Ronéoteurs : Leblond, Bonafous Cours du 09/02/2022
Chefs de matière : Savary Dispensé par Mr/Mme Lepoder
C02 : vaccins et vaccination contre les maladies virales
I - Qu’est-ce qu’un vaccin ?
Un vaccin est une préparation qui, après administration, induit une réponse immune
spécifique responsable d’une protection contre une maladie infectieuse, parasitaire ou tumorale.
Le tout premier protocole vaccinal peut être attribué à E. Jenner, un médecin anglais, qui, en 1798,
arrive à protéger de la variole humaine grâce au virus de la vaccine. Il observe, dans un premier temps,
que les vachers qui ont de petits boutons sur les mains sont protégés contre la variole humaine. Il pense
alors que ces personnes ont attrapé un pathogène qui les protège de la variole. Il prit ensuite l’initiative
de percer ces boutons afin d’en inoculer le contenu à d’autres patients. Ce procédé fut appelé
variolisation mais donna aussi naissance au mot vaccin (issu de vaccine, lui-même issu de vacca, vache
en latin). La variole fut ensuite la première maladie éradiquée par la vaccination.
Ce premier protocole était plutôt expérimental et c’est seulement à partir de la fin du XIX e que la
vaccination fut mieux comprise notamment avec l’invention du vaccin contre la rage par Pasteur.
L’idée générale de la vaccination est d’accélérer la réponse immunitaire. En effet, le poids
relatif des effecteurs de la réponse immune est différent dans l’élimination d’une infection virale chez
un animal naïf ou dans la prévention d’une infection chez l’animal immun (vacciné). Chez un animal
naïf, la réponse met du temps à se mettre en place, notamment les immunoglobulines G (IgG) qui sont
neutralisantes, la réponse immune spécifique arrive ainsi trop tardivement pour empêcher une primo-
infection.
En cas de réinfection les effecteurs seront déjà là (cellules mémoires), cela va permettre d’accélérer la
réponse immunitaire secondaire et donc de rapidement empêcher l’infection, ou à minima rendre
l’infection beaucoup moins virulente.
Figure 1 : Cinétique immunitaire chez un animal naïf ou chez un animal immun
Ainsi, un vaccin idéal induit une réponse en anticorps et en lymphocytes T cytotoxiques (LTC) de
niveau élevé et de longue durée contre certaines protéines mais aussi une mémoire immunitaire. Cet
idéal n’est pas toujours atteint, la réponse anticorps est souvent présente mais c’est parfois difficile
pour la réponse LTC (rage par exemple).
II - Cibles de la vaccination et voies d’inoculation
Tous les animaux de compagnie et de loisir peuvent être vaccinés : cheval, chien, chat, lapin, furet.
Les animaux de rente sont aussi la cible des vaccins : bovin, porcin, ovin, caprins, anatidés, lagomorphes,
dindes, poulets, faisans. Il ne faut surtout pas oublier le secteur avicole où le vaccin a une importance
capitale étant donné les conditions d’élevage en forte promiscuité. Notons, par ailleurs, que la truite
arc-en-ciel et le saumon peuvent aussi être vaccinés mais cela reste anecdotique en France (même si
le nombre d’élevages commence à augmenter).
Il arrive aussi que la faune sauvage soit vaccinée (dans les zoos ou libres). En France il s’agit
principalement du renard (lors de la campagne de vaccination contre la rage) alors que le raton-laveur
est plus ciblé aux États-Unis (réservoir de rage outre Atlantique).
Les vaccins peuvent être efficace contre des maladies virales, bactériennes et parasitaires. Ce
sont surtout les virus et bactéries qui sont visés puisqu’à l’heure actuelle les vaccins contre les parasites
ne fonctionnent pas très bien.
La voie d’inoculation est principalement SC, mais il existe une forme nasale pour la toux du
chenil, voire orale pour Bordetella.
Espèce Voies d’inoculation
Carnivore domestique SC, IM, intranasal
Volaille Aérosols, in ovo, voie orale
Faune sauvage PO
Poisson Balnéothérapie, injection
Figure 2 : Voies d’inoculation en fonction de l’espèce
Balnéothérapie : on met le vaccin dans un bac d’eau et les poissons prennent le vaccin.
