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Les Douze Dieux et les autres dans l’espace cultuel grec

1998, Kernos

Kernos 11 (1998) Varia ................................................................................................................................................................................................................................................................................................ Stella Georgoudi Les Douze Dieux et les autres dans l’espace cultuel grec ................................................................................................................................................................................................................................................................................................ Avertissement Le contenu de ce site relève de la législation française sur la propriété intellectuelle et est la propriété exclusive de l'éditeur. 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Référence électronique Stella Georgoudi, « Les Douze Dieux et les autres dans l’espace cultuel grec », Kernos [En ligne], 11 | 1998, mis en ligne le 21 avril 2011, consulté le 11 octobre 2012. URL : http://kernos.revues.org/1218 ; DOI : 10.4000/kernos.1218 Éditeur : Centre International d’Etude de la religion grecque antique http://kernos.revues.org http://www.revues.org Document accessible en ligne sur : http://kernos.revues.org/1218 Ce document est le fac-similé de l'édition papier. Tous droits réservés Kernos, 11 (998), p. 73-83. Les Douze Dieux et les autres dans l'espace cultuel grec Dans une étude parue en 1996 1, j'avais essayé de poser certaines questions sur cet ensemble divin que les Grecs appelaient les « Douze Dieux» Chai dodeka theoi) , ou, tout simplement, «les Douze» Chai dodeka). En examinant surtout trois centres importants de leur culte, Athènes, Olympie, Délos, je m'étais interrogée sur la pertinence de ce qu'on continue d'appeler le Canon, ou la liste canonique des Douze Dieux. L'artisan de ce supposé Canon était surtout Otto Weinreich qui, dans une étude fondamentale sur ces dieux dans le monde grec et romain, avait fixé un schéma bien ordonné et équilibré, composé de six dieux et de six déesses, qu'il avait disposés en paires: Zeus-Héra, Poséidon-Déméter, aーッャセ ョMaイエ←ュゥウL Arès-Aphrodite, Hermès-Athéna, Héphaistos-Hestia 2 • Mon propos n'est pas de refaire ici cette analyse critique, de reprendre les objections que j'avais formulées à ce Canon, introuvable selon moi, ou à sa prétendue origine ionienne, origine que Charlotte Long avait déjà mise en question dans sa monographie sur les Douze Dieux3. Dans le prolongement de cette enquête, j'aimerais plus modestement signaler certaines イセャ。エゥッョウ particulières qui allient cet ensemble à d'autres puissances divines ou héroïques, voire à des abstractions personnifiées qui reçoivent un culte. En effet, la tradition grecque associe parfois les Douze Dieux à certains personnages légendaires comme Agamemnon ou Jason, à des figures héroïques originelles tel Deucalion, ou encore à un héros devenu dieu comme Héraclès. Ce type d'association se situe toujours dans un contexte de fondation cultuelle : ces personnages se trouvent liés aux Douze Dieux en tant que constructeurs d'un autel et fondateurs d'un culte en l'honneur de cet ensemble. Charlotte Long a voulu aller plus loin et classer Héraclès parmi les Douze, mais aucun des exemples qu'elle en donne n'est probant, du moins Les Douze Dieux des Grecs: variations sur un thème, in S. GEORGOUDI, ].-P. VERNANT (éds), Mythes grecs au figuré, de l'antiquité au baroque, Paris, Gallimard, 1996, p. 43-80 et 219-221 (notes). 2 O. WEINREICH, Zw6ljg6tter, in W.H. ROSCHER (éd.), Ausführliches Lexicon der griechischen und r6mischen Mythologie, VI (1924-1937), col. 764-848. 3 The Twelve Gods of Greece and Rome, Leyde, 1987 (surtout p. 158-159). 