Méthode et système pour l'extension de la mobilité d'un véhicule
La présente invention concerne les pneumatiques et la liaison au sol des véhicules automobiles, en particulier les dispositifs de suspension, et plus particulièrement la répartition de la charge sur les roues.
Les pneumatiques pour véhicules sont conçus pour un fonctionnement normal sous pression interne d'un gaz, généralement d'air. Cependant, il arrive qu'à la suite d'une perte de pression, ils soient amenés à fonctionner à pression réduite, voire nulle. Dans le cas d'un pneumatique conventionnel, un fonctionnement à pression réduite ou nulle a principalement deux conséquences. La première conséquence est le fait que le véhicule devient difficile à diriger, inconfortable ou instable. La seconde conséquence est l'endornmagement irréversible du pneumatique, celui-ci devenant rapidement irréparable, parfois après seulement quelques dizaines de mètres parcourus.
On connaît des pneumatiques ou des systèmes pour véhicules de tourisme qui sont capables de fonctionner à pression réduite ou nulle dans le but de garantir ou d'étendre la mobilité du véhicule par rapport au pneumatique conventionnel par exemple après une crevaison. Ces pneumatiques ou systèmes sont communément appelés "run flat" du fait qu'ils sont capables de rouler lorsqu'ils sont à plat. Un des concepts permettant cette performance est basé sur une rigidité importante des flancs qui peuvent alors travailler en compression radiale et supporter la bande de roulement. Ce concept est connu sous l'appellation "ZP" (Zéro Pressure). Le brevet US 5968294 décrit un tel pneumatique. Un autre concept (voir les brevets US 6092575 et US6418992) utilise un appui placé à l'intérieur du pneumatique afin de limiter la flèche. Le système proposé commercialement sous la marque "Pax System" est un exemple de mise en oeuvre de ce concept. Ces types de solutions permettent de parcourir après une crevaison une distance importante, par exemple 200 km, à une vitesse limité, par exemple 80 km/h. Ceci permet à l'utilisateur du véhicule de continuer son voyage normalement et d'effectuer la réparation ultérieurement alors qu'un pneumatique conventionnel qui connaît une crevaison doit être changé immédiatement afin d'éviter qu'il subisse des dommages irrémédiables. La mobilité du véhicule se trouve donc largement étendue.
Un des buts de l'invention est de permettre d'étendre encore la mobilité des véhicules en particulier celle des véhicules équipés de pneumatiques "run flat" pour leur permettre de parcourir une plus grande distance (par exemple 500, voire 1000 km), et/ou de rouler à une vitesse plus élevée (par exemple 100, 110 ou 120 km/h) sans nécessairement modifier le pneumatique, l'ensemble monté
ou le système (pneumatique, roue, et appui le cas échéant). Un autre but de l'invention est de permettre de conserver les performances actuelles des "run flat" en terme de mobilité tout en améliorant d'autres performances comme par exemple le confort, le bruit, la résistance au roulement en remettant en cause le compromis actuel de conception des pneumatiques "run flat".
Ces buts sont atteints par la méthode de l'invention qui consiste à réduire sensiblement la charge portée par une roue d'un véhicule lorsque le pneumatique de cette roue a une pression anormalement faible.
La figure 1 montre un exemple de répartition de la charge sur les quatre roues d'un véhicule. La charge totale, correspondant à la masse du véhicule en ordre de marche, est par exemple de 1600 DaN. Cette charge est ici répartie à parts égales sur les quatre roues, c'est à dire que, sur un sol plat, chaque roue porte 400 DaN. On appelle "diagonale" une paire de roues diagonalement opposées. L'ensemble constitué de la roue avant gauche (ANG) et de la roue arrière droite (ARD) constitue la diagonale ANG-ARD et l'ensemble constitué de la roue avant droite (AVD) et de la roue arrière gauche (ARG) constitue la diagonale AND-ARG. Sur cet exemple, chaque diagonale porte 800 DaΝ. Ceci correspond au cas "idéal" où le sol est plat et le système de suspension du véhicule est correctement réglé.
Si au contraire l'une des roues porte une charge supérieure parce qu'elle repose sur une bosse du sol ou parce que le ressort de suspension de cette roue est soumis à une plus forte précontrainte (par exemple à la suite d'un mauvais réglage), la répartition sera différente. Prenons pour exemple (représenté à la figure 2) le même véhicule que celui de la figure 1 mais dont la roue avant gauche (ANG) porte maintenant 500 DaΝ. L'équilibre transversal et longitudinal du véhicule (dont la charge totale reste inchangée) ne sera alors possible que si la roue arrière droite (ARD) porte également 500 DaΝ et les roues arrière gauche (ARG) et avant droite (AVD) portent chacune 300 DaΝ. Ainsi, la diagonale AVG-ARD porte 1000 DaΝ et la diagonale AVD-ARG porte 600 DaΝ. Les diagonales ne sont plus équilibrées l'une par rapport à l'autre mais le véhicule est globalement en équilibre.