III - Les différents types de vaccins
En général, il est décrit trois types de vaccins mais cela se diversifie de plus en plus (comme nous le
voyons actuellement avec les vaccins à ARN et à ADN). Les trois catégories classiquement décrites sont :
les vaccins inertes, les vaccins vivants et les vaccins recombinants/vectorisés.
A - Le vaccin inerte
Dans les vaccins inertes, la souche inoculée ne se multiplie pas dans l’organisme.
Mécanisme : Il y a dégradation et présentation de l’antigène par les CMHII, ce qui induit surtout des
LTDC4 et LB. Cela permet donc surtout une réponse humorale, assez peu cytotoxique.
Au sein de cette catégorie il existe des sous-catégories. D’abord, toute la particule virale peut
être inoculée, le virus a alors été inactivé, ce qui donne des vaccins inactivés. Ensuite, uniquement une
protéine purifiée peut être injectée, ce qui donne naissance à des vaccins sous-unitaires (ou
subunitaires). Enfin, il existe des vaccins peptidiques qui s’appuient sur un enchaînement court d’acide-
aminés mais ils ne sont pas encore commercialisés.
1 - Vaccin inactivé
Ce type de vaccin demande une masse antigénique élevée qui entraîne un coût supérieur.
Ils nécessitent, de plus, l’utilisation d’adjuvants qui permettent de potentialiser la réponse
immunitaire (hydroxyde d’alumine chez les chevaux ou les carnivores domestiques, adjuvants huileux
chez les porcs…). Cependant, parfois, ils entrainent des réaction locales (gonflement, rougeur).
Un important à retenir est la rage pour les carnivores domestiques, les autres ne sont pas autorisés.
Figures 3 : quelques exemples de vaccins inactivés
Il existe différents agents d’inactivation : formol, ethylèneimine, betapropiolactone…
2 - Vaccin sous-unitaire
Le plus souvent, les vaccins subunitaires sont des protéines de l’enveloppe de virus
enveloppés ou même une anatoxine bactérienne. On obtient ces protéines par purification ou synthèse
(génie génétique), ce sont des procès assez couteux.
Comme précédemment, la masse antigénique élevée engendre un coût lui aussi élevé.
L’association des vaccins sous-unitaires avec des adjuvants est récurrente (les mêmes que pour les
vaccins inactivés) et entraine des risques de réaction inflammatoire locale.
Figure 4 : quelques exemples de vaccins subunitaires
3 - Vaccin peptidique
Ce type de vaccin n’est pas commercialisé à ce jour, il faudra éventuellement s’y intéresser dans
quelques années.
B - Le vaccin vivant
À l’inverse du vaccin inerte, le vaccin vivant possède une souche virale qui se multiplie au sein de
l’organisme en faible intensité. La multiplication se fait souvent à bas bruit, sans symptôme, mais
déclenche tout de même une réponse immunitaire systémique (LB et LT) et mémoire.
Contrairement aux vaccins inertes, ici les cellules sont infectées, l’antigène peut donc être présenté
par le CMHI et donc déclencher une réponse cytotoxique en plus de la réponse humorale apportée
par les CMHII.
En général avec les vaccins vivants il faut moins de rappel, ce qui diminue les couts de vaccination
Tout le problème réside dans l’obtention d’un bon vaccin vivant.
Là encore, trois sous-types de vaccins existent : les vaccins atténués conventionnels, les vaccins
atténués par mutagenèse dirigée et les vaccins vectoriels réplicatifs.
Figure 5 : différents vaccins vivants
1 - Vaccin atténué conventionnel
Pour obtenir ce type de vaccin, le virus virulent subit plusieurs passages sur :
- Culture cellulaire de la même espèce ou d’une espèce différente : cas de la souche Rockborn
pour vacciner contre la maladie de Carré
- Animal différent ou sur œuf : cas de la souche Onderstepoort pour vacciner contre la maladie
de Carré. La culture sur œuf embryonné est aujourd’hui désuète à la suite du développement
de la culture cellulaire
- Culture cellulaire à basse température : cas de la souche pour vacciner contre la PIF, non
disponible en France. Le vaccin pour la PIF se fait par voie nasale où la souche virale se multiplie
localement mais pas dans le reste de l’organisme (température trop haute).
Les mécanismes moléculaires à l’origine de l’atténuation sont aujourd’hui toujours inconnus mais on
observe qu’après un certain nombre de cultures on obtient un virus atténué qui se multiplie peu et
est non pathogène.
