Autour de la Syrie médiévale. Études offertes à Anne-Marie Eddé, (dir.) M. Boudier, A. Caire, E. Collet, N. Lucas , 2022
Le corpus retenu pour cette contribution est constitué d’un ensemble rassemblant les actes d’époq... more Le corpus retenu pour cette contribution est constitué d’un ensemble rassemblant les actes d’époque mamelouke et les documents du premier siècle ottoman colligés dans le Fonds Qannūbīn. Ces documents permettent d’avancer un certain nombre d’hypothèses sur la constitution du domaine du Patriarcat maronite et l’organisation foncière de la vallée de la Qādīshā aux XVe et XVIe siècles, notamment sur l’identité des détenteurs de la terre, sur les modalités d’accès à celle-ci (iqṭāʿ, waqf, milk) et sur les cultures qui s’y déploient, mais aussi sur la transformation de la propriété foncière à cette époque. Ils invitent à rompre avec une historiographie « communautaire » tributaire des chroniques de Ṣāliḥ Ibn Yaḥyā (m. 840/1437), émir issu des Banū Buḥtur, et de celle d’Isṭifān al-Duwayhī, patriarche maronite entre 1670 et 1704, à partir desquelles a été en grande partie écrite l’histoire de la région, en faisant également apparaître le Patriarcat, institution religieuse en pleine expansion, comme un acteur économique de plus en plus puissant.
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Le maḏhab druze comme d’autres maḏāhib (sing. maḏhab) en Islam n’a pas toujours été synonyme d’école juridique doctrinale. Le terme de maḏhab, en fonction des contextes, peut également désigner une école théologique voire une opinion religieuse ; d’ailleurs, les auteurs druzes actuels, lorsqu’ils évoquent le maḏhab druze notamment dans l’expression al-maḏhab al-durzī al-islāmī (la doctrine druze islamique), font référence non seulement à l’islamité de la doctrine, mais aussi à son caractère purement ésotérique. Cette perception ne caractérise toutefois le druzisme que pendant les quatre premiers siècles de son existence : entre le début du Ve/XIe siècle et la fin du VIIIe/XIVe siècle, la pensée druze ne divergeait en effet pas de la doctrine ésotérique ismaélienne telle qu’elle fut établie par l’imam Ḥamza durant la daʿwa (prédication) au Caire.
Il fallut attendre le IXe/XVe siècle et l’émergence d’une élite de juristes et d’exégètes druzes dans la Syrie rurale mamelouke pour qu’une école juridique doctrinale prenne forme au sein de la communauté locale du Ġarb. Cette élite de Sayyidiens, disciples et élèves de l’émir al-Sayyid, forts de l’appui que leur procurait les émirs buḥturides issus des Banū l-Ḥusayn, sut s’imposer comme un groupe homogène et influent doté d’une doctrine juridique systématique. Bien que le fondement de leur pensée théologique soit demeurée ismaélienne, les Sayyidiens développèrent une doctrine juridique substantielle conforme, en théorie, aux enseignements de la Ḥikma alors qu’elle était en fait largement inspirée du droit coutumier local et du droit sunnite, en particulier šāfiʿite.
Quelque un siècle et demi plus tard, alors que les Grandes Exégèses avaient sans doute déjà pris leur forme définitive, le Šayḫ al-Fāḍil (m. 1050/1640) apparaît dans l’historiographie druze comme un personnage clé dans le développement du druzisme. Comme le montre cette étude, la tradition druze lui attribue un rôle juridictionnel de premier ordre : en plus d’avoir exercé l’office de judicature dans sa ville d’origine, il aurait sanctionné et pérennisé les enseignements d’al-Sayyid (chapitre 1). Ses jugements et avis juridiques furent consignés par écrit dans un traité appelé le Précis de droit d’al-Fāḍil, qui est toutefois demeuré jusqu’à présent sujet à débat. Deux éditions (non scientifiques) de ce texte, effectuées par des auteurs druzes actuels, révèlent deux versions différentes du traité d’al-Fāḍil ; elles s’appuient sur des copies (manuscrites ?) sans doute tardives conservées de manière secrète dans des bibliothèques privées et, partant, accessibles aux seuls membres de la communauté religieuse. Toutes deux, on y revient dans le chapitre 2, présentent de nombreuses interpolations évidentes ; elles contiennent néanmoins un noyau authentique contemporain d’al-Fāḍil.
