Time present and time past
Are both perhaps present in time future
And time future contained in time past.
C’est ainsi que nous avançons,
barques luttant contre un courant
qui nous rejette sans cesse vers le passé1.
e passé. Loin, encore plus loin. Archaïque. Et atavique : jamais vraiment révolu,
et donc revenant2, il investit comme une vague notre modernité en quête de
repères3, en accompagnant ses sauts en avant.
Les « retours » continus des formes esthétiques tout au long de l’histoire peuvent
se décliner dans les termes de nouveauté, radicale et inédite, de forme et de support. Depuis quelques années, le design, surtout celui de recherche, qui souvent
est acquis par les temples de l’art4, semble être séduit par le charme du passé lointain, et pour ce faire explore – à côté des thématiques du futur le plus extrême, de
la technologie et de la science – les racines plus anciennes de notre culture. Voici
le « manifesto » d’une exposition intrinsèquement interdisciplinaire, qui éclaire
l’esthétique de la nuit des temps à la lueur d’une nouvelle aube symbolique émergente, où le plastique embrasse la pierre, où l’organique épouse l’acier et la technologie confesse ses racines plus lointaines. Paraphrasant Paul Valéry, l’avenir est à
nouveau ce qu’il était, ou à peu près5.
Pour rendre compte des changements sociétaux à partir de la présence recombinée des vestiges des civilités antérieures, une soixantaine d’objets astucieusePHQWVXUSUHQDQWVHWSURIRQGÄPHQWFRQFHSWXHOVFRQMXJXDQWHVWKÄWLTXHUDöQÄH
et fonctionnalité plausible transitent dans un ancien complexe industriel belge
de charbonnages pour témoigner d’un retour aux fondamentaux, en éclairant,
de façon transversale, des inclinaisons émergentes dans nos sociétés. D’ailleurs,
comme d’autres domaines artistiques, le design agit comme un détecteur des
mouvements sociétaux plus subtils, mais avec toutefois une particularité : par son
LQûXHQFHVXUODSURGXFWLRQGHPDVVHLOSHXWLQYHVWLUXQSXEOLFWUÃVODUJH
« Futur archaïque » présente donc la connexion existant entre le proche futur et le
passé lointain, archaïque, dans le sens de retour aux principes fondamentaux, en
L
FUTUR ARCHAÏQUE
tant que commencement/commandement – DUNKǕ, en grec ancien, est le début,
« le plus avant », mais aussi celui qui commande, comme le principium et le princeps latin, donc : toute chose est dirigée par son origine6 –, ici illustré d’un point
de vue plastique et visuel par l’utilisation de matériaux naturels et de techniques
ancestrales. Si notre civilité se caractérise par des expériences constantes et cycliques, nous permettant de revoir notre façon d’être au monde, comment rendre
compte de notre travail d’introjection et de symbolisation du passé ? Le CID qui
fut le Grand-Hornu propose une réponse possible se condensant dans l’oxymore
qui sert de titre à l’exposition : le « futur archaïque » présagé dans le Hainaut – et
qu’on retrouvera à partir d’octobre 2015 au MUDAC de Lausanne – est un montage temporel incarné dans les expérimentations7 d’une trentaine d’artistes et de
designers conviés (il est quasiment impossible de dire qui est plus plasticien et qui
est plus créateur, et d’ailleurs la question n’a aucune importance). On y redécouvre la chaise longue Fossil du cinglant collectif néerlandais Atelier Van Lieshout8,
qui expose aussi la lampe Pappa Mamma, laquelle renvoie carrément à la genèse
de l’être humain; Armour and Shield, cuir d’agneau bouilli et porcelaine, du Studio
Hlutagerðin, ainsi que les explorations interdisciplinaires de Laura Lynn Jansen, qui
étudie les processus de formation naturelle de stalactites et de stalagmites pour
