LES CAHIERS
DE
SAINT-MICHEL DE CUXA
XLIII
2012
Gestes et techniques de l’artiste
à l’époque romane
Actes des XLIIIes Journées romanes de Cuxa
6-13 juillet 2011
ASSOCIATION CULTURELLE DE CUXA
Comité scientiique des Journées romanes et des Cahiers de Saint-Michel de Cuxa.
Les Cahiers de Saint-Michel de Cuxa éditent les textes des communications prononcées lors des Journées Romanes et
n’acceptent donc pas d’articles « spontanés ». Le comité scientiique est à la fois en charge de la préparation des Journées et
de la réception et acceptation des articles dans Les Cahiers.
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Besseyre, Département des Manuscrits, Bibliothèque nationale de France ; Barbara Drake Boehm, he Cloisters,
Metropolitan Museum of Art, New York (USA) ; Jordi Camps i Sòria, Musée national d’Art de Catalogne, Barcelone (Esp.) ;
Manuel Castiñeiras, Université Autonome de Barcelone (Esp.) ; Quitterie Cazes, Université de Toulouse II Le Mirail ; Gérard
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L’Association Culturelle de Cuxa, organisatrice des Journées Romanes et éditrice des Cahiers depuis 1969, est liée par des
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Université de Perpignan Via Domitia, Institut national d’histoire de l’art, Museu Episcopal de Vic
Ouvrage publié avec l’aide du Conseil Général des Pyrénées-Orientales et de la DRAC Languedoc Roussillon
© Association Culturelle de Cuxa, 2012
Photo de couverture : Majesté de Beget, détail de la tête après le processus de restauration.
Photo Centre de Restauració de Béns Mobles de Catalunya.
Note de l’éditeur
L’Association culturelle de Cuxa, éditeur associatif, bénévole, tient à s’excuser auprès des lecteurs des Cahiers de Saint-Michel de Cuxa pour les imperfections de ce volume,
qu’elle s’efforce de limiter sans toujours y parvenir.
Elle recevra avec gratitude toutes les suggestions faites par les lecteurs des Cahiers de Saint-Michel de Cuxa susceptibles de contribuer à leur amélioration.
Les articles sont réunis, corrigés et mis en page sous la responsabilité d’Aymat Catafau (catafau@univ-perp.fr). Textes revus avec la collaboration d’Olivier Poisson, Marc
Sureda, Anne Besnier-Desportes, Marie-Christine Charlet, Immaculada Lorés, Paule Nouvel et Marie Grau.
ISBN 978-2-9537149-3-7
ISSN 1140-7530
SOMMAIRE
Carles ManCho
Un métier très contemporain : les artistes du haut Moyen Âge ....................................................................................................9
Manuel CaStiñeiraS
Artiste-clericus ou artiste-laïque ? Apprentissage et curriculume vitae du peintre en Catalogne et en Toscane...........................15
elisabetta neri
Utilisation et production de tesselles de mosaïque à l’époque romane d’après le De diversis artibus ............................................31
anne Leturque
Le Liber Diversarum Artium : un intérêt renouvelé .....................................................................................................................43
Jean-Pierre CaiLLet
La mise à profit de manuscrits antérieurs en tant que modèles par les miniaturistes du VIIIe au XIIe siècle ...............................49
Giuseppa Z. ZaniCheLLi
Les livres de modèles et les dessins préparatoires au Moyen Âge .................................................................................................61
Marilena ManiaCi, Giulia orofino
Les « rouleaux d’Exultet » du Mont Cassin
(techniques de fabrication, caractéristiques matérielles, décoration, rapports avec les rouleaux grecs) .........................................71
alessia triveLLone
« Styles » ou enlumineurs dans le scriptorium de Cîteaux ? Pour une relecture des premières miniatures cisterciennes ..............83
rebecca SwanSon
Broderie de la Création ou broderie du Salut ? Propositions de lecture iconographique du « Tapís de Girona » ..........................95
immaculada LoréS, Josep Paret, Mia MarSé, M. José GraCia, Lourdes DoMeDeL
La sculpture romane catalane sur bois : étude et restauration du Christ de Casarilh et de la Majesté de Beget .........................101
Lucretia KarGère
La sculpture romane polychrome sur bois en Auvergne et Bourgogne :
étude technique de quatre sculptures du Metropolitan Museum de New York .........................................................................113
emmanuelle MerCier, Jana Sanyova
Art et techniques de la polychromie romane sur bois dans l’Europe du Nord ..........................................................................125
rosa M. GaSoL
Technique et matériaux des peintures murales romanes en Catalogne .....................................................................................135
Bénédicte PaLaZZo-BerthoLon
Archéologie du décor mural : la redécouverte du programme ornemental de stucs et d’enduits peints
dans l’ancienne église Sainte-Marie d’Alet-les-Bains .................................................................................................................149
hélène CaMBier
L’art de l’ivoire en question. À propos de la production mosane aux XIe et XIIe siècles.............................................................165
Claudine Lautier
Les vitraux romans de la cathédrale de Chartres. Techniques et gestes des peintres verriers ......................................................171
Magali orGeur
Techniques décoratives de carreaux de pavement (fin XIIe-première moitié du XIIIe siècle)......................................................183
Jean-Luc antoniaZZi
Une affaire diplomatique : la demande d’une relique insigne de Pierre Orseolo par la république de Venise
à l’abbaye de Saint-Michel de Cuxa..........................................................................................................................................195
Daniel CoDina i GioL
Sources littéraires de la Vita ou Gesta de saint Pierre Orseolo ...................................................................................................199
olivier PoiSSon
La tribune du prieuré de Serrabona et sa « balustrade » ............................................................................................................205
quitterie CaZeS
Conclusions .............................................................................................................................................................................217
CHRONIQUE .......................................................................................................................................................................221
RéSUMéS ..............................................................................................................................................................................229
« StyleS » ou enlumineurS
danS le SCRIPTORIUM de Cîteaux ?
Pour une relecture des premières miniatures
cisterciennes*
Alessia Trivellone
Université de Bourgogne, UMR 5594 ARTeHIS
Après de nombreuses études pionnières1, les manuscrits de Cîteaux du
XIIe siècle, chefs-d’œuvre de l’enluminure médiévale, furent recensés par Yolanta Załuska dans une thèse publiée, sous forme de catalogue, en 1989. L’ouvrage est imposant par ses descriptions fouillées et son érudition, qui en font
encore aujourd’hui le livre de référence pour ces manuscrits. La spécialiste y
proposait entre autres de regrouper les manuscrits sous quatre « styles » : le
style d’un enlumineur qui travaille uniquement dans le premier volume de
la Bible dite « d’étienne Harding » (ms 12 et 13), puis le « premier style », le
« deuxième » et le « monochrome ». Ce schéma simple et clair s’est imposé
par la suite : repris par toutes les publications postérieures, aucune nouvelle
étude stylistique de ces manuscrits n’a été entamée dans les deux dernières
décennies2. La façon dont le concept de « style » s’articule avec le travail dans
le scriptorium n’est toutefois pas précisée. Quel rapport donc entre « styles »
et enlumineurs ? Ces derniers peuvent-ils être mieux identiiés ?
À ces questions, j’essaierai de répondre en réléchissant d’abord au statut des
enlumineurs et en faisant le point sur l’œuvre des deux peintres principaux.
En partant ainsi d’un corpus restreint aux plus riches manuscrits du scriptorium (ill. 1), je reconsidèrerai leur œuvre et j’émettrai des hypothèses sur
leurs identités, dans le but de mieux ancrer l’histoire de ces miniatures dans
la vie de cette communauté monastique.