Ce noyau correspond au texte inédit couché par écrit dans le ms. Garrett 371B par un religieux druze durant la seconde moitié du XIe/XVIIe siècle. Le ms. Garrett 371B (désormais GAR) est un manuscrit unicum conservé à Princeton ; il correspond à un cahier de notes rédigé ou copié par un élève druze lors de séances d’initiation sous l’autorité d’un maître spirituel d’un rang élevé (chapitre 2). Nous en proposons une édition diplomatique qui rend compte du moyen-arabe usité dans certains villages syriens à cette époque, de même qu’une édition critique et une traduction annotée. Le titre « Précis de droit d’al-Fāḍil » correspond à l’objectif de l’auteur de consigner, écrit-il, un abrégé des enseignements religieux d’al-Fāḍil (siyāsatu-hu al-dīniyya) et des peines extrêmes (ḥadd-s) qu’il infligea en matière de droit pénal (GAR fol. 132a ; éd. et trad. §4). Nous verrons qu’il s’agit non seulement d’un simple précis de droit druze – le seul qui existe, à notre connaissance – mais aussi d’une mise à jour du droit médiéval élaboré par les juristes dans les Šarḥayn en prenant en considération les préoccupations et besoins du moment. Une casuistique extrêmement riche aborde ainsi, sous forme d’avis juridiques (raʾy-s) mis dans la bouche d’al-Fāḍil, des thèmes sociétaux divers à l’instar du mariage mixte et de la bienséance (chapitre 5).
Il est patent par ailleurs de constater comment le Précis expose les sources du fiqh druze et développe une herméneutique juridique claire faisant défaut dans les Grandes Exégèses, et notamment dans les Šarḥayn (chapitre 4). Le Šayḫ al-Fāḍil hiérarchise les sources de droit en plaçant en premier lieu les enseignements de l’imam Ḥamza – l’Intellect (ʿaql) cosmique lequel était supposé légiférer au nom du nāsūt (humanité de la forme humaine de Dieu) al-Ḥākim – et de ses auxiliaires al-Tamīmī et al-Muqtanā – soit respectivement le Verbe (al-kalima) et le Suivant (al-tālī) cosmiques. Les enseignements de l’émir al-Sayyid, assimilées aux Šurūḥāt ou Grandes Exégèses, se placent en deuxième position dans le fiqh druze ; ils s’inscrivent aux yeux d’al-Fāḍil en ligne directe avec la mission de l’imam. Se pose ensuite la question du Coran et des ouvrages de droit musulman non druzes : dans quelles conditions peuvent-ils être une source de droit, voire comment peuvent-ils être utilisés pour combler les lacunes du fiqh druze ? Le Šayḫ al-Fāḍil y apporte une réponse précise dont l’application peut toutefois être sujette à l’interprétation personnelle du sāyis ou juge druze.
Contrairement aux Šarḥayn rédigés, rappelons-le, au IXe/XVe et Xe/XVIe siècle, le Précis s’adresse un siècle plus tard à un public druze composé d’initiés mais aussi de non-initiés. Alors qu’il pose des règles juridiques pour répondre notamment aux besoins des initiés, le Šayḫ al-Fāḍil tranche des litiges impliquant également des non-initiés, à condition que l’une des deux parties soit initiée. La sentence prononcée, dans ce cas de figure, ne paraît pour autant contraignante que pour la personne initiée. Le droit druze était à l’époque prémoderne une affaire de religieux ou d’initiés : les druzes de naissance, c’est-à-dire nés d’une mère et d’un père issus d’une famille druze, qui ne sont pas initiés et, de là, qui n’étudiaient pas la Ḥikma étaient considérés comme des irréligieux dont le salut dépendait de leur capacité à se repentir et à rentrer dans le rang. Jusqu’au XIe/XVIIe siècle, ces non-initiés (dont les Banū Buḥtur qui refusèrent les enseignements réformateurs de l’un des leurs, l’émir al-Sayyid) suivaient les règles juridiques des autres maḏāhib islamiques et se bornaient à une compréhension littérale et apparente (ẓāhir) du Coran. La Ḥikma, lue comme une simple « interprétation allégorique » (taʾwīl) du texte coranique par les non-initiés impliqués tout de même dans les affaires religieuses, fut réservée aux seuls initiés à partir du IXe/XVe siècle, sous l’impulsion de l’émir al-Sayyid.
La société druze au IXe/XVe et XIe/XVIIe siècle était organisée de manière similaire, c’est-à-dire autour de règles juridiques contraignantes pour les initiés uniquement. Mais en intégrant la culture villageoise et la « bonne pratique » (sunna), le corpus juridique druze forme un système normatif évolutif au fil du temps. D’où les divergences qui existent entre les Šarḥayn et le Précis d’al-Fāḍil. L’innovation juridique, qui ne rejette toutefois pas le taqlīd (imitation ou respect des doctrines juridiques antérieures), est ainsi patente dans le Précis (chapitre 5). Seul le chef du maḏhab du moment, en l’occurrence le Šayḫ al-Fāḍil, était en mesure d’apporter des corrections aux règles posées dans les Šarḥayn, en les soumettant à une interprétation nouvelle à partir de son opinion personnelle (raʾy). Il jouait en sus le rôle de juge suprême ou incarnait plus précisément la plus haute instance judiciaire de la communauté, en sorte qu’il lui arrivait de s’opposer aux sentences de ses contemporains parmi les juges druzes et, parfois, de les châtier pour leur mauvaise compréhension des Šarḥayn ou pour avoir mal jaugé la gravité du cas qui leur avait été soumis.
