L’oxygénation océanique comprend elle aussi un volet physique et biologique. Physique par les échanges atmosphériques avec la dissolution de l’oxygène dans l’océan, puis par son transfert de la surface vers l’océan profond. Biologique car le phytoplancton produit de l’oxygène grâce à la photosynthèse dans la couche de surface éclairée. En descendant vers l’obscurité des profondeurs, la photosynthèse diminue. En conséquence, les eaux de surface contiennent généralement de fortes concentrations d’oxygène. Mais durant la photosynthèse, le phytoplancton va également produire de la matière organique vivante (le phytoplancton, lui-même suivi de la chaîne des brouteurs, le zooplancton, puis des autres prédateurs) et inertes (déjections et carcasses des organismes une fois morts). Ces particules de matière organique vont chuter dans les couches d’eau intermédiaires et profondes et être dégradées et recyclées en nutriments en produisant du CO2, mais en consommant également de l’oxygène, essentiellement par les bactéries. Une autre partie de l’oxygène va être consommée par la respiration des organismes marins lors de l’utilisation de la matière organique pour leur nutrition et rejetant également du CO2.
L’oxygène régule ainsi les grands cycles des éléments nutritifs (azote et phosphore), indispensables au maintien et au développement des écosystèmes océaniques, ainsi que le cycle du carbone et ses mécanismes de séquestration. Lorsque la consommation d’O2 est importante, les eaux peuvent être très appauvries en oxygène : on parle dans ce cas d’hypoxie (il existe différents niveaux de désoxygénation, allant de l’hypoxie à l’anoxie, Ndlr). La teneur en oxygène dissous devient critique, passant sous le seuil de 63 µmol/l (env. 25 % de saturation) et la composition de l’écosystème (poissons, mollusques, invertébrés) commence à être affectée par une mortalité importante.
Dans les zones de haute mer, le changement des concentrations en oxygène, en favorisant le développement de bactéries anaérobies ou semi-anaérobies, modifie également la composition de l’océan. La croissance des bactéries anaérobies, qui ne consomment pas l’oxygène contenu dans les couches d’eau profonde, peut ainsi déclencher le rejet de substances chimiques dangereuses telles que le protoxyde d’azote, ce gaz hilarant étant un gaz à effet de serre jusqu’à 300 fois plus puissant que le dioxyde de carbone (et intervenant dans la destruction de la couche d’ozone stratosphérique qui protège la vie contre les UVB), et le sulfure d’hydrogène, gaz à l’odeur d’œuf pourri très toxique. Si certaines espèces peuvent effectivement prospérer dans ces ” zones mortes ” ou zones minimales d’oxygène (ZMO), il n’en est pas de même pour la biodiversité dans son ensemble.
La désoxygénation dans les zones côtières est, elle, induite par des charges accrues de nutriments et de matière organique – c’est le phénomène d’eutrophisation souvent liées aux activités humaines comme les rejets d’éléments nutritifs et autres effluents. Les algues prolifèrent et lorsqu’elles meurent et se décomposent, consomment énormément d’oxygène. La teneur en oxygène dans ces zones est également influencée par les effets du changement climatique, à l’échelle régionale, à travers les précipitations et les vents. Là où les précipitations augmentent et/ou les vents diminuent, la stratification tend à augmenter, tandis que l’inverse est prévu dans les régions où les précipitations diminuent et/ou les vents s’intensifient.
Pour mettre un terme à ce déclin, il est nécessaire de s’attaquer aux causes : en réduisant de façon drastique les émissions de gaz à effet de serre et l’utilisation d’engrais agricoles. Pour prévenir les impacts de cette désoxygénation, il est également nécessaire d’améliorer la surveillance des teneurs en oxygène à travers le monde, facteur permettant de refléter l’état de santé des écosystèmes. Enfin, favoriser la création d’aires marines protégées ou de zones de pêche interdite précisément dans les zones où la faune se réfugie pour échapper à la baisse d’oxygène dans son habitat d’origine.