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Nora EL QADIM LA POLITIQUE MIGRATOIRE EUROPÉENNE VUE DU MAROC : CONTRAINTES ET OPPORTUNITÉS1 La présence de migrants sub-sahariens, relativement nouvelle au Maroc, n’a été reconnue qu’après 2000. En effet, bien que les projets de ces migrants ne soient pas nécessairement linéaires, ils sont considérés comme des migrants « en transit » dans le cadre des négociations avec les pays européens. En fait, le Maroc n’est pas le simple exécutant des politiques migratoires européennes : la présence de ces migrants sur son territoire, de même que sa situation stratégique proche des frontières de l’Union européenne, a pu servir de « rente géographique ». Ainsi, les différents niveaux de négociations – nationaux ou européen – sont utilisés pour obtenir le plus d’avantages possibles en échange d’une participation active à la lutte contre les migrations irrégulières, notamment à travers la signature d’accords de réadmission. L’interprétation de ces accords lors de leur mise en oeuvre créé également de nouvelles opportunités de négociations. Confronting European migration policy: dealing with constraints, finding opportunities? The case of Morocco The presence of sub-Saharan migrants in Morocco is relatively recent, and was not officially recognized before 2000. These migrants, in spite of the complexities of their routes and projects, are considered “transit” migrants in the context of negotiations with European countries. However, I argue that Morocco is not the simple agent of European migration policies: the presence of these migrants on its territory, in addition to its strategic location at the gates of European territory, has been used as a “geographic rent”. Different levels of negotiation – national or European – have been used in order to obtain as many advantages as possible in exchange of an active participation to the fight against irregular migration, mainly through readmission agreements. The interpretation and implementation of these agreements have also created new opportunities for negotiations. 1 Merci à Virginie Guiraudon et à Hein de Haas pour leurs commentaires sur les premières versions de cet article. politique européenne, n° 31, 2010, p. 91-118. 92 Introduction Les politiques d’immigration sont l’objet de coopérations intergouvernementales depuis plus de vingt ans en Europe, et relèvent en grande partie des compétences communautaires depuis 1999. L’émergence d’une politique « transgouvernementale » visant à réguler l’immigration, si elle a sans aucun doute un impact sur les différents États membres, a aussi des conséquences pour les pays voisins de l’Union européenne. La focalisation européenne sur « la lutte contre l’immigration clandestine » a ainsi conduit à des tentatives d’externalisation des politiques migratoires, par exemple dans le cadre de la Politique européenne de voisinage. Pourtant, les voisins de l’Union n’ont pas été de simples récepteurs ou exécutants des politiques européennes en matière de migration, mais ont pu voir dans l’émergence de ce thème une opportunité dans leurs négociations avec l’Union européenne. Le cas du Maroc, voisin de l’Union au Sud de la Méditerranée, permet de comprendre la centralité du thème des migrations pour les pays du Sud dans leurs relations avec les pays européens et l’Union. Le Maroc, traditionnel pays d’émigration, a progressivement modifié ses relations avec l’Europe en adoptant, en sus, la caractérisation de « pays de transit », bien que l’émigration marocaine soit toujours importante. En effet, le phénomène des migrations irrégulières transsahariennes s’est accentué dans les années 1990. Géographes et sociologues ont ainsi noté les transformations qui ont affecté l’espace saharien, avec l’émergence de véritables villes-étapes pour les migrants. Dans ce cadre, le Maroc apparaît comme une étape dans le projet de certains migrants (Alioua, 2005 ; Bensaâd, 2005 ; de Haas, 2005). La difficulté de définir les notions d’espace ou de migrant de transit est également soulignée : les entraves à la circulation et la variabilité ou l’adaptabilité des projets des migrants rendent ces notions imprécises (Bredeloup et Pliez, 2006). Les migrants qui tentent de franchir les frontières marocaines vers l’Europe sont ainsi de plus en plus fréquemment des migrants venant de pays au Sud du Sahara ou d’ailleurs. En 2000, le nombre d’Africains subsahariens interceptés par les gardes-frontières européens a dépassé le nombre de Nord-africains (de Haas, 2007). Depuis le début des années 2000, le Maroc a modifié sa réaction aux accusations européennes. Au lieu de nier la présence de ces migrants sur son territoire, il a pu utiliser leur présence comme une 93 « rente géographique »2 (Bensaâd, 2005 ; Gabrielli, 2008) : en effet, arguant de sa situation géographique stratégique, très proche des frontières européennes, le Maroc s’est présenté comme un allié potentiel de l’Union européenne dans la lutte contre les migrations irrégulières. Ainsi, nous ne reprenons pas l’expression de « coopération forcée » (Boubakri, 2006). Certes les pays européens exercent une forte pression sur les pays au Sud de la Méditerranée pour une politique migratoire plus ferme, mais on remarque également que les bénéfices des négociations lancées autour de ce thème ont été importants pour les pays du Maghreb, et pour le gouvernement marocain en particulier. La Libye représente l’exemple le plus flagrant d’un gouvernement qui a tiré profit des négociations sur les migrations : l’intérêt de l’Italie pour la collaboration libyenne a ainsi fortement contribué à la réinsertion du pays sur la scène internationale (Boubakri, 2006). Si le cas du Maroc est moins clair, il n’en reste pas moins que le gouvernement a su jouer de sa situation stratégique et de la présence de migrants subsahariens sur son territoire. On peut donc se demander si l’européanisation des politiques migratoires a influencé d’une part les politiques marocaines internes, d’autre part les attentes et l’attitude du Maroc dans ses négociations avec les pays européens et avec l’Union européenne. On essayera de comprendre comment l’importance du thème des migrations pour l’Europe et la multiplication des niveaux de traitement de cette question ont placé des contraintes sur certains aspects des politiques marocaines, mais ont aussi pu constituer une ressource, malgré l’asymétrie initiale des relations. Après une présentation rapide de la démarche de cet article et un bref rappel des évolutions du cadre institutionnel des politiques migratoires européennes, nous verrons comment les accords de réadmission en sont venus à occuper une place centrale dans les négociations sur les migrations entre le Maroc et les pays européens. Nous nous intéresserons plus particulièrement au cas de l’Espagne, et à l’imbrication du niveau national et du niveau européen dans les relations maroco-espagnoles autour des migrations. Enfin, nous verrons comment la stratégie adoptée par le Maroc a évolué grâce à l’utilisation de la marge de manœuvre disponible lors des négociations et de la mise en œuvre, notamment dans le cadre de la Politique européenne de voisinage. 2 Voir Ali Bensaâd, « Le Maghreb pris entre deux feux, » Le Monde, 29 octobre 2005. 