[go: up one dir, main page]

Academia.eduAcademia.edu
La législation fédérale relative à l’accès à l’information en matière d’environnement: la fin du secret administratif ? Je tiens à remercier Marc Pallemaerts, Ludo Veuchelen, Kristel Geerts, Benjamin Maquestieau, Frankie Schram et Bernard Bléro pour leur aide et leurs conseils. La présente étude est le fruit de recherches réalisées en 2010 dans le cadre d'une convention de collaboration entre l'ULB et le SCK-CEN. Les opinions émises dans cet article n’engagent évidemment que son auteur. Les observations et commentaires sont bienvenus à l’adresse: ymossoux@ulb.ac.be. Youri Mossoux Assistant au Centre de droit public de l’ULB Article publié dans la revue Aménagement-environnement, n° 2011/3, aux pages 173-193. …………………………………………………………………………………………………. Introduction 1. Les dispositions permettant l’accès du public à l’information, comme celles qui permettent la participation du public sont parmi les plus répandues dans le droit de l’environnement. Le but de la mise en œuvre de ce droit est de permettre que le public participe de façon éclairée à l’élaboration et à la mise en œuvre du droit de l’environnement et puisse contester devant le juge les décisions adoptées ; les droits procéduraux consacrés par la convention d’Aarhus du 25 juin 1998 sur l’accès à l’information, la participation du public au processus décisionnel et l’accès à la justice en matière d’environnement (ci-après « convention d’Aarhus ») sont donc liés entre eux L’accès à l’information est néanmoins indépendant de ces droits puisqu’il peut s’exercer en dehors d’un processus de décision ou de recours.- P. Thieffry, Droit de l'environnement de l'Union européenne, Bruxelles, Bruylant, 2008, p. 505.. L’obligation d’informer est passive lorsque l’administration n’a pas l’initiative, qu’elle doit permettre l’accès aux documents sur demande de l’administré; elle est active lorsque l’administration doit publier les documents J. Surmont, «De Wet betreffende de toegang van het publiek tot milieu-informatie: een eerste analyse», T.M.R., 2007, p. 2.. Le régime belge d’accès à l’information en matière d’environnement est issu de différents textes, en particulier la directive 2003/4/CE du Parlement et du Conseil, du 28 janvier 2003, concernant l’accès du public à l’information en matière d’environnement et la convention d’Aarhus à laquelle la Communauté européenne et la Belgique ont adhéré Décision 2005/370/CE du 17 février 2005; L. d’assentiment du 17 décembre 2002 (M.B., 24 avril 2003, p. 22128).. En Belgique, l’accès du public à l’information est principalement organisé par la législation régionale, les régions étant compétentes pour la plupart des aspects de la politique de l’environnement. Au niveau fédéral, c’est la loi du 5 août 2006 relative à l’accès du public à l’information en matière d’environnement qui s’applique. Il s’agit d’une transposition de la directive Art. 2, L. du 5 août 2006 relative à l’accès du public à l’information en matière d’environnement (ci-après «L. 2006»).. Le but de la Convention, de la directive et de la loi est que l’accès aux documents devienne la règle et que le secret ne soit gardé que dans des cas exceptionnels L. Veuchelen et N. Prieto Serrano, « Legal Implementation of safety standards and technical rules in the field of nuclear safety ; information and transparency », in Nuclaer Inter Jura, Actes du congrès organisé du 1er au 4 octobre 2007 à Bruxelles, Bruxelles, Bruylant, 2008, p. 147 ; N. de Sadeleer, Environnement et marché intérieur, Bruxelles, éd. de l’ULB, 2010, p. 183; Projet de loi relatif à l’accès du public à l’information en matière d’environnement, Doc. parl., Ch. repr., sess. 2005-2006, n° 2511/001, p. 26. . 2. Nous nous proposons d’analyser le droit d’accès à l’information au regard de la législation fédérale et plus spécifiquement d’analyser son application dans le secteur du nucléaire civil. L’accès à l’information au niveau fédéral se heurte à un obstacle particulier dans le domaine du nucléaire où la lutte contre la prolifération, la sécurité intérieure et la concurrence internationale favorisent la confidentialité des informations Jean-François Neuray remarque que la culture du secret qui entoure cette industrie génère autant de méfiance que les risques réellement encourus (Droit de l'environnement, Bruxelles, Bruylant, 2001, p. 333).. À la suite de la catastrophe de Tchernobyl, l’accès à l’information avait pourtant été jugé nécessaire à l’évitement des accidents L. Krämer, Focus on Environmental law, Londres, Sweet and Maxwell, 1993, p. 291.. Il s’agit de déterminer de quelle façon le législateur belge a tenté de concilier ces différents objectifs. 3. Le secteur du nucléaire est principalement régi par la loi 15 avril 1994 relative à la protection des populations contre les dangers résultant des rayonnements ionisants et relative à l’Agence fédérale de Contrôle nucléaire L’article 2bis de la loi du 15 avril 1994 exclut l’application de la loi du 11 avril 1994 relative à la publicité de l’administration, mais ne renvoie pas à la loi du 5 août 2006 relative à l’accès au public en matière d’environnement. La Cour constitutionnelle a jugé cette disposition conforme aux articles 23 et 32 de la constitution (C.C., 14 septembre 2004, n° 150/2004).. La loi s’applique à tous les appareils ou installations émettant des radiations ionisantes y compris les appareils médicaux. L’arrêté royal du 20 juillet 2001 portant règlement général de la protection de la population, des travailleurs et de l’environnement contre le danger des rayonnements ionisants (R.G.P.R.I.) met en œuvre la loi et concerne notamment les autorisations d’exploiter. 4. Nous analyserons les différents aspects du droit applicable selon une grille d’analyse classique, mais en mêlant pour chaque aspect les règles issues de la loi de 2006 avec celles issues des législations sur le nucléaire et la classification des documents (II) Nous n’aborderons pas ici les mesures de publicité spécifiques prévues dans le cadre de l’enquête publique.. Mais nous examinerons d’abord la place du droit d’accès à l’information dans le droit constitutionnel (I). Le droit d’accès à l’information et la Constitution 5. En Belgique, ce droit peut se fonder sur l’article 32 de la Constitution qui énonce que « chacun a le droit de consulter chaque document administratif et de s'en faire remettre copie, sauf dans les cas et conditions fixés par la [législation] ». Cette disposition concerne tous les documents administratifs. Elle est directement applicable et fait partie des normes de contrôle de la Cour constitutionnelle. Les restrictions à ce droit doivent être prévues dans la loi, raisonnablement justifiées et proportionnées. Elles sont d’interprétation restrictive C.C., n° 150/2004, B.3.2., B.7.2. et B.8.; C.E. (réf.), 14 avril 2009, n° 192.371, Nationale Instelling voor Radioactief afval en verrijkte Splijtstoffen (NIRAS). L’arrêt du Conseil d’Etat statuant sur le recours en annulation a été publié au moment de la remise de cet article. Il confirme largement la décision précédente. Les références ultérieures à l’affaire NIRAS concernent l’arrêt en référé, sauf mention contraire. . Il semble ressortir de la jurisprudence que ces restrictions peuvent être des restrictions absolues à l’accès à l’information telle une obligation de secret issue de la classification d’un document C.C., n° 150/2004, B.7.2 et B.8. Les travaux préparatoires de l’article 32 précisaient pourtant le contraire: Doc. parl., Ch. repr., sess. 1992-1993, n° 839/4, p. 7. Adde: Fr. Schram, De publieke toegang tot milieu-informatie in internationaal en internrechtelijke perspectief, Gand, Larcier, 2008, p. 135.. La question de l’existence d’un principe général du droit de la transparence dont le champ d’application irait au-delà de celui de l’article 32 de la Constitution demeure controversée P. Goffaux, Dictionnaire élémentaire de droit administratif, Bruxelles, Bruylant, 2006, p. 266. Voir ég. C.E., 5 juillet 2002, n° 108.931, Lambert.. 6. De même, le droit d’accès à l’information en matière environnementale peut se relier au droit à la protection d’un environnement sain Art. 1er, Convention d’Aarhus; C.C., n° 150/2004. consacré en droit belge par l’article 23 de la Constitution. Le législateur doit garantir ce droit en tenant compte des obligations correspondantes. Selon la Cour constitutionnelle, ce droit « ne permet pas de déduire un droit à l’information en ce qui concerne les matières nucléaires, qui irait au-delà des garanties de l’article 32 de la Constitution » C.C., n° 150/2004, B.10.2.. Le droit à un environnement sain génère également un effet de standstill C.C., 14 septembre 2006, n° 135/2006. Néanmoins un recul sensible de la protection de l’environnement est nécessaire pour que l’effet puisse jouer. Voir C.C., n° 150/2004, B.12, B.13.1 et B.13.2. Mais cet arrêt a été rendu à une époque où les contours de l’effet de standstill étaient particulièrement controversés. et un effet interprétatif des dispositions inférieures dans la hiérarchie des normes. 7. Le droit d’accès à l’information peut également se baser sur l’article 22 de la Constitution interprété au regard de l’article 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme (C.E.D.H.) qui consacre le droit à la vie privée et familiale ainsi que la protection du domicile C.C., 30 avril 2003, n° 50/2003, B.8.1. à B.8.5.. La Cour européenne des droits de l’homme a jugé dans son arrêt Guerra du 19 février 1998 que le refus par les pouvoirs publics de communiquer des informations sur la nature et l’intensité des risques d’une entreprise chimique enfreignait l’article 8 de la C.E.D.H. Cour eur. D.H., 19 février 1998, Guerra et al. c. Italie, § 60. . En outre, la Cour a jugé « qu’étant donné que l’exposition à des niveaux élevés de rayonnement [ionisant] est connue pour avoir des effets cachés, mais graves et durables, il est normal que l’incertitude des requérants quant à la question de savoir s’ils avaient été ainsi exposés à des dangers leur ait causé une anxiété et une détresse importantes » susceptible de porter atteinte à leur vie familiale Cour eur. D.H., 9 juin 1998, McGinley et Egan c. Royaume-Uni, §§ 98-99.. Ce droit à l’information ne porte pas uniquement sur le risque de dommage issu d’une émission ayant déjà eu lieu, mais porte également sur le risque d’émission ou d’accident Cour eur. D.H., op. cit., Guerra, § 60; Cour eur. D.H., op. cit., McGinley et Egan, § 99.. L’existence d’une procédure effective et accessible d’accès aux informations pertinentes et appropriées, qui permettent d’évaluer les conséquences sanitaires de l’exposition, est suffisante pour que l’État remplisse ses obligations au titre de l’article 8, sans qu’il soit nécessaire qu’il organise une publicité active Cour eur. D.H., op. cit., McGinley et Egan, §§ 99 et 101-102. Voir cependant les opinions dissidentes des juges De Meyer, Valticos et Morenilla et du juge Pekkanen. Dans l’affaire Roche, la Cour a ajouté qu’il fallait qu’une procédure d’accès à l’information soit prévue également en dehors du cadre d’une procédure contentieuse (Cour eur. D.H., 19 octobre 2005, Roche c. Royaume-Uni, §§ 164-5). . Le public doit avoir accès aux études et enquêtes réalisées lors du processus décisionnel et aux informations permettant d’évaluer le danger auquel il est confronté Cour eur. D.H., 10 novembre 2004, Taşkin et al. c. Turquie, § 119.; les informations doivent être claires et exhaustives Cour eur. D.H., 30 novembre 2004, Öneryildiz c. Turquie, § 62. . La communication peut cependant être écartée s’il existe un intérêt public Cour eur. D.H., op. cit., Mcginley, § 101. ou un motif impérieux Cour eur. D.H., op. cit., Roche, § 161. pour ne pas divulguer l’information. Le régime du droit d’accès à l’information III.1. Les titulaires du droit d’accès 8. Le mot « chacun » utilisé dans la Constitution implique que le droit est accordé sans discrimination y compris aux étrangers, aux personnes morales C.E., 14 octobre 1996, n° 62.547, s.a. Électrification du rail en liquidation. et même aux associations de fait Doc. parl., Ch. repr., sess. 2005-2006, n° 2511/001, p. 26; art. 2, § 4, Convention d’Aarhus.. Cela signifie aussi qu’il n’y a pas à démontrer un intérêt particulier Art. 18, §§ 1er et 2, L. 2006; C.E., 12 novembre 2002, n° 112.495, de liedekerke de Pailhe. ou à indiquer la raison pour laquelle la demande est faite L. Krämer, EC Environmental Law, Londres, Sweet and Maxwell, 2007, p. 149.. Jean-François Neuray relève que les citoyens se voient souvent obligés de justifier leur demande et que les fonctionnaires sont parfois convaincus que la divulgation d’information est une faute professionnelle J.-Fr. Neuray, Leçons de droit de l’environnement, Bruxelles, Kluwer, 2005, p. 20. Voir ég. L. Krämer, op. cit., p. 150.. La divulgation de certaines informations liées au nucléaire peut apparaître comme un délit dans certains cas Voir infra.. 9. La demande d’information doit être faite par écrit Art. 21, § 1er, L. 2006. Cela comprend l’écrit électronique (art. 3, § 3). ce qui est plus restrictif que les prévisions correspondantes des régimes internationaux Art. 4, § 5, dir. 2003/4; art. 4, § 7, convention d’Aarhus.. Cela exclut les demandes par téléphone et a priori celles faites par des analphabètes voire les illettrés L’exposé des motifs déclare qu’une personne peut mentionner sa demande oralement auprès de l’instance. Il devra néanmoins remplir un formulaire écrit, le cas échéant en étant assisté par un fonctionnaire ou un employé (Doc. parl., Ch. repr., sess. 2005-2006, n° 2511/001, pp. 26 et 27). . La réponse doit également être écrite Doc. parl., Ch. repr., sess. 2005-2006, n° 2511/001, p. 30. L’exigence d’un écrit ne se retrouve pas dans la loi. Elle est surtout importante en cas de refus total ou partiel, pour lesquels une motivation formelle est exigée et qui pourraient être attaqués au Conseil d’État. En toute hypothèse, le devoir d’assistance des fonctionnaires et employés (voir infra) devrait s’appliquer ici en faveur des analphabètes. . On pourrait envisager que des demandes anonymes soient acceptées. En effet, même si l’article 21, § 1er prévoit que la demande mentionne le nom et l’adresse du demandeur, il s’agit avant tout de pouvoir lui transmettre l’information. L’exigence est fonctionnelle et ne témoigne pas d’une volonté d’interdire les demandes anonymes Fr. Schram, op. cit., p. 161. L’exposé des motifs insiste sur la possibilité de contacter le demandeur, mais ne mentionne pas d’exigence quant au nom. Voir cependant le traitement spécifique donné à certaines informations sensibles: Doc. parl., Ch. repr., sess. 2005-2006, n° 2511/001, p. 28.. Néanmoins, l’identification du demandeur pourrait être utile à la détermination de l’existence de conflits d’intérêts dans le chef des membres de l’instance environnementale appelée à se prononcer A. Lebrun, «La pratique de la demande d’accès à l’information environnementale», in Dix ans d'accès à l'information en matière d'environnement en droit international, européen et interne: bilan et perspectives, Bruxelles, Bruylant, 2003, p. 227. Selon cet auteur, l’identité du demandeur peut également intervenir dans la balance d’intérêt effectuée. Nous pouvons en conclure qu’a contrario, l’anonymat ne devrait pas poser de problème dans les cas où l’autorité ne doit pas effectuer de balance d’intérêt parce qu’elle a constaté qu’il n’y a d’atteinte à aucun des intérêts protégés par la loi (voir infra). Même en cas d’atteinte, l’autorité qui décide de transmettre l’information à «X», ne pourra la refuser à «Y» que si cette différence de traitement est fondée sur un critère objectif, une justification raisonnable et n’est pas manifestement disproportionnée. Quoi qu’il en soit, il nous semble que dans la mesure où le demandeur n’a pas à justifier d’un intérêt particulier pour avoir accès à l’information, il peut la transmettre à un tiers ou la publier une fois qu’il l’a obtenue, sous réserve bien sûr de l’application des législations réglementant ou interdisant la publication – par exemple, les législations sur les droits intellectuels, la directive 2003/98 concernant la réutilisation des informations du secteur public ou même le devoir général de prudence. La décision de divulgation ne lui impose pas de garder cette information secrète. . III.2. Le type d’informations accessibles 10. La Convention et la directive parlent d’accès à l’information ou de communication des mesures alors que la Constitution parle de documents. Ces termes doivent être interprétés de façon large ou même « très large » C.C., n° 150/2004, B.3.2.: ils n’excluent que les données qui ne sont reprises dans aucun support matériel, y compris informatique J.-Fr. Neuray, op. cit., p. 25; Chr. Larssen, «L’accès à l’information en matière d’environnement», Urbanisme et environnement, extrait du R.P.D.B., Bruxelles, Bruylant, 2009, p. 904.. La loi de 2006 confirme cette interprétation Art. 3, 4°, L. 2006.. 11. L’information environnementale au sens de la loi est toute information, peu importe le support et la forme matérielle dont dispose une instance environnementale La directive parle de «toute information disponible sous forme écrite, visuelle, sonore, électronique ou toute autre forme matérielle» (art. 2, § 1er, dir. 2003/4)., concernant: l'état des éléments de l'environnement La loi énonce une liste non limitative de ces éléments (art. 3, 4°, L. 2006). ; les facteurs Il s’agit notamment «des substances, l'énergie, le bruit, les rayonnements ou les déchets, y compris les déchets radioactifs, les émissions, les déversements et autres rejets dans l'environnement». Les rayonnements ionisants entrent donc dans cette définition., les mesures Ce qui comprend notamment les mesures administratives, les politiques, les dispositions législatives, les plans, les programmes et les accords environnementaux (art. 2, § 1er, c), dir. 2003/4). et les activités qui ont ou sont susceptibles d'avoir des incidences sur les éléments de l'environnement visés dans la loi ou l’état de la santé de l’homme et sa sécurité tels que visés dans la loi; les mesures ou activités destinées à garder en état, protéger, restaurer ou développer ces éléments Peu importe l’acteur qui adopte les mesures ou activités (Doc. parl., Ch. repr., sess. 2005-2006, n° 2511/001, p. 17). Par analogie avec le droit bruxellois ces mesures devraient comprendre les études d’incidences (art. 3, 2°, c) de l’ordonnance du 30 mars 2004 sur l’accès à l’information relative à l’environnement dans la Région de Bruxelles-Capitale).; les rapports sur l'application de la législation environnementale; les analyses coût-avantages et autres analyses et hypothèses économiques; l'état de la santé humaine et de la sécurité, y compris la contamination de la chaîne alimentaire, les conditions de vie des personnes; et les sites culturels et les constructions pour autant qu'ils soient ou puissent être altérés par l'état des éléments de l'environnement visés dans la loi, ou, par l'intermédiaire de ces éléments, par l'un des facteurs, mesures ou activités visés par la loi Art. 3, 4°, L. 2006; art. 2, § 1er, dir. 2003/4.. Ces concepts doivent eux-mêmes être interprétés largement J. Surmont, op. cit., p. 5.. 