dessiner et travailler la pierre. L’urgence de se reconnecter à nos racines ainsi que
l’absence de sophistication, revendiquées comme profession de foi, sont la base
conceptuelle des étagères brutes de Peter Marigold, rappelant l’architecture oblique de Claude Parent, tandis qu’on ne peut s’empêcher de penser autant à Maarten
Baas qu’à Louise Bourgeois devant les meubles arachnoïdes de Charles Trevelyan,
et que le crâne de baleine islandaise de Miloš Ristin aurait bien dialogué avec
n’importe quelle création de Sruli Recht. Mais l’image-symbole de l’exposition est
sans doute le service de table Autarchy de Studio Formafantasma9 : composé de
farine, de déchets agricoles, de calcaire et de colorants naturels (légumes, racines
et épices), il n’est jamais achevé, car il s’améliore, comme une bonne recette, avec
le temps et la pratique. Ou encore : l’expérience olfactive de la machine-installation
The Peddler, actionnée à la main, qui mêle bois, cuir, métal, fragrances et impression
3D en céramique (avec la complicité du nez Barnabé Fillion. Elle a été conçue par
le Studio Unfold, renommé pour son « artisanat digital » et pionnier dans l’impression 3D de la céramique liée à un système Open Source). Impressions 3D aussi pour
la BC-AD White Series d’Ami Drach & Dov Ganchrow; mais ici, l’archaïsme est dans
les pierres taillées, bien que trempées dans du latex jaune ou plaquées argent.
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Ami Drach & Dov Ganchrow, BC-AD White series. 2012. Pierres taillées ajustées dans des pièces en impression 3D. © Moti Fishbain.
LA TENTATION
DE L’ORIGINE
Atelier Van Lieshout, Fossil chaise longue, 2009. Nylon, résine, peinture. © Atelier Van Lieshout.
La sensation est en quelque sorte celle de l’enfance de l’humanité imprégnée de
poésie et de la fantaisie de Giambattista Vico, et l’instrument électroacoustique qui
produit le Chant des Quartz, de Laura Couto Rosado, l’exprime avec toute sa portée
romantique. Il s’agit donc d’un changement de point de vue : l’électronique est
abordée comme une matière à design et à expression, au même titre que le bois
et la céramique, et non plus seulement comme une science appliquée. L’artiste
WUDYDLOOH»ÄODUJLUODSDOHWWHVRQRUHGHVFULVWDX[DùQGHSURSRVHUSURFKDLQHPHQWXQ
véritable orchestre minéral.
Qu’il s’agisse de rhabiller des théières en céramique avec du cuir et de la peau
d’agneau ou d’utiliser des morceaux de bois, des branches, du charbon, de la lave
HWPÅPHGHVYHVVLHVDQLPDOHV»GLYHUVHVùQVLOVHPEOHÄYLGHQWTXoXQPRQGHSURMHté vers des entreprises futuristes de dématérialisation et rematérialisation exprime
ÄJDOHPHQWXQEHVRLQGLõXVGHUHWRXUDX[RULJLQHVHWGHSUÄVHUYDWLRQGHOoHVSÃFH
FRPPHOHFRQùUPHOHWURXEODQWDYHUWLVVHPHQWGHOoXQLYHUVSODVWLTXHGH%HUOLQGH
De Brouckere10. Mais attention : loin de tout passéisme, l’exposition d’Yves Mirande
met en scène des projets d’où surgissent nos racines dans une perspective éminemment dynamique11HQK\EULGDQWVFLHQFHùFWLRQHWPDWÄULDX[V\PEROHVGH
mondes ancestraux12, en conjuguant technologie et nature et en démontrant comment un objet « artisanal » peut être autant une œuvre d’art, un produit industriel
qu’un dispositif technologique de dernière génération. À titre de terrain empirique
englobant les divers champs disciplinaires, l’exposition revendique également le
caractère poreux de nos interfaces personnes-machines et des dialogues entre
l’organique et le technologique, révélant ainsi les relations complexes qui se jouent
de nos jours entre actualité et résurgences ou survivances et donnant un sens aux
multiples formes de tissage des temporalités13. Bref, une « histoire de fantômes
pour grandes personnes14 » (comme dit Aby Warburg15), et plus encore.