Les Cahiers de Saint-Michel de Cuxa, XLIII, 2012
*
Je sais gré à laurent Guitton et à valentino Pace
pour leurs relectures de l’article et leurs suggestions.
la plupart des miniatures des manuscrits de Cîteaux
sont reproduites sur le site Enluminures (www.
enluminures.culture.fr). les manuscrits cités dans
cette étude pour lesquels aucune indication de lieu
n’est mentionnée sont conservés à la Bibliothèque
Municipale de Dijon.
1. Parmi ces études, voir notamment C. oursel,
Miniatures cisterciennes (1109-1134), Mâcon
1960 ; id., « la genèse des manuscrits primitifs de
l’abbaye de Cîteaux sous l’abbatiat de saint Étienne
Harding », Mémoires de l’Académie des sciences,
arts et belles-lettres de Dijon, 114 (1961), p. 43-52 ;
J. Porcher, « l’enluminure cistercienne », A. Dimier,
J. Porcher, L’art cistercien, Saint-léger-vauban
1962, p. 320-329 ; J.-B. Auberger, L’unanimité
cistercienne primitive : mythe ou réalité ?, Achel
1986 ; A. M. romanini, « il “Maestro dei Moralia” e
le origini di Cîteaux », Storia dell’arte, 32/34 (1978),
p. 221-245 ; A. vannugli, « il “secondo maestro”
di Cîteaux e la sua attività in Borgogna », Arte
medievale, 2e ser. 3 (1989), 2, p. 51-72.
2. Y. Załuska, L’enluminure et le scriptorium de
Cîteaux au XIIe siècle, Cîteaux 1989.
Alessia Trivellone
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1 - Tableau des principaux manuscrits de Cîteaux.
leS enlumineurS : deS moineS de Cîteaux
3. romanini, « il Maestro ».
4. J. J. G. Alexander, Medieval Illuminators and their
Methods of Work, new Haven, london, 1992,
p. 12-18.
5. Pour l’édition des sources narratives et législatives
de Cîteaux, voir C. Waddell, Narrative and
Legislative Texts from Early Cîteaux. Latin Text in
Dual Edition with English Translation and Notes, s.l.
[Cîteaux] 1999, et Le origini cisterciensi. Documenti,
éd. C. Stercal e M. Fioroni, Milan 2004.
6. Capitula, XX-XXii, dans Le origini, p. 58-59 ;
Instituta, viii, dans Le origini, p. 174-175.
7. Capitula, Xvii-Xviii, dans Le origini, p. 56-57 ;
Instituta, vii, dans Le origini, p. 172-173.
8. Pour ce statut, cf. Le origini, p. 236-237 : Litterae
unius coloris fiant, et non depictae. Vitree albe fiant,
et sine crucibus et picturis.
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Alessia Trivellone
La question du statut des enlumineurs actifs à Cîteaux n’a jamais été posée.
Quand les chercheurs n’ont pas eu recours au concept de « style », ils ont évoqué des « maîtres enlumineurs ». C’est le cas d’Angiola Maria Romanini, selon laquelle de véritables ateliers avec des maîtres et des assistants travaillaient
à Cîteaux au premier tiers du XIIe siècle3. Cette hypothèse, jamais reprise par
l’historiographie postérieure, semble de fait fondée sur une conception d’atelier qui s’inspire de la Renaissance : il paraît abusif de la transposer de manière
acritique au scriptorium de l’abbaye de Cîteaux, qui n’accueillait qu’une vingtaine de moines à l’époque de la réalisation de ses plus riches manuscrits. Or,
Jonathan Alexander a montré que si jusqu’au XIe siècle l’enluminure dans les
abbayes est normalement le fait des moines, c’est précisément au XIe siècle et
plus massivement à partir du XIIe que des enlumineurs laïcs, bien que rares,
sont attestés4. Qu’en est-il à Cîteaux ?
Les sources normatives de Cîteaux réglant la vie dans la communauté fournissent des indices indirects sur cette question5. La Charte de charité et les
Statuts citent des personnages qui viennent aider les moines dans leur tâches
quotidiennes : c’est le cas des convers, qui s’occupent du travail des champs6,
et des femmes qui viennent aider à l’élevage du bétail et à d’autres tâches
de la vie quotidienne7. Les sources normatives font également allusion à la
décoration des manuscrits : c’est le cas du très célèbre statut 82 du chapitre
général de Cîteaux (entre 1133/34 et 1147), qui établit que les lettres initiales
soient d’une seule couleur8. Dans ce cas, des enlumineurs extérieurs ne sont
pas cités, ce qui laisse penser que la norme s’adresse de manière implicite aux
moines de Cîteaux.
Une image fournit un autre indice sur cette question. Dans le ms 130, au
f. 103v (ill. 2), le scribe Oisbertus, moine de Saint-Vaast d’Arras, explique dans
une notice qu’étienne Harding (abbé de Cîteaux, 1108-1133/34), lors d’une
visite à l’abbaye arrageoise, établit un accord de fraternité entre cette dernière et
Les Cahiers de Saint-Michel de Cuxa, XLIII, 2012
2 - Dijon, Bibliothèque Municipale, ms 130, f. 104r.
Cîteaux et demande à Oisbertus les Commentaires sur Jérémie de Jérôme pour
l’abbaye bourguignonne. Le moine copie donc le manuscrit et réalise probablement aussi l’image au f. 104r, en vis-à-vis du texte, qui le représente lorsqu’il
tend le livre vers le haut et de gauche à droite, comme dans une double ofrande
à la Vierge et à étienne Harding9. Cette notice est un témoignage important de
l’échange de manuscrits entre des abbayes et semble attester que les miniatures
étaient le fait des moines. De plus elle est l’une des nombreuses preuves de
l’attention qu’étienne Harding, abbé de Cîteaux, portait aux manuscrits10. Oisbertus n’est certes pas un moine de Cîteaux, mais l’intervention des religieux de
l’abbaye bourguignonne semble logique là où des manuscrits enluminés sont
décorés par la même main à plusieurs années d’intervalle : il pourrait donc s’agir
de moines qui ont vécu durablement à l’abbaye.
La pratique de l’enluminure à Cîteaux ressemble par ailleurs à une véritable
activité spirituelle et intellectuelle, au point que certaines miniatures sont à
considérer comme une forme d’exégèse biblique11. Il est donc raisonnable
de penser que les miniatures de Cîteaux ont été réalisées par les moines de
l’abbaye.
Il est possible de distinguer dans le scriptorium des enlumineurs à la personnalité très aichée. Dans les pages qui suivent, nous allons reconstruire l’œuvre
des deux artistes principaux et tenterons de mieux déinir leur identité.
Les Cahiers de Saint-Michel de Cuxa, XLIII, 2012
9. Załuska, L’enluminure, n. 94, p. 271-272 (qui
transcrit la notice). la notice ne qualifie pas oisbertus
d’enlumineur, mais de copiste. il semble toutefois
logique qu’il soit aussi l’auteur de l’enluminure, que
les inscriptions rapprochent d’une prière faite à la
vierge pour les deux abbayes et pour oisbertus
même. Y. Załuska (L’enluminure, p. 271) pense
également qu’oisbertus est l’enlumineur : son style
se rapprocherait, selon elle, des miniatures de Saintvaast d’Arras.
10. l’implication d’Étienne Harding dans le
scriptorium est connue. il dota le monastère de la
Bible qui porte son nom (ms 12-15), contenant une
nouvelle version du texte biblique, et d’un hymnaire
avec une nouvelle version des chants ambrosiens
(C. Stercal, Stefano Harding : elementi biografici e
testi, Milan 2001, p. 51-60).
11. Sur cette question, je me permets de renvoyer à
mes études : « images et exégèse monastique dans
la Bible d’Étienne Harding », L’exégèse monastique
de la Bible en Occident, XIe-XIVe siècle, Actes du
colloque (Strasbourg, 10-12 septembre 2007), éd.