12. Une simple prise de position de l’administration a été jugée comme constituant une information environnementale, car elle était de nature à influer sur la décision d’approbation des plans de construction d’un tronçon de route C.J.C.E., 17 juin 1998, C-321/96, Wilhelm Mecklenburg c. KreisPinnenberg.. Les avis juridiques internes ou externes peuvent être une information environnementale, mais pourraient se trouver sous le coup des exceptions à la divulgation En particulier celles prévues à l’article 27, § 1er, 5°, 7° et 8° (Doc. parl., Ch. repr., sess. 2005-2006, n° 2511/001, p. 37). L’avis de la section législation du Conseil d’État (ci-après «S.L.C.E.») est aussi accessible s’il est détenu par une des autorités visées (C.E., 31 mars 1998, n° 72.863, Jordan).. Les contrats sont susceptibles d’être des informations environnementales Commission fédérale d’accès aux documents administratifs (CADA), avis du 19 octobre 2006, CTB/2006/46, Glorieux c. Niras.. L’accès à l’information suppose aussi la communication des documents détaillant la façon dont les autorités remplissent leurs obligations internationales. Divers documents liés au domaine du nucléaire constituent a priori des informations environnementales. Il s’agit, par exemple, des informations liées à l’enquête publique J. Sambon, «L’accès à l’information en matière d’environnement: de quelques difficultés théoriques et pratiques», in L’accès aux documents administratifs, Bruxelles, Bruylant, 2008, p. 684., au dossier de la demande ou à la motivation des décisions d’autorisation portant sur les établissements susceptibles de générer un risque lié à l’exposition aux rayonnements ionisants. Il en va de même pour la liste des producteurs de déchets radioactifs enregistrés auprès de l’Organisme national des déchets radioactifs et des matières fissiles enrichies (ONDRAF), les rapports d’inspection des installations en activités, les plans d’urgence internes et externes, le volume des déchets radioactifs générés par une installation, le rapport annuel de l’Agence fédérale de contrôle du nucléaire (A.F.C.N.) à son autorité de tutelle et au Parlement, les diverses informations que l’exploitant doit communiquer aux pouvoirs publics en vertu de l’article 76 du R.G.P.R.I. et les échanges de documents avec l’A.I.E.A. et l’Euratom. Ces documents pourraient a priori être communiqués intégralement ou partiellement, en fonction de l’application in concreto des exceptions à la publication. Les articles 35 et 36 du Traité Euratom et la directive 96/29/Euratom prévoient que les États membres mettent en place des installations de mesure de la radioactivité ambiante du territoire et de la population et qu’ils transmettent les données à la Commission. Les mesures du réseau Telerad sont disponibles sur internet Voir le site: http://www.telerad.fgov.be.. Ces mesures sont effectuées 24 heures sur 24 à divers endroits en Belgique. Le site internet de l’A.F.C.N. informe, en outre, le public sur le risque, en termes de rayonnements, que présentent certaines régions dont la concentration en radon est plus élevée que la moyenne http://www.fanc.fgov.be/fr/page/bienvenue-sur-le-site-radon-de-l-afcn/646.aspx.. 13. L’administration ne doit pas seulement communiquer les données dont elle est l’auteure, elle doit aussi communiquer toute information dont elle dispose même si celle-ci n’est pas liée à l’exercice d’un service public C.J.C.E., 26 juin 2003, C-233/00, Commission c. France.. Il s’agit des informations qu’elle détient et de celles qui sont gérées pour son compte par un tiers La demande est alors adressée à l’instance et non au tiers, à moins qu’il soit lui-même une instance environnementale. Il s’agit, par exemple, des informations environnementales exigées dans le cadre des obligations d’inspection auxquelles sont soumises des entreprises (Doc. parl., Ch. repr., sess. 2005-2006, n° 2511/001, p. 15). Voir sur les problèmes que peut causer cette catégorie: Chr. Larssen, «La directive 2003/4/CE du Parlement européen et du Conseil du 28 janvier 2003 concernant l’accès du public à l’information en matière d’environnement et abrogeant la directive 90/313/CEE du Conseil – Analyse de la directive et de sa transposition en droit interne», Amén., 2005, p. 9, note 61. . Peu importe que l’information entre directement dans le champ de compétence de l’autorité ou pas Art. 3, 2°, L. 2006. Elle peut aussi simplement exercer un certain contrôle sur l’information demandée. Voir l’avis CTB/94/50 de la CADA cité dans les travaux préparatoires (Doc. parl., Ch. repr., sess. 2005-2006, n° 2511/001, p. 14). . Ainsi, si une instance environnementale fédérale détient des informations liées à un permis d’urbanisme ou à un plan d’aménagement Ces informations sont susceptibles de constituer des informations environnementales: C.E., 19 juillet 2006, n° 161.407, Housieaux. se rapportant à un établissement visé au R.G.P.R.I., elles seront accessibles Néanmoins en vertu de l’article 32 de la Constitution et de l’article 29 de la loi de 2006, le droit régional régissant les conditions dans lesquelles une autorité peut refuser l’accès à un document sera applicable pour ces informations (voir infra).. L’instance environnementale n’est toutefois pas contrainte de collecter des données qu’elle ne devrait pas avoir en sa possession L. Krämer, op. cit., p. 149.. Les informations doivent être correctes Art. 9, L. 2006. et, dans la mesure du possible, ordonnées, précises, comparables et actualisées Art. 10, L. 2006.. La loi octroie également un droit de rectification au public. L’information sera rectifiée si l’erreur est démontrée. Le silence de l’autorité au-delà du délai maximal est assimilé au refus Art. 9, L. 2006.. La date de la rédaction du document est indifférente: des documents datant des années cinquante, lors de la naissance du secteur nucléaire en Belgique, pourraient être demandés. III.3. Les instances concernées 14. En conformité avec le principe d’intégration Art. 11, T.F.U.E., toute autorité est concernée y compris celles qui n’ont pas l’environnement dans leurs compétences, mais détiennent des informations qui y sont liées Art. 3, 1°, L. 2006.. La loi exclut les organes judiciaires pour autant qu’ils agissent dans leurs fonctions judiciaires Les versions anglaises de la directive et de la Convention d’Aarhus utilisent le terme «judicial» dont la traduction littérale est bien «judiciaire», mais qui dans un contexte international peut tout autant se traduire par «juridictionnel». En effet, les pays de common law ne connaissent, en principe, pas de juridictions autres que les juridictions judiciaires; viser les «fonctions judiciaires» en anglais revient donc à viser toutes les juridictions y compris lorsqu’elles se prononcent sur la conformité d’un acte administratif à la loi. Sous l’empire de la directive 90/313, la Cour de justice semblait accepter que toutes les juridictions allemandes soient exclues de l’application de la directive lorsqu’elles agissent dans leurs fonctions juridictionnelles (C.J.C.E., 9 septembre 1999, C-217/97, Commission c. Allemagne, points 20-24). Toutefois, la législation belge pourrait parfaitement être moins large que la directive sur ce point. Lorsque la loi reprend une notion de la directive, elle ne peut être comprise que selon la signification qu’elle a en droit belge (Doc. parl., Ch. repr., sess. 2005-2006, n° 2511/001, p. 16). L’emploi de l’adjectif «judiciaire» (ou gerechtelijk) est ambigu dans ce contexte. Il vise, en principe, les cours et tribunaux chargés de se prononcer sur l’existence de droits subjectifs civils et, sauf exceptions, politiques (comp. les intitulés des chapitres V, VI et VII de la Constitution). Pour le décret wallon, la S.L.C.E. avait recommandé de remplacer le terme «judiciaire», issu de la directive, par le terme «juridictionnel» (avis n° 38.943/2/V, Doc. parl. w., sess. 2005-2006, n° 309/1, p. 25). Faut-il interpréter le terme «judiciaire» de façon stricte et considérer que les juridictions non judiciaires sont concernées par la loi même lorsqu’elles agissent dans leur fonction juridictionnelle ? Il est vrai que les restrictions à l’article 32 de la Constitution doivent s’interpréter de façon stricte, mais cet article ne vise que les documents administratifs (C.C., 23 février 2000, n° 21/2000, B.8.3.). De même, la directive et la loi ne parlent d’interprétation restrictive que pour les causes de dérogation au droit d’accès. En revanche, l’article 23 de la Constitution demande de privilégier l’interprétation la plus favorable à la protection de l’environnement. Néanmoins, selon les travaux préparatoires, cette disposition de la loi de 2006 vise à protéger la séparation des pouvoirs et a été incluse pour compenser le fait que la loi ne se réfère plus aux autorités administratives au sens des lois coordonnées sur le Conseil d’État, mais aux instances environnementales (Doc. parl., Ch. repr., sess. 2005-2006, n° 2511/001, pp. 13 et 14). L’indépendance des juges est garantie par la Constitution et l’article 6 de la Convention européenne des droits de l’homme. En conséquence, l’on peut penser que le législateur a souhaité exclure également les juridictions administratives et la Cour constitutionnelle de l’application de la loi. . Les assemblées législatives et les institutions attachées n’y sont soumises que lorsqu’elles agissent en qualité administrative Art. 3, 1°, L. 2006.. Ces possibilités d’exclusion ne sont offertes qu’aux États qui, à la date d'adoption de la directive, ne prévoient pas dans leurs dispositions constitutionnelles de procédure de recours en matière d’accès à l’information environnementale Art. 2, 1°, dir. 2003/4.. Pour le reste sont visés: les personnes morales ou organes créés par ou en vertu de la Constitution ou de la législation Il s’agit principalement des Services publics fédéraux, des Services publics fédéraux de programmation, des parastataux et des organes consultatifs établis au niveau fédéral (Doc. parl., Ch. repr., sess. 2005-2006, n° 2511/001, p. 13). Il n’est pas nécessaire que ces instances aient la personnalité morale. L’A.F.C.N. (art. 2, al. 4, L. 1994) et l’ONDRAF (L. remplaçant l’art. 179, § 2, de la L. du 8 août 1980 relative aux propositions budgétaires 1979-1980; A.R. du 30 mars 1981 déterminant les missions et fixant les modalités de fonctionnement de l’ONDRAF) entrent dans cette catégorie. ; les personnes physiques ou morales exerçant des fonctions administratives publiques qu’elles soient ou non en rapport avec l’environnement Ce qui inclut les cabinets ministériels (civ. Bruxelles, 24 septembre 1997, J.T., 1998, p. 710), les entreprises publiques, les opérateurs du secteur privé soumis à des obligations de services publics, et les personnes exerçant un mandat ministériel; les archives privées des ministres ou membres des cabinets ministériels ne relèvent cependant pas du champ d’application de la loi (Doc. parl., Ch. repr., sess. 2005-2006, n° 2511/001, p. 13). ; et les personnes physiques ou morales ayant des responsabilités ou fonctions publiques ou fournissant des services publics en rapport avec l'environnement, sous le contrôle de pouvoirs publics Il s’agit d’une référence au service public fonctionnel. Les laboratoires d’analyse agréés et des chargés d’études d’incidence sont concernés (J. Sambon, «L’accès à l’information…», in L’accès aux documents…, op. cit., p. 678). Il en va, selon nous, de même du Centre d’Étude de l’énergie nucléaire, qui est une fondation d’utilité publique dotée de la personnalité morale de droit privé puisque le régime juridique qui lui est appliqué est celui de la loi de 27 juin 1921 sur les ASBL, les associations internationales sans but lucratif et les fondations (CEN, «Profil légal», http://www.sckcen.be/fr/SCK-CEN/Profil-d-organisation/Profil-legal, consulté le 21 juin 2011), qui exerce une mission de service public. La loi de 2006 nous semble également concerner les établissements de retraitement de combustibles nucléaires irradiés ainsi que les experts et organismes agréés en vertu des articles 73 et suivants du R.G.P.R.I. pour diriger le contrôle physique. Belgoprocess, société anonyme de droit privé filiale de l’ONDRAF, exerce un service public fonctionnel lorsqu’elle gère le traitement des déchets radioactifs – dont elle a le monopole – et le démantèlement des installations nucléaires (art. 179, § 2, 2°, 4° et 7°, L. du 8 août 1980 relative aux propositions budgétaires 1979-1980). En revanche, les exploitants de centrales nucléaires ne semblent pas concernés; la production d’électricité n’étant généralement pas considérée comme un service public fonctionnel. En France, l’article 19 de la loi du 13 juin 2006 relative à la transparence et à la sécurité en matière nucléaire fait, en revanche, peser une obligation d’information passive sur l’exploitant. De même, la FBFC et Belgonucléaire, producteurs de combustible nucléaire au statut de droit privé, n’exercent pas de mission de service public. . Notez que le droit d’accès à l’information s’applique également envers les distributeurs d’électricité, mais en vertu de la législation régionale. 15. La législation suppose donc que des personnes morales de droit privé pourront se prononcer sur les exceptions et effectuer la balance des intérêts en présence. Toutes ces entités portent le nom d’instances environnementales Art. 3, § 1er, L. 2006.. La loi ne concerne en principe que les instances environnementales fédérales. La loi peut également s’appliquer aux autres instances environnementales « mais uniquement dans la mesure où, pour des motifs relevant des compétences fédérales, la présente loi limite ou interdit l’accès aux informations environnementales » Art. 4 §§ 1er et 2, L. 2006.. Si les régions étaient sollicitées pour des informations liées au nucléaire, elles devraient respecter les règles concernant les motifs d’exception au droit d’accès fixées par l’autorité fédérale. Une telle pratique est permise en vertu de l’article 32 de la Constitution pour autant que la publicité des informations détenues par les régions soit susceptible de porter atteinte aux intérêts de l’autorité fédérale S.L.C.E., Avis n° 39.823/3, Doc. parl., Ch. repr., sess. 2005-2006, n° 2511/001, pp. 65-6; S.L.C.E., avis n° 38.943/2/V, Doc. parl. w., sess. 2005-2006, n° 309/1, pp. 20 et 21. Selon Damien Jans, cette règle permet que le régime des exceptions ne soit pas contourné par le demandeur qui, face au refus d’une instance environnementale, se dirigerait vers une autre autorité qui détient la même information, mais ne connaît pas le même motif d’exception (D. Jans, «L’accès du public à l’information en matière d’environnement et la fédéralisation de l’État: quelques libres réflexions», in L’accès aux documents…, op. cit., p. 625). La seconde autorité n’est toutefois pas liée par la décision administrative de la première, mais seulement par la législation qui s’applique à elle pour ce qui concerne les motifs d’exceptions. La seconde autorité pourrait donc accepter de divulguer une information que la première a décidé de ne pas divulguer. En pratique, il pourra y avoir des contacts entre les deux administrations. L’article 29 de la loi de 2006 est une disposition miroir de l’article 4, § 2, en faveur de la compétence des régions. L’autorité fédérale pourrait détenir des informations sur les «déchets libérés» au sens de l’accord de coopération du 17 octobre 2002 entre l’État fédéral et les régions relatif à la gestion des déchets libérés. De tels déchets perdent leur caractère radioactif dans les conditions fixées par l’accord et leur gestion relève donc du champ de compétence des régions, mais étant d’anciens déchets radioactifs des informations les concernant devraient se trouver entre les mains d’instances environnementales fédérales qui devront appliquer le droit régional pour les exceptions à la divulgation.. III.4. La mise en œuvre du droit d’accès 16. La loi de 2006 contraint les fonctionnaires à aider le public à accéder aux informations recherchées Art. 19, § 3, L. 2006. Voir ég. C.E., 14 septembre 2004, n° 134.863, Van Hamme et Vekemans., notamment lorsque la demande est trop générale ou mal formulée Art. 22, § 2, L. 2006.. Ils doivent également lui indiquer quelles informations correspondent à un sujet particulier Fr. Schram, op. cit., p. 160. . Les autorités doivent en outre informer le public de façon « adéquate » sur son droit à l’information Art. 3, § 5, dir. 2003/4. L’emploi du terme «adéquat» laissera probablement une large marge d’appréciation aux autorités publiques.. La décision sur la demande doit être prise par un membre du personnel dirigeant de l’instance environnementale mais cette compétence peut être déléguée Art. 22, § 1er, al. 2, L. 2006.. La réponse doit être donnée au plus tard dans les 45 jours pour les informations complexes et volumineuses et dans les 30 jours pour les autres Art. 22, § 1er à § 3, L. 2006. L’exposé des motifs précise que ces délais sont des délais de rigueur (Doc. parl., Ch. repr., sess. 2005-2006, n° 2511/001, p. 29).. Le demandeur peut aussi indiquer le délai dans lequel il souhaite recevoir l’information Art. 21, § 1er, L. 2006.. La loi semble, en son article 23, ouvrir un nouveau délai de 30 jours pour la mise à disposition de l’information, qui suit le délai de communication de la décision. Mais l’article 6 prévoit que les délais visés dans la loi prennent tous cours le jour suivant la réception de la demande Voir le système identique du décret flamand du 26 mars 2004 (art. 6 et 20).. Ces délais peuvent apparaître relativement longs lorsque l’information environnementale est sollicitée dans la cadre d’une enquête publique dont les délais sont plus courts M. Delnoy, «La participation du public», in Urbanisme et environnement, op. cit., p. 937; Chr. Larssen, «L’accès à l’information…», op. cit., p. 909. ou à l’inverse, relativement courts pour obtenir une information de qualité Chr. Larssen, «La directive 2003/4/CE…», op. cit., p. 24.. Comme le remarque Frankie Schram, la généralisation des moyens de communication électronique devrait accélérer le traitement des dossiers Fr. Schram, op. cit., p. 161.. Si l’instance ne rend pas de décision dans le délai maximal prévu à cette fin, le délai de recours de 60 jours auprès de la Commission fédérale de recours (C.F.R.A.I.E.) ne commence pas à courir Doc. parl., Ch. repr., sess. 2005-2006, n° 2511/001, p. 44.. 