Cet exemple simplifié permet d'illustrer clairement le fait que, pour une masse et une répartition de masse données, si la charge d'une roue augmente, la charge de l'autre roue de la diagonale correspondante augmente également et la charge des roues de l'autre diagonale diminue. Naturellement, à l'inverse, lorsque la charge d'une roue diminue, la charge de l'autre roue de la
diagonale correspondante diminue également alors que la charge des roues de l'autre diagonale augmente. L'invention propose donc d'utiliser un déséquilibre provoqué des diagonales pour réduire sensiblement la charge de la roue blessée (c'est à dire la roue comportant le pneumatique dont la pression est insuffisante).
De préférence, la méthode de l'invention consiste à agir à la fois sur les deux roues d'une diagonale et de préférence encore sur les deux roues de la diagonale dont les pneumatiques sont à pression normale de sorte que la diagonale blessée soit très déchargée par rapport à la diagonale saine. En agissant sur deux roues simultanément, on peut obtenir une réduction plus importante de la charge portée par la roue blessée tout en limitant le roulis statique du véhicule.
Un grand nombre de modes de réalisation de l'invention est envisageable. Par exemple, sur des véhicules équipés d'une suspension au moins semi -active, c'est à dire d'une suspension permettant une modification, un contrôle ou un réglage de l'effort vertical transmis entre la roue et la caisse, la méthode consiste à utiliser la suspension pour réduire la charge de la roue blessée de façon durable ou seulement épisodique, par exemple en faisant varier la raideur ou la précontrainte des ressorts de suspension (par exemple pneumatiques) et/ou l'amortissement. On entend par "réduction épisodique" une réduction qui n'est pas permanente pendant toute la durée de roulage de la roue blessée. Une réduction épisodique peut par exemple permettre de réduire la charge moyenne et/ou de limiter les pics de charge.
Un exemple de système de suspension semi-active préféré est le système hydro-pneumatique (utilisé par exemple sur certains modèles de véhicules de la marque Citroën) dans lequel on peut modifier la quantité d'huile pour faire varier la hauteur de suspension.
Un autre exemple est celui des suspension pneumatiques dans lesquelles, le ressort de suspension étant pneumatique, on peut modifier la quantité de gaz ou le volume de la chambre pour gérer la hauteur et/ou l'effort transmis.
Une autre façon de mettre en œuvre la méthode de l'invention consiste à intervenir par l'intermédiaire d'un dispositif anti-roulis sur la répartition de charge gauche-droite d'un essieu et de préférence sur la répartition de charge gauche-droite de l'essieu sain (c'est à dire l'essieu ne comportant pas la roue blessée).
Une autre façon préférée de mettre en œuvre la méthode de l'invention consiste à intervenir par l'intermédiaire d'un dispositif anti-roulis à la fois sur la répartition de charge gauche-droite de l'essieu blessé et, en même temps, de la même manière mais à l'inverse sur la répartition de charge gauche-droite de l'essieu sain.
De préférence encore, la méthode de l'invention consiste à intervenir par l'intermédiaire d'un dispositif anti-roulis actif. Un exemple de dispositif anti-roulis actif préféré est décrit dans la demande WO 99/67100. Ce document concerne un vérin rotatif contrôlant le couple anti-roulis dans la traverse. Alternativement, la variation de couple dans la traverse anti-roulis peut être commandée par l'intermédiaire d'une variation de la longueur de l'une des biellettes reliant la traverse aux éléments mobiles de la suspension. Par exemple, cette longueur peut être modifiée par un système télescopique à vis et moteur électrique.
