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Chirurgie Palpébrale

Le document traite de la chirurgie palpébrale, abordant à la fois les aspects pathologiques et esthétiques des paupières. Il présente des informations détaillées sur l'anatomie des paupières, les techniques chirurgicales et les implications cliniques. Ce livre est une ressource précieuse pour les professionnels de l'ophtalmologie et de la chirurgie esthétique.

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Chirurgie Palpébrale

Le document traite de la chirurgie palpébrale, abordant à la fois les aspects pathologiques et esthétiques des paupières. Il présente des informations détaillées sur l'anatomie des paupières, les techniques chirurgicales et les implications cliniques. Ce livre est une ressource précieuse pour les professionnels de l'ophtalmologie et de la chirurgie esthétique.

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Chirurgie palpébrale –

pathologique et esthétique
Chez le même éditeur

Du même auteur :
Les voies lacrymales, par M.-A. Ducassé, J.-P. Adenis, B. Fayet, J.-L George, J.-M. Ruban et collaborateurs. Rapport de la SFO 2006, 640 p.
Pathologie orbito-palpébrale, par J.-P. Adenis, S. Morax et collaborateurs. Rapport de la SFO 1998, 856 p.

Dans la même collection :


Chirurgie oculomotrice, par A. Roth, C. Speeg-Schatz, G. Klainguti, A. Péchereau. 2012, 480 p.

Autres ouvrages :
Ophtalmologie pédiatrique, par D. Denis, Rapport de la SFO 2017, 944 p.
Déficiences visuelles, par P.-Y. Robert, Rapport de la SFO 2017, 304 p.
La DMLA exsudative, par F. Coscas, 2017, 136 p.
Uvéite, par B. Bodaghi, P. Le Hoang, 2017, 528 p.
Strabologie, par M.-A. Espinasse-Berrod, 3e édition, 2017, 424 p.
Manuel de strabologie, par N. Jeanrot, F. Jeanrot, 3e édition, 2017, 216 p.
Chirurgie des glaucomes, par J. Laloum, P.-Y. Santiago, 2017, 208 p.
Œdèmes maculaires, par C. Creuzot-Garcher, P. Massin, Rapport de la SFO 2016, 680 p.
Chirurgie du regard, par O. Galatoire, Rapport de la SFO 2016, 256 p.
Neuro-opthalmologie, par C. Vignal-Clermont, D. Miléa, C. Tilikete, 2e édition, 2016, 320 p.
Surface oculaire, par P.-J. Pisella, Rapport de la SFO 2015, 720 p.

A paraître :
Chirurgie de la cataracte, par T. Amzallag, P. Rozot. 2018, 304 p.
Techniques chirurgicales
Collection dirigée par Jean-Jacques Saragoussi

Chirurgie palpébrale –
pathologique et esthétique
Jean-Paul Adenis

2e édition
Ce logo a pour objet d'alerter le lecteur sur la menace que représente pour l'avenir de l'écrit, tout particulièrement dans le
DANGER domaine universitaire, le développement massif du «photo-copillage». Cette pratique qui s'est généralisée, notamment
dans les établissements d'enseignement, provoque une baisse brutale des achats de livres, au point que la possibilité même
pour les auteurs de créer des œuvres nouvelles et de les faire éditer correctement est aujourd'hui menacée.
Nous rappelons donc que la reproduction et la vente sans autorisation, ainsi que le recel, sont passibles de poursuites. Les
demandes d'autorisation de photocopier doivent être adressées à l'éditeur ou au Centre français d'exploitation du droit de
LE copie : 20, rue des Grands-Augustins, 75006 Paris. Tél. 01 44 07 47 70.
PHOTOCOPILLAGE
TUE LE LIVRE

Dessins de Antoine Barnaud

Tous droits de traduction, d'adaptation et de reproduction par tous procédés, réservés pour tous pays.
Toute reproduction ou représentation intégrale ou partielle, par quelque procédé que ce soit, des pages publiées dans le présent ouvrage,
faite sans l'autorisation de l'éditeur est illicite et constitue une contrefaçon. Seules sont autorisées, d'une part, les reproductions stricte-
ment réservées à l'usage privé du copiste et non destinées à une utilisation collective et, d'autre part, les courtes citations justifiées par
le caractère scientifique ou d'information de l'œuvre dans laquelle elles sont incorporées (art. L. 122-4, L. 122-5 et L. 335-2 du Code de la
propriété intellectuelle).

© 2018, Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés


ISBN : 978-2-294-75638-2
E-ISBN : 978-2-294-75777-8

Elsevier Masson SAS, 65, rue Camille-Desmoulins, 92442 Issy-les-Moulineaux cedex


www.elsevier-masson.fr
Liste des auteurs

ADENIS Jean-Paul, professeur émérite, praticien hospitalier, ancien chef du service d'ophtalmologie, CHU Dupuytren
Limoges.
CAMEZIND Philippe, ancien chef de clinique assistant, ophtalmologiste libéral, Toulouse.
DELMAS Juliette, praticien hospitalier, CHU Dupuytren, et Polyclinique François Chénieux, Limoges.
GRIVET Damien, praticien hospitalier, service d'ophtalmologie, CHU Saint-Étienne.
LATHIÈRE Thomas, chef de clinique assistant, CHU Dupuytren Limoges.
MOURGUES Thierry, ancien chef de clinique assistant, ophtalmologiste libéral, Limoges.
ROBERT Pierre-Yves, professeur des universités, praticien hospitalier, chef du service d'ophtalmologie, CHU Dupuytren
Limoges.
SERVANTIE Rémi, ancien chef de clinique assistant, ophtalmologiste libéral, Brive-la-Gaillarde.
ZIKIC Zoran, ancien assistant CHU Dupuytren Limoges, ophtalmologiste libéral, Novi Sad, Serbie, Monténégro.

V
Chapitre 1
Anatomie des paupières
P.-Y. Robert, J.-P. Adenis

PLAN DU CHAPITRE
Anatomie de surface 6
Les paupières, émanation antérieure
des structures orbitaires 8
Architecture des paupières 10
Anatomie des angles palpébraux 15
Anatomie des glandes et des voies lacrymales 15
Vascularisation et innervation des paupières 18

Chirurgie palpébrale
© 2018, Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés
Chirurgie palpébrale

Les paupières sont des rideaux qui servent à protéger le globe Lorsque l'on examine les paupières après instillation de vert
oculaire. Elles permettent la vision par le mouvement actif d'ou- de Lissamine, une ligne se forme sur le bord libre. Cette ligne,
verture. Elles contiennent aussi toutes les glandes qui fabriquent appelée ligne de Marx, correspond à la zone de contact du
le film lacrymal, et participent activement au renouvellement, bord libre avec la surface oculaire, elle peut se situer soit en
à l'étalement et à l'excrétion des larmes à chaque clignement. avant soit en arrière des orifices des glandes de Meibomius [10].

Anatomie de surface Application


Une incision le long de la ligne grise permet de séparer
La fente palpébrale normale a la forme d'une amande de rapidement lamelle antérieure et lamelle postérieure.
10 mm de haut sur 29 mm de large, dont le bord externe En pratique, pour éviter la chute des cils, on réalise une
est 1 à 2 mm plus haut que le bord interne (fente dite incision 1 à 2 mm en arrière de la bordure ciliaire pour
«mongoloïde»). Cette obliquité favorise le drainage phy- effectuer cette séparation.
siologique des larmes [2].
À l'état normal, la paupière supérieure recouvre le limbe
supérieur de 1 à 2 mm, et la paupière inférieure affleure le
limbe inférieur [12]. Lignes cutanées
La peau des paupières est la plus fine de l'organisme (moins
Anatomie du bord libre de 1 mm d'épaisseur). La partie nasale des paupières
contient plus de poils et de glandes sébacées [2].
La bordure ciliaire mesure 2 mm de large. Elle montre Les plis de la face sont utiles à repérer comme voies d'abord
en avant les cils, en arrière les orifices des glandes de en chirurgie palpébrale. Ces plis sont de trois types : les rides
Meibomius. Les cils sont au nombre de 70 à 160 en pau- dynamiques, liées à une contraction musculaire (plis de la
pière supérieure, 70 à 80 en paupière inférieure, répartis en glabelle liés à la contraction du procerus) ; les plis orthosta-
3 à 4 rangées [12]. Entre les deux se trouve la ligne grise tiques (liés aux zones de plicature lors des mouvements phy-
(figure 1.1), repère chirurgical. Une incision sur la ligne grise siologiques comme les plis de la patte d'oie) et les plis liés à la
permet lors d'une marginoplastie de séparer lamelle anté- pesanteur par affaiblissement du système de suspension de la
rieure (peau + orbiculaire) et lamelle postérieure (tarse peau au cours du vieillissement (cernes). Les incisions doivent
+ conjonctive). La ligne grise correspond également histo- toujours être placées dans les lignes de tension cutanée (lignes
logiquement à la partie la plus superficielle de l'orbiculaire, de Langer), afin de respecter l'orientation du réseau collagène
appelée muscle de Riolan [32]. sous-jacent et d'éviter une cicatrice rétractile [29].

Application
Une incision dans les lignes de Langer évite les cicatrices
rétractiles.

Muscles superficiels des paupières


(figure 1.2)
Tous les muscles superficiels de la face dérivent du deu-
xième arc branchial. L'orbiculaire migre depuis la région
de l'oreille vers les paupières, jusqu'à la 12e semaine de
Figure 1.1 grossesse.
Ligne grise, située entre les orifices des glandes de Meibomius, en L'orbiculaire se divise en quatre portions : l'orbiculaire
arrière, et les cils, en avant. orbitaire, l'orbiculaire préseptal, l'orbiculaire prétarsal, et
6
1. Anatomie des paupières

5
6
1

Figure 1.3
Région du pli palpébral supérieur.
Le septum rejoint à ce niveau l'aponévrose du releveur et le pli
marque la limite supérieure des insertions palpébrales du releveur.

Figure 1.2 Région du pli palpébral


Muscles superficiels des paupières.
1 : muscle frontal ; 2 : muscle orbiculaire orbitaire ; 3 : muscle Au-dessus de ce pli, on définit ainsi le repli palpébral supé-
orbiculaire préseptal ; 4 : muscle orbiculaire prétarsal ; 5 : muscle rieur, partie de la paupière qui se replie lorsque la paupière
corrugateur ; 6 : muscle procerus ; 7 : tendon canthal médial.
s'élève. La région du pli palpébral est un important repère
chirurgical, pour trois raisons :
● premièrement, comme pli naturel, il constitue une voie
une arcade musculaire fine le long du bord libre appelée
d'abord idéale ;
muscle de Riolan. L'orbiculaire orbitaire obéit exclusivement ● deuxièmement, il correspond à la limite supérieure des
à une commande volontaire alors que les deux autres por-
fibres de l'aponévrose, et désigne l'endroit où l'on peut
tions obéissent également à une commande involontaire
effectuer une plicature dans la chirurgie du ptosis ;
dans le clignement réflexe. ● troisièmement, il constitue l'endroit où le septum orbi-
Le muscle frontal s'insère sur le rebord orbitaire supé-
taire s'articule avec l'aponévrose. Lors de l'incision dans le
rieur, sous les dernières fibres de l'orbiculaire orbitaire. Il
pli, il est donc facile de repérer la graisse pré-aponévrotique
s'articule médialement avec deux muscles de la racine
qui affleure sous le septum. La protrusion de cette graisse
du nez : le corrugateur et le procerus. Le corrugateur est
permet en la rétractant d'exposer l'aponévrose lorsque l'on
appendu à la racine du sourcil, et sa contraction la porte
a besoin chirurgicalement de rechercher, par exemple, le
en bas et en dedans pour exprimer la colère ou le désar-
ligament de Whitnall.
roi. Le procerus est vertical et est responsable des rides
La paupière supérieure asiatique présente un pli palpébral
de la glabelle.
supérieur beaucoup plus bas que la paupière occidentale, et un
repli plus bombé qui surplombe volontiers le pli (voir plus loin).
En paupière inférieure, il existe un pli palpébral inférieur, pré-
Application sent chez l'enfant et qui diminue avec l'âge, situé 3 à 4 mm sous
Les muscles superficiels des paupières sont diversement la ligne ciliaire médialement, et 5 à 6 mm latéralement [2].
atteints au cours du blépharospasme, ou au cours des
paralysies faciales. L'anatomie permet de préciser le bilan
préthérapeutique dans ces deux affections. Application
Lors d'une blépharoplastie en paupière supérieure, le pli
palpébral est une voie d'abord intéressante :

la cicatrice ne se voit pas ;
Le pli palpébral supérieur (figure 1.3) est situé 8 à 11 mm ■
lors de la suture, on peut recréer le pli en amarrant
au-dessus de la marge ciliaire [2]. Ce pli correspond à la l'aponévrose à l'orbiculaire ;
limite supérieure des insertions tarsales de la paupière ■
elle permet l'abord direct de la graisse pré-aponévrotique.
supérieure.
7
Chirurgie palpébrale

Anatomie des sourcils 1


Les sourcils sont une composante des paupières à part 2
entière. Ils participent activement à la mimique et à la com-
munication des émotions. Ils sont reliés à l'ensemble des 3

muscles du scalp par la galéa, aponévrose qui s'insère égale­


ment en arrière sur le muscle occipital. Lorsqu'il existe une
ptose du sourcil, celui-ci a une forme aplatie (plus fréquente
chez l'homme), et lorsqu'il est surélevé il adopte une forme
convexe (plus fréquente chez la femme). Les poils des sourcils
sont orientés vers le haut, parallèlement au rebord orbitaire 4
sur la partie inférieure, et vers le bas sur la partie supérieure. 5
6

Application
8
Le bistouri doit être mis parallèle à l'axe des cils lorsqu'on 9
7
réalise une incision près du sourcil, afin d'éviter de cou-
per leur racine.

Les muscles responsables des mouvements du sourcil


(figure 1.4) sont le frontal, l'orbiculaire orbitaire, le corruga-
teur (oblique en bas et en dedans) et le procerus (vertical). Le
frontal permet une élévation du sourcil de 3 à 5 mm [2], et se Figure 1.4
trouve ainsi l'antagoniste de l'orbiculaire. Ces deux muscles Rapports musculaires dans la région du sourcil.
1 : galéa (feuillet superficiel) ; 2 : galéa (feuillet profond) ; 3 : muscle
présentent des interdigitations à l'insertion du frontal. Le frontal ; 4 : graisse du sourcil ; 5 : muscle corrugateur ; 6 : septum
corrugateur s'insère au niveau des interdigitations frontal- orbitaire ; 7 : muscle orbiculaire ; 8 : graisse pré-aponévrotique ; 9 :
orbiculaire, et amène le sourcil en bas et en dedans, créant aponévrose.
une impression de colère et des plis glabellaires. Ces plis sont
renforcés par l'action du procerus, vertical, qui s'insère sur les
os propres du nez. Ces quatre muscles présentent d'impor-
Les paupières, émanation
tantes interdigitations qui rendent leur dissection difficile. antérieure des structures orbitaires
Tous ces muscles sont innervés par le nerf facial.
La graisse du sourcil sépare en avant les muscles orbicu- Chef capsulopalpébral
laire et frontal, et en arrière la galéa. Elle peut se prolonger en
bas entre l'orbiculaire et le septum, et peut être alors confon- Chez les animaux inférieurs, les muscles droits pré-
due chirurgicalement avec la graisse pré-aponévrotique. sentent tous une expansion antérieure, appelée « chef
Enfin, la galéa se divise en un feuillet antérieur et un feuil- capsulopalpébral ». Une illustration est la membrane
let postérieur, qui entourent le frontal et l'orbiculaire. Le nictitante des oiseaux. Chez l'homme, il existe des ves-
feuillet postérieur attache fermement le sourcil au rebord tiges de ce chef capsulopalpébral pour tous les muscles
orbitaire supérieur. droits : le droit externe présente une expansion laté-
rale pour le tubercule de Whitnall, qui joue le rôle de
« check-ligament ». Le droit interne présente une expan-
Application sion analogue pour le muscle de Duverney, en direc-
La position du sourcil permet de distinguer le blépharos-
tion du repli semi-lunaire (vestige chez l'homme de la
pasme essentiel (protracteurs contractés, sourcil baissé : membrane nictitante). En paupière inférieure, il existe un
signe de Charcot) de la dystonie focale de l'orbiculaire fascia capsulopalpébral très développé qui participe à la
prétarsal (frontal élevé pour essayer d'ouvrir les pau- statique de la paupière inférieure (voir plus loin), et le
pières, sourcil relevé : signe de Charcot inverse). releveur de la paupière supérieure est le vestige du chef
capsulopalpébral du droit supérieur.
8
1. Anatomie des paupières

Tubercule de Whitnall
Le rebord orbitaire externe est pourvu d'une saillie osseuse,
située en regard de la fente palpébrale 1 à 2 mm en arrière
du rebord antérieur, appelée tubercule de Whitnall. Il est
remarquable par les nombreux ligaments qui s'y insèrent,
du plus solide au plus lâche :
● le tendon canthal externe ;
● le ligament de Lockwood ;
● l'aileron latéral du releveur ;
● le septum orbitaire ;
● le ligament postérieur de l'orbiculaire ;
● le chef capsulopalpébral du droit externe.
Figure 1.5
Organisation fibreuse de l'orbite.
Ici la trochlée est reliée au corps du muscle releveur par un réseau
de fibres collagènes et de fibroblastes, qui réalisent comme un
Application «système locomoteur additionnel de l'œil».
Le tubercule de Whitnall est la zone d'amarrage incon-
tournable des canthoplasties externes. Orientation de l'orbite
L'orbite a grossièrement la forme d'un cône, dont l'axe est
horizontal, orienté en avant et en dehors de 23° sur l'axe
Organisation fibroligamentaire sagittal. De ce fait, la force élévatrice du releveur qui s'exerce
sur la paupière supérieure est dirigée en arrière et en dedans.
de l'orbite
Cette force est contrebalancée par la résistance élastique de
Les travaux de L. Koornneef, en 1977, sur des orbites dissé- la sangle constituée du tarse et des deux tendons canthaux.
quées avec leur cadre osseux ont montré une organisation La direction en arrière et en-dedans de la force élévatrice
de la graisse en lobules séparés par des septa. Ces septa sont explique que le tendon canthal latéral est beaucoup plus
faits de collagène et peuvent contenir des myofibroblastes développé et robuste que le tendon canthal médial. Elle
et parfois des vaisseaux sanguins. Ils sont répartis selon les explique également que la paupière supérieure soit plus
lignes de force des muscles oculomoteurs, définissant ainsi élevée en latéral dans la rétraction palpébrale.
un véritable «système locomoteur additionnel» de l'œil
(figure 1.5). Ainsi, l'on décrit une couronne liant les quatre
muscles droits, un réseau de fibres unissant le couple rele- Application
veur/droit supérieur au grand oblique et à sa poulie, et un
«hamac» pour la veine ophtalmique supérieure. L'orbite est orientée sur 23° en dehors de l'axe sagittal. De
Ce réseau de septa explique en particulier les troubles ce fait, les attaches latérales sont plus développées que
les attaches médiales.
de synergie oculopalpébrale ou certains troubles oculomo-
teurs dans la maladie de Basedow, les difficultés de drainage
des collections orbitaires (purulentes ou hémorragiques), et
les complications possibles des lipectomies pour exophtal-
mies (risques de saignement, troubles oculomoteurs pos- Septum orbitaire
topératoires, difficultés en cas de radiothérapie préalable). Le septum orbitaire limite en avant l'orbite, et en arrière
l'orbiculaire. Il est plus fin en médial, car perforé pour laisser
passer les vaisseaux et nerfs lacrymal, supraorbitaire, supra-
Application trochléaire, et infra-orbitaire. Il s'insère sur le rebord orbi-
L'orbite est constitué d'un réseau de fibres conjonctives taire le long de l'arcade marginale, qui marque également
qui organise les mouvements autour de la graisse orbi- l'insertion antérieure de la périorbite. L'arcade marginale est
taire de façon complexe. fermement attachée à l'os, en comparaison des attaches
osseuses très souples de la périorbite [2]. Le septum s'insère
9
Chirurgie palpébrale

le long de l'insertion antérieure du frontal, puis derrière Poches graisseuses


le muscle de Duverney sur la crête lacrymale postérieure,
avant de descendre en avant jusqu'au rebord orbitaire infé- L'anatomie des poches graisseuses palpébrales est impor-
rieur. Il fusionne, dans l'angle externe, avec le tendon can- tante dans la blépharoplastie esthétique et dans la décom-
thal latéral et l'aileron latéral du releveur [2]. pression orbitaire par lipectomie. Lorsque l'on ouvre le
Le septum orbitaire consiste en deux feuillets. Le feuillet septum, la graisse pré-aponévrotique fait saillie en avant.
blanc, superficiel, contient des vaisseaux sanguins, descend Elle est séparée en cinq poches principales :
à la face postérieure de l'orbiculaire et s'articule avec l'apo- ● en paupière inférieure une poche médiale, une poche
névrose dans un tissu lâche avec quelques fibres élastiques médiane et une poche latérale qui est la plus volumineuse
(figure 1.6). Le feuillet profond accompagne d'abord le des cinq, mais dont la face antérieure est la moins saillante
feuillet superficiel, puis se réfléchit le long de l'aponévrose sous le septum ;
et rejoint l'aponévrose du releveur [18]. Selon une autre ● en paupière supérieure, une poche médiale et une poche
théorie, la gaine superficielle du releveur se condenserait médiane, autrement appelée graisse pré-aponévrotique ou
pour former le ligament de Whitnall (ligament supérieur «organe en rouleau» (la partie latérale étant occupée par la
transverse) et formerait plus bas le feuillet profond du sep- glande lacrymale principale).
tum orbitaire [18]. Pour certains cependant, il existe, sous la glande lacrymale,
En paupière supérieure, le septum peut être confondu une poche graisseuse accessoire dérivée de la graisse pré-
avec l'aponévrose lorsque la graisse préaponévrotique est aponévrotique, responsable d'un bombement anormal
de faible quantité. Dans ce cas, une traction verticale distin- dans la partie latérale de la paupière supérieure [26].
guera le septum (attaché au rebord orbitaire supérieur) de Une 6e poche graisseuse, prétarsale, a été décrite dans
l'aponévrose (qui ne résiste pas à la traction). En paupière la paupière inférieure de l'Asiatique. Cette poche serait res-
inférieure, le septum fusionne avec le fascia capsulopalpé- ponsable d'un bombement juste sous la bordure ciliaire, et
bral des rétracteurs, approximativement à 5 mm du bord son ablation serait nécessaire pour toute blépharoplastie
inférieur du tarse [2]. esthétique. Cette graisse prétarsale serait encapsulée en un
compartiment distinct [16].