G. Dahan et A. noblesse-rocher, sous presse ;
« Commentare attraverso le immagini : miniature e
esegesi nella Bibbia di Stefano Harding », Codex
Aquilarensis, 28 (2012) (= Actes du colloque
Pensar en imágenes, pensar con imágenes en
la Edad Media, Aguilar de Campoo, Palencia,
7-9 octobre 2011, éd. G. Boto varela), sous presse.
Alessia Trivellone
85
3 - Dijon, Bibliothèque Municipale, ms 168, f. 4v.
4 - Dijon, Bibliothèque Municipale, ms 14, f. 13v.
5 - Dijon, Bibliothèque Municipale, ms 135, f. 177v.
6 - Dijon, Bibliothèque Municipale, ms 173, f. 29.
7 - Dijon, Bibliothèque Municipale, ms 14, f. 14r.
86
Alessia Trivellone
8 - Dijon, Bibliothèque Municipale, ms 135, f. 2v.
Les Cahiers de Saint-Michel de Cuxa, XLIII, 2012
un enlumineur anglaiS danS le SCRIPTORIUM :
Étienne Harding en PerSonne ?
Les miniatures les plus célèbres du fonds de Cîteaux se trouvent dans le deuxième tome de la Bible d’étienne Harding, que ce dernier it copier au début
de son abbatiat (ms 14 et 15, complétés au plus tard en 1111), et dans les
Moralia in Iob (ms 168 à 170, 173 ; 1111). Ces miniatures sont caractérisées
par une observation attentive de la nature et des détails de la vie quotidienne ;
les corps humains, les vêtements et les animaux sont rendus avec fraîcheur et
parfois humour, dans un dessin toujours agile et synthétique (ill. 3)12.
Il est généralement reconnu qu’un même enlumineur a réalisé la totalité des
miniatures de la Bible et des Moralia, ce que semblent indiquer les ressemblances dans les traits des dessins et les physionomies des personnages13. Cet
enlumineur réalise ainsi des miniatures très diférentes : les compositions les
plus graves et majestueuses de la Bible (par ex. le roi David au début des
Psaumes, ms 14, f. 13v, ill. 4) et les miniatures libres et d’inspiration fantastique des Moralia (par ex. ms 168, f. 4v [ill. 3] ; 169, f. 5 ; ms 173, f. 29
[ill. 6], 66, 103v, 148, etc.) sont toutes issues de son travail. La pose des
couleurs varie aussi de manière sensible. Dans la plupart des miniatures de
la Bible, d’amples zones rentent sans couleurs (comme par ex. dans l’épisode
de la pendaison d’Aman, ms 14, f. 122v, ou dans la miniature de David au
centre de la Jérusalem terrestre, ms 14, f. 13v, ill. 4)14. Dans les Moralia, les
couches de couleur se font plus denses et couvrent toutes les surfaces, surtout
dans le ms 173.
Or, ce même peintre pourrait avoir réalisé à mon avis d’autres miniatures.
Le ms 135, contenant les Lettres et les Sermons de Jérôme, est le plus riche
du fonds. Son frontispice et ses 142 initiales, datés par Y. Załuska des années 1120, semblent à première vue moins originaux que les miniatures des
Moralia. Pour Y. Załuska, l’enlumineur des Lettres serait ainsi essentiellement
un « ornemaniste », « dépourvu de cette fantaisie débordante et créatrice qui
distinguait le premier Maître »15.
Après une observation attentive, il semble toutefois que l’enlumineur du
ms 135 a une grande inventivité. Elle se manifeste dans des créations originales
comme les initiales V et E imbriquées au f. 23 (ill. 11) ou le Q et le I au f. 17v
(ill. 10) liés entre eux par des entrelacs qui traversent les colonnes de la page,
dans une composition très libre. Dans les Lettres, la igure humaine apparaît
rarement, mais elle est souvent représentée dans des situations paradoxales :
dans l’initiale N du f. 177v (ill. 5), l’homme accroché à la hampe diagonale
semble vouloir s’échapper du chien qui lui mord le bras, mais se retrouve face
à face avec un serpent. L’étrangeté de la situation rappelle la fraîcheur des
inventions de l’enlumineur des Moralia (cf. par ex. le ms 173, f. 29, ill. 6).
Les initiales historiées des Lettres, comme celle représentant la Résurrection
(f. 182) ou l’Annonciation aux bergers (f. 183v), mettent également en scène
les thèmes avec une créativité remarquable, tout en montrant un traitement
plastique diférent de celui des miniatures de la Bible et des Moralia.
Que l’enlumineur des Lettres soit le même que celui des Moralia semble
prouvé par la comparaison de l’initiale B (Beatus) du premier Psaume de
la Bible (ms 14, f. 14r, ill. 7), où un centaure est pris dans de la végétation,
avec le frontispice des Lettres (ill. 8). À côté de la ressemblance du feuillage,
on remarquera qu’à sujet identique, correspond un même traitement plastique : dans les deux cas, l’impasse du personnage et du centaure s’accompagne d’une absence de volume. Les deux images semblent bien être l’œuvre
du même enlumineur. Les similitudes dans la représentation des mains des
deux personnages en sont un indice supplémentaire16.
Les Cahiers de Saint-Michel de Cuxa, XLIII, 2012
12. Sur l’humour de ces miniatures, voir
U. nilgen, « Historischer Schriftsinn und ironische
Weltbetrachtung : Buchmalerei im frühen Cîteaux
und der Stein des Anstoßes », Bernhard von
Clairvaux : Rezeption und Wirkung im Mittelalter
und in der Neuzeit, éd. K. elm, Wiesbaden 1994
(Wolfenbütteler Mittelalter-Studien, 6), p. 67-140.
il ne faudra pas oublier toutefois que sous leur
apparence humoristique ces miniatures peuvent avoir
un contenu très profond. Sur les initiales des Moralia,
voir par exemple Conrad rudolph, Violence and
Daily Life : Reading, Art, and Polemics in the Cîteaux
Moralia in Job, Princeton 1997.
13. Selon Y. Załuska (L’enluminure, p. 79),
l’enluminure au f. 52v des Moralia pourrait être d’un
autre enlumineur, mais les différences ne justifient pas
à mon sens cette conclusion.
14. Sur cette dernière image, je me permets de
renvoyer à mon article : « Cîteaux et l’Église
militante : ecclésiologie et altérité à travers les
enluminures des manuscrits réalisés sous Étienne
Harding (1108-1133) », Revue Historique, 313 (2011),
p. 713-744.
15. Załuska, L’enluminure, p. 82.
16. les deux peintres figurent de manière identique
certaines parties du corps humain, comme les pieds
ou les mains. on peut comparer par ex. les pieds des
personnages dans le ms 15, f. 68 et f. 83v, avec ceux
de l’homme de l’initiale C dans le ms 135, f. 79v.
Alessia Trivellone
87
11 - Dijon, Bibliothèque Municipale, ms 135,
f. 23.
9 - Dijon, Bibliothèque Municipale, ms 14,
f. 136v.
10 - Dijon, Bibliothèque Municipale, ms 135,
f. 17v.
17. Sur ce manuscrit, voir Załuska, L’enluminure,
p. 82-84, et n. 5, p. 207-209.
18. Cela est reconnu également par Załuska,
L’enluminure, p. 223.
19. Załuska, L’enluminure, p. 80-81, n. 5,
p. 204-206. les ressemblances des miniatures de
ces deux manuscrits avec celles de la Bible sont
évidentes si on compare les deux frontispices avec
l’initiale P de l’épître aux romains (ms 15, f. 94).
20. Cf. par exemple C. nordenfalk, « l’enluminure à
l’époque romane », dans A. Grabar, C. nordenfalk,
La peinture romane, Genève 1958, p. 203 (il
pense que les calendriers anglais ont pu inspirer
les miniatures des Moralia) ; C. r. Dodwell, Painting
in Europe 800 to 1200, Harmondsworth 1971,
p. 91-92 ; romanini, « il Maestro ».