Dans une optique ontologique de connaissance du monde social contemporain,
l’analyse du retour à l’archaïque prend corps comme une forme paradigmatique
à explorer. D’ailleurs, le primitivisme semble un trait caractéristique de la contemporanéité. Il s’incarne, par exemple, dans certains rituels et dans le vêtement, tanGLVTXHOHVEDUEHVVHIRQWGHSOXVHQSOXVORQJXHVHWWRXõXHVTXHOHVWDWRXDJHV
conquièrent tout le corps16 et que les citadins quittent la ville pour la campagne
DùQGHSURPRXYRLUOHVYDOHXUVDUFDGLTXHVDVVRFLÄHV»ODWHUUHWHOOHVTXHOoDXWKHQWLcité, le bien-être et le romantisme d’une possible renaissance. Mais ce ne sont pas
les néo-ruraux ou les croisades contre les champs d’OGM qui font la une des méGLDVPDLVSOXWÏWOHVVDFULùFHVKXPDLQVTXLVHPEOHQWDXVVLGDQVWRXWHOHXUFUXDXWÄ
92
s’inspirer des traditions barbares les plus abjectes. Ils sont documentés de manière
K\SHUWHFKQRORJLTXHHWVRXPLV»GLõXVLRQPXOWLPÄGLD17.
Si on fait un pas en arrière, pour Sigmund Freud, la vie psychique tout entière
se fonde sur la quête des origines : l’archaïque désigne à la fois le plus ancien, le
préhistorique et le principe moteur. Mais cet archaïque n’est découvert qu’à partir d’une reconstruction reposant sur quelques indices, comme dans le travail de
l’archéologue. Et c’est justement à l’archéologie que Freud emprunte la métaphore
GHODVWUDWLùFDWLRQ6RQÄOÃYHGLVVLGHQW*XVWDY-XQJFRQFHYUDODSHUPDQHQFHGH
ces origines dans l’inconscient collectif comme une couche profonde où résident
OHVFUR\DQFHVDQFHVWUDOHVOHVDUFKÄW\SHV&HTXLHVWûDJUDQWFoHVWTXHOoDUFKDÊTXHSHXWÅWUHTXDOLùÄGHdépassé pour autant qu’on ajoute qu’il est toujours présent18. Si la notion en question évoque d’emblée un temps premier, ou originaire, la
contemporanéité est généralement pensée comme le judas du futur. Cependant,
contrairement à l’archaïsme, qui véhicule l’idée d’une forme fossilisée du passé,
c’est-à-dire une forme morte, l’« archaïque » doit être compris comme une dimenVLRQDFWLYHTXLÄFKDSSH»ODVLPSOHOLQÄDULWÄWHPSRUHOOHFHTXLVLJQLùHTXoLOSHXW
resurgir à tout moment19/oRULJLQHHVWXQWRXUELOORQGDQVOHûHXYHGXGHYHQLU20 »,
disait Benjamin, qui cherchait des « survivances » dans le drame baroque, comme
Aby Warburg les cherchait dans la peinture de la Renaissance. Certains aspects
des pratiques artistiques contemporaines révèlent la présence de cet archaïque
transhistorique. On peut le reconnaître dans la tendance de l’art des années 60-70
à réduire le langage plastique à ses constituants élémentaires, ou dans la récurrenFHGHùJXUHVDUFKÄW\SDOHVsFDUUÄVFHUFOHVODE\ULQWKHHWFsRXGDQVODSULPDXWÄ
fréquemment accordée aux matériaux bruts ou naturels, ou encore dans le recours
à des gestes techniques rudimentaires. De même, les pratiques sur le corps ou son
image mettant en jeu les pulsions qui le traversent renvoient également, sur un
PRGHGLõÄUHQW»FHWWHQRWLRQ
Aujourd’hui, à l’heure d’une transition technoculturelle décidée, nous pouvons rePDUTXHUTXHOHVFUÄDWHXUVVoLQWÄUHVVHQWVSRQWDQÄPHQW»ODGÄùQLWLRQGHQRXYHDX[
processus de fabrication, outils et méthodes qui réintègrent l’humain, l’artisanal, le
naturel, sans fuir pour autant les technologies existantes. Si l’installation vidéo présente au CID, suite à l’action poétique/politique et un brin situationniste concernant des pigeons voyageurs 2.0 employés pour protéger notre vie privée (Marco
Ugolini, I Have Something To Hide ) fait sourire et cogiter, un iPad au milieu de l’exposition ne doit pas étonner, car il est un exemple iconique d’un pont entre deux
temporalités21 : puisque les Sumériens, la première civilisation avec les Égyptiens à
Milos Ristin, Hrefna, 2013. Os, résine et laque. Pièce issue du projet The Iceland Whale Bone - ECAL © ECAL/Nicolas Genta.