En tant que chef du maḏhab, le Šayḫ œuvrait également pour la paix sociale et la cohésion communautaire et, enfin, agissait en censeur des mœurs. Et plus de la moitié des cas du Précis portent sur les femmes druzes afin de réglementer leur conduite au sein de la communauté et dans l’espace public. Le Šayḫ se montre plus virulent à leur égard que ne l’étaient les auteurs des Šarḥayn avant lui : ces derniers tentent d’instaurer l’égalité des sexes dans le mariage, alors que le Précis s’intéresse davantage à remettre la femme sous l’autorité juridique de son tuteur mâle. Mais nous verrons plus loin que dans l’ensemble des cas juridiques ne concernant pas forcément les femmes, le Šayḫ supputait les conséquences de ses avis et décisions en fonction de la situation sociale dans laquelle se trouvait alors sa communauté. Enfin, La casuistique juridique d’al-Fāḍil – à l’instar d’ailleurs de celle décrite dans les Šarḥayn – était également largement influencée par les règles coutumières locales.
Interrogeons cette dynamique : en sanctionnant une pratique sociale r...
https://www.editionsducerf.fr/librairie/livre/19179/les-druzes-aux-marges-de-l-islam
1. Ésotérisme, imāms législateurs et premiers recueils de hadiths
2. L’ijmāʿ, le qiyās et l’ijtihād entre réfutation et acceptation
3. La formation du madhhab imāmite au ve/xie siècle
4. Le khums et la zakāt dans le droit imāmite
legal and religious principles adapted to their rural milieu and posing rules designed to organise the community. Traditional Druze historiography considers the Emir al-Sayyid to be the only and greatest Druze reformer of all time, the “architect” of Druze renaissance in sum, and falsely attributes to him a collection of theological and legal writings (the “Great Exegeses”) which are scrupulously applied by religious people up to the present day. However, a critical examination of this unpublished corpus (dating from the latter part of the 9th/15th century) shows however that the Druze legal theory, as well as the first religious and judiciary Druze institutions emerged after the death of al-Sayyid.
Les premiers traités du Canon druze dont la rédaction remonte au Ve/XIe siècle jettent les bases d'une doctrine religieuse nouvelle et ébauchent succinctement et de manière souvent ambigüe les préceptes moraux, mais aussi juridiques et juridictionnels aux-quels les adeptes devaient désormais se soumettre, les lois (šarāʾiʿ) antérieures ayant été abrogées par la Volonté divine. Les savants druzes du IXe/XVe siècle, notamment l'émir al-Sayyid (m. 884/1479) et ses disciples, tentèrent d'expliquer ces traités afin d'établir des principes juridico-religieux adaptés à leur milieu rural et des règles destinées à organiser le fonctionnement interne de la communauté des adeptes. L'historiographie traditionnelle considère toutefois que seul al-Sayyid est l'architecte de ce « renouveau druze » ; par conséquent, elle lui confère le statut de plus grand réformateur druze de tous les temps et lui attribue un ensemble d'écrits théologiques et juridiques que les initiés observent scrupuleusement depuis lors. Or, une lecture critique de ce corpus inédit datant en partie de la fin du IXe/XVe siècle révèle que l'émergence des premières institutions druzes, religieuses et judiciaires, ainsi que la théorisation et la systématisation du droit druze sont postérieures à l'action sayyidienne.
In 9 th /15 th century Syria, the Gharb region was not entirely Druze, as some have written. The region hosted a group of Unitarians who had been initiated into the Druze tawḥīd, and who were organized at the margins of State institutions, and had developed their own law. This article analyses the social role of arbitrators and mediators, drawing from local chronicles and normative sources. Arbitration (taḥkīm) as documented during the archaic period of the Emir al-Sayyid (d. 884/1479), disappeared from later legal treaties, replaced by conciliation (ṣulḥ) carried on by a " College of mediators " and the " sāyis " , both a judge and a mediator. Among the Druze, the sulḥ soon emerged as the preferred mode for settlement of litigation, by solving conflicts outside the bounds of State justice.
Dans la Syrie du IXe /XVe siècle, la contrée du Gharb n'était pas druze dans sa totalité, comme d'aucuns ont pu l'écrire ; elle contenait, en revanche, un groupe d'Unitaires, initiés au tawḥīd druze, qui s'organisaient à la marge des institutions étatiques, en élaborant leurs propres règles de droit. Cet article examine le rôle social de l'arbitre et du médiateur, à partir de chroniques locales et de textes normatifs. L'arbitrage (taḥkīm), attesté à l'époque encore archaïque de l'émir al-Sayyid (m. 884/1479), disparaît des traités juridiques plus tardifs au profit de la conciliation (ṣulḥ) que tentaient le « collège de médiateurs » et le « sāyis », à la fois juge et médiateur. Chez les Druzes, le ṣulḥ semble avoir été le mode privilégié de règlement des litiges, soustrayant aux tribunaux étatiques des conflits internes à la communauté.
