Ulrich Metende
I hold a Ph.D in philosophy from the University of Yaoundé I (Cameroon) and an Erasmus Mundus Europhilosophy graduate from the universities of Toulouse Jean Jaurès (France) and Uclouvain (Belgium). I currently work for the French and Francophone Studies program in the Department of French and Italian at Indiana University Bloomington. My work touches various fields, more mainly postcolonial thought in the French-speaking world, critical studies of race, epistemologies of the South, African and Afrodiasporic philosophy, political and social philosophy and bioeconomy.
Supervisors: Jacques Chatué, Aline Wiame and Alison Calhoun
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À travers une incursion au sein de l’histoire de la pensée sociale et politique et des pratiques technoscientifiques dans les perceptions qu’elles ont du corps humain, suivant une approche méthodologique alliant à la fois l’analyse critique, l’analyse anthropologique et tout un ensemble de considérations scientifiques sur la marchandisation du corps et les transformations corporelles qui sont bien cartographiées, les réflexions présentées ici visent à comprendre comment l’exploitation du corps a pu s’ériger en matrice de l’existence avec comme corollaire la production d’une économie du vivant globalisée.
La critique de la bioéconomie opérée par Céline Lafontaine constitue à cet effet le point de départ de nos analyses. Les ramifications qu’elle construit entre la bioéconomie, la cybernétique et la postmortalité nous ont permis de mieux cerner notre objet ainsi que ses enjeux. Mais, nous avons également dialogué avec l’histoire des idées en convoquant un certain nombre de penseur(e)s, notamment ceux de la postmodernité, du trans/posthumanisme, mais aussi les théoriciens de l’humanisme de l’altérité et des philosophies de la corporéité. Cette thèse offre ainsi une généalogie synthétique de la société techno-biocapitaliste dans laquelle nous entrons progressivement au regard de l’inéluctabilité des transformations sociales, technoscientifiques et politiques qui innervent. C’est pourquoi à la fin, la nécessité s’est imposée de penser à nouveaux frais la place et le rôle de la philosophie politique dans ce nouvel âge du vivant à partir de la perspective d’un égalitarisme bio-centrique.
Mots clés: Anthropo-relationnalité, Bioéconomie, Corps, Égalitarisme bio-centrique, Philosophie du sujet.
The Biological matter of the body has throughout the years, become an object of economic value, on the one hand; and on the other hand, of innovative interventions through the use of new biomedical technologies. This thesis sets out therefore to question the logic and operational methods of this bio economy component, which concerns the human body and which in effect, diminishes modern democracy under the aegis of a soaring individualism, which is shaping a society that consumes, deconstructs and exploits the living. In this society moulded body and soul by instrumental rationality resulting from despotic anthropocentrism, which not only produces a depoliticized economic and political economic model, but also a transformation of life itself which now has a price and is represented through this bio-valuation.
This work delved into the history of social and political thought and explored the perceptions techno scientific practices have of the human body. The methodological approach that was used combines critical analysis, anthropological analysis and a whole batch of well-mapped scientific considerations on the merchandising of the body and body transformations. Ensuing reflections presented herein, aim at understanding how the exploitation of the body came to be a matrix of existence resulting in the production of a globalized economy.
The criticism of bio-economy by Celine Lafontaine was in fact, the starting point of our analyses. The ramifications she brings up between bio-economy, cybernetics and post mortality enabled us better work out our objective as well as its stakes. However, we also explored the history of ideas by summoning a number of thinkers, notably, postmodernists, trans/post humanists and theoreticians of humanism of the otherness and philosophies of the body. This thesis thus offers a synthetic genealogy of the techno-bio capitalist society into which we are gradually entering, given the inevitable innervating social, techno scientific and political transformations. In the end, there is the pressing need to think afresh about the place and role of political philosophy in this new age of the living, from the perspective of bio-centric egalitarianism.
Keywords: Anthropology relationality, Bio-economy, Body, Bio-centric egalitarianism, Philosophy of subject.
meilleure prise en considération de l’humain et du
monde commun dans le monde actuel qui tend vers
l’inhumain par le transhumain et le posthumain ? Un
contrat social faisant de la promotion d’un monde
habitable un devoir éthique et un impératif
politique373 ne doit-il pas en urgence voir le jour ?
Ulrich Aurélien METENDE
Cette interrogation que nous mettons en exergue de notre texte sert
de fil conducteur, de ligne directrice à notre réflexion axée sur la prise
en compte de « l’humanité du malade », de l’humanité de la personne
vulnérable374. Cette réflexion s’inscrit aussi dans le sillage des deux
livres récents et tout à fait remarquables de Yuval Noah Harari :
Sapiens. Une brève histoire de l’humanité, et Homo deus. Une brève
histoire de l’avenir. L’auteur retrace dans le premier, de manière
diachronique, l’histoire de l’humanité375 avant de s’interroger dans le
deuxième sur son avenir376. L’extraordinaire évolution de l’espèce
humaine nous permet de comprendre, selon l’auteur, que l’aventure
humaine sur terre peut s’écrire globalement en deux phases : la première marque symboliquement l’invention de l’idée de Dieu par
l’homme et la seconde, qui constitue un tournant décisif, hisse l’homme
au rang des dieux377. Les progrès observés aujourd’hui au niveau des
technosciences, des biotechnologies et plus spécifiquement de la
médecine moderne confortent cette idée de l’ère de « l’homme-dieu »,
idée que l’on retrouve aussi chez Luc Ferry. En voulant se défaire des
emprises du déterminisme naturel pour devenir maître de son destin par
l’expression de la liberté, par l’innovation et par la créativité, l’homme
s’est lancé dans une conquête de la nature et de l’espace, mais aussi et
surtout dans celle de l’homme lui-même. Dans ce contexte, de
nouvelles pratiques médicales sont apparues, et elles amènent sans
cesse à une interrogation nécessaire sur le statut de la personne malade
face aux impératifs sociaux qui imposent désormais à la pratique
médicale de rechercher non plus seulement la santé, mais la sur-santé :
cette nouvelle pratique médicale fait de la médecine un simple maillon
du circuit et de la chaîne de production des biens et des services.