74 S. GEORGOUDI en ce qui concerne le monde grec 4. Non que ce glorieux fils de Zeus, devenu immortel, ne fût digne de se joindre à ce groupe divin; mais comme on le sait par Diodore, qui a fourni une version détaillée de son apothéose (IV, 38, Isqq.), Héraclès le dieu, bien installé sur l'Olympe à côté de sa jeune épouse Hébè, avait décliné modestement l'offre de Zeus qui lui proposait de « s'inscrire au nombre des Douze Dieux ». Car, dans ce cas, avait remarqué Héraclès, un des Douze devrait lui céder la place, et lui - qui avait jadis choisi la voie de la Vertu - ne saurait accepter un honneur (timën) qui impliquerait, pour un autre dieu, le « déshonneur », la « privation de ses droits », à savoir l'atimia. Cependant ces fondations cultuelles, attribuées aux quatre personnages que j'ai cités (Agamemnon, Jason, Deucalion, Héraclès), ne semblent pas avoir exactement le même sens, Celles d'Agamemnon et de Jason sont liées à des expéditions, et les autels érigés marquent des passages, des limites d'un territoire, la transition d'un monde à un autre. Revenant, semble-t-il, de l'expédition troyenne, Agamemnon élève et consacre (cf hidruma) un autel des Douze Dieux au cap Lekton de Troade, en face de Lesbos, dans une région où Strabon situe, entre autres, le peuple des Lélèges (XIII, 605, 48 sq.). Ce cap est d'une certaine façon associé à deux membres habituels de ce groupe divin, à savoir à Zeus et à Héra, puisque c'est là qu'une scholie à un vers de l'Iliade (XIV, 283) situe la fameuse union d'amour du couple, Pour la fondation de Jason et des Argonautes, nous sommes mieux renseignés : dans sa quête de la Toison d'Or, sur la route vers la Colchide, Jason et ses compagnons arrivent au Bosphore et font escale sur la côte de Thrace, c'est-à-dire sur la rive européenne, là où Apollonios de Rhodes localise le pays du roi Phinée, Or, avant de pénétrer dans le Pont-Euxin, mais surtout avant d'affronter la terrible épreuve des Roches Bleues ou Symplégades, les héros navigateurs bâtissent (cf domësantes) un autel, en l'honneur des « douze Bienheureux» (makaressi duodeka), sur la côte d'en face et y déposent des offrandes (hiera)5. Peu importe pour mon propos la localisation exacte de cet autel, sur la rive asiatique du Bosphore comme semble le dire Apollonios, ou bien sur sa rive européenne, comme l'affirment les Scholies, J'opterais quand même pour la rive asiatique, d'autant plus que c'est aussi le choix de Polybe (IV, 39, 5-6), qui, sans parler explicitement d'autel, dit que Jason, « à son retour de Colchide... sacrifia pour la première fois (proton) aux douze dieux », à un endroit nommé « Sanctuaire» (Hieron) - à 7 ou 8 km de l'entrée du Pont - La présence d'Héraclès parmi douze figures représentées sur le kyathos de Lydos à 4 figures noires (530-520 av. J.-C.), n'en constitue pas une preuve, puisque on n'est même pas sûr qu'il ウG。ァゥセウ・ ici d'un groupe des Douze Dieux: cf GEORGOUDI, al1. cif, (n. 1), p, 53-58, 5 ApOLL. RHOD" A/g., II, 531-532. Les Douze Dieux et les autres dans l'espace cultuel grec 75 sur la côte asiatique. On remarque au passage que Polybe inverse le temps de cette action pieuse et fondatrice, qui aurait donc lieu sur la route du retour. Une certaine tradition fait remonter l'existence de cet autel avant l'expédition des Argonautes, puisqu'elle l'attribue à Phrixos ou à ses fils Cà l'aller ou au retour de Colchidei. C'est probablement à ce homos que fait allusion Pindare, lorsqu'il parle d'un « autel de pierre, récemment élevé Cneoktiston) », que les Argonautes auraient trouvé en atteignant « l'embouchure de la mer inhospitalière »; et c'est là - continue Pindare - qu'ils consacrèrent un « pur sanctuaire» Chagnon temenos) à Poséidon Enaljos7. Mais c'est surtout Zeus qui fait son apparition à côté des Douze Dieux, si l'on en croit certains auteurs tardifs qui situent également à cet endroit8 un sanctuaire Cou, plus précisément, un temple, neos) de Zeus Ourlos, le dieu qui « procure un bon vent »9 - ce qui nous offre un autre exemple de cette association privilégiée, signalée aussi ailleurs, entre les Douze Dieux et Zeus, désigné, en l'occurrence, par une fonction spécifique. Au-delà de ces témoignages, nous avons une autre raison valable pour situer le culte des Douze à ce lieu nommé Hieron. Car on a trouvé dans ces parages une stèle de marbre, surmontée d'un fronton, contenant le règlement religieux d'un thiase fondé par un certain Nicomachos, et voué au culte des Douze Dieux. L'inscription, datée du me siècle av. ].