids et HOMA-IR ). Les jus de fruits sucrés sont quant
à eux associés à des risques accrus de diabète de type 2
(DT2). Pour les cancers, aucune association significative
n’est rapportée quelle que soit la forme du fruit.
Cette première tendance émergeant des méta-analyses
pourrait être en accord avec la classification internationale
NOVA, qui classe les aliments comme non/peu transformés,
transformés et ultra-transformés. Les produits ultra-transformés
étant les plus délétères pour la santé (5, 7). Comme précédemment observé sur 98, 280 et 117 (9 -11) produits prêts à
consommer, les explications sont probablement triples :
1) l’accessibilité accrue des sucres à mesure que la transformation déconstruit la matrice,
2) un faible potentiel de satiété en raison des matrices de
fruits déstructurées combinée à une teneur élevée en sucre,
générant une augmentation supplémentaire de l’apport calorique,
3) une détérioration de la densité nutritionnelle en micro
et phytonutriments protecteurs (devenant ainsi des calories
“vides“). De plus, les boissons aux fruits ultra-transformées
sont plus riches en sucres libres à cause des sucres ajoutés
(saccharose, glucose et fructose), ce qui pourrait favoriser
Nutritions & Endocrinologie • Janvier-Février 2020 • vol. 18 • n° 91
13
Le point sur…
Tableau 1
Synthèse des associations entre la consommation de fruits, le risque de maladies
chroniques, la mortalité toutes causes confondues et les dérégulations métaboliques
selon le degré de transformation (adapté de Fardet et al. (8))
Degré
de
transformation
Mortalité
toutes causes
confondues
Surpoids/
obésité/
adiposité
Fruits frais entiers
1 MA :
Diabète
de type 2
AVC
Cancers
totaux
m
Cancer
du côlon
1 MA : NS
Fruits séchés
Fruits en conserve
Maladies
cardiovasculaires
1 MA : NS
1 MA : NS
1 MA :k
Jus 100 % fruits
1 MA : NS
Jus de fruits sucrés
1 MA :
Degré
de
transformation
Cancer
du sein
Fruits frais entiers
1 MA : NS
Jus 100 % fruits
1 MA : NS
Tour
de taille
1 MA :
m
1 MA :
1 MA :
m
1 MA : NS
1 MA : NS
k
Poids
1 MA :
1 MA : NS
m
k
Insulinémie/
glycémie
à jeun
1 MA : NS
HOMA-IR
Cholestérol
total/HDL
k
1 MA : NS
1 MA :
Pression
sanguine
systolique
1 MA : NS
AVC : Accident Vasculaire Cérébral ; MA : Méta-Analyse ; NS : Non significatif, c’est-à-dire pas d’association ; k : risque significativement augmenté ; m : risque significativement diminué. HOMA-IR, Homeostasic model assessment of insulin resistance (littéralement : évaluation du modèle
d’homéostasie de la résistance à l’insuline) est une méthode utilisée pour quantifier la résistance à l’insuline et la fonction des cellules bêta.
la stéatose hépatique non alcoolique (12), la résistance à
l’insuline (13-15), le DT2 (16, 17), le surpoids et l’obésité
(18). Ainsi, bien que d’autres études soient nécessaires
pour confirmer la tendance, ces résultats tendent à montrer qu’il faut privilégier les fruits frais entiers et les fruits
séchés, puis les jus 100 % fruits sans sucres ajoutés, et
enfin limiter les produits fruitiers ultra-transformés. Pour
les fruits séchés, bien que denses en calories et riche en
sucres naturelles, leur consommation régulière a été associée avec la prévention du DT2 et du syndrome métabolique (19), et des cancers et du système digestif (20). Pour
les purées de fruits, les compotes, les fruits en conserve ou
les fruits au sirop ou les confitures, on ne peut pas conclure
faute d’études, mais il est plus que probable que l’ajout
de sucre joue un rôle important, instaurant un gradient de
l’effet santé.