17. Le demandeur a le droit de consulter l’information, de s’en faire remettre copie et de demander des explications Art. 18, § 1er, L. 2006. C’est en principe au demandeur qu’appartient le choix entre la consultation sur place et la copie. L’autorité ne peut refuser le droit à la copie qu’en vertu de motifs légaux telles la protection des droits d’auteurs ou la force majeure (A. Lebrun, op. cit., pp. 228 et s.). Le droit de consultation comprend celui de faire une copie par ses propres moyens (Fr. Schram, op. cit., p. 158). Les instances environnementales arrêtent une liste d’informations qu’elles doivent laisser consulter immédiatement sur place et dont le demandeur peut obtenir copie immédiate (art. 20, L. 2006). Elles disposent d’un pouvoir discrétionnaire pour dresser cette liste (Fr. Schram, op. cit., p. 165). L’exposé des motifs semblerait assimiler une telle liste à une circulaire directive qui balise le pouvoir discrétionnaire de l’instance concernant la divulgation. L’instance devra motiver de façon précise la raison pour laquelle elle s’en écarte (Doc. parl., Ch. repr., sess. 2005-2006, n° 2511/001, p. 27). Selon Christine Larssen, la liste devrait indiquer où et comment les informations sont consultables et devrait faire l’objet d’une publicité active («L’accès à l’information…», op. cit., pp. 925 et 926).. Cette dernière possibilité est particulièrement appréciable dans le domaine du nucléaire vu la technicité de la matière. Cela permet également de mieux prendre en compte les demandes du public, qui souhaite avant tout connaître la réponse à une question qu’il se pose plutôt que d’avoir accès à un document administratif particulier. L’explication doit être exempte d’erreurs J. Surmont, op. cit., p. 11. L’auteur relève que l’accomplissement de ce devoir d’explication constituera un des plus grands défis de l’administration. . Contrairement à ce que prévoit le décret flamand, la loi ne précise pas que le demandeur doit pouvoir consulter l’information dans des conditions raisonnables et disposer de suffisamment de temps Voir art. 20, § 3, al. 2, décr. du 26 mars 2004. La directive est muette à cet égard.. On peut néanmoins considérer que cette prescription découle de l’article 32 de la Constitution même si l’autorité conserve une marge d’appréciation J. Sambon, «L’accès à l’information en matière d’environnement comme droit fondamental», Amén., 1996, p. 251.. Seul l’envoi d’une copie peut entraîner des frais et ceux-ci ne peuvent être supérieurs au prix coûtant Art. 19, L. 2006. Les frais de la communication doivent rester raisonnables et ne peuvent concerner la communication du refus de divulguer (art. 5, § 2, dir. 2003/4; C.J.C.E., 9 septembre 1999, C-217/97, Commission c. Allemagne). Les frais ne peuvent comprendre des coûts que l’administration aurait dû supporter même en l’absence de toute demande de copie, tels que les traitements du personnel ou des coûts liés aux bâtiments (C.E., 12 novembre 2002, n° 112.495, de Liedekerke de Pailhe). L’arrêté royal du 17 août 2007 fixant le montant de la rétribution due pour la réception d'une copie d'un document administratif ou d'un document qui contient des informations environnementales semble conforme à tous ces principes. . L’autorité doit mettre l’information à disposition dans la forme demandée lorsque celle-ci peut raisonnablement être mise à disposition sous cette forme Art. 25, L. 2006. Dans le cas contraire, l’autorité devra motiver sa décision. . Cette disposition laisse un large pouvoir discrétionnaire aux instances environnementales. Néanmoins, il nous semble qu’un contrôle du manifestement déraisonnable pourrait intervenir pour sanctionner une instance qui aurait communiqué l’information dans une forme différente de celle demandée alors qu’aucun obstacle ne s’opposait à la communication dans la forme demandée. 18. Rappelons que les instances environnementales peuvent voir leur responsabilité engagée en cas de refus injustifié, de diffusion tardive ou de renseignements inexacts ou incomplets à l’origine d’un dommage J.-Fr. Neuray, op. cit., pp. 30 et 31.. III.5. La publicité active 19. La loi de 2006, en conformité avec la directive 2003/4, contraint les autorités publiques à publier sous forme de fichiers électroniques disponibles sur internet la législation environnementale – y compris celle qui concerne la publicité active ou passive, la participation du public et l’accès au recours –, les rapports sur l’état de l’environnement, les plans et programmes, les études d’impact environnemental et les autorisations susceptibles d’avoir une incidence significative sur l’environnement Art. 14, § 1er, 1°, 2°, 4°, 6° 8° et 9°, L. 2006.. La loi mentionne également les mesures en matière d’environnement qui sont collectées par les instances environnementales Art. 14, § 1er, 7°, L. 2006; la directive parle des «données ou résumés des données recueillies dans le cadre du suivi des activités ayant ou susceptibles d'avoir des incidences sur l'environnement» (art. 7, § 2, e). et les déclarations gouvernementales, accord de gouvernement ou notes de politique générale Art. 14, § 1er, 3°, L. 2006.. Les rapports sur l'état d'avancement de la mise en œuvre de la législation environnementale nationale ou internationale, des déclarations gouvernementales et des plans et programmes sont également publiés Art. 14, § 1er , 5°, L. 2006.. La publicité active ne concerne que les autorités publiques au sens strict – dont la CREG, l’A.F.C.N. et l’ONDRAF Doc. parl., Ch. repr., sess. 2005-2006, n° 2511/001, p. 23. – et non les personnes privées Art. 11, L. 2006. Voir l’analyse de Fr. Schram, op. cit., pp. 185 et 186.. Le CEN et Belgoprocess ne sont donc pas concernés. En outre, l’A.F.C.N. est chargée par sa loi organique de diffuser une information neutre et objective dans le domaine du nucléaire, d’organiser la circulation de l’information technique en matière de sécurité nucléaire et radioprotection et de collaborer à l’initiative du ministre de l’Intérieur à l’information relative au plan d’urgence nucléaire qu’il élabore Art. 26, al. 1er, L. 1994.. Afin de répondre à ces obligations, l’A.F.C.N. constitue une documentation scientifique et technique dans le domaine de la sécurité nucléaire. Elle peut se faire communiquer tout document par les sociétés ou organismes qu’elle contrôle Art. 23, al. 1er, L. 1994. . Dans la même optique, l’article 12, alinéa 2, de la loi de 2006 dispose que les instances environnementales concernées pas la publicité active doivent organiser les informations environnementales dont elles disposent et qui sont en rapport avec leurs fonctions, « en vue de permettre leur mise à disposition active et systématique auprès du public, notamment en utilisant les moyens de communication électronique ». 20. La loi de 2006 et la réglementation sur le nucléaire prévoient aussi des mesures de publicité en cas de menace sur la santé ou l’environnement Voir infra.. 21. L’ordre juridique belge s’est également enrichi voici deux décennies déjà d’un arrêté ministériel du 12 novembre 1991 portant création d'une Commission d'évaluation de l'information dans le domaine nucléaire. La Commission créée par cet arrêté doit entre autres veiller à ce que le public soit tenu informé des questions relatives au nucléaire dans les domaines technique, sanitaire, écologique, économique et financier. Elle rédige un avis à l’attention du Secrétaire d'État à l'Énergie sur les conditions d'accès du public à l'information et propose les formes et les modalités de diffusion de l'information Art. 2, A.M. 1991.. La Commission doit être informée par les départements ministériels et des établissements concernés des conditions générales des perspectives de développement des installations nucléaires et recevoir tous documents utiles à l'accomplissement de sa mission. Elle peut procéder à des auditions et recourir à des experts. Elle consulte les institutions à caractère scientifique et les organismes chargés de l'information en matière de santé et de sécurité Art. 3, A.M. 1991.. Ni la loi sur le nucléaire, ni la loi sur l’accès à l’information n’abrogent l’arrêté ministériel puisque la Commission est un organe de supervision qui n’informe pas elle-même le public, mais veille à ce que le public soit informé, et cela, non seulement dans les domaines « écologique » et sanitaire, mais aussi dans les domaines technique, économique et financier indépendamment d’impact potentiel sur l’environnement. Quoi qu’il en soit, l’arrêté n’est pas appliqué actuellement. III.6. Les restrictions à la publicité issues de la loi de 2006 22. Les exceptions prévues par la loi de 2006 sont valables pour la publicité active comme pour la publicité passive Art. 28, L. 2006.. Le droit d’accès à l’information environnementale peut être restreint dans certains cas énumérés de façon limitative par la loi Fr. Schram, op. cit., p. 176. Le caractère limitatif des exceptions suppose que l’autorité ne peut invoquer la circonstance que la divulgation l’empêcherait d’accomplir les missions qui lui ont été confiées, car une telle exception n’est pas prévue dans le texte de la loi (C.E., 14 avril 2009, n° 192.371, NIRAS).. Ces hypothèses sont d’interprétation restrictive Art. 4, § 2, al. 2, dir. 2003/4; Doc. parl., Ch. repr., sess. 2005-2006, n° 2511/001, p. 34. L’objectif de la politique de l’Union européenne en matière d’environnement – et donc de la directive 2003/4 – est d’atteindre un niveau élevé de protection de l’environnement (art. 191, T.F.U.E.). La directive doit être interprétée au regard de ce but. En conséquence, l’interprétation devrait être d’autant plus restrictive que l’information porte sur un élément dont la probabilité qu’il porte atteinte à l’environnement est très élevée ou sur un élément susceptible de générer un dommage particulièrement grave pour l’environnement et a fortiori pour la santé humaine, bien que le risque soit très faible. Tel est le cas pour le risque nucléaire. Néanmoins, il ne faut pas perdre de vue que le nucléaire est un des seuls secteurs pour lesquels la publication de l’information pourrait dans certains cas se révéler plus nocive pour l’environnement et la santé publique que sa confidentialité. et doivent être examinées minutieusement Doc. parl., Ch. repr., sess. 2005-2006, n° 2511/001, p. 35. in concreto pour chaque information environnementale C.E., 8 janvier 2004, n° 126.943, Barbé; C.E., 19 juillet 2006, n° 161.407, Housieaux. En conséquence, il a été jugé qu’un intérêt public justifiant une exception à la publicité ne pourrait être systématiquement invoqué pour refuser la publication d’un certain type de documents – tel le dossier fiscal – à moins de vider le principe de publicité de son contenu à l’encontre de certaines administrations – telle l’administration fiscale (C.E., 2 octobre 1997, n° 68.609, SPRL Ba-Wa). La possibilité de publier une partie du document devrait pallier ce type de problèmes. par l’instance. 23. Il existe des motifs d’exception absolus. La loi de 2006 prévoit que l’instance environnementale refuse la demande si elle est manifestement abusive C’est-à-dire si elle a manifestement pour objectif d’enfreindre la bonne marche de l’administration en demandant, par exemple, une quantité d’information colossale ou en introduisant une demande vexatoire (Doc. parl., Ch. repr., sess. 2005-2006, n° 2511/001, p. 42-3). Le texte flamand parle de demande manifestement déraisonnable. L’instance devra prouver in concreto le caractère abusif de la demande en mettant en exergue les raisons qui supposent qu’elle devrait fournir un effort déraisonnable afin d’y répondre comme le très grand nombre de pages que comprend le support de l’information ou les très nombreuses heures de travail nécessaires pour fournir cette information (CADA, avis du 19 octobre 2006, CTB/2006/45, Glorieux c. FANC). ou formulée d'une manière trop générale Art. 32, § 2, L. 2006. Mais dans ce dernier cas, elle doit d’abord inviter le demandeur à reformuler la demande, en vertu de l’article 22, § 2.. Si les conditions sont réunies, l’autorité doit refuser la demande, mais elle dispose d’un pouvoir discrétionnaire afin d’apprécier si ces conditions sont bien réunies R. Andersen, «La mise en balance des intérêts en cause dans l’appréciation des motifs d’exception à la publicité de l’administration», C.D.K.P., 1999, pp. 41 et 42.. De plus, l’instance ne doit pas se prononcer sur la demande si elle ne dispose pas de l'information environnementale demandée En pareil cas, lorsque cette autorité publique sait que l'information est détenue par une autre autorité publique ou pour son compte, elle transmet dès que possible la demande à cette autre autorité, et en informe le demandeur ou elle indique au demandeur auprès de quelle autorité publique elle croit qu'il pourra obtenir l'information demandée (art. 21, § 2, L. 2006).. 24. La plupart des exceptions sont cependant relatives. L’instance examine d’abord si la divulgation porterait atteinte à un des intérêts protégés par les restrictions La loi ne dit rien du degré de certitude que doit avoir l’instance concernant l’atteinte à un des intérêts visés. En toute hypothèse, il doit être élevé. Voir en matière d’accès aux documents de l’UE: T.P.I., 7 février 2002, T-211/00, Kuijer c. Conseil, points 55-57. , puis elle doit encore mettre en balance l’avantage que présenterait la divulgation pour l’intérêt général On ne prend donc pas en compte l’intérêt particulier du demandeur. Voir néanmoins les difficultés pratiques que cette distinction peut poser: Chr. Larssen, «La directive 2003/4/CE…», op. cit., p. 17. avec celui que présenterait le refus de divulguer Art. 27, § 1er, L. 2006; art. 4, § 2, al. 2, dir. 2003/4; C.E., 14 avril 2009, n° 192.371, NIRAS. La motivation formelle doit faire apparaître concrètement la raison pour laquelle un des intérêts l’a emporté sur l’autre (C.E., 19 juillet 2006, n° 161.407, Housieaux). Néanmoins, l’existence de l’intérêt public de la publication ressort du simple fait qu’il existe une législation prévoyant l’accès à l’information. Selon le Conseil d’État, l’autorité ne peut pas faire grand-chose de plus que de choisir entre l’intérêt de la publicité et l’intérêt économique, qui doit être interprété restrictivement (C.E., 14 avril 2009, n° 192.371, NIRAS). Dans le premier arrêt de la juridiction administrative suprême, l’autorité avait refusé l’accès sans expliquer en quoi l’intérêt protégé était atteint concrètement. Dans le second arrêt, l’autorité de recours administratif avait accepté en indiquant en quoi l’intérêt protégé n’était pas atteint et en ajoutant que même s’il avait été atteint, l’intérêt de la divulgation l’emportait. On peut donc en inférer que l’autorité de recours a considéré que dans l’hypothèse où l’intérêt protégé serait atteint, il ne le serait que de façon minime alors que l’intérêt de la publicité serait pleinement affecté par la non-publication. Voir ég. 9 juin 2011, n° 213.770, NIRAS, considérant 10.2.. Il n’y a que si ce dernier l’emporte qu’elle ne publiera pas. Cette mise en balance des intérêts est un outil en faveur d’une plus grande transparence puisqu’elle limite les cas d’application des exceptions. L’instance environnementale dispose d’un pouvoir d’appréciation dans la détermination de l’atteinte à un des intérêts énumérés et d’un pouvoir d’appréciation dans la réalisation de la balance des intérêts C.E., 14 avril 2009, n° 192.371, NIRAS. Dans la mesure où les exceptions sont d’interprétations restrictives, le premier de ces pouvoirs d’appréciation devrait être plus restreint que le second. Néanmoins, le droit à un environnement sain pèsera dans la balance des intérêts (J. Sambon, «L’accès à l’information en matière d’environnement comme droit fondamental», op. cit., p. 255). Rappelons que le pouvoir discrétionnaire est limité par l’erreur manifeste d’appréciation et les principes du raisonnable et de proportionnalité., mais la formulation de l’article 27, § 1er , de la loi «Elle rejette la demande si l’intérêt public servi par la publicité ne l’emporte pas sur la protection d’un des intérêts [cités]» (nous soulignons). implique que si le résultat de la balance des intérêts place, dans le cas d’espèce, un autre intérêt public au-dessus de celui de la publicité, l’autorité doit refuser la publication. Dans le cas contraire, elle commettrait un excès de pouvoir puisqu’elle prendrait une décision en faveur de l’intérêt public le plus faible des deux Si les motifs faisaient, par exemple, apparaître que l’intérêt de la sécurité l’emporte sur celui de la publication, mais que la décision allait dans le sens de la publication, il y aurait une erreur manifeste d’appréciation. . Une telle formulation est conforme à l’article 4, § 2, de la directive qui n’octroie pas aux États la possibilité de prévoir que la demande « peut » être rejetée en cas de balance des intérêts négative, mais seulement la possibilité de prévoir que la demande « peut » être rejetée en cas d’atteinte à un des intérêts cités Comparez avec l’article D.19, § 1er, du Livre 1er du CWE: «le droit d’accès à l’information (…) peut être limité dans la mesure où son exercice est susceptible de porter atteinte…» (nous soulignons).. Ainsi, conformément à la directive, la loi de 2006 permet d’accepter la demande même si un des intérêts protégés est atteint, mais seulement si la balance des intérêts effectuée ultérieurement est en faveur de la publication Contra: Chr. Larssen, «La directive 2003/4/CE…», op. cit., p. 17 (à propos du décret flamand qui utilise la même formulation que la loi de 2006).; dans un tel cas, l’instance est même contrainte de publier l’information. 