-C., contient des prescriptions relatives à la prêtrise des Douze, parle des sacrifices et des libations accomplis sur l'autel des Douze Dieux, fixe le casuel des prêtres et les obligations des membres de l'association lO • Ainsi, rien ne nous empêche de supposer qu'au Hieron des Chalcédoniens, les Douze partageaient Cà partir d'une époque qu'on ne saurait déterminer) le même espace cultuel avec Poséidon, et surtout avec Zeus Ourios, comme pour mieux marquer cette connivence récurrente entre le groupe divin et certains de ses illustres membres 11 . Quoi qu'il en soit, avant ou après une expédition difficile, avant ou après l'exécution d'une entreprise périlleuse, certains personnages héroïques choisissent cet ensemble des Douze Dieux et fondent leur culte sur une terre étrangère, à des endroits qui marquent un passage important sur la route de 6 Phrixos: DENYS DE Byz., fr. 58 Müller (GGM, l, p. 75). Fils de Phrixos : TIMOSTHENES, ap. Schol. Apoll. Rh., II, 532. 7 Pyth., IV, 203-206 (avec les Scholies, IV, 361-367). Selon TIMOSTHENES, loc. cif. (n. 6), les Argonautes y avaient fondé, en l'honneur de Poséidon, un autel. 8 Endroit qu'on appelle parfois « hieron des Chalcédoniens » (STRABON, VII, 6, 1 [C320J). 9 Voir, sur ce dieu, A.B. COOK, Zeus, vol. III, Cambridge, 1940, p. 140-148 (avec les sources). POMP. MELA, De chorographia, l, 19, 101, parle d'un templum de Jupiter, construit par Jason. 10 SOKOLOWSKI, LSA, n° 2. 11 Auxquels on pourrait, en l'occurrence, ajouter Artémis, qui aurait possédé, au même lieu, un hieron, selon un témoignage isolé de PTOLÉMÉE, V, 1, 2. 76 S. GEORGOUDI l'aller ou du retour 12 , comme si l'on voulait installer, dans cette espèce de limites proches ou lointaines, un mini-panthéon grec, une sorte de panthéon condensé, auquel on demande aide et protection. On établit ainsi, dans des contrées souvent inhospitalières, une présence divine grecque. Par le choix de ce groupe des Douze, on évite peut-être un autre écueil: aucune divinité ne peut se plaindre d'avoir été oubliée en cette circonstance. La relation entre Deucalion et les Douze Dieux se noue dans un autre contexte. D'après Hellanikos (FrGrHist, 4 F 6), c'était, en effet Deucalion, le fils agathos de Prométhée, qui institua un culte des Douze Dieux, en leur consacrant (hidrusato) un autel. Cette fondation aurait eu lieu après le déluge provoqué par Zeus pour anéantir la première génération des hommes, ces grands hubristai qui, selon Lucien, « commettaient des actes sans règle, sans loi (athemista erga) , ne gardaient pas leurs serments, n'accueillaient point les étrangers et repoussaient les suppliants» (Sur la déesse syrienne, 12), Mais Deucalion est en même temps un protos heuretës dans divers domaines: car il fut le premier (protos) « à construire (poiëse) des cités », le premier « à bâtir (edeimato) des temples pour les Immortels », le premier qui « régna sur les hommes» 13. Épargné par Zeus, à cause justement de sa droiture et de sa piété, ce sage et prudent inventeur (cf son euboulia, chez Lucien), place ces temps du recommencement, de la naissance d'une deuxième génération des humains, sous le signe des Douze Dieux. Il met ainsi cette nouvelle humanité sous la protection d'une puissance divine globale, représentée et exercée par Douze entités qui agissent - comme j'ai essayé de le montrer (supra, n. 1) - « de façon solidaire et en parfaite harmonie », Tout se passe comme si le comportement anti-conflictuel, non antagoniste, qui semble caractériser les Douze Dieux, devait montrer à ce deuxième genos humain l'exemple qu'il doit suivre, pour fonder les nouvelles cités sur des rapports de coopération et d'amitié. Une amitié qui rappelle peut-être cette « grande philia » qui régnait - dit encore Lucien - entre tous les animaux recueillis par Deucalion sur son « arche », une grande amitié qui venait de Zeus (diothen). On ne connaît pas exactement le lieu de cette fondation cultuelle de Deucalion, comme si son acte avait une signification panhellénique et valait pour toutes les nouvelles cités, Si l'on voulait absolument la localiser, on pourrait bien entendu penser à la Thessalie, où Deucalion régna, toujours selon Hellanikos, En revanche, on sait bien où Héraclès