RÉDUCTIONNISME
HOLISME
Effet “matrice”
(fraction
holistique et
qualitative)
Effet “composition”
(fraction
réductionniste et
quantitative)
X
Potentiel santé
des aliments
Maladies chroniques métaboliques
• Mastication & satiété
• Vitesse de transit digestif
• Cinétiques de sécrétion hormonale
• Bio-accessibilité, biodisponibilité & utilisation métabolique
• Cinétiques de glycémie (IG), anabolisme protéique et lipémie postprandiaux
• Synergie d’action des composés bioactifs
1) Recommandations nutritionnelles
sur la “matrice” en premier
CAUSE PREMIÈRE
Maladies de déficiences
• Besoins nutritionnels (ANC)
• Facteurs antinutritionnels
• Index glycémique
• Sucres simples, gras et sel ajoutés
• Additifs à risque…
2) Recommandations nutritionnelles
sur la “composition” en second
EFFET
Figure 1 - Conception holistique du potentiel santé des
aliments combinant effet matrice et composition.
14
w Quels mécanismes impliqués ?
Redéfinir le potentiel santé des aliments sur une base holistique.
Le potentiel santé des aliments ne peut plus être défini sur la
base de la seule composition en nutriments (21). Deux aliments avec des compositions identiques mais des matrices
différentes (par exemple, les amandes finement broyées par
rapport aux amandes entières) n’ont pas les mêmes effets sur
le métabolisme, et donc la santé à long terme, notamment en
ce qui concerne la cinétique de la libération des nutriments
dans le tube digestif (22, 23). Il faut rappeler une évidence :
nous mangeons des aliments avec des matrices, pas des nutriments. Les calories et les nutriments ne sont donc pas interchangeables d’un aliment à l’autre - selon leur environnement
matriciel -, ce qui implique, par exemple, que consommer
100 kcal de pomme et 100 kcal de boisson gazeuse aromatisée et sucrée n’a pas le même impact sur la santé (21).
Sur la base des résultats de recherches les plus récents, Fardet
& Rock ont redéfini pour la première fois le potentiel santé
des aliments comme une combinaison des effets “matrice“
et “composition“ (21), la “composition“ étant la fraction
quantitative et réductionniste, et la “matrice“ la fraction holistique qualitative résultant des interactions entre les nutriments
(Figure 1). Cette nouvelle définition holistico-réductionniste du
potentiel santé de l’aliment a des conséquences fondamentales pour la santé humaine, impliquant notamment qu’un aliment entier est plus protecteur que la somme de ses nutriments
reconstitués, et que les interactions qui relient les nutriments
entre eux jouent un rôle plus important sur la santé humaine
que les nutriments en tant que tel.
w La transformation des fruits en bref
La transformation a un impact non seulement sur la composition des aliments mais également sur la matrice des
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Le point sur…
aliments, notamment par le biais de la déstructuration, du
broyage, du pressage, du raffinage et du “craquage“. La
modification de la matrice fruitière est importante car elle
peut potentiellement jouer un rôle dans la biodisponibilité
des sucres, la sensation de satiété et la vitesse de transit
digestif (24). Il n’est donc pas sans impact pour la santé de
déstructurer la matrice fruitière. Les technologues ont l’habitude de distinguer les processus qui préservent (25), et ceux
qui altèrent (26) la structure initiale des fruits (Figure 2).
Étapes préliminaires
à la conservation et
à la transformation
Parois
cellulaires
Fruits
Étapes de lavage, de triage,
de calibrage et de parage (dénoyautage,
équeutage, pelage)
Eau libre
Eau liée
Conservation des fruits
en préservant la structure initiale
Procédés technologiques préservant la matrice
fruitière
En 2007, Brat et Cuq ont proposé une représentation
schématique des différentes voies technologiques de la
transformation des fruits préservant la structure d’origine
(Figure 2-a) (25). Les produits à base de fruits soumis au
lavage, tri, calibrage, parage (dénoyautage, équeutage et
épluchage), coupe, blanchiment (1 à 2 minutes dans l’eau
bouillante), conservation, séchage et emballage, peuvent
être considérés comme peu transformés selon la classification NOVA (27, 28).
Cinq catégories de conservation des fruits préservent ainsi
la structure d’origine (25) :
• 1) Fruits prêts à l’emploi, comprenant des produits ayant
subi une transformation minimale (consommation directe,
découpes, emballés sous vide…) et dont les conditions de
stockage garantissent la qualité des produits.