l’humanité va subir une révolution radicale », il ne souhaite pas a priori
tirer sur une sonnette d’alarme, encore moins instaurer en nous un
climat de peur, de tension, qui nous empêcherait d’agir sur le réel. En
fait, à travers ses deux livres, en l’occurrence Sapiens. Une brève
histoire de l’humanité et Homos deus. Une brève histoire du futur, il
retrace le parcours de notre espèce en dégageant au passage les forces
et les faiblesses de cette trajectoire historique qui au fil des siècles,
rythmée par des progrès vertigineux dans les domaines de la science et
des technologies, laisse entrevoir un monde au sein duquel les hommes
se hisseraient au rang des dieux.
Cette démarche, aussi innovante nous semble-t-elle, offre un cadre
d’analyse en vue de la compréhension des enjeux de l’humanité de
l’avenir qui est déjà en devenir. Yuval Noah Harari évoque ainsi
l’avènement d’un nouvel ordre humain qui marque le réveil de
l’humanité de son sommeil dogmatique, mythologique et imaginaire.
Le fait pour l’homme d’avoir acquis de nouvelles connaissances dans
des domaines aussi variés que la biologie, l’industrie, l’aéronautique,
l’informatique et bien d’autres lui confère un pouvoir quasi-absolu sur
la nature afin d’en être le maître et le possesseur. Lorsque nous parlons
de la nature, il faut bien comprendre que celle-ci est double ; à la fois la
nature humaine, mais aussi notre environnement/cadre de vie/cosmos.
Mots-clés : Bio-centrisme, Bioéconomie, Biopolitique, Technomédecine, Transhumanisme.
d’une manipulation de la totalité du vivant, inaugure une
nouvelle ère au cours de laquelle il sera plus que jamais
difficile de maintenir les rapports entre l’homme et
l’animal, tel que cela a été théorisé depuis l’Antiquité. Les
principes sur lesquels ont été construites les différences
anthropologiques seront sans doute remis en question à
partir de cette perspective inédite. Malgré de nombreuses
critiques essuyées, la tâche de la philosophie demeure
importante, car lorsqu’elle traite de la question animale,
nous nous rendons tout de suite compte que « les contenus
descriptifs (ontologiques ou scientifiques) et les énoncés
normatifs (religieux, moraux, juridiques, voire logiques)
paraissent indissociables. »2
En parlant de l’animal, il y a
1
Doctorant/Université de Yaoundé-I/ulrichmetende@gmail.com
2
Élisabeth Fontenay (de), Le silence des bêtes. La philosophie à
l’épreuve de l’animalité, Paris, Fayard, Coll. « Essais », 1998, p. 18.
108
toujours une référence aux considérations théologiques,
économiques, eschatologiques et épistémologiques qui
entretiennent un rapport très étroit, au point où leur
dissociation ne produirait rien de philosophiquement
pertinent. Dans cette perspective, Élisabeth de Fontenay
souligne qu’il « s’y mêlent inextricablement l’interrogation
ou le refus de toute interrogation sur les statuts ontologiques
respectifs de l’animal et de l’homme, les usages plus ou
moins réfléchis de la domestication, de l’élevage, de la
chasse. »3
Le seul cadre qu’offre cette réflexion, ne suffirait pas
pour retracer l’histoire des représentations entre l’homme et
l’animal, d’autant plus qu’elle paraît très complexe au
regard de la nature des débats autour de cette question.
Mais, en l’esquissant, nous remarquerons que chaque page
de la réflexion philosophique sur l’animal s’oriente vers
deux directions comme le souligne Dominique Lestel. Il est
question soit de « caractériser l’animal comme une machine
ou, au contraire, comme un animal souffrant. »4
Peu
importe l’axe que nous empruntons, la question animale
demeure polysémique et protéiforme avec une imbrication
des problématiques hétérogènes.
L’économie des pensées, l’ordre des systèmes, et même
l’écriture et le ton des penseur(e)s, nous évitent d’ailleurs
une dispersion et une navigation à vue, car « ce dont on
s’occupe ici n’existe que pour nous autres hommes,
relativement à nous, à nos singularités culturelles et
idiosyncratiques, [...]. C’est à l’horizon de nos pensées et
de nos langues que se tient l’animal, saturé de signes ; c’est
à la limite de nos représentations qu’il vit et se meut, qu’il
s’enfuit et nous regarde. »5
La finalité du travail d’Élisabeth
3
Ibidem.