In the 9th/15th century, a new kind of Druzism was reportedly formed by Emir al-Sayyid (d. 884/1479) in the Syrian mountains. Its foundations were long considered purely spiritual. However, through the reading of sources, a richer content and more ambitious stakes can be attributed to such an endeavor: al-Sayyid had a societal, religious and legal project imbued with strong ideology. The mountain area was nevertheless divided around this reform : the masters’ followers were opposed to the local leaders who were close to the central authority. What seemed like deliverance for the poor proved to be a threat for the powerful. What some contemporaries considered Islamization was seen by others as the re-establishment of the original Druzism. Ultimately, al-Sayyid’s reform included a political project that catered to the poorest among the rural community in a Syria that was experiencing an economic slowdown on the eve of the fall of the Mamluk regime.
Au IXe/XVe siècle, dans les montagnes syriennes, un nouveau druzisme se serait
formé, celui de l’émir al-Sayyid (m. 884/1479), dont les fondements ont longtemps été
considérés comme purement spirituels. Or la lecture des sources permet d’attribuer à une telle oeuvre un contenu plus riche et des enjeux plus ambitieux : al-Sayyid avait un projet sociétal, religieux et juridique empreint d’une idéologie forte. Le milieu montagnard était néanmoins divisé autour de cette réforme et les partisans du maître s’opposaient aux chefs locaux proches du pouvoir central. Ce qui s’apparentait à une délivrance pour les pauvres s’est avéré être une menace pour les puissants ; là où certains contemporains voyaient une islamisation, d’autres observaient le rétablissement du druzisme originel. En définitive, la réforme sayyidienne comporte un projet politique qui s’adresse aux plus modestes parmi la société rurale, dans une Syrie ralentie économiquement à la veille du déclin du régime mamelouk.
être répartis en deux catégories suivant la nature du papier utilisé, non filigrané, dit aussi
« oriental », ou filigrané, dit « occidental » (Richard 2000). Les copies tardives, réalisées
sur du papier filigrané, sont plus facilement datables – à partir de l’analyse du filigrane –
que celles, plus anciennes, effectuées sur papier non filigrané. Il est généralement admis
que ces dernières dateraient des IXe/XVe et Xe/XVIe siècles, comme cela est précisé dans les catalogues de De Slane, de Vajda et Sauvan, d’Ahlwardt, d’Aumer, de Cureton et Rieu, de Flügel et de Rosen 7. Toutefois, cette datation ne repose pas sur une fine observation des caractéristiques propres aux manuscrits en question et, de là, peut certainement être affinée, voire, peut-être, remise en cause. La question principale est de savoir s’il est possible que certaines de ces copies soient plus anciennes, autrement dit antérieures au IXe/XVe siècle. Pour tenter de répondre à cette question, nous nous proposons de soumettre les manuscrits sur papier non filigrané conservés à la BnF à un examen approfondi.
Mathieu Tillier rompt avec cette vision. Il se livre dans L’invention du cadi à un exercice difficile d’érudition. Sans perdre de vue la rareté et l’état fragmentaire des sources anciennes, il propose un triptyque inédit en examinant trois corpus : la papyrologie de Haute-Égypte dont les particularités sont confrontées aux papyrus palestiniens, afin de décrire le fonctionnement de la justice dans cette province fraîchement conquise (partie 1) ; les aḫbār al-quḍāt, une littérature peu exploitée jusqu’à présent alors qu’elle regorge de traditions (aḫbār) réelles ou fictives attribuées à des figures sans doute légendaires de la justice du premier siècle de l’Hégire (partie 2) ; le droit impérial sassanide et romain d’Orient, mais aussi les théories juridiques des Juifs et Chrétiens d’Orient, dont un riche matériau de textes syriaques (partie 3).
se donne l’objectif de faire connaître la pensée spirituelle du prince Karim
al-Husseini ou Karim Aga Khan IV, l’actuel imam de la communauté nizarite
ismaélienne. Il promeut également les actions de l’AKDN (Aga Khan
Development Network) en montrant leur adéquation à la philosophie culturelle
et charitable du prince Karim. Ce dernier est décrit comme le représentant
d’un Islam « moderne » lequel dépasse les clivages entre musulmans, mais
aussi ceux entre l’Orient et l’Occident, l’islam et les autres religions, l’islam et la
modernité. Ali Lakhani rédige en fait un livre de propagande à la gloire de l’Aga
Khan IV, un livre sans méthode et dénué de toute analyse critique. Il plaque
ainsi des vérités absolues, fait fi de la littérature savante traitant notamment
de l’éthique (ethic) ou de la croyance (faith) en Islam, et enfin se livre à une
lecture personnelle de la pensée nizarite, celle d’un croyant et d’un admirateur
de l’imam, qu’il généralise à l’ensemble des mouvements ismaéliens.