Application
Application
Le septum orbitaire est une membrane imperméable
dont l'effraction transforme le pronostic de nombreuses Il y a cinq poches graisseuses dans les paupières, derrière
affections : infections, cancers, traumatismes. le septum : deux en paupière supérieure, trois en pau-
pière supérieure.

Architecture des paupières


Les paupières sont séparées en lamelle antérieure (peau
+ orbiculaire) et lamelle postérieure (tarse + conjonctive).
Cette division, clivable chirurgicalement par un espace
dépourvu d'adhérences à la face antérieure du tarse, consti-
tue le socle de toute chirurgie plastique ou reconstructrice
des paupières (figure 1.7).

Application
Les greffes de paupière de pleine épaisseur ne sont plus
Figure 1.6
d'actualité. Pour une plastie correcte, on préfère interve-
Jonction septum-aponévrose.
À ce niveau, la graisse orbitaire est retenue en avant par le septum, en nir séparément sur la lamelle antérieure (greffe ou lam-
arrière par l'aponévrose. De ce fait, le pli palpébral est une voie d'abord beau) et sur la lamelle postérieure (greffe ou lambeau).
idéale pour la chirurgie du ptosis ou pour la lipectomie orbitaire.

10
1. Anatomie des paupières

Figure 1.7 Figure 1.8


Plan de clivage naturel entre lamelle antérieure (en haut) Fibres terminales de l'aponévrose au sein de l'orbiculaire prétarsal.
et lamelle postérieure (en bas). Les fibres se répandent en un faisceau de fibres dans l'orbiculaire et
dans le tissu sous-cutané, ce qui donne à la paupière supérieure son
mouvement «gracieux et synchrone».

Aponévrose du releveur Muscle de Müller


L'aponévrose est l'organe incontournable de la paupière En paupière supérieure, la lamelle postérieure est constituée,
supérieure. Elle entoure initialement le releveur, puis se dans sa partie supérieure, d'un petit muscle lisse : le muscle de
prolonge en avant pour se répandre en ses insertions Müller (figure 1.9), ou muscle tarsal supérieur. Constitué de
terminales pour tous les tissus de la paupière supérieure. cellules musculaires lisses éparses, il se répartit de façon homo-
De quelques microns d'épaisseur, elle transmet la tota- gène et inconstante à la surface du globe, est adhérent à la
lité de la force élévatrice du releveur à l'ensemble de la conjonctive, et s'insère en bas sur le tarse par un petit tendon.
paupière supérieure. Elle dispose pour cela d'un réseau Il est responsable d'une élévation complémentaire de la
d'insertions à travers le tissu sous-cutané dans la partie paupière supérieure sous l'influence du système nerveux
de la paupière située en dessous du pli palpébral supé- végétatif, et participe ainsi au caractère émotionnel et affectif
rieur (figure 1.8). Histologiquement, ce réseau de fibres du regard. Il est mis en tension par l'instillation d'une goutte
vient s'insérer au sein de l'orbiculaire prétarsal en un de Néosynéphrine® (test préopératoire). En paupière infé-
réseau de fibres. Latéralement, l'aponévrose se résout rieure, un petit muscle équivalent est décrit (le muscle tarsal
en ses ailerons, qui s'amarrent sur les rebords orbitaires inférieur). Il joue le même rôle dans l'expression du regard.
osseux (au tubercule de Whitnall pour l'aileron latéral, Cependant, ses fibres musculaires sont presque inexistantes,
à la partie supérieure de la crête lacrymale postérieure il s'agit surtout d'une aponévrose intermédiaire.
pour l'aileron médial). Cet ensemble (réseau de fibres
+ ailerons) permet le mouvement d'élévation « gracieux
et synchrone » de la paupière supérieure. Application
Chirurgicalement, l'aponévrose est un tissu blanc très fin
que l'on trouve après incision dans le pli palpébral, une fois Le muscle de Müller est un muscle élévateur «d'ap-
point». Sa résection (müllerectomie) permet d'ajuster
réclinée la graisse pré-aponévrotique.
un ptosis mineur de façon très quantifiable, et sa situa-
tion postérieure en fait un lambeau utile (chirurgie de
reconstruction dans la chirurgie des cavités par exemple).

Application
L'aponévrose transmet la force d'élévation du releveur. Le tarse
Une incision dans le pli palpébral permet de la repérer
facilement, soit pour la réparer (ptosis aponévrotique Le tarse est la charpente des paupières. Il est constitué
sénile) soit pour se guider. de collagène et est perforé en son centre par les glandes
de Meibomius. Il s'insère fermement sur la conjonctive,
11
Chirurgie palpébrale

Figure 1.9
Muscle de Müller. Figure 1.10
Présence de fibres musculaires lisses et striées au sein de la même Fibres élastiques entourant les glandes de Meibomius dans le
cellule musculaire. Il s'agit d'une exception anatomique, car les tarse.
parties lisse et striée du releveur appartiennent à deux systèmes Les fibres élastiques réparties le long des glandes suggèrent un
nerveux différents. Le muscle de Müller est responsable du caractère rôle particulier des fibres élastiques dans la sécrétion du Meibum
«sympathique» du regard. (coloration d'orcéine, grossissement × 50).

au point qu'il est impossible de l'en séparer chirurgicale-


ment. En avant, il est séparé de l'aponévrose du releveur Anatomie de la paupière supérieure
par un espace lâche facilement clivable chirurgicalement. chez l'Asiatique (figures 1.11 et 1.12)
Il contient également des fibres élastiques (figure 1.10),
réparties principalement le long des attaches avec la En IRM, on a montré que les différences entre la paupière
conjonctive, et autour des glandes de Meibomius. La pré- asiatique et la paupière occidentale était liée à une répar-
sence de ces fibres élastiques explique la capacité du tarse à tition différente de la graisse orbitaire : d'abord, la graisse
se déformer et à reprendre sa forme lors des mouvements orbitaire se projette plus en avant. Ensuite, elle s'étend plus
verticaux de la paupière. haut en paupière inférieure, jusqu'au rebord inférieur du
Chez le sujet âgé et chez les patients atteints de floppy tarse. En revanche, la répartition de la graisse du sourcil et
eyelid, les fibres élastiques sont altérées et la paupière se dis- de la graisse sous-orbiculaire n'est pas différente de la répar-
tend, pouvant provoquer un trouble statique (entropion tition occidentale [7].
ou ectropion). Les fibres élastiques entourant les glandes La paupière supérieure de l'Asiatique a trois particularités :
de Meibomius sont également impliquées dans la sécrétion ● la fusion basse du septum avec l'aponévrose (sous le
active du Meibum. bord supérieur du tarse) ;
● la protrusion de la graisse pré-aponévrotique, qui
empêchent les fibres terminales de l'aponévrose de
s'insérer au tissu sous-cutané (cette graisse descend
Application très bas, permettant de définir chez l'Asiatique une
Le tarse participe activement à l'élasticité des paupières graisse prétarsale) ;
et à la sécrétion du Meibum. ● l'insertion basse de l'aponévrose, près du bord libre [19].

La conjonctive Application
Chez l'Asiatique, le pli palpébral est bas situé et la graisse
La conjonctive est un épithélium muqueux. Elle contient pré-aponévrotique descend loin en prétarsal. Avant
des cellules caliciformes responsables de la sécrétion de une blépharoplastie, il est utile de demander au patient
la phase muqueuse des larmes, et des cellules de l'immu- s'il escompte un résultat plutôt style «occidental» ou
nité formant le Tissu Lymphoïde Associé aux muqueuses «asiatique».
(MALT des Anglo-Saxons).
12
1. Anatomie des paupières

1
1 2
2
3
4 3

5 4
6
5
6

Figure 1.13
Morphologie de la paupière inférieure.
1 : muscle droit inférieur ; 2 : muscle orbiculaire pré-tarsal ; 3 : muscle
palpébral inférieur (équivalent du muscle de Müller) ; 4 : ligament
Figure 1.11 de Lockwood ; 5 : muscle oblique inférieur ; 6 : septum.
Morphologie de la paupière supérieure occidentale.
1 : graisse pré-aponévrotique ; 2 : septum orbitaire ; 3 : muscle
orbiculaire ; 4 : aponévrose ; 5 : point de jonction septum-
aponévrose ; 6 : pli palpébral supérieur. fascia capsulopalpébral. Ce fascia dérive du droit inférieur, mais
est dépourvu de toute cellule musculaire striée. Il contient
quelques fibres musculaires lisses dans son faisceau supé-
rieur, qui définissent le muscle tarsal inférieur (équivalent du
muscle de Müller en paupière supérieure) [14]. Ce fascia cap-
sulopalpébral se sépare en une partie supérieure dense et une
partie inférieure fine, autour du petit oblique, puis ces deux
1 parties fusionnent à nouveau en avant, formant le ligament de
2 Lockwood. Plus en avant, ce fascia vient s'insérer sur le septum
3
5 mm sous le rebord inférieur du tarse [2]. Il développe égale­
ment des expansions au bord inférieur du tarse, et à l'orbi-
4
culaire prétarsal. Il contribue ainsi, comme l'aponévrose en
paupière supérieure, à la création du pli palpébral inférieur [11].
5

Application
6
Le pli palpébral inférieur est formé par le fascia capsulo-
palpébral, qui a des connections étroites avec les muscles
oculomoteurs.
Figure 1.12
Morphologie de la paupière supérieure orientale.
1 : graisse pré-aponévrotique ; 2 : septum orbitaire ; 3 : muscle
orbiculaire ; 4 : aponévrose ; 5 : point de jonction septum-
aponévrose ; 6 : pli palpébral supérieur. Structures fibreuses de contrôle
de la dynamique palpébrale
Particularités de la paupière Ligament de Whitnall (figure 1.14)
inférieure (figure 1.13)
Le ligament transverse supérieur, ou ligament de Whitnall,
La paupière inférieure contient une structure dérivée du droit est une structure fibreuse issue de la gaine superficielle
inférieur, analogue au releveur pour le droit supérieur, appelée du releveur et situé au niveau de l'équateur du globe.
13
Chirurgie palpébrale

Ligament suspenseur du fornix


(figure 1.15)
Dans la chirurgie du ptosis, de grandes résections aponé-
vrotiques peuvent entraîner une ptose du cul-de-sac supé-
rieur, qui devient visible. Ceci est évité chez le sujet normal
grâce à un ligament issu de la gaine inférieure du releveur,
qui chemine près de la capsule de Tenon et s'insère sur le
cul-de-sac supérieur à sa partie antérieure ou postérieure. Il
relie le cul-de-sac conjonctival supérieur à la face inférieure
de l'aponévrose, puis au composant postérieur du ligament
de Whitnall. Ce ligament est appelé «ligament suspenseur
du fornix» et mérite d'être reconstruit en cas de grandes
Figure 1.14
résections aponévrotiques.
Ligament de Whitnall.
Développé aux dépens de l'aponévrose et constituant un
renforcement de celle-ci ; il est situé au-dessus du pli palpébral.

Il entretient des relations étroites avec la glande lacrymale Application


en dehors et ses ligaments suspenseurs latéralement, avec Le ligament de Whitnall a, en partie, un rôle de poulie
la poulie du grand oblique médialement [1]. Il est égale- pour transformer une force horizontale en une force
ment relié au toit de l'orbite par des septa fibreux à travers verticale.
la graisse orbitaire [25], et relié à la face postérieure de la Le ligament de Lockwood assure le maintien du globe
oculaire.
graisse pré-aponévrotique. Ces attaches permettent de
contrôler le mouvement de la graisse pré-aponévrotique
dans le mouvement d'élévation [24].
Le rôle du ligament de Whitnall a longtemps été discuté.
Il est admis aujourd'hui qu'il contribue à transformer la
Ailerons du releveur
force horizontale du releveur en force d'élévation, selon un Le releveur de la paupière supérieure s'insère avant tout
mécanisme de poulie. Appuyant cette hypothèse, Codère par le faisceau de fibres de l'aponévrose au sein du tissu
et al. ont décrit au ligament de Whitnall en plus du compo- sous-cutané, et par le muscle de Müller au bord supé-
sant supérieur, un composant inférieur [8]. rieur du tarse. Mais il s'insère également, par ses aile-
Yuzuriha a décrit un deuxième ligament transverse en rons, directement sur les rebords osseux de l'orbite, ce
paupière supérieure, situé près de la jonction entre l'apo-
névrose et le septum. Ce deuxième ligament transverse
aurait pour rôle de retenir la graisse préaponévrotique ou
«organe en rouleau» lors du mouvement d'élévation de la
paupière [33].
Lors de l'ouverture palpébrale, le tarse glisse sur le globe
en arrière, le septum orbitaire et l'aponévrose reculent et
s'épaississent, le ligament de Whitnall recule et l'aponévrose
se sépare clairement du muscle de Müller [25].

Ligament de Lockwood
Le ligament de Lockwood est aussi appelé «ligament sus-
penseur du globe», ou «ligament inférieur transverse». Il est
formé de la confluence des fascias issues du droit inférieur, Figure 1.15
qui fusionnent après avoir entouré le petit oblique. Il reçoit Ligament suspenseur du fornix.
Développé aux dépens de la gaine du releveur et du droit supérieur,
également des fibres du septum intermusculaire, du muscle il s'insère au cul-de-sac supérieur par sa face antérieure, postérieure,
tarsal inférieur, et des «check-ligaments» latéral et médial [4]. ou apicale.

14
1. Anatomie des paupières

qui réalise une sorte d'amarrage latéral contrant la force Duverney-Horner sur la crête lacrymale postérieure. Le cul-
d'élévation du muscle. Pour des raisons d'orientation de de-sac conjonctival interne est maintenu en profondeur
l'orbite (voir « Orientation de l'orbite »), l'aileron latéral par l'expansion conjonctivale du droit interne [28].
est beaucoup plus développé. Il scinde en deux la glande
lacrymale principale en deux lobes par un faisceau appelé
rétinaculum, et vient rejoindre le tendon canthal externe
Anatomie dynamique
et le ligament de Lockwood au tubercule de Whitnall. des commissures
L'aileron médial est en revanche beaucoup moins déve-
On sait maintenant que les commissures sont des struc-
loppé, il s'insère sur la crête lacrymale postérieure avec le
tures dynamiques : lors des mouvements d'horizontalité du
muscle de Duverney.
globe, les commissures présentent des mouvements hori-
zontaux chez les patients qui n'ont pas eu de canthoplastie.
Ces mouvements sont variables d'un sujet à l'autre, et par-
Application fois d'un côté à l'autre chez un même sujet, et ne vont pas
toujours dans le sens du mouvement du globe [9].
L'aileron latéral, très développé, peut être utilisé dans la
chirurgie du prolapsus de la glande lacrymale.

Application
Lors des repositionnements chirurgicaux des commis-
Anatomie des angles palpébraux sures (blépharophimosis, télécanthus), il est capital
de respecter la convexité des paupières sur le globe :
insertion du canthus externe au tubercule de Whitnall,
Commissure externe insertion du canthus interne sur la crête lacrymale
Le tarse est attaché fermement au rebord orbitaire externe postérieure.
par le ligament canthal externe, bande nacrée facile à dis-
séquer qui s'insère sur le tubercule de Whitnall. Cependant,
les paupières sont également reliées au rebord orbitaire
externe plus antérieurement, par le septum orbitaire. Ces
Anatomie des glandes
attaches plus antérieures ont été parfois appelées «tendon et des voies lacrymales
canthal latéral superficiel» [22]. Le cul-de-sac conjonctival
externe est maintenu profond par l'expansion conjoncti- Glandes lacrymales
vale du droit externe [28].
Le fascia profond de l'orbiculaire est attaché au périoste Les paupières contiennent les glandes qui sécrètent les diffé-
de l'orbite par un ligament. Cette attache est plus dévelop- rentes phases du film lacrymal : la partie muqueuse, qui assure
pée au niveau du rebord inféro-externe et participe égale- l'accroche du film sur la surface oculaire, la partie aqueuse qui
ment aux connections entre le tarse et le rebord orbitaire représente la quasi-totalité du volume des larmes, et permet
externe. Ce ligament fusionne latéralement avec le SMAS, le larmoiement émotionnel, et la partie lipidique superficielle
et rejoint en particulier l'aponévrose temporale. Chez le (Meibum), de structure complexe, qui joue le rôle de surfac-
sujet âgé, ce ligament se relâche, et l'orbiculaire préseptal, tant et prévient l'évaporation prématurée du film.
libre de ses attaches, arrive à migrer en prétarsal, réalisant
ainsi l'entropion spasmodique [23].
Sécrétion lipidique : glandes sébacées
et sudoripares
Commissure interne
On compte trois types de glandes lipidiques : les glandes de
Le canthus interne est dominé par la présence de l'appareil Meibomius (glandes tarsales), les glandes de Zeiss et celles
excréteur lacrymal (voir plus loin). Il est amarré à la crête de Moll (associées aux follicules pileux des cils).
lacrymale antérieure par un tendon nacré facilement repé- Les glandes de Meibomius sont au nombre de 25 à 30
rable chirurgicalement, mais la convexité des paupières est [12]. Elles sont situées au centre du tarse, et sont mises
assurée par l'insertion de son chef postérieur le muscle de en tension à chaque clignement. L'élasticité du tarse
15
Chirurgie palpébrale

­ articipe à leur bon fonctionnement. Le dysfonctionne-


p
ment des glandes de Meibomius a été reconnu comme
une cause de kératoconjonctivite non inflammatoire [6].
Les glandes de Meibomius présentent également des
récepteurs pour les œstrogènes, qui augmentent avec
l'âge, quelque soit le sexe, sans conséquence sur la qualité
du film lacrymal [3].
Les glandes de Moll sont des glandes sudoripares (par-
ticipant à la thermorégulation) spécialisées exclusivement
au follicule pileux des cils. Elles s'abouchent dans le follicule
par un petit canal. Il est à présent admis que ces glandes
sécrètent dès la naissance des agents actifs contre les
micro-organismes, en particulier lysozyme et immunoglo- Figure 1.16
bulines A [30]. Aileron latéral du releveur séparant la glande lacrymale en ses
Les glandes de Zeiss sont au nombre de deux par cil [12]. deux lobes.
La glande ainsi séparée montre sur cette image deux hiles distincts,
avec des pédicules vasculaires et nerveux distincts.

Application l'artère lacrymale (carotide externe) mais également par quelques


vaisseaux issues de l'artère ophtalmique (carotide interne). La
La sécrétion lipidique peut être perturbée par un trouble
de la statique palpébrale.
glande lacrymale principale est donc un lieu d'élection des anas-
tomoses entre systèmes carotidiens interne et externe.
L'innervation sensorielle est réalisée par la voie lacrymale, qui
emprunte un temps la corde du tympan accompagnée par les
Glandes eccrines (aqueuses) fibres du nerf lingual et du nerf facial. Cette disposition explique
le phénomène des «larmes de crocodile», lors des paralysies
La glande lacrymale principale assure une grande partie de faciales avec erreurs d'aiguillage lors de la repousse nerveuse : les
la sécrétion aqueuse et est responsable du larmoiement fibres cheminant par le nerf facial destinées à la sécrétion sali-
émotionnel. Elle est située dans une cavité naturelle de l'os vaires empruntent la voie lacrymale, et devant un bon repas, le
frontal, la fossette lacrymale. Elle est constituée d'acini, qui patient pleure au lieu de saliver, ce qui est bien triste…
se déversent dans le cul-de-sac supérieur par 5 à 12 canaux Les glandes lacrymales accessoires sont les glandes de
excréteurs qu'il est possible de repérer cliniquement en Krause et de Wolfring. Ces glandes accessoires assurent
éversant le tarse supérieur. la sécrétion aqueuse de base, et expliquent l'absence de
La glande lacrymale principale est traversée par l'aileron sécheresse oculaire lors des exérèses complètes de la glande
latéral du releveur, qui scinde son pédicule vasculo-nerveux lacrymale principale.
et ses canaux excréteurs en deux pédicules distincts. Cette La glande de Wolfring a une structure en acini, similaire à celle
disposition permet de définir deux lobes : un lobe palpébral de la glande lacrymale principale, et présente des canaux excré-
(inférieur et en arrière), et un lobe orbitaire (supérieur et en teurs vers la partie palpébrale de la conjonctive, qui s'abouchent
avant) (figure 1.16). en un ou plusieurs points proches du cul-de-sac [5].
La glande lacrymale est maintenue dans la fossette
lacrymale par l'aileron latéral du releveur d'une part, et
d'autre part par trois ligaments suspenseurs : Application
● le ligament de Sömmering supérieur (ligament suspen-
On peut faire l'ablation complète d'une glande lacrymale
seur de la glande lacrymale) ; sans risque de sécheresse oculaire.
● le ligament postérieur de Schwalbe ;
● le ligament inférieur de Schwalbe.
Lors du prolapsus de la glande lacrymale, il est possible
soit de renforcer le ligament de Sömmering par des sutures
Glandes mucineuses
transfixiant la glande, soit de se servir de l'aileron. Il n'y a pas de glande au sens anatomique du terme pour
La vascularisation de la glande lacrymale principale est domi- la sécrétion de la partie mucineuse des larmes. Celle-ci est
née par de larges arcades vasculaires anastomotiques issues de assurée par les cellules caliciformes conjonctivales, qui sont
16
1. Anatomie des paupières

des hypothèses sur la physiologie de la pompe lacrymale.


