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Lapsus

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Un lapsus est une erreur commise en parlant (lapsus linguae), en écrivant (lapsus calami ou lapsus scriptae), que cela soit à la main ou au clavier (on dit parfois alors lapsus clavis), en lisant, que cela soit à voix haute ou mentalement (lapsus lectionis), par la mémoire (lapsus memoriae), par l’écoute (lapsus auditionis) ou encore par les gestes (lapsus gestuel ou lapsus manus) et qui consiste pour une personne à exprimer autre chose que ce qu’elle avait prévu d’exprimer. C'est, au point de vue linguistique, substituer une forme à une autre[1].

Étymologie

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Le nom latin lapsus, us, m. "glissade" apparenté au verbe labor qui signifie « trébucher, glisser » puis « commettre une erreur »[2].

Au XIXe siècle, des criminologues, des linguistes, des psychologues publient sur les lapsus comme lien entre erreur de langage et « pensée dissimulée »[3].

En 1880, Hans Gross donne des exemples de lapsus et d'actes manqués.

En 1895, Rudolf Meringer et le linguiste Karl Mayer publient un livre sur les lapsus[4].

Approche psychanalytique

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Freud voit dans le lapsus un symptôme important de l'émergence de désirs inconscients. La vulgarisation de la psychanalyse freudienne assure le succès du mot depuis[5].

Pour la théorie freudienne, le sentiment de honte ou de malaise qui peut survenir après un lapsus est significatif de ce que l'inconscient s'est manifesté en déjouant les barrières de notre censeur interne ou Surmoi. En général ce malaise est passager et l'humour permet de le surmonter sans problème. En effet, selon cette approche, nous ne sommes pas responsables de nos pensées. Elles nous viennent de l'inconscient et si nous sommes responsables de nos paroles comme de nos actes, on ne peut pas considérer comme responsable de son propos quelqu'un qui exprime une pensée « involontaire ». On parle de « lapsus révélateur ».

La mécanique inconsciente du lapsus

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C'est en 1901 dans Psychopathologie de la vie quotidienne que Sigmund Freud détaille le plus précisément le fonctionnement du lapsus tel qu'il le comprend. Dans cet ouvrage il traite également de plusieurs manifestations de l'inconscient dans notre vie courante comme la question de l'oubli des noms propres ou des noms communs, des questions liées aux souvenirs d'enfance ainsi que des oublis ou des actes manqués. En ce qui concerne les lapsus, qu'il s'agisse du lapsus linguae (chapitre 5) ou du lapsus calami (chapitre 6), Freud précise clairement que ces deux types de lapsus sont de même nature et que le mécanisme qui explique les premiers est le même que celui qui rend compte des seconds. Comme dans beaucoup de ses ouvrages Freud passe en revue les solutions qui ont été proposées avant lui pour expliquer un phénomène qu'il n'avait pas été le premier à relever puisque les lapsus sont probablement aussi anciens que le langage lui-même. Une des explications qui était en vogue à l'époque de Freud était que les lapsus proviendraient d'une sorte de « contamination » mécanique des sons entre eux. Il évoque notamment l'ouvrage de Wilhelm Wundt la Psychologie des peuples qui reconnait dans le lapsus la possibilité de certaines influences psychiques, notamment par un processus d'association agissant de deux façons :

  • Il y aurait tout d'abord une condition positive qui « consiste dans la production libre et spontanée d'associations tonales et verbales provoquées par les sons énoncés » ;
  • Et d'autre part « une condition négative, qui consiste dans la suppression ou dans le relâchement du contrôle de la volonté et de l'attention ».

Freud amplifie les remarques de Wundt et fait remarquer que « le facteur positif, favorisant le lapsus, c'est-à-dire le libre déroulement des associations, et le facteur négatif, c’est-à-dire le relâchement de l'action inhibitrice de l'attention agissent presque toujours simultanément, de sorte que ces deux facteurs représentent deux conditions, également indispensables, d'un seul et même processus. » Autrement dit c'est parce que le relâchement de l'action inhibitrice a eu lieu que le libre déroulement des associations peut avoir lieu. Pour Freud les lapsus ne sont donc pas une simple contamination sonore mais trouvent leur origine dans « une source en dehors du discours » et que « [c]et élément perturbateur est constitué soit par une idée unique, restée inconsciente, mais qui se manifeste par le lapsus et ne peut, le plus souvent, être amenée à la conscience qu'à la suite d'une analyse approfondie, soit par un mobile psychique plus général qui s'oppose à tout l'ensemble du discours. »

Approche cognitive

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Le lapsus envisagé du point de vue cognitiviste ne contient pas un sens caché ou un désir inconscient, mais tout simplement un phénomène énonciatif complexe ou une erreur de production lexicale.