La comparaison peut être élargie aux autres initiales des Lettres représentant des entrelacs de végétation et éventuellement des animaux : elles se
rapprochent de celles de la Bible représentant le même sujet, comme le démontrent l’initiale O du ms 14, f. 136v, et l’initiale Q du 135, f. 17v (ill. 9
et 10) : encore une fois, rien ne permet de penser qu’elles soient l’œuvre d’un
artiste diférent.
Enin, l’observation aigüe des activités humaines à l’origine des initiales les
plus célèbres des Moralia représentant des moines au travail (par ex. ms 170,
f. 59 et 75v, ill. 12) inspire également des miniatures des Lettres, comme celle
au f. 114v, igurant un homme travaillant la vigne (ill. 13).
Ces considérations poussent, à mon sens, à attribuer à l’enlumineur de la
Bible et des Moralia la décoration des Lettres de Jérôme (ms 135)17. Celui-ci
réalise probablement aussi de nombreuses initiales du cinquième tome du
Légendier de Cîteaux (ms 642)18, dont certaines sont identiques à celles des
Lettres (ms 135, f. 104r, et ms 642, f. 61r ; ms 135, f. 82v, et ms 642, f. 74v).
Comme conséquence de notre hypothèse, ces initiales du Légendier seraient
donc également l’œuvre de l’enlumineur de la Bible et des Moralia (ill. 14).
Dans ce manuscrit, ce peintre se consacre ainsi également à la représentation
d’images hagiographiques (ill. 15). Les miniatures partagent avec celles de la
Bible et surtout des Moralia le trait libre et continu du dessin et une prédilection pour les formes rondes.
On pourrait enin attribuer au même auteur également la décoration des
ms 145 et 147, contenant les Enarrationes in Psalmos d’Augustin, que
Y. Załuska considérerait comme appartenant au « premier style »19.
En déinitive, l’enlumineur à qui jusqu’à présent on a attribué uniquement le
deuxième tome de la Bible et les Moralia aurait travaillé à Cîteaux à au moins
quatre autres manuscrits, à savoir les Lettres de Jérôme, les Enarrationes in
Psalmos d’Augustin et le cinquième volume du Légendier (ill. 1). L’œuvre de
ce peintre s’échelonnerait ainsi sur deux décennies, à savoir les années 1110
et 1120, fourchette chronologique que Y. Załuska retient pour les manuscrits
mentionnés, sur la base d’observations paléographiques.
Les historiens de l’art ont toujours considéré, en se fondant sur l’observation
du style, que l’enlumineur de la Bible et des Moralia est anglais20. Plusieurs
études indépendantes l’une de l’autre ont ensuite indiqué des détails iconographiques qui conirment cette origine géographique du peintre. Ainsi, dans
la Bible, le fauteuil à bras mobiles représenté au début des Actes des Apôtres
88
Alessia Trivellone
Les Cahiers de Saint-Michel de Cuxa, XLIII, 2012
12 - Dijon, Bibliothèque Municipale, ms 170, f. 59.
13 - Dijon, Bibliothèque Municipale,
ms 135, f. 114v.
(ms 15, f. 68) est un modèle attesté uniquement en Angleterre21. La harpe
du roi David (ms 14, f. 13v, [ill. 4]) serait aussi d’une forme connue dans
les Îles britanniques22. À ces remarques, on pourrait ajouter le système de
notation inscrit sur l’orgue d’un des musiciens de David : il s’agit du système des lettres utilisé dans les pays anglo-saxons (C, D, E, etc.) diférent de
celui introduit par Guido d’Arezzo (Ut, Re, Mi, etc.) et utilisé en France au
début du XIIe siècle. L’enlumineur semble connaître également des manuscrits réalisés dans les Îles Britanniques. Selon une proposition convaincante
de C. Treat Davidson, le ruisseau et les oiseaux de l’initiale Q au début du
35e chapitre des Moralia (ms 173, f. 174) s’inspireraient de ceux du mois
d’octobre de quelques calendriers anglo-saxons du XIe siècle (Londres, BL,
Cotton Tiberius B. V, f. 7v ; Cotton Iulius A. VI, f. 7v)23. Enin, selon Walter
Cahn, l’insertion de l’image d’Arius au début de l’évangile de Jean dans la
Bible d’étienne Harding (ms 15, f. 56v) s’inspirerait de l’évangéliaire d’Eadvius, enluminé à Canterbury aux environs de 102024.
Ces éléments semblent indiquer que l’enlumineur est anglais et a voyagé en
Angleterre, dans plusieurs monastères, où il a eu accès à diférentes bibliothèques et manuscrits. Or, l’abbé étienne Harding correspond à ce proil.
Après avoir été oblat au monastère de Sherborne, il voyagea en efet dans les
Îles britanniques avant de rejoindre le continent25. Pourrait-il être identiié
avec l’enlumineur anglais, comme Jean Porcher proposait déjà en 1962, mais
sans apporter beaucoup d’éléments à l’appui de son hypothèse26 ?
Ce que l’on sait sur les membres de la communauté de Cîteaux ne permet
pas de répondre à cette question de manière déinitive. À l’époque de la réalisation des manuscrits, les moines devaient être une vingtaine27. On connaît
les noms de six d’entre eux, mentionnés dans l’Exordium parvum et dans la
Historia ecclesiastica d’Orderic Vital : outre l’abbé, on recense Pierre, Eudes,
Létald, Jean, Hilbode28. Pour aucun des moines, n’est mentionnée une origine anglaise, sauf évidemment pour l’abbé. On peut en déduire soit que les
miniatures sont l’œuvre d’un moine anglais dont les sources ne conservent
aucune trace, mais qui, pour sa provenance, devait avoir un lien privilégié avec
l’abbé29, soit que l’enlumineur est étienne Harding. Cette dernière hypothèse
est plausible : on connaît en efet plusieurs abbés enlumineurs au Moyen Âge,
parmi lesquels Macregol, abbé de Birr, en Irlande (†822), Salomon III de Saint
Gall (†919), Dunstan, abbé de Glastonbury (†957), Otbert, abbé de SaintBertin à Saint-Omer (968 ca.-1007), Mannius, abbé d’Evensham (†1066)30.
Les Cahiers de Saint-Michel de Cuxa, XLIII, 2012
21. J. vezin, « Un curieux meuble médiéval, le
fauteuil à bras mobiles des scribes », Mélanges de la
Bibliothèque de la Sorbonne offerts à André Tuilier,
Paris 1988, p. 87-93.
22. r. Cordonnier, l. Barthet, l. Dieu, F. Cognot,
« Une oeuvre remarquable. le frontispice des
Psaumes de la Bible d’Étienne Harding », Histoire et
images médiévales, 31 (2010), p. 65-69 : p. 68.
23. C. Treat Davidson, « Sources for the initials
of the Cîteaux “Moralia in Job” », Studies in
Cistercian art and architecture, éd. M. Parsons lillich,
Kalamazoo 1987, p. 46-68 : p. 57-58 et fig. 26.
Sur les deux manuscrits, voir e. Temple, Anglo-Saxon
Manuscripts 900-1066, londres 1976, dans l’ordre
p. 80, cat. 62 et p. 104, cat. 87. les miniatures
sont reproduites également sur le site https ://
imagesonline.bl.uk.
24. W. Cahn, « A Defense of the Trinity in the
Cîteaux Bible », Marsyas, 11 (1962-1964), p. 58-62
(rééd. id., Studies in Medieval Art and Interpretation,
londres, 2000, p. 1-14). l’incipit de l’Évangile de
Jean a été souvent utilisé par les pères de l’Église
dans leurs réfutations de l’hérésie arienne. les
deux images pourraient donc découler d’une
réflexion indépendamment l’une de l’autre. Sur cette
miniature, je me permets de renvoyer à A. Trivellone,
L’hérétique imaginé. Hétérodoxie et iconographie en
Occident de l’époque carolingienne à l’Inquisition,
Turnhout 2009, p. 174-188.