94 Des externalités européennes à une contre-stratégie marocaine. Les analyses de la situation des pays dits « de transit » insistent généralement sur le rôle des pressions européennes dans le développement de politiques de contrôle des migrations et des accords de réadmission. De nombreuses analyses s’intéressent à la construction de la Politique européenne de voisinage, à son sens et à ses conséquences (Jeandesboz, 2007 ; Meloni, 2007 ; Marchetti, 2007 ; Natorski, 2007). Michal Natorski montre par exemple comment l’Espagne a joué un rôle prépondérant dans la construction de cette politique dans la région méditerranéenne (Natorski, 2007). Nous chercherons plutôt à comprendre le rôle des pays voisins, à travers l’exemple du Maroc, dans la mise en place et l’évolution de cette politique. Andreas Marchetti présente quant à lui les opportunités qu’a pu créer cette politique européenne pour les voisins à l’est ou en Méditerranée (Marchetti, 2007). Bien qu’ils s’intéressent directement aux pays voisins de l’Europe, ces travaux ont tendance à placer l’Union européenne au cœur de leur analyse, tout en soulignant la centralité du souci sécuritaire dans la construction de la politique de voisinage (Wolff, 2007 ; Zaiotti, 2007). De même, une grande partie de la littérature sur les politiques migratoires, tout en se concentrant sur les pays voisins, en l’occurrence le Maroc, a tendance à considérer que l’attitude du Maroc est purement et simplement le résultat des pressions européennes (Belguendouz, 2003, 2005 ; Boubakri, 2006 ; Elmadmad, 2005 ; Lahlou, 2005). D’autres chercheurs, tout en s’intéressant au rôle central de l’Union européenne et de l’européanisation dans les politiques migratoires (Lavenex et Uçarer, 2004), se concentrent plus spécifiquement sur les mécanismes de diffusion des politiques : le volume édité en 2002 par Sandra Lavenex et Emek M. Uçarer constitue un effort important en ce sens (Lavenex et Uçarer, 2002). Qu’il s’agisse d’examiner les liens entre politiques commerciales et politiques migratoires (Lavenex, 2002) ou les hésitations entre multilatéralisme et bilatéralisme dans les négociations euro-méditerranéennes sur les migrations (Pastore, 2002), les contributions à cet ouvrage insistent sur la complexité des allers-retours entre mise sur agenda, décisions politiques, et mise en œuvre. Ferruccio Pastore insiste particulièrement sur le rôle des pays d’origine ou de transit dans ce processus : ceux-ci, loin de simplement mettre en œuvre les politiques décidées par l’Europe, ont un rôle à jouer dans la définition de ces politiques, ne serait-ce qu’en résistant à leur mise en place (Pastore, 2002, 113-114). 95 Nous tenterons de poursuivre cette démarche pour montrer que les pays d’origine, et surtout les pays dits « de transit », jouent un rôle proactif dans l’élaboration des politiques migratoires européennes. À la différence de la plupart des travaux sur la Politique européenne de voisinage, nous tenterons de placer un pays voisin au cœur de notre analyse : nous verrons comment ce pays n’a pas seulement saisi ce que A. Marchetti appelle les « opportunités » de la Politique européenne de voisinage (Marchetti, 2007), mais a aussi activement participé à créer ces opportunités à travers ses modes de négociations et de mise en œuvre des accords. Après un rapide tableau des évolutions des politiques migratoires pour le Maroc depuis le début des années 2000, nous nous intéresserons plus particulièrement aux enjeux et aux modes de négociations de ces politiques. La question des accords de réadmission paraît dès lors centrale, et elle apparaît comme un enjeu de négociations en dehors des politiques migratoires, comme le note Jean-Pierre Cassarino (2007). Celui-ci s’intéresse à l’aspect de plus en plus informel des accords de réadmission et met ainsi le doigt sur une dimension essentielle des négociations sur les migrations : la marge de manœuvre dont disposent les pays d’origine, et surtout de transit, dans ces négociations. Cette dimension informelle joue un rôle important dans les aléas de mise en œuvre des accords, notamment de réadmission : il s’agira de comprendre comment la mise en œuvre des accords devient elle-même un moment de négociation, et offre aux pays d’origine ou de transit une certaine marge de manœuvre. Grâce aux développements de la théorie des négociations sur les situations d’asymétrie et la notion de « contre-stratégie » (Daoudy, 2006 ; Rubin et Zartman, 2000 ; Salacuse, 2000) et sur la diversité des types de négociations, notamment sur l’évitement de la signature d’un accord (Wallihan, 1998), nous examinerons le cas du Maroc. Il s’agit ici de montrer comment les négociations avec les pays européens et l’Union européenne sur le thème des migrations ont pu être partiellement instrumentalisées par le Maroc. S’il ne s’agit pas de nier que l’Union européenne constitue un partenaire puissant face au Maroc, nous verrons que l’asymétrie de la relation n’exclut pas une marge de manœuvre pour le gouvernement marocain. Nous essayerons de montrer que les hésitations dans les négociations, les aléas de la mise en œuvre, et les délais de signature des accords sont des éléments de cette instrumentalisation, et que le Maroc, loin d’être un simple récepteur des politiques migratoires 96 européennes, joue un rôle actif dans la définition de ces politiques. L’existence de plusieurs niveaux de négociations permet notamment au Maroc d’expérimenter certains accords. C’est pourquoi le cas des négociations avec l’Espagne semble exemplaire : d’une part parce que l’Espagne apparaît comme un modèle d’implication pour le Maroc, d’autre part, parce qu’elle s’est faite la promotrice de la politique méditerranéenne de l’Europe (Natorski, 2007). Bien que le Maroc cherche à ménager ses partenaires africains, notamment dans les cas où ceux-ci le soutiennent sur la question du Sahara occidental, il peut à son tour devenir porteur de nouvelles exigences vis-à-vis de ses voisins, comme cela a pu être le cas de l’Ukraine (Balzacq, 2007). Cependant, si Thierry Balzacq souligne le rôle des perspectives d’adhésion dans ce processus, on peut se demander quelles sont les limites des incitations européennes dans les cas où toute perspective d’adhésion est clairement exclue. Une réflexion grâce aux théories des négociations nous permettra de comprendre la position du Maroc par rapport à d’autres voisins de l’Union européenne. Si les textes des accords signés ou en préparation sont difficiles d’accès, on trouve de nombreux documents de la Commission européenne, en particulier dans le cadre des programmes des partenariats euro-méditerranéens MEDA ou spécifiques aux politiques migratoires, qui mentionnent des éléments des négociations avec le Maroc. Ces documents sont mis en contexte grâce à des éléments venus de la société civile, rapports d’ONG ou articles de la presse marocaine et internationale. Par ailleurs, du côté du Maroc, le ministère des Affaires étrangères et de la Coopération met à disposition une liste des accords et de leur statut3. Le texte des accords publiés au Bulletin officiel est également disponible. Les textes de loi constituent une source importante, parallèlement aux conférences de presse des ministères ou aux discours du Roi sur les orientations de politique étrangère, généralement disponibles via l’agence de presse MAP ou sur les sites internet gouvernementaux. Évidemment, nous ne pouvons formuler que des hypothèses sur ces négociations, puisque la protection des archives récentes et une culture du secret diplomatique nous empêchent d’accéder à l’intégralité des discussions. Les diverses sources accessibles permettent cependant de 3 Le « cadre juridique », fourni selon une recherche par mot-clé (par exemple par pays) dans une base de données spécifique. 