Les dernières théories d'Adler, Jones, Doane, et autres sur
l'excrétion active des larmes ont leur origine dans les des-
criptions de Duverney [27], et il est justice de rendre à ce
muscle le nom de son premier descripteur.

Application
Le muscle de Duverney s'insère sur la crête lacrymale
postérieure. Sa bonne position assure une esthétique cor-
recte et un bon fonctionnement de la pompe lacrymale.

Figure 1.17
Cryptes de Henle.
Concentration de cellules caliciformes au sein de la conjonctive
palpébrale, qui assurent la sécrétion de la couche mucineuse des
Voies d'excrétion hautes
larmes. Les larmes s'écoulent de dehors en dedans et s'accumulent
dans un triangle appelé lac lacrymal, défini entre la caroncule
regroupées parfois pour former des excroissances dans la et les deux points lacrymaux. Pour que la pompe lacrymale
muqueuse conjonctivale, appelées «cryptes de Henlé» fonctionne, les paupières doivent être suffisamment tendues,
(figure 1.17), principalement au fond des culs-de-sac. et maintenues en arrière (insérées sur la crête lacrymale posté-
rieure). Lorsqu'après un traumatisme, le muscle de Duverney
est repositionné incorrectement trop en avant, le lac lacrymal
devient creux, la pompe lacrymale ne fonctionne plus et les
Application
larmes stagnent, constituant le syndrome du Centurion, par
Les troubles de la surface oculaire ont un impact fort sur une antéroposition des paupières dans l'angle interne.
la sécrétion muqueuse des larmes. Les points lacrymaux sont les émonctoires des larmes.
Ils sont constitués d'un anneau fibreux, l'angustia, assurant
l'effet de ventouse à chaque clignement. Leur bon fonction-
nement implique leur ouverture (mais pas leur béance), et
Voies lacrymales leur orientation correcte en direction du lac lacrymal.
Pompe lacrymale, muscle Les canalicules sont habituellement décrits avec une
partie verticale, puis une partie horizontale, séparées par
de Duverney-Horner une petite valve. La partie horizontale présente ensuite une
L'excrétion des larmes fait appel à un mécanisme actif. À partie intramusculaire (dans le muscle de Riolan, puis dans
chaque clignement, les points lacrymaux sont attirés média- le muscle de Duverney), puis une partie extramusculaire.
lement dans le lac lacrymal, créant une pression positive dans Les canalicules s'abouchent ensuite dans le sac lacrymal de
le lac lacrymal et une pression négative dans la lumière cana- façon très variable : soit directement, soit par l'intermédiaire
liculaire ; les larmes sont ainsi aspirées dans l'appareil lacrymal. d'un canal d'union, soit par l'intermédiaire d'un renflement (le
Le muscle responsable de la pompe lacrymale est un sinus de Maier). À l'entrée du sac est décrite une autre valve : la
chef postérieur de l'orbiculaire pré-septal, qui s'insère sur valve de Rosenmüller. Ces valves sont des valves dynamiques,
la crête lacrymale postérieure et passe en pont devant le par mise en tension transitoire de la muqueuse lacrymale.
diaphragme lacrymal. Ce muscle a été mentionné pour la Les voies lacrymales hautes sont des structures relative-
première fois par le chirurgien français Jacques-­François- ment fragiles et exposées aux traumatismes.
Marie Duverney. En 1730, son élève Johann Caspar Le sac lacrymal est situé dans la loge lacrymale, maintenu
Schobinger suggéra que ce muscle pourrait avoir un rôle en place par le diaphragme lacrymal, tendu entre la crête
dans le drainage des larmes. En 1745, Duverney a publié sa lacrymale antérieure et la crête lacrymale postérieure. Au
description anatomique pour la première fois. Plus tard, niveau de la loge lacrymale se trouvent les sutures de trois
d'autres anatomistes comme Johann Rosenmüller, William os : la branche montante du maxillaire supérieur, l'unguis
Horner, et d'autres ont repris ces descriptions et proposé (os lacrymal) et l'ethmoïde.
17
Chirurgie palpébrale

Les interfaces muqueuses de la tête (orale, nasale et


Application palpébrale) sont des épithélia de transition entre les
muqueuses et les téguments internes. Leur structure et leur
Outre la perméabilité du système, le bon fonctionne-
ment de la pompe lacrymale implique une bonne posi- vascularisation sont donc particulières, par exemple par leur
tion des points lacrymaux, un lac lacrymal plat, et un distribution papillaire et réticulaire. La plupart du temps, il
clignement efficace. existe une boucle vasculaire profonde qui se connecte à un
riche réseau papillaire de surface [31].

Vascularisation et innervation
Application
des paupières Les paupières ont une vascularisation riche et anastomo-
tique. Le risque ischémique est très faible.
Arcades vasculaires Les paupières sont un lieu d'anastomose entre les sys-
tèmes carotidiens interne et externe.
L'apport artériel à la paupière supérieure et au sourcil est assuré
en partie par le système carotidien interne, par les branches de
l'artère ophtalmique (artère lacrymale, supra-orbitaire, supra-
trochléaire, dorsonasale et palpébrale médiale). La paupière Innervation sensitive
inférieure est en revanche vascularisée par le système caroti- La sensibilité de la paupière supérieure et du tiers externe de la
dien externe, à partir des artères faciale, maxillaire et temporale paupière inférieure est véhiculée par le V-1 (nerf ophtalmique
superficielle. Les paupières forment ainsi un système anasto- de Willis) par ses trois branches terminales : nerf lacrymal, nerf
motique entre les systèmes carotidiens interne et externe. frontal et nerf nasociliaire. Les deux tiers internes de la paupière
La paupière supérieure contient deux arcades vascu- inférieure sont innervés par le V-2 (nerf maxillaire inférieur).
laires, issues des deux artères palpébrales médiales : l'arcade Au-delà du rebord orbitaire, le nerf supra-orbitaire se
marginale supérieure court sous l'orbiculaire à 4 mm du divise en une partie superficielle au-dessus du muscle fron-
bord libre, et l'arcade périphérique 1 mm au-dessus du tal qui innerve le front et la partie antérieure du scalp, et
bord libre, au bord supérieur du tarse. Une artère septo- une partie profonde (latérale) pour le scalp frontopariétal
aponévrotique latérale a également été décrite à ce niveau : [21]. Ces structures sont très souvent lésées lors des abords
elle nait avec les arcades marginale et périphérique, elle per- chirurgicaux par voie coronale.
fore l'aponévrose et le septum au bord supérieur du tarse et
s'anastomose ensuite avec les vaisseaux du bord supérieur
de l'orbite. Cette artère serait particulièrement dangereuse Application
au cours des blépharoplasties [17].
Une analyse fine des paresthésies péri-orbitaires permet
La vascularisation de l'angle interne, du sac lacrymal et de localiser une atteinte nerveuse.
de la glabelle est assurée par l'artère angulaire, lieu d'anas-
tomose entre l'artère dorsonasale (carotide interne) et
l'artère faciale (carotide externe). La partie supérieure de la
paupière supérieure est vascularisée par les artères supra-
Innervation motrice
orbitaire, supratrochléaire et lacrymale. L'orbiculaire est innervé par les filets nerveux terminaux de
En paupière inférieure, il existe également une arcade la branche temporale du nerf facial. Celle-ci pénètre à l'inté-
marginale, située à 4 mm bord libre, issue des artères pal- rieur du muscle au niveau de la commissure externe, de
pébrales médiales (carotide interne), de l'artère superficielle façon variable. Les filets pénètrent ensuite dans le muscle
temporale et de l'artère infra-orbitaire (carotide externe). selon une direction horizontale, sans atteindre le rebord
L'architecture vasculaire fine des paupières est distri- orbitaire [15]. Hwang désigne ainsi une zone dangereuse où
buée par les arcades marginale, périphérique, orbitaire le nerf peut être lésé chirurgicalement, selon un cercle de
superficielle, et orbitaire profonde. Ces arcades donnent 1 cm de diamètre situé en dessous et en dehors du canthus
des branches verticales qui courent de part et d'autre de externe, à 7,5 cm sur une ligne à 15° [15].
l'orbiculaire, et de part et d'autre du tarse. À partir de ces Les fibres nerveuses destinées au nerf facial sont issues
branches, de fins vaisseaux de refend se distribuent ensuite du cortex frontal, et les noyaux du nerf facial dans le tronc
à la peau, aux muscles et au tarse [20]. cérébral reçoivent des fibres motrices venues des deux
18
1. Anatomie des paupières

­ émisphères. Ceci explique qu'une paralysie faciale centrale


h [6] Bron AJ, Tiffany JM. The meibomian glands and tear film lipids.
(AVC, tumeur cérébrale) pourra ménager une partie de la face, Structure, function, and control. Adv Exp Med Biol 1998 ; 438 :
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19
Chirurgie palpébrale

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28–36.

20
Chapitre 2
Troubles de la statique
palpébrale
J.-P. Adenis, J. Delmas, T. Lathière

P L AN D U CHA PI T RE
Ectropions 22 Classification 44
Pathogénie des ectropions 22 Examen clinique 45
Formes cliniques des ectropions 23 Traitement 46
Principes thérapeutiques 24 Entropion cicatriciel 51
Indications en fonction des variétés cliniques 31 Entropion congénital 56
Paralysie faciale 34 Trichiasis 56
Formes cliniques 34 Distichiasis 57
Formes topographiques 36 Ptosis 57
Traitement 36 Examen des ptosis 58
Syndrome de flaccidité palpébrale 40 Principaux types de ptosis et physiopathologie 58
Physiopathologie du floppy eyelid syndrome 40 Techniques chirurgicales 61
Affections associées au syndrome Correction de l'épicanthus et du télécanthus 76
de flaccidité palpébrale 41 Indications de la chirurgie du ptosis 77
Entropions et trichiasis 43

Chirurgie palpébrale
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Chirurgie palpébrale

Ectropions

Les ectropions palpébraux se définissent comme une ● d'hyperlaxité horizontale :


éversion du bord libre palpébral vers l'avant et qui éloigne – palpébrale inférieure : ectropion sénile ou paralytique ;
le contact conjonctival de la paupière d'avec le bulbe du – palpébrale supérieure : une laxité tarsale excessive est
globe oculaire. à l'origine de l'éversion nocturne palpébrale supérieure
Les formes cliniques des ectropions sont séparées : du syndrome de flaccidité palpébrale ;
● selon la cause : – des angles : ectropion lacrymal ou rétracteurs ;
– congénitaux ; – rétraction verticale : ectropion cicatriciel.
– acquis (involutionnels, paralytiques, mécaniques, ● d'hyperlaxité verticale postérieure avec éversion du cul-
cicatriciels). de-sac externe :
Les ectropions par hyperlaxité : le relâchement palpébral – souvent présent dans des ectropions sévères ou anciens.
est le plus souvent d'origine involutionnelle liée à l'âge ou
moins souvent d'origine paralytique. La remise en tension
de la paupière trop laxe sera la base du traitement.
Ectropions palpébraux inférieurs
Les ectropions cicatriciels : la rétraction palpébrale com- La paupière inférieure qui doit être au contact du globe
plique une brûlure, un traumatisme ou une affection der- oculaire possède la double fonction de protection de l'œil
matologique. Dans ces cas, l'allongement de la paupière et d'écoulement des larmes.
rétractée sera la base du traitement pour lequel il faudra Son rôle dans le drainage lacrymal est essentiel :
associer plusieurs principes thérapeutiques. ● elle conditionne la qualité de la rivière lacrymale où les
● selon l'anatomie : des ectropions qui affectent la pau- larmes vont glisser vers les voies lacrymales ;
pière inférieure ou la paupière supérieure, ou les deux ; ● elle contribue au positionnement postérieur du point
et selon l'extension, une partie de la paupière (ectropion lacrymal inférieur vers le lac lacrymal pour que le canalicule
lacrymal, portion palpébrale, ectropion temporal) ou la inférieur puisse y aspirer les larmes ;
totalité. ● sa tonicité est un facteur de bonne évacuation lacrymale
Sur le plan thérapeutique, on oppose deux groupes : dans le canalicule inférieur.
hyperlaxité et cicatriciel qui présentent une approche
­thérapeutique totalement différente. Éléments de tension horizontale
de la paupière inférieure
Pathogénie des ectropions Tarse inférieur
Il peut se distendre avec l'âge (ectropions séniles) ou
À l'état normal, le bord libre des paupières est au contact secondairement à des tractions prolongées (ectropions
du globe oculaire du fait d'une tension palpébrale harmo- cicatriciels).
nieuse résultant de deux facteurs principaux :
● la tension horizontale de la paupière qui dépend de la Muscle orbiculaire
stabilité de la tonicité de la sangle tarso-orbiculaire ;
Il est l'élément essentiel de la tonicité palpébrale.
● la tension verticale de la paupière qui dépend de la ten-
L'orbiculaire prétarsal. Le relâchement est à l'origine
sion de trois éléments :
d'ectropions hypotoniques (liés à l'âge, paralytiques, myo-
– la lamelle palpébrale antérieure (plan myocutané) qui
pathiques ou myasthéniques).
tend à basculer la paupière vers l'avant ;
L'orbiculaire préseptal. La contracture favorise l'éversion
– la lamelle postérieure (plan tarso-conjonctivo-­
palpébrale (ectropion spasmodique).
musculaire) qui tend à la basculer vers l'arrière ;
– le septum orbitaire qui doit normalement rester
Tendon canthal médial
souple.
Un déséquilibre de ces forces entraîne une éversion pal- Le chef antérieur tendineux s'insère sur la crête lacrymale
pébrale inférieure ou supérieure en cas : antérieure perpendiculairement à l'ethmoïde.

22
2. Troubles de la statique palpébrale

Le muscle de Horner ou chef postérieur du tendon Elles constituent les rétracteurs de la paupière
canthal interne. C'est l'élément essentiel de la statique inférieure.
palpébrale au niveau du canthus (commissure) interne Selon la prédominance de l'atteinte, on oppose :
(médial) et du drainage canaliculaire. En tractant la pau- ● les faisceaux palpébraux antérieurs qui ont une
pière inférieure vers la crête lacrymale postérieure, ce action éversante. Une tension excessive (surdosage
muscle contribue à bien positionner le point lacrymal d'une plicature lors de la chirurgie d'un entropion
au contact du globe oculaire. par exemple) pourrait favoriser l'apparition d'un
ectropion ;
● les faisceaux tarso-conjonctivo-postérieurs qui ont une
Il prolonge l'orbiculaire prétarsal par le chef postérieur action inversante. Dans des ectropions sévères, ils peuvent
du tendon canthal interne qui intervient beaucoup dans se distendre avec la conjonctive qui forment ensemble la
la statique canthale. D'ailleurs en chirurgie lacrymale, sa lamelle palpébrale postérieure. Dans ces cas, la lamelle pos-
section n'entraîne pas d'ectropion. térieure devra être raccourcie.

Tendon canthal latéral Ectropions palpébraux supérieurs


Il correspond à l'insertion de l'orbiculaire prétarsal sur la La paupière supérieure joue un rôle essentiel dans la pro-
paroi latérale de l'orbite. Son relâchement est souvent tection de la cornée et de ce fait, un ectropion palpébral
présent dans les ectropions hypotoniques. Sa remise supérieur devra être traité en priorité.
en tension (par canthoplastie latérale par exemple) On retrouve les mêmes bases qu'à la paupière inférieure
est alors nettement préférable à une résection tarsale avec quelques spécificités.
inférieure pour éviter un raccourcissement de la fente
palpébrale. Laxité horizontale
Elle s'exprime plus rarement en paupière supérieure qu'en
Éléments de tension verticale paupière inférieure, la gravité évitant l'ectropion. Une laxité
de la paupière inférieure tarsale supérieure se rencontre dans les syndromes de flac-
cidité palpébrale.
Gravité
Elle tend à éverser naturellement la paupière dont Tension verticale excessive
l'examen devra être effectué en position assise. On Elle se rencontre dans les ectropions cicatriciels de la pau-
évitera d'établir un plan opératoire sur un patient en pière supérieure postopératoire (complication de la chirur-
décubitus. gie du ptosis).
Lamelle palpébrale antérieure
Elle comprend le plan myocutané et le septum orbitaire qui Formes cliniques des ectropions
peuvent être relâchés (ectropion sénile), rétractés (ectro-
pion cicatriciel et anomalies de position dans l'orbitopathie Selon la classification proposée dans l'introduction, on
dysthyroïdienne) ou trop courts de naissance (ectropion oppose les formes suivantes.
congénital).

Muscles abaisseurs de la paupière inférieure Ectropions congénitaux


À partir du muscle droit inférieur et d'un ensemble aponé- On retrouve :
vrotique situé autour du petit oblique appelé ligament de ● blépharophimosis ;
Lockwood, des expansions aponévrotiques se dirigent vers ● euryblépharon ;
le haut vers : ● syndrome de Treacher-Collins ;
● le cul-du-sac ; ● syndrome de Down (trisomie 21) ;
● le tarse ; ● fentes faciales ;
● le septum. ● ectropion congénital primitif.
23
Chirurgie palpébrale

Ectropions par hyperlaxité Ectropions complexes


Ce sont des ectropions mixtes associant hyperlaxité
Ectropions involutionnels
horizontale, rétraction verticale et parfois disten-
Avec l'âge, les tissus palpébraux inférieurs se relâchent sion postérieure. Ces ectropions sont relativement
horizontalement (en particulier le muscle orbiculaire et ses fréquents et cette association se retrouve intriquée
attaches musculotendineuses orbitaires) et se distendent à un certain stade évolutif variable de nombreux
progressivement (en particulier la lamelle palpébrale ectropions.
postérieure).
Le relâchement peut prédominer dans le canthus médial Ectropion et entropion associés [6–9]
(ectropion lacrymal) ou dans le canthus latéral (ectropion ● Sur une même paupière : entropion temporal associé à
temporal).
un ectropion lacrymal.
Le retentissement lacrymal est fréquent et la rétrac- ● Sur un même patient : entropion d'un coté et ectropion
tion cutanée secondaire de certains ectropions liés à l'âge
de l'autre (les pathogénies de l'ectropion et de l'entropion
(ectropions séniles) réalise des formes mixtes.
involutionnels sont proches).
● Ectropion associé à une inversion des cils vers le globe
Ectropions hypotoniques oculaire (Ritleng 1990, Hatt 1992).
Ectropions hypotoniques orbitaires
Ils comportent les ectropions sur prothèse et les ectropions
de l'orbite anophtalme, de l'œil éviscéré ou énucléé. Principes thérapeutiques
Le syndrome de flaccidité palpébrale ou floppy eyelid
syndrome. Le choix d'une technique sera adapté à la particularité de
chaque forme clinique. Les sites chirurgicaux seront :
Ectropions mécaniques ● soit l'angle externe pour les techniques 2 et 10 ;
● soit la paupière inférieure pour les techniques 1, 4, 5,
La paupière inférieure déjà lâche s'affaisse davantage en rai-
6 et 7 ;
son d'une augmentation de son poids, du fait d'une tumeur
● soit l'angle interne pour les techniques 3 8 et 9
par exemple ou par pression d'une prothèse oculaire.
(figure 2.1).
Ectropions spasmodiques
L'ectropion lacrymal spasmodique est une forme particu-
2 1 3
lière d'ectropion lacrymal [4] résultant d'une contracture 8
du muscle de Horner, elle-même secondaire à une laxité 9
canthale externe. Cet ectropion se caractérise par :
● un déplacement interne du point lacrymal ;
● un tassement de la partie lacrymale de la paupière infé-
10
rieure et une plicature canaliculaire, souvent responsable
d'un larmoiement à voie lacrymale perméable ;
● une laxité canthale externe responsable du syndrome.
4

Ectropions cicatriciels 5.6.7

Ils sont secondaires à une rétraction verticale qui peut Figure 2.1
être linéaire (bride) ou intéresser une plus large surface. Présentation générale des techniques d'ectropions.
1 : résection pentagonale de la lamelle postérieure ; 2 : canthoplastie
Les causes sont multiples : ectropion des brûlés, ectro- latérale : technique de la bande tarsale de Anderson ; 3 :
pions post-traumatiques, ectropions dermatologiques, canthoplastie interne par plicature du muscle de Duverney
ectropions postopératoires (après blépharoplastie Horner ; 4 : réinsertion des rétracteurs ; 5 : allongement de la lamelle
antérieure. Plastie en Z ; 6 : greffe de peau ; 7 : allongement de la
esthétique, après chirurgie de l'entropion, après chirur- lamelle postérieure ; 8 : punctoplastie ; 9 : technique du colimaçon ;
gie du ptosis). 10 : technique pour la paupière supérieure.