25. la seule source sur la vie d’Étienne Harding
sur la période précédente à la fondation du
nouveau Monastère est la chronique de Guillaume
de Malmesbury, Gesta Regum anglorum, dans
William of Malmesbury, Gesta Regum anglorum,
The History of the English Kings, éd. r. A. B. Mynors,
r. M. Thomson et M. Winterbottom, 6 vol., oxford
1998, vol. i, lib. iv, §334, p. 380-381.
26. Porcher, « l’enluminure cistercienne », dans
A. Dimier, J. Porcher, L’art cistercien, Saint-léger-vauban
1962, p. 320-329, p. 321 ; J. Porcher, L’enluminure
française, Paris 1959, p. 18-20. Cette hypothèse est
commentée avec beaucoup de prudence par Załuska,
L’enluminure, note 33 à la p. 76.
27. Selon les sources, au moment de la fondation du
nouveau Monastère les moines auraient été entre 18
et 22 (cf. Le origini, note 20 à la p. 23 ; orderic
vital semble indiquer que les moines étaient douze
plus l’abbé, mais il pourrait s’agir d’une erreur de
transcription dans quelques manuscrits ; cf. orderic
vital, Historia ecclesiastica, viii, 26, 75, dans The
Ecclesiastical History of Orderic Vitalis, éd. et trad.
M. Chibnall, 6 t., oxford 1969-1980, t. iv (1973),
p. 325). en 1108, ce nombre avait dû varier : robert
avait réintégré l’abbaye de Molesme, emmenant
avec lui quelques moines, alors que son successeur
Alberic était décédé. on ne peut pas exclure que
d’autres moines aient pu intégrer entretemps le
nouveau Monastère.
28. les cinq premiers sont nommés dans un décret
d’Hugues de Die (cf. Exordium Parvum, v, Le origini,
p. 75) ; Jean et Hibolde sont en revanche mentionnés
dans le Petit exorde lors d’une mission auprès du
pape en 1100 (Exordium parvum, X, 2, Le origini,
p. 91) et seraient originaires d’Arras (orderic vital,
Historia ecclesiastica, viii, 26, 75, p. 325).
29. l’abbé a eu jusqu’à sa mort des rapports
privilégiés avec ses compatriotes et sa terre natale.
l’abbaye fut par exemple proche du roi anglais
lors de la guerre opposant Henri ier et louis vi le
Gros (A. Trivellone, « Triomphe d’esther, ambiguïté
d’Assuérus. Église et royauté à Cîteaux, sous
l’abbatiat d’Étienne Harding », Revue Mabillon, 21
(2010), p. 77-104 : p. 102). De plus, une des trois
lettres connues d’Étienne Harding fut envoyée aux
moines de Sherborne (cf. Stercal, Stefano Harding,
p. 81-87).
30. Sur ces abbés, cf. Alexander, Medieval
Illuminators, p. 6-10. l’exemple de l’abbé de Saintomer a été mentionné également par Porcher ;
« l’enluminure », p. 321.
Alessia Trivellone
89
14 - Dijon, Bibliothèque Municipale, ms 642,
f. 58.
31. Guillaume de Malmesbury, Gesta rerum
anglorum, p. 380-385.
32. Trivellone, L’hérétique imaginé, p. 178-188.
33. reproduite dans J. Malo-renault, « la lettre
ornée au Moyen Âge (d’après les manuscrits de
Montpellier) », Revue de l’art, 65 (1934), p. 97-110
et 145-164, fig. 32 à la p. 150, et dans vannugli,
« il “secondo maestro” », fig. 23. Sur ce manuscrit
cf. Załuska, L’enluminure, n. 87, p. 261-262. Selon
A. vannugli (« il “secondo maestro” », p. 65),
elle pourrait avoir été réalisée par l’enlumineur
des Moralia. Selon Y. Załuska la miniature est « à
comparer avec les figures féminines du premier style
de Cîteaux », p. 262.
34. le dessin au f. 43 a été également gratté. Pour
ce statut, cf. supra, note 8. la censure a toutefois
épargné d’autres initiales représentant des monstres,
des animaux ou des têtes parmi des entrelacs : c’est
le cas du F au f. 52v (têtes), du i au f. 53v (animaux),
du A au f. 58v (homme qui transperce un dragon) ;
du v au f. 61 (dragon mordant un poisson) ; du P
au f. 72v (tête de dragon mordant la hampe de la
lettre) ; du S au f. 75 (dragon parmi des entrelacs) ;
du i au f. 79 (tête de femmes au sommet de la lettre).
35. il faudrait alors supposer que le manuscrit ait été
réalisé vers la fin de l’abbatiat d’Étienne Harding, ce
qui n’est pas démenti par l’analyse paléographique.
Selon Y. Załuska (L’enluminure, p. 128), le manuscrit
serait postérieur à celui des Lettres de Jérôme, réalisé
vers 1120.
36. Sur l’Apologie de Bernard, voir C. rudolph, The
Things of Greater Importance. Bernard of Clairvaux’s
Apologia and the Medieval Attitude Toward Art,
Philadelphia 1990, et D. Stutzmann, « la sobriété
ostentatoire : l’esthétique cistercienne d’après les
manuscrits de Fontenay », Culture et patrimoine
cisterciens. Colloque du vendredi 12 juin 2009,
Paris 2009, p. 46-86. Sur la complexe succession
d’Étienne Harding, voir A. H. Bredero, Bernard
de Clairvaux (1091-1153). Culte et histoire. De
l’impénétrabilité d’une biographie hagiographique,
trad. fr., Turnhout 1998, p. 249-252.
37. vannugli, « il “secondo maestro’ ».
38. il s’agit des ms 132 (Jérôme, Commentaires sur
le livre de Daniel, les petits Prophètes et l’Ecclésiaste)
(Załuska, n. 12, p. 215-217), 129 (Jérôme,
Commentaire sur Isaïe) (Załuska, L’enluminure,
n. 13, p. 217-219) ; 641-642 (légendier de Cîteaux)
(Załuska, L’enluminure, n. 14 et 17, p. 219-221 et
223-225) ; ms 180 (Grégoire le Grand, Lettres)
(Załuska, L’enluminure, n. 15, p. 222) ; ms 131 (Jérôme,
Commentaire sur Ézéchiel) (Załuska, L’enluminure,
n. 16, p. 222-223).
90
Alessia Trivellone
15 - Dijon, Bibliothèque Municipale, ms 642,
f. 65v.
16 - Dijon, Bibliothèque Municipale, ms 642,
f. 40.
Tout indique donc qu’étienne Harding pourrait être lui aussi un abbé-enlumineur. Dans les manuscrits de Cîteaux, de savantes constructions iconographiques sont l’œuvre d’un esprit cultivé et curieux, comme devait l’être celui
de l’abbé qui après avoir voyagé en Angleterre, avait fréquenté les écoles cathédrales en France et avait accompli un pèlerinage en Italie, jusqu’à Rome31.
Certaines images relètent d’ailleurs des soucis et des idées propres à l’abbé.
C’est le cas de la condamnation de la dialectique dans l’initiale I de l’évangile
de Jean dans la Bible (ms 15, f. 56v) : s’il est vrai que le mépris pour la philosophie est un topos du monde monastique, étienne avait connu personnellement la scolastique naissante dans les écoles cathédrales qu’il avait fréquentées
en France32. Pendant son long abbatiat, il pourrait alors avoir eu le temps de
réaliser, malgré les engagements de sa charge abbatiale, tous les manuscrits
que je propose d’attribuer à l’enlumineur anglais.