Le maḏhab druze comme d’autres maḏāhib (sing. maḏhab) en Islam n’a pas toujours été synonyme d’école juridique doctrinale. Le terme de maḏhab, en fonction des contextes, peut également désigner une école théologique voire une opinion religieuse ; d’ailleurs, les auteurs druzes actuels, lorsqu’ils évoquent le maḏhab druze notamment dans l’expression al-maḏhab al-durzī al-islāmī (la doctrine druze islamique), font référence non seulement à l’islamité de la doctrine, mais aussi à son caractère purement ésotérique. Cette perception ne caractérise toutefois le druzisme que pendant les quatre premiers siècles de son existence : entre le début du Ve/XIe siècle et la fin du VIIIe/XIVe siècle, la pensée druze ne divergeait en effet pas de la doctrine ésotérique ismaélienne telle qu’elle fut établie par l’imam Ḥamza durant la daʿwa (prédication) au Caire.
Il fallut attendre le IXe/XVe siècle et l’émergence d’une élite de juristes et d’exégètes druzes dans la Syrie rurale mamelouke pour qu’une école juridique doctrinale prenne forme au sein de la communauté locale du Ġarb. Cette élite de Sayyidiens, disciples et élèves de l’émir al-Sayyid, forts de l’appui que leur procurait les émirs buḥturides issus des Banū l-Ḥusayn, sut s’imposer comme un groupe homogène et influent doté d’une doctrine juridique systématique. Bien que le fondement de leur pensée théologique soit demeurée ismaélienne, les Sayyidiens développèrent une doctrine juridique substantielle conforme, en théorie, aux enseignements de la Ḥikma alors qu’elle était en fait largement inspirée du droit coutumier local et du droit sunnite, en particulier šāfiʿite.
Quelque un siècle et demi plus tard, alors que les Grandes Exégèses avaient sans doute déjà pris leur forme définitive, le Šayḫ al-Fāḍil (m. 1050/1640) apparaît dans l’historiographie druze comme un personnage clé dans le développement du druzisme. Comme le montre cette étude, la tradition druze lui attribue un rôle juridictionnel de premier ordre : en plus d’avoir exercé l’office de judicature dans sa ville d’origine, il aurait sanctionné et pérennisé les enseignements d’al-Sayyid (chapitre 1). Ses jugements et avis juridiques furent consignés par écrit dans un traité appelé le Précis de droit d’al-Fāḍil, qui est toutefois demeuré jusqu’à présent sujet à débat. Deux éditions (non scientifiques) de ce texte, effectuées par des auteurs druzes actuels, révèlent deux versions différentes du traité d’al-Fāḍil ; elles s’appuient sur des copies (manuscrites ?) sans doute tardives conservées de manière secrète dans des bibliothèques privées et, partant, accessibles aux seuls membres de la communauté religieuse. Toutes deux, on y revient dans le chapitre 2, présentent de nombreuses interpolations évidentes ; elles contiennent néanmoins un noyau authentique contemporain d’al-Fāḍil.
Ce noyau correspond au texte inédit couché par écrit dans le ms. Garrett 371B par un religieux druze durant la seconde moitié du XIe/XVIIe siècle. Le ms. Garrett 371B (désormais GAR) est un manuscrit unicum conservé à Princeton ; il correspond à un cahier de notes rédigé ou copié par un élève druze lors de séances d’initiation sous l’autorité d’un maître spirituel d’un rang élevé (chapitre 2). Nous en proposons une édition diplomatique qui rend compte du moyen-arabe usité dans certains villages syriens à cette époque, de même qu’une édition critique et une traduction annotée. Le titre « Précis de droit d’al-Fāḍil » correspond à l’objectif de l’auteur de consigner, écrit-il, un abrégé des enseignements religieux d’al-Fāḍil (siyāsatu-hu al-dīniyya) et des peines extrêmes (ḥadd-s) qu’il infligea en matière de droit pénal (GAR fol. 132a ; éd. et trad. §4). Nous verrons qu’il s’agit non seulement d’un simple précis de droit druze – le seul qui existe, à notre connaissance – mais aussi d’une mise à jour du droit médiéval élaboré par les juristes dans les Šarḥayn en prenant en considération les préoccupations et besoins du moment. Une casuistique extrêmement riche aborde ainsi, sous forme d’avis juridiques (raʾy-s) mis dans la bouche d’al-Fāḍil, des thèmes sociétaux divers à l’instar du mariage mixte et de la bienséance (chapitre 5).