97 repérer un certain nombre d’indicateurs : nombre et types d’accords conclus sur les migrations, types de migrants concernés, modalités de la mise en œuvre, autres accords conclus, montant des aides financières ou des contrats commerciaux. En prêtant une attention particulière à la chronologie des accords, des discours, des diverses visites officielles, on peut tenter de retracer le déroulement des négociations et, à travers ce déroulement, les stratégies et contre-stratégies respectives des différents interlocuteurs. Un cadre institutionnel en mouvement : de la coopération méditerranéenne aux accords de réadmission Après un rapide rappel de la mise en place des politiques européennes de migration, notamment dans le cadre méditerranéen, et de leur impact sur le Maroc, nous verrons comment les accords de réadmission occupent une place centrale dans ce dispositif, et comment ils ont fourni des opportunités spécifiques de négociation au Maroc. L’européanisation des politiques migratoires : externalisation des contrôles ou nouvelles opportunités pour le Maroc ? Dès 1991, la Commission européenne appelait à intégrer les questions de migrations et d’asile à la politique extérieure européenne (Lavenex, 2006). Puis, en 1997, avec la signature du traité d’Amsterdam, les bases d’une politique européenne commune d’expulsion sont établies (Lavenex, 2002). Enfin, lors du Conseil européen de Tampere en 1999, la mise en place d’une politique d’asile commune et d’une gestion commune des flux migratoires fait partie des conclusions de la Présidence4. Dans ce cadre, le Maroc fait l’objet d’un « Plan d’action » présenté par le Groupe de travail de haut niveau sur l’asile et la migration (High level working group on migration and asylum, HLWG), que les Marocains n’avaient guère apprécié : en effet, le gouvernement marocain avait été offensé par une description du pays comme souffrant de lacunes dans le domaine social et culturel. Il avait donc exprimé le désir de participer à la réécriture du Plan d’action et du rapport l’accompagnant, ce qui s’est 4 Conseil européen de Tampere, conclusions de la Présidence (Tampere, Parlement européen, 15 octobre 1999), http://www.europarl.europa.eu/summits/tam_fr. htm#a, consulté le 5 février 2009. 98 révélé impossible dans le cadre du HLWG (van Selm, 2002, 153-154). La mise en place d’une politique migratoire européenne a rencontré des difficultés internes : désaccords entre les différents pays européens, luttes de compétences entre les différents organes européens, y compris après le transfert du domaine de l’immigration et de l’asile dans le domaine de compétences des Communautés européennes (premier pilier) (van Selm, 2002). Elle a aussi suscité des réactions de rejet de la part des pays tiers concernés par cette politique migratoire. Le désaccord du Maroc avec le Plan d’action du HLWG indique une volonté de ne pas être un simple rouage dans la politique migratoire européenne. On peut penser que ce désaccord n’était qu’une position de principe de la part du gouvernement marocain. Pourtant, d’autres cadres développés par l’Union européenne, et au sein desquels les politiques migratoires sont traitées, ont pu être le lieu d’une participation plus active des pays du Sud. Ainsi, parallèlement au développement d’une politique migratoire européenne, des initiatives ont été mises en place en faveur d’un processus euro-méditerrranéen, associant les pays du sud de la Méditerranée à ceux du nord autour de thèmes particuliers. En novembre 1995, le processus de Barcelone est lancé. Le Maroc occupe une position importante dans ce processus, et c’est dans ce cadre qu’est signé l’accord d’association entre les Communautés européennes, les différents pays européens, et le Maroc le 26 février 1996 (Pastore, 2002). Cette initiative euro-méditerranéenne a souvent été perçue comme un échec partiel : par rapport aux objectifs ambitieux qui avaient été fixés, l’efficacité a été limitée et le partenariat a souvent été vu comme un instrument mené par les Européens (Lannon et Van Elsuwege, 2004, 35). Les migrations étaient à peine évoquées dans le programme de départ, comme un aspect du partenariat dans les domaines social, culturel et humain5. Ceci peut d’ailleurs expliquer les échecs initiaux des politiques migratoires dans ce cadre, ce pilier social, culturel et humain étant considéré comme un appendice par rapport aux programmes économiques et sécuritaires (Pastore, 2002, 111). C’est pourtant dans ce cadre qu’a commencé l’externalisation de la gestion des migrations. Les migrations ont commencé à apparaître comme un point important de 5 Déclaration de Barcelone (Barcelone, Conférence ministérielle euro-méditerranéenne, 27-28 novembre 1995), Barcelone (Barcelone, Conférence ministérielle euro-méditerranéenne, 27-28 novembre 1995), http://europa.eu/scadplus/leg/fr/lvb/r15001.htm, consulté le 5 février 2009. 99 ce processus à partir des années 2000. Ainsi, en 2005, pour le dixième anniversaire de la Déclaration de Barcelone, alors que l’Union européenne cherchait à réactiver le partenariat euro-méditerranéen, les migrations en sont devenues le quatrième secteur-clé6. Or, au sein de ce partenariat, le Maroc a pu négocier plusieurs avantages économiques, par exemple les accords sur la pêche, ou le projet d’établir une zone de libre-échange. Le Maroc a également bénéficié du programme MEDA de financement des mesures d’ajustement, principal instrument de mise en œuvre du partenariat euro-méditerranéen. Dans ce cadre, les financements prévus pour le Maroc dans le cadre de MEDA II (2000-2006) concernent en grande partie les migrations : un programme de 40 millions d’euros était prévu pour la gestion des contrôles frontaliers en vue de combattre les migrations irrégulières et 5 millions d’euros étaient destinés à l’appui institutionnel à la circulation des personnes (création de centres d’information et d’orientation pour les travailleurs désireux d’émigrer). De plus, un financement pour le développement des provinces du nord, principale région d’émigration marocaine, était également inclus dans le thème de la « gestion des migrations »7. Les régions marocaines à fort taux d’émigration auraient ainsi bénéficié de 70 millions d’euros à travers le programme MEDA8. Au total, le budget de MEDA alloué au Maroc pour 2000-2006 a atteint 426 millions d’euros, dont 115, soit 27 %, devaient être consacrés à la lutte contre le chômage, la pauvreté et les migrations (de Haas, 2005). Le Maroc est d’ailleurs l’un des principaux bénéficiaires du programme MEDA (Hoebink, 2005, 43), ce qui semble suggérer que le Maroc a su faire usage de sa situation stratégique dans la configuration euro-méditerranéenne pour négocier ces avantages. Pourtant, la volonté européenne d’externaliser les contrôles migratoires est encore plus accentuée dans la Politique européenne de voisinage, qui prend peu à peu le pas sur la politique méditerranéenne dans le domaine des migrations. C’est aussi dans ce cadre que le rôle actif 6 European Commission, « The Euro-Mediterranean Partnership » 13 février 2009, http://ec.europa.eu/external_relations/euromed/index_en. htm. 7 « Maroc, Programme indicatif national 2005-2006 » (Partenariat Euro-Med, 2004), http://ec.europa.eu/external_relations/morocco/csp/nip_05_06_fr. pdf, consulté le 5 février 2009, p. 3-8. 8 European Commission, Reference document for financial and technical assistance to third countries in the area of migration and asylum, AENEAS Programme. 2004-2006 (Brussels, EC, 2003, p. 14). 