fonda le culte des Douze Dieux: c'était, en effet, à Olympie, dans un passé lointain, aux temps où Héraclès consacra (hidrusato) le sanctuaire de Zeus Olympios. Devenu pour les besoins de la cause fondateur, architecte et bâtisseur, il traça « en 12 Le Hieron du Bosphore constituait un point de repère important pour les géographes et les navigateurs, cf ARRIEN, Pero Pont-Eux" 37 Müller (GGM, I, p. 401); MARCIEN D'HÉRACLÉE, Epit, penpl. Menipp" 7 sq. Müller (GGM, I, p. 568 sq,), 13 ApOLL. RHOD" AIg., III, 1086-89 et Scholies. Les Douze Dieux et les autres dans l'espace cultuel grec 77 mesurant» (stathmato), le « bois divin », en l'honneur de son père Zeus, délimita par des palissades le terrain de l'A1tis et instaura les Jeux olympiques. Mais en ce qui concerne le culte des Douze Dieux, Héraclès n'agit pas exactement comme les autres figures héroïques que nous venons de voir. Il n'érige pas un autel, mais il « honore» (egeraren) les Douze divinités par « six autels jumeaux» (didumous), afin qu'elles puissent partager, deux par deux, le même autel 14 . Héraclès, un héros qui va devenir dieu, prend ainsi des initiatives, et se comporte avec les dieux beaucoup plus librement que Jason ou Deucalion. Si l'on en croit même le grammairien Hérodoros (autour de 400 av. J.-c.), il définit les six couples, en créant des dyades, c'est-à-dire, en a!,sociant sur un même autel deux divinités qui deviennent ainsi sumbomoi15 : Zeus Olympios et Poséidon, Héra et Athéna, Hermès et Apollon, Artémis et Alpheios, Kronos et Rhéa, et enfin Dionysos et les Charites qui ne constituent pas à proprement parler un couple, mais une alliance entre une divinité mâle et une pluralité féminine. Mais il va encore plus loin: selon le même Hérodoros, Héraclès dresse également les images (agalmata) de ces Douze Dieux, et les rend ainsi identifiables, comme pour signifier que les Douze Dieux d'Olympie, tout en constituant un ensemble soudé, avec sa propre dynamique, ne forment pas pour autant un amalgame de douze figures anonymes. Comme il a été dit, Héraclès n'avait pas voulu faire partie des Douze Dieux. Cependant, tout en restant en dehors du .groupe, il devient, au moins à Olympie, l'artisan, l'ordonnateur de cette totalité divine. À propos de Deucalion, j'ai fait allusion à l'aspect solidaire et harmonieux qui caractériserait le groupe des Douze Dieux. Cet aspect expliquerait, peutêtre en partie, leur présence dans un décret du Conseil et du démos de Mytilène (daté de 340-330 av. J.-c.). Ce décret comporte d'importantes, décisions prises afin que les citoyens : « puissent habiter la cité en démocratie pour toujours et être bienveillants les uns envers les autres ». Il s'agit surtout de la réparation due à des gens bannis et spoliés auparavant, de manière illégale et arbitraire; il s'agit donc de mesures visant au rétablissement de la paix civique après, semble-t-il, une période de graves troubles politiques. Si ces décisions s'avèrent avantageuses pour le peuple des Mytiléniens, on fait le vœu (euxasthai) de sacrifier et d'organiser une procession en l'honneur de certaines divinités l6 . Or ces divinités sont en premier lieu les Douze Dieux, suivis d'un Zeus portant trois épithètes cultuelles: Zeus Heraios, Zeus Roi (Basilës), Zeusdieu de la Concorde (Homonoios), ainsi que des abstractions personnifiées auxquelles on rend un cùlte, comme Homonoia, Dikè, ou encore une entité qui serait appelée « Accomplissement des bonnes choses» (Epiteleia ton 14 PIND., Scholies, 01., V, 4-7 (avec les Scholies, V, 10), et X, 25 (ektissato), 43-54 (avec les cf ApOLLOD., II, 7, 2. X, 58); FrG1Hist, 31 F 34 (a et b) ]acoby: oᅴ{ャセキ ッカ 16 SEG, XXXVI, 1986, n° 750. Cf A.]. HEISSERER, R. Concord, in ZPE, 63 (1986), p. 109-128. 