93
Unfold (Dries Verbruggen, Claire Warnier : designers) et Barnabé Fillion, The Peddler, 2013.
Installation mêlant bois, cuir, métal et impression 3D en céramique pour une expérience olfactife.
avoir utilisé l’écriture, aux alentours de 3500-3300 av. J.-C., traçaient leurs lettres
sur des tablettes de cire avec un stylet, on reconnaît facilement l’archaïsme de nos
supports hi-tech aux stylets et aux écrans tactiles.
De même, les pratiques artistiques plus récentes attestent d’un intérêt grandissant
pour l’ethnographie. Une multiplicité d’expositions a récemment posé des questions complexes qui touchent au rapport, souvent controversé, entre art contemporain et musée ethnographique. Ces musées dont souvent les trésors sont le butin
de conquêtes coloniales, trouvent dans l’intégration de plasticiens au sein de leur
collection une possibilité de renouvellement. À ce titre, l’œuvre de rajeunissement
menée par Clémentine Deliss au Weltkulturen Museum de Francfort vaut le détour.
Tout héritage pouvant constamment s’actualiser, l’exposition en soi se prête à la
remise en cause d’anciens récits et à la création de nouveaux. En s’inspirant du
UDLVRQQHPHQWGH-DPHV&OLõRUG22, l’exposition peut elle-même se produire en une
QRXYHOOH]RQHGHFRQWDFWFoHVW»GLUHXQHVSDFHTXLGÄùHOoRUGUHLQVWLWXÄGDQVXQH
perspective ethnocentrique, en privilégiant la façon dont les sujets se constituent
dans leurs relations mutuelles, même si ces dernières restent hautement asymétriques (Mary Louise Pratt23).
Enfin, un autre éclairage particulier est apporté à la question de la déclinaison
de l’archaïque en clés contemporaines par la tendance récente à concevoir des
musées aux structures avant-gardistes, enfouis sous terre, symbole ancestral de
tout commencement et épilogue : imaginé par Renzo Piano, le récent MUSE, le
Musée des Sciences de Trento (2013) dans les Dolomites, s’élève telle une métaphorique suspension entre l’espace et le temps, avec deux étages sous terre et
FLQTHQSOHLQDLUVHUHûÄWDQWVXUXQHÄWHQGXHGoHDX'HOoDXWUHFÏWÄGHODSODQÃWH
le Musée Chichu, à Naoshima (2004), signé Tadao Ando, a trouvé demeure au sein
d’une colline : véritable architecture du silence, il se caractérise par les matières
brutes non peintes, la sélection minuscule, cohérente et grandiose d’œuvres d’art
et, surtout, la fusion symbiotique avec la nature. Il est conçu, paraît-il, pour durer au
moins 1000 ans.