25. Par ailleurs, lorsqu’un document fait l’objet d’une restriction au droit d’accès, mais qu’il est possible de séparer les données demandées du reste du document, celles-ci doivent être communiquées Art. 31, L. 2006. L’exposé des motifs et les premières interprétations de la loi remarquaient qu’une séparation devait être jugée impossible si elle menait à une telle altération des informations divulguées que celles-ci deviendraient illisibles et incompréhensibles (Doc. parl., Ch. repr., sess. 2005-2006, n° 2511/001, p. 41; J. Surmont, op. cit., p. 17). Dans l’affaire NIRAS, l’ONDRAF alléguait que les informations publiables et non publiables étaient mêlées dans toutes les sections du rapport de sorte qu’une fois les informations non publiables ôtées, le rapport serait inutilisable par le demandeur et qu’en conséquence sa publication partielle était impossible. Selon le Conseil d’État, il appartient au demandeur d’évaluer s’il peut utiliser l’information ou pas. Si la suppression des informations confidentielles d’un rapport le rend moins compréhensible ou sans valeur cela ne constitue pas un motif de refus pour la publication partielle, car une telle condition n’est pas prévue dans la loi. Le seul critère est la possibilité de séparer les éléments du rapport. Le Conseil d’État a jugé que la possibilité existait en l’occurrence au regard du critère avancé par la C.F.R.A.I.E. (C.E., 14 avril 2009, n° 192.371, NIRAS). Alors que la notion de séparation impossible aurait pu laisser un pouvoir d’appréciation à l’autorité, le Conseil d’État semble effectuer un contrôle plein et entier de cette qualification juridique. Cela s’explique probablement par le fait qu’en vertu de l’article 32 de la Constitution les exceptions à la divulgation sont d’interprétation restrictive. . 26. La loi prévoit que l’instance environnementale refuse la divulgation si l’intérêt servi par la publication ne l’emporte pas sur la protection: des libertés fondamentales des administrés, en particulier du droit à la vie privée, à moins que l’administré n’ait consenti à la publicité Ne constitue a priori pas une atteinte à la vie privée, le simple fait de divulguer un document qui permet l’identification de personnes ayant travaillé ou travaillant pour l’exploitant d’une centrale nucléaire (CADA, avis du 19 octobre 2006, CTB/2006/45, Glorieux c. FANC). Alors même que la directive dispose que les exceptions à la divulgation doivent être interprétées de façon restrictive, le législateur a décidé de ne pas donner de définition à la vie privée afin de ne pas être trop restrictif (Doc. parl., Ch. repr., sess. 2005-2006, n° 2511/001, p. 35). Les droits fondamentaux s’interprètent, en effet, de façon extensive et occupent une place plus élevée que la loi ou la directive dans la hiérarchie des normes. Notez que dans la mesure où l’accès aux documents administratifs est lui-même un droit fondamental, les libertés publiques devront être mises en balance in concreto avec ce droit, mais ne l’emporterons pas systématiquement sur celui-ci. La C.F.R.A.I.E. a décidé que le droit à la vie et à l’intégrité physique pouvait être menacé par la divulgation de certaines informations susceptibles de menacer la sécurité publique (voir infra). Ce droit n’est pas susceptible de dérogations autres que celles prévues à l’article 2, § 2, de la Convention européenne des droits de l’homme. ; de l’ordre public, la sécurité publique, en ce compris la protection physique des matières radioactives ou la défense du territoire Il a été décidé que l’intérêt de la sécurité publique et de l’ordre public l’emportait sur l’intérêt de la divulgation, lorsque la demande porte sur des informations concernant la localisation exacte du site dans lequel une organisation garde des substances radioactives et la forme sous laquelle les matières nucléaires sont présentes sur le site. Cette information permettrait d’estimer dans quelle mesure des matières nucléaires peuvent être utilisées abusivement ce qui porterait atteinte à l’ordre public et à la sécurité publique (C.F.R.A.I.E., n° 2009/2, 9 mars 2009, CFR/2008/1, Van der Straeten c. NIRAS cité par C.E., 14 avril 2009, n° 192.371, NIRAS).; du caractère confidentiel des relations fédérales internationales de la Belgique ou des relations entre État fédéral et entités fédérés; de la recherche ou la poursuite de faits punissables Cette notion correspond à l’enquête à caractère pénal ou disciplinaire (art. 4, § 2, c, dir. 2003/4). Selon les travaux préparatoires, conformément à la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme, il s’agit des faits punissables par sanctions pénales ou administratives et des sanctions disciplinaires (Doc. parl., Ch. repr., sess. 2005-2006, n° 2511/001, p. 36), mais pour ce dernier cas, seules les informations qui ont été exclusivement rédigées en vue de l’application possible de mesures disciplinaires sont concernées. Ces informations environnementales relatives à des mesures disciplinaires peuvent, par exemple, concerner une faute commise par un fonctionnaire dans le cadre de ses missions d’inspection ou dans le cadre de la gestion d’une crise environnementale ou sanitaire (op. cit., p. 37). ; de la procédure d’un procès civil ou administratif et de la possibilité de toute personne d’être jugée équitablement Le «et» est cumulatif. Le magistrat chargé de l’instruction ou de l’information pénale a une pleine liberté pour décider de la publication des informations (S. Guffens, «Les exceptions au droit d’accès à l’information en matière d’environnement en Région wallonne», in L’accès aux documents administratifs, Bruxelles, Bruylant, 2008, p. 650-1). Rappelons qu’à l’opposé les exceptions prévues par la loi de 2006 ne sont pas opposables aux magistrats qui instruisent ou qui se prononcent sur un litige (C.E., 29 novembre 1999, n° 83.593, Tournemenne).; de la confidentialité des délibérations du gouvernement fédéral et des autorités responsables qui en relèvent Par exemple, les comités ministériels, les organes de gestion d’établissements publics, le Comité de concertation. Cette exception ne concerne évidemment pas la décision qui résulte de la délibération (CADA, avis du 19 octobre 2006, CTB/2006/46, Glorieux c. Niras). Conformément à la directive, la confidentialité devrait être prévue par le droit (art. 4, § 2, a), dir. 2003/4). La doctrine considère qu’il n’existe pas de principe général du droit prévoyant une telle confidentialité (S. Guffens, op. cit., p. 647). Selon nous, cette exception devrait également concerner le colloque constitutionnel des ministres avec le Roi.; du caractère confidentiel des informations commerciales ou industrielles Il s’agit donc d’informations confidentielles qui sont importantes pour l’entreprise et dont la divulgation est de nature à lui porter préjudice. Ce sont des informations «qui n’ont pas un caractère technique, mais qui représentent une valeur commerciale comme des informations comptables, des listes de clients et de fournisseurs, les montants des bénéfices, l’investissement, les stocks, etc.» (Doc. parl., Ch. repr., sess. 2005-2006, n° 2511/001, p. 38). Simone Guffens cite les procédés de fabrication – sauf leur principe – et les moyens de stockage (op. cit., pp. 652 et 653). Cette exception ne devrait cependant pas concerner les déficiences des moyens de stockage, comme l’apparition de fissures. Contrairement à la directive, la loi ne dispose pas que la confidentialité doit être prévue dans le droit, mais ce sont principalement les législations sur le secret des affaires qui sont concernées. On peut se demander si les autorités publiques ne seront pas tentées de refuser l’accès à des informations pour lesquelles elles ont signé une clause de confidentialité afin de ne pas compromettre leurs relations avec les opérateurs privés avec lesquelles elles doivent constamment interagir. Peut-être préféreront-elles transférer la responsabilité de la divulgation sur la C.F.R.A.I.E. lorsqu’il protège un intérêt économique légitime La directive mentionne de façon non limitative l'intérêt public lié à la préservation de la confidentialité des statistiques et du secret fiscal (art. 4, § 2, d). L’instance prendra, par exemple, en compte le fait que les informations ont déjà été rendues publiques ou qu’aucune mesure de protection raisonnable n’a été prise. L’intérêt économique légitime est déterminé au regard de la portée du préjudice éventuel et l’avantage compétitif que la diffusion pourrait donner aux concurrents (Doc. parl., Ch. repr., sess. 2005-2006, n° 2511/001, p. 39). Remarquez que l’interprétation que donnent les travaux préparatoires confirme qu’il sera difficile de distinguer l’intérêt particulier de l’entreprise de l’intérêt général – la concurrence libre et non faussée – dans la balance d’intérêt. Voir l’affaire NIRAS dans laquelle la C.F.R.A.I.E. a contrôlé si la publication portait atteinte la position concurrentielle de l’entreprise et au bon fonctionnement du marché (C.E., 14 avril 2009, n° 192.371, NIRAS)., à moins que la personne concernée n'ait consenti à la divulgation de ces données Il fut jugé qu’il n’était pas manifestement déraisonnable de considérer que la publication d’un rapport de l’ONDRAF ne portait pas atteinte à la confidentialité des informations commerciales et industrielles même si ce rapport comprenait bon nombre d’informations sur les coûts estimés de la gestion des déchets nucléaires et les montants alloués par les exploitants à cette tâche bien que cela permette d’avoir une idée des moyens financiers des organisations. En l’occurrence, il fut mis en avant que les exploitants étaient déjà contraints de publier un certain nombre d’informations en vertu d’autres législations – ni la décision sur recours administratif, ni l’arrêt du Conseil d’État ne précisent lesquelles (C.E., 14 avril 2009, n° 192.371, NIRAS). De même, cette exception ne peut être invoquée pour soustraire à la publication le questionnaire, les chiffres globaux ou la méthodologie qui a été utilisée dans la préparation et le traitement des questionnaires qui ont fourni les données sur lesquelles le rapport est basé (C.F.R.A.I.E., n° 2009/2, 9 mars 2009, CFR/2008/1, Van der Straeten c. NIRAS cité par C.E., 14 avril 2009, n° 192.371, NIRAS).; des intérêts ou de la protection de toute personne qui a fourni volontairement un avis ou une opinion pour lequel elle a explicitement demandé la confidentialité, à moins que cette personne ne consente à la divulgation; de la protection de l'environnement auquel se rapportent ces informations La directive mentionne de façon non limitative la localisation des espèces rares (art. 4, § 2, h). Dans le domaine du nucléaire, la divulgation de l’information peut causer des risques pour la sécurité publique et donc aussi pour l’environnement. Voir ég. 9 juin 2011, n° 213.770, NIRAS, considérant 10.2. . 27. L’instance peut également refuser la divulgation si la demande concerne des documents en cours d'élaboration ou des documents et données inachevés Les documents préparatoires (études, avis, rapport, etc.) sont pris en compte dès qu’ils sont achevés même si la décision administrative n’est pas encore intervenue (Doc. parl., Ch. repr., sess. 2005-2006, n° 2511/001, p. 42). Cela peut donc comprendre les divers avis préalables à la décision d’octroi d’une autorisation en vertu de R.G.P.R.I. et dont la divulgation peut être source de méprise, en tenant compte de l'intérêt que la divulgation des informations demandées présenterait pour le public Art. 32, § 1er, L. 2006. La décision de rejet doit indiquer l’instance environnementale qui est responsable de la finalisation de l’information demandée et le délai de finalisation (art. 22, § 4, L. 2006).. La directive parle aussi des communications internes, la loi ne reprend pas cette restriction. 28. Les principales restrictions susceptibles de s’appliquer au nucléaire concernent le caractère inachevé des documents, la confidentialité des informations commerciales ou industrielles et surtout les relations internationales, la sécurité publique et la défense nationale. Selon le gouvernement, les motifs liés à la sécurité publique permettront, par exemple, de refuser la divulgation d’informations environnementales dans lesquelles est décrit le système de sécurité de bâtiments publics ou qui reprennent le plan de protection d’une centrale nucléaire contre d’éventuelles attaques terroristes. De même, la publication d’informations telles que les processus de fabrication, la présence de substances chimiques et d’autres du même type peut dans certains cas causer une menace effective pour la sécurité publique, par exemple, parce qu’il y a un risque qu’elles soient utilisées dans le cadre d’un attentat. Cela justifie l’inclusion de la protection physique des matières radioactives conformément à la Convention sur la protection physique des matières nucléaires Doc. parl., Ch. repr., sess. 2005-2006, n° 2511/001, p. 36. Sur cette convention, voir infra.. Il s’agit principalement des informations sur la localisation des matériaux et le type de radio-isotopes. Rappelons que ces informations doivent être séparées du reste du document demandé si possible afin de faciliter la publication des autres informations du document. Il faut également remarquer que la loi de 2006 vise la sécurité et non la sûreté – les mesures d’évitement des incidents et accidents et de limitation de leurs conséquences. Une information liée à la sûreté ne peut donc demeurer confidentielle que si elle correspond, en outre, à un des motifs d’exception visés par la loi. 29. L’exposé des motifs précise que lorsque des notions reprises dans la loi sont utilisées au niveau international ou européen, elles ne peuvent cependant être comprises que selon la signification qu’elles ont dans l’ordre juridique belge Doc. parl., Ch. repr., sess. 2005-2006, n° 2511/001, p. 16.. Les interprétations de la loi belge ne pourront, toutefois, pas être moins restrictives que celles de la législation européenne, livrées par la Cour de justice. La directive ne reprend pas explicitement la totalité des libertés fondamentales comme motif de restriction, mais ces droits ont une force juridique supérieure à la législation en droit européen comme en droit belge. La directive ne mentionne que la sécurité publique Art. 4, § 2, b), dir. 2003/4. et non l’ordre public alors que la loi se réfère aux deux concepts En droit belge, l’on distingue la sécurité publique de l’ordre public, dont le contenu est plus large. Il est malaisé de déterminer si la loi de 2006 a enfreint la directive, car les notions d’ordre public et de sécurité publique ainsi que l’existence éventuelle d’une distinction entre ces notions demeurent controversées en droit européen. Voir les récentes conclusions de l’AG Yves Bot, 10 juin 2010, C145/09, Land Baden-Württemberg, points 60-80 ainsi que l’arrêt de la Cour du 23 novembre 2010 dans la même affaire (points 42 et s.). . De même, les relations entre autorité fédérale et entités fédérées ne sont pas mentionnées dans la directive. Sur d’autres aspects, la loi a été plus restrictive. Elle ne mentionne que les avis ou opinions communiqués volontairement et non les « informations » Art. 4, § 2, g), dir. 2003/4.. La loi ne reprend pas non plus le respect de l’ensemble des droits intellectuels comme motif de restriction, mais ne mentionne que les droits d’auteurs Il faut une autorisation du titulaire des droits pour obtenir une copie (art. 30, L. 2006).. Dans les cas où les concepts utilisés par la loi sont plus restrictifs que les concepts de la directive, il n’est pas certain que le droit européen requière que ces concepts soient en outre interprétés restrictivement. Quoi qu’il en soit, le droit belge requiert qu’ils le soient C.E., 14 avril 2009, n° 192.371, NIRAS.. 30. La directive permet aux États membres d’adopter un catalogue de critères qui balisera le pouvoir discrétionnaire de l’autorité chargée de statuer Art. 4, § 3, dir. 2003/4., ce qui limitera le risque de décision inconsidérée. Mais ce catalogue ne peut confisquer le pouvoir d’appréciation des instances environnementales. Il devrait plutôt agir comme une circulaire indicative, l’autorité pouvant s’écarter de ces critères pour autant qu’elle le motive formellement. Conformément à la directive 2003/4 et au principe de l’exercice effectif du pouvoir d’appréciation, elle devra aussi faire apparaître dans sa motivation qu’elle a bien exercé son pouvoir d’appréciation in concreto P. Goffaux, op. cit., pp. 45 et 46. C.J.U.E., 16 décembre 2010, C-266/09, Stichting Natuur en Milieu e. a., points 57-59.. Le gouvernement fédéral n’a, à notre connaissance, pas adopté de telles lignes directrices. Les administrations sont donc laissées dans un certain flou. 31. Notez, enfin, que dans les cas où la divulgation porterait atteinte au droit à la vie, le pouvoir discrétionnaire des instances serait limité à la constatation de l’atteinte à cet intérêt. En effet, ce droit n’étant pas susceptible de dérogation, une balance d’intérêt ne pourrait jamais faire primer le droit d’accès à l’information sur le droit à la vie, à moins que la divulgation de l’information ne permette de préserver la vie humaine. III.7. Les restrictions spécifiques applicables au secteur nucléaire civil III.7.1. La loi de 1998 sur la classification de documents 32. La classification est l’octroi d’un degré de protection et de confidentialité à un document. Les articles 13 et 17ter nouveaux de la loi sur les rayonnements ionisants posent les jalons d’un régime de classification de documents propre au secteur du nucléaire, que la loi du 30 mars 2011 met sur pied L. du 30 mars 2011 modifiant la loi du 15 avril 1994 relative à la protection de la population et de l'environnement contre les dangers résultant des rayonnements ionisants et relative à l'Agence fédérale de Contrôle nucléaire et modifiant la loi du 11 décembre 1998 relative à la classification et aux habilitations, attestations et avis de sécurité (M.B., 18 avril 2011).. Mais dans la mesure où la plupart des articles de cette loi ne seront en vigueur que le premier jour du dix-huitième mois qui suit la date de publication au Moniteur belge Art. 18, § 1er, L. du 30 mars 2001 modifiant la loi du 15 avril 1994., la loi du 11 décembre 1998 relative à la classification et aux habilitations, attestations et avis de sécurité demeure, en principe, la loi applicable aux classifications d’informations relatives au secteur nucléaire. 