15 HERODOROS, ÈTTolll0E. HODOT, The Mytilenean Decree on 78 S. GEORGOUDI agath6n), bien qu'on ne soit pas sûr qu'il s'agisse là d'une entité divine. Quoi qu'il en soit, on remarque que les Douze Dieux sont évoqués, et en première position, dans un contexte où il est question de concorde, de justice et de démocratie, d'une bonne entente entre les citoyens de la cité. Et ils y sont associés, encore une fois, à Zeus, membre par ailleurs éminent de cet ensemble divin; cependant, il ne s'agit pas de Zeus en général, mais de trois Zeus différenciés par ces trois épithètes qui le désignent : a) comme époux d'Héra, formant, en l'occurrence, avec la déesse un couple uni et harmonieux; b) comme détenteur du pouvoir royal, mais d'un pouvoir juste et impartial; c) en tant que garant de la concorde, comme l'indique l'épithète transparente Homonoios. On pourrait même supposer que les puissances qui suivent, à savoir Homonoia, Dikè et, sans doute, l'Accomplissement des agatha, ne se trouvent là que pour renforcer et amplifier l'action bénéfique des Douze Dieux, et de ces trois aspects de Zeus. Je me demande si ce ne sont pas les notions de bon accord, de coopération pacifique, de fidélité dans les engagements, voire de procédés démocratiques, qui expliqueraient, en partie bien entendu, le fait qu'on dresse, parfois, la stèle d'un traité dans le sanctuaire des Douze Dieux, comme on le voit à Hiérapytna de Crète 17 , ou encore le fait qu'on évoque les D6deka theoi dans une importante alliance conclue sous l'archonte Molôn, entre les Athéniens, les Arcadiens, les Achéens, les Éléens et les habitants de Phlionte 18 . À Hiérapytna, les Douze Dieux sont, par ailleurs, associés à deux reprises, à Apollon Dekataphoros et à Athéna PoNas, c'est-à-dire à deux divinités civiques majeures 19 , et cette liaison entre les Douze et des divinités importantes pour une cité, on la retrouve, par exemple, à Athènes, à Cos, à Mégare, à Thasos ou à Magnésie de Méandre. À Athènes, dans l'alliance que j'ai mentionnée, et où l'on promet, entre autres, une aide mutuelle, en cas de renversement du régime démocratique, le héraut public associe dans les vœux (1. 6-9), les Douze Dieux avec Zeus Olympios, Athéna Polias, Déméter et Korè, ainsi qu'avec les Déesses Vénérables, les Semnai theai, dont on sollicitait le caution devant l'Aréopage 20 • Dans un autre décret, daté de la même année (362-361 av. ].-C.) et portant sur l'envoi de clérouques athéniens à Potidée, on retrouve dans les vœux du héraut les Douze Dieux (et même en première position), suivis sans· 17 Traité entre Hierapytna et Lato, 111-110 av. ].-c. (SEG, XXVI, 1976-77, nO 1049, 1. 4546); traité entre Hiérapytna et Knossos, Ile S. av. ].-c. (JC, l, VIII, 13, 1. 23-25). 18 lG, II/III2, n° 112 (362-361 av. ].-0. 19 lC, III, Cf III, 9, 1. 1-3, et III, 10, 1. 1-3 (les deux inscriptions datent du Ile S. av. ].-c.). 1, c. Dél!l., 47; cf 64 : [lapTÛpO[laL Tàs aE[lvàs 8Eâs. Sur les Semnai à Athènes et leur rapport avec la justice, cf ].D. MIKALSON, Honor thy Gods. Popular Religion in Greek Tragedy, Univ. of North Carolina Press-London, 1991, surtout p. 214-217.. 20 DINARQUE, Les Douze Dieux et les autres dans l'espace cultuel grec 79 doute des Semnai (dont le nom a été restitué) et d'Héraclès, autre divinité importante de l'Attique 21 . À Cos, les Douze Dieux, qui y possèdent un sanctuaire 22 , se trouvent associés, dans le culte et le rituel, à de grandes divinités de la cité comme Zeus Polieus, mais aussi Zeus Machaneus, Athéna Polias, Apollon Dalios, dieu traditionnel, ou Apollon Karneios, sans oublier Asclépios et son entourage. Cette association se réalise parfois grâce à l'action coordonnée du prêtre des Douze Dieux, qui a le droit d'officier également pour le compte d'autres divinités - telles Zeus Machaneus 23 , Apollon Karneios, ou encore Artémis 24 - en accomplissant les sacrifices et en fournissant les hiera. Mais cette association devient encore plus étroite lorsque c'est la même personne qui a la charge d'une prêtrise commune, en l'occurrence celle qui réunit les Douze Dieux et le Zeus de la Cité, Zeus Polieus, et qui devrait représenter la plus haute des prêtrises civiques 25 . De ce point de vue, il est significatif que cette hierateia commune était au début réservée aux Hippiadai, qui constituent une pentekostus, une des subdivisions tribales, et dont l'ancienneté pourrait garantir l'enracinement du culte des Douze Dieux dans le passé lointain de la cité 26 . Grâce à ces charges accumulées et aux privilèges qu'il en avait sans doute retirés, le prêtre des Douze Dieux à Cos devait être un personnage en vue, comme cet Euaratos, qui fut (successivement ?) prêtre d'Apollon Dalios, de Zeus Polieus, d'Athéna et des Douze Dieux, et qui avait occupé, dans la cité, le poste important de monarchoi7 ; ou encore, fait plus exceptionnel, comme cette femme nommée Minnis, fille d'un éminent citoyen, que le damos de Cos avait honorée d'une statue, pour les services qu'elle avait rendus en tant 21 IC, II/III2, nO 114, 1. 