24
2. Troubles de la statique palpébrale

Ectropions avec hyperlaxité horizontale zontale sans relâchement des angles (figure 2.2 et voir
figure 2.11).
Raccourcissement horizontal de la paupière
Canthoplasties externes ou latérales (technique 2)
Résection pentagonale toute épaisseur
La canthoplastie externe est une technique de choix pour
Le principe de cette technique est de réséquer au niveau de les ectropions combinant une hyperlaxité de la paupière à
laxité palpébrale maximale un segment monobloc de pau- celle de l'angle externe.
pière incluant le bord palpébral, la peau, l'orbiculaire et le tarse. La technique de la bande tarsale d'Anderson[3] (figure 2.3
En outre, dans certains ectropions mécaniques, associés à et voir figures 2.12 à 2.15) :
une lésion du bord palpébral nécessitant une exérèse, cette 1. On réalise une infiltration d'un anesthésique local
technique être utilisée. (alphacaïne par exemple) dans la partie externe de la pau-
pière supérieure et inférieure puis en direction des plis de la
Résection pentagonale de la lamelle postérieure
patte d'oie.
(technique 1)
2. Puis, on réalise une incision cutanéomusculaire à la lame du
On réalise une incision de type blépharoplastie inférieure pro- bistouri le long du bord libre de la paupière inférieure, qui se
longée latéralement dans une ride de la patte d'oie, en évitant prolonge dans le pli médian de la patte d'oie sur 8 à 10 mm.
de dépasser la projection du rebord latéro-orbitaire en dehors. 3. Après cela, au bistouri électrique, on sépare la lamelle
On pratique une résection profonde de forme pen- antérieure myocutanée du tarse et du septum en-dedans,
tagonale et située près de l'angle palpébral latéral. Cette puis plus en profondeur et en dehors du rebord orbitaire.
résection sera adaptée à la laxité horizontale, sans toute- Pour cela, des crochets sont placés sur le lambeau myo-
fois être excessive pour éviter un raccourcissement de la cutané et sur la paupière supérieure et inférieure à 10 mm
fente palpébrale ou une trop grande amputation du capital de l'angle externe. Leur traction simultanée facilite grande-
tarsoconjonctival. ment la dissection et aide à trouver le plan de clivage.
Après suture tarsoconjonctivale et du bord libre de la 4. À l'aide du ciseau, on réalise une canthotomie
paupière, le plan myocutané est ajusté au plan profond et médiane jusqu'au rebord orbitaire qui permettra de
son excès réséqué. découvrir en profondeur une petite logette graisseuse
Ces techniques s'adressent à des ectropions de toutes qui sépare les deux chefs d'insertion du tendon canthal
origines mais peu sévères résultant d'une hyperlaxité hori- externe (TCE).

Figure 2.2
Résection pentagonale de la lamelle postérieure.

25
Chirurgie palpébrale

2
3

Figure 2.3
Technique de la bande tarsale d'Anderson.

5. On sectionne l'attache sur le tarse du chef inférieur au Canthoplasties internes (ou médiales)
TCE et enlève ce petit fragment.
Ces techniques s'adressent à des ectropions sévères avec une
6. On réalise la bande tarsale sur la partie externe (8 à
importante laxité du canthus interne : leurs indications sont
10 mm) de paupière inférieure mise à nue en enlevant aux
surtout représentées pour les séquelles de paralysie faciale.
ciseaux la bordure ciliaire, l'orbiculaire et la conjonctive
Différents procédés ont été décrits pour la remise en ten-
vers l'arrière. La conjonctive adhérente au tarse vers l'arrière
sion au niveau de l'insertion médio-orbitaire de la paupière.
est doucement nécrosée par coagulation. Une suture de
résorbable 5 à 6/0 est placée sur le chef interne du TCE qui
Renforcement superficiel du tendon canthal médial
apparaît comme une lame blanchâtre verticale, en arrière ● Incision sous-canaliculaire inférieure exposant le tarse et
du rebord orbitaire. Puis, un fil en double U est passé à plu-
le tendon canthal.
sieurs reprises dans l'extrémité externe de la bande tarsale. ● Plicature du tendon par une suture non résorbable.
7. Deux ou trois sutures sont placées entre le chef supérieur
Cette technique qui s'adresse aux laxités légères présente
et le nouveau chef inférieur, c'est-à-dire la bande tarsale.
des inconvénients :
8. Enfin, la peau est suturée avec un premier point médian ● une faible efficacité dans mon expérience ;
qui prendra le plan orbiculaire et le tissu situé en avant du ● une plicature du canalicule lorsqu'il est détendu ;
rebord orbitaire de façon à ré-amarrer le futur pli médian de ● un risque de diastasis oculopalpébral par changement
la patte d'oie.
d'orientation palpébrale (surtout en cas d'énophtalmie).
Il existe une variante avec amarrage supérieur : technique
d'œil en amande qui a pour but de tracter la paupière infé- Raccourcissement palpébral sans canthopexie orbitaire
rieure encore plus vers le haut dans l'angle externe pour La technique décrite par Crawford et Collin [5], s'adressant
donner au mieux un aspect d'œil en amande. aux laxités avec distension canaliculaire comprend :
Pour cela, on réalise au cours de l'intervention une bou- ● une résection palpébrale inférieure toute épaisseur
tonnière entre le chef supérieur du tendon canthal externe englobant le point lacrymal et intéressant le canalicule ;
et le rebord orbitaire. On fera coulisser la bande tarsale à ● une intubation bicanaliculaire ;
ce niveau pour la fixer un peu plus bas sur la partie haute ● une suture du tarse sur le muscle de Horner.
sectionnée du chef inférieur du TCE.
Canthoplastie avec canthopexie orbitaire
Plusieurs auteurs [1, 9, 10] proposent de réaliser une can-
C'est une technique utilisée en blépharoplastie esthétique thopexie du muscle de Horner qui respecte davantage les
pour donner l'aspect plus caucasien d'œil en amande. bases anatomiques que les canthopexies antérieures clas-
siques (canthopexie interne transnasale) [12, 14].
26
2. Troubles de la statique palpébrale

Différentes techniques de canthopexies internes sont des ciseaux dans l'incision et on se dirige oblique en dedans
possibles : et vers l'arrière vers la crête lacrymale postérieure. On place
● la voie d'abord transconjonctivale (dans le repli semi- une suture en U à double passage dans l'extrémité du tarse
lunaire) ou canthale médiale ; soit en Goretex® 5/0 ou résorbable 5/0.
● la résection palpébrale et/ou canaliculaire ; 2. On réalise une incision cutanée de DCR, on libère la
● la canthopexie proprement dite selon le niveau de fixa- loge lacrymale par voie sous-périostée jusqu'à la crête
tion : muscle de Horner, périoste orbitaire ou sur matériel lacrymale postérieure dont on libère les adhérences avec
d'ostéosynthèse, fixé sur la paroi médiale de l'orbite (vis ou le périoste.
plaque dont il existe différents modèles) ou fixé sur l'orbite 3. On passe les sutures en U depuis l'incision conjonc-
controlatérale (canthopexie interne transnasale). tivale vers la crête lacrymale postérieure. Pour cela, l'ai-
guille est dirigée en-dedans et vers l'arrière. Ces sutures
Canthoplastie par plicature du muscle supérieures sont dirigées un peu vers le bas pour se
de Horner par voie de dacryocystorhinostomie croiser avec les sutures inférieures dirigées vers le haut.
(DCR) (technique 3) [1] Une fois la perforation du périoste effectuée au bon
Elle présente l'avantage de contrôler le niveau de fixation endroit, on tourne la direction de l'aiguille vers l'avant
postérieure des sutures sur la crête lacrymale postérieure et on la fait ressortir avec le porte-aiguille par la loge
(figure 2.4). lacrymale.
1. On réalise deux petites incisions verticales en arrière du 4. Les sutures sont ensuite serrées entre elles avec soit le
point lacrymal sur la conjonctive, à l'aplomb de la fin du périoste, soit un petit carré de tissu intermédiaire pour évi-
tarse. Puis, on sépare aux ciseaux les adhérences entre la ter l'effet de fil «à couper le beurre» sur le périoste. On peut
conjonctive et les fibres du muscle de Riolan se transfor- alors voir les points lacrymaux s'approcher de la caroncule
mant en muscle de Horner. Pour cela, on introduit la pointe tout en s'entropionnant.

Figure 2.4
Canthoplastie par plicature du muscle de Horner par voie de dacryocystorhinostomie.

27
Chirurgie palpébrale

Technique 3 bis : elle consiste à associer à la technique 3, Ectropions avec hyperlaxité


dans un même temps chirurgical ou le plus souvent
dans un deuxième temps, un traitement de l'hyperlaxité palpébrale postérieure, réinsertion
palpébrale : des rétracteurs par voie postérieure
● soit par résection pentagonale : suture de la lamelle pos-
térieure en paupière supérieure et inférieure près de l'angle Technique 4 (figure 2.5)
interne ; Le raccourcissement vertical de la lamelle palpébrale posté-
● soit par canthoplastie externe selon la technique de la rieure sera traité par voie conjonctivale seule, ou en associa-
bande tarsale. tion avec une bande tarsale :

Figure 2.5
Réinsertion des rétracteurs par voie
postérieure.

28
2. Troubles de la statique palpébrale

1. Incision conjonctivale au bord inférieur du tarse. Ectropion avec rétraction palpébrale


2. Dissection monobloc de la conjonctive et des muscles rétrac-
teurs (muscle rétracteur palpébral inférieur) qui y adhèrent. Allongement de la lamelle palpébrale
3. Résection de l'excès conjonctivomusculaire et suture du antérieure (technique 5) (figure 2.6)
lambeau au bord inférieur du tarse.
4. Les sutures inversantes résorbables sont placées sur Il faut opposer :
toute la longueur du cul-de-sac, si l'ectropion du cul-de-sac
● les pertes de substance ou les rétractions myocutanées
intéresse de façon équilibrée toute la paupière inférieure. selon la ligne qui seront traitées par une plastie en Z ;
Trois sutures en U de fils résorbables 5 ou 6/0 sont placées
● les pertes de substance sur une surface cutanée ou myo-
au bord inférieur du tarse et sortent beaucoup plus bas cutanée qui seront traitées par une greffe de peau ou des
dans le pli palpébral inférieur avec un trajet transpalpébral lambeaux myocutanés.
toute épaisseur oblique en avant et en bas. Elles sont serrées La plastie en Z consiste à échanger deux lambeaux myo-
sur la face cutanée à 15 à 20 mm du bord libre. cutanés dessinés de part et d'autre de la cicatrice.
5. En cas de laxité externe du cul-de-sac, on peut mettre 1. On dessine au feutre dermographique sur la peau l'axe
un fil en U sur le cul-de-sac et le suturer au rebord orbitaire, de la cicatrice. On obtient un segment de droite le plus
et ceci en particulier au cours d'une canthoplastie externe souvent vertical. Il ne dépasse pas 10 à 15 mm. Un seul Z
comme la bande tarsale. suffira.

60° 60°

B
2
A
60° 1

A
B

C
D
Figure 2.6
Allongement de la lamelle palpébrale antérieure. Plastie en Z.

29
Chirurgie palpébrale

Figure 2.7
Greffe de peau prélevée en paupière supérieure.

2. On dessine deux branches du Z aux extrémités du seg-


ment avec un angle de 60°.
3. On libère en profondeur les deux lambeaux myocutanés
ainsi dessinés.
4. Puis ils sont échangés après avoir enlevé le tissu cicatriciel
de l'axe du segment initial.
La plastie en Z multiples : si la longueur du segment
initial dépasse 15 millimètres et que le segment réalise
une ligne brisée, on réalise plusieurs Z étagés selon l'axe
de la cicatrice.
Figure 2.8
Allongement d'une rétraction palpébrale profonde.
Greffes et lambeaux (technique 6)
La meilleure peau à prélever est la peau de la (ou les) pau-
pière supérieure saine dans le pli palpébral supérieur [7, 11].
À défaut, on utilisera la peau rétro-auriculaire ou la peau pré-
claviculaire. Les greffes minces dermo-épidermiques seront Allongement d'une rétraction
préférées pour la paupière supérieure et les greffes de peau palpébrale profonde
totale pour l'inférieure, en privilégiant pour des raisons esthé- (technique 7) (figure 2.8)
tiques des greffes dans toute l'unité palpébrale (figure 2.7).
Certains ectropions cicatriciels s'associent à une rétraction
du septum ou de la lamelle palpébrale postérieure qui sera
traitée dans un deuxième temps par :
Les lambeaux présentent l'avantage sur les greffes d'être
vascularisés et de moins se rétracter secondairement ; le
● excision des tissus cicatriciels rétractés ;
lambeau préseptal supérieur est un lambeau utile pour
● allongement de la lamelle postérieure par désinsertion
les allongements de la partie temporale de la paupière des muscles rétracteurs du tarse avec ou sans matériel d'in-
inférieure. terposition : autogreffe de préférence (cartilage auriculaire
ou muqueuse palatine).
30
2. Troubles de la statique palpébrale

Indications en fonction inférieur à charnière inférieure, sur le plancher de la portion


verticale du canalicule.
des variétés cliniques 3. Puis, sutures unissant la muqueuse canaliculaire à la
conjonctive (importance de la continuité entre les deux
Ectropion lacrymal muqueuses), en basculant vers le bas le triangle réalisé sur
la portion verticale.
Les facteurs lacrymaux ajoutent des difficultés au traite-
ment des ectropions lacrymaux dont les résultats sont par-
Ectropion lacrymal sévère
fois décevants et à l'origine de récidives.
Ces ectropions sont difficiles à traiter car une rétraction
Ectropion lacrymal débutant cutanée est souvent associée au relâchement des diffé-
rentes structures canthales médiales. Le traitement visera
Le larmoiement est le facteur essentiel à considérer à ce à réduire :
stade. Plusieurs techniques peuvent être proposées. ● en cas de rétraction cutanée prédominante : après un
traitement médical préopératoire, on utilisera un trai-
Conjonctivoplastie
tement chirurgical d'allongement cutané par des lam-
Après introduction d'une sonde dans le canalicule inférieur beaux (lambeau préseptal supérieur) ou par des greffes
pour le repérer, la conjonctive sous-canaliculaire (disten- cutanées ;
due) est réséquée. ● en cas d'hyperlaxité prédominante : on utilisera soit
La suture conjonctivale est mise en place de manière la technique du colimaçon ou la technique de plica-
inversante obliquement vers le bas et l'avant. ture du muscle de Duverney-Horner dans les formes
majeures.
Punctoplastie (technique 8)
Technique du colimaçon (technique 9) [2]
Le point lacrymal est élargi vers l'arrière afin qu'il s'ouvre
dans le lac lacrymal (figure 2.9) : C'est la technique que nous utilisons le plus souvent
1. Résection conjonctivale en losange en arrière du point (figure 2.10).
lacrymal. 1. On place un crochet sur le tarse près du point lacrymal
2. Réalisation, sous microscope opératoire, d'un triangle et on éverse largement la partie interne de la paupière infé-
postérieur taillé dans la portion verticale du canalicule rieure sur un coton tige ou sur une plaque. Ceci permet
de visualiser largement le tarse puis les rétracteurs, sous le
point lacrymal.
2. On réalise une exérèse conjonctivale profonde d'un
losange de forme verticale à l'aplomb du point lacrymal.
Celle-ci peut comporter, dans le fond une résection des
rétracteurs et en dehors d'une petite partie du muscle de
Horner. On réalise des coagulations parfois de l'artère de
l'arcade marginale palpébrale.
3. On place une suture de résorbable 6/0 en U en forme
de colimaçon. En haut, celle-ci prend la conjonctive et le
tarse sous le point lacrymal, puis les brins se croisent pour
prendre, en dehors, conjonctive et rétracteurs et en dedans
conjonctive et muscle de Horner. Les brins se croisent à
nouveau pour prendre en bas les rétracteurs et le cul-de-
sac conjonctival.
4. Dans un dernier temps, les deux extrémités de la suture
de 5 ou 6/0 ressortent dans le pli palpébral inférieur après
le passage toute épaisseur dans la paupière, et ce environ
15 mm sous le point lacrymal où les brins sont serrés ce
Figure 2.9 qui provoque immédiatement un entropion du point
Punctoplastie. lacrymal.
31
Chirurgie palpébrale

Figure 2.10
Plastie du point lacrymal selon le technique du colimaçon.

Laxité antérieure et postérieure


Une exérèse pentagonale toute épaisseur de la paupière
La technique du lazy-T de B. Smith, avec une canthoplas- présente l'avantage de réduire en même temps la laxité
tie externe associée à une résection conjonctivale, est une horizontale associée.
technique que nous utilisons rarement. Les techniques de
canthoplastie interne sont, par contre, à réserver aux ectro-
pions sévères (d'origine paralytique surtout) qui présentent Ectropion spasmodique
un relâchement canthal marqué avec une importante dis-
Deux formes cliniques nécessitent un traitement particulier :
tension canaliculaire. Il s'agit en effet de techniques plus ● l'ectropion lacrymal spasmodique se traite par cantho-
complexes qui nécessite une anesthésie plus large.
plastie externe (ce syndrome résulte d'une laxité du ten-
don canthal latéral) éventuellement associée à une plastie
d'élargissement vers l'arrière du point lacrymal inférieur ;
Formes particulières ● le syndrome de flaccidité palpébrale supérieure se traite
d'ectropions hypotoniques par résection pentagonale de la lamelle postérieure dans le
tiers temporal de la paupière supérieure.
Ectropion mécanique
L'exérèse de la lésion qui alourdit la paupière est la base du
Ectropion de l'énucléé (technique 10)
traitement. L'ectropion de l'énucléé s'observe le plus souvent dans le
Au niveau cutané, il faudra préférer les sutures verticales cadre du syndrome décrit par T. Tyers et R. Collin sous le
qui sont moins éversantes qu'une résection verticale suivie nom de «PESS syndrome» (post-enucleation socket syn-
de sutures horizontales. drome) [13] et qui associe :
32
2. Troubles de la statique palpébrale

● des troubles de la statique palpébrale liés à une pression niveau. Les trois fils en U peuvent être suturés à la peau ou
exagérée de la prothèse ; passer à ce niveau sur un nouveau bourdonnet pour éviter
● une bascule de la prothèse vers l'arrière et en haut ; l'effet «fil à couper le beurre» à ce niveau.
● une énophtalmie ;
● une brièveté anormale du cul-de-sac inférieur.
Le traitement de l'énophtalmie comporte de nom-
Ectropions congénitaux
breuses techniques : Le traitement chirurgical est indiqué en cas d'ectropion
● soit implantation dans l'orbite de fragments d'hydroxya- palpébral supérieur avec menace cornéenne, de larmoie-
patite en arrière dans le cône orbitaire ; ment ou de préjudice esthétique trop marqué. Si les quatre
● soit implantation au même endroit de lobules de graisse paupières sont concernées, les paupières supérieures seront
selon la technique de Coleman ; prioritaires.
● soit implantation de matériaux variés sur le plancher La brièveté cutanée sera traitée par un allongement
orbitaire, toutefois le périoste limitera ici l'effet escompté. cutané :
Lorsque le problème de l'enophtalmie est réglé ou si ● greffe de peau rétro-auriculaire en évitant de greffer
celui-ci n'est pas majeur, on rétablira la position de la pau- simultanément la paupière supérieure et l'inférieure du
pière inférieure soit : même coté ;
● par une canthoplastie externe selon la technique de la ● lambeau préseptal supérieur transposé à la paupière
bande tarsale avec ou sans mise en tension supérieure vers inférieure en cas d'ectropion temporal.
le haut du chef inférieur du tendon canthal externe (œil
d'amande) (figure 2.11) ;
● par une augmentation de profondeur du cul-de-sac par Ectropions postopératoires
une greffe de muqueuse conjonctivale ou de membrane
amniotique, avec ou sans fixation au rebord orbitaire. Après blépharoplastie esthétique
Dans ce dernier cas, l'essentiel est de fixer le futur
Moyens préventifs
cul-de-sac sur un bourdonnet ou sur une éponge pour
décollement de la rétine et de placer sur cet indentateur Dans une blépharoplastie esthétique, il faut penser à ne pas
à cul-de-sac, trois fils en U en avant et en arrière vers le vouloir trop en faire et donc plutôt sous-doser :
cul-de-sac puis les diriger vers le bas et l'avant dans la zone ● toujours préférer la voie postérieure sauf en cas d'excès
du rebord orbitaire inférieur pour ressortir à la peau à ce cutané manifeste ;

Figure 2.11
Technique d'œil en amande.