Il est patent par ailleurs de constater comment le Précis expose les sources du fiqh druze et développe une herméneutique juridique claire faisant défaut dans les Grandes Exégèses, et notamment dans les Šarḥayn (chapitre 4). Le Šayḫ al-Fāḍil hiérarchise les sources de droit en plaçant en premier lieu les enseignements de l’imam Ḥamza – l’Intellect (ʿaql) cosmique lequel était supposé légiférer au nom du nāsūt (humanité de la forme humaine de Dieu) al-Ḥākim – et de ses auxiliaires al-Tamīmī et al-Muqtanā – soit respectivement le Verbe (al-kalima) et le Suivant (al-tālī) cosmiques. Les enseignements de l’émir al-Sayyid, assimilées aux Šurūḥāt ou Grandes Exégèses, se placent en deuxième position dans le fiqh druze ; ils s’inscrivent aux yeux d’al-Fāḍil en ligne directe avec la mission de l’imam. Se pose ensuite la question du Coran et des ouvrages de droit musulman non druzes : dans quelles conditions peuvent-ils être une source de droit, voire comment peuvent-ils être utilisés pour combler les lacunes du fiqh druze ? Le Šayḫ al-Fāḍil y apporte une réponse précise dont l’application peut toutefois être sujette à l’interprétation personnelle du sāyis ou juge druze.
Contrairement aux Šarḥayn rédigés, rappelons-le, au IXe/XVe et Xe/XVIe siècle, le Précis s’adresse un siècle plus tard à un public druze composé d’initiés mais aussi de non-initiés. Alors qu’il pose des règles juridiques pour répondre notamment aux besoins des initiés, le Šayḫ al-Fāḍil tranche des litiges impliquant également des non-initiés, à condition que l’une des deux parties soit initiée. La sentence prononcée, dans ce cas de figure, ne paraît pour autant contraignante que pour la personne initiée. Le droit druze était à l’époque prémoderne une affaire de religieux ou d’initiés : les druzes de naissance, c’est-à-dire nés d’une mère et d’un père issus d’une famille druze, qui ne sont pas initiés et, de là, qui n’étudiaient pas la Ḥikma étaient considérés comme des irréligieux dont le salut dépendait de leur capacité à se repentir et à rentrer dans le rang. Jusqu’au XIe/XVIIe siècle, ces non-initiés (dont les Banū Buḥtur qui refusèrent les enseignements réformateurs de l’un des leurs, l’émir al-Sayyid) suivaient les règles juridiques des autres maḏāhib islamiques et se bornaient à une compréhension littérale et apparente (ẓāhir) du Coran. La Ḥikma, lue comme une simple « interprétation allégorique » (taʾwīl) du texte coranique par les non-initiés impliqués tout de même dans les affaires religieuses, fut réservée aux seuls initiés à partir du IXe/XVe siècle, sous l’impulsion de l’émir al-Sayyid.
La société druze au IXe/XVe et XIe/XVIIe siècle était organisée de manière similaire, c’est-à-dire autour de règles juridiques contraignantes pour les initiés uniquement. Mais en intégrant la culture villageoise et la « bonne pratique » (sunna), le corpus juridique druze forme un système normatif évolutif au fil du temps. D’où les divergences qui existent entre les Šarḥayn et le Précis d’al-Fāḍil. L’innovation juridique, qui ne rejette toutefois pas le taqlīd (imitation ou respect des doctrines juridiques antérieures), est ainsi patente dans le Précis (chapitre 5). Seul le chef du maḏhab du moment, en l’occurrence le Šayḫ al-Fāḍil, était en mesure d’apporter des corrections aux règles posées dans les Šarḥayn, en les soumettant à une interprétation nouvelle à partir de son opinion personnelle (raʾy). Il jouait en sus le rôle de juge suprême ou incarnait plus précisément la plus haute instance judiciaire de la communauté, en sorte qu’il lui arrivait de s’opposer aux sentences de ses contemporains parmi les juges druzes et, parfois, de les châtier pour leur mauvaise compréhension des Šarḥayn ou pour avoir mal jaugé la gravité du cas qui leur avait été soumis.
En tant que chef du maḏhab, le Šayḫ œuvrait également pour la paix sociale et la cohésion communautaire et, enfin, agissait en censeur des mœurs. Et plus de la moitié des cas du Précis portent sur les femmes druzes afin de réglementer leur conduite au sein de la communauté et dans l’espace public. Le Šayḫ se montre plus virulent à leur égard que ne l’étaient les auteurs des Šarḥayn avant lui : ces derniers tentent d’instaurer l’égalité des sexes dans le mariage, alors que le Précis s’intéresse davantage à remettre la femme sous l’autorité juridique de son tuteur mâle. Mais nous verrons plus loin que dans l’ensemble des cas juridiques ne concernant pas forcément les femmes, le Šayḫ supputait les conséquences de ses avis et décisions en fonction de la situation sociale dans laquelle se trouvait alors sa communauté. Enfin, La casuistique juridique d’al-Fāḍil – à l’instar d’ailleurs de celle décrite dans les Šarḥayn – était également largement influencée par les règles coutumières locales.