Ce dernier semble travailler exclusivement à Cîteaux, avec une seule exception : l’image de sainte Radegonde dans le manuscrit du légendier de SaintBénigne à Dijon, daté de la première moitié du XIIe siècle, pourrait être une
de ses créations (Montpellier, Bibliothèque interuniversitaire. Section de
Médecine, H 30, f. 29v)33.
L’œuvre de cet enlumineur semble s’arrêter de manière nette. Toutes les initiales qu’il réalise dans le Légendier sont en efet restées inachevées et sans coloration (ill. 14 et 15). Deux d’entre elles, igurant des hybrides, des animaux et
des têtes monstrueuses au milieu de la végétation (f. 40 et 43, ill. 16), ont été
oblitérées par d’autres extrêmement simples, monochromes, qui s’adaptent
aux principes énoncés par le statut 8234. Si étienne Harding en a été l’auteur,
on pourrait penser que ces initiales inachevées ont été ses dernières créations,
peu avant sa mort35. Il semble en efet clair que l’efacement des deux lettres a
été une censure, suivant la condamnation des sujets fantastiques exprimée par
Bernard de Clairvaux dans sa célèbre Apologie (vers 1124) et plus tard relayés
par le statut 82. Cette censure a pu être appliquée dans le scriptorium de
Cîteaux après la mort d’étienne Harding, dès l’avènement de son successeur
Rainard de Bar, moine de Clairvaux et disciple idèle de Bernard36.
Les Cahiers de Saint-Michel de Cuxa, XLIII, 2012
17 - Dijon, Bibliothèque Municipale, ms 132, f. 2v.
18 - Dijon, Bibliothèque Municipale,
ms 132, f. 191.
l’enlumineur « de formation byzantine » et leS lienS
de Cîteaux aveC l’italie mÉridionale
Les manuscrits les plus richement enluminés parmi ceux que Y. Załuska considère comme appartenant au « deuxième style » semblent, comme Antonio
Vannugli l’a mis en évidence, l’œuvre d’un seul auteur, qui est l’autre peintre
principal du scriptorium37. Celui-ci travaille à la décoration de plusieurs
manuscrits patristiques et de deux volumes du Légendier, son répertoire se
limitant à des thèmes hagiographiques ou mariaux38. Ses compositions sont
majestueuses et graves, le dessin et les nuances chromatiques délicats (ill. 17
et 18). Tous les auteurs ont détecté dans sa manière une familiarité avec la
peinture byzantine, conjuguée à des inluences arabisantes dans des détails
décoratifs marginaux (par ex. dans le cadre de la miniature du ms 132, f. 2r)
et ont émis l’hypothèse d’une provenance d’Italie méridionale39. Compte tenu
du grand nombre des manuscrits qu’il décore (ill. 1) et du nombre réduit de
signes qu’il laisse en dehors de Cîteaux, que l’on détaillera plus loin, il est
probable qu’il s’agisse dans ce cas aussi d’un moine de cette abbaye.
Quelques unes de ses créations iconographiques sont d’un grand intérêt. Deux
représentations de l’arbre de Jessé (ms 641, f. 40v [ill. 19], et ms 129, f. 4v)
sont parmi les premiers occurrences de ce thème en Occident, ainsi que la
Vierge allaitant et Eleusa, qui y sont inclues et qui se difusent seulement au
XIIIe siècle : leur origine est indubitablement byzantine40.
La présence d’un moine-enlumineur connaissant des styles et des formules
iconographiques orientales n’étonnera pas si l’on pense aux rapports entre la
Bourgogne et l’Italie méridionale. Entre la in du XIe et le début du XIIe siècle,
dans la miniature de Cluny ainsi que dans les fresques de la chapelle des moines
à Berzé-la-Ville, la présence d’un style « italo-byzantin » a été mise en exergue41.
étienne Harding avait déjà accompli un voyage à Rome pendant le pontiicat de Grégoire VII, avant d’entrer à Molesme, et connut personnellement
Calixte II, à l’époque où il était l’archevêque de Vienne. Le pontife avait
à son égard une grande considération et il approuva la Charte de Charité,
écrite par étienne, en 1119. Depuis sa fondation, Cîteaux met en œuvre
une politique philo-papale et développe des contacts avec Rome. En 1100,
l’abbé Aubry envoie deux moines chez le pape ain d’obtenir la conirmation
du décret de fondation du Nouveau Monastère : la curie n’étant pas à Rome,
Les Cahiers de Saint-Michel de Cuxa, XLIII, 2012
19 - Dijon, Bibliothèque Municipale, ms 641,
f. 40v.
39. Seul J. Porcher pense qu’il s’agit d’une influence
mozarabe (« l’enluminure cistercienne », p. 322-323 ;
id., L’enluminure française, p. 32). l’« influence »
byzantine a été remarquée également par Dodwell,
Painting in Europe, p. 177 ; F. Avril, Les arts de la
couleur, dans F. Avril, X. Barral i Altet, D. GaboritChopin, Le monde roman [II]. Les royaumes
d’Occident, Paris 1983, p. 198-203 (qui parle de style
« italo-byzantin ») ; Załuska, L’enluminure, 113-119.
40. Sur ces innovations iconographiques, cf. Załuska,
L’enluminure, p. 134-142, avec une riche bibliographie
sur ce sujet.
41. Sur la miniature à Cluny, voir la récente étude de
F. Crivello, « l’enluminure à Cluny vers 1100 autour
de la Bible de Pons de Melgueil », Cluny, 910-2010.
Onze siècles de rayonnement, éd. n. Stratford, Paris
2010, p. 130-143 (avec bibliographie précédente).
Sur les fresques de Berzé-la-ville, voir D. russo,
« espace peint, espace symbolique, construction
ecclésiologique, les peintures de Berzé-la-ville
(chapelle des moines) », Revue Mabillon, n. s. 11, t. 72
(2000), p. 57-87 (avec indication de la bibliographie
précédente).
Alessia Trivellone
91
42. Sur ces questions, je me permets de renvoyer
à mon article « Cîteaux, les papes et la réforme
« grégorienne » : l’engagement actif des moines
à travers les miniatures réalisées sous l’abbatiat
d’Étienne Harding (1108-1133/34) », Revue de l’art,
sous presse.
43. Crivello, « l’enluminure », p. 132-136.
44. Le musée des Beaux-Arts de Dijon, Paris 2002
(notice de S. Jugie) ; e. Starcky, Le Musée des beauxarts de Dijon, Dijon 2002, p. 28.
45. A. lipinsky, « Cimeli cavensi. i. la stauroteca
aurea della Badia della SS. Trinità di Cava dei
Tirreni », Apollo, 1 (1961), p. 99-107 ; id., « l’arte
orafa in Amalfi nell’undicesimo secolo », Rassegna
del Centro di Cultura e Storia Amalfitana, 3, fasc. 5
(1983), p. 22-32. Je sais gré à Mme Élisabeth
Taburet-Delahaye, directrice du Musée de Cluny, et
à Mme Sophie Jugie, directrice du Musée des BeauxArts de Dijon, pour leurs suggestions et leurs conseils
bibliographiques.
46. valentino Pace a en effet remis en discussion
la datation de la staurothèque de Cava de’ Tirreni :
selon lui, le reliquaire pourrait être daté du Xiiie siècle ;
cf. v. Pace, « Staurotheken und andere reliquiare
in rom und in Süditalien (bis ca. 1300). ein erster
versuch eines Gesamtüberblicks », ... das Heilige
sichtbar machen : Domschätze in Vergangenheit,
Gegenwart und Zukunft, éd. U. von Wendland,
regensburg 2010, p. 137-160 : p. 144-145.