33
Chirurgie palpébrale

● dépister une laxité palpébrale ou une exposition sclérale Après chirurgie du ptosis
inférieure (œil rond) avant l'intervention qui représente une
Du fait d'une réinsertion trop basse du releveur sur le
contre-indication majeure à une voie antérieure et à une
tarse.
résection cutanée ;
Par traction excessive du lambeau myocutané inférieur
● hémostase soigneuse et si hématome, évacuation des
sur le bord ciliaire, procéder au relâchement du lambeau et
caillots sources de rétraction secondaire ;
à son repositionnement vers le bas.
● éviter les coagulations du septum et les résections myo-
cutanées excessives ;
● dans les suites postopératoires immédiates, les massages
des paupières inférieures vers le haut favorisent l'assouplis- Références
sement palpébral. Les corticostéroïdes, soit en pommade
[1] Adenis JP, Robert PY. Plication of Duverney's muscle : a surgical
soit en injections locales, permettent parfois d'atténuer les approach of lagophthalmos. First results on 27 patients. Orbit
rétractions postopératoires au stade inflammatoire. 1995 ; 14 : 207–12.
[2] Adenis JP, Grivet D. Ectropion of the lacrimal point : the shoe lace
Moyens chirurgicaux technique Europ. J Ophthalmol 2005 ; 15(2) : 267–70.
[3] Anderson RL, Gordy DD. The tarsal strip procedure. Arch
Il faut, dans la mesure du possible, respecter la règle des 6 mois Ophthalmol 1979 ; 97 : 2192–6.
d'intervalle libre avant d'envisager une chirurgie réparatrice qui [4] Bernard JA. L'ectropion lacrymal spasmodique. Communication
devra tenir compte de la demande esthétique initiale : personnelle ; 1989.
[5] JRO Collin. A Manual of Systematic Eyelid Surgery. Edinburgh :
● canthoplastie externe si la rétraction n'est pas trop Churchill Livingstone ; 1989. p. 27–40.
sévère (le lambeau myocutané sera suspendu au périoste [6] Hatt M. Treatment of the paradoxic inversion of the lashes
externe du rebord latéro-orbitaire) ; in ectropion. Ophthalmic Plast Reconstruct Surg 1992 ; 8 :
● greffe de peau totale après excision des tissus cicatriciels 178–82.
[7] Hornblass A, Kass LG. Surgical correction of entropion and
dans les cas plus importants. ectropion in the same lid. Plast Reconstr Surg 1988 ; 81 :
261–3.
Après chirurgie de l'entropion involutionnel [8] Jordan DR. Ectropion following entropion surgery : an unhappy
patient. Ophthalmic Plast Reconstruct Surg 1992 ; 8(1) : 41–6.
Les causes sont variées mais nécessitent toutes de respecter [9] Morax S, Gatinel DL. L'ectropion congénital primitif. À propos de 2
la règle d'un examen postopératoire précoce systématique : cas. J Fr Ophtalmol 1996 ; 19 : 415–22.
[10] Ritleng P. Ectropions. 21100 B10, In : Séméiologie et traitement
● la tension excessive des sutures éversantes qu'il faudra
chirurgical. Encycl Med Chir Ophtalmologie ; 1990. p. 14. Paris.
enlever rapidement ; [11] Ritleng P. Medial Canthoplasty for treatment of severe lacrimal
● la méconnaissance d'une laxité horizontale est la cause la ectropions. Orbit 1989 ; 8 : 49–56.
plus fréquente. Une remise en tension de la paupière infé- [12] Stricker M, Gola R. In : Chirurgie plastique et réparatrice des pau-
rieure par canthoplastie externe suffira en général ; pières et de leurs annexes. Paris : Masson ; 1990. p. 147–65.
[13] Tyers AG, Collin JRO. Orbital implant and postenucleation socket
● du fait d'une résection cutanée excessive, l'ablation syndrome. Trans Ophthalmol Soc Uk 1982 ; 102 : 90–2.
rapide des points cutanés peut permettre de réduire la [14] Van Der Meulen JC, Gruss JS. In : Ocular Plastic Surgery. London :
traction du lambeau antérieur. Mosby ; 1996. p. 114–415.

Paralysie faciale
La lagophtalmie est un déficit plus ou moins complet de fer- Formes cliniques
meture de la fente palpébrale. L'étymologie de ce terme est
lagos signifiant lièvre en grec, lequel, selon la légende, dort
les yeux ouverts. La lagophtalmie est, le plus souvent, due à
Paralysie faciale périphérique
la paralysie de l'orbiculaire mais s'observe également en cas complète unilatérale
de rétraction palpébrale dans l'orbitopathie dysthyroïdienne.
Elle risque d'entraîner une kératite grave par le défaut de L'atteinte motrice des muscles de la mimique confère au
protection qu'elle occasionne. malade un faciès caractéristique : toute l'hémiface semble
34
2. Troubles de la statique palpébrale

attirée vers le côté sain ; aussi bien dans le territoire du facial


supérieur que dans celui du facial inférieur.
À l'état statique :
● le sourcil est abaissé (figure 2.12) ;
● l'œil est grand ouvert, la fente palpébrale est élargie pour
deux raisons :
– la paupière supérieure est légèrement plus haute que
du côté sain par rétraction du releveur qui ne trouve plus
l'opposition habituelle de son antagoniste l'orbiculaire ;
– la paupière inférieure est affaissée, parfois ectropion-
née.
À l'état dynamique :
● le clignement spontané est plus bref que du côté sain et
incomplet ;
● l'occlusion volontaire totale est impossible, il se produit Figure 2.13
seulement un léger abaissement de la paupière supérieure Paralysie faciale périphérique, état dynamique,
signe de Charles Bell.
par relâchement du releveur ;
● l'œil se porte le plus souvent en haut et en dehors ;
l'absence d'occlusion démasquant le signe de Charles Bell
(figure 2.13).
Conséquences de la paralysie
L'ensemble est lié à une rupture de l'équilibre dynamique de l'orbiculaire
entre l'orbiculaire des paupières devenu inactif et ses anta-
Les conséquences sont multiples. Certaines sont liées à
gonistes : releveur et muscle de Müller.
l'atonie du muscle entraînant un relâchement de la paupière
La paralysie faciale s'accompagne en outre d'une perte
inférieure qui s'affaisse sous le poids de la joue paralysée,
de la mimique de l'hémiface qui apparaît inerte (voir
puis s'ectropionne, surtout chez les gens âgés. Le point
figure 2.13) :
lacrymal se décolle du globe et le muscle de Duverney-
● disparition des rides du frontal et du pli nasogénien ;
Horner se détend, entraînant un désamorçage de la pompe
● déviation de la bouche vers le côté sain ;
lacrymale, source d'épiphora.
● le malade ne peut ni siffler ni gonfler les joues.
Sur le plan historique, une brillante démonstration, sur
Les mouvements de l'hémiface saine accentuent la
les premières descriptions de ce muscle ont été faites par
déformation.
Reifler [17]. Ce muscle de Horner, connu sous le nom d'un
américain de Philadelphie qui l'a décrit en 1822 [12], a été
découvert bien avant, au début du dix huitième siècle, par
J.F.M. Duverney dont l'élève Schobinger rapporte la pre-
mière description en 1730, précisant que son maître en
avait fait la découverte [18].
Plus tard, l'oncle du premier, J.-G. Duverney, professeur à
l'Académie royale des sciences, décrit à nouveau, en 1761,
ce «petit muscle au dedans du grand angle qui prend son
origine de la partie antérieure de l'os planum et s'insère
dans la partie interne du tendon mitoyen ou commun à
l'opposé de l'orbiculaire».

Conséquences lacrymales
La paralysie faciale totale a des conséquences qui peuvent
être graves :
Figure 2.12 ● une absence d'étalement du film lacrymal par la
Paralysie faciale périphérique, état statique. paupière supérieure, une rareté du clignement source
35
Chirurgie palpébrale

d'évaporation accrue, et donc d'exposition anormale de Paralysies faciales périphériques


l'épithélium cornéen dans l'aire d'ouverture de la fente
palpébrale ; Toutes les fonctions du VII sont touchées ; il existe donc :
● il en résulte une irritation cornéenne globale qui se ● un déficit de la sécrétion lacrymale ;
traduit par une hypersécrétion réflexe ou au contraire ● une hyperacousie douloureuse ;
une sensation d'œil sec en cas de diminution de la sécré- ● un déficit de la sécrétion salivaire ;
tion lacrymale, évidente lors du pleuré psychique qui est ● une agueusie des deux tiers antérieurs de la langue ;
aboli ; ● un déficit musculaire du visage.
● en revanche, la diminution de la sécrétion lacrymale est Une lésion dans le canal de Fallope en amont du ganglion
un élément favorable pour l'épiphora lorsqu'il existe un géniculé entraîne une atteinte de toutes les fonctions du
ectropion paralytique ; VII.
● une kératinisation et une sténose progressive du point Une lésion entre le ganglion géniculé et l'origine du nerf du
lacrymal. muscle de l'étrier entraîne une atteinte de toutes les fonc-
tions du VII, sauf de la sécrétion lacrymale.
Une lésion siégeant entre l'origine du nerf du muscle
Conséquences cornéennes de l'étrier et la corde du tympan entraîne une atteinte
La lagophtalmie et les complications lacrymales exposent des fonctions du VII, sauf de la sécrétion lacrymale et
à une irritation cornéenne globale qui se traduit par une l'audition.
hypersécrétion réflexe ou au contraire une sensation d'œil En aval de la corde du tympan, une lésion entraîne le
sec en cas de diminution de la sécrétion lacrymale, évidente déficit musculaire de la face.
lors du pleuré psychique qui est aboli.
Cela expose la cornée à des microtraumatismes et à
l'infection. Traitement
Objectif
Les troubles sensitifs cornéens majorent ces risques, en
Le traitement de la paralysie faciale est d'abord celui de sa
particulier l'anesthésie de la redoutable kératite neuro-
paralytique en cas d'atteinte du V associée, rapidement cause, mais il est rarement possible ou efficace.
responsable de troubles trophiques. Son but est d'abord de protéger le globe oculaire
Ils sont variés, allant de la kératite à l'ulcère perforé pou- en rétablissant sa couverture palpébrale, de rétablir le
vant entraîner une panophtalmie ; d'où la gravité du syn- fonctionnement de la pompe lacrymale, la symétrie du
drome d'atteinte combinée du V-VII. visage, et enfin la finesse de la mimique de l'hémiface
paralysée.

Formes topographiques Actuellement, le seul moyen d'obtenir ce résultat de


façon complète consiste dans le rétablissement de la
Paralysies centrales conduction nerveuse par suture du nerf facial ou greffe
nerveuse.
Les paralysies faciales centrales peuvent être dues à une Cependant, les indications sont rares et le traitement
lésion : chirurgical de la paralysie faciale est le plus souvent réa-
● corticale : l'atteinte controlatérale est purement lisé sur des formes séquellaires.
motrice ; la paralysie est évidente dans le territoire du
facial inférieur. Elle est discrète et transitoire ou absente
dans le territoire du facial supérieur. Ses conséquences Traitement médical
ophtalmologiques sont peu importantes. Le clignement
volontaire est aboli alors que le clignement réflexe est Il est indispensable au début des formes complètes de para-
souvent conservé ; lysie faciale. Il permet d'attendre une éventuelle récupéra-
● sous-corticale : il n'existe alors plus de dissociation auto- tion spontanée, le plus souvent sans geste chirurgical par
matico-volontaire du clignement. l'utilisation de :
36
2. Troubles de la statique palpébrale

● l'instillation de collyres anti-infectieux et cicatri-


sant, de larmes artificielles en cas de syndrome sec, de
méthylcellulose ;
● l'abaissement passif de la paupière supérieure le soir au
coucher ou mieux l'occlusion intermittente de la paupière
par une bande adhésive type Stéri-strip™ ne frottant pas sur
la cornée ;
● l'injection de toxine botulique dans le releveur ;
● la protection contre les poussières et les fumées par des
lunettes protectrices ou par une coque adhésive transpa-
rente jouant le rôle de chambre humide ;
● la blépharorraphie provisoire pour quelques jours par un
simple fil ne frottant pas la cornée permet la surveillance
et l'instillation de collyres en attendant que le cap aigu soit
passé.

Traitement chirurgical
On distingue deux catégories de traitements, les procédés
statiques et les procédés dynamiques. De très nombreuses
techniques médicales et chirurgicales ont été décrites pour
rétablir une statique et une fonction palpébrale normale.
En fait, leur multiplicité témoigne qu'aucune n'est pleine-
ment efficace.

Procédés statiques Figure 2.14


Tarsorraphie médiane ou externe simple.
Tarsorraphie complète
Dans les cas de patients comateux ou agités, elle assure une
excellente protection mais empêche la surveillance et l'ins-
tillation des collyres.

Tarsorraphies partielles
La tarsorraphie médiane ou externe simple (figure 2.14)
consiste en un accolement des extrémités latérales des
paupières après avivement des bords libres. Les sutures sont
ensuite serrées sur un bourdonnet comme une éponge à
décollement de rétine par exemple. Elle est facile à réaliser
mais peu esthétique.
La tarsorraphie externe de MacLaughlin [13] consiste à
imbriquer les deux paupières l'une dans l'autre en désépi-
thélialisant un triangle externe de la paupière inférieure et
en excisant un triangle de conjonctive correspondant de la Figure 2.15
paupière supérieure. Tarsorraphie médio-interne de Terson.
La tarsorraphie médio-interne de Terson [20] (figure 2.15).
Elle permet la suspension de la paupière inférieure par un entre les deux feuillets de la paupière légèrement en dehors
pont fibreux l'unissant à la paupière supérieure ou à l'inverse du point lacrymal. Elle est indiquée en cas d'éversion du
en créant un rectangle tarsoconjonctival dans la paupière point lacrymal et d'épiphora important, mais elle limite le
supérieure, rectangle qui une fois retourné vient s'imbriquer champ visuel interne, et l'aspect cosmétique est imparfait.
37
Chirurgie palpébrale

Plasties proches du canalicule Canthoplastie externe


Les canthoplasties internes [1, 2, 6] sont très utiles en cas
Les punctoplasties, la technique du colimaçon (tech-
de laxité prédominante dans l'angle interne (technique per-
niques 8 et 9) : ces techniques s'adressent aux ectropions
sonnelle Adenis ou technique 3).
limités à la partie lacrymale de la paupière.

Techniques de résection palpébrale pure Chirurgie de la ptose du sourcil


(voir ectropion technique I)
Elle peut être réalisée soit par abord direct après une inci-
Lorsque l'hyperlaxité prédomine sure la portion tarsale sion cutanée au-dessus du sourcil, soit par voie de blépha-
de la paupière inférieure, il faut faire des résections de la roplastie supérieure selon la technique de MacCord, soit
lamelle postérieure avec ou sans résection cutanée comme par voie coronale endoscopique. Ces voies sont détaillées
dans la technique de Fox [8]. au chapitre 7.
Canthoplasties
Canthoplastie externe Procédés dynamiques
La technique de la bande tarsale (technique 2) ou la tech- Ils ont pour but le caractère dynamique d'ouverture et
nique de Tenzel sont utilisées si on veut remonter plus haut d'occlusion palpébrale. Parmi ces techniques, nous utilisons
l'angle externe (technique 10) [22]. presque uniquement la technique des implants en or ou
en titane.
L'affaiblissement du releveur par des incisions horizon-
La technique d'Edgerton [7] améliorée par Montandon tales, partielles ou en zigzag, ou la section verticale des
[14] consiste à faire passer deux lambeaux palpébraux ailerons du releveur est intéressant lorsque la rétraction est
désépidermisés au travers d'un orifice osseux orbitaire supérieure à 1 mm.
et à les suturer après avoir sectionné le tendon canthal Les cerclages consistent à tunnéliser la peau des bords
externe. Ceci a l'avantage de corriger la lagophtalmie et libres au moyen d'une aiguille munie d'un chas et à y faire
l'ectropion, mais le désavantage de déplacer les points passer un fil élastique de silicone, puis à l'amarrer au canthus
lacrymaux en dehors. interne et au rebord orbitaire. Le réglage de la tension du fil
est délicat, le risque de section est élevé. C'est la technique
du fil d'Arion [5, 10].
La suspension du canthus externe selon la technique de Les aimants palpébraux [11, 16] sont peu utilisés de
Tenzel (technique 13) (figure 2.16) consiste à couper le chef même que le ressort de Morel Fatio [15].
inférieur du ligament latéral externe, à l'allonger à partir du L'alourdissement de la paupière par des poids en or ou en
tarse de la paupière inférieure qui est ainsi raccourcie, et à le titane (technique 14) (figure 2.17), implantés en avant du
faire passer dans une boutonnière pratiquée juste au-dessus tarse et en arrière du plan aponévrotique, est surtout utili-
du chef supérieur du tendon canthal latéral. Elle a tendance sée lorsque la séquence ouverture/fermeture n'est pas trop
à donner à l'œil et à la fente palpébrale une forme d'amande. mauvaise et que la statique palpébrale est conservée. On
reproche à cette technique le risque d'extrusion du poids
en or :
1. Incision cutanée et orbiculaire dans le pli palpébral supé-
rieur ou 1 à 2 mm au-dessus.
2. Incision de l'aponévrose jusqu'à découvrir le bord supé-
rieur du tarse.
3. Séparation de l'espace entre aponévrose et face anté-
rieure du tarse jusqu'à la racine des cils.
4. Fixation au Vicryl 5 ou 6/0 la plaque d'or ou de titane dans
la poche ainsi créée par trois points de sutures. L'implant a
été choisi grâce à des essais avec des poids témoins collés à
Figure 2.16 la paupière pour ajuster l'efficacité.
Technique de la bande tarsale d'Anderson en paupière 5. Création du pli palpébral supérieur par trois sutures de
supérieure. Prolène 6/0.
38
2. Troubles de la statique palpébrale

jeune, en raison de la plasticité du système nerveux per-


mettant la rééducation.
On en distingue trois types :
● la suture du facial constitue le seul moyen de récupéra-
tion ad integrum de la fonction du nerf facial. Elle peut être
directe s'il n'y a pas de tension, sinon il faut interposer un
greffon de nerf périphérique dont les gaines vides servent
de guide à la repousse axonale. La récupération suivie sur
les éléments cliniques et électriques se produit en quelques
mois ;
● les anastomoses transfaciales donnent de moins bons
résultats que les anastomoses hétéronerveuses [3, 9] ;
● les anastomoses hétéronerveuses consistent à anasto-
moser la portion distale du nerf facial avec un autre nerf
crânien, le plus souvent anastomose hypoglossofaciale.
Elle doit être suivie d'une période de rééducation du
patient afin de lui apprendre à utiliser les contractions
de la langue pour mobiliser l'hémiface avant d'obtenir
un automatisme.

Cette technique présente l'inconvénient d'être plus effi-


cace dans le territoire du facial inférieur que dans celui
du facial supérieur et d'entraîner fréquemment une atro-
phie musculaire dans le territoire du nerf sacrifié. C'est
néanmoins la technique de réparation nerveuse la plus
employée.

Figure 2.17
L'alourdissement de la paupière supérieure par des poids en or ou
en titane.
Indications
Une paralysie faciale complète nécessite toujours un traite-
Procédés biologiques ment médical dans un premier temps.
Le transfert du temporal de Gillies est surtout utilisé chez Le traitement chirurgical palliatif est proposé dans les
les lépreux [4]. circonstances suivantes :
Le transfert musculaire vers la commissure labiale : ● s'il n'existe que peu de possibilités de récupération
le poids de la joue est un facteur aggravant des ectro- spontanée ;
pions paralytiques. La suspension de la commissure ● s'il existe une grave lésion cornéenne :
labiale par transfert du muscle temporal, associée à une – dans les formes totales, les neurochirurgiens préfèrent
canthoplastie interne et externe, a été proposée dans les techniques dynamiques, en particulier l'anastomose
les ectropions paralytiques sévères. La suspension de hypoglossofaciale ;
la commissure labiale au rebord orbitaire externe et à – dans les formes modérées ou en cas d'échecs ou d'im-
l'arcade zygomatique est possible avec des matériaux possibilité des méthodes dynamiques, les ophtalmolo-
synthétiques comme le Goretex® [12]. gistes s'adressent volontiers aux techniques statiques, en
Les réparations nerveuses. Elles représentent le meilleur particulier celles associant une remise en tension can-
moyen de récupération de la fonction du nerf facial mais thale et une résection palpébrale. Ces techniques seront
ne régénèrent que dans un faible pourcentage de cas. Elles souvent associées et réalisées en plusieurs interventions.
sont d'autant plus efficaces qu'elles sont réalisées avant Celles-ci sont faciles à réaliser sous anesthésie locale
l'apparition de l'atrophie musculaire et que le sujet est potentialisée.
39
Chirurgie palpébrale

Références [14] Montandon D. A modification of the dermal flap canthal lift for
correction of the paralysed lower eyelid. Plast Reconstruct Surg
1971 ; 4 : 355–7.
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Syndrome de flaccidité palpébrale


Ce syndrome est décrit sous le nom de « floppy eye- Physiopathologie
lid syndrome » par les Anglo-Saxons depuis 1981 par
Culberston et Otsler [1]. Il est décrit dans la littérature du floppy eyelid syndrome
française sous le nom de syndrome de flaccidité palpé-
brale dans le cadre des ectropions atones des paupières. La cause réelle de l'affection est encore inconnue, mais de
Il associe une obésité, une conjonctivite papillaire chro- nombreuses hypothèses ont été avancées.
nique, une kératite ponctuée superficielle et une hyper-
● L'éversion palpébrale nocturne, d'origine mécanique (la
laxité palpébrale. paupière frottant contre l'oreiller), expose la conjonctive
L'affection survient en général chez des adultes aux antigènes extérieurs. Ainsi, les sécrétions grasses du
jeunes mais elle a été décrite à titre exceptionnel chez visage de ces patients se retrouvent en contact avec la
l'enfant et l'adolescent de sexe masculin plutôt, ou conjonctive, augmentant le contact des antigènes envi-
féminin. Plus récemment, Van den Bosch [2] a décrit ronnants avec le tissu conjonctival. L'asymétrie d'atteinte
le syndrome des paupières laxes associant hyperlaxité pourrait s'expliquer par l'existence d'un côté de sommeil
palpébrale et des troubles de la sécrétion conjonctivale préférentiel chez le patient. Pour d'autres auteurs, ce phé-
entraînant une conjonctivite papillaire et une kératite nomène mécanique nécessiterait une prédisposition géné-
ponctuée superficielle. tique des individus concernés.