4
L’animalité. Essai sur le statut de l’humain, Paris, Hatier, 1996, p. 8. 5
Élisabeth Fontenay (de), Le silence des bêtes, p. 19.
109
de Fontenay, auquel nous nous référons dans cette
réflexion, n’est donc pas de traiter simplement de l’animal
dans l’histoire de la philosophie, mais plutôt d’envisager les
modalités d’une sortie de son mutisme, afin de réparer la
faute originelle du déni de la parole aux animaux dans un
contexte anthropocentriste animé par l’obsession du logos
et du verbum.
Ce travail de réparation n’est pas seulement lié à la
mémoire historique et philosophique –héritage occidentalo-
juif et gréco-chrétien –, il participe aussi à la formulation
des possibilités de vie, d’existence et de témoignage –
référence à la parole– de ces « êtres » oubliés, victimes du
« différend » dont parle Jean-François Lyotard en relevant
le caractère aporétique du scandale de la souffrance
animale. Selon Lyotard, « quelqu’un éprouve plus de
douleur à l’occasion d’un dommage fait à un animal qu’à
un humain. C’est que l’animal est privé de la possibilité de
témoigner selon les règles humaines d’établissement du
dommage, et qu’en conséquence tout dommage est comme
un tort qui fait de lui une victime ipso facto. »6
Dans le
sillage de la verticalité ontologique –séparation irrécusable
de l’homme et de l’animal–, ce dernier devient justement
un paradigme de la victime, puisqu’en cas de dommage, il
ne dispose pas des moyens lui permettant de témoigner, de
prouver quoi que ce soit, raison pour laquelle, il est difficile
d’établir le dommage en question et même de le réparer.
À partir de sa solennité rhétorique qui tranche avec un
ton qui lui est habituel, Élisabeth de Fontenay formule une
critique acerbe à l’endroit de l’anthropomanie en tant que
philosophie spéciste. Suivant cette ligne directrice, nous
envisagerons alors les modalités d’une déconstruction de la
différence zoo-anthropocentrique en postulant la possibilité
6
Jean-François Lyotard, Le Différend, Paris, Éditions de Minuit, 1984,
p. 38.
110
d’une prise en compte de l’existence des animaux dans
notre rapport au vivant. Ainsi, face à la métaphysique
humaniste, subjectiviste, spéciste et prédatrice, comment
rétablir une égalité animale ? En d’autres termes, ne faut-il
pas procéder à l’effacement de l’idée spéciste du « propre »
de l’homme au profit d’une réflexion sur le destin commun
de tous les êtres vivants ?
une techno-biomédecine, amènent l’homme à franchir des
barrières que lui impose la nature. Cela a comme principal
résultat, l’avènement d’une humanité parfaite, c’est-à-dire
une étape de l’évolution qui sonne le glas d’un certain
nombre d’anomalies génétiques, de pathologies jadis
qualifiées d’incurables et éventuellement une fin de la mort.
Si dans la tradition métaphysique et judéo-chrétienne,
autour de laquelle s’est construit l’humanisme classique, la
nature humaine était une évidence intangible, éternelle alors
que la médecine se chargeait tout simplement de guérir et
non de la transformer, disons avec Freeman Dyson
aujourd’hui que « l’humanité me semble être un magnifique
commencement, mais pas le dernier mot. » Dans la quête du
bien-être de l’homme des temps modernes, les sciences et
techniques de la santé, ont le devoir de penser la prévention
de la maladie à l’aide de la médecine prédictive, de réparer
et de remplacer les organes défectueux du corps-souffrant
grâce à la médecine régénératrice et de soulager la douleur
1 Doctorant en philosophie/Université de Yaoundé I/FALSH,
17
qui est une « expérience sensorielle et émotionnelle
désagréable, associée à des lésions tissulaires ou
potentielles, ou décrite en termes de telles lésions »1
et enfin
d’affronter la mort.
La techno-biomédecine est un processus par lequel,
l’homme concrétise une fois pour toutes le rêve de la
science moderne qui est de mieux comprendre la nature et
de pouvoir l’envisager autrement. En fait, nous sommes
dans une dynamique de mise en pratique des connaissances
acquises dans les domaines de la biologie, de la génétique,
de la microbiologie, de la neurochirurgie, etc. D’où la
nécessité de comprendre l’homme suivant une démarche
scientifique et différente des postulats religieux et
mythiques. D’après Anne Fagot-Largeault, la médecine
moderne permet à l’homme « de combattre l’ordre naturel,
en protégeant les faibles, et en soignant les malades. »2
L’avenir de l’homme se trouverait ainsi dans les
innovations techno-biomédicales qui, en réalité s’efforcent
de « réparer l’élément pathologique (ce qu’il faut supprimer
ou corriger) et définir le normal (ce qu’il faut viser à
atteindre) ; d’autre part, prouver que le résultat est supérieur
à ce que fait la nature. »3 La perspective d’une telle
démarche est d’amener l’homme à se défaire du détermi-
nisme biologique, de la loterie génétique afin de lui offrir
l’opportunité de choisir son devenir. Ceci semble tout à fait
cohérent si on s’en tient aux propos de Mouchili Njimom
pour qui, « l’homme n’est pas un réceptacle qui perçoit des
informations d’une nature dont il n’est pas organisateur. »4
1 www.iasp-pain.org
2 Anne Fagot-Largeault, Médecine et philosophie, Paris, PUF, 2010,
p. 9.
