Mahu
Māhū ou Manu (« au milieu »), dans les cultures hawaïenne et tahitienne désigne les personnes du troisième genre qui ont des rôles spirituels et sociaux au sein de la culture traditionnelle, semblable au Tongien fakaleiti, au Samoa fa'afafine (voir Liminalité du genre en Polynésie).
Définitions
[modifier | modifier le code]Les mahu sont des personnes assignées hommes à la naissance avec une expression de genre féminine[1]. L'identité mahu, connotée comme traditionnelle et autochtone, est fréquemment opposée en Polynésie à l'identité rae rae, péjorativement associée à la prostitution et au maquillage, ainsi qu'à l'identité trans essentiellement caractérisée à travers la pratique de la transition médicale[1]. Toutefois, selon Serge Tcherkézoff, cette distinction est trop souvent présentée comme une vérité naturellement enracinée dans les cultures autochtones, en ignorant les nuances et surtout le rôle que joue l'histoire coloniale dans l'auto-identification et l'assignation des identités sexuelles.
Selon la kumu hula (professeure de hula) contemporaine Kaua'i Iki[2]:
« Les mahu sont particulièrement respectées en tant qu'enseignantes, généralement de chant et de hula. Dans les temps pré-contact, elles jouaient le rôle des déesses dans les danses hula qui avaient lieu dans des temples interdits aux femmes. Elles ont également été considérées comme les gardiennes des traditions culturelles, telles que la transmission des généalogies. Traditionnellement, les parents demandaient aux mahu de nommer leurs enfants. »
Histoire
[modifier | modifier le code]À l'époque des rois Pōmare, elles étaient surnommées arii oi. L'une d'entre elles[réf. nécessaire] fut le conseiller et le confident de la reine Pōmare IV.
Les premiers navigateurs européens à avoir abordé les îles de l'archipel signalaient déjà leur présence, comme William Bligh, le capitaine du HMS Bounty ou James Cook. Ils rapportèrent ainsi que ces garçons différents reçoivent une éducation particulière, dès l'enfance, car les parents voient très tôt chez l’enfant s’il sera māhū. Plus âgés, ils s'occupent du foyer, ils mangent à l'écart des hommes et dansent et chantent avec les femmes. Ils occupent souvent un poste de domestique auprès d'un noble.
Un māhū était un homme aux manières efféminées mais qui s’habille en homme. Ses postures et ses gestes étaient cependant féminins. Pour lui, il n’y avait cependant pas d’équivoque, car sexuellement non attiré par un partenaire homme. Il pouvait donc être marié et avoir des enfants, notamment dans le but d'assurer sa succession, s'il disposait de biens fonciers. Généralement, le māhū ne cherchait pas à réprimer ou à rectifier sa façon d’être.
Plus tard, au XIXe siècle, Paul Gauguin en peint à plusieurs reprises.
Aujourd'hui
[modifier | modifier le code]Les mahus sont respectés dans la culture polynésienne. Ils travaillent principalement dans le domaine du tourisme, de l’accueil et dans d’autres domaines relationnels.
Actuellement, une des plus célèbres māhū est la kumu hula (« enseignante de hula ») Hinaleimoana Kwai Kong Wong-Kalu chanteuse de Cocoa Chandelier[3].
Notes et références
[modifier | modifier le code]- (en) Cet article est partiellement ou en totalité issu de l’article de Wikipédia en anglais intitulé « Māhū » (voir la liste des auteurs).
- Dexter Peters, « Serge Tcherkézoff, Vous avez dit 3e sexe ? Les transgenres polynésiens et le mythe occidental de l’homosexualité », Genre & Histoire, no 30, (ISSN 2102-5886, DOI 10.4000/genrehistoire.7836, lire en ligne, consulté le )
- Citée par Andrew Matzner dans « 'Transgender, queens, mahu, whatever': An Oral History from Hawai'i ». Intersections: Gender, History and Culture in the Asian Context, (no) 6, août 2001, [[ lire en ligne]]
- Hokuleʻa Borofsky, Amelia Rachel, "'Gender Identity Disorder' to Go the Way of Homosexuality", in The Atlantic. Oct 29, 2012. Accessed Dec 7, 2017.
Voir aussi
[modifier | modifier le code]Bibliographie
[modifier | modifier le code]Tahiti
[modifier | modifier le code]- François Bauer, Raerae de Tahiti: rencontre du troisième type, Haere Po, (ISBN 978-2-904171-49-9, lire en ligne)
- (en) Deborah Elliston, « Negotiating transnational sexual economies : female Māhū and same-sex sexuality in "Tahiti and her islands" », dans Evelyn Blackwood et Saskia Wieringa, Female Desires : Same-Sex Relations and Transgender Practices across Cultures, New York, Columbia University Press, (ISBN 0231112602)
- Julia Pacifico, Trajectoires trans à Tahiti, 'Api Tahiti éditions, (ISBN 978-2-491152-18-5, lire en ligne)
Hawaï
[modifier | modifier le code]- (en) Andrew Matzner, O Au No Keia : Voices from Hawai'i's Mahu and Transgender Communities,
Filmographie
[modifier | modifier le code]- Jean-Michel Corillion. Mahu, l’Efféminé, Grand Prix du Festival international du film documentaire océanien de Tahiti. FIFO 2004. Tahiti Polynésie
- Kumu Hina (en) (2014) - film documentaire sur Hinaleimoana Wong-Kalu
Articles connexes
[modifier | modifier le code]- Hinaleimoana Wong-Kalu - māhū contemporaine, enseignante de hula, cinéaste, artiste et activiste dans le domaine de la culture hawaïenne
- Bispiritualité, un concept similaire provenant des communautés autochtones nord-américaines
Liens externes
[modifier | modifier le code]- Kumu Hina: A Place in the Middle – un site web dédié aux māhū.
- "Coming Out & Overcoming - A Visit With Hinaleimoana Wong" – entretien avec māhū Hinaleimoana Wong par Ehu Kekahu Cardwell pour le documentaire Voices of Truth de Koani Foundation
- "The Beautiful Way Hawaiian Culture Embraces a Particular Kind of Transgender Identity" – article de la chronique "Queer Voices" sur le thème The Huffington Post
- The Third Sex - Tahiti, documentaire sur Youtube
- http://www.lefigaro.fr/arts-expositions/kehinde-wiley-a-la-rencontre-des-mahu-la-caste-des-travestis-en-polynesie-20190531