Interrogeons cette dynamique : en sanctionnant une pratique sociale r...
https://www.editionsducerf.fr/librairie/livre/19179/les-druzes-aux-marges-de-l-islam
1. Ésotérisme, imāms législateurs et premiers recueils de hadiths
2. L’ijmāʿ, le qiyās et l’ijtihād entre réfutation et acceptation
3. La formation du madhhab imāmite au ve/xie siècle
4. Le khums et la zakāt dans le droit imāmite
legal and religious principles adapted to their rural milieu and posing rules designed to organise the community. Traditional Druze historiography considers the Emir al-Sayyid to be the only and greatest Druze reformer of all time, the “architect” of Druze renaissance in sum, and falsely attributes to him a collection of theological and legal writings (the “Great Exegeses”) which are scrupulously applied by religious people up to the present day. However, a critical examination of this unpublished corpus (dating from the latter part of the 9th/15th century) shows however that the Druze legal theory, as well as the first religious and judiciary Druze institutions emerged after the death of al-Sayyid.
Les premiers traités du Canon druze dont la rédaction remonte au Ve/XIe siècle jettent les bases d'une doctrine religieuse nouvelle et ébauchent succinctement et de manière souvent ambigüe les préceptes moraux, mais aussi juridiques et juridictionnels aux-quels les adeptes devaient désormais se soumettre, les lois (šarāʾiʿ) antérieures ayant été abrogées par la Volonté divine. Les savants druzes du IXe/XVe siècle, notamment l'émir al-Sayyid (m. 884/1479) et ses disciples, tentèrent d'expliquer ces traités afin d'établir des principes juridico-religieux adaptés à leur milieu rural et des règles destinées à organiser le fonctionnement interne de la communauté des adeptes. L'historiographie traditionnelle considère toutefois que seul al-Sayyid est l'architecte de ce « renouveau druze » ; par conséquent, elle lui confère le statut de plus grand réformateur druze de tous les temps et lui attribue un ensemble d'écrits théologiques et juridiques que les initiés observent scrupuleusement depuis lors. Or, une lecture critique de ce corpus inédit datant en partie de la fin du IXe/XVe siècle révèle que l'émergence des premières institutions druzes, religieuses et judiciaires, ainsi que la théorisation et la systématisation du droit druze sont postérieures à l'action sayyidienne.
In 9 th /15 th century Syria, the Gharb region was not entirely Druze, as some have written. The region hosted a group of Unitarians who had been initiated into the Druze tawḥīd, and who were organized at the margins of State institutions, and had developed their own law. This article analyses the social role of arbitrators and mediators, drawing from local chronicles and normative sources. Arbitration (taḥkīm) as documented during the archaic period of the Emir al-Sayyid (d. 884/1479), disappeared from later legal treaties, replaced by conciliation (ṣulḥ) carried on by a " College of mediators " and the " sāyis " , both a judge and a mediator. Among the Druze, the sulḥ soon emerged as the preferred mode for settlement of litigation, by solving conflicts outside the bounds of State justice.
Dans la Syrie du IXe /XVe siècle, la contrée du Gharb n'était pas druze dans sa totalité, comme d'aucuns ont pu l'écrire ; elle contenait, en revanche, un groupe d'Unitaires, initiés au tawḥīd druze, qui s'organisaient à la marge des institutions étatiques, en élaborant leurs propres règles de droit. Cet article examine le rôle social de l'arbitre et du médiateur, à partir de chroniques locales et de textes normatifs. L'arbitrage (taḥkīm), attesté à l'époque encore archaïque de l'émir al-Sayyid (m. 884/1479), disparaît des traités juridiques plus tardifs au profit de la conciliation (ṣulḥ) que tentaient le « collège de médiateurs » et le « sāyis », à la fois juge et médiateur. Chez les Druzes, le ṣulḥ semble avoir été le mode privilégié de règlement des litiges, soustrayant aux tribunaux étatiques des conflits internes à la communauté.
In the 9th/15th century, a new kind of Druzism was reportedly formed by Emir al-Sayyid (d. 884/1479) in the Syrian mountains. Its foundations were long considered purely spiritual. However, through the reading of sources, a richer content and more ambitious stakes can be attributed to such an endeavor: al-Sayyid had a societal, religious and legal project imbued with strong ideology. The mountain area was nevertheless divided around this reform : the masters’ followers were opposed to the local leaders who were close to the central authority. What seemed like deliverance for the poor proved to be a threat for the powerful. What some contemporaries considered Islamization was seen by others as the re-establishment of the original Druzism. Ultimately, al-Sayyid’s reform included a political project that catered to the poorest among the rural community in a Syria that was experiencing an economic slowdown on the eve of the fall of the Mamluk regime.
Au IXe/XVe siècle, dans les montagnes syriennes, un nouveau druzisme se serait
formé, celui de l’émir al-Sayyid (m. 884/1479), dont les fondements ont longtemps été
considérés comme purement spirituels. Or la lecture des sources permet d’attribuer à une telle oeuvre un contenu plus riche et des enjeux plus ambitieux : al-Sayyid avait un projet sociétal, religieux et juridique empreint d’une idéologie forte. Le milieu montagnard était néanmoins divisé autour de cette réforme et les partisans du maître s’opposaient aux chefs locaux proches du pouvoir central. Ce qui s’apparentait à une délivrance pour les pauvres s’est avéré être une menace pour les puissants ; là où certains contemporains voyaient une islamisation, d’autres observaient le rétablissement du druzisme originel. En définitive, la réforme sayyidienne comporte un projet politique qui s’adresse aux plus modestes parmi la société rurale, dans une Syrie ralentie économiquement à la veille du déclin du régime mamelouk.