3 Ibid.
4 Issoufou Soulé Mouchili Njimom, « Science, culture et vérité », in
Oumarou Mazadou (Dir), Modernité politique, modernité scientifique.
18
En tant qu’être de culture, il construit lui-même sa vie et son
cadre de vie.
S’agissant précisément de la question de la nature
humaine, nous pouvons distinguer classiquement trois
approches : tout d’abord, l’approche essentialiste, pour
laquelle il existe une nature humaine invariable, évidente,
la même pour tous ; l’approche existentialiste, pour qui il
n’existe pas de nature humaine, mais des invariants
existentiaux. Enfin, une approche médiane, qui pense qu’il
n’existe de nature humaine qu’en un sens faible et qu’il
vaudrait mieux parler d’invariants anthropologiques. Au
sujet de cette réflexion, il sera question pour nous, de nous
intéresser aux progrès de la médecine moderne, qui bien
qu’en affirmant qu’il existe bien une nature humaine, la
considère au fond comme un stade primitif de l’évolution
biologique qu’il faut remplacer au moyen des technologies
qui offrent l’opportunité à tout un chacun de
s’autodéterminer. Il s’agit de réfléchir sur le devenir de
l’humain dans un contexte de compétitivité, de concurrence
et de libre entreprise qui nécessite une restructuration des
sociétés modernes.
nouvelles technologies du vivant envisagent de la dépasser. C’est
dans cette mouvance que nous devons comprendre tout ce qui se
fait aujourd’hui en termes d’augmentation des capacités
humaines, d’hybridation de l’homme ou même de conception du
cyborg comme devenir de l’humain. L’essor des nouvelles
pratiques médicales pousse l’homme à repenser totalement sa vie
et surtout à envisager de nouvelles possibilités qui se traduisent
par un désir d’éternité. La médecine se livre depuis des siècles à
un combat acharné contre la mort en cherchant à la faire reculer
au maximum, à faire naître ce qu’il convient d’appeler à la suite
de Céline Lafontaine la « société postmortelle », celle-ci n’étant
rien d’autre qu’un espace idéologique, théorique et technique
visant la déréalisation et la désymbolisation techno-biomédicale
de la mort. La redéfinition de la mort suscite en nous un ensemble d’interrogations à la fois ontologique et socio-démographique, eu égard aux différentes conséquences d’un tel projet sur les générations présentes et futures.
Mots-clés : amortalité, désymbolisation, finitude, homme, postmortalité.
l’un des enjeux de débats contemporains et utopies autour de l’augmenta-
tion de l’homme, il faudrait voir en ce projet une réelle manifestation de la
liberté humaine qui se déploie en termes du choix non seulement de son
avenir, mais aussi du corps propice pour vivre dans ce nouveau monde à
venir. Il y a donc assurément de nouvelles catégories du vivant et du social
qui occupent la scène de l’humanité. Ces métamorphoses s’élaborent à
partir d’une créativité visant à restructurer l’humain et si l’on veut concrè-
tement à modifier les principales composantes du vivant à l’aide des Na-
notechnologies, des Biotechnologies, de l’Informatique et du Cognitique.
Dans ce cas, l’art d’imaginer et de créer de nouvelles formes de vie relève-
rait d’une esthétique méta-humaine/transhumaine.
Mots clés : Anthropotechnie, Corps artéfact, Esthétique, Dystopie,
Hybridation, Liberté.
L’humain, l’animal et la nature, sont des thèmes de plus en plus présents
dans la réflexion philosophique contemporaine. Au-delà de la simple approche naturaliste liée à la constitution de ces entités, c’est en fait un champ théorique qui débouche sur plusieurs possibilités et perspectives herméneutiques relativement à l’avenir de l’humain et du monde que nous habitons et avons l’impérieux devoir de préserver. Cependant, l’obstination à déterminer le propre de l’homme par opposition aux autres espèces, parce que structurant méthodologiquement l’anthropocentrisme, semble s’inscrire aux antipodes de cette politique relationnelle. Nous le disons parce que l’action humaine depuis le début de notre ère révèle au grand jour les limites de cet exceptionnalisme humain. L’actualité d’un tel questionnement résulte du caractère discriminatoire de l’anthropocentrisme, duquel dérive le spécisme en tant que philosophie de
domination et d’oppression. Nous voulons donc réfléchir ici sur les modalités d’évitement des idées préconçues du spécisme afin de réarticuler le rapport entre l’humain, l’animal et la nature autour d’un projet commun qui serait l’éco-zoopolitique en tant que philosophie et politique relationnelle.
Mots clés : Anthropocentrisme, Animal, Anti-spécisme, Éco-zoopolitique,
Spécisme.
avec une production en séries illimitées de nouvelles formes de
subjectivité et d’identité. C’est ainsi qu’émerge une philosophie
de la verticalité, cristallisant les corps, les matériaux et
l’existence elle-même autour de la notion de travail-production.
A. Mbembe questionne alors ce fantasme autour de l’objet et de
la matière –architecture et politique du brutalisme–, avec en
prime une transformation de l’humain en matière et énergie.
Dans la perspective d’une réparation de cette destructivité en
cours, il formule un projet de fondation d’une solidarité entre
les humains et l’ensemble des vivants. À partir d’une méthode
analytico-critique, nous voulons à sa suite, réfléchir sur les
modalités de cette réparation. Nous aboutissons ainsi à un
projet de politique du vivant articulé autour de la question du
« devenir-nègre du monde ».
