Aqueducs de Vésone
Les aqueducs de Vésone alimentaient la ville gallo-romaine de Vesunna (actuelle ville de Périgueux).
L'eau à Vésone
[modifier | modifier le code]C'est notamment en raison du développement des thermes de Vesunna (francisé en Vésone) que la cité se dote d'aqueducs permettant de faire face à l'augmentation rapide de la consommation d'eau[1]. Leur fonction n'est pas seulement utilitaire ; il s'agit d'une prouesse technique qui s'inscrit dans les grands travaux d'urbanisme visant à embellir Vésone[1].
La présence de bassins dans plusieurs habitations de riches notables de Vésone suppose une alimentation en eau courante pour la boisson, la toilette et la pratique balnéaire[1],[2]. La nappe phréatique étant peu profonde, une grande partie des besoins familiaux en eau semble couverte par des puits domestiques, retrouvés en nombre pendant les diverses fouilles archéologiques[1],[3]. Élisabeth Pénisson en dénombre cinq, dont l'un d'eux, profond de 8 m, est équipé d'une pompe en bois, aujourd'hui exposée dans le musée Vesunna[2].
Un important réseau de canalisations, faites de bois, de plomb et de grandes tuiles plates (tegulae), permet de récupérer les eaux de pluie des toitures, de vidanger les bassins et d'évacuer les eaux usées[2]. Des canalisations sont notamment retrouvées sous le dallage des sols de la domus des Bouquets[1].
Résultats des fouilles archéologiques
[modifier | modifier le code]Le sujet des aqueducs de Vésone intéresse les archéologues à partir du XIXe siècle, lorsque sont découverts les premières traces de tronçons d'aqueducs et de tuyaux, d'inscriptions de fontaines publiques, de bassins privés ou de canalisations d'évacuation d'eaux usées[4].
En 1826, Wlgrin de Taillefer propose une première synthèse, relayée un siècle plus tard par Charles Durand, qui étudie le tracé de l'aqueduc de Grandfont en 1920[4]. L'archéologie préventive (Wandel Migeon en 2008[5] et 2009[6], Claudine Girardy-Caillat en 2013[7], Serge Salvé en 2015[8]) puis des recherches de terrain plus récentes apportent une nouvelle approche sur le sujet (Laëtitia Borau entre 2013 et 2016)[8].
Aqueduc de Grandfont (ou du Petit Change)
[modifier | modifier le code]L'aqueduc de Grandfont (ou du Petit Change), le plus important d'entre eux, est le seul aqueduc à être attesté avec certitude à Périgueux[9]. Les premiers vestiges de l'aqueduc sont découverts en 1813, lorsque la nouvelle route qui relie Périgueux et Lyon est ouverte[9]. La construction de la RN 221, qui a débuté en 1809, a déjà détruit une grande partie des vestiges[10]. L'aqueduc est un ouvrage construit en maçonnerie coulée, recouverte de pierres plates[1].
En mars 1864, il reste encore quelques vestiges de l'aqueduc[9]. Grâce aux fouilles effectuées en 1912-1913, Charles Durand parvient à dessiner le tracé de l'adduction des eaux[9]. Le radier de l'aqueduc part à une altitude de 98,78 m et termine à une hauteur de 94,15 m[9]. D'une longueur totale de 7,043 km, l'ouvrage peut transporter, avec un débit de 78 litres à la seconde[1], plus de 15 800 000 litres par jour, soit la consommation actuelle de la ville de Périgueux pendant une journée d'automne[9]. La conduite de l'aqueduc a une forme trapézoïdale (0,66 m de profondeur pour 0,35 et 0,40 m de côté)[9].
L'eau provient des sources de Grandfont (à 103,70 m d'altitude), du Chien, du Lieu-Dieu et de la fontaine de l'Amourat (également orthographiée Lamourat)[9], située à 9 km de Vésone sur l'ancienne commune de Saint-Laurent-sur-Manoire[11]. Sur une pente de 0,66 m par kilomètre, l'eau est acheminée le long de l'actuelle route départementale 6089, sur environ quatre kilomètres ; elle franchit les dépressions sur des arcades, puis s'infléchit légèrement pour longer l'Isle, avant d'entrer sur le périmètre de l'actuelle commune de Périgueux, au niveau de la rue Bonvoisin (entre les kilomètres nos 5 et 6)[9]. L'aqueduc traverse ensuite le domaine des Cébrades, s'élève sur des arcades quand le terrain s'abaisse brusquement après celui-ci, puis enjambe l'Isle à 11 m de hauteur, en aval du pont de la SNCF et du pont Japhet (aujourd'hui disparu)[9]. L'aqueduc aurait alimenté la cité entre le Ier siècle et la fin du IIIe siècle apr. J.-C.[12], et notamment les thermes de Godofre[13],[14],[15],[16], situés à son embouchure[9]. La réception des eaux pour les thermes se fait à une altitude de 94,15 m, soit à 9,45 m au-dessus du sol[17].