Rosanna Gangemi
Basée à Bruxelles, Rosanna Gangemi est sociologue des médias et des arts, jour
naliste, fondatrice de DROME magazine, essayiste, traductrice, auteure d’évène
ments culturels inclassables. Depuis 2014, elle collabore régulièrement à ETC MEDIA.
1 Extraits de T.S. Eliot, Burnt Norton, dans The Four Quartets, Harcourt, Brace & Co., 1943,
New York; F.S. Fitzgerald, *DWVE\OHPDJQL¿TXH, traduction de V. Llona, S. Kra, Paris,
1926.
2 « Il semble plutôt que Warburg et Freud […] relèvent les manifestations d’un “malaise dans
la civilisation”, un dur effort d’adaptation aux nécessités imposées par le progrès scien
WL¿TXH HW SDU OHV FRQGLWLRQV pFRQRPLTXHV O¶DFFRPSOLVVHPHQW G¶XQ WUDYDLO TXL UpSULPH
le sens spontané et naturel de la vie ou qui débouche sur l’expression de la génialité
dans les œuvres artistiques. » Dans S. Ferretti, Pathosformel et mythe du progrès dans
l’œuvre de Warburg, « Images Revues », hors série no 4, 2013 (voir http://imagesre
vues.revues.org/2834).
3 « La “modernité”, c’est l’expérience de vivre au milieu d’un monde chaque fois plus étran
ger, où […] le vieux meurt et le nouveau tarde à naître, et où, surtout, les individus sont
traversés par le sentiment d’être placés dans un univers en constant changement »,
dans D. Martuccelli, « La sociologie au temps de l’individu », dans ¿ Interrogations ?,
no 5, décembre 2007.
4 C’est le cas, par exemple, de Botanica (2011), de Studio Formafantasma, basé sur l’extrac
tion de polymères naturels à partir de plantes et d’animaux. Présenté dans un esprit de
laboratoire, en s’inscrivant dans la tendance à redécouvrir des matériaux en prévision
d’une ère sans pétrole, le duo a expressément évité de tenir compte des plastiques exis
tants, préférant mener une enquête historique pour retrouver des polymères naturels
EDVpHVXUOHVUHFKHUFKHVGHVVFLHQWL¿TXHVGXe et 19e siècle. Cinq des dix pièces de
cette vaisselle font partie de la collection du MoMA.
5 Dans son essai inclus dans le catalogue de l’exposition « Futur Archaique » (CID – Centre
d’innovation et de design au GrandHornu, Hornu, 2015), Yves Mirande, commissaire
de l’exposition, cite la contribution de M. Maffesoli à Les Ruptures fertiles (Y. Mirande,
N. Henchoz, PPUR, Lausanne, 2014) : « Il y a un retard de l’intelligentsia. […] Ils ne se
rendent pas compte qu’il y a un autre rapport à la terre, au monde, aux autres qui est
en gestation ».
6 Voir D. Clévenot, « La présence de l’archaïque », dans Figures de l’art, vol. 19, PUPPA,
Pau, 2011.
7 « Aujourd’hui encore, les objets avec lesquels nous avons essayé de “potentialiser” la
nature, voire de la plier à nos objectifs et à nos exigences, nous semblent gauches,
rigides, limités. Nous ne savons plus où mettre leurs carcasses, elles encombrent nos
PDLVRQV HW QRV YLOOHV FRPPH GDQV OHV URPDQV GH VFLHQFH¿FWLRQ OHV SOXV QRLUV 8QH
VWUDWpJLHGpIHQVLYHSRVVLEOHFRQVLVWHjOHV³FDPRXÀHU´RXTXDQGF¶HVWSRVVLEOHjOHV
UHF\FOHUO¶DXWUHSOXVLQWpUHVVDQWHUpVLGHGDQVXQHPRGL¿FDWLRQSURIRQGHGHQRVIDoRQV
de concevoir les artefacts. » Dans S. Morini, Biomimétisme: design inspiré par la nature
dans 9LVLEOH,PDJHVHWGLVSRVLWLIVGHYLVXDOLVDWLRQVFLHQWL¿TXHPULIM, Limoges, 2010.
