Pentasyllabe
Le pentasyllabe est un vers de cinq syllabes.
Usage
[modifier | modifier le code]Le pentasyllabe (en grec, pente = « cinq »[1]) est le vers de cinq syllabes[1].
À l'instar des autres vers courts, il est surtout employé en hétérométrie[1],[2]. Par exemple, dans La Musique de Charles Baudelaire, où il est utilisé en alternance avec l'alexandrin[1] :
La musique souvent me prend comme une mer !
Vers ma pâle étoile,
Sous un plafond de brume ou dans un vaste éther,
Je mets à la voile ;
La poitrine en avant et les poumons gonflés
Comme de la toile,
J'escalade le dos des flots amoncelés
Que la nuit me voile ;
Je sens vibrer en moi toutes les passions
D'un vaisseau qui souffre ;
Le bon vent, la tempête et ses convulsions
Sur l'immense gouffre
Me bercent. D'autres fois, calme plat, grand miroir
De mon désespoir !
— Charles Baudelaire, Les Fleurs du mal, « La Musique »
L'effet de clausule du pentassyllabe est également employé par Milosz, notamment dans « H » de Adramandoni, où il termine les dix quatrains de vers libres du poème par un quatrain de pentasyllabes[1] :
Année, Lémuel.
Le temps pauvre et long.
Une eau chaude et grise.
Un jardin brûlé.
— Oscar Vladislas de Lubicz Milosz
On trouve également le pentassyllabe utilisé en isométrie, mais plus rarement, bien qu'il soit fréquent dans la chanson et à toutes les époques[1],[2]. Par exemple, dans Au clair de la lune, ou dans des poèmes qui s'inspirent de la chanson, comme Cantate de Bettine d'Alfred de Musset[3]. Victor Hugo l'utilise également en isométrie dans deux strophes des Djinns :
La rumeur approche.
L'écho la redit.
C'est comme la cloche
D'un couvent maudit ;
Comme un bruit de foule,
Qui tonne et qui roule,
Et tantôt s'écroule,
Et tantôt grandit,
— Victor Hugo, Les Djinns
Et :
D'étranges syllabes
Nous viennent encor ;
Ainsi, des arabes
Quand sonne le cor,
Un chant sur la grève
Par instants s'élève,
Et l'enfant qui rêve
Fait des rêves d'or.
— Victor Hugo, Les Djinns
Ou dans « Le long pour l'un pour l'autre est court » d'Aragon, dont voici un extrait[4] :
La barque à l'amarre
Dort au mort des mares
Dans l'ombre qui mue
Feuillards et ramures
La fraîcheur murmure
Et rien ne remue
Sauf qu'une main lasse
Un instant déplace
Un instant pas plus
La rame qui glisse
Sur les cailloux lisses
Comme un roman lu.
— Louis Aragon, Le Roman inachevé, « Le long pour l'un pour l'autre est court »
Structure
[modifier | modifier le code]Dans la majorité des pentassyllabes, le rythme est 2/3 (par exemple, dans l'extrait d'Aragon, les vers 1, 3, 4, 6 et 10), mais il peut également s'inverser en 3/2 (les vers 5, 8 et 9 du même extrait)[4]. Est aussi possible 1/4 (le vers 7) ou 4/1 (vers 11 et 12), voire un rythme ternaire (vers 2) : « Dort/ au mort/ des mares »[5].
La barque à l'amarre (1)
Dort au mort des mares (2)
Dans l'ombre qui mue (3)
Feuillards et ramures (4)
La fraîcheur murmure (5)
Et rien ne remue (6)
Sauf qu'une main lasse (7)
Un instant déplace (8)
Un instant pas plus (9)
La rame qui glisse (10)
Sur les cailloux lisses (11)
Comme un roman lu. (12)
— Louis Aragon, Le Roman inachevé, « Le long pour l'un pour l'autre est court »
Exemples
[modifier | modifier le code]Isométrie
[modifier | modifier le code]Ni vu ni connu
Hasard ou génie ?
À peine venu
La tâche est finie !
— Paul Valéry, Charmes, « Le Sylphe » (extrait)
Sans modifier l'exemple ci-dessus on peut le compléter en parlant d'hétérométrie qui consiste en l'usage de vers dont le nombre de syllabes diffère. Par exemple un vers de 8 syllabes puis un vers de 5 syllabes. Cela a pour but de donner un rythme particulier à la poésie, un sens et emmener le lecteur vers ce que souhaite l'auteur. Un bel exemple en la matière est le poème de Baudelaire (Les Fleurs du mal), dont le titre est « Le serpent qui danse ». L'hétérométrie adoptée par l'auteur donne au texte une impression d'ondulation tant visuelle que parlée rappelant ainsi ce qu'est ou fait le serpent :
Que/ j'ai/me/ voir,/ belle/ in/do/lente, (8)
De/ ton/ corps/ si/ beau, (5)
Comme une étoffe vacillante, (8)
Miroiter la peau ! (5)
— Charles Baudelaire, Les Fleurs du mal, « Le serpent qui danse » (extrait)
Chanson
[modifier | modifier le code]Il faut oublier
Tout peut s'oublier
Qui s'enfuit déjà,
Oublier le temps
Des malentendus
Et le temps perdu
A savoir comment
Oublier ces heures
Qui tuaient parfois
A coups de pourquoi
Le cœur du bonheur
Ne me quitte pas
Ne me quitte pas
Ne me quitte pas
Ne me quitte pas
— Jacques Brel, Ne me quitte pas, extrait
Bibliographie
[modifier | modifier le code]- Michèle Aquien, Dictionnaire de poétique, Paris, Le Livre de poche, (ISBN 978-2-253-16006-9).
- Michèle Aquien, La Versification, Paris, Presses universitaires de France, coll. « Que sais-je ? » (no 1377), , 10e éd. (1re éd. 1990), 127 p. (ISBN 978-2-13-080395-9).
- Brigitte Buffard-Moret, Précis de versification : Avec exercices corrigés, Armand Colin, coll. « Cursus », , 3e éd., 192 p. (ISBN 978-2-200-63532-9).
Notes et références
[modifier | modifier le code]- Aquien 1993, p. 209.
- Aquien 2018, p. 34.
- Buffard-Moret 2023, p. 56.
- Aquien 1993, p. 209-210.
- Aquien 1993, p. 210.
Voir aussi
[modifier | modifier le code]Liens externes
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- Notice dans un dictionnaire ou une encyclopédie généraliste :