33. L’article 3 de la loi de 1998 prévoit que peuvent faire l’objet d’une classification « les informations, documents ou données, le matériel, les matériaux ou matières, sous quelque forme que ce soit, dont l'utilisation inappropriée » peut porter atteinte à un des intérêts énumérés, dont la sûreté intérieure de l'État, y compris dans le domaine de « l'énergie nucléaire »  La définition de ce terme ne connaît, a priori, pas la même limitation que celle de l’article 1er de la loi de 1994 sur le nucléaire., le potentiel scientifique et économique du pays ou « tout autre intérêt fondamental de l'État ». L’article 26, § 1er, de la loi de 1998 exclut l’application de la loi de 1994 sur la publicité de l’administration, mais ne cite pas la loi de 2006. Pour avoir accès à un document classifié, il faut posséder une habilitation de sécurité correspondante délivrée par l’autorité de sécurité compétente et justifier d’un besoin d'avoir accès au document pour l'exercice de sa fonction ou de sa mission Art. 8, L. 1998. . Les autorités d’origines titulaires d’une habilitation de sécurité de niveau « secret » ou « très secret » peuvent classifier ou déclassifier des informations Art. 3, A.R. du 24 mars 2000 portant exécution de la loi du 11 décembre 1998 relative à la classification et aux habilitations, attestations et avis de sécurité.. Les informations classifiées ne peuvent être « utilisées » L’utilisation comprend la communication, la diffusion, la reproduction et la transmission (art. 4, al. 5, L. 1998). que moyennant l'autorisation de l'auteur de la classification ou de son supérieur hiérarchique, ou dans les cas déterminés par la loi Art. 10, L. 1998.. L’autorité de sécurité désignée par le Roi pour les matières nucléaires est l’Autorité Nationale de Sécurité Art. 21, A.R. du 24 mars 2000; Doc. parl., Ch. repr., sess. 2002-2003, n° 2244/001, p. 9.. La divulgation de l’information à des personnes autres que les porteurs d’une habilitation de sécurité est passible d’emprisonnement Art. 11 et 24, L. 1998.. 34. Cette loi pose surtout problème lorsque l’instance environnementale n’est pas l’autorité compétente pour déclassifier le document. Elle devra alors se référer à une autre autorité, que la loi de 2006 ne contraint pas formellement à se prononcer sur cette demande en se limitant aux cas d’exception énumérés. Sans décision de cette autre autorité, l’instance ayant reçu la demande demeurera liée par la classification de l’information alors que la loi de 2006 lui octroie un pouvoir discrétionnaire quant à la publication. Notez que l’article 6, § 2, 2°, de la loi de 1994 sur la publicité de l’administration prévoit que l’autorité doit rejeter la demande d’information si la publication du document porte atteinte « à une obligation de secret instaurée par la loi ». Mais le paragraphe 2bis prévoit que cette exception n’est pas applicable aux documents administratifs à caractère environnemental La CADA a considéré que le secret professionnel instauré par l’article 458 du Code pénal s’appliquait aux membres de l’ONDRAF pour la divulgation de documents confidentiels. Cette exception fut mise en rapport avec l’article 6, § 2, 2° (CADA, avis du 19 octobre 2006, CTB/2006/46, Glorieux c. Niras). Il nous semble que le § 2bis n’est pas intervenu en l'occurrence, car la demande visée par cette exception portait sur un avis relatif aux propositions de révision des méthodes de constitution de provisions pour le démantèlement des centrales nucléaires et la gestion des matières fissiles irradiées, qui n’a pas été considérée comme un document administratif à caractère environnemental. . Cette disposition a été introduite afin que la législation belge soit conforme à la directive 90/313 La Belgique avait en effet fait l’objet d’un recours en manquement de la part de la Commission parce que sa législation était trop restrictive. (Doc. parl., Ch. repr., sess. 1999-2000, n° 0604/001, pp. 4 à 6). . Elle aurait pu permettre d’exclure ou de limiter l’application de la loi sur la classification pour les informations environnementales. Quoi qu'il en soit, cette limitation ne concerne plus les informations liées au nucléaire puisque la loi sur le nucléaire exclut depuis 2003, l’application de la loi de 1994 sur la publicité de l’administration Art. 2bis, L. 1994 sur le nucléaire. . III.7.2. La centralisation auprès de l’A.F.C.N. 35. Les objectifs de la loi de 1994 sur les rayonnements ionisants sont la sûreté de l’État, la lutte contre la prolifération Doc. parl., Ch. repr., sess. 2002-2003, n° 2244/001, pp. 4 et 5. ainsi que la protection des matières nucléaires en cours de production, d’utilisation, d’entreposage ou de transport contre les risques de vol ou de toute autre détention illicite ou de sabotage Doc. parl., Ch. repr., sess. 2002-2003, n° 2244/002, pp. 3 et 4.. En conséquence, l’article 18bis, § 2, de la loi sur les rayonnements ionisants, qui n’a pas été soumis à l’avis de la S.L.C.E Doc. parl., Ch. repr., sess. 2002-2003, n° 2244/001, pp. 13 et s., prévoit que toute personne qui dispose de documents ou données relatifs aux matières nucléaires visées à l’alinéa précédent ne peut sans l’autorisation de l’A.F.C.N., les remettre à des personnes autres que celles qui ont la qualité pour les recevoir, en raison de leurs fonctions L’article est en vigueur depuis le 1er juin 2003 en vertu de l’article 1er de l’arrêté royal du 15 mai 2003 (M.B., 30 mai 2003).. Cette disposition ne s’applique donc qu’aux matières nucléaires telles que définies par l’article 1er et, en vertu du renvoi qu’effectue l’article 18bis, § 2 vers l’article 18bis, § 1er, uniquement lorsqu’elles sont entreposées, utilisées ou transportées Notez que l’article 7 de l’arrêté royal d’exécution de la loi du 4 août 1955 concernant la sûreté de l'État dans le domaine de l'énergie nucléaire n’interdisait que la transmission des documents classifiés. Rien n’est précisé pour l’article 18bis de la loi de 1994, mais s’il devait concerner des documents autres que les documents classifiés, il pourrait s’agir d’une atteinte à l’effet de standstill de l’article 23 de la Constitution. Dans sa version actuelle, l’article 18bis est donc difficilement applicable par l’A.F.C.N. faute de l’existence d’un régime de classification des documents nucléaires, raison pour laquelle il n’a, semble-t-il, pas encore été effectivement appliqué. La loi modificative du 30 mars 2011 prévoit que cet article ne concerne que les documents nucléaires, c’est-à-dire les documents classifiés en matière de nucléaire (art. 8). Le régime de la classification de documents et la centralisation vers l’A.F.C.N. se rejoindront donc à l’avenir. . Les infractions à la loi sur le nucléaire sont punies par des sanctions administratives et pénales qui comprennent l’emprisonnement Art. 50 et s., L. 1994.. 36. L’instance environnementale chargée de se prononcer sur la demande sera liée par le refus de l’A.F.C.N. alors que la loi de 2006 lui octroie un pouvoir discrétionnaire Sous l’empire de la loi du 11 avril 1994 relative à la publicité de l’administration, la CADA avait considéré dans un de ses avis que l’ONDRAF ne pouvait se référer à son ministre de tutelle pour déterminer si un document dont il disposait devait être publié ou non (CADA, avis du 19 octobre 2006, CTB/2006/46, Glorieux c. Niras). .  III.7.3. L’interaction de ces législations particulières avec la loi relative à l’accès à l’information en matière d’environnement 37. La question qui se pose est de savoir si les lois sur le nucléaire et sur la classification s’appliquent alors qu’elles sont plus restrictives. La loi de 2006 n’y fait pas référence. En principe, l’adage lex specialis derogat generali devrait faire primer les deux lois restrictives. Or les exceptions à l’accès aux documents de ces lois sont absolues, la compétence de l’autorité qui les détient est liée, alors que les exceptions de la loi de 2006 sont relatives et donnent lieu à un pouvoir discrétionnaire Notez que les travaux préparatoires de la loi de 2006 rappellent que l’article 32 de la Constitution suppose que les motifs d’exception sont relatifs et qu’en conséquence «l’intérêt de la publication doit chaque fois contrebalancer concrètement l’intérêt qui est protégé par un motif d’exception. Cette règle est en soi un acquis dans l’ordre juridique belge et une confirmation expresse de la jurisprudence du Conseil d’État et de la Cour d’Arbitrage » (Doc. parl., Ch. repr., sess. 2005-2006, n° 2511/001, p. 34). Par son arrêt 150/2004, la Cour constitutionnelle a tout de même accepté un régime d’exceptions absolues en faveur des documents classifiés (B.8). Voir aussi C.C., 25 janvier 2006, n° 14/2006, B.16 à B.22. . Un fonctionnaire se trouvant devant ces trois législations pourrait en pratique penser se trouver face au choix suivant: soit appliquer les législations restrictives et risquer de voir la décision de refus de divulgation annulée par le Conseil d’État, soit respecter la loi de 2006, mais risquer des poursuites pénales en vertu des lois plus restrictives Selon le site internet de l’A.F.C.N. consulté le 21 juin 2011: «Dans le cadre de la transparence de la gestion, tous les documents peuvent être demandés à l'exception des documents protégés… Certaines informations doivent être considérées comme confidentielles parce qu'elles relèvent de l'application d'un motif d'exception ou d'une obligation de secret instaurée par la loi» (http://www.fanc.fgov.be/fr/page/meest-gestelde-vragen/619.aspx#P_1780). «Outre les lois des 11 avril 1994 et 5 août 2006, la législation sur les informations ‘classifiées' confère à ces informations un statut particulier dans le sens où leur diffusion est de nature à affecter la sûreté de l'État ou ses intérêts fondamentaux. Le domaine de l'énergie nucléaire en fait partie (loi du 11 décembre 1998)» (http://www.fanc.fgov.be/fr/page/que-signifie-la-transparence-de-la-gestion-pour-moi-citoyen/652.aspx).. 38. Le droit à la protection d’un environnement sain pourrait être utilisé comme règle interprétative pour écarter la règle lex specialis J.-Fr. Neuray et M. Pallemaerts, «L’environnement et le développement durable dans la Constitution belge», in L’environnement, objet d’un droit fondamental, Waterloo, Kluwer, Amén., 2008, n° spécial, p. 159. . Néanmoins, il ne va pas de soi que dans le domaine particulier du nucléaire, ce droit agisse en faveur de l’accès à n’importe quel type d’information puisque les risques que la divulgation peut faire peser sur la sécurité des personnes sont de nature à porter atteinte à leur santé et à dégrader l’environnement Voir par analogie avec le droit à la vie: C.F.R.A.I.E., n° 2009/2, 9 mars 2009, CFR/2008/1, Van der Straeten c. NIRAS cité par C.E., 14 avril 2009, n° 192.371, NIRAS.. 39. En revanche, l’article 5, alinéa 2, de la loi de 2006 énonce que la loi reste d’application aux informations environnementales pour lesquelles existent des règles spécifiques en matière d’accès à l’information Selon le commentaire de cette disposition que livre l’exposé des motifs, la loi «accorde effectivement au citoyen un droit minimal d’accès, même si d’autres règles juridiques spécifiques ne prévoient pas les mêmes possibilités. La loi n’abroge cependant pas ces règles juridiques spécifiques, mais offre au citoyen la possibilité de faire, à tout moment, usage des droits que la présente loi lui accorde. Des règles qui s’écartent de la présente loi ne peuvent jamais avoir pour effet que le citoyen ne pourrait invoquer les droits garantis par elle» (Doc. parl., Ch. repr., sess. 2005-2006, n° 2511/001, p. 20). Le fait que la loi «n’abroge pas» les autres textes pourrait être problématique pour l’application de la loi de 1998. Ainsi, l’on pourrait se trouver dans une situation où le public aurait le droit de demander l’information, mais les fonctionnaires chargés de se prononcer pourraient être punis pénalement s’ils divulguent un document classifié à quelqu’un qui n’est pas titulaire d’une habilitation de sécurité. . Ne pourrait-on pas considérer, comme le fait par exemple Frankie Schram, que la loi de 2006 écarte par cette disposition les lois plus restrictives Fr. Schram, op. cit., p. 150. Le Conseil d’Etat a jugé que la loi de 2006 écartait la loi du 11 avril 2003 sur les provisions constituées pour le démantèlement des centrales nucléaires qui n’a donc pas été considéré comme lex specialis (C.E., 9 juin 2011, n° 213.770, NIRAS, considérant 10.2). ? On peut se demander si cette disposition ne joue pas le même rôle que l’article 6, § 2bis, de la loi de 1994 sur la publicité de l’administration qui écarte les lois sur le secret et avait été instauré afin de mettre la loi en conformité avec la législation européenne qui ne prévoit pas d’exceptions absolues. De plus, la directive 2003/4, qui ne prévoit pas d’exception liée au secret, joue aussi un rôle dans ce conflit de normes. Le droit interne doit être interprété conformément à la directive et à l’objectif d’un niveau élevé de protection de l’environnement Art. 191, T.F.U.E.; art. 37, Charte des droits fondamentaux.. Les restrictions absolues à la divulgation prévue dans les lois sur la classification et sur le nucléaire ne devraient pas être applicables lorsque l’on se trouve dans le champ d’application de la directive La Cour de justice des Communautés européennes a jugé que la législation française qui prévoyait un motif d’exception absolu en cas de secret protégé par la loi n’était pas conforme au droit européen (C.J.C.E., 26 juin 2003, C-233/00, Commission c. France, points 58-61). . La règle lex specialis n’est qu’une règle d’interprétation, elle laisserait donc sa place à la règle classique lex posterior qui suppose que la loi de 2006 écarte les lois antérieures qui lui sont contraires – y compris les sanctions pénales envers les fonctionnaires. En outre, si les dispositions pertinentes de la directive se voyaient reconnaître un effet direct, elles primeraient les dispositions de droit national qui leur seraient contraires Selon Christine Larssen, c’est à tout le moins le cas de l’article 4, § 2, alinéa 2, qui concerne les informations sur les émissions dans l’environnement («L’accès à l’information…», op. cit., p. 903). En revanche, Luc Lavrysen considère que la majorité des dispositions de la directive ne sont pas dotées de l’effet direct (Handboek milieurecht, Malines, Kluwer, 2006, p. 234). Voir les débats devant les juridictions administratives allemandes: U. Feldmann, «Implementing the Aarhus convention – A challenge for German nuclear law», in Nuclear Inter Jura 2007, op. cit., pp. 273 à 276. Il nous semble que le caractère limitatif de la liste des exceptions de l’article 4 de la directive 2003/4 ainsi que la nécessité d’effectuer une balance d’intérêt (art. 4, § 2, al. 2) peuvent produire un effet direct. . Enfin, l’arrêt NIRAS peut également s’appliquer par analogie. Dans cette affaire, une parlementaire de Groen avait demandé l’accès au second rapport quinquennal de l’ONDRAF (2003-2007) sur l’analyse du passif nucléaire potentiel lié aux installations nucléaires et aux sites qui contiennent des matières radioactives. Il s’agit d’un document qualifié de « confidentiel » C.E., 14 avril 2009, n° 192.371, NIRAS, considérant 2.1.. L’ONDRAF refuse l’accès en invoquant entre autres l’exception liée au caractère confidentiel des informations commerciales et industrielles, lorsque ces informations sont protégées afin de préserver un intérêt économique légitime. La Commission fédérale de recours a estimé que même si cette information avait été confidentielle, il aurait encore fallu que l’intérêt de la publication ne l’emporte pas sur l’intérêt protégé pour que la publication soit refusée. Cela doit être vérifié pour chaque information in casu. Le Conseil d’État, statuant dans le cadre d’un recours en suspension en extrême urgence, va confirmer cette position et juger que les informations industrielles et commerciales ne sont pas confidentielles par nature Considérant 3.3.3. Une solution similaire avait déjà été adoptée par la CADA sous le régime de la loi de 1994 sur la publicité de l’administration. Les informations concernant l’organisation interne, le management et les relations avec les membres du personnel d’un exploitant de centrale nucléaire contenue dans un rapport d’audit relatif aux centrales de Tihange et de Doel ne sont pas confidentielles par nature, mais doivent faire l’objet d’un examen in concreto (CADA, avis du 19 octobre 2006, CTB/2006/45, Glorieux c. FANC).. Un tel raisonnement peut être étendu aux autres informations confidentielles, la loi de 2006 obligeant systématiquement l’autorité à effectuer une balance des intérêts in concreto Voir dans le même sens pour la France: M. Prieur, «Nucléaire, information et secret défense: débat public Caën 14 novembre 2005», R.J.E., 2006, pp. 289 et s.; M.-B. Lahorgue, «Information, participation du citoyen et prévention des risques industriels: le nouveau visage de la démocratie participative», in Nuclear Inter Jura 2007, op. cit., p. 73. C.J.U.E., 16 décembre 2010, C-266/09, Stichting Natuur en Milieu e. a., point 57.. 40. Dans le domaine du nucléaire, une large majorité des informations classifiées reste à la disposition exclusive de l’auteur de la classification. Cet auteur peut alors déclassifier l’information avant de la publier. Mais il devra pour cela appliquer les critères de l’article 27 de la loi de 2006 sur l’accès à l’information en matière d’environnement cumulativement avec ceux de la loi de 1998. Ainsi, il ne peut refuser de publier une information classifiée si la publication porte uniquement atteinte à un intérêt protégé par la loi de 1998. Un document peut, par exemple, être classifié afin d’éviter l’atteinte à « un intérêt fondamental de l’État ». Cette catégorie est potentiellement beaucoup plus large que celles énoncées par la loi de 2006. Face à un tel document, l’autorité doit se demander s’il existe, en outre, un motif de non-divulgation issu de la loi de 2006 et si ce n’est pas le cas, elle devra déclassifier le document. La plupart des informations classifiées dans le domaine du nucléaire le sont cependant pour des raisons liées à la sécurité, intérêt protégé par les deux législations. De plus, l’autorité ne pourra pas se contenter de constater qu’il y a atteinte à un intérêt protégé, comme c’est le cas dans le système de la loi de 1998 Art. 3, L. 1998., mais devra mettre en balance l’atteinte à cet intérêt avec l’atteinte au droit d’accès à l’information. Enfin, cette balance des intérêts doit être effectuée in concreto pour l’information particulière demandée. Ce qui signifie que l’autorité ne peut se reposer sur le fait que le document a été classifié pour une bonne raison à un moment donné, et cela même si à l’époque une balance des intérêts a eu lieu in concreto La classification de documents ne connaît pas forcément de terme, ainsi un document classifié en 2010 le sera toujours en 2030, sauf décision de déclassification (art. 3, A.R. du 24 mars 2000 portant exécution de la L. de 1998).. Elle devra effectuer une nouvelle balance des intérêts au moment de traiter la demande. Cela pourrait, par exemple, concerner des informations liées à une opération ponctuelle et révolue tel un transport de matériaux radioactifs. Ajoutons que la divulgation d’une information environnementale doit pouvoir porter sur une partie d’un document dans les conditions de la loi de 2006 alors même que l’entièreté de celui-ci a été classifiée Les mêmes règles devraient valoir à l’égard des classifications collectives (art. 5, L. 1998 ; art. 32, A.R. d’exécution).. Ces remarques devraient selon nous être prises en compte par le Roi lorsqu’il adoptera les arrêtés d’exécution de la loi de modification du 30 mars 2011 La nouvelle loi semble ne retenir comme motifs de catégorisation que des motifs liés à la sécurité qui rejoignent donc un des motifs d’exception de la loi de 2006. Mais il nous semble qu’afin de respecter le prescrit de la directive, les pouvoirs publics devront garantir que la décision sur l’opportunité de déclassifier un document sera précédée d’un examen in concreto et d’une balance des intérêts et que des déclassifications partielles seront possibles. . 