47. Le origini, p. 79.
48. Le origini, p. 85.
49. Cf., à ce propos, Załuska, L’enluminure, p. 259265. Sur le manuscrit le la Ferté-sur-Grosne, voir
aussi M. Portelli, « les Morales sur Job de SaintGrégoire le Grand provenant de l’abbaye de
la Ferté-sur-Grosne et la production livresque de
l’abbaye de Cîteaux au Xiie siècle », Annales de
Bourgogne, 75/1 (2003), p. 81-92.
50. Cf. encore supra, note 11.
92
Alessia Trivellone
ils doivent se rendre jusque dans les Pouilles, à Troia42. Est-il possible que
suite à ces contacts, un moine-enlumineur romain ou italo-méridional ait
intégré le Nouveau Monastère ? Les sources écrites ne disent rien à ce sujet,
mais l’hypothèse est plausible. À la même époque, un moine appelé Obizo,
issu du Latium et probablement romain, est présent à Cluny. Par ailleurs, selon Fabrizio Crivello, le relais pour les inluences « italo-byzantines » à Cluny
pourrait justement être Rome43.
À la lumière de ces relations entre l’Italie byzantine et la Bourgogne, on pourrait par ailleurs reconsidérer le bâton pastoral aujourd’hui conservé au Musée
des Beaux-Arts de Dijon. Cité dans un inventaire du trésor de l’abbaye en
1689, une légende attestée à partir du XVIe siècle l’identiie avec la crosse de
Robert de Molesme44. Sur la base de comparaisons avec une staurothèque de
Cava de’ Tirreni et une aiguière fatimide du trésor de Saint-Denis, aujourd’hui
au Louvre, Angelo Lipinsky a émis l’hypothèse qu’il a pu être réalisé à Amali
au tournant des XIe et XIIe siècles45. Des doutes subsistent cependant autour
de cette datation46. Dans l’attente de nouvelles études qui puissent vériier
cette hypothèse, on remarquera que la présence d’un objet provenant d’Italie
méridionale entre la in du XIe et le début du XIIe siècle ne serait pas incongrue
dans le réseau d’échanges entre cette région et la Bourgogne, ni contradictoire
avec la pauvreté supposée de la communauté de Cîteaux aux exordes de son
histoire. La crosse est en efet un objet chargé d’une profonde valeur symbolique, qui justiie sa préciosité. Il n’appartient d’ailleurs pas à l’abbé : l’Exordium parvum précise qu’un bâton pastoral a été donné à Robert de Molesme
par l’évêque de Chalon-sur-Saône lors de la fondation du Nouveau Monastère
et de son investiture en tant qu’abbé47. En 1099 le décret d’Hugues de Die
mentionne encore le pastoral de Robert et précise qu’il se doit de le remettre à
l’évêque avant de rentrer à Molesme48.
L’enlumineur « de formation byzantine » est aussi l’auteur d’une image de
saint Bénigne dans le Légendier de Saint-Bénigne de Dijon (Montpellier,
Bibliothèque interuniversitaire. Section de Médecine, H 30, f. CLXV), où
l’on trouve aussi, comme nous l’avons vu, la main de l’enlumineur anglais.
Il s’agit de la seule trace certaine de son activité en dehors de l’abbaye, alors
que d’autres images de la Bible de l’abbaye dijonnaise ainsi que les miniatures
d’autres manuscrits des abbayes illes de Cîteaux (La Ferté, Fontenay et Pontigny) semblent s’inspirer de ses créations49.
ConCluSion
Pour résumer, au sein de notre corpus, les miniatures des manuscrits que
Y. Załuska considérait du « premier style » et « apparentés au premier style »
semblent bien l’œuvre d’un seul auteur, à savoir de l’enlumineur anglais, à qui
on attribuait jusqu’à présent uniquement les miniatures de la Bible d’étienne
Harding et des Moralia in Iob. Selon la reconstruction proposée dans cet
article, il serait donc également l’auteur du frontispice et des 142 initiales
dans le manuscrit des Lettres de Jérôme (ms 135), de beaucoup d’initiales du
cinquième volume du Légendier de Cîteaux (ms 642), ainsi que du frontispice et de deux miniatures dans les Enarrationes in Psalmos (ms 145 et 147).
Compte tenu des sources sur la composition de la première communauté des
moines et des données biographiques concernant étienne Harding, cet enlumineur pourrait être identiié avec l’abbé en personne. La pratique de l’enluminure dans le scriptorium de Cîteaux apparaît ainsi en relation étroite avec
la vie et la méditation monastiques, comme l’analyse iconographique des
miniatures et la comparaison avec l’exégèse médiévale l’avaient déjà suggéré50.
Les Cahiers de Saint-Michel de Cuxa, XLIII, 2012
Les miniatures des manuscrits du « deuxième style » semblent aussi l’œuvre
d’un seul enlumineur, très probablement un moine de Cîteaux, familiarisé
avec une manière et des formules iconographiques byzantines. Il pourrait
s’agir d’un moine d’origine italo-méridionale ou romaine qui intégra Cîteaux
suite aux relations fréquentes que l’abbaye a eues avec le sud de l’Italie et la
papauté.
Dans cet essai, j’ai ainsi tenté de mieux déinir l’œuvre et l’identité des deux
enlumineurs principaux du scriptorium de Cîteaux. Il serait souhaitable d’approfondir la recherche et de l’élargir à d’autres manuscrits. D’un côté, on
pourrait analyser la manière dont ces deux peintres s’inluencent l’un l’autre
et la façon dont ils entrent en relation avec les autres enlumineurs du scriptorium. Les Lettres d’Augustin (ms 141) mériteraient en ce sens une étude
particulière : certaines initiales de ce codex sont en efet des copies de moins
bonne qualité que celles réalisées par l’enlumineur anglais dans d’autres manuscrits51. Ces miniatures pourraient donc être un témoignage des pratiques
d’apprentissage de l’enluminure au sein du scriptorium.
Le concept de « style » dans les manuscrits de Cîteaux pourrait ensuite être
mieux déini. En efet, en l’état actuel, on ne saurait déceler une volonté
d’uniformiser les manières propres des diférents enlumineurs au sein du
scriptorium de Cîteaux. Des miniatures très diférentes coexistent souvent
dans un même manuscrit52. Plus tard, même quand ils appliquent le statut 82, déjà nommé, qui impose que les initiales soient d’une seule couleur
et non depictae, les peintres produisent des miniatures très diférentes : l’étiquette de « style monochrome » sous laquelle Y. Załuska les regroupe semble
inadaptée53.
En déinitive, si le schéma des quatre « styles » semble à l’heure actuelle nécessiter une redéinition et une nouvelle articulation avec le travail des enlumineurs, ce fonds reste un laboratoire extraordinaire pour observer le fonctionnement du scriptorium d’un monastère médiéval. Le rôle déterminant
de l’abbé, l’implication des moines, l’échange de manuscrits entre plusieurs
abbayes, la circulation de moines-enlumineurs, la manière dont diférents
peintres s’inluencent l’un l’autre peuvent être observés dans un champ restreint, celui de l’abbaye de Cîteaux. Derrière ces chefs-d’œuvre de la miniature médiévale, se dessinent ainsi les proils des hommes qui les ont réalisés.
51. Certaines reprises de motifs et thèmes
iconographiques entre les peintres sont signalées
dans les descriptions des différents manuscrits par
Y. Załuska, ainsi que les initiales copiées dans le
ms. 141 (Załuska, L’enluminure, n. 19, p. 225-226 :
p. 225). il faudrait toutefois étudier ces reprises de
manière systématique et problématisée.
52. C’est le cas, par exemple, du ms 132, où des
initiales décidément peu élégantes (par ex. : f. 84bisv
et 126) coexistent avec les créations les plus raffinées
de l’enlumineur « de formation byzantine » (miniatures
aux f. 1, 2, 2v, et initiales aux f. 164 et 191).