Mots clés : Biopouvoir, Brutalisme, Nécropouvoir, Politique du
vivant, Réparation.
À travers une incursion au sein de l’histoire de la pensée sociale et politique et des pratiques technoscientifiques dans les perceptions qu’elles ont du corps humain, suivant une approche méthodologique alliant à la fois l’analyse critique, l’analyse anthropologique et tout un ensemble de considérations scientifiques sur la marchandisation du corps et les transformations corporelles qui sont bien cartographiées, les réflexions présentées ici visent à comprendre comment l’exploitation du corps a pu s’ériger en matrice de l’existence avec comme corollaire la production d’une économie du vivant globalisée.
La critique de la bioéconomie opérée par Céline Lafontaine constitue à cet effet le point de départ de nos analyses. Les ramifications qu’elle construit entre la bioéconomie, la cybernétique et la postmortalité nous ont permis de mieux cerner notre objet ainsi que ses enjeux. Mais, nous avons également dialogué avec l’histoire des idées en convoquant un certain nombre de penseur(e)s, notamment ceux de la postmodernité, du trans/posthumanisme, mais aussi les théoriciens de l’humanisme de l’altérité et des philosophies de la corporéité. Cette thèse offre ainsi une généalogie synthétique de la société techno-biocapitaliste dans laquelle nous entrons progressivement au regard de l’inéluctabilité des transformations sociales, technoscientifiques et politiques qui innervent. C’est pourquoi à la fin, la nécessité s’est imposée de penser à nouveaux frais la place et le rôle de la philosophie politique dans ce nouvel âge du vivant à partir de la perspective d’un égalitarisme bio-centrique.
Mots clés: Anthropo-relationnalité, Bioéconomie, Corps, Égalitarisme bio-centrique, Philosophie du sujet.
The Biological matter of the body has throughout the years, become an object of economic value, on the one hand; and on the other hand, of innovative interventions through the use of new biomedical technologies. This thesis sets out therefore to question the logic and operational methods of this bio economy component, which concerns the human body and which in effect, diminishes modern democracy under the aegis of a soaring individualism, which is shaping a society that consumes, deconstructs and exploits the living. In this society moulded body and soul by instrumental rationality resulting from despotic anthropocentrism, which not only produces a depoliticized economic and political economic model, but also a transformation of life itself which now has a price and is represented through this bio-valuation.
This work delved into the history of social and political thought and explored the perceptions techno scientific practices have of the human body. The methodological approach that was used combines critical analysis, anthropological analysis and a whole batch of well-mapped scientific considerations on the merchandising of the body and body transformations. Ensuing reflections presented herein, aim at understanding how the exploitation of the body came to be a matrix of existence resulting in the production of a globalized economy.
The criticism of bio-economy by Celine Lafontaine was in fact, the starting point of our analyses. The ramifications she brings up between bio-economy, cybernetics and post mortality enabled us better work out our objective as well as its stakes. However, we also explored the history of ideas by summoning a number of thinkers, notably, postmodernists, trans/post humanists and theoreticians of humanism of the otherness and philosophies of the body. This thesis thus offers a synthetic genealogy of the techno-bio capitalist society into which we are gradually entering, given the inevitable innervating social, techno scientific and political transformations. In the end, there is the pressing need to think afresh about the place and role of political philosophy in this new age of the living, from the perspective of bio-centric egalitarianism.
Keywords: Anthropology relationality, Bio-economy, Body, Bio-centric egalitarianism, Philosophy of subject.
meilleure prise en considération de l’humain et du
monde commun dans le monde actuel qui tend vers
l’inhumain par le transhumain et le posthumain ? Un
contrat social faisant de la promotion d’un monde
habitable un devoir éthique et un impératif
politique373 ne doit-il pas en urgence voir le jour ?
Ulrich Aurélien METENDE
Cette interrogation que nous mettons en exergue de notre texte sert
de fil conducteur, de ligne directrice à notre réflexion axée sur la prise
en compte de « l’humanité du malade », de l’humanité de la personne
vulnérable374. Cette réflexion s’inscrit aussi dans le sillage des deux
livres récents et tout à fait remarquables de Yuval Noah Harari :
Sapiens. Une brève histoire de l’humanité, et Homo deus. Une brève
histoire de l’avenir. L’auteur retrace dans le premier, de manière
diachronique, l’histoire de l’humanité375 avant de s’interroger dans le
deuxième sur son avenir376. L’extraordinaire évolution de l’espèce
humaine nous permet de comprendre, selon l’auteur, que l’aventure
humaine sur terre peut s’écrire globalement en deux phases : la première marque symboliquement l’invention de l’idée de Dieu par
l’homme et la seconde, qui constitue un tournant décisif, hisse l’homme
au rang des dieux377. Les progrès observés aujourd’hui au niveau des
technosciences, des biotechnologies et plus spécifiquement de la
médecine moderne confortent cette idée de l’ère de « l’homme-dieu »,
idée que l’on retrouve aussi chez Luc Ferry. En voulant se défaire des
emprises du déterminisme naturel pour devenir maître de son destin par
l’expression de la liberté, par l’innovation et par la créativité, l’homme
s’est lancé dans une conquête de la nature et de l’espace, mais aussi et
surtout dans celle de l’homme lui-même. Dans ce contexte, de
nouvelles pratiques médicales sont apparues, et elles amènent sans
cesse à une interrogation nécessaire sur le statut de la personne malade
face aux impératifs sociaux qui imposent désormais à la pratique
médicale de rechercher non plus seulement la santé, mais la sur-santé :
cette nouvelle pratique médicale fait de la médecine un simple maillon
du circuit et de la chaîne de production des biens et des services.
