La présente invention concerne un procédé de traitement d'un matériau
comportant de la laine destiné à éliminer ou à tout le moins réduire de
manière importante la capacité de feutrage de la laine.
On désigne sous le terme feutrage l'enchevêtrement des fibres
de laine ou d'autres poils d'animaux que l'on observe sous l'effet
d'une action mécanique en milieu chaud et humide. Lorsque les fibres
se présentent sous la forme d'une nappe, on obtient par feutrage la
formation d'un feutre qui est une nappe compacte et uniformisée
desdites fibres.
Cette capacité d'enchevêtrement des fibres de laine est
attribuée à la structure en forme d'écailles de la cuticule qui constitue
l'enveloppe extérieure de la fibre de laine. C'est la surface écailleuse
de la laine qui conduit à des propriétés frictionnelles différentes selon
le sens de la fibre (sens pointe - racine ou inversement) qui elles-mêmes
génèrent la migration des fibres de laine et donc leur
enchevêtrement.
En dehors de la production du feutre, la capacité de feutrage
de la laine constitue souvent un inconvénient que l'on cherche à
éliminer ou au moins à réduire.
On a déjà proposé des traitements anti-feutrage (ou
d'infeutrabilité) de la laine, traitements qui ont pour effet de réduire
ou de recouvrir la structure écailleuse de la laine ou encore
d'empêcher le mouvement des fibres les unes par rapport aux autres.
Dans le premier cas il s'agit généralement de traitements par attaque
chimique de la cuticule. Dans le second cas il s'agit de lier
mécaniquement les fibres par des résines ou par des points de
soudage.
En ce qui concerne l'attaque chimique , les procédés mis en
oeuvre visent à obtenir l'oxydation de la cuticule . Ceci peut être
réalisé par une première étape de chloration suivie d'une seconde
étape mettant en oeuvre un acide du type manganate ou
peroxysulfurique.
Il est également possible de combiner les deux approches en
réalisant une chloration douce suivie d'un traitement avec une résine
polyamide-épichlorhydrine. Selon une autre variante d'un procédé
d'oxydation de la cuticule, on réalise un prétraitement avec des ions
métalliques lourds, un traitement avec une solution saturée d'un sel
d'acide fort d'hypochlorite suivi d'un traitement avec un sulfite puis
d'une stabilisation avec la formaldéhyde.
Ces traitements de la cuticule sont particulièrement agressifs et
mettent en oeuvre des composants qui s'avèrent dangereux pour
l'environnement. Il est donc souhaitable de trouver d'autres types de
traitements anti-feutrage des matériaux comportant de la laine.
Le procédé proposé dans le cadre de la présente invention
comprend une étape d'imprégnation du matériau par de l'ammoniac
liquide suivie d'une étape d'élimination de l'ammoniac liquide par
lavage à l'eau.
Certes un tel traitement à l'ammoniac liquide est déjà connu
dans le domaine des fibres cellulosiques , notamment du coton, en
vue d'améliorer certaines de leurs propriétés , notamment leur
résistance dynamométrique, leur défroissabilité et leur affinité
tinctoriale. Les effets d'un tel traitement sont similaires à ceux obtenus
lors du mercerisage du coton. Certes dans le document FR.2.175.582
on a déjà proposé d'appliquer un traitement à l'ammoniac liquide sur
des fibres polypeptidiques et notamment sur la laine . Mais le
traitement en question met en oeuvre des conditions opératoires
particulières et totalement différentes de celles utilisées pour les fibres
cellulosiques. Les fibres sont immergées dans un bain d'ammoniac
liquide puis l'ammoniac est éliminé par séchage des fibres en l'absence
d'eau. Le temps d'imprégnation est un temps long, prenant plusieurs
minutes jusqu'à plusieurs heures. L'imprégnation se fait sans tension
et l'évaporation de l'ammoniac se fait en l'absence d'eau sous une
tension faible ou nulle.
Dans ce document FR.2.175.582, il est stipulé que grâce aux
conditions opératoires, différentes de celles mises en oeuvre pour les
fibres cellulosiques, on peut obtenir des fibres polypeptidiques
améliorées, notamment par un gonflant important des fils ou articles
finis , sans aucun brillant . Enfin il est fait mention dans ce document
que ce traitement réduit l'infeutrabilité des articles et les rend
irrétrécissables au lavage.
Or les essais réalisés par le demandeur ont montré que la mise
en oeuvre d'un traitement à l'ammoniac liquide dans les conditions
stipulées par le document FR.2.175.582 n'apportait aucune propriété
d'infeutrabilité aux fibres de laine. C'est au contraire le mérite du
demandeur que d'avoir fait ressortir que pour obtenir l'infeutrabilité
des articles à base de fibres de laine il fallait mettre en oeuvre non pas
les conditions opératoires prévues dans le document FR.2.175.582 mais
bien celles qui étaient déjà mises en oeuvre, sous certaines conditions,
pour les fibres cellulosiques , sachant que lesdites fibres cellulosiques
ne présentent aucun caractère de feutrage.