6-8; cf M.N. Oxford, 1948, nO 146. TOD, A Selection of Creek Historical Insmptions, II, 22 Il est question d'un Dodekatheon : M. SEGRE, Iscrizioni di Cos (ouvrage présenté par G. PUGLIESE CARRATELLr), Roma, 1993, nO 45 B 1. 7-8 = SOKOLOWSKI, LSCC, nO 165 (calendrier du gymnase, Ile S. av. ].-C.). Cf A. MAIURI, Nuova Sillage Epigr. di Rodi e Cos, Florence, 1925, n° 432, 1. 19 : Ta l.Epav TWV ÂUW8EKU €kwv (me-Ile s. av. J-C.). LSCC, n° 151 BI. 16-17 (moitié du IVe S. av. J-C.). 24 SOKOLOWSKI, LSCC, nO 151 D 1. 18-20. 25 SOKOLOWSKI, LSCC, n° 156 A 1. 16-21 (première moitié du Ille S. av. J-C.). Cf R. HERZOG, Heilige Cesetze von Kas, Berlin, 1928 [= Abh. d. preuss. Akad. d. W'ïss., 1928, n° 61, n° 5 A. Pour S.M. SHERWIN-WHITE (Ancient Cos. An Historical Study from the Dorian Settlement ta the Imperial Period, Gottingen, 1978, p. 90 n. 45), la réorganisation de ces deux cultes sous la même prêtrise aurait eu lieu vers 300 av. J-C. 26 Cf SHERWIN-WHITE, op. cif. (n.25), p. 324. À Athènes aussi, les Douze Dieux seraient associés aux origines mêmes de la cité, ainsi qu'à ses assises juridiques (comme j'ai essayé de le montrer, al1. cif. [no Il, p. 72-74). 27 W.R. PATON, E.L. HICKS, The Inscriptions of Cos, Oxford, 1891, nO 125 (1 er s. av. J-c.); cf SHERWIN-WHITE, op. cif. (n. 25), p. 194 sq. (sur l'aspect aussi religieux de cette fonction, distincte toutefois de la prêtrise). 23 SOKOLOWSKI, 80 S. GEORGOUDI que prêtresse d'Asclépios Cet de son cercle), de Rhéa, des Douze Dieux, de Zeus Polieus, d'Athéna Polias, d'Auguste 28 . À Thasos, où l'épigraphie nous a fait connaître, pour la première fois, le nom de la fête des Douze Dieux, les Duodekatbeia, on constate que cette importante loi thasienne, publiée par François Salviat29 , place cette fête tout de suite après les Grandes Héracleia et les Choreia, à savoir les fêtes organisées en l'honneur de deux divinités majeures de l'île, Héraclès et Dionysos, qualifiés de « Gardiens de la cité ». On remarque de nouveau cette tendance au rapprochement entre le groupe des Douze et des puissances qui se trouvent au centre de la dévotion civique. Et ce n'est pas sans doute un hasard si leur fête se place à une époque de l'année où - comme le note Salviat - on « ne mentionne que les solennités les plus importantes» Cp. 239, note 6). Je voudrais, pour finir, aborder brièvement un autre point, qui m'oblige à revenir à Athènes. Dans un livre intéressant sur La perspective éleusinienne dans la politique de Solon 30 , Louise-Marie L'Homme-Wéry associe étroitement la Mère des dieux - honorée dans le Bouleutêrion-Mêtrôon de l'Agora athénienne - au culte des Douze Dieux et à leur autel, érigé par Pisistrate le Jeune, au NO de l'Agora. Selon l'auteur, cette Mère des dieux, une Terre-Mère anonyme, mais qui serait en fait une triade, à savoir Dèô, Rhéa et Déméter, est identifiée à la Mère libérée dont parle Solon dans ses poèmes, en la qualifiant de Mèter mégistè daimonon olumpion. Solon la désigne - écrit L,-M. L'Homme-Wéry - « comme une Rhéa, Mère des Olympiens, identique à la Déméter éleusinienne et à la Gè-Mèter ou Dèô-Mèter athénienne» Cp. 21-22). Ce serait aussi Solon qui aurait établi son culte sur l'Agora d'Athènes, tandis que les Pisistratides, se proclamant héritiers de Solon, auraient fondé le culte des fils de la Mère, à savoir le culte des « Douze Dieux Olympiens ». C'est pour cette raison, que l'autel des Douze serait appelé « nombril» d'Athènes, en référence justement « à la Terre-Mère qui y est honorée en ses fils » Cp. 275). Je ne peux pas entrer ici dans les détails de la longue argumentation développée dans cette étude. Car une discussion de fond poserait, pour moi, le problème compliqué de la réalité cultuelle de Gaia/Gè dans le monde grec, ou, plus précisément, de cette entité que certains modernes nomment - un peu trop facilement - Terre-Mère, ou Grande Déesse Mère, entité qu'on prétend trouver presque partout, et surtout aux « temps des origines ». Je ferai 28 MAIURI, op. cit. (n. 22), n° 460,1. 