l’humanité va subir une révolution radicale », il ne souhaite pas a priori
tirer sur une sonnette d’alarme, encore moins instaurer en nous un
climat de peur, de tension, qui nous empêcherait d’agir sur le réel. En
fait, à travers ses deux livres, en l’occurrence Sapiens. Une brève
histoire de l’humanité et Homos deus. Une brève histoire du futur, il
retrace le parcours de notre espèce en dégageant au passage les forces
et les faiblesses de cette trajectoire historique qui au fil des siècles,
rythmée par des progrès vertigineux dans les domaines de la science et
des technologies, laisse entrevoir un monde au sein duquel les hommes
se hisseraient au rang des dieux.
Cette démarche, aussi innovante nous semble-t-elle, offre un cadre
d’analyse en vue de la compréhension des enjeux de l’humanité de
l’avenir qui est déjà en devenir. Yuval Noah Harari évoque ainsi
l’avènement d’un nouvel ordre humain qui marque le réveil de
l’humanité de son sommeil dogmatique, mythologique et imaginaire.
Le fait pour l’homme d’avoir acquis de nouvelles connaissances dans
des domaines aussi variés que la biologie, l’industrie, l’aéronautique,
l’informatique et bien d’autres lui confère un pouvoir quasi-absolu sur
la nature afin d’en être le maître et le possesseur. Lorsque nous parlons
de la nature, il faut bien comprendre que celle-ci est double ; à la fois la
nature humaine, mais aussi notre environnement/cadre de vie/cosmos.
Mots-clés : Bio-centrisme, Bioéconomie, Biopolitique, Technomédecine, Transhumanisme.
d’une manipulation de la totalité du vivant, inaugure une
nouvelle ère au cours de laquelle il sera plus que jamais
difficile de maintenir les rapports entre l’homme et
l’animal, tel que cela a été théorisé depuis l’Antiquité. Les
principes sur lesquels ont été construites les différences
anthropologiques seront sans doute remis en question à
partir de cette perspective inédite. Malgré de nombreuses
critiques essuyées, la tâche de la philosophie demeure
importante, car lorsqu’elle traite de la question animale,
nous nous rendons tout de suite compte que « les contenus
descriptifs (ontologiques ou scientifiques) et les énoncés
normatifs (religieux, moraux, juridiques, voire logiques)
paraissent indissociables. »2
En parlant de l’animal, il y a
1
Doctorant/Université de Yaoundé-I/ulrichmetende@gmail.com
2
Élisabeth Fontenay (de), Le silence des bêtes. La philosophie à
l’épreuve de l’animalité, Paris, Fayard, Coll. « Essais », 1998, p. 18.
108
toujours une référence aux considérations théologiques,
économiques, eschatologiques et épistémologiques qui
entretiennent un rapport très étroit, au point où leur
dissociation ne produirait rien de philosophiquement
pertinent. Dans cette perspective, Élisabeth de Fontenay
souligne qu’il « s’y mêlent inextricablement l’interrogation
ou le refus de toute interrogation sur les statuts ontologiques
respectifs de l’animal et de l’homme, les usages plus ou
moins réfléchis de la domestication, de l’élevage, de la
chasse. »3
Le seul cadre qu’offre cette réflexion, ne suffirait pas
pour retracer l’histoire des représentations entre l’homme et
l’animal, d’autant plus qu’elle paraît très complexe au
regard de la nature des débats autour de cette question.
Mais, en l’esquissant, nous remarquerons que chaque page
de la réflexion philosophique sur l’animal s’oriente vers
deux directions comme le souligne Dominique Lestel. Il est
question soit de « caractériser l’animal comme une machine
ou, au contraire, comme un animal souffrant. »4
Peu
importe l’axe que nous empruntons, la question animale
demeure polysémique et protéiforme avec une imbrication
des problématiques hétérogènes.
L’économie des pensées, l’ordre des systèmes, et même
l’écriture et le ton des penseur(e)s, nous évitent d’ailleurs
une dispersion et une navigation à vue, car « ce dont on
s’occupe ici n’existe que pour nous autres hommes,
relativement à nous, à nos singularités culturelles et
idiosyncratiques, [...]. C’est à l’horizon de nos pensées et
de nos langues que se tient l’animal, saturé de signes ; c’est
à la limite de nos représentations qu’il vit et se meut, qu’il
s’enfuit et nous regarde. »5
La finalité du travail d’Élisabeth
3
Ibidem.
4
L’animalité. Essai sur le statut de l’humain, Paris, Hatier, 1996, p. 8. 5
Élisabeth Fontenay (de), Le silence des bêtes, p. 19.