• 2) Fruits surgelés sans sucres ajoutés, comprenant des
produits qui sont conservés par la mise en œuvre de températures négatives suffisantes pour bloquer les réactions de
dégradation. Cependant la congélation, sous l’effet mécanique des gros cristaux de glace présents dans les interstices,
détruit l’intégrité cellulaire des fruits car la rigidité initiale
de la paroi cellulosique externe dépend de l’état du ciment
pectique lié à la maturité des fruits. Lors de la décongélation
“l’eau contenue dans les interstices cellulaires provoque un
exsudat, d’autant plus riche en constituants solubles que le
processus sera lent… L’exsudat emporte avec lui à la fois
des vitamines, sucres et minéraux hydrosolubles. Il doit donc
être consommé pour limiter les pertes nutritionnelles“ (25).
La matrice fruitière est donc ici un peu altérée.
• 3) Fruits en conserve sans sirop ni sucres ajoutés, comprenant des produits pour lesquels un traitement thermique
a été mis en œuvre pour inactiver les facteurs provoquant
des réactions de dégradation des fruits (microbiologiques,
physiologiques et enzymatiques) et qui sont conditionnés
dans des emballages pour éviter une recontamination pendant le stockage.
• 4) Fruits séchés par traitements thermiques, comprenant des
produits partiellement déshydratés (et donc pas absolument
secs) à conserver longtemps, fabriqués à partir de fruits dont
la matière sèche ne dépasse pas 30% du poids humide ;
cela contribue à abaisser l’activité de l’eau dans la matrice
du fruit, provoquant une modification de la structure initiale.
• 5) Fruits séchés grâce au procédé de trempage-imprégnation, qui consiste à mettre en contact avec le fruit, entier ou
fractionné, une solution très concentrée en sucres, c’est-à-dire
des fruits (semi) confits. En général, il se produit une sortie
Pertes éventuelles
de métabolites et d’eau,
principalement lors
des étapes de dénoyautage
et de pelage
Métabolites primaires
et secondaires, minéraux
Transformation directe
sans fractionnement
Modifications de l’aspect du fruit
vivant (4ème gamme, conserves,
surgelés)
Étapes de découpe, de blanchiment
et de conservation
Séchage
Évaporation
partielle de l’eau
Produits séchés (thermique ou DII)
Présence résiduelle
de parois cellulaires si présence
de pulpe
Conservation des fruits
après extraction, séparation
et/ou fractionnement
Séparation partielle
PRESSAGE
Cas des fruits
ayant
une teneur
en eau libre élevée
Jus de fruit
Séparation partielle
RAFFINAGE
Cas des fruits
ayant
une teneur
en eau liée élevée
Purée de fruit
(suite à dilution
avec de l’eau et du sucre
donnera des nectars)
Confitures
Gâteau de pressage
(déchets valorisables
par cracking)
Confitures, fruits confits
Ajout de sucre
et cuisson
Transformation
suite
à fractionnements
(cracking)
Résidus de raffinage
(déchets valorisables
par cracking)
PAI
Ex. polysaccharides pectiques,
sucres (monomères, oligomères)
Cracking
des éléments
fonctionnels des fruits
PAI
Figure 2 - Représentation schématique des différentes
voies technologiques utilisables pour la transformation des
fruits (25, 26), avec la permission des Éditions des Techniques
de L’Ingénieur©
2-a. Préservation de la structure initiale des fruits. 2-b. Non
préservation de la structure initiale des fruits.
d’eau du produit vers la solution et un transfert de sucre vers
le produit en sens inverse.
Concernant plus spécifiquement les traitements thermiques
directement appliqués aux fruits, plusieurs équipes (29) ont
démontré que les procédés de cuisson professionnelle (cuisson vapeur, micro-ondes, cuisson sous pression) augmentaient
la capacité antioxydante des fruits et légumes. Ils permettent,
par exemple, d’augmenter le pouvoir antioxydant de la
pomme, de la grenade ou de l’orange (30). De plus, la cuisson attendrit les fibres, les rendant moins irritantes aux intestins sensibles comme après une chirurgie. Cela permet aux
populations sensibles (jeunes enfants, sportifs) de consommer
une quantité de fruits plus importante sans inconfort digestif.