100 du Maroc dans les négociations concernant la gestion des migrations est encore plus clairement visible. Avec l’adoption de la Politique européenne de voisinage, l’Union européenne a placé de plus en plus d’emphase sur les questions migratoires et le contrôle des frontières dans ses relations avec les pays du Maghreb. La communication de la Commission européenne en 2002 pour l’intégration du « problème des migrations dans les relations extérieures de l’UE » marque une intensification de cette orientation (Lavenex, 2006, 342). Cette politique de voisinage vise beaucoup plus clairement que la politique méditerranéenne à créer une zone tampon entre les pays d’Afrique subsaharienne et l’Europe (Del Sarto et Schumacher, 2005). On peut parler à ce sujet d’une externalisation des politiques migratoires européennes, c’est-àdire que les pays européens cherchent à exercer un « contrôle à distance » des migrations en enrôlant les pays du Maghreb dans la lutte contre les migrations irrégulières, le plus souvent à travers la conclusion d’accords spécifiques avec les pays de transit et de départ des migrants (Guiraudon, 2001). En effet, aux côtés de la délégation des contrôles migratoires, l’intensification des retours forcés de migrants constitue le deuxième volet de la construction de ces « zones tampons » (Gabrielli, 2008). Dans le cadre de la Politique européenne de voisinage, le programme AENEAS, « Programme d’assistance financière et technique aux pays tiers dans les secteurs de l’immigration et de l’asile », créé en 2004 par l’Union européenne, a été l’instrument de choix de l’Union européenne pour le financement d’initiatives dans les pays tiers visant au contrôle des migrations, comme nous le verrons plus loin pour le Maroc. L’européanisation des politiques migratoires s’est donc accompagnée d’une internationalisation de ces questions, que l’on peut expliquer comme un moyen pour des États démunis face à un champ de plus en plus politisé et médiatisé de retrouver un contrôle sur leur souveraineté, en collaborant avec d’autres États (Pastore, 2005, 355). Pourtant, cette externalisation n’est pas uniforme : en fait, le régime migratoire européen peut être décrit comme un régime à plusieurs niveaux, dans lequel des politiques supranationales en développement coexistent avec des régulations et des négociations de chacun des États membres avec des pays tiers (Uçarer, 2002). Dans ce millefeuille de régulations et d’accords formels et informels, la question de la réadmission occupe une place essentielle, tant avec l’Union européenne qu’avec les différents États membres. 101 Les accords de réadmission, thème récurrent des négociations marocaines sur les migrations Les accords de réadmission sont depuis le début des années 2000 l’instrument de prédilection de la politique de contrôle migratoire des pays européens (Guiraudon, 2001 ; Gabrielli, 2008 ; Mrabet, 2003). La plupart des accords de réadmission négociés par le Maroc l’ont été avec des États du sud de l’Europe. Dans ces pays, les migrants arrivent directement du Maroc, qu’il s’agisse de ressortissants marocains ou d’autres nationalités. C’est pourquoi la question de la réadmission des ressortissants de pays tiers a été particulièrement mise en avant : il s’agit dans ce cas de non-Marocains, pour la plupart des ressortissants de pays subsahariens, qui ont transité par le territoire marocain avant leur arrivée en Europe. Leur interception avant leur arrivée sur le sol espagnol, c’està-dire dans la plupart des cas pendant la traversée du détroit de Gibraltar, ou vers les îles Canaries, vient confirmer, pour les autorités espagnoles, leur transit par le Maroc (Mrabet, 2003). Dans le cadre des négociations sur les accords de réadmission, Marocains et ressortissants de pays tiers sont donc toujours distingués. C’est d’ailleurs sur la question de la réadmission de ces ressortissants de pays tiers que les négociations autour de ces accords achoppent (Tableau 1). C’est avec la France, traditionnelle destination d’émigration des Marocains, qu’ont été faits les premiers efforts de négociation d’un accord de réadmission pour les citoyens marocains. Des échanges de lettres à ce sujet entre les ministères des Affaires étrangères français et marocains ont été enregistrés entre 1983 et 1993, bien qu’aucun accord formel n’ait été conclu (Migration de Retour au Maghreb [MIREM], 2008). Le contenu de ces lettres a été rendu public tardivement, et uniquement par la France, ce qui confirme leur statut informel. Le thème des réadmissions est en fait couramment abordé à travers de tels échanges informels de lettres, auxquelles le ministère des Affaires étrangères marocain ne permet pas l’accès. Ceci signifie qu’il n’existe aucune garantie formelle que la réadmission sera mise en œuvre. Elle est simplement devenue un sujet officiel de négociations. Selon Jean-Pierre Cassarino, de tels échanges de lettres s’inscrivent dans une tendance de plus en plus marquée à l’informalisation des accords de réadmission. Les gouvernements préfèrent en effet de tels accords informels en raison de leur faible visibilité publique, de la possibilité de constamment les 102 TABLEAU 1. Accords de réadmission entre le Maroc et les pays européens9 PAYS DATE TYPE D’ACCORD STATUT France 1983-1993 Réadmission10 Échange de lettres, non ratifié, entré en vigueur 1984 (avenant en 1993) Espagne 13/02/1992 Réadmission11 Accord provisoire, partiellement appliqué à partir de 2004 Allemagne 01/06/1998 Réadmission Accord entré en vigueur Italie 27/07/1998 Réadmission12 Accord signé non entré en vigueur Portugal 07/09/1999 Accord de coopération policière lié à la réadmission13 Accord entré en vigueur France 01/05/2001 Accord de coopération policière lié à la réadmission Accord entré en vigueur Malte depuis 2002 Réadmission Négociations en cours Espagne 23/12/2003 Mémorandum d’entente Accord en vigueur sur les mineurs migrants14 Espagne 06/03/2007 Réadmission15 Accord signé non entré en vigueur 9 Sources : Ministère des Affaires étrangères et de la Coopération (Maroc) ; (Migration de Retour au Maghreb {MIREM] 2008) ; (Marrero Rocha, 2005). 10 « Accord sous forme d’échange de lettres relatif à la circulation des personnes », MAEC, Maroc. 11 « Accord concernant la circulation des personnes et le transit et la réadmission des étrangers qui pènètrent d’une façon illégale », MAEC, Maroc. 12 « Accord sur la reconduite aux frontières des ressortissants des deux pays et sur le transit pour l’éloignement », MAEC, Maroc. 13 « Accord de coopération en matière de contrôle des frontières et des flux migratoires », MAEC, Maroc. 14 « Memorandum d’entente sur le rapatriement assisté des mineurs non-accompagnés », MAEC, Maroc. 15 « Accord de coopération dans le domaine de la prévention de l’émigration illégale de mineurs non accompagnés, leur protection et leur retour concerté », MAEC, Maroc. 