53. Sur le statut, cf. encore supra, note 8. on pourra
comparer l’initiale G au f. 80v du ms 588, le F au
f. 2v dans le 156, le D au f. 41 du 151 et le S au f. 8
du 189. Sur le « style monochrome », cf. Załuska,
L’enluminure, p. 149-153.
Les Cahiers de Saint-Michel de Cuxa, XLIII, 2012
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bon de Commande
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association Culturelle de Cuxa
33, rue du Conflent - 66500 Codalet - franCe
Courrier électronique : contact@cuxa.org
www.cuxa.org
N° 1
N° 2
N° 3
N° 4
N° 5
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N° 8
N° 9
N° 10
N° 11
N° 12
N° 13
N° 14
N° 15
N° 16
N° 17
N° 18
N° 19
N° 20
N° 21
N° 22
FORMAT 15 X 21
(1970) : ................
(1971) : ................
(1972) : épuisé
(1973) : ................
(1974) : épuisé
(1975) : épuisé
(1976) : épuisé
(1977) : ................
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(1979) : ................
(1980) : épuisé
(1981) : ................
(1982) : ................
(1983) : ................
(1984) : ................
(1985) : ................
(1986) : ................
(1987) : ................
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(1990) : épuisé
(1991) : ................
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FORMAT 21 X 29,7
N° 23
(1992) : .............. x 27 € = .............................. €
L’art et la société à l’époque carolingienne
N° 24
(1993) : .............. x 27 € = .............................. €
Aux sources de l’art roman (Convergences, permanences,
mutations)
N° 25
(1994) : .............. x 27 € = .............................. €
Marie, l’art et la société des origines du culte au XIIIe siècle
(1994) : .............. x 27 € = .............................. €
numéro spécial : Art roman et Art moderne
N° 26
(1995) : ............... x 27€ = .............................. €
Bâtir à l’époque préromane et romane
N° 27
(1996) : .............. x 27 € = .............................. €
Tours et clochers à l’époque préromane et romane
N° 28
(1997) : .............. x 27 € = .............................. €
Les anges et les archanges dans l’art et la société à l’époque
préromane et romane
N° 29
(1998) : .............. x 27 € = .............................. €
Le culte des saints à l’époque préromane et romane
N° 30
(1999) : .............. x 27 € = .............................. €
La paroisse à l’époque préromane et romane
N° 31
(2000) : .............. x 27 € = .............................. €
Les pèlerinages à travers l’art et la société à l’époque préromane
et romane
N° 32
(2001) : .............. x 27 € = .............................. €
L’an Mil, in d’un monde ou renouveau ?
N° 33
(2002) : .............. x 27 € = .............................. €
Naissance et renaissance de la ville à l’époque romane
N° 34
(2003) : .............. x 27 € = .............................. €
Liturgie et arts à l’époque romane
N° 35
(2004) : .............. x 27 € = .............................. €
Chrétiens et musulmans autour de 1100
N° 36
(2005) : .............. x 30 € = .............................. €
L’aristocratie, les arts et l’architecture à l’époque romane
N° 37
(2006) : .............. x 35 € = .............................. €
Vers et à travers l’art roman : la transmission des modèles
artistiques
N° 38
(2007) : .............. x 30 € = .............................. €
Monde roman et chrétientés d’Orient
N° 39
(2008) : .............. x 30 € = .............................. €
Actualité de l’art antique dans l’art roman
N° 40
(2009) : .............. x 30 € = .............................. €
Le monde d’Oliba - Arts et culture en Catalogne et en
Occident (1008-1046)
N° 41
(2010) : .............. x 30 € = .............................. €
Les trésors des églises à l’époque romane
N° 42
(2011) : .............. x 30 € = .............................. €
Mémoires, tombeaux et sépultures à l’époque romane
N° 43
(2012) : .............. x 30 € = .............................. €
Gestes et techniques de l’artiste à l’époque romane
La collection nos1 à 37 * : 400 €
* Offre réservée aux bibliothèques ou chercheurs individuels.
votre commande donnera lieu à l’établissement d’une facture
incluant les frais de port. les livres seront expédiés après
réception du règlement.
Pour l’envoi d’un seul Cahier en franCe les frais de port et
d’emballage sont de 9 €.
vous pouvez, dans ce cas précis, nous adresser directement le
règlement avec ce bon de commande.
NOM ........................................................................................ Prénom ...............................................................
éTABLISSEMENT OU ORGANISME .................................................................................................................
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Adresse
..................................................................................................................................................................................................................................................................
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À ................................................................ le ...................................................................................
33, rue du Conlent, F-66500 Codalet, tél/fax +33 (0)4 68 96 27 40 - le mardi de 9h30 à 11h30 www.cuxa.org contact@cuxa.org
L’association culturelle de Cuxa rassemble toutes les personnes qui s’intéressent à l’abbaye Saint-Michel de Cuxa (Sant Miquel de Cuixà),
en Conflent (Pyrénées-Orientales, France) et qui souhaitent agir pour faire rayonner le plus loin possible les valeurs que celle-ci représente :
monument insigne de l’art pré-roman et roman européen, témoin privilégié de l’histoire de la Catalogne au Moyen Âge, haut-lieu de
spiritualité depuis des siècles, exemple remarquable des enjeux et des pratiques culturelles liées au patrimoine au XXe siècle.
L’association, fondée en 1967 par Pierre Respaut, organise depuis 1969 les Journées Romanes, semaine d’études annuelle sur l’art pré-roman
et roman qui alterne conférences de haut niveau données par les meilleurs spécialistes et visites de monuments romans de Roussillon,
Cerdagne, Catalogne et régions voisines. Elle édite annuellement depuis 1970 Les Cahiers de Saint-Michel de Cuxa, actes des Journées
Romanes où sont publiées les contributions scientifiques des conférenciers invités. Les Cahiers sont devenus, en quarante ans, une revue
scientifique prestigieuse qui figure dans les principales bibliothèques d’histoire et d’histoire de l’art en France et à l’étranger.
l’association culturelle de Cuxa est ouverte à tous. L’adhésion représente un soutien à ses activités, et permet d’y participer. Elle manifeste
aussi l’intérêt porté à l’abbaye, à son histoire et à sa restauration, pour laquelle bien des combats sont encore à mener.
Les membres de l’association reçoivent à leur domicile le programme des Journées Romanes dès parution. Ils peuvent souscrire aux Cahiers
de Saint-Michel de Cuxa à un tarif préférentiel. D’autres activités sont organisées dans l’année à leur intention.
adHÉSion - CotiSation
L’adhésion se fait sur simple demande au bureau de l’association.
La cotisation annuelle est de 30 € (40 € pour un couple), 15 € pour les étudiants de moins de 30 ans. Les membres qui le souhaitent
peuvent, en versant leur cotisation augmentée de 25 € (+ 9 € pour envoi éventuel par la poste) avant le 31 mai de chaque année, souscrire
le numéro des Cahiers de Saint-Michel de Cuxa, à paraître en juillet (prix normal du Cahier : 30 €).
---------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------bulletin d’adHÉSion
M. / Mme / Mlle NOM ....................................................................... Prénom .................................................... ...........
Adresse .................................................................................................................................................................................
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Code postal .................................. Ville ................................................................ Pays .....................................................
date de naissance (pour les étudiants) .................................................................
sollicite mon adhésion à l’Association culturelle de Cuxa
et règle ci-joint ma cotisation pour l’année ...............(Chèque à libeller au nom de Association culturelle de Cuxa)
30 € 40 € 15 €
Souhaite recevoir un reçu (joindre enveloppe timbrée)
Souscription du Cahier de l’année en cours 25 € (avant le 31/05) : cahier à retirer sur place
Souscription du Cahier de l’année en cours 34 € (avant le 31/05) : livraison par envoi postal
De l’étranger, paiement par chèque payable en France ou par virement (IBAN - BIC)