être répartis en deux catégories suivant la nature du papier utilisé, non filigrané, dit aussi
« oriental », ou filigrané, dit « occidental » (Richard 2000). Les copies tardives, réalisées
sur du papier filigrané, sont plus facilement datables – à partir de l’analyse du filigrane –
que celles, plus anciennes, effectuées sur papier non filigrané. Il est généralement admis
que ces dernières dateraient des IXe/XVe et Xe/XVIe siècles, comme cela est précisé dans les catalogues de De Slane, de Vajda et Sauvan, d’Ahlwardt, d’Aumer, de Cureton et Rieu, de Flügel et de Rosen 7. Toutefois, cette datation ne repose pas sur une fine observation des caractéristiques propres aux manuscrits en question et, de là, peut certainement être affinée, voire, peut-être, remise en cause. La question principale est de savoir s’il est possible que certaines de ces copies soient plus anciennes, autrement dit antérieures au IXe/XVe siècle. Pour tenter de répondre à cette question, nous nous proposons de soumettre les manuscrits sur papier non filigrané conservés à la BnF à un examen approfondi.
Mathieu Tillier rompt avec cette vision. Il se livre dans L’invention du cadi à un exercice difficile d’érudition. Sans perdre de vue la rareté et l’état fragmentaire des sources anciennes, il propose un triptyque inédit en examinant trois corpus : la papyrologie de Haute-Égypte dont les particularités sont confrontées aux papyrus palestiniens, afin de décrire le fonctionnement de la justice dans cette province fraîchement conquise (partie 1) ; les aḫbār al-quḍāt, une littérature peu exploitée jusqu’à présent alors qu’elle regorge de traditions (aḫbār) réelles ou fictives attribuées à des figures sans doute légendaires de la justice du premier siècle de l’Hégire (partie 2) ; le droit impérial sassanide et romain d’Orient, mais aussi les théories juridiques des Juifs et Chrétiens d’Orient, dont un riche matériau de textes syriaques (partie 3).
se donne l’objectif de faire connaître la pensée spirituelle du prince Karim
al-Husseini ou Karim Aga Khan IV, l’actuel imam de la communauté nizarite
ismaélienne. Il promeut également les actions de l’AKDN (Aga Khan
Development Network) en montrant leur adéquation à la philosophie culturelle
et charitable du prince Karim. Ce dernier est décrit comme le représentant
d’un Islam « moderne » lequel dépasse les clivages entre musulmans, mais
aussi ceux entre l’Orient et l’Occident, l’islam et les autres religions, l’islam et la
modernité. Ali Lakhani rédige en fait un livre de propagande à la gloire de l’Aga
Khan IV, un livre sans méthode et dénué de toute analyse critique. Il plaque
ainsi des vérités absolues, fait fi de la littérature savante traitant notamment
de l’éthique (ethic) ou de la croyance (faith) en Islam, et enfin se livre à une
lecture personnelle de la pensée nizarite, celle d’un croyant et d’un admirateur
de l’imam, qu’il généralise à l’ensemble des mouvements ismaéliens.
Hosted by the Institute of Ismaili Studies (London), the Islamic History and Thought Lecture Series is designed to invite scholars of various international academic institutions, specialising in intellectual, social and political aspects of medieval and early modern Islamic societies, to present and discuss their research.
The second lecture of the series will be delivered online by Dr Wissam H. Halawi, and will be followed by a discussion with Dr Fârès Gillon (IIS, London) and Dr Christian Sahner (University of Oxford).
The Druze, from Ismaili Esotericism to the Formation of a Doctrinal School of Law
The Druze dogma was developed in the 5th / 11th century in Cairo during the reign of the sixth Fatimid caliph al-Ḥākim. The founders of this dogma, notably Ḥamza, were Ismaili missionaries who, in their writings known as al-Ḥikma or the Rasāʾil al-Ḥikma, established a new Ismaili Shi'ite doctrine, which parted from the mainstream Fatimid doctrine. Accused of extremism and exaggeration (ghuluww), the Druze movement was then banned from Cairo under the caliphate of al-Ẓāhir, so it only developed in the Syrian mountains. Rural clan leaders in Syria had indeed converted to Druzism during the daʿwa (1017-1043) and continued to pass on their doctrine secretly until the 9th / 15th century. In this talk, Dr Halawi will show how Druzism was in line with Ismaili doctrine at that time, while developing a substantive law influenced by Sunni fiqh and customary law.
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https://www.iis.ac.uk/events/druzes-ismaili-esotericism-formation-doctrinal-school-law
Workshop held at the University of Lausanne
March 18, 2022