De préférence , le procédé de l'invention comporte une
opération préalable au lavage à l'eau pour l'élimination partielle de
l'ammoniac liquide, par exemple par évaporation ou par essorage.
Lors de l'étape d'imprégnation , le temps d'imprégnation du
matériau par l'ammoniac liquide est compris entre 3 et 60 secondes.
De préférence l'étape d'imprégnation - et éventuellement
l'étape d'élimination de l'ammoniac liquide - est réalisée alors que le
matériau est sous tension, notamment une tension comprise enter 0,5
et 3,5 N/cm et couramment de l'ordre de 2N/cm.
La présente invention sera mieux comprise à la lecture de la
description qui va être faite d'un exemple de traitement d'un tissu à
base de fibres de laine illustré par le dessin annexé dans lequel la
figure 3 est une représentation schématique d'une installation de
traitement.
L'installation 1 de traitement à l'ammoniac liquide qui est
illustrée sur la figure est conforme à l'enseignement du document BE-A-1009874.
Bien sûr , le même traitement conforme à l'invention
pourrait être mis en oeuvre dans des installations différentes,
notamment conformes à l'enseignement des documents
FR.A.2.238.006 et FR.A.2.121.866.
N'apparaissent pas sur la figure annexée les circuits extérieurs à
l'installation proprement dite qui concernent l'alimentation et le
recyclage de l'ammoniac liquide, circuits qui ne présentent pas
d'intérêt dans le cadre du procédé de la présente invention.
L'installation 1 est destinée au traitement en continu d'un
matériau comprenant des fibres de laine, matériau se présentant sous
une forme elle-même continue , telle qu'un tissu, un tricot, un fil ou
une nappe de fils.
L'installation 1 comporte successivement dans le sens de
déplacement du matériau 2 :
a) un sas d'entrée 3, b) une première cuve 4 contenant l'ammoniac liquide 5, c) une seconde cuve 6 contenant l'eau de lavage 7, d) un sas de sortie 8 contenant également de l'eau et, e) un séchoir 9.
A l'intérieur de l'installation 1 , le matériau 2 est guidé par des
rouleaux de guidage 12 pour effectuer le parcours qui va être décrit
ci-après.
Le matériau 2 pénètre dans l'installation 1 par le sas d'entrée 3,
plonge dans le bain d'ammoniac liquide 5 contenu dans la première
cuve 4, est essoré par tout moyen d'essorage 10 notamment un
essorage pneumatique ou mécanique, passe sur des cylindres
chauffants 11, plonge dans l'eau 7 contenue dans la seconde cuve 6
et sort de ladite seconde cuve par le sas de sortie 8 avant d'être séché
dans le séchoir 9.
Le dispositif d'essorage 10 et les cylindres chauffants 11 ont
pour fonction d'éliminer en partie l'ammoniac liquide emporté par le
matériau 2 après son séjour dans le bain d'imprégnation 5.
Le réglage des vitesses de rotation des différents rouleaux de
guidage 12 et des cylindres chauffants 11 permet d'ajuster la tension
exercée sur le matériau pendant son déplacement dans l'installation,
tension qui est exercée de préférence pendant l'étape d'imprégnation
et éventuellement pendant l'étape d'élimination de l'ammoniac
liquide, notamment le lavage. Plus précisément, on peut employer un
dispositif approprié de réglage de cette tension, par exemple avec
jauges de contrainte placées sur les paliers des cylindres 12, lesquelles
jauges commandent la vitesse desdits cylindres et maintiennent la
tension à la valeur de consigne préalablement fixée, notamment entre
0 et 3,5 N/cm.
Le traitement du matériau 2 comprenant des fibres de laine a
pour objet principal de rendre ledit matériau infeutrable. Il peut bien
sûr s'agir d'un matériau composé exclusivement de fibres de laine mais
également d'un matériau en mélange avec d'autres fibres naturelles
ou synthétiques.
Le caractère d'infeutrabilité recherché résulte de l'action de
l'ammoniac liquide sur les fibres de laine , de l'élimination totale de
cet ammoniac par un lavage dans l'eau , précédé ou non par un
essorage ou une évaporation . Suivant le type de matériau et les
propriétés recherchées, les meilleurs résultats ont été obtenus avec un
temps d'imprégnation compris entre 3 à 60 s. Ce temps
d'imprégnation peut être réglé en faisant varier la vitesse de
déplacement du matériau dans l'installation et également en réglant
la distance parcourue par le matériau dans le bain 5 d'ammoniac
liquide.
La tension du matériau, calculée sur la largeur du matériau,
pendant les étapes d'imprégnation et de lavage est comprise entre 0
et 3,5 N/cm. L'eau de lavage 7 est alimentée à contre-courant depuis le
sas de sortie 8, avec une température qui peut passer progressivement
de 20 à 95° C depuis la seconde cuve 6 jusqu'au sas de sortie 8.
Exemple N° 1
Le matériau 2 était un tissu de laine faisant 190g/m
2. Le temps
d'imprégnation était de 30s. La tension exercée pendant les étapes
d'imprégnation et de lavage était de t=ON/cm. La température de
l'eau de lavage 7 dans le sas de sortie 8 était de 80°C. Le tableau ci-dessous
montre les résultats obtenus en ce qui concerne le retrait et
l'indice de feutrage après 5 lavages avec cycle coton à 60°C pendant
110 minutes ; comparativement pour le matériau non traité et pour le
matériau traité selon le présent exemple.