Figure 6 : Quelques exemples de vaccins atténués conventionnels
Il est à noter que les vaccins vivants atténués portent un risque de virulence. Le vaccin vivant
atténué contre la panleucopénie infectieuse féline provoque, par exemple, une agénésie du cervelet
des chatons ou un avortement chez la femelle gestante. Réaliser ce vaccin sur une chatte gravide est
donc une des rares fautes professionnelles du vétérinaire.
Très rarement, il a pu être observé que le virus vivant atténué puisse récupérer sa virulence une fois
injecté chez l’animal. Par exemple, en Australie deux souches différentes d’un virus contre la
laryngotrachéite infectieuse aviaire avaient été utilisées et ont recombinées pour faire une souche
virulente. Cependant, l’utilisation de ce type de vaccin est sûre étant donné leur utilisation très
répandue depuis des décennies.
Les vaccins vivants offrent plus de possibilités au niveau des voies d’inoculation, notamment orale et
nasale.
Ce sont ces vaccins vivants atténués qui ont permis l’éradication de la peste bovine (seconde maladie
éradiquée grâce à la vaccination après la variole) en 2010.
Anecdote : C’est la peste bovine qui a été à l’origine de la création des écoles vétérinaires.
2 - Vaccin atténué par mutagenèse dirigée
Ces vaccins sont créés en délétant spécifiquement le gène d’un facteur de virulence connu
(ou en le rendant ineffectif). Ce sont des vaccins plus rares car nécessitent de bien connaitre la
physiopathologie et le génome du virus.
En médecine vétérinaire il existe des vaccins « gE- » contre les herpesvirus de la maladie d’Aujesky ou
de la rhinothrachéite infectieuse bovine. La mutagenèse est dirigée contre la glycoprotéine
d’enveloppe gE ce qui fait que le virus ne se développe plus que localement tout en déclenchant une
bonne réponse immunitaire sans pathologie. Le virus est donc atténué en enlevant Ge.
Ce type de vaccin permet, de plus, de développer une stratégie DIVA (differenciation of infected and
vaccinated animals). Cela signifie qu’il est possible de différencier par sérologie les animaux vaccinés
des animaux infectés. L’application est uniquement en médecine du bétail.
Bilan
Figure 7 : comparaison vaccin vivant vs vaccin inerte
3 - Vaccin vectorisé réplicatif
Ces vaccins utilisent un vecteur (souvent un poxviridae, parfois des adenoviridae comme dans
le cas du vaccin Astrazeneca contre la covid-19) dont on modifie le génome afin d’y insérer un gène
codant pour une protéine d’intérêt immunogène (glycoprotéine G du virus de la rage, hémagglutinine
du virus de la grippe…). Ici le vecteur se multiplie au sein de l’organisme (réplicatif).
Les premiers essais ont été réalisés en médecine humaine dans le but de vacciner contre
l’hépatite B. L’équipe de B. Moss a pris un poxvirus (celui de la vaccine) et a inséré dans son génome le
gène codant pour l’antigène S de l’hépatite B puis l’a injecté à des lapins. Elle a pu, par la suite,
démontrer que les lapins ont développés une réponse immunitaire humorale contre l’antigène S de
l’hépatite B. En passant aux chimpanzés, ils ont pu démontrer, après épreuve vaccinale, que ceux-ci
étaient bien protégés contre le virus de l’hépatite B.
Très vite cette idée fut reprise afin de créer un vaccin recombinant contre la rage afin de vacciner la
faune sauvage par voie orale (ce qui était difficile de faire à l’époque à l’aide des vaccins conventionnels).
Le recombinant était donc un poxvirus (celui de la vaccine) avec le gène codant pour la glycoprotéine
G rabique. Le vaccin a été lâché par hélicoptère dans les zones où il y avait des renards enragés et une
étude montre les résultats en fonction de 3 lots challenger : orale, sous-cutané et via des appâts. Dans
les trois lots les résultats sont très encourageants puisque la grande majorité des renards ont survécus.
Du coup ils sont protégés contre les poxvirus : ils sont peu pathogènes donc on ne s’en rend pas
vraiment compte.
4 - Vaccin vectorisé non-réplicatif
À la suite du développement des vaccins recombinants réplicatifs, des vaccins vectoriels non-
réplicatifs ont été mis au jour. Ceux-ci ne se multiplient pas dans l’organisme dans lequel ils sont
inoculés, ils ne font qu’exprimer leur génome (cycle viral abortif). Pour ce faire, le Canary poxvirus est
très utilisé car il est naturellement non réplicatif sur les cellules de mammifères.