En 2003, il subsistait encore quelques vestiges le long de route nationale 89 (l'actuelle route départementale 6089)[9], sur la commune de Boulazac[1].
Aqueduc des Jameaux (ou du Toulon ou de la Vieille Cité)
[modifier | modifier le code]L'existence de l'aqueduc des Jameaux (ou du Toulon ou de la Vieille Cité) n'est pas admise à l'unanimité par les historiens et les chercheurs ; Claudine Girardy-Caillat réfute notamment cette hypothèse[18]. L'absence de vestiges au XIXe siècle ne l'appuie pas non plus[1]. Il aurait mesuré entre 1 800 et 2 000 m de long[18]. Il serait parti de la fontaine des Jameaux — sur le territoire actuel de la commune de Coulounieix-Chamiers —, aurait suivi les rochers de la Boissière, longé la propriété des Rocs, franchi l'Isle sur des arcades (dont quelques vestiges sont retrouvés au milieu du XVIIIe siècle), avant d'aboutir au centre de la cité[18], près du forum et du temple de Vesunna[19].
L'aqueduc aurait vraisemblablement alimenté les petits thermes entre les rues actuelles de Campniac et de Vésone[20].
Wlgrin de Taillefer attribue la construction de l'aqueduc au duumvir de Vésone, Lucius Marullius Aeternus, après avoir découvert trois inscriptions sur des tableaux en calcaire qui rappelleraient sa donation pour la rénovation de l'aqueduc[19], l'adduction des eaux et l'érection de fontaines publiques au niveau de l'actuelle cité administrative Bugeaud, dans la rue Claude-Bernard (emplacement de l'ancien cimetière de la Cité) et rue La Calprenède[note 1],[18]. Les historiens contemporains sont toujours partagés sur l'affirmation de Taillefer[18].
Mémoire
[modifier | modifier le code]La rue de Périgueux qui commence au chemin du Puy-Rousseau et se termine rue Jean-Secret se dénomme rue de l'Aqueduc, en souvenir de cette route de 260 m de long qui menait à un ancien aqueduc du XIXe siècle, aujourd'hui démoli[21]. Dans ce même quartier, le lotissement de l'Aqueduc est créé par Jean et Jeanne Dubet dans les années 1950[21].
Notes et références
[modifier | modifier le code]Notes
[modifier | modifier le code]- Bien que cette voie apparaisse sous le nom de « rue Lacalprenède » sur le Géoportail, elle rend hommage au romancier et dramaturge Gautier de Costes de La Calprenède.
Références
[modifier | modifier le code]- Lachaise 2000, p. 84-85.
- Pénisson 2014, p. 34.
- Girardy-Caillat 2013, p. 24.
- Borau 2018, p. 117-118.
- Migeon 2008.
- Migeon 2009.
- Girardy-Caillat 2013, p. 275-278.
- Borau 2016.
- Penaud 2003, p. 392-393.
- Borau 2018, p. 81-83.
- Audierne 1857, p. 8.
- Bouet 2007, p. 156.
- Penaud 2003, p. 239.
- Cocula 2011, p. 56.
- Cocula 2011, p. 32.
- Girardy-Caillat 2013, p. 37.
- Durand 1920, p. 79.
- Penaud 2003, p. 578-579.
- Penaud 2003, p. 269-270.
- Higounet-Nadal 1983, p. 40.
- Penaud 2003, p. 38.