109
de Fontenay, auquel nous nous référons dans cette
réflexion, n’est donc pas de traiter simplement de l’animal
dans l’histoire de la philosophie, mais plutôt d’envisager les
modalités d’une sortie de son mutisme, afin de réparer la
faute originelle du déni de la parole aux animaux dans un
contexte anthropocentriste animé par l’obsession du logos
et du verbum.
Ce travail de réparation n’est pas seulement lié à la
mémoire historique et philosophique –héritage occidentalo-
juif et gréco-chrétien –, il participe aussi à la formulation
des possibilités de vie, d’existence et de témoignage –
référence à la parole– de ces « êtres » oubliés, victimes du
« différend » dont parle Jean-François Lyotard en relevant
le caractère aporétique du scandale de la souffrance
animale. Selon Lyotard, « quelqu’un éprouve plus de
douleur à l’occasion d’un dommage fait à un animal qu’à
un humain. C’est que l’animal est privé de la possibilité de
témoigner selon les règles humaines d’établissement du
dommage, et qu’en conséquence tout dommage est comme
un tort qui fait de lui une victime ipso facto. »6
Dans le
sillage de la verticalité ontologique –séparation irrécusable
de l’homme et de l’animal–, ce dernier devient justement
un paradigme de la victime, puisqu’en cas de dommage, il
ne dispose pas des moyens lui permettant de témoigner, de
prouver quoi que ce soit, raison pour laquelle, il est difficile
d’établir le dommage en question et même de le réparer.
À partir de sa solennité rhétorique qui tranche avec un
ton qui lui est habituel, Élisabeth de Fontenay formule une
critique acerbe à l’endroit de l’anthropomanie en tant que
philosophie spéciste. Suivant cette ligne directrice, nous
envisagerons alors les modalités d’une déconstruction de la
différence zoo-anthropocentrique en postulant la possibilité
6
Jean-François Lyotard, Le Différend, Paris, Éditions de Minuit, 1984,
p. 38.
110
d’une prise en compte de l’existence des animaux dans
notre rapport au vivant. Ainsi, face à la métaphysique
humaniste, subjectiviste, spéciste et prédatrice, comment
rétablir une égalité animale ? En d’autres termes, ne faut-il
pas procéder à l’effacement de l’idée spéciste du « propre »
de l’homme au profit d’une réflexion sur le destin commun
de tous les êtres vivants ?
une techno-biomédecine, amènent l’homme à franchir des
barrières que lui impose la nature. Cela a comme principal
résultat, l’avènement d’une humanité parfaite, c’est-à-dire
une étape de l’évolution qui sonne le glas d’un certain
nombre d’anomalies génétiques, de pathologies jadis
qualifiées d’incurables et éventuellement une fin de la mort.
Si dans la tradition métaphysique et judéo-chrétienne,
autour de laquelle s’est construit l’humanisme classique, la
nature humaine était une évidence intangible, éternelle alors
que la médecine se chargeait tout simplement de guérir et
non de la transformer, disons avec Freeman Dyson
aujourd’hui que « l’humanité me semble être un magnifique
commencement, mais pas le dernier mot. » Dans la quête du
bien-être de l’homme des temps modernes, les sciences et
techniques de la santé, ont le devoir de penser la prévention
de la maladie à l’aide de la médecine prédictive, de réparer
et de remplacer les organes défectueux du corps-souffrant
grâce à la médecine régénératrice et de soulager la douleur
1 Doctorant en philosophie/Université de Yaoundé I/FALSH,
17
qui est une « expérience sensorielle et émotionnelle
désagréable, associée à des lésions tissulaires ou
potentielles, ou décrite en termes de telles lésions »1
et enfin
d’affronter la mort.
La techno-biomédecine est un processus par lequel,
l’homme concrétise une fois pour toutes le rêve de la
science moderne qui est de mieux comprendre la nature et
de pouvoir l’envisager autrement. En fait, nous sommes
dans une dynamique de mise en pratique des connaissances
acquises dans les domaines de la biologie, de la génétique,
de la microbiologie, de la neurochirurgie, etc. D’où la
nécessité de comprendre l’homme suivant une démarche
scientifique et différente des postulats religieux et
mythiques. D’après Anne Fagot-Largeault, la médecine
moderne permet à l’homme « de combattre l’ordre naturel,
en protégeant les faibles, et en soignant les malades. »2
L’avenir de l’homme se trouverait ainsi dans les
innovations techno-biomédicales qui, en réalité s’efforcent
de « réparer l’élément pathologique (ce qu’il faut supprimer
ou corriger) et définir le normal (ce qu’il faut viser à
atteindre) ; d’autre part, prouver que le résultat est supérieur
à ce que fait la nature. »3 La perspective d’une telle
démarche est d’amener l’homme à se défaire du détermi-
nisme biologique, de la loterie génétique afin de lui offrir
l’opportunité de choisir son devenir. Ceci semble tout à fait
cohérent si on s’en tient aux propos de Mouchili Njimom
pour qui, « l’homme n’est pas un réceptacle qui perçoit des
informations d’une nature dont il n’est pas organisateur. »4
1 www.iasp-pain.org
2 Anne Fagot-Largeault, Médecine et philosophie, Paris, PUF, 2010,
p. 9.
3 Ibid.
4 Issoufou Soulé Mouchili Njimom, « Science, culture et vérité », in
Oumarou Mazadou (Dir), Modernité politique, modernité scientifique.
18
En tant qu’être de culture, il construit lui-même sa vie et son
cadre de vie.