De nombreux véhicules actuels sont équipés d'un dispositif qui intervient sur la relation entre l'effort vertical et le débattement des roues d'un essieu (en général l'essieu arrière) afin de corriger l'assiette du véhicule. Un tel dispositif est communément désigné "correcteur d'assiette". Le plus souvent, les correcteurs d'assiette comportent un actionneur pour chaque coté de l'essieu, les deux actionneurs étant contrôlés par un moyen unique. Une autre façon de mettre en œuvre la méthode de l'invention consiste, le véhicule étant équipé d'un correcteur d'assiette comportant des actionneurs indépendants pour chaque côté du véhicule, à intervenir sur la répartition de charge par l'intermédiaire de ces actionneurs. On peut de cette façon soit décharger directement la roue blessée (en agissant par l'intermédiaire de l'actionneur correspondant à cette roue) soit décharger indirectement la roue blessée en déchargeant la roue opposée de l'essieu sein, ce qui décharge la diagonale blessée. Décharger une roue par l'intermédiaire d'un correcteur d'assiette peut consister de préférence à "relever" la caisse par l'intermédiaire de la roue opposé du même essieu et/ou par l'intermédiaire de la roue du même côté de l'autre essieu. Mais cela peut consister également à "abaisser" la caisse au niveau de la roue blessée ou de l'autre roue de la même diagonale. "Relever" la caisse consiste généralement à augmenter la précontrainte d'un ressort (par exemple la pression d'un ressort pneumatique ) alors que "abaisser" la caisse consiste généralement à réduire la précontrainte du ressort. Utiliser l'une ou l'autre solution peut avoir pratiquement le même effet sur la variation de charge mais a un effet tout à fait différent sur l'assiette du véhicule.
La variation de charge recherché peut également être obtenue par l'intermédiaire d'un mécanisme à vis disposé en série avec le ressort de suspension et commandé par exemple par un moteur
électrique. Alternativement, des vérins hydrauliques peuvent remplacer le mécanisme à vis et son moteur par exemple selon le principe du système "Active Body Control" utilisé sur des véhicules commercialisés sous la marque Mercedes.
Encore une autre façon de mettre en œuvre la méthode de l'invention consiste à empêcher la suspension d'au moins l'une des roues de la diagonale blessée de se détendre normalement. Pour cela on peut, par exemple, mettre en œuvre un dispositif mécanique simple comme une butée de détente escamotable qui n'entre en action qu'en cas de crevaison. Cette fonction peut également être intégrée dans l'amortisseur dans lequel le débit hydraulique est bloqué ou réduit en détente. On obtient de cette manière une réduction au moins épisodique de la charge. Inversement, en réduisant (voire en supprimant) l'effort d'amortissement en compression, on peut obtenir une réduction intéressante des pics de charge et aussi de la charge moyenne pendant la durée du roulage à plat.
Une autre façon de mettre en œuvre la méthode de l'invention consiste à prévoir un système de cliquet (qui n'est mis en action qu'en cas de crevaison) et qui vient maintenir une contrainte dans la suspension, en profitant du fait que cette contrainte a été générée ponctuellement dans la suspension pendant le roulage à plat (par exemple du fait du roulis ou d'un débattement vertical quelconque). On peut dire que le système profite d'un débattement important qui suit la détection d'une pression insuffisante pour limiter le retour en détente et ainsi maintenir la roue déchargée. De préférence, un tel système peut agir par l'intermédiaire du dispositif anti-roulis. Un avantage d'un tel système est qu'il utilise les efforts et l'énergie de la liaison au sol pour un fonctionnement passif.
On peut également modifier une raideur dans la suspension par la mise en série (réduction de la raideur) ou en parallèle (augmentation de la raideur) d'un ressort supplémentaire (sans apport d'énergie).
Encore une autre façon de mettre en œuvre la méthode de l'invention consiste au contraire à apporter de l'énergie pendant un court instant pour modifier l'équilibre du véhicule. On peut utiliser pour cela un système dédié comme un élément pyrotechnique par exemple destiné à allonger durablement l'une des bielles de la liaison anti-roulis, une cartouche de gaz dans l'amortisseur qui modifie l'équilibre ou la libération d'un ressort supplémentaire (agissant par exemple sur une bielle du système anti-roulis).
On a constaté que, de façon surprenante, une réduction de 10 % de la charge pouvait permettre une augmentation très intéressante de la mobilité, par exemple bien supérieure à 10 % pour le critère de distance ou de vitesse maximale admissible.
L'invention concerne également un système pour la mise en œuvre de la méthode de l'invention. Le système de l'invention comprend des moyens de détection de l'état de sous-gonflage d'un pneumatique du véhicule et des moyens (tels que ceux décrits plus haut) permettant de réduire la charge portée par ledit pneumatique, la réduction de la charge étant déclenchée par la détection du sous-gonflage.
L'invention concerne également un véhicule équipé du système selon l'invention
L'invention peut également permettre de donner à des pneumatiques conventionnels une certaine extension de mobilité par exemple en permettant au véhicule de rouler avec une roue à pression nulle sur quelques kilomètres à vitesse réduite pour atteindre une zone sécurisée où la réparation ou le remplacement du pneumatique pourra être fait sans problème. Ainsi, la mobilité quasi-nulle offerte par un pneumatique conventionnel est largement étendue.