En plus des traitements thermiques, il faut également mentionner les rayonnements ionisants qui permet la destruction des
Nutritions & Endocrinologie • Janvier-Février 2020 • vol. 18 • n° 91
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Déchets
relativement
pauvres
en eau et riches
en composés
insolubles
Déchets
relativement
riches
en eau libre
et pauvres
en composés
insolubles
Le point sur…
micro-organismes et des insectes et l’inhibition des processus
physiologiques de germination.
Procédés qui altèrent la matrice des fruits
Il existe trois principaux groupes de procédés qui modifient
la matrice des fruits (Figure 2-b) (26) :
• 1) L’extraction et/ou la séparation, qui comprend les jus,
les purées, les concentrés et les confitures.
• 2) La fermentation des fruits, qui comprend des produits
tels que le vin, le cidre et les alcools de divers fruits (alcools
distillés, liqueurs et eaux-de-vie).
• 3) Le craquage des éléments fonctionnels des fruits pour
obtenir des ingrédients pour la formulation comme par
exemple les pectines, les sucres de fruits.
w Impact des procédés sur la densité
nutritionnelle et les potentiels glycémiques,
antioxydant, satiétogène et alcalinisant
Tout d’abord, on peut souligner le peu d’études chez
l’homme qui se sont intéressées aux impacts physiologiques des traitements technologiques appliqués aux fruits.
Y a-t-il un effet “procédés” sur le potentiel santé
des fruits ?
Dans la plupart des cas, un produit à base de fruits est le
résultat de plusieurs traitements, comprenant souvent des
traitements thermiques et mécaniques - voire fermentaires
dans certains cas -, suivi ou non d’un stockage. De plus,
chacun des traitements influence différemment chacun des
composés des fruits. Cette double complexité “traitements
x composés“ rend difficile l’élaboration de lois générales
sur l’influence des procédés technologiques sur le potentiel
santé des fruits. Cependant, si l’on reprend la classification
NOVA des fruits non transformés/peu transformés, transformés et ultra-transformés, on peut commencer à voir émerger
des tendances qui sont le fruit d’une revue exhaustive de la
littérature scientifique jusqu’à 2018 (Tableau 2) (31).
• Fruits pas ou peu transformés
Les produits à base de fruits pas ou peu transformés ont
une densité nutritionnelle élevée en composés bioactifs,
mais leur bioaccessibilité digestive peut rester limitée en
raison des parois fibreuses des cellules dans lesquelles les
composés sont “piégés”. Cependant, les preuves scientifiques qui prouveraient qu’une bioaccessibilité accrue
aux nutriments des fruits est souhaitable pour la santé font
défaut. La perte partielle de cet effet “matrice“ avec des
traitements thermiques, physiques et/ou mécaniques dans
les purées de fruits et jus sans sucres ajoutés améliore la
bio-accessibilité, mais peut augmenter parallèlement l’indice glycémique, ce qui est moins souhaitable. En outre,
les potentiels antioxydant, alcalinisant et satiétogène des
fruits peu ou pas transformés sont élevés, ce qui en fait des
produits alimentaires à fort potentiel santé.
• Les fruits transformés
Il s’agit principalement de produits à base de fruits avec
sucres ajoutés. L’effet “matrice” est évidemment altéré du
16
fait des traitements thermiques et mécaniques, comme pour
les compotes, les nectars et les jus avec sucres ajoutés,
mais il peut tout de même être bien conservé dans des
produits tels que “fruits au sirop” ou “fruits en conserve”.
L’addition de sucres diminue et dilue la densité nutritionnelle en composés bioactifs protecteurs, tend à augmenter
l’indice glycémique et diminue les potentiels antioxydant,
satiétogène et alcalinisant.
• Fruits ultra-transformés
Ces produits sont principalement des produits complexes
recombinés incorporant des préparations de fruits (par
exemples certaines confiseries de fruits, desserts industriels et
fourrages de biscuits ou céréales pour le petit déjeuner), des
sodas et des boissons à base de sirop/jus de fruits. Leurs
propriétés nutritionnelles ont été significativement altérées,
notamment par une perte de l’effet “matrice” et des bénéfices
nutritionnels, à l’exception uniquement de la bio-accessibilité
qui peut être augmentée pour certains composés bioactifs.