En effet, différentes techniques de collecte des erreurs de production existent: les erreurs peuvent être recueillies lorsqu’elles surviennent spontanément lors de la production de discours ou elles peuvent être induites expérimentalement [6]. Les erreurs peuvent être induites en provoquant expérimentalement des lapsus ou en demandant aux participants de produire sous pression temporelle.

Expérience d’induction expérimentale de lapsus

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Pour illustrer la technique d’induction expérimentale de lapsus, considérons une expérience [7]. Des participants de langue anglaise devaient lire silencieusement des paires de mots présentées sur un écran (« mots amorces »). Pendant la présentation des essais, un signal était soudainement présenté. Les participants devaient alors produire à voix haute une paire de mots « cibles ». La présentation successive des paires de mots amorces avait pour but d’induire une erreur de production à l’oral de la paire cible. Les auteurs ont observé que, dans 30 % des cas, des erreurs correspondant à des échanges se produisent ; par exemple l'homophonie (barn door est produite au lieu de darn bore).

Les types de lapsus

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  • Lapsus linguae : il est commis en parlant ;
  • Lapsus calami ou Lapsus scriptae : commis en écrivant ;
  • Lapsus clavis : commis en tapant au clavier;
  • Lapsus lectionis : se commet en lisant, aussi bien à voix haute que mentalement lors de la lecture silencieuse ;
  • Lapsus memoriae : trou ou modification de la mémoire.
  • Lapsus auditionis : lapsus auditif.
  • Lapsus manus : lapsus gestuel.

Bien que cela demeure absolument un lapsus de l'écriture, et donc bien un lapsus calami, des néologismes ont été proposés pour désigner spécifiquement le lapsus de l'écriture dactylographiée. Ainsi la création néo-latine lapsus clavis[8].

Bien que seulement évoqué et moins étudié que d'autres par Freud, il est aussi fait mention dans son Introduction à la psychanalyse et dans ses Conférences d’introduction à la psychanalyse, du lapsus auditif, traduisant spécifiquement l'allemand Verhören (généralement : "interrogatoire")[9].

Exemples de lapsus

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Voici deux exemples empruntés à un psychanalyste, W. Stekel :

  • « Un professeur dit dans sa leçon inaugurale : "Je ne suis pas disposé à apprécier les mérites de mon éminent prédécesseur". Il voulait dire : " je ne me reconnais pas une autorité suffisante…" » « geeignet », au lieu de « geneigt ».
  • « Au cours d'une orageuse assemblée générale, le Dr Stekel propose : "Abordons maintenant le quatrième point de l'ordre du jour." C'est du moins ce qu'il voulait dire ; mais, gagné par l'atmosphère orageuse de la réunion, il employa, à la place du mot " abordons " (schreiten), le mot " combattons " (streiten)».

Le journaliste Jacques Alba, en , voulant annoncer le décès du souverain pontife Jean XXIII, annonça tout d'abord « Le pope est mart », puis, se reprenant, « Oui ! Le Saint-Mère est port. »[10]

D'autres exemples dans le langage médiatique de personnages publics, par exemple de responsables politiques :