Après 5 lavages à 60°C pendant 110 minutes |
Retrait après 5 lavages | Non traité | Traité |
Longueur | - 25 % | -12% |
Largeur | - 24 % | -9% |
Indice de feutrage * | 4 | 0 |
(*) 0 : pas de feutrage 5 : fortement feutré |
Les figures 1 et 2 sont des représentations au microscope
électronique en grossissement x 20 de la surface de deux échantillons
de matériau du premier exemple non traité (figure 1) et traité (figure
2).
Le tissu non traité (figure 1) présente une surface très peu
ordonnée typique d'un feutrage. Les fibres s'entremêlent les unes aux
autres et on ne distingue même plus un quelconque tissage. Beaucoup
de fibres se trouvent en dehors du plan du tissu .
Pour le tissu traité (figure 2), le tissage reste visible et
relativement ordonné après lavages. Ceci prouve que l'aspect du neuf
est nettement plus conservé après lavage pour le traité que pour le
non traité.
Exemple N°2
Le matériau 2 était le même tissu traité dans les mêmes
conditions que dans l'exemple N°1 mais avec une tension de t=2N/cm.
Le tableau ci-après montre les résultats obtenus en ce qui
concerne le retrait et l'indice de feutrage après 25 lavages avec cycle
coton à 60°C pendant 80 minutes.
Après 25 lavages à 60°C pendant 80 minutes |
Retrait après 25 lavages | Non traité | Traité |
longueur | - 29 % | - 21 % |
largeur | - 28 % | - 9 % |
Indice de feutrage | 5 | 2 |
Exemple N°3
Le matériau 2 était un tissu de laine faisant 208g/m
2. Le temps
d'imprégnation était de 30s. La tension exercée sur le tissu pendant
les étapes d'imprégnation et de lavage était de t=ON/cm. La
température de l'eau de lavage 7 dans le sas de sortie 8 était de 80°C.
Après 25 lavages à 60°C pendant 80 minutes |
Retrait après 25 lavages | Non traité | Traité |
Longueur | - 32% | - 6 % |
Largeur | - 32% | - 6% |
Indice de feutrage | 5 | 0 |
Exemple N°4
Le matériau 2 était un tissu de 158g/m2. Le temps
d'imprégnation était de 36s. La tension exercée sur le tissu pendant les
étapes d'imprégnation et de lavage était de t = 2 et ON/cm. La
température de l'eau de lavage 7 dans le sas de sortie 8 était de 80°C.
Le tableau ci-dessous montre les résultats concernant le retrait
et l'indice de feutrage après 7 lavages cycle coton à 60°C pendant 80
minutes, pour chacune des deux tensions.
Après 7 lavages à 60°C pendant 80 minutes |
Retrait après 7 lavages | Non traité | Traité t=2N/cm | Traité t=ON/cm |
Longueur | - 23% | - 23% | - 19% |
Largeur | - 28% | - 9% | - 22% |
Indice de feutrage | 4 | 2 | 3 |
Exemple N°5
Le matériau était deux tissus de 272g/m
2 et 158 g/m
2. Le temps
d'imprégnation était de 36s. La tension exercée sur le tissu était de 2
et ON/cm pendant les étapes d'imprégnation et de lavage . La
température de lavage 7 dans le sas de sortie 8 était de 80°C. Le
tableau ci-dessous montre les résultats au niveau résistance à
l'abrasion et allongement à la rupture.
| 158g/m2 | 272g/m2 |
| Non traité | T=2N/cm | T=ON/cm | Non traité | T=2N/cm | T=ON/cm |
Résistance à l'abrasion | 12700 | 25000 | 23500 | 44200 | 96200 | 76200 |
Allong. à la rupture en | 35,5 | 35,8 | 36,4 | 25 | 27,7 | 27,7 |
Les deux tissus des exemples 1 et 2 ont été teints avec un
colorant réactif en rouge et vert. Selon les coloris , le rendement
tinctorial est amélioré de l'ordre de 10 à 15 % après traitement sous 0
et 2N/cm de tension.
Il a également été remarqué qu'en plus des propriétés
d'infeutrabilité , le traitement de l'invention améliorait le toucher du
tissu, augmentait sa stabilité au lavage , son affinité tinctoriale, sa
résistance à l'abrasion , son élasticité à la rupture , sa capacité
d'isolation thermique et conservait à la fibre de laine son état neuf
après lavage .
Le procédé qui vient d'être décrit est un procédé continu que
l'on peut mettre en oeuvre avec un matériau se présentant sous la
forme d'un tissu, un tricot, un non-tissé, un fil ou mieux une nappe
de fils. Ce procédé n'est pas exclusif de l'invention. Il peut également
s'agir d'un procédé discontinu , en particulier sur un matériau se
présentant sous la forme de bobines de fil ou d'articles confectionnés.