1-7. Cf LONG, op. cit. (n. 3), p. 218-219. À Hiérapolis de Phrygie, Glykonis, une autre prêtresse des Douze Dieux (tEpElas TaO Lîw8EKa8[É]ou), œuvre avec son mari - connu comme prêtre de Zeus Olympias - pour le sanctuaire dont elle a la charge (T. RITT!, Hierapolis di Frigia: santuari e dediche votive, in ANATHEMA [Atti de! Conv. Intern., Roma, 15-18 juin, 1989], Scienze dell'Antiquità, 3-4 (1989-1990], p.867. 29 Une nouvelle loi thasienne: institutions judiciaires et fêtes religieuses à la fin du IV! siècle av.j.-c., in BCH, 82 (1958), surtout p. 239-244. 30 Bibl. de la Fac. de Philos. et Lettres de l'Univ. de Liège, Fasc. 268 (1996). Les Douze Dieux et les autres dans l'espace cultuel grec 81 seulement deux remarques: 1) À l'exception d'un passage d'Élien (Hist. var., V, 12), les Douze Dieux ne sont pas qualifiés d'Olumpioi, dans les sources littéraires ou épigraphiques, qu'il s'agisse du culte de l'Agora d'Athènes ou d'autres ensembles des Douze, dans d'autres cités et endroits du monde grec. Et pourtant, on trouve souvent chez les modernes l'appellation « Douze Dieux Olympiens », et cela malgré la distinction qu'Herter avait déjà établie entre les Douze et les Olympiens, dans son article Olumpioi theoi de la Realencyklopadie. 2) Si l'on devait parler d'une association effective entre les Douze Dieux athéniens et d'autres divinités de l'Agora, on pourrait surtout la percevoir entre ce groupe et une grande divinité du voisinage, à savoir Zeus et plus précisément Zeus Eleutherios, dont la stoa se dresse à gauche de l'autel des Douze Dieux. Dans cet imposant Portique en marbre pentélique, on pouvait contempler une belle fresque exécutée par le peintre Euphranor, et qui représentait la bataille de Mantinée, Thésée avec la Démocratie et le Démos, ainsi que « ceux qu'on appelle les Douze Dieux» (Pausanias, l, 3, 3-4). Cette composition, réalisée sans doute après la bataille de Mantinée (362 av. J-c.), avait joui d'une grande renommée : on admirait la figure de Zeus, l'allure majestueuse de Poséidon, la chevelure d'Héra - ce qui montre, entre autres, que les Douze Dieux étaient parfaitement identifiables 31 . Liés donc à un héros national comme Thésée, mais aussi au Peuple athénien, artisan de cette Démocratie divinisée dont se vantait souvent la cité d'Athènes, les Douze Dieux sont de nouveau mis en relation avec Zeus, en l'occurrence avec un Zeus « Libérateur» (Eleutherios), qui semble être, en même temps, un Zeus « Sauveur» (Sôtër)32. Je me demande même si ce Zeus n'est pas pour quelque chose dans la relation qu'on voit établie ・ョセイ・ les Douze Dieux et Agathè Tychè, dans une dédicace faite par le triérarque Philippos, du dème de Colone 33 . En effet, cette divinité, qui commence à s'affirmer sur le plan cultuel athénien à partir surtout du IVe siècle av. J-c., est associée parfois à Zeus, ou encore à sa fille Athéna 34 . On peut s'adresser à elle pour le « salut (sôtërian) du Peuple des Athéniens »35, comme on s'adresse, par exemple, à Zeus Sôtër, ou à Athéna Sôteira. Et il est sans doute significatif que, pour Pindare, Tychè Sôteira est fille de Zeus Eleutherios (XIF Olympique, 1-2). La dédicace du triérarque Philippos est datée de 360 av. J-C. environ. Il faut noter, sur ce point, qu'on remarque, en effet, un nouvel intérêt pour les 31 Références dans LONG, op. cit. (n. 3), p. 66-68. Sur l'identification de ces deux Zeus, cf, à titre d'exemple, Schol. Aristoph. Ploutos, 1175. Voir sur ces cultes, R. PARKER, Athenian Religion. A History, Oxford, 1996, p. 238-241. 32 33 lC, H2, 4564, 1. 2 : TOlS 8Ûl8EKa 8EOlS Kat Tijl' Aya8Tjl TUXTll. 34 Cf S.V. TRACY, lC lJ2 1195 and Agathe Tyche in Attica, in Hesperia, 63 (1994), p. 241-244. 35 Cf M.B. W ALBANK, A Lex Sacra of the State and of the Deme of Kollytos, in Hesperia, 63 (1994), p. 233-239 (cf aussi TRACY, art. cif. ln. 34]). 