41. Il reste à examiner le problème de la possession par une instance environnementale d’une information classifiée dont elle n’est pas l’auteure et qu’elle ne peut donc pas déclassifier elle-même. Dans ce cas, elle est liée par la classification, sauf à commettre un délit. Elle pourrait bien sûr transmettre la demande à l’autorité compétente pour que celle-ci déclassifie le document, mais dans ce cas elle serait liée par la décision de cette autorité. Or, la loi de 2006 prévoit que l’instance qui reçoit la demande et qui dispose bien de l’information effectue le traitement de la demande Art. 21, §§ 2 et 3 et art. 22, § 1er, L. 2006. et qu’elle vérifie si l’on se trouve bien dans un cas d’exception Art. 27, § 1er, L. 2006.. Lors de cette vérification, elle effectue elle-même la balance des intérêts pour laquelle elle dispose d’un pouvoir discrétionnaire. Ce pouvoir serait sans effet si l’autorité compétente pour déclassifier le document décidait de ne pas le déclassifier. Ajoutons que la loi de 2006 impose seulement à l’instance qui reçoit la demande d’effectuer la balance des intérêts, l’autorité compétente pour déclassifier ne serait quant à elle pas tenue par l’article 27 de la loi et pourrait décider de ne pas déclassifier pour des raisons exclusivement propres à la loi de 1998. Le régime de la loi de 1998 semble donc incompatible avec celui de la loi de 2006. Le même raisonnement est applicable à l’intervention de l’A.F.C.N. en vertu de l’article 18bis de la loi de 1994 sur le nucléaire Ajoutons que la loi de modification de 2011 ne règle pas ce problème…. L’application de la directive devrait prima facie écarter ces dispositions. 42. La question se pose néanmoins de savoir s’il est nécessaire d’écarter les dispositions mentionnées pour que le droit belge soit conforme à la directive 2003/4. Nous pensons qu’une interprétation partiellement conciliante pourrait être avancée. L’article 18bis de la loi de 1994 sur le nucléaire n’a pas pour but d’interdire systématiquement la publication des documents visés, mais seulement de centraliser la compétence en matière de publication auprès de l’A.F.C.N. La centralisation est un des buts premiers de l’adoption de la loi de 1994 et est destinée à renforcer la sécurité. (Doc. parl., Ch. repr., 1991-1992, n° 80/1, p. 3; Doc. parl., Ch. repr., sess. 1992-1993, n° 1124/5, p. 3). . Or, les États membres de l’Union européenne sont en principe uniquement contraints d’atteindre le résultat fixé par la directive, tout en ayant le choix de la forme et des moyens utilisés pour autant que soit assuré l’effet utile de la directive Art. 288, al. 3, T.F.U.E.; C.J.C.E., 8 avril 1976, C-48/75, Royer, point 75. Le citoyen doit notamment pouvoir se prévaloir des droits découlant de la directive (M. Dony, Droit de l’Union européenne, Bruxelles, éd. de l’ULB, 2008, p. 224). . L’ampleur de la marge d’appréciation des États dans la transposition d’une directive dépend du degré de précision du résultat que l’auteur de la directive entend atteindre C.J.C.E., 23 novembre 1977, C-38/77, Enka, point 11. . Les termes de la directive 2003/4 ne contraignent pas explicitement les États membres à prévoir que l’autorité publique qui reçoit la demande et qui détient l’information doive se prononcer sur l’atteinte à un des intérêts protéger et le mettre en balance avec l’intérêt de la publicité Dans la mesure où le lecteur lira d’abord l’article 3 puis l’article 4 de la directive, l’esprit aura tendance à considérer que les autorités publiques visées par l’article 3 sont aussi celles qui doivent prendre une décision sur les motifs de refus visés par l’article 4. Néanmoins, l’article 3, § 1er précise seulement que c’est l’autorité qui détient l’information qui doit la mettre à disposition du demandeur. Il se déduit du § 2 que cette autorité est également, en principe, celle qui reçoit la demande. Il n’est pas exigé que cette même autorité prenne la décision sur la divulgation. L’article 4, § 1er, alinéa 1er et § 2, de la directive qui concerne les exceptions à la divulgation ne vise que «les États membres» et précise ce qu’ils doivent prévoir dans leur législation. L’article 4, § 3 évoque «l’autorité concernée», mais cela n’exclut pas que cette autorité ne soit pas celle qui reçoit la demande, mais une autre autorité désignée par l’État membre. Il semblerait que l’autorité publique à laquelle la demande est faite ne soit contrainte d’examiner elle-même si l’on se trouve dans un cas d’exception que dans le cas où elle ne détient pas l’information (art. 4, § 1er, a), dir. 2003/4) et dans le cas où la demande est formulée de façon trop générale (art. 3, § 3 et art. 4, § 1er c), dir. 2003/4). . Il ne semble pas que la directive ait fixé comme résultat à atteindre le fait que l’autorité publique qui reçoit la demande doive aussi se prononcer sur l’existence des exceptions. L’on n’aperçoit a priori pas en quoi la centralisation du processus d’examen in concreto des exceptions auprès de l’A.F.C.N. ou de l’autorité habilitée à déclassifier l’information porterait atteinte à l’effet utile de la directive ou à l’objectif d’un niveau élevé de protection de l’environnement ou réduirait les possibilités d’accès à l’information. Une telle centralisation avait jadis été instituée en première instance par l’ordonnance bruxelloise du 18 juillet 1991 sur l’accès à l’information relative à l’environnement Cette ordonnance transposait la directive 90/313 et prévoyait qu’un organe spécifique, les «délégués du Conseil», se prononce sur le refus de divulgation de l’information demandée. La Belgique n’a, à notre connaissance, pas été condamnée par la Cour de justice en raison de cette dissociation. La doctrine avait critiqué le fait qu’il n’existait pas de possibilité de recours administratif envers la décision des délégués, mais n’a nullement critiqué la dissociation entre la réception de la demande et la compétence de refus en première instance (M. Pallemaerts, «L’application en Belgique de la directive européenne concernant la liberté d’accès à l’information en matière d’environnement», Amén., 1991, p. 203; B. Jadot, «L’accès à l’information en matière d’environnement», rev. dr. commun., 1992, p. 118).. Il en va a fortiori ainsi dans la mesure où la directive 2003/4 autorise, en deuxième instance, qu’une centralisation soit effectuée vers une « autre » autorité publique que « l’autorité concernée » en première instance ou vers un organe de recours administratif indépendant et impartial établi par la loi Art. 6, § 1er, dir. 2003/4.. La loi belge elle-même centralise en deuxième instance le processus de décision vers une autorité unique, la C.F.R.A.I.E., et dissocie à ce stade de la procédure l’autorité qui effectue la balance des intérêts – la Commission – de celle qui détient et doit mettre à disposition l’information après la décision de la Commission sur la publication – l’instance environnementale Art. 39, § 1er, L. 2006.. La directive exige seulement qu’une balance des intérêts soit effectuée par une autorité publique; elle ne détermine pas laquelle. Conséquemment, les lois de 1998 et de 1994 peuvent déroger à la loi de 2006, mais uniquement quant à la détermination de l’autorité compétente pour vérifier si l’on est dans un cas d’exception. Dans la mesure où il s’agit d’une question que la directive laisse indéterminée, il n’y a plus de raison que la règle lex specialis soit écartée. En revanche, la directive met explicitement en exergue la nécessité d’effectuer une balance des intérêts. Cette exigence s’impose donc dans l’ordre juridique belge alors que les lois de 1998 et de 1994 ne prévoient rien à cet égard. En conséquence, l’application de l’article 4 de la directive suppose que l’A.F.C.N. ou l’autorité compétente pour déclassifier l’information effectue la balance des intérêts in concreto lorsque la demande leur est transmise Dans la mesure où ce dispositif ne porte pas atteinte au droit d’accès à l’information, mais modifie uniquement l’autorité compétente pour se prononcer, il nous semble qu’il n’est pas non plus en contradiction avec l’article 5, alinéa 2, de la loi de 2006. . Les arrêtés royaux d’exécution de la nouvelle loi de modification de 2011 devraient prévoir explicitement que l’A.F.C.N. ne peut refuser son autorisation de transmettre des documents nucléaires que pour l’un des motifs prévus par la loi sur l’accès à l’information en matière d’environnement. Les refus de « décatégorisation » devraient également respecter les mêmes motifs. 43. Ajoutons enfin que pour un certain nombre d’informations classifiées, c’est l’existence même de ces informations qui est tenue secrète et non simplement le contenu de l’information. Dans ce cas, il ne pourra, en principe, pas y avoir de demande concernant ces informations puisque le public en ignore l’existence. III.7.4. L’application du droit nucléaire 44. Le droit européen comprend également le droit issu du Traité Euratom. L’article 305 du Traité CE prévoyait que les dispositions de ce Traité ne dérogent pas au Traité Euratom. Dans la mesure où cette disposition n’est plus présente dans le T.F.U.E., l’on peut considérer que le droit de l’Euratom ne déroge plus par nature au droit issu du T.F.U.E. Il nous semble, toutefois, que les règles lex posterior et lex specialis devraient s’appliquer tant dans les rapports entre les deux traités qu’entre leurs droits dérivés Bien que les deux types de directives soient fondés sur des bases juridiques différentes (respectivement l’art. 31 du Traité Euratom et l’article 192, § 1er, T.F.U.E.), les deux régimes de droit dérivé sont issus des mêmes institutions, s’adressent aux mêmes destinataires, respectent les mêmes processus d’adoption, bénéficient du même statut et sont soumis à la juridiction de la CJUE (l’art. 106bis du Traité Euratom renvoie au T.U.E et au T.F.U.E.). De plus, les trois traités européens (C.E., C.E.E.A. et C.E.C.A.) ont créé un nouvel ordre juridique unique (avis de la C.J.C.E., 14 décembre 1994, 1/91, projet d'accord entre la C.E. et les pays de l'Association européenne de libre échange portant sur la création de l'E.E.E., point 21; T.P.I., 27 juin 1991, T120/89, Stahlwerke Peine-Salzgitter, point 78). . Le droit de l’Euratom se trouvera généralement dans une position de lex specialis par rapport au droit issu du T.F.U.E Voir sur le régime précédent, K. Lenaerts, Constitutional law of the European Union, Londres, Sweet and Maxwell, 2005, pp. 706 et 707; J.-L. Dewost, J.-V. Louis et al., Dispositions générales et finales, Bruxelles, éd. de l’ULB, Commentaire Mégret, 1re éd., 1987, pp. 503 à 505. . 45. La principale disposition susceptible d’entrer en conflit avec la directive 2003/4 est l’article 8 de la directive 2009/71/Euratom du Conseil du 25 juin 2009 établissant un cadre communautaire pour la sûreté nucléaire des installations nucléaires qui dispose que les informations en lien avec la réglementation de la sûreté nucléaire « sont mises à la disposition du public conformément à la législation nationale et aux obligations internationales, à condition que cela ne nuise pas à d’autres intérêts, notamment la sécurité, reconnus par la législation nationale ou les obligations internationales ». Dans le système instauré par cet article, l’autorité se voit octroyer un pouvoir discrétionnaire pour apprécier si l’information porte bien atteinte à l’intérêt protégé, mais une fois cette constatation faite elle devrait décider de ne pas divulguer l’information alors que dans le régime de la directive 2003/4, elle doit encore vérifier si l’intérêt public servi par la divulgation n’est pas supérieur à celui de la non-divulgation, ce qui lui laisse un pouvoir discrétionnaire beaucoup plus large. Néanmoins, l’intérêt mentionné par la directive Euratom doit être protégé par la législation nationale ou internationale. En principe, les États membres sont libres de déterminer, conformément à leurs besoins nationaux les exigences de leur sécurité intérieure ou extérieure C.J.C.E., 14 mars 2000, C54/99, Église de scientologie, point 17. La jurisprudence concernant le droit communautaire est transposable au droit de l’Euratom.. Dans la directive 2003/4 et les législations nationales qui la transposent, les législateurs concernés ont fait le choix de protéger un intérêt comme la sécurité publique en octroyant un pouvoir discrétionnaire aux autorités publiques quant à la divulgation de l’information. L’article 8 de la directive 2009/71/euratom ne devrait donc pas s’opposer à la législation européenne ou nationale examinée. 46. Il faut encore examiner s’il en va de même pour les obligations internationales de la Belgique Notons que certains instruments internationaux favorisent l’information du public. Ainsi l’article 13 de la Convention commune du 5 septembre 1997 sur la sûreté de la gestion du combustible usé et sur la sûreté de la gestion des déchets radioactifs (L. d’assentiment du 2 août 2002, M.B., 25 décembre 2002, p. 58157) qui prévoit la mise à disposition des informations sur la sûreté des installations. Voir toutefois l’article 36 de la Convention. . Certaines dispositions prévoient que les mesures de protection de la confidentialité que doivent adopter les États doivent être prises en conformité avec la législation nationale Voir art. 6, § 1er, Conv. sur la protection physique des matières nucléaires du 3 mars 1980 (L. d’assentiment du 24 juillet 1984, M.B., 27 février 1992, p. 4117) et art. 7, § 2, Conv. internationale du 14 septembre 2005 pour la répression des actes de terrorisme nucléaire (L. d’assentiment du 10 septembre 2009, M.B., 30 octobre 2009, p. 70683). . En conséquence, ces obligations ne peuvent porter atteinte à la législation belge sur l’accès aux informations. L’article 27, §§ 2 et 3, de la Convention de Vienne du 20 septembre 1994 sur la sûreté nucléaire L. d’assentiment du 26 novembre 1997, M.B., 22 août 1997, p. 21485. prévoit des hypothèses dans lesquelles la confidentialité des informations doit être garantie. Il s’agit des informations confidentielles fournies par une autre Partie et de la teneur des débats des Parties sur l’examen du rapport sur les mesures prises par les Parties pour remplir leurs obligations. Cette disposition interdit donc aux États de divulguer ces informations. Lorsque les amendements de 2005 à la Convention sur la protection physique des matières nucléaires – qui ne sont pas en vigueur en Belgique – prévoient que les Parties doivent prendre les mesures destinées à protéger la confidentialité des informations, ils leur octroient en principe un pouvoir discrétionnaire quant au choix de ces mesures Nouvel art. 6, § 1er (à tout le moins les deux premières phrases); art. 2A, § 3, principe fondamental L. . Seule l’interdiction de communiquer à des tiers des informations confidentielles transmises par un autre État partie sauf le consentement de ce dernier (art. 6, § 1er in fine) pourrait lier la compétence des autorités publiques. Enfin, l’article 7, § 1er, a) de la Convention pour la répression des actes de terrorisme nucléaire stipule que les États doivent prendre des mesures afin d’interdire la communication en connaissance de cause d’informations à des terroristes ou à des personnes ayant une intention terroriste. Cette disposition instaure également une compétence liée, mais il n’est pas certain que cela entre en contradiction avec la loi de 2006. En effet, l’instance placée devant un cas d’espèce de ce type sera manifestement face à une atteinte à la sécurité publique qui est plus dommageable à l’intérêt général que l’atteinte à la publicité que suppose la non-divulgation de l’information. L’instance n’aura donc plus de pouvoir discrétionnaire effectif Ce type de situation génère une «compétence liée a posteriori» (B. Bléro, «Compétence liée et droit subjectif, compétence discrétionnaire et droit objectif: les nuances d’une double équation», Actualité en droit public, Bruxelles, Bruylant, 2010, pp. 79 et s.).. III.8. La limitation des restrictions à la publicité en cas d’émission dans l’environnement 47. L’article 27, § 2, alinéa 1er, de la loi limite tout de même l’usage de certains motifs d’exceptions, ainsi les motifs d’exceptions liés aux droits et libertés, à la confidentialité des délibérations, à la confidentialité des informations industrielles et commerciales, aux avis et opinions communiqués volontairement ou à la protection de l’environnement ne s’appliquent pas lorsque les informations demandées concernent des émissions dans l’environnement Le Parlement européen avait souhaité que cette limitation s’applique pour toutes les causes d’exceptions à la publication, mais il n’a pas été suivi (L. Krämer, «Access to Environmental Information in an Open European Society – Directive 2003/4», Research papers in law, Collège d’Europe, 2003/5, pp. 17 et 18). Le Parlement belge n’a pas non plus repris cette idée. Notez que la force juridique supérieure du droit à la vie dans l’ordre juridique belge aurait suffit à garantir que les informations ne soient pas divulguées si elles étaient susceptibles de porter atteinte à la vie: cette exception aurait pu être invoquée quoi qu’en dise la loi. . 