  • En 1975, un lapsus fameux fut commis à l'Assemblée nationale française par le député Robert-André Vivien, s'adressant à ses collègues à propos d'une loi sur la pornographie et les invitant à « durcir leur sexe » alors qu'il voulait dire « durcir leur texte ».
  • Le , le Premier ministre français Dominique de Villepin, dont l'avenir à ce poste est alors jugé incertain depuis plusieurs semaines par une partie de la classe politique, recommande, dans une intervention à l'Assemblée nationale, d'attendre la « démission » (au lieu de la « décision ») du Conseil constitutionnel sur une loi controversée[11].
  • Le , Ophélie Fontana, présentatrice du journal télévisé de la RTBF, annonça que le roi Albert II avait été opéré d'une fracture du col de l'utérus avant de se reprendre et de parler du col du fémur[12].
  • Le , au cours du 65e anniversaire du débarquement en Normandie, en présence de Barack Obama, Gordon Brown prononça « Obama Beach » au lieu de « Omaha Beach ».
  • Le , Bernard Kouchner, ministre français des Affaires étrangères, interrogé sur France Info sur la répression chinoise du mouvement autonomiste ouïghour, manifestement peu à l'aise sur ce sujet, répond en parlant des « Ouïghourts », entendu par certains comme « yogourts »[13]. Il n'est cependant pas évident de déterminer s'il s'agit d'un lapsus ou d'une ignorance du ministre.
  • Le , Rachida Dati prononce lors d'une émission de télévision le mot « fellation » en voulant parler d'inflation[14].
  • Le , Brice Hortefeux, interrogé au cours d'une émission radiophonique sur les fichiers, cite les empreintes génitales en voulant dire génétiques...
  • Le , Nicolas Sarkozy prononce Allemagne au lieu d’Alsace – avant de se reprendre immédiatement – lors de la présentation de ses vœux au monde rural, à Truchtersheim dans le Bas-Rhin[15].
  • Le , Dati prononce lors d'une interview sur LCI le mot gode en voulant parler d'un « code des bonnes pratiques »[16].
  • Le , le Premier ministre François Fillon prononce lors d'une séance Questions au gouvernement « gaz de shit » au lieu de « gaz de schiste » [17]
  • Le , évoquant l'instauration d'un enseignement de la morale laïque à l'école, Vincent Peillon prononce : "Les dieux sont liés", au lieu de "Les deux sont liés" [18]
  • Le , le président de l'Assemblée, Claude Bartolone, évoquant la désignation du premier secrétaire du PS, prononce : « Je vais essayer d’être conforme au rôle qui est le mien. Je ne vais pas, en tant que président de la République… heu… président de l’Assemblée… Comme quoi, on a tous des ambitions, Freud est partout ! »[19].
  • Le , François Hollande déclare : « La Banque centrale a organisé un mode d’intervention permettant de comploter… de compléter le dispositif. » [20]
  • Le , Manuel Valls déclare, alors qu'il défend dans une émission de télévision son activisme à propos de l'affaire Dieudonné : « Si c'était à refaire, je ne le referais pas » Avant de se reprendre  : « Si c'était à refaire, je le referais 1 000 fois. »[21]
  • Le , Béji Caid Essebsi déclare au président Hollande : « Je souhaite remercier le Président de la République française, Monsieur François Mitterrand... heu... Monsieur François Hollande. Excuse-moi cher ami, parce que j'ai connu celui de mon âge. »
  • Le , Nicolas Sarkozy, lors d'un discours à l'université d'été du parti Les Républicains, à La Baule, dit : « La France, de toute éternité, a toujours été du côté des opprimés et toujours été du côté des dictateurs, toujours été du côté de celui qui était jeté en prison parce qu'il croyait dans ses idées. »[22]
  • Le , alors qu'il s'adressait à la communauté française de New York, Emmanuel Macron a confondu État de droit et état d'urgence[23].
  • Le 10 mars 2018, lors du discours pour le lancement officiel du comité d’organisation de la Coupe du monde de rugby 2023, Édouard Philippe a déclaré que « la France est une nation qui veut continuer à sucer… » Avant de se reprendre : « continuer à susciter des grands champions »[24].
  • Le 18 juin 2019, le ministre du Travail, Muriel Pénicaud, propose sa réforme du versement des allocations chômage en affirmant devant l'Assemblée nationale être « contre le chômage et pour la précarité » [réf. nécessaire].
  • Le 9 novembre 2021, Gilles Bouleau, présentateur du JT de TF1, confond « port du masque obligatoire » avec « port du voile obligatoire » à la suite d'une annonce du président Macron concernant la crise sanitaire de COVID-19 en France[25]
  • Le 18 mai 2022, l'ancien président des États-Unis, George W. Bush, commet un lapsus en qualifiant l'invasion de l'Irak de « brutale » et d'« injustifiée » avant de se ressaisir et d'expliquer qu'il voulait parler de l'invasion russe de l'Ukraine[26]. Comme un aveu, il poursuit alors son discours en indiquant « de l'Irak aussi... bref ! »[27].