103 renégocier, ainsi que du coût plus faible d’une éventuelle défection (Cassarino, 2007). Dans le cas des négociations avec la France, il s’agissait de migrants marocains. Cependant, la question des ressortissants de pays tiers était particulièrement importante pour le premier accord de réadmission formellement ratifié par le Maroc, c’est-à-dire un accord de réadmission passé avec l’Espagne en 1992. Un accord similaire est également en cours de négociation avec Malte depuis 2002. Depuis la fin des années 1990, un autre type d’accord a eu les faveurs des différents gouvernements : il s’agit des accords de police liés à la réadmission. Selon Jean-Pierre Cassarino, ces accords ont été développés comme une alternative aux accords de réadmission, car ils sont plus flexibles, plus facilement adaptables selon les circonstances (Cassarino, 2007). Ils se concentrent sur les détails pratiques de la réadmission : modalités du transfert des migrants, partage des responsabilités pour le transport et la surveillance entre les différents pays impliqués. Ces accords comprennent également la plupart du temps des échanges de forces de police ainsi que la formation d’agents marocains à la surveillance des frontières. Des accords de ce type ont été conclus avec l’Allemagne en 1998, le Portugal en 1999, et la France en 2001. Le domaine des réadmissions a ainsi constitué un champ d’expérimentation de la coopération policière internationale, dans un contexte où, parallèlement à l’effacement des frontières en Europe, les questions sécuritaires autour des frontières extérieures de l’Europe prenaient de plus en plus d’importance. La coopération policière internationale pour des activités spécifiques comme la réadmission a en effet commencé parallèlement à des activités plus complexes à coordonner, comme le contrôle des frontières. Des négociations à la mise en œuvre : le cas des relations entre le Maroc et l’Espagne. Le cas des différents accords avec l’Espagne, illustre bien la distance qui sépare un accord formel de sa mise en œuvre effective. Des accords dans plusieurs domaines sont généralement signés en même temps, comme le montre une liste des accords entre le Maroc et l’Espagne16. Les aléas de la mise en œuvre transparaissent essentiellement dans quelques articles de la presse marocaine qui relatent brièvement quelques 16 Répertoire juridique, MAEC, Maroc. 104 exemples d’actions : la chronologie de ces actions, des visites officielles et des autres négociations permet d’esquisser un mode de relation qu’on peut retrouver au niveau européen. Il reste en effet, après la signature d’un accord, des possibilités de négocier la mise en œuvre, notamment sur des points de détail qui n’étaient pas abordés dans l’accord formel. Ainsi, le premier de ces accords, bien qu’il ait été conclu dès 1992, n’a pas été appliqué avant 2004. Il est difficile de comprendre la stagnation de la situation pendant une dizaine d’années, puis son soudain déblocage apparent. En dehors de certains conflits territoriaux latents, la stagnation est sans doute plutôt due à la faiblesse des incitations qui auraient pu pousser le Maroc à appliquer cet accord provisoire de 1992. Comme le souligne Antje Ellerman, « aux sources de la non-coopération se trouve un conflit d’intérêts fondamental entre le pays expulsant, d’une part, et l’expulsé et le pays dont il ou elle a la nationalité d’autre part. Alors que les pays expulsant ont tout à gagner des rapatriements, la réadmission est rarement dans l’intérêt des pays qui admettent des expulsés »17. En effet, le rapatriement signifie à la fois une perte de devises étrangères et la nécessité d’accueillir les migrants de retour sur des marchés du travail déjà saturés (Ellermann, 2008). De plus, l’économie espagnole, en particulier le secteur agricole, a largement bénéficié, pendant des années, de la main-d’œuvre bon marché que représentent les migrants irréguliers. Ainsi, des deux côtés de la Méditerranée, les incitations à réduire la population des migrants irréguliers en Espagne n’étaient pas si fortes qu’il pourrait sembler à première vue. Cependant, l’augmentation du nombre de migrants arrêtés dans le détroit de Gibraltar, atteignant plus de 10 000 personnes en l’an 2000, a contribué à l’intensification d’un discours nationaliste et anti-immigration. En dépit d’une diminution notable des migrants arrêtés dans le détroit de Gibraltar, probablement suite à la mise en place du Système intégré de vigilance extérieure (SIVE)18 en 2000, le thème de la lutte contre les migrations irrégulières a pris de l’ampleur en Espagne au début des années 2000, avec les premières arrivées de migrants irréguliers par l’Atlantique, sur les îles Canaries. Quant au Maroc, la volonté de garder de bonnes relations avec ses voisins européens, principaux partenaires commerciaux et économiques, 17 Traduit de l’anglais. 18 Nous reviendrons sur SIVE un peu plus loin. 105 ainsi qu’avec l’Union européenne, est une incitation constante à la négociation. La mise en œuvre de la Politique européenne de voisinage de l’Union européenne a fourni de nouvelles possibilités de collaboration et de nouveaux modes de négociations. Le récent accord concernant le « statut avancé » du Maroc dans le cadre de la Politique de voisinage19 et la détermination du gouvernement marocain à obtenir ce statut montrent l’importance de la collaboration avec l’Union européenne pour le Royaume. Le Maroc ne peut pas nourrir l’espoir de rejoindre l’Union européenne, et l’accession n’est donc pas une incitation à la collaboration sur les questions migratoires, comme elle a pu l’être pour certains pays d’Europe de l’Est (Ellermann, 2008). Cependant, la volonté de créer un partenariat économique de plus en plus fort reste une incitation essentielle à la coopération sur les questions migratoires. Le souci sécuritaire renforcé, après des attaques terroristes sur les deux pays, peut également aider à comprendre la réactivation de l’accord de réadmission en 2004. Suite aux attaques terroristes de Madrid le 11 mars 2004 et à l’élection du socialiste José Luis Rodríguez Zapatero comme Premier ministre, un dialogue politique a été lancé entre l’Espagne et le Maroc sur des thèmes divers, y compris celui des migrations. En effet, l’élection de Zapatero juste après les attentats terroristes a été perçue comme un signe fort que l’électorat ne considérait pas l’alignement sur la politique américaine de lutte contre le terrorisme comme la bonne direction. Cela s’est traduit par le retrait d’Irak des troupes espagnoles. C’est donc la collaboration avec les pays musulmans qui a été mise en avant pour la lutte contre le terrorisme. Le réchauffement des relations entre l’Espagne et le Maroc a également été favorisé par un gouvernement espagnol plus favorable à l’immigration et à des politiques de conciliation. De plus, le Maroc, également victime d’attentats terroristes, le 16 mai 2003, a été perçu comme un partenaire dans la lutte contre le terrorisme. Ainsi, la première visite de Zapatero au Maroc, juste après son élection en 2004, a été l’occasion d’inaugurer un monument dédié aux victimes des attentats de Casablanca. En février 2004, les autorités marocaines acceptaient pour la première fois la réadmission de ressortissants d’un pays tiers – des Africains de pays subsahariens pour la plupart – en provenance d’Espagne. Ceci a été une avancée importante dans le processus de négociations, car la question 19 (European Union Press Release, 2008). 