Quels procédés technologiques privilégier ?
L’analyse de la littérature suggère que de nouveaux traitements non thermiques tels que les hautes pressions ou les
champs magnétiques pulsés pourraient avoir des avantages
par rapport aux traitements thermiques plus traditionnels
qui peuvent notamment mener à des pertes de vitamines
(31). Ces nouvelles alternatives augmenteraient le potentiel
antioxydant, certains niveaux de phytonutriments et entraineraient des pertes significativement plus faibles de vitamine C.
L’addition de sucre est assez courante dans les préparations de fruits, en particulier dans les compotes, les boissons, les marmelades et les confitures. Si le sucre améliore
le goût, il peut aussi diluer la densité nutritionnelle des fruits
en phytonutriments protecteurs, en particulier les antioxydants. Il peut également augmenter l’index glycémique
(glucose), favoriser la résistance à l’insuline (glucose et
fructose) et réduire le potentiel alcalinisant des fruits. Les
produits sans sucres ajoutés sont donc préférables.
Les traitements mécaniques (pelage, broyage et pressage)
tendent à réduire le potentiel santé des fruits en raison de la
perte de l’effet "matrice" sur la satiété, d’une augmentation
de la biodisponibilité des sucres et des pertes de fibres et
de polyphénols antioxydants. Cependant, ils peuvent également augmenter la bio-accessibilité digestive de certains
composés bioactifs, en particulier celle des caroténoïdes,
en déstructurant les parois fibreuses.
Ces effets sont-ils vrais quels que soient les types
de fruits ?
Il est difficile de répondre à cette question car les données ne sont pas suffisantes, compte tenu notamment de
la grande diversité des fruits existant. Dans la littérature
scientifique, les baies et les agrumes ont été bien étudiés.
Les baies sont particulièrement riches en anthocyanes et en
antioxydants, ce qui oblige à être vigilant sur leur transformation pour préserver au maximum cette importante propriété nutritionnelle. Cependant, étant donné que les fruits
ont tendance à avoir des propriétés botaniques communes
Nutritions & Endocrinologie • Janvier-Février 2020 • vol. 18 • n° 91
Le point sur…
- à l’exception peut-être de la banane - les règles concernant les traitements semblent être applicables à beaucoup
de fruits à pulpe (avec pépins ou noyau).
w Conclusions et perspectives
Les fruits entiers bruts et les fruits séchés présentent le meilleur potentiel santé. Cela confirme la nécessité de prendre
en compte le degré de transformation des fruits dans les
prochaines études épidémiologiques et d’intervention
contrôlées randomisées afin d’adapter les recommandations officielles relatives à la consommation de fruits (8).
"5 fruits et légumes par jour" ?
Bien que “5 fruits et légumes par jour“ soit une recomman-
Tableau 2
dation nutritionnelle bien connue (32) , au vu des résultats
examinés ici, il serait pertinent d’indiquer précisément “peu
transformés“. Les fruits frais ou séchés ont le potentiel santé
le plus élevé à tous égards : ils sont satiétogènes, riches en
fibres et en composés bioactifs protecteurs, ont des index
glycémiques modérés, sont plutôt alcalinisant et sont riches
en antioxydants (31). Tout traitement appliqué commence
inévitablement à diminuer ces potentiels. Le vrai problème
n’est donc pas la transformation en tant que telle, mais le
degré acceptable pour maintenir un effet santé.