Voir aussi
[modifier | modifier le code]Bibliographie
[modifier | modifier le code]: document utilisé comme source pour la rédaction de cet article. Par ordre chronologique de parution :
- Henry-François-Athanase Wlgrin de Taillefer, Antiquités de Vésone, cité gauloise, remplacée par la ville actuelle de Périgueux, ou Description des monuments religieux, civils et militaires de cette antique cité et de son territoire. Précédée d'un essai sur les Gaulois, t. II, Périgueux, F. Dupont, , 719 p. (lire en ligne)
- François-Georges Audierne, Les Thermes de Vésune ou La Description des substructions récemment mises à découvert à Périgueux, Périgueux, Imprimerie Dupont et Cie, , 20 p. (lire en ligne)
- Édouard Galy, « Vésone et ses monuments sous la domination romaine », dans Actes du Congrès archéologique de France, séances générales tenues à Périgueux et à Cambrai, XXVe session, Paris, Société française d'archéologie, , p. 169-284
- Édouard Galy, Catalogue du Musée archéologique du département de la Dordogne, Périgueux, Imprimerie Dupont et Cie, (lire en ligne)
- Charles Durand, Fouilles de Vésone (compte-rendu de 1908), Périgueux, Imprimerie D. Joucla, (lire en ligne)
- Charles Durand, Fouilles de Vésone (compte-rendu de 1912-1913), Périgueux, Imprimerie D. Joucla, (lire en ligne)
- P. Barrière, Vesunna Petrucoriorum : Histoire d'une petite ville à l'époque gallo-romaine, Périgueux, Société historique et archéologique du Périgord et Imprimerie Ribes, , 228 p. (lire en ligne)
- P. Barrière, « Une bourgade gallo-romaine : Chassenon, ses monuments et ses puits », Revue des études anciennes, vol. 3, no 39, , p. 241-255 (ISSN 0035-2004)
- Arlette Higounet-Nadal (dir.) et al., Histoire du Périgord, Toulouse, Éditions Privat, , 330 p. (ISBN 2-7089-8202-8).
- Bernard Lachaise (dir.) et al., Histoire du Périgord, Périgueux, éditions Fanlac, , 322 p. (ISBN 2-86577-216-0).
- Guy Penaud, Le Grand Livre de Périgueux, Périgueux, éditions la Lauze, , 601 p. (ISBN 2-912032-50-4).
- Alain Bouet, « Retour à Périgueux. Notes sur quelques documents archéologiques anciens du chef-lieu des Pétrucores », Aquitania, t. XXIII, , p. 151-170 (ISSN 0758-9670, lire en ligne)
- Wandel Migeon, « Saint-Laurent-sur-Manoire – Grand-Front », Archéologie de la France - Informations, (ISSN 2109-9588, lire en ligne)
- Wandel Migeon, « Boulazac, Saint-Laurent-sur-Manoire – Prairie du Lieu-Dieu, Grand-Fond », Archéologie de la France - Informations, (ISSN 2109-9588, lire en ligne)
- Jean-Pierre Bost (dir.) et al., L'Empire romain et les sociétés provinciales, Pessac, Éditions Ausonius, coll. « Scripta Antiqua » (no 22), , 705 p. (ISBN 978-2-35613-014-3, lire en ligne)
- Anne-Marie Cocula (dir.) et al., Histoire de Périgueux, Périgueux, Fanlac, , 335 p. (ISBN 978-2-86577-273-5).
- Claudine Girardy-Caillat, « Vesunna, ville romaine », dans Élisabeth Pénisson et al. (préf. Michel Moyrand et Bernard Cazeau), Quoi de neuf chez les Pétrucores ? : Dix ans d'archéologie en Périgord gallo-romain, Périgueux, éditions Fanlac, , 128 p. (ISBN 978-2-86577-278-0), p. 23-24.
- Élisabeth Pénisson, Vesunna : Guide de visite, Périgueux, Éditions Sud Ouest, , 40 p. (ISBN 978-2-8177-0372-5).
- Laëtitia Borau, « Un équipement de première nécessité : l'eau captée dans la ville du Haut-Empire », dans Hervé Gaillard et Hélène Mousset, Périgueux : Notice générale : la formation de l'espace urbain des origines à nos jours, t. 1, Bordeaux, Ausonius, coll. « Atlas Historique des Villes de France », (ISBN 9782356132413, ISSN 0765-0817), p. 117-118.
- Laëtitia Borau, « Aqueduc de Grand-Font, du Petit-Change », dans Hervé Gaillard et Hélène Mousset, Périgueux : Sites et monuments, t. 2, Bordeaux, Ausonius, coll. « Atlas Historique des Villes de France », (ISBN 9782356132413, ISSN 0765-0817), p. 81-83.
Articles connexes
[modifier | modifier le code]Liens externes
[modifier | modifier le code]- Musée Vesunna, « Vesunna : Site-musée gallo-romain à Périgueux », sur perigueux-vesunna.fr
- Villes et Pays d'art et d'histoire, « Histoire de l'eau à Périgueux depuis plus de 2000 ans » [PDF], sur vpah-nouvelle-aquitaine.org,
- Laëtitia Borau, « Les aqueducs romains de Vesunna (Périgueux) et le réseau d'eau potable. Approche pluridisciplinaire. Prospection-thématique », sur traces.univ-tlse2.fr,