48. Ni la loi, ni la directive, ni le T.F.U.E ne définissent ce qu’est une émission. L’énumération des « facteurs » par l’article 3, 4°, d), de la loi et l’article 2, § 1er, b), de la directive semble distinguer les émissions des substances, rayonnements, déversements, vibrations et bruits. Les « émissions » seraient-elles dès lors limitées aux effluents gazeux, aux organismes vivants et à la chaleur ? La mention des « rejets » tendrait plutôt à montrer que ces législations utilisent des synonymes afin d’empêcher qu’une interprétation restrictive de ces dispositions permette à l’administration d’éviter de transmettre l’information Voir L. Krämer, «Access to Environmental information…», op. cit., p. 10.. La directive 2010/75 relative aux émissions industrielles, qui remplace la directive IPPC, définit pour son application l’émission comme « le rejet direct ou indirect, à partir de sources ponctuelles ou diffuses de l'installation, de substances, de vibrations, de chaleur ou de bruit dans l'air, l'eau ou le sol » Art. 3, § 4, dir. 2010/75. Le Guide d’application de la Convention d’Aarhus se réfère à la définition correspondante de la directive IPPC (op. cit., p. 76). Notez que le concept d’émission se distingue de celui de pollution par le fait que l’émission n’a pas forcément causé un dommage à l’environnement au moment de sa prise en considération. Comparez les §§ 2 et 4 de l’article 3 de la directive 2010/75.. La mention de la chaleur et des vibrations montre qu’une émission ne doit pas nécessairement prendre une forme solide, liquide ou gazeuse La vibration est un mouvement de va-et-vient d’un point matériel par rapport à une position d’équilibre; la chaleur est une énergie cinétique de translation, rotation et vibration moléculaires dans une substance (Le Grand Robert de la langue française, Paris, Dictionnaires le Robert, 2001, vos «vibration» et «chaleur»). . Le dictionnaire définit l’émission comme « la production en un point donné et le rayonnement dans l'espace (d'ondes électromagnétiques, de particules élémentaires, de chaleur, de vibrations mécaniques ou gazeuses, etc.) » Le Grand Robert de la langue française, op. cit., v° «émission». Le Shorter Oxford English Dictionary cite comme exemple les radiations issues de substances radioactives (Oxford, Oxford University Press, 2007, v° «émission»). . Le droit de l’Euratom se réfère au rayonnement ionisant en tant qu’émission Art. 51, dir. 96/29/Euratom du Conseil fixant les normes de base relatives à la protection sanitaire de la population et des travailleurs contre les dangers résultant des rayonnements ionisants.. En outre, les auteurs de la directive 2010/75 ont cru bon d’exclure expressément les substances radioactives de la définition des « substances » visées par la directive Art. 3, § 1er, dir. 2010/75., ce qui suppose qu’il n’est pas évident qu’elles soient exclues Voir ég. les art. 2 et 3 de la dir. 89/618/Euratom du 27 novembre 1989 concernant l'information de la population sur les mesures de protection sanitaire applicables et sur le comportement à adopter en cas d'urgence radiologique.. Le concept d’émission est donc relativement large, mais les directives ou législations nationales spécialisées peuvent donner à ce terme une définition plus ou moins étroite en fonction de leur objet particulier Voir dir. 2004/35 sur la responsabilité environnementale. L’article 3 de la directive 89/618/Euratom livre une définition particulièrement large de l’émission puisque les termes «importante émission de matières radioactives» doivent s'entendre «comme couvrant des situations susceptibles d'entraîner un dépassement des limites de dose prescrites, pour les personnes du public, par les directives fixant les normes de base communautaires en matière de radioprotection». L’accent est mis sur le dommage causé – le dépassement de la dose – plutôt que sur la cause de ce dommage – «la situation». . La directive 2003/4, au contraire, concerne la protection de l’environnement dans son ensemble, c’est un instrument transversal et transectoriel. L’objectif d’un niveau élevé de protection de l’environnement s’oppose à ce que le concept d’émission soit interprété restrictivement dans cette directive. De plus, ce paragraphe limite le champ d’application des exceptions au droit à l’information qui, elles, doivent être interprétées restrictivement. Les exceptions facultatives visées ne devraient donc pas être valables lorsqu’elles concernent des émissions de substances radioactives ou de rayonnements ionisants dans l’environnement. 49. Si l’exception liée à la sécurité n’est pas visée par cette disposition, l’instance doit tout de même prendre en compte le fait que les informations demandées concernent des émissions dans l’environnement lorsqu’elle effectue la balance des intérêts pour les autres motifs possibles de refus, dont la sécurité Art. 27, § 2, L. 2006. Selon Christine Larssen, l’article 4, § 4, alinéa 2, de la Convention d’Aarhus impose une interprétation fortement restrictive des exceptions lorsque des émissions sont en jeu («La directive 2003/4/CE…», op. cit., p. 14, note 118). L’exposé des motifs utilise une formulation quelque peu ambiguë. Selon le gouvernement, l’alinéa 1er de cette disposition exclut que les exceptions visées soient «invoquées» en cas d’émission ; l’alinéa 2, quant à lui, rend compte de la spécificité des informations environnementales liées aux émissions «puisque lorsque la demande sera confrontée aux exceptions 2°, 3°, 4 ° et 5°, l’intérêt de la diffusion l’emportera sur les autres intérêts invoqués» (Doc. parl., Ch. repr., sess. 2005-2006, n° 2511/001, p. 40). À quoi sert, dès lors, de faire une balance des intérêts ? Le résultat ne sera-t-il pas le même que pour les exceptions visées à l’alinéa premier ?. 50. L’instance environnementale doit prendre en compte les mêmes motifs d’exceptions pour la publicité active et effectuer une balance des intérêts Art. 28, al. 1er, L. 2006.. En revanche, lorsque l’information porte sur une émission dans l’environnement, la loi est plus équivoque: elle se réfère à l’entièreté du § 2 de l’article 27 – et non uniquement à son alinéa 2 –, mais dispose que l’instance doit « tenir compte » de la circonstance que l’information concerne une émission dans l’environnement Voir cependant l’interprétation ambiguë que livre le gouvernement de la «prise en compte» (supra). . III.9. La publicité en cas de menace pour la santé ou l’environnement et l’application du droit à la vie 51. En vertu de l’article 2 de la Convention européenne des droits de l’homme, qui consacre le droit à la vie, l’État doit prendre « toutes les mesures requises » Cour eur. D.H., 9 juin 1998, L.C.B. c. Royaume-Uni, § 36. et notamment adopter « un cadre législatif et administratif visant une prévention efficace et dissuadant de mettre en péril le droit à la vie » Cour eur. D.H., op. cit., Öneryildiz, § 89.. Ce qui comprend notamment la communication active d’informations et de conseils lorsqu’il apparaît comme vraisemblable qu’un facteur, en l’occurrence une irradiation, soit susceptible d’entraîner des risques réels pour la santé des personnes Cour eur. D.H., op. cit., L.C.B., § 38.. Ici aussi l’accès à l’information claire et exhaustive vaut en cas de menace sur la vie qu’il y ait déjà eu émission ou pas Cour eur. D.H., op. cit., Öneryildiz, § 108.. Il devrait en aller de même pour la publicité active. Or, le droit à la vie est un droit auquel il ne peut être dérogé Fr. Sudre, Droit européen et international des droits de l'homme, 2e éd., 2008, Paris, PUF, pp. 204 à 211.. En conséquence, il nous semble qu’en cas de menace sur la vie des personnes la seule situation dans laquelle les pouvoirs publics peuvent refuser de communiquer l’information est celle où cette communication ferait peser une menace accrue sur la vie des personnes; toutes les autres causes d’exceptions devraient être écartées Les droits issus de la Convention européenne des droits de l’homme s’imposent en tant que principes généraux du droit dans l’ordre juridique de l’Union européenne (C.J.C.E., 28 octobre 1975, C-36/75, Rutili). En outre, le droit à la vie est consacré par l’article 2, § 1er, de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne qui doit s’interpréter au regard de la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme (Préambule, 5e considérant). Le droit à la vie prime donc la directive 2003/4 ainsi que la loi de 2006.. Le droit à la vie s’applique bien sûr dans les cas où la transmission de l’information permettrait à certaines personnes – par exemple des terroristes – de porter atteinte à la vie d’autrui. Il nous semble, en revanche que la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme ne permet pas de déterminer clairement si le droit à la vie contraint ou à tout le moins permet aux autorités publiques de ne pas divulguer une information si cette divulgation est susceptible de provoquer parmi les membres du public des comportements très risqués pour leur propre vie Dans cette hypothèse, l’autorité qui devrait faire face à une situation d’urgence retiendrait certaines informations afin de ne pas provoquer de mouvements de panique ou des comportements téméraires des individus qui aboutiraient à ce qu’ils se mettent fortement en danger. La Cour européenne impose à l’État de prendre des mesures d’évitement du suicide des détenus considérés comme des personnes fragiles dont il a la charge (Cour eur. D.H., 3 avril 2001, Keenan c. Royaume-Uni, §§ 89-102). Frédéric Sudre parle d’une obligation de protéger l’individu contre lui-même (op. cit., p. 301). De même, la Cour considère que le droit à la vie ne comprend pas corrélativement de droit de mourir qui s’imposerait aux États (Cour eur. D.H., 29 juillet 2002, Pretty c. Royaume-Uni, § 39). Cela étant, les États doivent respectent l’autonomie individuelle des titulaires du droit (Cour eur. D.H., op. cit., Keenan, § 92). Les États peuvent donc choisir de consacrer le droit à l’euthanasie pour autant qu’ils prennent des mesures de protection des personnes fragiles (F. Rigaux, «L'avis du Conseil d'État belge sur la dépénalisation de l'euthanasie et le droit aux soins palliatifs», Rev. trim. D.H., 2002, pp. 274 à 285). L’on pourrait en déduire que les États ne sont pas contraints de retenir certaines informations afin de protéger la vie des individus contre eux-mêmes, mais qu’ils ont le droit de choisir d’adopter une telle politique, pour autant qu’elle ne fasse pas peser une menace accrue sur la vie. À l’inverse, l’on pourrait soutenir que le suicide et l’euthanasie sont des cas dans lesquels l’individu agit dans le but de porter atteinte à sa vie alors que dans le cas d’une situation d’urgence, l’individu choisirait justement de préserver sa vie, mais en adoptant un comportement dont les autorités publiques estiment qu’il est sensiblement plus risqué que celui qu’elles recommandent d’adopter. On pourrait mettre en avant qu’il appartient à l’individu de déterminer comment préserver sa vie au mieux et que les pouvoirs publics doivent donc lui transmettre toutes les informations afin qu’il puisse effectuer lui-même ce choix. . 52. L’article 15 de la loi de 2006 est l’expression de la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme sur le droit à la vie et le droit à la vie privée Fr. Schram, op. cit., p. 188; Doc. parl., Ch. repr., sess. 2005-2006, n° 2511/001, p. 24.. En cas de menace d’origine naturelle ou anthropique pour la santé ou l’environnement, les instances environnementales diffusent immédiatement les informations « qui pourraient permettre à la population susceptible d'être affectée de prendre des mesures pour prévenir ou atténuer le dommage lié à la menace en question » Art. 15, L. 2006.. La loi prévoit que cette disposition s’applique « sans préjudice d’obligations particulières prévues éventuellement par la législation » alors que l’article 7, § 4, de la directive ne mentionne que la législation européenne et non la législation nationale. S’il s’agit d’obligations nationales plus favorables à la publicité, cela ne pose pas de problème, mais s’il s’agit d’obligations qui limitent le droit à l’information Les travaux préparatoires ne permettent pas de trancher entre ces deux interprétations (Doc. parl., loc. cit.). Néanmoins, une interprétation systémique et téléologique de la loi permet de privilégier la première hypothèse: le régime créé par la loi est un régime minimal, le principe est l’accès et la restriction est l’exception. Il faut également tenir compte des articles 23 et 32 de la Constitution., la directive 2003/4 et, pour le secteur du nucléaire, l’article 6 de la directive 89/618/Euratom devraient primer la loi et seule la législation européenne pourrait limiter l’obligation de publication qui pèse sur l’instance Ajoutons que même dans le cas où la législation belge transpose le droit européen, il faudrait encore vérifier si elle n’est pas plus restrictive que ce dernier.. L’obligation de diffuser les informations en cas de danger peut également se déduire du devoir général de prudence issu du Code civil B. Jadot, «Le droit à l’information en matière d’environnement face au secret administratif», Le droit à l’information en matière d’environnement, Bruxelles, Story-Scientia, 1991, p. 168.. Les travaux préparatoires citent des exemples d’accidents ou de catastrophes naturelles Doc. parl., loc. cit., c’est-à-dire des évènements qui se sont réalisés et non des risques, mais l’article ne reprend que le concept de menace. Une menace est un danger ou un indice, un signe de danger Le grand Robert de la langue française, op. cit., v° «menace». Voir ég. Middelgroot woordenboek Nederlands, Utrecht, Van Dale, 2009, pp. 91 et 92, vos «bedreiging» et «bedreigen». . L’article 15 pourrait-il s’appliquer en cas de risque d’émission et non simplement lorsqu’une émission dans l’environnement a déjà eu lieu ? À titre de comparaison, l’article 2, § 1er, de la directive 89/618/euratom parle de risque d’émission importante de matières radioactives. L’information que doit transmettre l’autorité en cas de menace pour la vie ou pour la vie privée porte également sur le risque d’émission. L’article 15 devrait s’interpréter au regard de cette jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme Doc. parl., loc.cit.. La simple existence d’installations nucléaires suppose qu’il y a toujours un risque d’émission même s’il est extrêmement faible, néanmoins les exemples d’évènements extraordinaires cités par les travaux préparatoires semblent indiquer qu’il faut une augmentation considérable du risque par rapport au seuil normal pour que l’article 15 s’applique En conséquence, il nous semble qu’un simple «incident grave» de niveau 3 sur l’échelle de l’A.I.E.A. pourrait provoquer l’application de l’article 15, puisqu’un tel incident suppose la contamination grave d’une zone censée ne pas être contaminée de par sa conception, avec une faible probabilité d’exposition importante du public (INES Scale. User’s Manual, Vienne, A.I.E.A., 2009, p. 3) ce qui constitue une augmentation considérable de cette probabilité.. Faut-il, en outre, assimiler la menace au péril ou l’augmentation considérable du risque d’émission suffit-elle ? La directive mentionne uniquement les menaces « imminentes » pour la santé ou l’environnement Art. 7, § 4, dir. 2003/4. L’avant-projet de loi reprenait la même formulation (Doc. parl., Ch. repr., sess. 2005-2006, n° 2511/001, p. 53). alors que la loi est plus large et vise les menaces en général. L’omission par la loi de 2006 de l’adjectif « imminent » pourrait signifier que l’autorité ne doit pas avoir égard à la vitesse à laquelle le risque pourrait se concrétiser. Ainsi, si un évènement ayant lieu aujourd’hui augmente considérablement la probabilité d’occurrence d’un dommage dans un an, l’autorité devra en informer immédiatement le public. Mais la question de la temporalité se pose de façon spécifique dans le domaine du nucléaire. On sait, par exemple, que l’on ne dispose pas de contenants dont les matériaux ont une durée de vie égale à celle du plutonium, mais ce problème se posera dans plusieurs millénaires. S’agit-il d’une menace au sens de l’article 15 alors que les personnes auxquels l’information serait immédiatement transmise seront décédées depuis longtemps au moment où le risque pourrait se concrétiser ? 53. Les dispositions sur la classification de documents ne posent pas de problèmes en rapport avec l’article 15 de la loi de 2006 lorsque l’information classifiée peut être déclassifiée par l’instance. Cette procédure ne demandant pas de délai particulier, elle ne retarde pas la publication et est donc conforme à la directive. La solution du problème est moins claire lorsque l’instance qui reçoit la demande doit se référer à une autre autorité compétente pour déclassifier le document ou lorsqu’en vertu de l’article 18bis, § 2, de la loi de 1994, elle doit se référer à l’A.F.C.N. L’article 7, § 4, de la directive prévoit que la diffusion de l’information doit être immédiate et sans retard. Il nous semble néanmoins que le terme « immédiate » pourrait laisser une certaine marge d’appréciation aux autorités, la vitesse de la transmission de l’information devant être liée au degré d’imminence de la menace. Il n’y a qu’en cas de péril imminent, que la directive devrait écarter les législations qui retardent la communication. En pratique, toutefois, les informations diffusées dans ce contexte ne porteront pas sur le type de radio-isotope ou la localisation exacte des matériaux nucléaires; il est donc peu probable qu’elles soient classifiées. 