40
2. Troubles de la statique palpébrale

● Les anomalies de l'interface paupière/film lacrymal/cor- quantité du film lacrymal sont modifiées, avec un temps de
née sont en relation avec le relâchement palpébral. rupture du film lacrymal accéléré.
● L'obésité est en fait le facteur physique le plus souvent rencon- L'atteinte cornéenne. Il s'agit, le plus souvent, d'une kéra-
tré dans les cas rapportés de la littérature. Cependant, une perte tite ponctuée superficielle, dans certains cas d'un pannus
de poids importante n'améliore en rien la symptomatologie. limbique, ou d'une néovascularisation cornéenne, ou voire
Le syndrome de flaccidité palpébrale et le blépharochalasis même d'une kératinisation conjonctivale ou cornéenne par
seraient deux entités d'un même mécanisme inflammatoire effet Dellen.
aboutissant à des signes cliniques oculaires communs [2].
L'étude histologique du tarse montre une diminution
des fibres d'élastine dans le tarse et l'orbiculaire prétarsal des
Affections associées au syndrome
patients opérés de syndrome de flaccidité palpébrale, grâce de flaccidité palpébrale
à une coloration de Verhoeff modifiée et grâce à des colo-
rations immunohistochimiques. Cette diminution n'est pas Le kératocône est probablement lié au frottement exagéré
retrouvée dans un groupe de patients témoins. Cette dimi- des paupières libérant des métalloprotéinases.
nution est maximale autour des glandes de Meibomius. Le syndrome d'apnée du sommeil est lié à un collapsus
pharyngé expiratoire en raison de l'hyperlaxité du tissu oro-
pharyngé comparable à l'hyperlaxité tarsale (tableau 2.1).
En conclusion, l'hyperlaxité palpébrale est l'élément fon-
damental du syndrome et serait liée à une diminution
des fibres d'élastine dans le tarse entre les glandes de
Traitement médical
Meibomius. Un traitement médical adapté doit commencer, en l'ab-
sence de complication, par l'arrêt de toute thérapeutique
locale. L'utilisation de lubrifiants oculaires, de préférence
sans conservateurs, est nécessaire lors d'anomalies du film
Histoire de la maladie lacrymal, ces lubrifiants devront être instillés avant le coucher.
Le sujet souffre d'une conjonctivite chronique, plutôt de
type papillaire, siégeant au niveau de la paupière supé- Traitement chirurgical
rieure (mais des atteintes de la paupière inférieure ont été
décrites), avec injection et irritation oculaire. Par ordre d'efficacité décroissante, on peut réaliser les gestes
Le patient se plaint de sensation de corps étranger sous- suivants.
palpébral, associée à des sécrétions muqueuses abondantes
et à une baisse plus ou moins constante et importante de Tableau 2.1. Principaux signes cliniques du syndrome de
l'acuité visuelle. flaccidité palpébrale en fonction de l'histoire de la maladie.
La symptomatologie est majeure au réveil et le patient Histoire Signes cliniques
ou son entourage décrivent des épisodes d'éversions de la
Conjonctive chronique et Laxité, tarse facilement
ou des paupières supérieures la nuit, pouvant persister le irritation oculaire éversable à la traction
matin au réveil.
L'interrogatoire révèle une utilisation accrue de collyres Atteinte unilatérale du côté Conjonctivite papillaire sur la
où dort le patient paupière atteinte
variés avec ou sans amélioration.
Sensation de corps étranger, Habituellement bilatérale,
sécrétions muqueuses l'atteinte peut être seulement
Examen clinique abondantes, baisse plus ou moins unilatérale
marquée de l'acuité visuelle
Le tarse de la paupière supérieure apparaît lâche, hyper-
laxe, «caoutchouteux», facilement éversable à la traction. Aggravation de la L'affection peut toucher
L'atteinte palpébrale est habituellement bilatérale. symptomatologie au matin, la paupière supérieure et
au réveil inférieure
La paupière inférieure peut être le siège d'un entropion
ou d'un ectropion. Utilisation accrue de Kératite ponctuée superficielle
La conjonctivite chronique est de type papillaire. Les collyre sans amélioration et néovascularisation
sécrétions sont abondantes, riches en mucus et peuvent conséquente de la cornéenne
symptomatologie
donner lieu à une surinfection bactérienne. La qualité et la
41
Chirurgie palpébrale

5. Il s'agit de la technique de choix pour ce type d'affection.


Isolée le plus souvent, elle peut être couplée à une cantho-
plastie externe en cas d'hyperlaxité majeure. Elle est plus
esthétique qu'une résection pleine épaisseur.

Canthoplastie externe (technique 12)


1. On réalise une incision cutanée le long du bord libre
sur 10 mm prolongée dans le pli médian de la patte d'oie
puis, au bistouri électrique, on sépare la lamelle antérieure
Figure 2.18 myocutanée du tarse et du septum en dedans, puis plus
Résection pentagonale de la lamelle postérieure en paupière en profondeur et en dehors du rebord orbitaire. Pour cela,
supérieure. des crochets sont placés sur le lambeau myocutané et
sur la paupière supérieure et inférieure à 10 mm de l'angle
Résection pentagonale de la lamelle externe. Leur traction simultanée facilite grandement la dis-
section et aide à trouver le plan de clivage.
postérieure (technique 11) (figure 2.18) 2. À l'aide du ciseau, on réalise une canthotomie médiane
1. On réalise une incision le long de la bordure ciliaire plu- jusqu'au rebord orbitaire qui permettra de découvrir en
tôt dans la partie externe de la paupière supérieure. profondeur une petite logette graisseuse qui sépare les
2. On réalise une résection d'environ 8 mm de long de type deux chefs d'insertion du tendon canthal externe (TCE).
pentagonale dans la partie externe, là où le tarse est le plus On sectionne l'attache sur le tarse du chef inférieur du TCE,
haut. Cette résection ne suffira pas en général à traiter toute puis au ras du rebord orbitaire et on enlève ce petit frag-
l'hyperlaxité, et le patient est prévenu d'un geste ultérieur. ment de tendon supérieur (figures 2.19A-D).
3. On suture le cul-de-sac conjonctival au Vicryl 6/0. 3. On réalise une bande tarsale sur la partie externe (8 à
4. On suture le bord libre au Prolène 6/0. 10 mm) de paupière inférieure mise à nue, en enlevant aux

Figure 2.19
A–C. Suspension du canthus
externe selon la technique de
Tenzel. D. Le tarse supérieur
ayant une hauteur maximale
en temporal de la cornée, il
est utile dans ce syndrome
de faire une résection tarsale
complémentaire.

42
2. Troubles de la statique palpébrale

ciseaux la bordure ciliaire, l'orbiculaire et la conjonctive vers Références


l'arrière. La conjonctive adhérente au tarse vers l'arrière est
doucement nécrosée par coagulation ou grattage. [1] Culberston WW, Ostler HB. The floppy eyelid syndrome. Am
4. Une suture de résorbable 5 à 6/0 est placée sur le chef J Ophthalmol 1981 ; 92 : 568–75.
[2] Van Den Bosch WA, Lemij HG. The lax eyelid syndrome. Br
interne du TCE qui apparaît comme une lame blanchâtre
J Ophthalmol 1994 ; 78 : 666–70.
verticale en arrière du rebord orbitaire. Puis, un fil en double
U est passé à plusieurs reprises dans l'extrémité externe de
la bande tarsale.
5. Deux ou trois sutures sont placées entre le chef inférieur Pour en savoir plus
et le nouveau chef supérieur, c'est à dire la bande tarsale.
Netland PH, Sugrue SP, Albert DM, et al. Histopathologic features
6. Enfin la peau est suturée avec un premier point médian of the floppy eyelid syndrome. Involvement of tarsal elastin.
qui prendra peau, orbiculaire et le tissu situé en avant du Ophthalmology 1994 ; 101 : 174–81.
rebord orbitaire de façon à réamarrer le futur pli médian de Woog JJ. Obstructive sleep apnea and the floppy eyelid syndrome. Am
la patte d'oie. J Ophthalmol 1990 ; 110 : 314–5.

Entropions et trichiasis

L'entropion se définit comme étant un retournement en ligament de Lockwood. Il s'insère avec le septum orbitaire
dedans du bord libre de la paupière. Le trichiasis est défini au bord antéro-inférieur du tarse, avec une expansion cuta-
comme un trouble de la direction des cils qui se dirigent née dessinant le sillon palpébral inférieur.
dans toutes les directions et en particulier vers l'arrière, vers Ce «muscle» palpébral inférieur, équivalent de l'ensemble
le globe oculaire. aponévrose/muscle de Müller en paupière supérieure, est
Le muscle orbiculaire est divisé en une portion prétarsale très mince et ressemble plutôt à une superposition de fibres
et préseptale. Il partage, avec le releveur et les rétracteurs, aponévrotiques. La couche aponévrotique postérieure part du
l'équilibre nécessaire à la statique palpébrale entre les forces ligament de Lockwood et s'attache à la conjonctive du cul-de-
verticales et horizontales. sac pour constituer le ligament suspenseur du fornix inférieur.
Au niveau de la paupière supérieure, on trouve, en arrière Les forces s'exerçant sur les paupières se décomposent en
du plan de l'orbiculaire, le releveur de la paupière supérieure vecteurs horizontaux et verticaux : de l'équilibre harmonieux
composé de fibres musculaires striées, qui perfore le sep- de ces vecteurs dépendra la bonne position des bords libres.
tum au centre et s'insère à la face antérieure du tarse vers Vecteurs horizontaux : la peau et l'orbiculaire ; le tarse et
le bas, et s'insère vers l'avant dans le pli cutané palpébral à ses connections avec les parois de l'orbite par l'intermé-
travers l'orbiculaire. Le muscle de Müller est composé de diaire du septum orbitaire et des ligaments latéraux.
fibres lisses qui se détachent de la face inférieure du releveur Vecteurs verticaux : ce sont les éléments musculo-
et s'insèrent sur le bord supérieur du tarse juste en arrière aponévrotiques s'insérant sur les bords tarsaux, rétracteur
du septum. de la paupière inférieure lié au septum, releveur de la
Certaines structures de la paupière inférieure sont super- paupière supérieure, muscle de Müller.
posables à cette organisation anatomique : en arrière de
l'orbiculaire se trouve l'expansion capsulopalpébrale du
petit oblique, provenant de la gaine du petit oblique et du Le tarse de la paupière inférieure est étroit et peut faci-
droit inférieur ; c'est le rétracteur de la paupière inférieure, lement se retourner dans l'entropion sénile, tandis que
équivalent de l'aponévrose du releveur de la paupière supé- celui de la paupière supérieure, large, peut se rétracter
rieure. Il débute en profondeur par un renforcement anté- dans l'entropion cicatriciel.
rieur de la gaine du petit oblique et de droit inférieur appelé

43
Chirurgie palpébrale

Classification particulier des fibres du bord libre : le muscle de Riolan. Sa


contraction enroule le tarse vers l'intérieur.
Il est convenu d'appeler lamelle antérieure le plan cutanéo-
orbiculaire et lamelle postérieure le plan tarsoconjonctival.
L'entropion peut être congénital, spasmodique, sénile ou Entropion sénile
cicatriciel. Chez le sujet âgé, la rotation interne du bord libre palpébral
résulte de l'association de trois éléments :
Entropion congénital ● laxité verticale (relâchement des rétracteurs et du
septum) ;
Il peut résulter de l'absence ou de l'atrophie du tarse, d'une ● laxité horizontale (tarsoligamentaire) ;
brièveté de la conjonctive ou plus souvent d'une hypertro- ● énophtalmie (par atrophie de la graisse orbitaire) rédui-
phie musculaire prétarsale et préseptale dans les deux tiers sant la pression du globe contre le tarse.
externes de la paupière. Une désinsertion des rétracteurs L'irritation chronique cornéoconjonctivale entraînée
de la paupière inférieure a pu être mise en évidence par cer- par le frottement des cils va entraîner un spasme de l'orbi-
tains auteurs. culaire avec glissement de l'orbiculaire préseptal vers le
Il est habituellement associé à une énophtalmie, haut en position prétarsale, accentuant la rotation interne.
une microphtalmie ou une enophtalmie. Très sou- Il s'agit donc d'un véritable cercle vicieux aboutissant
vent, l'enophtalmie et l'hypertrophie de l'orbiculaire à l'entropion irréversible (figure 2.20). De nombreuses
se conjuguent pour créer l'entropion congénital. techniques chirurgicales agissent en créant une barrière
L'entropion congénital est à différencier de l'épiblépha- cicatricielle entre les portions préseptale et prétarsale de
ron racial qui est un pli cutané surplombant la marge l'orbiculaire et le plan sous-jacent empêchant la migration
ciliaire et pressant les cils contre la cornée alors que le de l'orbiculaire préseptal en position prétarsale et per-
bord libre est en place. mettent de rompre ce cercle vicieux.

Entropion spasmodique L'entropion sénile n'existe pas à la paupière supérieure,


mais au niveau de celle-ci, le relâchement des forces ver-
Il n'existe pratiquement qu'en paupière inférieure et s'asso- ticales (releveur de la paupière supérieure) entraîne un
cie toujours à une importante hyperlaxité palpébrale. Il est ptosis sénile.
lié à un spasme des fibres de l'orbiculaire prétarsal et en

Laxité horizontale
Laxité verticale
Enophtalmie

Entropion

Migration de l’orbiculaire Irritation chronique cornéo-conjonctivale


pré-septal en position pré-tarsale les frottements des cils

Spasme de l’orbiculaire
Figure 2.20
Cercle vicieux de l'entropion.

44
2. Troubles de la statique palpébrale

7 9

5 4
10 1 2
6 1 6

5
7 9

Figure 2.21 8

Mécanisme de l'entropion.

Entropion cicatriciel Figure 2.22


Analyse clinique des éléments de l'entropion.
Le mécanisme est une contraction cicatricielle de la 1 : taille de la fente palpébrale, dans le sens horizontal et vertical ; 2 :
lamelle postérieure entraînant une rétraction de par- position des paupières dans les différentes positions du regard ; 3 :
forme et la situation des sillons palpébraux supérieur et inférieur ;
tie postérieure de la lamelle postérieure et la création 4 : volume du contenu orbitaire et la recherche d'une éventuelle
d'une concavité ­p ostérieure de la paupière avec bas- enophtalmie à l'exophtalmomètre de Hertel ; 5 : élasticité du tarse
cule des cils vers la cornée et le trichiasis (figure 2.21). et du bord libre ; 6 : position des angles interne et externe ;
7 : ­culs-de-sac conjonctivaux ; 8 : position des cils ou l'importance
Les étiologies sont les brûlures chimiques (souvent du trichiasis ; 9 : pour les entropions cicatriciels l'importance
compliquées de symblépharon), les affections inflam- de la rétraction tarsale ; 10 : état de l'épithélium cornéen.
matoires chroniques (trachome, blépharite chronique),
le pemphigus et le syndrome de Stevens-Johnson. Ce ● la forme et la situation des sillons palpébraux supé-
type d'entropion se rencontre essentiellement à la
rieur et inférieur dans les différentes positions du regard :
paupière supérieure où le tarse, plus large, se contracte
un effacement du sillon palpébral inférieur peut orienter
plus volontiers.
vers une faiblesse du rétracteur de la paupière inférieure
(atteinte de l'expansion cutanée de celui-ci) ;
● le volume du contenu orbitaire et la recherche
Entropion mécanique d'une éventuelle enophtalmie à l'exophtalmomètre de
Une tumeur, un excès de tissu, une bride superficielle Hertel ;
peuvent entraîner, par effet mécanique, une rétraction
● l'élasticité du tarse et du bord libre : un relâchement
interne de la paupière. horizontal existe lorsque la traction antérieure du bord
On peut y ajouter l'entropion mécanique dans lequel libre palpébral, permet d'écarter celui-ci du globe oculaire
l'excès de peau de la paupière supérieure (blépharochalasis) de plus de 6 mm ;
applique le bord libre contre le globe.
● la position des angles interne et externe, et la
solidité des attaches canthales interne et externe en
essayant de mobiliser l'angle externe et/ou interne des
paupières sur un plan horizontal. En cas d'hyperlaxité
Examen clinique canthale, la traction sur l'angle pourra amener celui-ci
très à distance du rebord orbitaire en direction de la
On analysera (figure 2.22) : pupille ;
● la taille de la fente palpébrale, dans le sens horizontal et ● les culs-de-sac conjonctivaux : la présence d'un prolap-
vertical ; sus du cul-de-sac inférieur peut orienter vers une faiblesse
● la position des paupières dans les différentes positions du rétracteur de la paupière inférieure (atteinte de l'expan-
du regard. Lors du regard en bas, la paupière inférieure sion conjonctivale de celui-ci) ;
s'abaisse normalement d'environ 3 mm ; ● la position des cils ou l'importance du trichiasis ;

45
Chirurgie palpébrale

● pour les entropions cicatriciels, l'importance de la rétrac-


tion tarsale. On s'efforcera pour cela d'examiner la conjonc-
tive tarsale pour apprécier l'importance et l'étendue de la
réaction cicatricielle postérieure, et on évaluera les possibi-
lités de fermeture palpébrale. On recherchera en outre une
kératinisation marginale débutante ;
● l'état de l'épithélium cornéen.

Traitement
La plupart des interventions décrites ici peuvent être réali-
sées sous anesthésie locale, ce qui facilite le contrôle pero-
pératoire de la position du bord libre.

Entropion spasmodique
Deux traitements sont possibles.

Toxine botulique Figure 2.23


Celle-ci est injectée à la dose de 10 à 15 unités de toxine Intervention des trois sutures de Feldstein-Wies.
botulique A, ou deux ou trois fois 0,2 ml de toxine botu-
lique B (pour une dilution de 4 ml par flacon, soit 2,5 UI
pour 0,1 ml).
Il faut éviter la portion médiane de la paupière infé-
rieure afin de limiter le risque d'ectropion ou de diplopie
aiguilles doivent sortir à la peau au-dessus de leur point
par atteinte du petit oblique. Ce traitement trouve plus
d'entrée conjonctival, et en général juste au-dessous de la
particulièrement sa place en cas de c­ ontre-indication
bordure ciliaire.
à la chirurgie. Il doit être répété tous les trois ou
3. L'effet éversant est augmenté en accentuant l'obli-
quatre mois.
quité du trajet des sutures. Au maximum, celles-ci vont
du cul-de-sac conjonctival à 1 mm sous la ligne ciliaire.
Intervention des trois sutures Les sutures sont retirées au bout d'une quinzaine de
de Feldstein-Wies (technique1) [5, 14] jours.