106 de la réadmission des ressortissants de pays tiers avait été la principale pierre d’achoppement à l’application par le Maroc de l’accord provisoire de 1992. Jusqu’en 2004, les citoyens marocains étaient quant à eux réadmis, mais sur une base individuelle plutôt que collectivement. Mais en février 2004, trente ressortissants de pays subsahariens arrêtés sur l’île de Fuerteventura étaient transférés à Laayoune par un charter affrété pour l’occasion, et le Maroc a endossé la responsabilité de leur rapatriement dans les pays d’origine20. Quant à la réadmission des mineurs, elle a quant à elle également débuté en février 2004, suite à la signature d’un accord spécifique en décembre 200321. Ceci a sans doute été le point de départ de négociations qui ont conduit à la signature d’un accord de réadmission – se substituant à l’accord provisoire de 1992 – en mars 2007. Cependant, cet accord n’est pas encore entré en vigueur. En fait, force est de constater que les négociations ne sont pas uniquement un préalable à la signature d’un accord. C’est aussi par la suite qu’elles ont lieu, la mise en œuvre des accords et les modalités de cette mise en œuvre pouvant être sans cesse renégociées. Pour chaque pays, il s’agit de satisfaire également des objectifs internes. Pour le Maroc, la conclusion d’un accord avec l’Espagne pour le recrutement de travailleurs saisonniers ou permanents par des entreprises espagnoles directement au Maroc et la perspective d’obtenir des aides au développement sont des incitations à la collaboration. Pour le gouvernement espagnol, la volonté de faire preuve d’une attitude ferme face aux migrations irrégulières et le désir d’intégrer le mieux possible les populations étrangères déjà présentes régulièrement sur le territoire sont des moteurs dans les discussions avec le Maroc. Ainsi, les accords signés voient parfois leur application retardée ou suspendue par l’une des deux parties. C’est par exemple le cas lorsque le Maroc refuse de réadmettre ses citoyens ou des ressortissants de pays tiers. La question des ressortissants des pays tiers est régulièrement évoquée par le Maroc pour dénoncer les atteintes à sa souveraineté et justifier le refus d’appliquer l’accord de réadmission. Des entretiens avec des fonctionnaires du ministère des Affaires étrangères et de la Coopération au Maroc22 confirment que l’inclusion 20 Abdelhak Najib et Karim Serraj, « Le Maroc a dit “oui !” », La Gazette du Maroc, 1er mars 2004. 21 Abdelhak Najib and Karim Serraj, « Les rapatriements des enfants ont commencé », La Gazette du Maroc, 1er mars 2004. 22 Entretiens menés en octobre et novembre 2009. 107 de ressortissants de pays tiers dans ces accords est communément perçue comme inadmissible pour la partie marocaine. C’est aussi le cas lorsque l’Espagne suspend unilatéralement le traité sur le recrutement de travailleurs migrants signé avec le Maroc en juillet 2001. Cet accord prévoyait notamment la création d’une commission destinée à sélectionner 20 000 travailleurs marocains pour les embaucher en Espagne en 2002 dans les mêmes conditions que des Espagnols (Marrero Rocha, 2005). Cette suspension unilatérale a eu lieu juste avant le début de négociations sur le contrôle des migrations irrégulières, sans doute comme un moyen de pression sur le gouvernement marocain. Si les raisons derrière la décision espagnole ne sont pas claires, cette suspension est un exemple qui montre bien comment l’application d’un accord ou d’un traité ne découle pas nécessairement de sa signature. Chaque partie fait ainsi usage des moyens de pression qui sont à sa disposition : l’Espagne en suspendant un traité concernant le recrutement de travailleurs marocains, le Maroc en refusant d’appliquer l’accord de réadmission de 1992, ou en discutant de ses conditions d’application. Ainsi, bien que des ressortissants de pays tiers aient bien été réadmis par le Maroc en 2004, leur réadmission est depuis lors loin d’être systématique. En dépit du précédent établi en 2004, la question a de nouveau dû être discutée en 2006. La question de la réadmission des mineurs est également régulièrement abordée, notamment en raison des enjeux concernant les droits de l’homme. Malgré l’accord de 2003 à ce sujet, les négociations continuent. Les conventions de protection des droits de l’homme poussent les deux pays à la prudence. Si le Maroc est officiellement prêt à réadmettre ses ressortissants mineurs parvenus en Espagne de façon irrégulière, il exige la garantie qu’une aide leur soit apportée après leur retour, qu’un niveau de vie minimal leur soit assuré, ainsi qu’une formation. Le Maroc a donc obtenu de l’Espagne le financement de la formation des mineurs réadmis par le Maroc. En 2007, un protocole d’application de l’accord de 2003 était signé, parallèlement à un accord de partenariat spécifique avec le gouvernement catalan, à un partenariat avec ce gouvernement dans le domaine de la jeunesse, et à un accord de coopération pour la prévention de l’émigration des mineurs non-accompagnés23. Un centre a été inauguré à Tanger en 23 Répertoire juridique, MAEC, Maroc. 108 janvier 2007, suite à une initiative bilatérale espagnole et marocaine, l’Union européenne assurant le financement à 75 %24. Cet exemple montre encore une fois comment les négociations sur les accords de réadmission sont l’occasion pour le Maroc de s’assurer un soutien financier ou d’autres avantages de la part de ses interlocuteurs européens. Le rôle de l’Union européenne dans le financement de ce centre de formation montre que les négociations espagnoles avec le Maroc ne se font pas indépendamment de l’Union européenne. De même, SIVE, le « Système intégré de vigilance extérieure » évoqué plus haut, imaginé dès 1998 par l’Espagne, a pu être mis en place pendant la présidence espagnole de l’Union en 2002, avec un financement européen à hauteur de 40 millions d’euros. Le projet, mené par les gouvernements français et espagnol, a conduit à la mise en place d’outils technologiques pour la détection des migrations irrégulières en Méditerranée et à proximité des Canaries, grâce à la collaboration marocaine. Sa mise en place avait permis au Maroc de négocier certaines aides financières espagnoles et européennes (Lutterbeck, 2006). Cette initiative voit le Maroc prendre véritablement le rôle de partenaire de l’Europe dans la lutte contre les migrations irrégulières, ce qu’il tente également de faire plus largement dans le cadre de la Politique de voisinage. Négociations européennes : une conditionnalité flexible, ou les bénéfices de l’asymétrie. Depuis le début des années 2000, l’Union européenne joue un rôle accru dans le domaine du contrôle des migrations. Les interactions avec le Maroc à ce sujet sont d’ailleurs courantes. La stratégie marocaine a été similaire à celle adoptée dans le cadre bilatéral avec l’Espagne. La collaboration sur les questions migratoires donne lieu à des négociations autour d’aides financières dans le cadre du programme AENEAS (désormais « Programme de coopération extérieure migration et asile »), notamment. Quelle est la stratégie adoptée par le gouvernement marocain dans ces négociations pour tenter de maximiser les bénéfices de sa participation aux politiques migratoires européennes ? 24 Roland Blum, Avis présenté au nom de la Commission des affaires étrangères sur le projet de loi de finances pour 2007, n° 3341, (Paris, Assemblée nationale, 12 octobre 2006, p. 39-40). 