S’agissant précisément de la question de la nature
humaine, nous pouvons distinguer classiquement trois
approches : tout d’abord, l’approche essentialiste, pour
laquelle il existe une nature humaine invariable, évidente,
la même pour tous ; l’approche existentialiste, pour qui il
n’existe pas de nature humaine, mais des invariants
existentiaux. Enfin, une approche médiane, qui pense qu’il
n’existe de nature humaine qu’en un sens faible et qu’il
vaudrait mieux parler d’invariants anthropologiques. Au
sujet de cette réflexion, il sera question pour nous, de nous
intéresser aux progrès de la médecine moderne, qui bien
qu’en affirmant qu’il existe bien une nature humaine, la
considère au fond comme un stade primitif de l’évolution
biologique qu’il faut remplacer au moyen des technologies
qui offrent l’opportunité à tout un chacun de
s’autodéterminer. Il s’agit de réfléchir sur le devenir de
l’humain dans un contexte de compétitivité, de concurrence
et de libre entreprise qui nécessite une restructuration des
sociétés modernes.
nouvelles technologies du vivant envisagent de la dépasser. C’est
dans cette mouvance que nous devons comprendre tout ce qui se
fait aujourd’hui en termes d’augmentation des capacités
humaines, d’hybridation de l’homme ou même de conception du
cyborg comme devenir de l’humain. L’essor des nouvelles
pratiques médicales pousse l’homme à repenser totalement sa vie
et surtout à envisager de nouvelles possibilités qui se traduisent
par un désir d’éternité. La médecine se livre depuis des siècles à
un combat acharné contre la mort en cherchant à la faire reculer
au maximum, à faire naître ce qu’il convient d’appeler à la suite
de Céline Lafontaine la « société postmortelle », celle-ci n’étant
rien d’autre qu’un espace idéologique, théorique et technique
visant la déréalisation et la désymbolisation techno-biomédicale
de la mort. La redéfinition de la mort suscite en nous un ensemble d’interrogations à la fois ontologique et socio-démographique, eu égard aux différentes conséquences d’un tel projet sur les générations présentes et futures.
Mots-clés : amortalité, désymbolisation, finitude, homme, postmortalité.
l’un des enjeux de débats contemporains et utopies autour de l’augmenta-
tion de l’homme, il faudrait voir en ce projet une réelle manifestation de la
liberté humaine qui se déploie en termes du choix non seulement de son
avenir, mais aussi du corps propice pour vivre dans ce nouveau monde à
venir. Il y a donc assurément de nouvelles catégories du vivant et du social
qui occupent la scène de l’humanité. Ces métamorphoses s’élaborent à
partir d’une créativité visant à restructurer l’humain et si l’on veut concrè-
tement à modifier les principales composantes du vivant à l’aide des Na-
notechnologies, des Biotechnologies, de l’Informatique et du Cognitique.
Dans ce cas, l’art d’imaginer et de créer de nouvelles formes de vie relève-
rait d’une esthétique méta-humaine/transhumaine.
Mots clés : Anthropotechnie, Corps artéfact, Esthétique, Dystopie,
Hybridation, Liberté.
L’humain, l’animal et la nature, sont des thèmes de plus en plus présents
dans la réflexion philosophique contemporaine. Au-delà de la simple approche naturaliste liée à la constitution de ces entités, c’est en fait un champ théorique qui débouche sur plusieurs possibilités et perspectives herméneutiques relativement à l’avenir de l’humain et du monde que nous habitons et avons l’impérieux devoir de préserver. Cependant, l’obstination à déterminer le propre de l’homme par opposition aux autres espèces, parce que structurant méthodologiquement l’anthropocentrisme, semble s’inscrire aux antipodes de cette politique relationnelle. Nous le disons parce que l’action humaine depuis le début de notre ère révèle au grand jour les limites de cet exceptionnalisme humain. L’actualité d’un tel questionnement résulte du caractère discriminatoire de l’anthropocentrisme, duquel dérive le spécisme en tant que philosophie de
domination et d’oppression. Nous voulons donc réfléchir ici sur les modalités d’évitement des idées préconçues du spécisme afin de réarticuler le rapport entre l’humain, l’animal et la nature autour d’un projet commun qui serait l’éco-zoopolitique en tant que philosophie et politique relationnelle.
Mots clés : Anthropocentrisme, Animal, Anti-spécisme, Éco-zoopolitique,
Spécisme.
avec une production en séries illimitées de nouvelles formes de
subjectivité et d’identité. C’est ainsi qu’émerge une philosophie
de la verticalité, cristallisant les corps, les matériaux et
l’existence elle-même autour de la notion de travail-production.
A. Mbembe questionne alors ce fantasme autour de l’objet et de
la matière –architecture et politique du brutalisme–, avec en
prime une transformation de l’humain en matière et énergie.
Dans la perspective d’une réparation de cette destructivité en
cours, il formule un projet de fondation d’une solidarité entre
les humains et l’ensemble des vivants. À partir d’une méthode
analytico-critique, nous voulons à sa suite, réfléchir sur les
modalités de cette réparation. Nous aboutissons ainsi à un
projet de politique du vivant articulé autour de la question du
« devenir-nègre du monde ».
Mots clés : Biopouvoir, Brutalisme, Nécropouvoir, Politique du
vivant, Réparation.