Au tournant du XIXe siècle a opéré une conjonction extraordinaire qui voit le mot « décoratif » cesser d’être un adjectif pour se nominaliser, en se chargeant des valeurs esthétiques les plus positives qui soient, tant du côté de la grande tradition classique, que de celle de l’avant-garde. A ce moment privilégié la catégorie du décoratif – englobant celle plus restreinte de l’ornement - s’installe en France dans une configuration nouvelle, « au centre d’un réseau où règnent l’imagination, la liberté, la forme. »* Si l’on veut saisir la transformation radicale advenue au XIXe siècle des notions de décoratif et d’ornement il faut commencer par s’écarter de la voie moderniste pour engager une réflexion sur la crise de la « modernité », métaphore de la « marge » et prétexte à interrogation sur le rôle de l’art dans la cité, dans le sillage du retour post-moderniste et en écho à la création contemporaine. * Danièle Cohn, « L’ornement, un outil théorique ? La ceinture d’Aphrodite », dans : Patrice Ceccarini, Jean-Loup Charvet, Fréderic Cousinié et al. éd., Histoire d’ornements, (colloque, Rome, Académie de France), Paris, 2000, p. 11.

Publication en ligne des Cafés de l’Histoire, Comité pour l’Histoire de la Poste, Paris, décembre 2011.

Des sciences naturelles à l'histoire de l'art : la porcelaine chinoise dans les classifications françaises du xix e siècle 1 Les porcelaines chinoises figurent parmi les premiers objets extrême-orientaux à être collectionnés en Europe. La passion européenne pour ces objets se décline en plusieurs aspects en fonction des périodes : fascination pour la technique, rareté, effet de mode, effet d'accumulation etc. Mais, des premières pièces inventoriées au xiii e siècle à la multiplication des collections au xviii e , les porcelaines chinoises ont toujours été perçues à travers un ensemble de valeurs proprement occidentales, sans que l'on ne se questionne vraiment sur le sens des décors ou des inscriptions 2. Ce n'est que dans la seconde moitié du xix e siècle qu'un véritable changement de regard s'opère, permettant à la porcelaine chinoise d'évoluer du statut de curiosité à celui d'objet d'art en passant par celui d'objet d'étude 3. Chang Wan-chen, à qui l'on doit cette dernière observation, avait déjà signalé que ce changement d'appréciation était perceptible dans un certain nombre d'ouvrages publiés par des collectionneurs privés de la seconde moitié du xix e siècle. À travers une analyse textuelle fouillée, Chang Wan-chen explore les procédés d'écriture et l'appréciation de la porcelaine chinoise en France. Le présent article souhaite revenir sur les classements contenus dans ces publications, afin d'établir leur profond ancrage dans les sciences naturelles, et leur impact sur le marché de l'art. Mais pourquoi classer ? Les travaux des anthropologues sur le phénomène taxino-mique dans les sociétés ont montré que cet exercice intellectuel avait pour résultat la création de connaissances, des connaissances que l'on peut accumuler, communiquer, utiliser de façon à définir des règles destinées à guider les actions 4. Or la classification et la production de connaissances qui en résulte ne sont pas des actes anodins, encore moins lorsqu'il est question d'oeuvres d'art. Dans le contexte de la production artis-tique, classer revient à donner le ton, à ordonner le goût, à dire ce qui est achetable et ce qui ne l'est pas, en un mot à donner de la valeur. Ce processus est d'autant plus intéressant lorsqu'il s'applique à des objets longtemps perçus comme exotiques, et ayant parfois une valeur autre dans leur contexte d'ori-gine. Pour le petit cercle d'amateurs passionnés qui s'y risqua, classer les céramiques chinoises revient à tenter d'ordonner des objets collectés de façon aussi anarchique qu'ininterrompue pendant plus de trois siècles. Quels sont les enjeux de ce procédé ? Sortir les objets du cadre limité de l'exotica pour leur donner une valeur ? Mais quelle valeur ? S'agit-il d'une valeur marchande, historique, artistique, politique ? Faut-il voir l'appropriation de ces objets dans un cadre intellectuel occidental comme une forme d'orientalisme au sens saidien du terme 5 ? Ou au contraire comme une façon de repenser ces objets dans leur culture d'origine ? Cette étude propose de revenir sur les systèmes de classification qui ont tenté de rationaliser les céramiques chinoises dans la seconde moitié du xix e siècle en France, et de voir comment ce processus conditionne la valeur et le sens attribués aux objets.

La plupart des études consacrées au processus historique de politisation se sont surtout focalisées sur l’appropriation des formes de participation politique conventionnelles, notamment les pratiques électorales, sur l’adoption des rites d’institution, d’allégeance et des gestes officiels, ou sur l’institutionnalisation du mouvement social, mais elles ont peut-être négligé, par là même, ce que la production sociale du politique et sa modernisation doivent à l’apprentissage des pratiques d’opposition et des croyances dissidentes qui se développent derrière, en dehors ou en marge de la politique institutionnelle. Il nous semble, de ce point de vue, qu’il ne faut pas envisager le pamphlet comme un énième support des processus de politisation mais plutôt le considérer comme le catalyseur (au sens où il en est à la fois l’expression et le facteur) d’un rapport au politique spécifique ; en cette fin du XIXème siècle, le pamphlet politique semble mettre au jour, dans le processus de politisation, un schéma culturel original. Le positionnement social particulier du pamphlétaire ainsi que la singularité du pamphlet comme genre littéraire conduisent ainsi à envisager la politique sur un mode non pas mineur mais indirect et informel, et à repenser le rôle inducteur de ces modalités d’expression considérées comme marginales.

Pour de nombreux chercheurs, l’omnipresence du visuel caracterise l’epoque postmoderne : « Dans la societe postmoderne ou nous vivons, les images ont de plus en plus remplace les textes ecrits comme forme culturelle dominante (Lasch, 1988) : le monde comme « texte » a ete remplace par le monde comme « image » (Mitchell, 1992, 1994). La fin des grands recits, disait deja Lyotard dans les annees 1980, est survenue parallelement au passage d’une culture du discours, textuel et diachronique, a un...

Vendre du rêve. Le théâtre dans les expositions universelles et coloniales du XIXe siècle. Dès le XIXe siècle, les expositions universelles et coloniales se présentent comme de véritables pièces de théâtre aux décors fabuleux où tous les procédés scéniques sont exploités.Organisées dans toute la France, elles deviennent des opérations marketings, des supports commerciaux, dont le but est de faire des villes organisatrices, des cités pionnières, résolument modernes. En analysant les « effets spéciaux », il s’agira d’analyser leurs mises en scène en s’intéressant à leurs rapports aux textes (ceux écrits par les organisateurs et les scénographes), aux jeux des différents acteurs (exposants et exposés), à la place des accessoires, des décors et leurs stratégies de promotion. Selling dreams. The use of theatre in world and colonial exhibitions of the 19th century. Abstract : As early as the 19th century, world-wide and colonial exhibitions were theatrical, with lavish decor and full use of any available scenery. Organised throughout France, they became indisputable marketing and commercial tools, designed to promote host towns and progressive cities. To fully appreciate their 'special effects', we need to look at the relationship between their staging and the texts written by the organisers or scenographers, the interaction between the participants (exhibitors and exhibits), alongside their accessories, set designs and various promotional strategies.