De réalisation très simple, voire au lit du malade, cette


technique constitue une excellente solution (figure 2.23)
pour éviter la migration de l'orbiculaire préseptal en Entropion sénile
position prétarsale, en créant une cicatrice entre les deux
faisceaux. Les sutures éversantes sont placées oblique- Entropion débutant et intermittent
ment à travers la paupière pour raccourcir les rétracteurs La simplicité de la technique des trois sutures en fait
et transmettre leur traction au bord supérieur du tarse. également ici une bonne indication lorsque l'on sou-
1. On utilise trois sutures de fil résorbable 5/0 ou 6/0 dou- haite éviter un geste plus complexe. On peut sinon pro-
blement serti transfixiant la paupière du plan conjonctival poser une technique de Celse d'effet plus durable.
au plan cutané.
2. Les deux aiguilles entrent dans le cul-de-sac un peu
en-dessous de la jonction tarse/rétracteurs, puis les deux

46
2. Troubles de la statique palpébrale

Entropion sans laxité horizontale Plicature des rétracteurs (technique 2-B)


Jones [6, 7] a décrit en 1972 une technique de plicature des
Excision cutanéomusculaire simple,
rétracteurs. L'incision cutanée est faite au bord inférieur du
technique de Celse (technique 2-A) tarse. L'orbiculaire préseptal est séparé du prétarsal pour
Dans cette technique, la résection cutanée est médiane exposer le bord inférieur du tarse, puis l'orbiculaire présep-
de forme semi-lunaire (figure 2.24). L'excision musculaire tal est disséqué et le septum orbitaire ouvert (figure 2.25).
concerne les parties inférieure de l'orbiculaire prétarsal et On rétracte alors la graisse orbitaire, pour découvrir les
supérieure de l'orbiculaire préseptal. La partie supérieure de rétracteurs, adhérents à la conjonctive et qui montent et
l'orbiculaire prétarsal doit être respectée pour ne pas inter- descendent avec les mouvements du globe.
férer avec la pompe lacrymale. Une suture de fil non résorbable 6/0 est passée dans la
Nous préférons réaliser une résection dans l'angle peau de la berge inférieure au centre de la paupière, dans
externe après avoir libéré le plan cutanéomusculaire anté- les rétracteurs à peu près 8 mm sous le tarse, dans le bord
rieur largement, comme dans une blépharoplastie anté- inférieur du tarse, dans la peau de la berge supérieure. La
rieure. La résection est alors réalisée sur la pointe externe suture est serrée provisoirement et le résultat évalué :
du lambeau dont le dosage est plus facile et qui entraîne ● en cas de surcorrection, le bord ciliaire est éversé, la suture
moins de surcorrection. doit être replacée plus haut au niveau des rétracteurs ;

Figure 2.24
Excision cutanéomusculaire simple, technique de Celse.

Figure 2.25
Plicature des rétracteurs.

47
Chirurgie palpébrale

● en cas de sous-correction, la paupière ne s'abaisse Incision transverse avec sutures éversantes


pas suffisamment dans le regard en bas (normalement : ou technique de Wies (technique 3) (figure 2.26)
3 mm), la suture doit alors être déplacée vers le bas.
Lorsque la position est jugée satisfaisante, deux sutures Une incision cutanée puis toute épaisseur horizontale est
identiques sont placées de part et d'autre, puis la peau faite sous le tarse, au niveau du pli palpébral inférieur de
est suturée. Si nécessaire, l'excès cutanéomusculaire l'angle externe vers l'angle interne. La paupière est ainsi sec-
aura été préalablement réséqué au bord inférieur de tionnée toute épaisseur horizontalement en regard de l'inci-
l'incision, augmentant l'effet éversant. Les sutures sont sion cutanée sous le bord inférieur du tarse. La conjonctive
retirées au bout de 10 jours, ou plus tôt, en cas de sur- et la peau doivent être sectionnées à la même hauteur.
correction. Cette technique crée également une barrière Trois sutures résorbables de 5/0 ou 6/0 doublement ser-
cicatricielle empêchant la migration de l'orbiculaire pré- ties sont ensuite placées. Chaque suture traverse successi-
septal en position prétarsale ; vement au niveau de la berge inférieure la conjonctive et les
● en cas de laxité horizontale, on peut associer une rétracteurs, puis au niveau de la berge supérieure l'orbicu-
résection isolée de la lamelle postérieure près du can- laire et la peau 1 mm sous la bordure ciliaire.
thus externe, après avoir séparé les deux lamelles anté- Cette technique empêche mécaniquement l'enroule-
rieure et postérieure par une incision près du bord libre. ment en-dedans de la paupière, et crée une barrière cicatri-
Autrefois, on réalisait une résection pleine épaisseur près cielle entre le faisceau préseptal et prétarsal de l'orbiculaire.
du canthus externe, comme dans la technique de Bick Les rétracteurs sont également raccourcis et leur traction
ou de Poulard [2, 8]. transmise plus antérieurement.

Figure 2.26
Incision transverse avec sutures éversantes ou technique de Wies.

48
2. Troubles de la statique palpébrale

Entropion avec laxité horizontale


Les sutures cutanées sont placées en ajustant leur ten-
sion pour éverser discrètement la marge palpébrale en Ceux-ci représentent environ 50 % des entropions séniles.
évitant l'ectropion du point lacrymal. Elles seront reti- Dans ces formes, il est nécessaire de pratiquer une remise
rées au 6e jour, les sutures éversantes au 10e jour ou tom- en tension du bord libre.
beront toutes seules.

Techniques de résection toute épaisseur


En cas de surcorrection importante, les sutures éver-
En cas d'hyperlaxité palpébrale
santes peuvent être retirées plus tôt (une semaine). En cas
de persistance après ablation des sutures éversantes, il peut Technique de Quickert (technique 4) [9]
s'agir d'une laxité horizontale associée passée inaperçue en C'est la technique des sutures éversantes de Wies, associée à
préopératoire. Un raccourcissement horizontal de la lamelle un raccourcissement horizontal de la paupière (figure 2.27).
postérieure (réalisant alors une technique de Quickert) ou Cela permet à la fois d'éviter l'ascension de l'orbiculaire pré-
du tendon canthal externe selon la technique de la bande septal en position prétarsale, de raccourcir les rétracteurs
tarsale pourra alors être réalisé secondairement. en transmettant leur traction au bord supérieur du tarse,
En cas d'ectropion postopératoire du cul-de-sac, on et de traiter l'excès de longueur du bord libre. L'incision
pourra placer deux ou trois sutures résorbables en U dans le transverse transfixiante toute épaisseur est réalisée dans le
cul-de-sac conjonctival et les diriger vers le rebord orbitaire, pli palpébral inférieur en regard du bord inférieur du tarse.
en particulier externe, et les suturer à la peau à ce niveau Une incision verticale toute épaisseur est faite à 5 mm du
(figure 2.26). canthus externe.

Figure 2.27
Technique de Quickert.

49
Chirurgie palpébrale

Les deux lambeaux horizontaux externe et presque pour la dissection. Deux sutures perpendiculaires
interne sont placés l'un sur l'autre pour évaluer la quan- entre elles de Nylon 6/0 sont placées sur le bord libre et
tité de tissu à réséquer. Cette quantité en excès est résé- une suture de fil résorbable dans le cul-de-sac. La suture,
quée sur la partie externe du lambeau médian. Elle a la par l'effet éversant du rapprochement du trapèze, favorise
forme d'un trapèze plus large à la base que sur le bord la disparition de l'entropion.
libre. Il faut évaluer auparavant l'ampleur de la résection
en faisant se recouvrir les deux bords de la section ver- En cas d'hyperlaxité canthale externe
ticale. Si l'excision doit déplacer excessivement le point Une des composantes de la laxité horizontale de
lacrymal, il faut modérer la résection et le tendon can- l'entropion sénile est le relâchement des insertions
thal interne doit être plicaturé dans le même temps ou du ligament latéral externe au périoste orbitaire. Les
ultérieurement. Les deux lambeaux horizontaux sont techniques de raccourcissement horizontal pur ont
ensuite suturés. un effet aggravant sur cette composante, en accen-
Si cette suture entraine un excès cutanéomusculaire tuant les tractions du ligament sur ses insertions par
sous l'incision horizontale, celui-ci est pincé puis résé- la remise en tension du bord libre. Ainsi s'explique le
qué dans le pli inférieur de la patte d'oie dans la zone pourcentage de récidives, jusqu'à 30 % après ce type
inférolatérale de cette incision, et le plan cutanéomus- de techniques.
culaire est suturé. Les sutures éversantes sont ensuite
placées sur l'incision horizontale comme dans la tech- Canthopexie externe toute épaisseur
nique de Wies et leur tension ajustée en fonction de
l'effet à obtenir. La zone à réséquer, de forme triangulaire, dans l'angle
externe est d'abord dessinée en évaluant son impor-
Technique personnelle de résection élective de la tance par recouvrement à l'aide de pinces. Les bords
lamelle postérieure avec résection trapézoïdale de la zone ainsi délimitée sont ensuite clampés sur
(technique 5) toute l'épaisseur palpébrale avant de pratiquer les
On sépare la lamelle antérieure myocutanée de la incisions transfixiantes, et de réséquer le fragment de
lamelle postérieure tarsoconjonctivale et on pratique paupière.
une résection trapézoïdale de la lamelle tarsocon- L'extrémité du tarse est alors amarrée solidement au liga-
jonctivale à base étroite au niveau du bord libre et ment latéral externe avec une suture non résorbable de 5/0.
plus large au niveau du cul-de-sac (figure 2.28). Pour Le septum orbitaire et l'orbiculaire, puis la peau sont suturés
cela, on réalise une incision cutanée à un ou deux avec des points séparés.
millimètres du bord libre, et au bistouri électrique on
sépare la lamelle antérieure myocutanée de la lamelle
tarsoconjonctivale. L'incision doit se perdre dans les plis de la patte d'oie.
L'utilisation de crochets de Gillies, effectuant une trac- Les sutures marginales sont laissées longues et fixées à la
tion sur la lamelle myocutanée, facilite la manœuvre, l'idéal peau pour éviter le contact avec le globe oculaire. Cette
étant de cheminer dans l'espace de dissection d'aspect technique de Bick ou de Poulard [2, 8] est peu réalisée.
trabéculaire entre les deux lamelles où la traction suffit

D C
D C
A B
A B

A B

C D

Figure 2.28
Résection trapézoïdale de la lamelle postérieure – technique personnelle.

50
2. Troubles de la statique palpébrale

Technique de la bande tarsale de R. Anderson Techniques de transplantation de l'orbiculaire [14]


(technique 6) [1]
Le principe est de séparer le plan musculaire de ses
On réalise, dans un premier temps, une incision cutanée
adhérences antérieures cutanées et de ses adhérences
dans le pli médian de la patte d'oie que l'on prolonge sur la
postérieures tarsoconjonctivales, puis de raccourcir hori-
paupière inférieure sous la bordure ciliaire sur 8 mm de long
zontalement les lambeaux musculaires ainsi créés.
environ (figure 2.29).
Les branches du VII qui pénètrent le muscle latéralement
On sépare ensuite la lamelle antérieure myocutanée
étant ici sectionnées, la bande musculaire désinsérée se
du tarse et du septum en dedans puis du rebord orbitaire
fibrosera généralement, mais sa seule force statique suffira
en-dehors.
néanmoins à maintenir en place le bord libre.
On réalise ensuite une canthotomie toute épaisseur
Ces techniques d'utilisation, peu fréquentes, ne sont pas
jusqu'au rebord orbitaire. On voit alors sortir en profon-
détaillées ici.
deur, entre les deux chefs du tendon canthal externe, une
petite logette de graisse qui est un repère chirurgical impor-
tant pour objectiver en arrière et dedans le chef postérieur.
On réalise alors la bandelette tarsale dans la partie externe
de la paupière. Pour cela, on enlève en haut et en avant Entropion cicatriciel
aux ciseaux la bordure ciliaire, puis la peau et le muscle vers
l'avant, et la conjonctive vers l'arrière. Celle-ci étant très Paupière inférieure
adhérente, la dissection n'est pas toujours facile, on peut
alors s'aider de quelques coagulations pour simplement Résection trapézoïdale de la lamelle
nécroser les tissus glandulaires. postérieure – technique personnelle
La bande tarsale est réinsérée au fil résorbable 5/0 ou
6/0 au chef postérieur du tendon canthal interne près
(technique 5)
du rebord orbitaire interne, en dedans de la petite boule Dans les cas où la cicatrice postérieure est limitée à un quart
graisseuse. Ceci permettra d'obtenir une direction non seu- ou la moitié de la longueur du bord libre, on peut faire
lement externe pour retendre la paupière en dehors, mais une résection simple trapézoïdale toute épaisseur avec, si
aussi vers l'arrière pour «coller» la paupière sur le globe. Le nécessaire, plastie de glissement de Tenzel au niveau de
plan myocutané est ensuite suturé. l'angle externe (voir figure 2.28).

Figure 2.29
Technique de la bande tarsale de R. Anderson.

51
Chirurgie palpébrale

On commence par une incision cutanée à 4 mm en vention en modifiant la tension des sutures. Celles-ci sont
arrière du bord libre sur toute la longueur de la paupière. laissées en place cinq à six jours.
Puis, on sépare la lamelle antérieure myocutanée du sep- Cette technique permet de transposer les forces de trac-
tum sous-jacent. Pour favoriser l'effet éversant on prendra tion verticale, importantes au niveau de la lamelle posté-
soin de dessiner la base du pentagone un peu moins large rieure, au niveau de la marge ciliaire antérieure.
que la zone du sommet.
Ainsi sur le schéma A-B est inférieur à C-D. Cette tech- Fracture du tarse sans ou avec sutures
nique est donc inspirée de la technique de Fox pour les éversantes (technique 7bis)
entropions séniles, mais avec une résection pentagonale.
Cette technique est proposée pour les entropions peu
importants avec rétraction n'entraînant pas le bord libre
La résection est effectuée là où la cicatrice tarsale est la au-delà du limbe supérieur ou inférieur.
plus importante, soit le plus souvent en région médiane. L'incision est faite en transconjonctivale sur toute la largeur
Ceci l'oppose aux résections toute épaisseur de l'entro- du tarse, à travers les rétracteurs sans atteindre l'orbiculaire.
pion sénile, le plus souvent effectuées dans l'angle Trois sutures éversantes de Wies, résorbables 5/0 double-
externe pour masquer la cicatrice. ment serties, sont ensuite passées de la partie inférieure du
fragment inférieur du tarse pour la paupière inférieure ou du
cul-de-sac et ressortent à la peau vers l'avant sous la bordure
ciliaire. Elles sont retirées au bout de dix jours.
Incision transverse avec sutures
éversantes ou technique de Wies Greffe lamellaire postérieure (technique 8)
modifiée (technique 7)
Elle est indiquée pour un entropion cicatriciel important,
Décrite pour l'entropion sénile sans relâchement horizontal, ou une récidive après une des techniques précédentes
cette technique modifiée peut également être proposée en (figure 2.31).
cas d'entropion cicatriciel modéré, aussi bien en paupière Le tarse est incisé sur toute sa longueur selon une ligne
supérieure qu'inférieure (figure 2.30). horizontale par voie transconjonctivale, et sa partie infé-
Dans cette indication, l'incision doit traverser le tarse rieure ainsi que le septum et les rétracteurs sont libérés de
et non la zone des rétracteurs comme dans la technique l'orbiculaire. Un greffon est ensuite inséré entre les bords
décrite plus haut. Trois sutures résorbables de 5/0 dou-
blement serties sont ensuite passées à travers le tarse et la
conjonctive du fragment proximal, puis à la face antérieure
du fragment distal du tarse, et enfin à travers l'orbiculaire
prétarsal et la peau du fragment distal.
Les deux fragments de tarse sont ainsi articulés pour
réaliser une véritable «charnière» réglable en fin d'inter-

Figure 2.30 Figure 2.31


Fracture du tarse sans ou avec sutures éversantes. Greffe lamellaire postérieure.

52
2. Troubles de la statique palpébrale

sectionnés du tarse et suturé avec du fil résorbable 6/0. Les L'incision cutanée est faite à 3 mm de la ligne ciliaire.
sutures en U sont placées de façon transfixiante, un brin Après avoir disséqué le plan entre l'orbiculaire prétarsal et
pour le greffon et un brin pour le tarse du patient, et elles le tarse, des sutures éversantes sont placées : elles pénètrent
sont serrées sur le versant cutané. obliquement la peau juste au-dessus de la ligne ciliaire,
jusqu'au tarse.
L'effet éversant est accentué en augmentant l'obli-
Différents matériaux peuvent être utilisés : tarse quité des sutures avec un amarrage au tarse plus haut
controlatéral de paupière supérieure, cartilage rétro- situé. Si l'éversion obtenue reste insuffisante, une inci-
auriculaire. sion marginale est pratiquée en avant de l'orifice des
glandes de Meibomius pour faciliter la rotation de la
lamelle antérieure.
Des sutures supplémentaires transpalpébrales serrées sur On laissera cette incision se combler par du tissu de
des bourdonnets cutanés maintiennent le bord libre éversé granulation. L'excès cutanéo-orbiculaire est ensuite résé-
et le greffon appliqué. Celles-ci sont retirées au bout d'une qué au niveau de l'incision, permettant ainsi de raccourcir
dizaine de jours. la lamelle antérieure, et la peau est suturée en chargeant
l'aponévrose du releveur pour recréer le pli palpébral. Les
Excision du tarse sutures éversantes de fils résorbables disparaissent en 3 à
4 semaines environ.
Dans les cas sévères, on peut pratiquer une excision com-
plète du tarse.
Greffe marginale associée à un affaiblissement
de l'orbiculaire prétarsal
Paupière supérieure
Technique de Van Milligen (technique 9) [13]
Les indications dépendent de cinq facteurs qui font la gra- Cette technique est réalisable aussi bien en paupière supé-
vité de l'entropion selon R. Collin [3] : rieure qu'inférieure. Un greffon de muqueuse buccale est
● importance de la rétraction de la lamelle postérieure ; placé au niveau d'une incision intermarginale pratiquée le
● épaisseur du tarse, augmentée dans le trachome, dimi- long de la ligne grise (figure 2.32).
nuée dans d'autres pathologies comme le syndrome de L'incision est faite sur toute la longueur de la ligne grise
Stevens-Johnson ; jusqu'à quelques millimètres du point lacrymal, et vertica-
● état de la bordure ciliaire : trichiasis, distichiasis ; lisée sur 3 à 5 mm. Elle est ensuite approfondie en fonc-
● kératinisation marginale postérieure ; tion de la sévérité de l'entropion ; on vérifie l'absence de
● possibilité de fermeture palpébrale. cils restant sur la berge postérieure, puis les zones de tarse
dystrophique sont réséquées pour ne pas léser la fonction
Entropion modéré de ceux-ci.
Reposition simple de la lamelle antérieure avec sutures Le greffon muqueux (conjonctive, muqueuse buccale
éversantes, avec ou sans incision intermarginale ou membrane amniotique) est placé dans l'incision, ses
extrémités reposant dans les parties verticalisées de celle-
Cette technique est indiquée pour les entropions modérés ci afin de prévenir la cicatrisation des fibres d'orbiculaire
sans trichiasis, ni raccourcissement de la lamelle postérieure. sectionnées.

Figure 2.32
Technique de Van Milligen.

53
Chirurgie palpébrale

Trois sutures résorbables 4/0 doublement serties sont


Cette technique a comme inconvénient de laisser un passées du cul-de-sac conjonctival à la peau, obliques en
bord libre irrégulier de qualité esthétique moyenne. bas et en avant, de manière à abaisser la lamelle postérieure
sous l'antérieure d'environ 4 mm. Il reste alors à suturer
le greffon muqueux sur la face antérieure du tarse ainsi
Résection pentagonale toute épaisseur découvert avec une suture résorbable de 6/0.
(technique 5)
Marginoplastie avec décalage des deux lamelles
En cas d'entropion localisé avec rétraction de la lamelle pos- et tarsorraphie provisoire
térieure, cette technique simple a souvent notre préférence, Pour un entropion des deux paupières, supérieure et infé-
ainsi qu'en paupière inférieure. La résection est réalisée au rieure, Smith [11] propose une technique d'avancée des
niveau de la zone pathologique, là aussi généralement deux lamelles postérieures par rapport aux antérieures :
médiane (voir figure 2.21). après avoir séparé les deux paupières en deux lamelles, il
avance 5 mm de chaque lamelle postérieure qu'il suture
Rétraction importante de la lamelle ensemble au catgut ou au Vicryl, constituant ainsi une tar-
postérieure avec trichiasis, fermeture sorraphie provisoire.
palpébrale possible Les bords ciliaires sont reculés par la technique
de suture décrite plus haut, et suturés à la face anté-
Absence de kératinisation marginale
rieure de chaque tarse. Un greffon est enfin suturé à la
Tarse non épaissi partie antérieure des deux tarses. La tarsorraphie sera
Marginoplastie avec ou sans greffe de muqueuse ouverte au bout de 2 mois.
(technique 9 bis)
Les marginoplasties sont des variantes majorées de la tech- Tarse épaissi
nique de Van Milligen. Le principe est de relever la lamelle Technique de Cuenod et Nataf [4]
antérieure avec la ligne ciliaire par rapport à la lamelle pos- Une incision marginale de 2 mm de profondeur est prati-
térieure, pour l'éloigner du globe oculaire (figure 2.33). quée juste en avant des orifices des glandes de Meibomius,
Une incision marginale est pratiquée le long de la ligne puis une incision cutanée au-dessus du bord libre. Le plan
grise. La paupière est ensuite disséquée dans ce plan sur cutanéomusculaire est décollé de la surface antérieure du
toute sa hauteur jusqu'en avant du cul-de-sac conjonctival tarse jusqu'à l'apparition des bulbes ciliaires. Un coin tar-
en séparant sur toute sa surface la lamelle antérieure cuta- sal antérieur est ensuite réséqué au niveau du maximum
néo-orbiculaire et postérieure tarsoconjonctivale. d'épaississement de celui-ci.

Figure 2.33
Marginoplastie avec greffe de muqueuse.

54
2. Troubles de la statique palpébrale

Cette technique a comme inconvénient de sectionner


un nombre important de glandes de Meibomius. Nous la
pratiquons très peu.