82 S. GEORGOUDI Douze Dieux pendant le IVe siècle : on les rattache volontiers à un passé glorieux, on considère qu'ils peuvent œuvrer avec d'autres puissances divines pour sauvegarder la démocratie et l'indépendance de la cité. C'est d'ailleurs au IVe siècle que les Athéniens décident de doter l'autel des Douze Dieux sur l'Agora d'un nouvel enclos 36 . Cette association entre les Douze et des divinités protectrices et salvatrices, on la retrouve, par exemple, à Mégare. Car ce n'est sans doute pas par hasard qu'on choisit le sanctuaire d'Artémis SiDteira, pour y ériger les statues des Douze Dieux, en confiant l'exécution de l'œuvre à Praxitèle lui-même, selon les informateurs de Pausanias (I, 40, 3). Mais c'est surtout à Magnésie de Méandre que cette association prend plus de relief et acquiert des significations multiples. Dans cette cité de l'Asie Mineure, les Douze Dieux, qui possèdent sur l'Agora leur propre autel, sont étroitement liés non seulement à la divinité poliade, c'est-à-dire Artémis Leukophryénè, mais surtout à Zeus Sosipolis, le « Sauveur de la cité ». Un important décret du Conseil et du Peuple prescrit une grande fête annuelle en l'honneur de ce dieu 37 . Or, pendant ces cérémonies extraordinaires, on réserve une place de choix aux Douze Dieux. Le magistrat suprême, le stéphanéphore, est chargé de conduire la procession qui porte les xoana « de tous les Douze Dieux» (1HIVTWV TWV 8w8EKU 8EWV : 1. 42), vêtus des plus belles robes. Près de leur autel, on construit pour l'occasion une tholos, un édifice rond, on y prépare trois lits somptueux (stromnas), sans doute pour y installer les dieux, et on leur offre un banquet avec accompagnement musical organisation qui rappelle, bien entendu, la pratique des lectlstemia romains. Ainsi les Douze Dieux de Magnésie se joignent à la divinité poliade, Artémis, à Zeus Sosipolis, mais aussi à Apollon Pythios - qui accompagne sa sœur - pour assurer, comme le dit expressément le décret, non seulement le salut (sotërla) de la ville, du pays et de ses habitants, mais aussi pour garantir la paix, la richesse, les bonnes récoltes, et la multiplication des troupeaux (1. 26-31). Bref, leur présence est indispensable pour sauvegarder la prosperité et écarter les conflits, aussi bien à l'intérieur qu'à l'extérieur. À ce propos, il est d'ailleurs significatif qu'on prenne ces décisions après la conclusion du traité de la paix avec Milet, en 197-196 av. J.-c. Ce bref parcours ne donne certes qu'une image très partielle des connivences qui se créent entre les Douze Dieux et certaines figures héroïques ou divines, ainsi que des relations qui se développent entre ce groupe et d'autres divinités individuelles, dans un contexte cultuel donné. Sur ce dernier point, le prolongement de cette enquête m'a semblé corroborer, d'une certaine 36 Cf L.M. GABDERY, 17Je 'SanctllaJY of t/Je Twelve Gods in t/Je At/Jenian Agora: A Revised View, in Hesperia, 61 (1992), p. 447-489. 37 SOKOLOWSKI, LSA, nO 32. Les Douze Dieux et les autres dans l'espace cultuel grec 83 façon, les conclusions formulées dans la précédente étude 38 . À savoir que certaines de ces divinités individuelles sont en même temps présentées comme membres de cet ensemble, ce qui pourrait, à première vue, paraître étrange, voire anormal. En fait, ces divinités semblent être capables d'agir sur deux plans : en tant que membres des Douze Dieux, elles participent au renforcement de cette totalité divine, elles dynamisent son action globale, elles contribuent à donner de cet ensemble une image cohérente, harmonieuse, consonante. Mais elles peuvent aussi, dans certains contextes cultuels, sortir de ce groupe et affirmer une présence plus personnalisée, tout en restant en association étroite avec leurs pairs. Dans ce cas de figure, ces divinités portent d'habitude une épithète, une épiclèse, qui les qualifie en propre, qui circonscrit leur mode d'intervention spécifique, qui définit la fonction dont elles sont, en l'occurrence, investies dans le cadre d'une communauté. Qu'elles soient au dedans ou au dehors des Douze Dieux, ces puissances divines coordonnent leur action, pour qu'elle se développe, tant collectivement qu'individuellement, d'une façon efficace et profitable au monde humain. Stella GEORGOUDI École Pratique des Hautes Études Section des Sciences Religieuses 45-47, rue des Écoles (Sorbonne) F - 75005 PARIS 38 Cf GEORGOUDI, al1. cif. (n. 1), p. 78.