96
8 À ce propos, il faut rappeler que parmi les œuvresbâtiments plus récentes d’AVL, il y a un
labyrinthe tribal, The Farm (2011), et une ferme dont l’obliquité est déjà dans le nom,
Hagioscoop (2012) : constructions utopiques pour la réinvention de la ville, rétablissant
rituels et méthodes de production primordiales.
9 « Le design est pour nous comme le pain que nous avons choisi pour cette couverture :
[…] la traduction formelle inattendue d’une pensée qui se cachait en nous presque à
notre insu. » D’après Quand le regard rétrospectif aiguise le regard prospectif, de Studio
Formafantasma, catalogue de « Futur Archaique », ibid.
10 « Les chevaux sont aussi vrais que nature mais résultent de l’assemblage de moulages
en polyester. Seules les peaux et les crinières sont véritables. […] Avec leurs jambes
IUDFWXUpHVHWOHXUFRUSVWRUGXFHVFKHYDX[DSSDUDLVVHQWWUqVpORLJQpVGHV¿qUHVVWD
tues équestres de l’Antiquité et de la Renaissance […] Les transformations cycliques,
répétées, ramènent toujours au point de départ. L’existence est un cercle vicieux, un
travail de Sisyphe toujours recommencé, dont l’objectif premier est la perpétuation de
l’espèce. » L. Van den Abeele, dans Septentrion, vol 34, 2005 (voir www.dbnl.org/tekst/_
sep001200501_01/_sep001200501_01_0084.php).
©/DSRVWPRGHUQLWpGp¿QLWHQHIIHWXQUDSSRUWDXWHPSVWRWDOHPHQWGLIIpUHQWGHFHOXLGHOD
modernité. Celleci ne concevait qu’une diachronie […]. Cellelà au contraire, comme
O¶DQJHGH.OHHDOHFRUSVDYDQoDQWYHUVOHIXWXUHWODWrWHHWOHV\HX[WRXUQpVYHUVOH
passé. » Extrait de M. Maffesoli, /HIXWXUDUFKDwTXHR[\PRUHGHODSRVWPRGHUQLWp, cata
logue de « Futur Archaïque », ibid.
12 Un roman précurseur et dystopique a été Ravage, de René Barjavel (Éd. Denoël, Paris,
1ere éd. 1943), fondé sur cette dimension prospective de retour à l’élémentaire. Une
cité du futur se voit anéantie par un gigantesque incendie : une poignée d’hommes et
de femmes y survit, mais au prix d’un retour à la loi de l’instinct dans toute sa terrible
beauté.
13 « Le présent n’est plus obnubilé par les lendemains qui chantent, pas non plus uniquement
par le culte du passé, on dirait plutôt que selon un mouvement de spirale, le temps passe
et repasse par les chemins du passé pour avancer dans un présent qui est en même
temps le futur. Un présent vivant, un présent commun. » D’après le texte de Michel
Maffesoli dans le catalogue de « Futur Archaïque », ibid.
14 Citation d’Aby Warburg dans G. DidiHuberman, « Remontée, remontage (du temps) »,
L’étincelle, novembre 2007, Ircam, Paris (voir http://etincelle.ircam.fr/730.html).
15 « On se tromperait donc lourdement à chercher dans l’anthropologie warburgienne une
description des “origines” comprises comme “sources” pures de leurs destins ultérieurs.
Les “mots originaires” n’existent que survivants : c’estàdire impurs, masqués, conta
minés, transformés, voire antithétiquement renversés », dans G. DidiHuberman, « Aby
Warburg et l’archive des intensités », dans eWXGHVSKRWRJUDSKLTXHV, vol 10, novembre
2001 (voir http://etudesphotographiques.revues.org/268).