54. Quoi qu’il en soit, la réglementation propre au secteur nucléaire prévoit des obligations d’information plus larges de type proactif qui concernent les situations d’urgence comme la préparation de la population à ce risque. Le R.G.P.R.I. dispose qu’en cas d’événement imprévu de nature à mettre en péril la santé des travailleurs ou de la population – tel qu'un incendie, une explosion, une inondation, une perte ou un vol de substances radioactives Cette énumération n’est pas limitative. – le chef d'établissement, ou par défaut le chef d'entreprise, ainsi que toute personne ayant connaissance de l'événement sont tenus d'en informer immédiatement le bourgmestre et diverses autres autorités publiques Art. 67.4, R.G.P.R.I. Voir aussi art. 67.2, R.G.P.R.I.. De même, en cas de danger menaçant la sécurité de la population, le préposé au transport de matières radioactives est tenu d’informer immédiatement le centre gouvernemental de coordination et de crise et le centre d'appel unifié 100 qui préviendront l’A.F.C.N. Art. 60, R.G.P.R.I.. Le R.G.P.R.I. ne contraint pas l’exploitant ou le préposé au transport à informer de la population Le devoir général de prudence pourrait trouver à s’appliquer. , mais les autorités auxquelles l’information est transmise devront appliquer l’article 15 de la loi de 2006 sur l’accès à l’information. En outre, le plan d’urgence nucléaire s’applique lorsque « la population belge est ou risque d'être menacée par une exposition radiologique anormale (urgence radiologique) via différentes voies d'exposition dues à: l'irradiation externe par la contamination de l'air et/ou des substances radioactives déposées (contamination du territoire belge); l'irradiation interne par l'inhalation d'air contaminé et/ou l'ingestion d'aliments ou d'eau contaminés » Point 1.3 du plan d’urgence radiologique pour le territoire belge annexé à l’arrêté royal du 17 octobre 2003 portant fixation du plan d'urgence nucléaire et radiologique pour le territoire belge. Le plan d’urgence prévoit qu’en cas d'accident entraînant la mise en œuvre du plan, l'information est donnée par l’exploitant conformément à ce plan. Cette information a priorité dans le temps sur l’information visée à l’article 67 du R.G.P.R.I. (point 2.6., plan d’urgence nucléaire). L'information délivrée par l'exploitant aux médias et à la population se limite aux informations relatives à la situation sur le site d'exploitation et son évolution. L'exploitant doit rester en contact régulier avec la cellule d'information mise en place (point 3.2.1.6.6.; voir aussi point 3.2.3.). Il fournit à la cellule d'évaluation et au gouverneur les renseignements sur l'état de son installation dont ceux-ci ont besoin pour accomplir leur mission (point 2.6.). En cas d’urgence radiologique, le Centre Gouvernemental de Coordination et de Crise est chargé de diffuser les informations préparées par les différentes cellules (point 3.2.1.1.). Il n’est pas précisé s’il s’agit d’une diffusion auprès du public. De même, le comité fédéral de coordination se fait informer en permanence par la cellule d'évaluation et transmet en temps utiles à la cellule d'information les renseignements à fournir à la population via les médias (point 3.2.1.2.5.). La publicité est donc centralisée auprès des pouvoirs publics. Cette centralisation a pour unique but d’assurer que l’information soit complète et cohérente, il nous semble que les dispositions du R.G.P.R.I. et du plan d’urgence ne s’opposent pas à ce que les premiers pouvoirs publics informés du risque communiquent l’information à la population conformément à l’article 15 de la loi de 2006 sur l’accès à l’information et l’article 7, § 4, de la directive. Il est difficile de dire si ces dernières dispositions imposent à ces pouvoirs publics de transmettre l’information à la population avant même qu’elle arrive au centre de crise et à la cellule d’information, tout dépend de l’interprétation du terme «immédiatement» (voir supra) ainsi que de la duré de la procédure de centralisation avant publication. . Le plan d’urgence ne concerne que les situations d’urgence radiologiques Point 1.2., al. 1er, plan d’urgence., c'est-à-dire celles qui appellent des mesures de protection urgentes Art. 2, 3°), R.G.P.R.I. L’article cite de façon non limitative des hypothèses d’accident ou de taux anormaux de radioactivité. . Son champ d’application semble donc plus restreint que celui de l’article 15 de la loi de 2006 Notez que la situation d’urgence n’est pas définie comme celle dans laquelle le risque est susceptible de se concrétiser immédiatement, mais comme celle qui appelle des mesures à mettre en œuvre sans délai. Les situations susceptibles d’être visées pourraient donc être plus nombreuses que ce que laisse présager l’intitulé «plan d’urgence». La circonstance que la situation appelle des mesures urgentes suppose toutefois que le risque doit être susceptible de se réaliser relativement rapidement, dans les jours ou les semaines qui suivent. . L’article 72.1, alinéa 3, du R.G.P.R.I. dispose que le plan d’urgence pour les risques nucléaires comprend « le mode d'information immédiate, dès la survenance d'un cas d'urgence radiologique, de la population effectivement affectée sur les données de la situation d'urgence, sur le comportement à adopter et, en fonction du cas d'espèce, sur les mesures de protection sanitaire qui lui sont applicables ». Il s’agit principalement de publicité active. En temps normal, la population doit être informée de l'existence des risques qu’ils soient nucléaires, chimiques ou liés à d'autres produits dangereux ainsi que des principales mesures d'urgence à suivre si la santé publique est menacée ou risque de l'être Point 1.1., al. 4, plan d’urgence nucléaire.. La population susceptible d'être affectée en cas d'urgence radiologique est informée de façon préventive, tous les cinq ans, des mesures de protection sanitaires applicables du comportement qu'elle aurait à adopter, en cas d'urgence radiologique. L'information est également communiquée lorsque des modifications significatives interviennent dans les mesures décrites. Elle doit en permanence être mise à jour et rester accessible au public Art. 72.2, R.G.P.R.I. En vertu de l’annexe V. point B du R.G.P.R.I., l’information comprend au moins les notions de base sur la radioactivité et ses effets sur l’être humain ainsi que sur l’environnement, les différents cas d’urgence radiologique pris en compte et leurs conséquences pour la population et pour l’environnement, les mesures d’urgence prévues pour alerter, protéger et secourir la population en cas d’urgence radiologique et les informations adéquates relatives au comportement que la population devrait adopter en cas d’urgence radiologique. . En cas d’accident, la population doit être informée de façon détaillée Point 1.1, al. 1er, plan d'urgence nucléaire. Ces informations comprennent au moins celles visées à l’annexe V, point A du R.G.P.R.I. Il s’agit notamment des informations sur l’origine, l’étendue et l’évolution prévisible du cas d’urgence survenu et de consignes de protection comme la restriction de la consommation de certains aliments, les règles d’hygiène et de décontamination, le confinement dans les maisons et les dispositions à prendre en cas d’évacuation. Si la situation d’urgence est précédée d’une phase de préalarme, des informations spécifiques sont données à la population susceptible d’être affectée. L’ensemble de ces informations et ces consignes «seront complétées, en fonction du temps disponible, par un rappel des notions de base sur la radioactivité et ses effets sur l’être humain ainsi que sur l’environnement».. L’information se réfère à l’échelle de gravité de l’incident mise en place par l’A.I.E.A. qui comprend 7 niveaux Point 3.2.1.6.7, plan d’urgence nucléaire.. En cas de déclenchement du plan d’urgence, la cellule d'information veille notamment à ce que: la population soit informée des mesures de protection à prendre via les chaînes nationales de radio et de TV; le contenu de l'information fournie à la population soit déterminé en concertation avec l'A.F.C.N.; les médias soient informés de façon univoque et à des intervalles réguliers de l'état d'urgence et de son évolution; un système adéquat d'information soit organisé afin de pouvoir répondre aux questions de la population; un certain nombre de groupes cibles spécifiques soit informé directement. D'autres groupes cibles reçoivent l'information nécessaire par le biais des autorités compétentes Point 3.2.1.6.1., plan d’urgence nucléaire. L’information des médias peut également avoir lieu en dehors du déclenchement du plan (voir point 3.2.1.6.1, plan d’urgence nucléaire).. Les modalités pratiques de l’information de la population sont organisées par le point 7 du plan. Le plan d’urgence a été déclenché une seule fois, le 28 août 2008, lors d’un rejet anormal d’iode radioactif dans les effluents gazeux de l’Institut des radioéléments à Fleurus A.F.C.N., «Rejet anormal d'iode radioactif à l'IRE: l'A.F.C.N. répond aux questions de la population», http://www.fanc.fgov.be/fr/page/rejet-anormal-d-iode-radioactif-a-l-ire-institut-des-radioelements-fleurus-l-afcn-repond-aux-questions-de-la-population-28/08/2008/785.aspx, consulté le 22 juin 2011.. Ajoutons que le ministère de l’Intérieur collecte les informations concernant les situations d’urgence radiologiques à l’étranger, susceptibles d’avoir une incidence sur la Belgique et diffuse cette information Point 2.1.5. du plan d'urgence nucléaire. . L’A.F.C.N. a informé le public sur l’accident de Fukushima Dai-Ichi Voir entre autres: http://www.fanc.fgov.be/fr/page/risques-pour-la-belgique/1378.aspx, consulté le 22 juin 2011.. III.10. La motivation du refus de divulguer et le recours administratif 55. Tout refus de mise à disposition des données ou toute mise à disposition partielle doit indiquer les voies de recours et être motivé Art. 22, § 5, L. 2006. Cette motivation doit comprendre les formes et délais dans lesquels les recours peuvent être introduits (art. 8, L. 2006). in concreto au regard des possibilités de refus ou de mise à disposition partielle prévues Art. 4, § 5, dir. 2003/4.. La loi prévoit cependant que cette obligation de motivation ne peut compromettre la sécurité extérieure de l’État, porter atteinte à l’ordre public, violer le droit à la vie privée ou constituer une violation du secret professionnel Art. 22, § 5, L. 2006. Une motivation minimale est cependant toujours exigée. L’instance environnementale devra donc indiquer que l’on se trouve dans un cas d’exception à l’obligation de motivation classique (Doc. parl., Ch. repr., sess. 2005-2006, n° 2511/001, p. 31). . En vertu de la loi du 29 juillet 1991 sur la motivation formelle des actes administratifs, la décision d’acceptation de la demande doit également être motivée C.E., 14 avril 2009, n° 192.371, NIRAS.. 56. Un recours administratif devant un organe indépendant et impartial, la C.F.R.A.I.E., est prévu Art. 33 et 34, L. 2006. Le Conseil d’État a reconnu qu’il s’agissait d’une autorité administrative – et donc d’un recours administratif – puisqu’il a examiné un recours en suspension contre une décision de la Commission (C.E., 14 avril 2009, n° 192.371, NIRAS). Un tel recours n’est pas possible dans le cadre de la cassation administrative à l’encontre de la décision d’une juridiction administrative (art. 17, § 1er, L.C.C.E.). La Commission peut être qualifiée d’autorité administrative indépendante (B. Jadot, «Information et participation du public en matière d’environnement: la Convention d’Aarhus et le droit communautaire passé au crible par le Conseil d’État», A.P.T., 2008, p. 15). Elle peut donc se prononcer en opportunité et non uniquement en légalité. Sur les problèmes causés par le statut d’autorité administrative indépendante, voir J. Sambon, «L’accès à l’information…», in L’accès aux documents…, op. cit., p. 696.. La Commission est composée majoritairement de fonctionnaires Art. 3, § 1er, A.R. du 20 décembre 2006 relatif à la composition et au fonctionnement de la commission fédérale de recours pour l’accès aux informations environnementales. ce qui pourrait poser un problème pour son indépendance. La loi prévoit cependant que la Commission ne peut recevoir aucune instruction lors du traitement des recours Art. 34, L. 2006.. Les fonctionnaires ne sont donc plus soumis à pouvoir hiérarchique dans l’exercice de leur mission En Région de Bruxelles-Capitale, les règles en matière de conflit d’intérêts prévoient que certains des membres de la Commission ne peuvent pas être présents lorsque leur institution est impliquée dans l’affaire concernée (art. 4, A. gouv. brux. du 26 septembre 1996, réglant la composition et le fonctionnement de la Commission régionale d’accès aux documents administratifs). Néanmoins, lorsqu’elle se prononce sur une information environnementale, la Commission doit toujours comprendre un membre de l’I.B.G.E. (art. 20bis, al. 2, ord. du 30 mars 1995 relative à la publicité de l’administration). Au niveau fédéral, la disposition correspondante concerne tous les membres de la Commission, mais il faut qu’ils aient été directement impliqués dans la décision contre laquelle le recours a été introduit (art. 11, A.R. du 20 décembre 2006). Selon Christine Larssen, qui critique le régime bruxellois, ce type de mesure devrait être établi dans la loi, car la directive (art. 6, § 2) et la Convention (art. 9, § 1er) prévoient qu’un organe indépendant et impartial doit être établi par la loi («L’accès à l’information…», op. cit., pp. 919 à 920). Il nous semble que l’article 34 de la loi de 2006 répond suffisamment au prescrit de la directive – un tel article n’existe pas en droit bruxellois –, le Roi pouvant se charger de l’organisation pratique, en conformité avec la loi. . La Commission doit, en principe, statuer dans les 30 jours calendrier Art. 38, § 1er, L. 2006. Le délai peut être porté à quarante-cinq jours en vertu de l’article 38, § 2. Comme le remarque Christine Larssen à propos des dispositions correspondantes en droit wallon, l’absence de mention des effets du dépassement du délai suppose que le demandeur ne pourra attaquer une décision implicite de rejet qu’au terme de la procédure prévue par les lois coordonnées sur le Conseil d’État, c’est-à-dire quatre mois après la mise en demeure de l’administration. La procédure ne semble pas répondre à l’exigence de rapidité de l’article 6, paragraphe 1er de la directive («L’accès à l’information…», op. cit., p. 919). . La loi ne prévoit pas de frais spécifique pour ce recours. L’instance environnementale doit exécuter les décisions de la Commission dans les meilleurs délais et au plus tard dans les 40 jours calendrier Art. 39, § 1er, L. 2006.. A défaut, la Commission pourra divulguer elle-même l’information dans les meilleurs délais, si elle l’a en sa possession Art. 39, § 2, L. 2006.. Or, elle est compétente en vertu de l’article 40 pour se faire communiquer cette information. Aucun délai maximal n’est prévu, mais un contrôle du délai raisonnable devrait être possible Notez que l’article 18bis de la loi sur le nucléaire et le régime de classification des documents ne devraient, selon nous, pas s’appliquer ici. En effet, ces législations n’organisent pas de mécanismes de recours administratif. Or, la directive exige la mise en place d’un tel mécanisme (art. 6, § 1er, dir. 2003/4). De plus, l’article 6, § 1er, de la directive serait, nous semble-t-il, vider de son effet utile si ces législations empêchaient la Commission de divulguer les documents qu’elle a en sa possession. Enfin, l’article 39, § 1er, de la loi de 2006 nous semble pouvoir être interprété en ce sens que l’autorité compétente pour la classification doit exécuter la décision en autorisant sa divulgation. Dans le cas contraire, le régime juridique belge aurait pour effet de rétablir une exception absolue à la publicité au niveau de la deuxième instance administrative, ce qu’interdit la directive. . 57. Les décisions de la Commission sont susceptibles de recours juridictionnels. Le recours administratif organisé devant la Commission doit être exercé avant le recours devant le Conseil d’État M. Leroy, Contentieux administratif, Bruxelles, Bruylant, 2008, p. 323 et note 5.. En cas de silence de l’administration durant un délai supérieur au délai maximum, le demandeur peut attaquer la décision implicite de rejet dans les conditions prévues par les L.C.C.E C.J.C.E., 21 avril 2005, C-186/04, Housieaux. La doctrine propose qu’en cas de silence de l’administration, elle soit réputée avoir pris une décision d’acceptation tacite. Néanmoins, cela ne règle pas le problème de la mise à disposition de l’information (Chr. Larssen, «La directive 2003/4/CE…», op. cit., p. 18). De plus, il n’est pas certain qu’une telle présomption soit opportune dans le droit fédéral vu les problèmes de sécurité liés au nucléaire. . Dans la mesure où toute décision de rejet doit être motivée dans le délai imparti C.J.C.E., 21 avril 2005, C-186/04, Housieaux., la décision implicite de rejet sera en principe entachée d’illégalité, car non motivée C.E., 19 juillet 2006, n° 161.407, Housieaux. Voir sur cette jurisprudence et sur sa condamnation du système des décisions implicites de rejet tel que prévu en Belgique: N. de Sadeleer, op. cit., p. 184; B. Jadot, «Information et participation du public…», op. cit., pp. 8 à 9; Chr. Larssen, «L’accès à l’information…», op. cit., pp. 915 à 917.. Le demandeur ne doit pas justifier d’un intérêt particulier à agir ni devant la Commission, ni plus tard devant le Conseil d’État C.E., 12 novembre 2002, n° 112.495, de Liedekerke de Pailhe; C.E., 18 octobre 2006, n° 163.733, S.C.R.L. Jansen Frères. . Un recours devant les juridictions judiciaires est également ouvert au demandeur qui peut mettre en exergue la violation du droit subjectif politique d’accès à l’information, mais dans la plupart des cas le recours concernera le refus issu de la balance des intérêts de l’instance environnementale et devra donc être effectué devant le Conseil d’État B. Jadot, «Information et participation du public…», op. cit., p. 15, note 49. Le recours au Conseil d’État est critiqué au regard de la convention d’Aarhus (art. 9, § 4), car celui-ci ne peut enjoindre à l’autorité de délivrer l’information. Conformément à l’article 145 de la Constitution, le législateur peut confier cette compétence à une juridiction administrative spécialisée ou au Conseil d’État lui-même. Il n’en a rien été (op. cit., pp. 16 et 17). . Conclusion 58. Les compétences de l’État fédéral en matière de protection de l’environnement sont relativement réduites au regard de celles dont disposent les régions et la protection contre les rayonnements ionisants en est une des composantes majeures. En conséquence, l’on pourrait s’attendre à ce que la législation fédérale sur l’accès à l’information en matière d’environnement soit particulièrement adaptée au secteur du nucléaire et cela d’autant plus que la législation propre à ce secteur comporte elle-même diverses obligations de publicité active ou passive. Au terme de cet examen, il semble pourtant que le législateur n’ait pas aperçu certaines contradictions qui existaient entre les législations applicables au nucléaire et le droit d’accès à l’information. De même, il n’est pas certain que les autorités compétentes en matière de nucléaire aient pris toute la mesure de la révolution que constitue l’adoption de la directive 2003/4 pour le secteur. Nous avons tenté de mettre en avant des interprétations qui concilient les objectifs a priori divergents de ces deux régimes juridiques, néanmoins la pleine réalisation de ces objectifs et de la sécurité juridique nécessiterait un réexamen de la législation et de la réglementation applicables L’adoption de la loi du 30 mars 2011 ne suffit pas à concilier les différents régimes.. Au-delà de la législation, la pratique des administrations devrait également être modifiée ainsi que leur état d’esprit face au secret qui entoure le nucléaire. Car, au fond, les objectifs des régimes de protection physique des matières nucléaires et d’accès à l’information environnementale sont-ils réellement divergents ? Ne s’agit-il pas dans les deux cas de préserver la santé et la vie humaine ? Si le législateur et l’administration gardent à l’esprit que le secret en matière de nucléaire n’est pas une fin en soi, mais seulement un moyen au service de la préservation de la vie et de la santé comme l’est le droit d’accès à l’information Art. 1er, convention d’Aarhus., les pouvoirs publics pourront sortir de la « culture du secret » pour entrer dans une « culture de la transparence » sans que cela ne fasse peser une menace sur la sécurité et la santé humaine. PAGE \* MERGEFORMAT 1