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Résultats et limites de l’étude de l’USDA-ERS 1 Economic and Food Security Impacts of Agricultural Input Reduction Under the European Union Green Deal’s Farm to Fork and Biodiversity Strategies Guy Richard, Chantal Le Mouël, Jean-Christophe Bureau, Hervé Guyomard, Alban Thomas To cite this version: Guy Richard, Chantal Le Mouël, Jean-Christophe Bureau, Hervé Guyomard, Alban Thomas. Résultats et limites de l’étude de l’USDA-ERS 1 Economic and Food Security Impacts of Agricultural Input Reduction Under the European Union Green Deal’s Farm to Fork and Biodiversity Strategies. 2020. ฀hal-03108541฀ HAL Id: hal-03108541 https://hal.inrae.fr/hal-03108541 Submitted on 14 Jan 2021 HAL is a multi-disciplinary open access archive for the deposit and dissemination of scientific research documents, whether they are published or not. The documents may come from teaching and research institutions in France or abroad, or from public or private research centers. L’archive ouverte pluridisciplinaire HAL, est destinée au dépôt et à la diffusion de documents scientifiques de niveau recherche, publiés ou non, émanant des établissements d’enseignement et de recherche français ou étrangers, des laboratoires publics ou privés. Distributed under a Creative Commons Attribution - NonCommercial - NoDerivatives 4.0 International License Résultats et limites de l’étude de l’USDA-ERS 1 Economic and Food Security Impacts of Agricultural Input Reduction Under the European Union Green Deal’s Farm to Fork and Biodiversity Strategies Guy RICHARD (INRAE), Chantal Le Mouël (INRAE), Alban THOMAS (INRAE), Jean-Christophe BUREAU (APT) et Hervé GUYOMARD (INRAE) 3 Décembre 2020 Une étude du service économique du ministère américain en charge de l’agriculture (USDA-ERS) 2 a simulé les conséquences des stratégies européennes Farm to Fork 3 et Biodiversité 4 pour l’agriculture et l’économie européennes et pour la sécurité alimentaire mondiale. Les résultats de l’étude, globalement négatifs, ont cependant une portée limitée du fait de la seule prise en compte des modifications des conditions de la production agricole et de leurs conséquences marchandes. Cet article vise à expliciter les limites de cette étude de manière à éviter des interprétations abusives sur les conséquences de l’ensemble du pacte vert européen 56. L’étude USDA-ERS se base sur le modèle américain GTAP-AEZ, un modèle d’équilibre général de l’économie mondiale, centré sur les secteurs et les marchés agricoles et agro-alimentaires, développé par l’université de Purdue 7. Traduisant les stratégies européennes Farm to Fork et Biodiversité sous forme d’une réduction à la fois des intrants de synthèse utilisés en agriculture et des superficies cultivées, réduction appliquée à l’Europe seule ou également au-delà de ses frontières, l’étude évalue l’impact de ces changements sur les volumes produits de chaque culture dans les grandes régions du monde et les prix mondiaux de tous les produits agricoles. Dans un second temps, elle en analyse les conséquences en terme de sécurité alimentaire globale. L’étude USDA-ERS montre que les stratégies européennes Farm to Fork et Biodiversité, même uniquement appliquées à l’Union européenne, conduisent à une diminution de l’offre de produits agricoles, à une augmentation de leurs prix et globalement à une certaine diminution de la sécurité alimentaire mondiale et du bien-être. Un tel résultat apparaît contraire aux objectifs de l’Union européenne, mais il est cohérent avec (1) la prise en compte très partielle de l’ensemble des propositions d’actions inscrites dans les stratégies européennes Farm to Fork et Biodiversité, (2) le caractère rigide des systèmes simulés, limites que nous explicitons ciaprès. Il faut tout d’abord noter que deux des trois scénarios proposés considèrent que les stratégies européennes s’imposent également aux partenaires commerciaux de l’Union européenne ou à tous les pays, quel que soit le niveau de développement de leur agriculture. Imposer une réduction des intrants de synthèse et des surfaces cultivées en Afrique notamment apparaît à contre-courant de ce qui est envisagé pour développer l’agriculture de ce continent. L’ensemble des mesures associées aux stratégies européennes Farm to Fork et Biodiversité n’est pas pris en compte dans l’étude de l’USDA-ERS. Il ne faut donc pas présenter cette étude comme une évaluation 1 United State Department of Agriculture – Economic Research Service https://www.ers.usda.gov/publications/pub-details/?pubid=99740 3 https://ec.europa.eu/food/farm2fork_en 4 https://ec.europa.eu/info/strategy/priorities-2019-2024/european-green-deal/actions-being-taken-eu/eubiodiversity-strategy-2030_fr 5 Lettre économique de la revue des Chambres d’agriculture https://chambresagriculture.fr/fileadmin/user_upload/National/FAL_commun/publications/National/Lettre_Eco_Novembre_409_A PCA_2020.pdf 6 Site Farm Europe https://www.farm-europe.eu/fr/blog/strategies-de-la-ferme-a-la-fourchette-et-biodiversite-lacommission-doit-faire-de-la-lumiere-sur-limpact-reel/ 7 Global Trade Analysis Project - AgroEcological Zone https://www.gtap.agecon.purdue.edu/about/center.aspx#mission 2 de l’impact de ces stratégies. Seuls les objectifs de réduction des surfaces cultivées et des intrants de synthèse utilisés en agriculture sont considérés. Or les stratégies européennes comportent également un volet d’objectifs du côté de la demande alimentaire et des pertes et gaspillages, dans le cadre d’une approche cohérente du système alimentaire dans le contexte plus global du pacte vert européen 8. Plus particulièrement, il n’est pas tenu compte de l’évolution des régimes alimentaires (i.e. la diminution du contenu énergétique et en produits d’origine animale des régimes occidentaux actuels) et de la diminution des gaspillages des produits alimentaires. Ces hypothèses vont à l’encontre des études actuelles sur les questions de sécurité et de durabilité alimentaire qui considèrent l’offre et la demande en produits agricoles, dans une approche du système alimentaire global. Ces études montrent que sans modifier la demande en produits alimentaires, les diminutions de l’offre liées à une désintensification agricole sont difficilement envisageables (voir les travaux d’INRAE 9, de l’Iddri 10 ou de la commission EATLancet 11). La modification de l’offre agricole est induite par (i) la réduction de l’utilisation des intrants de synthèse (engrais azotés (-20%), pesticides (-50%) et antibiotiques (-50%)), (ii) la réduction de 10% des surfaces cultivées. Les simulations sont effectuées à technologie agricole constante, ce qui signifie qu’il n’est pas tenu compte d’une possible adaptation des pratiques agricoles, des systèmes de culture et d’élevage, ni des potentialités de progrès technique à l’horizon 2030. Or, les travaux conduits ces dernières années sur la réduction de l’utilisation des intrants de synthèse montrent que l’impact induit sur la productivité des cultures et des élevages dépend : - des conditions d’utilisation des intrants de synthèse, celles-ci déterminant l’efficience d’utilisation de ces intrants. L’efficience peut être augmentée grâce à l’évolution des matériels d’épandage, à l’usage du numérique (« agriculture/élevage de précision »), à la généralisation des outils d’aide à la décision. - des systèmes de production, des territoires et des niveaux de services écosystémiques qui en dépendent via une écologisation des systèmes et des paysages : rotation des cultures, place des légumineuses, type de travail du sol, relation système de culture-système d’élevage, épandage de ressources organiques, aménagement des paysages, localisation des cultures… L’augmentation de l’efficience pourrait ainsi permettre de réduire de l’ordre de 10-20% l’utilisation des intrants de synthèse sans conséquences majeures sur les rendements moyens, aller au-delà suppose de modifier les systèmes de production et les paysages (résultats du réseau DEPHY 12, étude INRA sur les pesticides 13, étude de la commission européenne sur les antibiotiques 14, travaux récents sur l’azote et les légumineuses 15). Par exemple, réduire de 50% l’utilisation de pesticides suppose de consacrer une partie des surfaces cultivées à des infrastructures agroécologiques pour héberger et nourrir les organismes auxiliaires des cultures, ce qui réduit les surfaces cultivées. Aucun progrès technique n’est intégré dans les scénarios simulés. On peut espérer du progrès génétique une plus grande résistance des végétaux cultivés et des animaux élevés aux stress biotiques et abiotiques à l’horizon 2030. Enfin, les coûts environnementaux et sanitaires des pratiques agricoles actuelles ne sont pas mis en regard des résultats de l’étude (les auteurs de l’étude le mentionnent également). Or, les conséquences négatives de l’azote et des pesticides sur l’environnement et les ressources ainsi que sur la santé 8 https://ec.europa.eu/info/strategy/priorities-2019-2024/european-green-deal_fr https://www.inrae.fr/actualites/agricultures-europeennes-horizon-2050 10 https://www.iddri.org/sites/default/files/PDF/Publications/Catalogue%20Iddri/Etude/201809-ST0918-tyfa.pdf 11 https://eatforum.org/ 12 https://www.nature.com/articles/nplants20178 13 https://www.inrae.fr/actualites/ecophyto-rd-reduire-lusage-pesticides 14 https://ec.europa.eu/info/food-farming-fisheries/key-policies/common-agricultural-policy/cmef/farmers-andfarming/future-eu-livestock-how-contribute-sustainable-agricultural-sector_en 15 https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S1161030116300995?via%3Dihub 9 humaine sont de mieux en mieux évaluées comme le montrent les travaux du Nitrogen Impact assessment (Sutton, 2011) au niveau international, l’expertise scientifique collective sur les pesticides rendue par l’Inserm en 2013 16 et les résultats de la cohorte AGRICAN 17 en France. Le coût pour la société est tel qu’il est indispensable d’en tenir compte pour discuter du maintien ou non des pratiques agricoles actuelles, pratiques qui permettent aujourd’hui à l’Union Européenne d’assurer sa production agricole et sa position à l’exportation sur les marchés mondiaux. Par le caractère statique des composantes des systèmes de production et des besoins alimentaires considérés, l’étude américaine tend à évaluer la borne haute des conséquences des stratégies européennes Farm to Fork et Biodiversité sur la production et les échanges agricoles européens et, par suite, sur les prix et la sécurité alimentaire mondiale 18. La non prise en compte des effets non marchands de l’usage des intrants de synthèse empêche une évaluation globale de l’ensemble des stratégies. Il serait donc intéressant de compléter cette étude américaine par un nouveau paramétrage et par un élargissement des critères d’évaluation afin de conduire une analyse complète des conséquences du pacte vert européen sur la satisfaction des besoins des européens et des humains en général. 16 https://www.inserm.fr/information-en-sante/expertises-collectives/pesticides-effets-sur-sante (l’expertise est en cours d’actualisation) 17 https://ecophytopic.fr/concevoir-son-systeme/agrican-etude-de-cohorte-agriculture-et-cancer 18 Il faut cependant noter que l’objectif d’augmentation des surfaces en agriculture biologique (+25%) présent dans les stratégies européennes n’est pas considéré dans les scénarios de l’étude de l’USDA-ERS.