Notes et références

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  1. Irène Fenoglio (ITEM-CNRS), in: « Graphie manquée, lapsus écrit : un acte d'énonciation attesté », Introduction, p. 57, Langage et Société no 103, Éditions de la Maison des sciences de l'homme, mars 2003.
  2. étymologie du mot lapsus sur cnrtl ou 9e édition du dictionnaire de l'académie
  3. Psychologie de la Vie Quotidienne, Jacques Van Rillaer, Odile Jacob, 2003, p. 8
  4. (de) Rudolf Meringer, Karl Mayer Versprechen und Verlesen. Eine psychologisch-linguistische Studie. Göschen'sche Verlagshandlung, Stuttgart 1895. (Neudruck: A. Cutler, D. Fay (eds.) Amsterdam Studies in the Theory and History of Linguistic Science II: Classics in Psycholinguistics, Vol. 2. Benjamins, Amsterdam 1978).
  5. Freud, Sigmund, (1856-1939),, Introduction à la psychanalyse, Payot, dl 1975 (ISBN 2-228-30061-6 et 9782228300612, OCLC 758484565, lire en ligne), première partie : les actes manqués
  6. (e.g., Baars, Motley & MacKay,1975 ; Motley & Baars, 1976 ; Dell, 1990)[réf. incomplète]
  7. Baars et al.(1975)[réf. incomplète]
  8. Lapsus au clavier
  9. Au sujet de ce Verhören (normalement "interrogatoire", mais traduit comme lapsus auditif chez Freud), voir notamment : Vincent Clavurier, « Psychopathologie de la vie quotidienne et savoir-faire (hören) de l'analyste », Essaim n° 11 sur cairn.info,‎ , pp. 227 à 239 (lire en ligne, consulté le ).
  10. Frédérique Roussel, « Sus au lapsus », sur liberation.fr, .
  11. démission du Conseil constitutionnel
  12. Albert II s'est fracturé le col de... l'utérus ! DHnet 28 juin 2007 https://www.lavenir.net/cnt/18596
  13. ouïghours⇔yogourts
  14. « lci.tf1.fr/politique/baise-d-i… »(Archive.orgWikiwixArchive.isGoogleQue faire ?).
  15. Rédaction du Monde.fr, « LAPSUS - Sarkozy confond Alsace et Allemagne (BFM tv) » Accès libre, sur lemonde.fr, (consulté le ).
  16. (en) « - YouTube », sur YouTube (consulté le ).
  17. « Lapsus : quand Fillon parle "des gaz de shit"... » [vidéo], sur YouTube (consulté le ).
  18. « Lapsus de Vincent Peillon : \ »Les dieux doivent être liés\ » – 3 septembre 2012 », sur politique.com (consulté le ).
  19. « Lapsus de Claude Bartolone : \ »En tant que président de la République\ » – 11 septembre 2012 », sur politique.com (consulté le ).
  20. « Lapsus de François Hollande : \ »Un mode d\’intervention permettant de comploter\ » – 10 octobre 2012 », sur politique.com (consulté le ).
  21. Lefigaro.fr, « Le lapsus de Valls sur Dieudonné », Le Figaro,‎ (lire en ligne Accès libre, consulté le ).
  22. Nabil Touati, « VIDÉO. Lapsus de Nicolas Sarkozy : "La France a toujours été du côté des dictateurs" », sur Le Huffington Post, (consulté le ).
  23. « état de droit et état d'urgence: le lapsus de macron », sur le point
  24. Le Parisien, « Le gros lapsus d’Edouard Philippe devant le gratin de l’ovalie », sur Le Parisien, (consulté le )
  25. La Rédaction, « Port du voile ou port du masque ? Le lapsus de Gilles Bouleau en direct sur TF1 (VIDEO) », sur La Libre.be (consulté le )
  26. Le Parisien, « «Une invasion totalement injustifiée de l’Irak... Je veux dire de l’Ukraine» : le lapsus en forme d’aveu de George W. Bush », sur Le Parisien, (consulté le )
  27. Le Figaro, « VIDÉO - Une invasion «totalement injustifiée de l'Irak... je veux dire, de l'Ukraine» : le lapsus de George W. Bush », sur Le Figaro, (consulté le )

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Bibliographie

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  • Sigmund Freud, Psychopathologie de la vie quotidienne (1904), Payot, coll. « Petite Bibliothèque Payot », 2004 (ISBN 2228894028)
  • Sigmund Freud, Introduction à la psychanalyse, Paris, Payot, 1921.
  • Anne Queinnec, « Qu'est ce qu'il s'agit là dedans ? » : Quand les politiques massacrent la langue française !, First,
  • Mario Rossi et Évelyne Peter-Defare, Les lapsus ou comment notre fourche a langué, Paris, PUF, 1998.

Articles connexes

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