109 Dans le cas des négociations avec l’Union européenne, la stratégie du gouvernement marocain a pu être encouragée par l’adoption de la Politique de voisinage et la nouvelle inflexion qu’elle a donnée à la politique migratoire, mais aussi de façon plus générale aux modalités des relations européennes avec les pays tiers. En effet, l’adoption de la Politique européenne de voisinage s’est accompagnée d’une transformation de la perception de ce que devait être la conditionnalité appliquée par l’Europe avec ses partenaires : dans le cadre du processus de Barcelone initial, celle-ci était négative, l’absence de coopération d’un partenaire devant se solder par une sanction. En revanche, dans celui de la Politique européenne de voisinage, l’accent a été mis sur une « conditionnalité positive », insistant sur les incitations et la rétribution de la coopération, qui a été adoptée comme stratégie dominante (Del Sarto et Schumacher, 2005, 6-7). Une telle conception de la conditionnalité a permis au Maroc de négocier en espérant des rétributions plus importantes et sans craindre de sanction. Dès lors, la stratégie consistant à lier la négociation de certains domaines avec d’autres questions peut fonctionner. Cet emboîtement (issue-linkage) entre enjeux migratoires et enjeux économiques a permis au gouvernement marocain de négocier des aides au développement ou un accès au marché européen qu’il n’aurait sans doute pas obtenu. Ainsi, en situation d’asymétrie25, les stratégies de linkage permettent à la partie la plus vulnérable d’obtenir un accord minimal de l’acteur le plus puissant, en opérant un emboîtement entre les enjeux directs et indirects de la négociation. Le processus de négociation n’est pas linéaire, il se caractérise par un recours au dialogue, mais aussi par des phases de résistance, d’obstruction ou abstention (Daoudy, 2006). Ceci semble caractéristique des relations du Maroc avec l’Espagne autour des questions migratoires, analysées plus haut. On peut également constater que, dans des situations d’asymétrie, la partie la plus faible n’est pas nécessairement la plus démunie, puisqu’elle adopte les contre-stratégies appropriées, plutôt que de se soumettre purement et simplement aux règles du jeu (Rubin et Zartman, 2000). Certaines décisions ou actions du gouvernement marocain peuvent être perçues comme des concessions aux demandes européennes, ou des 25 Dans le cas du Maroc, les pays européens restent les principaux partenaires commerciaux, mais non l’inverse. 110 preuves de bonne volonté pour les négociations. Ainsi, certains ont souligné que les incidents de Ceuta et Melilla en 200526 avaient précédé la tenue d’un conseil des Premiers ministres espagnol et marocain à Séville, le gouvernement marocain menant des actions musclées de reconduite à la frontière des migrants subsahariens afin de montrer son efficacité, comme il l’avait fait par exemple avant la visite du roi espagnol en janvier 200527. La participation au programme SIVE peut également être considérée comme un gage de bonne volonté de la part du Maroc, qui se donne ainsi l’image d’être le partenaire de l’Europe dans la lutte contre les migrations irrégulières. De même, la modification de la législation marocaine sur les migrations a pu être perçue comme un signe envoyé à l’Europe : l’adoption de la loi 02-03 du 11 novembre 2003 « relative à l’entrée et au séjour des étrangers au Royaume du Maroc, à l’émigration et à l’immigration irrégulières »28 a pu apparaître comme une concession aux demandes européennes d’une loi plus sévère sur l’émigration irrégulière (Belguendouz, 2003 ; Elmadmad, 2005 ; Gabrielli, 2008). Quoi qu’il en soit, cette stratégie semble payante. Ainsi, le Maroc est l’un des principaux bénéficiaires des programmes européens d’aide au développement liés aux politiques migratoires. En mars 2004, le programme AENEAS, un cadre financier pour 2004-2008, remplace la ligne budgétaire B7-667 qui avait été créée par la Commission afin de soutenir la coopération avec les pays tiers dans le domaine des migrations (Lavenex, 2006). Pour cette période, le programme AENEAS prévoyait un total de 250 millions d’euros de dépenses29. Les objectifs sont de « développer des politiques migratoires dans les pays tiers », de 26 En septembre et octobre 2005, des migrants subsahariens avaient assailli les barrières entourant les enclaves espagnoles de Ceuta et Melilla au nord du Maroc. La répression par les forces de l’ordre marocaines et espagnoles avait causé la mort de six personnes parmi ces migrants. Ces événements ont attiré l’attention de la communauté internationale et de la société civile marocaine sur le traitement de ces migrants, et ont poussé le Maroc à rechercher une meilleure coordination avec l’Espagne et l’Union européenne. Pour un récit des événements, voir par exemple Migreurop, Guerre aux migrants : le livre noir de Ceuta et Melilla, juin 2006. 27 Migreurop, Guerre aux migrants : le livre noir de Ceuta et Melilla, juin 2006. 28 Royaume du Maroc, Dahir n° 1-03-196 ramadan 1424 (11 novembre 2003) portant promulgation de la loi n° 02-03 relative à l’entrée et au séjour des étrangers au Royaume du Maroc, à l’émigration et à l’immigration irrégulières, BO, n° 5162, 2003. 29 European Commission, Reference document for financial and technical assistance to third countries in the area of migration and asylum, AENEAS Programme 2004-2006 (Brussels, EC, 2003, p. 3). 111 « promouvoir les canaux légaux de migration », de « combattre les migrations illégales » et de favoriser la « réadmission et la réintégration durable des migrants de retour dans leurs pays d’origine »30. Le Maroc est présenté comme une zone de transit où des migrants attendent de pouvoir passer en Europe31. Par ailleurs, la négociation d’un accord de réadmission apparaît clairement comme la raison pour laquelle le Maroc bénéficie en priorité du programme AENEAS : « On the Community’s behalf, the Commission is currently negotiating a readmission agreement with Morocco and has (sic) negotiating directives for Algeria. This gives these two countries priority as regards their eligibility under the Aeneas programme32. » AENEAS s’inscrit ainsi dans la lignée des financements accordés par le programme MEDA. Par ailleurs, le programme AENEAS, en se concentrant sur la question des migrations, offre aux pays du sud de la Méditerranée certaines opportunités dans ce domaine. Ainsi, en 2007, l’ANAPEC, Agence nationale de promotion de l’emploi et des compétences, une organisation marocaine pour la promotion de l’emploi, a commencé à recruter des travailleurs saisonniers pour le secteur agricole espagnol33. Le gouvernement espagnol ainsi que les autorités régionales sont impliquées dans ce recrutement, tandis que les coûts sont couverts par AENEAS. Le site internet de l’ANAPEC International annonce que la « campagne 2008-2009 pour le recrutement des ouvrières agricoles en Espagne » a concerné 16 000 emplois34. La stratégie du Maroc consistant à se positionner comme le bon élève maghrébin dans la lutte contre les migrations irrégulières semble donc porter ses fruits. Le Maroc bénéficie d’aides financières importantes et d’autres avantages, comme l’illustrent les campagnes de recrutement d’ouvriers saisonniers. Cette position de partenaire privilégié de l’Europe semble avoir été confirmée lorsque le Maroc a accueilli la première « conférence ministérielle euro-africaine sur les migrations et le développement » en juillet 200635 qui a réuni les représentants de 30 Ibid., p. 4. 31 Ibid., p. 13. 32 Ibid., p. 14. 33 Pierre Daum, « Le Maroc mûr pour les récoltes en Europe, » Libération, 3 septembre 2007. 34 « ANAPEC International, » http://www.anapecinternational.com, consulté le 5 février 2009 : Rubrique « Actualités et événements », 23 décembre 2008. 35 Les 10 et 11 juillet 2006. Voir ministère des Affaires étrangères et de la Coopération du Royaume du Maroc, « Conférence ministérielle euro-africaine sur la migration et le développement », 2006, http://www.maec.gov.ma/migration/fr/conference.htm, consulté le 5 février 2009. 