16 « Pendant de nombreuses années, l’Europe a exporté dans le monde ses codes architec
toniques, en tant que signes visibles de l’évolution démocratique; souvent en les impo
sant par les armes. Maintenant, le cycle est en train de s’inverser et c’est l’Occident qui
VHPRGHUQLVHjWUDYHUVO¶LQÀXHQFHGHSKLORVRSKLHVFXOWXUHVPRGqOHVFLYLOVHWXUEDLQVGH
sociétés qui ne se reconnaissent pas dans la valeur centrale de l’architecture, mais plu
tôt dans d’autres univers symboliques : civilités objectuelles, cérémonielles, spirituelles,
mystiques, également disposées à l’usage des armes... […] Nous vivons donc dans
l’ombre d’un grand projet raté; le projet d’une mondialisation qui ordonne et homologue;
ressurgit ainsi la vision du philosophe Baruch Spinoza d’une humanité qui ne s’agrège
pas dans les formes de l’État, mais s’étend en une “multitude” extra territoriale, suivant la
GLPHQVLRQG¶XQ,Q¿QLFRQÀLFWXHOTXLpODERUHYLVLRQVH[SDQVLYHVGXPRQGHGHVKXPDLQV
en guerre pérenne… […] Les tatouages, les piercings, ne sont que des traces évidentes
de cette “condition primitive” qui ressurgit […] Extrait d’A. Branzi, La métropole primitive,
catalogue de « Futur Archaïque », traduction de R. Gangemi pour le catalogue, ibid.
17 « […] l’archaïque peut être résurgent, ramener à des comportements ou à des thèmes
TXHO¶RQFUR\DLWGp¿QLWLYHPHQWGLVSDUXV/HVDFUL¿FHKXPDLQ RQVRQJHj*HRUJHV%D
taille), la torture […], un certain “chamanisme” moderne […], autant de résurgences qui
manifestent des retours à une sorte de primitivisme que les contemporains de Pierre
/DURXVVHHWGH/LWWUpSHQVDLHQWGp¿QLWLYHPHQWUpYROXGDQVOHVQDWLRQVGLWHVFLYLOLVpHVª
dans Y. Vadé, « Retour du primitif, permanence de l’archaïque », dans Modernités, vol 7,
PUB, Bordeaux, 1996.
18 Voir Y. Vadé, op. cit.
19 Voir D. Clévenot, op. cit.
20 « L’origine ne désigne pas le devenir de ce qui est né, mais bien ce qui est en train de
naître dans le devenir et le déclin. […] Elle demande à être reconnue d’une part comme
une restauration, une restitution, d’autre part comme quelque chose qui est par là même
inachevé, toujours ouvert », dans Walter Benjamin, « Préface épistémocritique », dans
2ULJLQHGXGUDPHEDURTXHDOOHPDQG, Flammarion, Paris, 1985, trad. S. Muller et A. Hirt.
© &HWWH LGpH G¶DQLPDOLWp GH QDWXUH HQWUDvQH GqV ORUV XQH IDoRQ GH UHSHQVHU OH FRUSV
longtemps oublié à cause de la coupure épistémologique moderne qui mettait sur un
piédestal l’esprit au détriment du corps considéré comme sale […]. Pourtant, l’outre en
vessie de porc des Formafantasma permet d’engager à nouveau le corps par le seul fait
de verser de l’eau ou du vin en tenant l’outre entre ses bras. […] Même l’utilisation de
l’iPad repose sur le geste humain par le seul fait de faire glisser ses doigts d’un mouve
ment léger sur la tablette », d’après Y. Mirande, « Par nature », catalogue de l’exposition
« Futur Archaïque ».
22 J. Clifford insiste sur la notion de zone de contact dans la deuxième partie de Routes.
Travel and Translation in the Late Twentieth Century, Harvard University Press, Cam
bridge (Mass.), 1999.
23 M. L. Pratt, Imperial Eyes: Travel Writing and Transculturation, London and New York,
Routledge, 1992; M. L. Pratt, « Arts of the Contact Zone », dans Profession 1991, New
York, MLA, 1991.