On parle de cycle abortif car le virus entre dans les cellules, les gènes du virus (y compris celui que l’on
a ajouté) s’expriment et forment des protéines mais le virus ne refait pas des particules virales.
Ce mécanisme permet une bonne biosécurité et empêche la diffusion d’un OGM.
Figure 8 : mécanisme des vaccins vectorisés non réplicatifs
Figure 9 : Quelques exemples de vaccins recombinants non-réplicatifs
Ce vaccin rage est peu utilisé
Exemple grippe équine : poxvirus + gène codant pour l’hémagglutinine
IV - Vaccination du jeune
Chez le jeune animal il existe un problème quant à l’âge de la première vaccination. En effet, il
y a une période où le vaccin peut être inhibé par les anticorps d’origine maternelle, mais ces mêmes
anticorps peuvent être insuffisants face à l’infection, c’est la période critique.
On considère chez les carnivores domestiques qu’après 4 mois il n’y a plus d’anticorps maternel, mais
certains individus n’en n’ont plus dès 2 mois. Ainsi cette variation individuelle explique pourquoi il est
tout de même intéressant de vacciner les jeunes animaux avant leurs 4 mois.
Chez le cheval et les bovins on considère que la disparition des anticorps maternels est respectivement
à 6 et 9 mois.
Pour passer outre cette difficulté, une des stratégies consiste à vacciner la mère. Dans ce cas
c’est le colostrum qui protégera les jeunes dans les premiers jours. Cette stratégie permet surtout une
protection contre les virus très virulents dans les premières heures ou jours de vie, mais pas vraiment
ensuite.
Ces protocoles existent chez la vache avec des vaccins contre le rotavirus et le coronavirus (qui
provoquent des diarrhées néonatales dans les huit premiers jours de vie) ainsi que chez le chien contre
l’herpesvirus canin (qui provoque des hémorragies multiples chez le chiot).
Il existe aussi une stratégie visant à injecter une grosse dose d’antigènes vaccinaux afin de
déborder la capacité d’inhibition des anticorps colostraux : il s’agit des vaccins surtitrés. Cela existe
contre la parvovirose canine.
Enfin, il est aussi possible d’utiliser des vaccins vectorisés avec un virus inconnu de la mère.
Ce virus passera donc outre les anticorps colostraux et stimulera l’immunité du jeune directement.
Des expérimentations ont été réalisées en ce sens à l’aide d’un adénovirus recombinant contre la
maladie d’Aujesky.
Cependant, cette technologie n’est pas encore développée chez les carnivores domestiques.
S6, « Matière », Ronéo n°
Figure 10 : différents lots et suivie du titre en anticorps après vaccination et épreuve. On remarque qu’il n’y a pas
de période critique pour le lot mère vaccinée et porcelet vacciné en vectorisé.
V - Schémas vaccinaux
Ces protocoles seront revus en TD.
Rappelons, tout d’abord, que chez le chien, certains vaccins ont une durée d’action très longue : minimum 3 ans
pour la maladie de Carré, jusqu’à 7 ans pour le vaccin contre l’adénovirus canin.
Figure 11 : vaccins et rappels chez le chien
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S6, « Matière », Ronéo n°
Figure 12 : vaccins et rappels chez le chat
Ces schémas s’adaptent en fonction du mode de vie de l’animal (ici exemple d’animaux qui ne sont pas en
collectivité).
Figure 13 : protocole chez le chien
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Figure 14 : protocole chez le chat
Figure 15 : protocole vaccinal pour les poules pondeuses au USA
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VI - Perspectives et améliorations
Actuellement un défi des vaccins est la variabilité des protéines virales. En effet, un vaccin peut ne pas protéger
contre toutes les souches virales ou la mutation d’une protéine virale peut provoquer un échappement au vaccin.
Un grand exemple en médecine vétérinaire est le calicivirus félin (virus à ARN à haute fréquence de mutation). Les
différents vaccins ne protègent pas contre toutes les souches de calicivirus. Dans une étude où quatre vaccins ont
été testés, au moins 10 souches leur échappaient. Cela explique pourquoi des chats correctement vaccinés contre
le calicivirus peuvent attraper une calicivirose.
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