Les produits intermédiaires à base de fruits tels que, premièrement, les purées de fruits et les jus 100 % fruits sans
sucres ajoutés, et, deuxièmement, les compotes sucrées, les
fruits au sirop, les fruits en conserve peuvent être des alter-
Synthèse de l’effet des traitements technologiques sur le potentiel santé des fruits en
fonction des groupes NOVA (adapté de Fardet et Richonnet (31))
Effet
“matrice“
Densité
Bionutritionnelle accessibilité
NOVA 1 :
Pas/Peu transformés
• Fruits frais et séchés
i du fruit à Élevée
• Cuisson/blanchiment, la purée puis
traitements non therau jus
miques, pressage
• Conserves/ purée/
jus sans sucres
ajoutés
NOVA 3 : Transformés
• Fruits au sirop
• Conserves/
compotes/jus/nectars
avec sucres ajoutés
• Confitures,
marmelades et gelée
i du fruit à
NOVA 4 :
Ultra-transformés
• Fruits inclus dans
des produits ultratransformés (confiseries,
biscuits, glaces, produits
laitiers…)
• Boissons aux fruits
avec arômes et additifs
(sodas…)
ii
Index
glycémique
Potentiel
Potentiel
antioxydant satiétogène
Potentiel
alcalinisant
Limitée mais
havec les
traitements
thermiques
(pasteurisation,
séchage…),
physiques
(hautes
pressions…)
et mécaniques
(broyage…)
h du fruit à
Élevé
la purée puis
au jus
havec la
Moyenne
Moyenne :
L’ajout de lait
h bio-accessibilité des
constituants
lipophiles
mais pas
celle des
hydrophiles
hdu fruit à la
Moyen :
compote puis i avec ajout
au jus, et
de sucres et
avec l’ajout de lait
de sucres
idu fruit à
la compote
puis au jus,
et avec
l’ajout de
sucres
Moyen
Faible
Très élevée
Très variable Faible
d’un produit
à l’autre
Faible
Faible
la compote
puis au jus
hmoindre
avec les
jus hautes
pressions
i du fruit à Élevé
la purée puis
au jus
cuisson des
fruits et le
pressage en
jus
havec la
carbonatation
Nutritions & Endocrinologie • Janvier-Février 2020 • vol. 18 • n° 91
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Le point sur…
natives nutritionnellement intéressantes car ils conservent
une partie de leur potentiel de santé, mais ils sont modifiés
par à la fois une perte plus ou moins importante de l’effet
“matrice” et la perte ou la dilution des composés bioactifs.
Enfin, les produits aux fruits ultra-transformés tels que les
boissons à base de fruits, les confiseries de fruits, glaces,
desserts aux fruits et produits céréaliers aux fruits (barres
de céréales, biscuits, céréales pour le petit déjeuner) ne
doivent en aucun cas laisser à penser que la présence de
fruits les rend plus intéressants nutritionnellement.
Perspectives
Ce double examen exhaustif des impacts de la transformation sur le potentiel santé des fruits a soulevé certaines
lacunes dans la recherche (8, 31) :
• 1) On peut constater une absence de méta-analyses pour
de nombreuses associations. Il y a notamment un manque
d’études concernant la transformation des fruits en lien
avec la santé humaine, par exemple pour préciser l’impact
de l’ajout de sucres, des couplages temps/températures
de pasteurisation/cuisson, du séchage, de l’utilisation de
haute pression, du degré de raffinage des jus de fruits.
Davantage d’études de cohorte, suivies de méta-analyses,
sont nécessaires, principalement pour évaluer les produits
peu transformés tels que les purées de fruits sans sucre
ajouté ou fruits séchés, ainsi que les fruits en conserve,
avec des comparaisons pour divers fruits.
• 2) Par ailleurs, davantage d’études interventionnelles
sont nécessaires pour étudier l’effet “matrice” des produits à base de fruits en fonction de leur degré de transformation. De plus, les résultats concernant l’effet du traitement sur l’Index glycémique (IG) restent contradictoires,
notamment en raison de la présence de fructose (IG < 20)
qui biaise les interprétations. Par conséquent, d’autres
études sont également nécessaires pour étudier - au-delà
de la teneur en fructose - comment la désintégration de
la matrice des fruits par le traitement peut affecter l’IG
des produits à base de fruits, par exemple dans les fruits
entiers, la compote et les purées de fruits et les jus de
fruits.
Comme nous en avons discuté dans un article précédent
(33), l’inclusion du degré de transformation des fruits dans
les études épidémiologiques (c’est-à-dire dans les questionnaires de fréquence alimentaire) semble aujourd’hui nécessaire pour tirer des conclusions plus solides concernant les
résultats pour la santé et pour élaborer des recommandations publiques plus claires concernant notamment la qualité des fruits et des produits à base de fruits.
n
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Nutritions & Endocrinologie • Janvier-Février 2020 • vol. 18 • n° 91