112 près de soixante pays. Plus récemment, le Maroc a accédé en 2008 à un statut particulier par rapport à l’Union européenne, le « statut avancé ». On peut distinguer cinq niveaux d’association avec l’Union européenne, de l’association proche, par exemple dans le cadre de l’Espace économique européen (EEE), à une association lointaine, comme c’est le cas avec les pays de la zone Afrique-Caraïbes-Pacifique (ACP) (Lavenex et Uçarer, 2004). En effet, si pour le moment le Maroc ne peut guère espérer le statut de pré-adhésion, il est pourtant désormais privilégié par rapport aux autres pays participant à la Politique européenne de voisinage. Ce « statut avancé » est en fait une Déclaration de l’Union européenne le 13 octobre 2008 à Luxembourg, lors de la septième session du Conseil d’association UE-Maroc36. Dans cette déclaration, le thème des migrations n’occupe que trois articles sur trente-huit. Les premiers articles abordent la question de la coopération bi-latérale et régionale. Puis, les thèmes de la participation marocaine à la Politique européenne de sécurité et de défense (PESD), des droits de l’homme et de la transparence au Maroc, de la lutte contre le terrorisme, de l’Union africaine et de l’Union du Maghreb Arabe, et du Sahara occidental. Les trois articles concernant les migrations précèdent immédiatement les articles portant sur les accords commerciaux et la libéralisation des échanges. Ainsi, s’il n’occupe pas une part importante dans la déclaration de statut avancé, le thème des migrations apparaît comme la clé de voûte de la déclaration, entre les thèmes géopolitiques et le thème des échanges économiques. L’Union européenne salue d’abord les efforts marocains dans la lutte contre « l’immigration illégale », qui auraient conduit à « une réduction substantielle de ces flux en provenance de ce pays » (article 25). Elle se félicite également de la coopération entre le HCR et le Maroc (article 27). Pourtant, entre ces deux articles, une réserve de taille est exprimée dans l’article 26 : « Tout en rappelant les efforts entrepris par le Maroc en matière d’immigration illégale, l’Union européenne regrette que les négociations sur un accord de réadmission n’aient pas pu être conclues depuis la dernière session du Conseil d’association. L’UE réaffirme l’importance qu’elle attache à la conclusion prochaine de cet accord, qui 36 Conseil d’association UE-Maroc, Statut avancé d’association UE-Maroc (Déclaration de l’Union européenne), 2008, http://www.statut-avance.com, consulté le 5 février 2009. 113 ouvrira de nouvelles possibilités de développement de la coopération avec le Maroc y compris dans le contexte du dialogue sur le renforcement des relations bilatérales37. » Ainsi, le Maroc n’a toujours pas signé d’accord de réadmission avec l’Union européenne. Les raisons de ce délai n’apparaissent pas claires. Cependant, les raisons pour lesquelles l’Union européenne s’est tout de même déclarée en faveur du statut avancé le sont encore moins. On pourrait penser que l’accord de réadmission n’est pas un point central de l’accord d’association puis du statut avancé. Mais, comme le souligne Sandra Lavenex, la réadmission figure comme un point important des accords d’association38 signés avec les pays du Maghreb et entrés en vigueur en 2000 (Art. 69 IIIc) (Lavenex, 2002). De même, Abdelkrim Belguendouz insiste sur la centralité de la réadmission, « idée fixe » dans les relations de la Commission européenne avec le Maroc (Belguendouz, 2005). Plutôt que de décrire l’Union européenne comme occupant « une position contractuelle de contrôle quasi-absolu », ainsi que le font la plupart des analyses de la Politique européenne de voisinage, nous préférons retenir l’idée d’un « complexe de sécurité à géométrie variable » (Balzacq, 2007) de l’Europe. En un sens, l’absence de perspective d’adhésion donne une certaine marge de manœuvre au Maroc, même si les incitations à la coopération sont, nous l’avons vu, très fortes. On peut donc formuler l’hypothèse que le Maroc, plutôt que de simplement céder à la pression européenne, a adopté une « contre-stratégie » (Rubin et Zartman, 2000) payante. D’une part, le gouvernement signe des accords de réadmission avec des pays européens particulièrement concernés, comme l’Espagne ; il fait également preuve de bonne volonté en menant quelques actions particulières avec l’Union européenne et les différents pays concernés, comme SIVE ou d’autres accords de coopération policière. Mais d’autre part la signature d’un accord de réadmission avec l’Union européenne est constamment repoussée ou négociée. On peut donc se demander si le but de la participation du gouvernement marocain aux négociations n’est pas d’éviter la signature d’un accord 37 Ibid. 38 Official Journal of the European Communities, « Euro-Mediterranean agreement establishing an association between the European Communities and their Member States, of the one part, and the Kingdom of Morocco, of the other part », (OJ 2000, L070, 2000). 114 (avoid agreement). On pourrait caractériser la stratégie marocaine par le terme d’« évitement opportuniste » (opportunistic avoidance) tel que décrit par James Wallihan : l’objectif principal de la participation aux négociations n’est pas de parvenir à l’accord, mais la perspective de celuici n’est pas complètement exclue (Wallihan, 1998). En participant aux négociations, et en donnant des signes de bonne volonté, le Maroc a réussi à obtenir aides au développement ou son « statut avancé », tout en évitant, ou du moins en retardant pour le moment, la signature d’un accord de réadmission avec l’Union européenne. Conclusion L’européanisation des politiques migratoires et les tentatives d’externalisation ont des conséquences concrètes, qui n’ont pas été abordées en détail ici : les concessions accordées par le Maroc à l’Europe sont importantes, même si tous les accords signés ne sont pas nécessairement mis en œuvre. Nous nous sommes intéressés à l’impact de l’européanisation des politiques migratoires et des tentatives d’externalisation sur la stratégie marocaine dans les négociations. D’une part, l’européanisation ajoute au moins un niveau de négociatins, et permet donc au gouvernement marocain de mener ses négociations sur plusieurs niveaux – avec les différents pays européens et avec l’Union européenne – et de tenter d’obtenir différents avantages à chaque niveau. D’autre part, pour s’adapter aux stratégies européennes, et notamment à la conditionnalité positive de la Politique européenne de voisinage, le gouvernement marocain ne s’est pas exécuté sans réticence, mais a développé une contre-stratégie consistant à donner des gages de bonne volonté dans la lutte contre les migrations irrégulières, tout en repoussant la signature d’accords trop contraignants. Ce constat va à l’encontre des descriptions d’une Union européenne hégémonique imposant l’externalisation du contrôle migratoire à ses voisins. Certes l’Union européenne est un partenaire de taille pour ses voisins du sud. Certes ils se prêtent pour la plupart au jeu de l’externalisation. Mais ils cherchent malgré tout à obtenir les meilleures contreparties possibles, et peuvent même parfois jouer de l’obsession européenne du contrôle des frontières pour obtenir des financements ou d’autres avantages. Le thème des migrations apparaît donc comme une ressource pour le Maroc comme pour d’autres pays du sud de la Méditerranée ou 115 d’Afrique subsaharienne dans leurs négociations avec l’Europe, grâce à l’emboîtement de différents enjeux. RÉFÉRENCES BIBLIOGRAPHIQUES Alioua Mehdi (2005), « La migration transnationale des Africains subsahariens au Maghreb : l’exemple de l’étape marocaine », Maghreb-Machrek, n° 185, p. 37-57. Balzacq Thierry (2007), « La politique européenne de voisinage, un complexe de sécurité à géométrie variable », Cultures et Conflits, n° 66, p. 31-59. Belguendouz Abdelkrim (2005), « Expansion et sous-traitance des logiques d’enfermement de l’Union européenne : l’exemple du Maroc », Cultures et Conflits, n° 57. http://www.conflits.org/index1754.html. 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