Existence d'une kératinisation marginale


Technique de Trabut (technique 10) [12]
Le tarse est incisé sur le versant conjonctival au-dessus
de la zone de métaplasie marginale, c'est-à-dire à 3 mm
du bord libre, et sa partie supérieure libérée du plan
sous-jacent pour pouvoir l'abaisser vers le bord libre.
Une petite incision pleine épaisseur du bord libre est
faite au niveau du canthus latéral et du canthus interne,
juste en dehors du point lacrymal. Puis, la partie infé-
rieure du tarse incisé est également libérée et éversée
pour former un nouveau bord libre.
Des sutures résorbables sont enfin passées en trans-
palpébral à partir du cul-de-sac conjonctival supérieur
pour maintenir la lamelle antérieure ainsi retournée
par rapport à la postérieure. Le fragment distal de tarse
éversé est également suturé à la face antérieure de l'autre
fragment. On a ainsi créé un nouveau bord libre consti-
tué par l'incision initiale transtarsale ; l'ancien bord libre
avec la ligne ciliaire pathologique étant éversé sur la
face antérieure palpébrale, à distance du globe oculaire
(figure 2.34).

Figure 2.34
Entropion sévère avec importante Technique de Trabut.
rétraction tarsale, fermeture palpébrale
impossible
On peut aussi faire une incision transconjonctivale le
C'est alors l'état cornéen qui guidera les indications : si long du bord supérieur du tarse, puis séparer par cette
une kératoplastie est envisagée, et si la pathologie inflam- incision le tarse de l'aponévrose du releveur, jusqu'à son
matoire causale n'est pas en phase évolutive, on peut insertion à la face antérieure du tarse.
pratiquer une greffe au niveau de la lamelle postérieure. Le tarse est alors réséqué, en respectant sa partie infé-
Dans le cas contraire, une résection tarsale simple est rieure de cette insertion. La conjonctive et le muscle de
possible. Müller sont enfin suturés à l'aponévrose du releveur.

Résection tarsale sans interposition de greffe


Greffe de la lamelle postérieure (technique 8) [10]
Après incision marginale, les lamelles antérieure et posté-
rieure sont séparées sur toute la largeur palpébrale. La dis- Après incision transconjonctivale du tarse sur toute sa lon-
section doit là aussi se prolonger loin au-dessus du tarse, gueur (voir figure 2.31), on libère les fragments supérieur et
en séparant la conjonctive et le muscle de Müller des plans inférieur du tarse du plan de l'orbiculaire, recouvert par des
sous-jacents pour dérouler la paupière au maximum ; le fibres aponévrotiques pour «dérouler» la paupière et redon-
tarse est enfin réséqué et des sutures résorbables transpa- ner à celle-ci la longueur nécessaire à sa fermeture. La dissec-
lpébrales chargeant la conjonctive et le muscle de Müller tion doit se prolonger loin au-dessus du tarse en séparant la
sont placées pour les unir au tarse plus bas situé. Cette conjonctive et le muscle de Müller des plans sous-jacents.
technique n'est possible que si le bord tarsal restant et le Le greffon est ensuite suturé entre les deux fragments
bord libre sont de bonne qualité. de tarse : celui-ci peut être de tarse controlatéral ou un

55
Chirurgie palpébrale

f­ragment de cartilage auriculaire ou chondromuqueux libre en place. Les sutures cutanées résorbables devront
nasal, ou de la muqueuse palatine. Le greffon doit être de charger la face antérieure du tarse. Une légère surcorrection
4 à 5 mm de large, mais être assez épais. On peut réaliser un devra être obtenue en fin d'intervention.
surjet intramuqueux de Nylon 6/0 dont les extrémités ne sont
pas nouées, mais transfixient la paupière en nasal et temporal,
puis sont fixés à la peau ; ou plus simplement, 3 ou 4 fils en U Une analyse clinique préopératoire précise détermine
dont les deux brins transfixent le greffon en arrière et la peau le mécanisme exact de l'entropion pour un choix opti-
vers l'avant. Ils sont ensuite serrés sur la peau, sous le pli palpé- mal de la technique. Les principales techniques ont été
bral. L'ablation du surjet est pratiquée au bout de quinze jours. décrites à partir d'indications simplifiées.
Comme il a été décrit plus haut pour la paupière infé- Certaines peuvent être associées, le principe étant pour
l'entropion sénile, survenant presque toujours en pau-
rieure, des sutures supplémentaires transpalpébrales serrées
pière inférieure, un renforcement des rétracteurs, avec
sur des bourdonnets cutanés peuvent aider à maintenir le ou sans antéroposition, une myectomie partielle pour
bord libre en bonne position et le greffon appliqué. empêcher la migration de l'orbiculaire, une remise en
En postopératoire, tout hématome doit être rapidement tension du bord libre par résection ou de l'angle externe.
évacué pour éviter la nécrose du greffon. En cas de récidive Pour l'entropion cicatriciel, le principe est de ne pas faire
de l'entropion, une autre greffe n'est pas conseillée immé- de résection ou, si on la fait, de compenser pour mainte-
diatement en raison du risque de fibrose excessive. Seule nir un bord libre de longueur constante. On fera donc un
la technique de Wies[14] est alors envisageable en posto- allongement de la lamelle postérieure ou sa résection à
pératoire immédiat ou une nouvelle greffe, en respectant longueur constante du bord libre par glissement externe.
un intervalle de plusieurs mois après la greffe initiale. Si une
kératoplastie est envisagée, elle ne sera pratiquée qu'après
correction complète de l'entropion-trichiasis.
Trichiasis
Il est défini par l'existence de cils partant en direction variées
Cette technique qui permet de doubler, voire tripler la et entrant en contact avec le globe oculaire, avec un bord
longueur verticale de la paupière, peut être pratiquée en libre en position normale lorsqu'il s'agit d'un trichiasis pur.
cas de rétraction palpébrale associée, ou dans les cas de
Toutefois, celui ci est très souvent associé à un entropion.
récidives.
Elle laisse des anomalies lacrymales définitives par sec-
tion des glandes Meibomius, et rarement une inter- Traitement des formes localisées
ruption des voies d'excrétion de la glande lacrymale, ce
qui peut être un inconvénient en cas de kératoplastie Lorsque l'atteinte porte sur un quart de paupière, c'est l'indi-
ultérieure. cation d'une résection pentagonale de la lamelle postérieure,
après avoir séparé les deux lamelles à deux ou trois milli-
mètres du bord libre si la laxité est suffisante. On associera
une plastie de glissement relaxation de Tenzel au niveau
Entropion congénital de l'angle externe si la laxité est insuffisante ou si l'atteinte
porte sur un tiers de longueur du bord libre de la paupière.
Chez l'enfant, les cils anormaux, qui sont généralement très On peut également pratiquer l'exérèse sous microscope
fins, sont très bien tolérés par la cornée. Par ailleurs, lors de opératoire de la zone ciliaire pathologique en contrôlant
la croissance, l'excès cutanéo-orbiculaire se résorbe presque l'ablation des bulbes pileux. La reconstruction est ensuite
toujours et une intervention est rarement nécessaire. La faite par greffe de muqueuse labiale. Pour les atteintes plus
plupart des auteurs n'opèrent donc qu'en cas de signes étendues, une résection plus large de la lamelle postérieure
fonctionnels gênants, ou à partir de l'âge de un an si l'entro- est également possible, avec reconstruction par technique
pion n'a pas régressé. On commencera en général par trois de Hübner ou autre.
sutures éversantes de Wies avec des fils résorbables. La cryothérapie contrôlée est une technique peu prati-
En cas d'échec, on choisira soit une résection cutanéo- quée car elle nécessite une cryode spéciale avec un ther-
orbiculaire prétarsale, soit une association de cette résec- mocouple dont la température doit descendre à – 20 °C.
tion avec des sutures éversantes. On apprécie la quantité Une température plus haute peut ne pas détruire les fol-
de tissu à réséquer en pinçant celui-ci pour remettre le bord licules pileux, et plus basse risque d'entraîner des nécroses
56
2. Troubles de la statique palpébrale

palpébrales localisées. Un double cycle de congélation/ On peut aussi enlever un fragment de lamelle postérieure
décongélation doit être utilisé ; l'idéal étant une congélation et le remplacer par un greffon tarsoconjonctival prélevé en
rapide suivie d'un dégel lent. Les cils seront ensuite facile- paupière supérieure.
ment épilés une à deux semaines après le traitement. Elle
entraîne une dépigmentation chez le sujet de race noire ; les
récidives sont par ailleurs fréquentes. Références
[1] Anderson RL, Gordy DD. The tarsal strip procedure. Arch
Autres techniques Ophthalmol 1979 ; 97 : 2192–6.
[2] Bick MW. Surgical management of orbital tarsal disparity. Arch
Ce sont celles de l'entropion cicatriciel déjà décrites ou Ophthalmol 1966 ; 75 : 386.
parfois plus spécifiques comme les techniques de résection [3] Collin JRO. Entropion and Trichiasis. In : A Manuel of Systematic
élective de la lamelle postérieure qui est utilisée en cas de Eyelid Surgery. Edinburgh, London, Melbourne, New York :
forme majeure. Churchill Livingstone ; 1983. p. 7–27.
[4] Cuenod R, Nataf. Le redressement des angles dans le trichiasis.
Ligue contre le trachome. Paris, ; 1930.
[5] Feldstein M. A method of surgical correction of entropion in aged
Distichiasis persons. Eye, Ear, Nose, Throat 1960 ; 39 : 730.
[6] Jones LT, Reeh MJ, Tsujimura JK. Senile entropion. Am J Ophthalmol
1963 ; 55 : 463–9.
Le distichiasis est une anomalie congénitale plus rare, où il [7] Jones LT, Reeh MJ, Wobig JL. Senile entropion : a new concept for
existe une deuxième rangée de cils anormale postérieure, correction. Am J Ophthalmol 1972 ; 74 : 327–9.
en contact avec le globe. [8] Poulard A. Entropions d'origine angulaire externe : traitement
Une cryothérapie est parfois suffisante en paupière chirurgical. Ann Ocul 1935 ; 172 : 97–105.
[9] Quickert MH, Rathbun E. Suture repair of entropion. Arch
inférieure. Pour la paupière supérieure, il est préférable de Ophthalmol 1971 ; 85 : 304.
pratiquer une incision intermarginale suivie soit d'une cryo- [10] Rodallec A, Krastinova D. La greffe chondromuqueuse. Son intérêt
thérapie de la lamelle postérieure au contact des bulbes dans la correction de l'entropion par cicatrice tarsoconjonctivale,
pileux pathologiques, soit d'une excision de la zone ciliaire du trichisiasis et du distichiasis. J Fr Ophtalmol 1983 ; 6 : 87–93.
[11] Smith BC, Nesi FA. Entropion repair. In : Practical technique in oph-
anormale avec greffe de muqueuse buccale (technique de
thalmic plastic surgery. St Louis, Toronto, London : Mosby ; 1981. p.
Van Milligen). 103–21.
On peut aussi pratiquer l'exérèse chirurgicale élective [12] Trabut G. Entropion-trichiasis en Afrique du Nord (son opération
après le même abord par une incision intermarginale. La par voie conjonctivale). Arch Ophthalmol 1949 ; 9 : 701–7.
résection est effectuée sous microscope au niveau de la [13] Van Milligen E. The tarsocheilloplastic operation for the cure of
trichiasis. Ophthalmol Rev 1887 ; 6 : 309.
lamelle postérieure dans la zone du tarse contenant les [14] Wies FA. Spastic entropion. Trans Am Acad Ophthalmol
cils anormaux, en contrôlant bien l'ablation du follicule. Otolaryngol 1954 ; 59 : 503.

Ptosis
Le ptosis est défini comme une chute de la paupière supé- La chirurgie s'est beaucoup améliorée ces der-
rieure liée à un déficit d'action de l'une des composantes ou nières années. Toutefois, malgré l'apparition de tech-
de l'ensemble du muscle releveur [1]. niques nouvelles, il reste de nombreuses difficultés et
Les mécanismes sont variés : neurogène, myogène, apo- des résultats imparfaits. Le patient doit être prévenu de
névrotique, mécanique. Les étiologies sont parfois intri- ces imperfections et de la possibilité de reprise chirur-
quées et l'exemple le plus caractéristique est représenté par gicale à court, moyen ou à long terme, en raison d'une
le ptosis traumatique qui peut correspondre à chacune de sous- ou d'une surcorrection inesthétique qui peut per-
ces étiologies. sister a minima.

57
Chirurgie palpébrale

Examen des ptosis ter avec une position anormale en hauteur du globe. Ceci
montre les dangers d'évaluer l'importance d'un ptosis par
la seule analyse de la position de la paupière par rapport
Importance du ptosis à la pupille, et l'intérêt de la mesure de la taille de la fente
La mesure de la distance séparant la position du bord pal- palpébrale.
pébral supérieur du milieu de la pupille suppose que celle- L'élévation du globe lors de l'occlusion forcée des pau-
ci soit en position normale. La paupière supérieure recouvre pières réalise le signe de Charles Bell.
ainsi la cornée d'environ 1 à 2 mm. C'est une mesure facile On recherchera une découverture cornéenne anormale
mais sujette à caution. dans le regard vers le bas ou «lid-lag» pouvant témoigner
d'un raccourcissement anormal de la lamelle antérieure
ou du releveur en cas de rétraction palpébrale unilatérale
La mesure de la fente palpébrale en position médiane est sur l'autre œil, le plus souvent au cours de l'orbitopathie
plus fiable. Elle doit être bilatérale et comparative. dysthyroïdienne.
La mesure de la distance entre le reflet d'une lumière sur
la cornée et le bord palpébral supérieur, MRD des Anglo-
Saxons, est utile, sauf en cas de pseudoptosis. État cutané
L'état cutané est une évaluation d'un dermatochalasis en
paupière supérieure, d'un amincissement cutanéomus-
culaire localisé en cas de désinsertion aponévrotique, ou
Mesure de la fonction du releveur d'une brièveté du revêtement cutané palpébral externe en
La mesure de la fonction du muscle se fait en mesurant cas de syndrome de blépharophimosis.
la distance parcourue par le bord palpébral inférieur de
la paupière supérieure entre le regard en haut et le regard Signes associés
vers le bas, l'examinateur ayant pris soin de bloquer avec
son pouce l'action du muscle frontal. La valeur normale de Les signes associés : l'étude de la position des canthi, le test
l'excursion du releveur est de 14 à 18 mm. à la néosynéphrine en cas de syndrome de Claude Bernard-
On en profite pour étudier la position de la paupière Horner, la recherche de syncinésies, l'étude du fond d'œil
dans le regard vers le bas. Le mauvais déroulement vers le à la recherche d'une dégénérescence tapétorétinienne
bas traduit une fibrose du releveur qui ne peut se décon- comme la rétinopathie pigmentaire.
tracter dans cette position. Enfin, il faut compléter avec des photographies de face
et dans le regard en haut et en bas.

Position du pli palpébral


L'étude de la position du pli palpébral supérieur est le Principaux types de ptosis
troisième élément important. Sa position normale est 9 à
10 mm de la bordure ciliaire. Sa position plus haute fait et physiopathologie
évoquer une désinsertion de l'aponévrose du releveur ; une
position plus basse est d'origine raciale le plus souvent. Ptosis congénitaux
La distance qui sépare dans le regard de face la bordure
ciliaire du pli palpébral ou sa projection antérieure s'appelle Ils représentent environ 75 % de la totalité des ptosis
la distance de Smerdon[36]. Elle sera notée dans le dossier (tableau 2.2).
pour les deux côtés.
Ptosis congénital, isolé ou simple
Il s'agit d'un ptosis myogène congénital asymétrique.
Mouvements de l'œil Unilatéral dans les trois quarts des cas, le ptosis congéni-
L'étude de la dynamique oculaire est importante soit par tal isolé, même important, est exceptionnellement res-
l'étude de la motilité soit par le cover test. De même, il faut ponsable à lui seul d'amblyopie ; en effet, l'enfant utilise
tester la motilité pupillaire. En effet, le ptosis peut coexis- surtout la vision de près qui se fait dans le regard vers le

58
2. Troubles de la statique palpébrale

Tableau 2.2. Les différents types de ptosis. Syndrome de Marcus Gunn [17]
Ptosis myogène Ce ptosis neurogène est lié à une syncinésie mandibulo-
Ptosis congénital simple ou complexe : palpébrale avec disparition du ptosis survenant lors de
– syndromes malformatifs héréditaires ou congénitaux l'ouverture buccale ou de la diduction mandibulaire. Il pro-
associant une dystrophie musculaire du releveur (par vient d'une innervation erratique du muscle releveur par
exemple blépharophimosis) des fibres nerveuses provenant du trijumeau. Il est presque
– fibrose congénitale des muscles extra-oculaires
toujours unilatéral. À l'opposé, la disparition du ptosis à la
– Ptosis myogène de l'adulte :
– ophtalmoplégie externe progressive fermeture de la bouche réalise le syndrome de Marin-Amat.
– syndrome oculopharyngé
– dystrophie musculaire progressive
– myasthénie Il faut sectionner le releveur au bord supérieur du tarse
Ptosis aponévrotiques pour supprimer ou affaiblir la syncinésie et faire une sus-
pension bilatérale ; en effet, une suspension unilatérale
Ptosis sénile
laisserait un «lid lag» très inesthétique dans le regard vers
Ptosis par traumatisme de l'aponévrose
le bas.
Ptosis après chirurgie du globe oculaire
Ptosis neurogènes
Ptosis liés à une lésion de la IIIe paire crânienne Fibrose congénitale des muscles
Ophtalmoplégie post-traumatique
Syndrome de Marcus Gunn extra-oculaires
Syndrome de Claude Bernard-Horner La fibrose congénitale [28] des muscles extra-oculaires est
Sclérose en plaques une entité rare, sporadique ou familiale. Elle associe un pto-
Ptosis post-inflammatoires sis bilatéral à une fixité du regard vers le bas dans l'axe de
Syndrome de blépharochalasis 10 à 20°, parfois même une fixité presque totale et un torti-
Ptosis de l'orbitopathie dysthyroïdienne colis tête rejetée en arrière. La fonction du muscle releveur
est quasi absente. Elle impose une grande prudence dans
la résection du releveur en raison du risque d'exposition
bas peu gênant dans ce cas. C'est la présence des signes cornéenne.
suivants : anisométropie, strabisme convergent, voire un
ptosis majeur unilatéral avec pupille non dégagée qui sont
Syndrome de blépharophimosis
responsables de l'amblyopie retrouvée dans un cas sur six. Il
relève de la résection ou de la plicature du releveur. Il associe un ptosis bilatéral majeur, le plus souvent
Il est bilatéral dans un quart des cas, son importance symétrique, accompagné d'un épicanthus inversus, d'un
est variable. Lorsqu'il est important l'enfant compense télécanthus, une hypertrichose des sourcils, parfois d'un
la déficience musculaire par la contraction du muscle ectropion du segment temporal des paupières inférieures
frontal avec sourcils surélevés et par une position parti- avec obliquité antimongoloïde de la partie externe des
culière de la tête rejetée en arrière pour mieux dégager paupières liée à une dystopie canthale externe par agéné-
l'axe visuel : torticolis d'origine oculaire. Il relève de la sie de partie inféro-externe de l'orbite. Plus rarement, des
résection bilatérale du releveur ou plutôt de la suspen- paupières supérieures brèves, une agénésie des rebords
sion palpébrale. supra-orbitaires.
On commencera par la cure de l'épicanthus et du télé-
Ptosis congénital associé à des anomalies canthus vers l'âge de 3 ans, ce qui commence à ouvrir un
oculomotrices peu la fente palpébrale, puis 6 mois après, on réalisera la
chirurgie du ptosis.
On rencontre le plus souvent l'insuffisance d'action du
muscle droit supérieur soit par paralysie congénitale de la
troisième paire, soit par fibrose. De ce fait, le risque d'expo- On peut commencer par une plicature du releveur avec
sition cornéenne postopératoire augmente par absence de reformation du pli palpébral puis, si nécessaire, complé-
signe de Charles Bell ; ceci incite à la prudence car une sur- ter par une suspension palpébrale ultérieurement.
correction peut-être dangereuse pour la cornée.
59
Chirurgie palpébrale

Ptosis acquis Le diagnostic est complété par :


● la disparition du ptosis après injection intramusculaire
Ptosis neurogènes de prostigmine ou à l'injection intraveineuse de Tensilon® ;
● l'augmentation des anticorps antirécepteurs à
C'est un ptosis par atteinte de la IIIe paire crânienne, soit
l'acétylcholine.
d'origine périphérique, nucléaire ou supra-nucléaire.
Le traitement est avant tout médical, consistant en la
Le ptosis sympathique est l'un des éléments du syn-
prise de Mestinon® ou de corticoïdes par voie orale, en
drome de Claude Bernard-Horner avec ptosis unilatéral
particulier en cas de diplopie. La thymectomie donne des
faible à modéré, myosis et énophtalmie. Il correspond
améliorations chez les sujets jeunes.
à une atteinte des fibres nerveuses sympathiques, pou-
vant être centrale ou plus souvent périphérique en un
Maladie de Steinert
point variable, souvent thoracique entre les ganglions
nerveux de la chaine sympathique cervicale et le gan- Le ptosis est bilatéral et s'accompagne fréquemment
glion ciliaire. La fonction musculaire du releveur est d'une cataracte, d'une maculopathie réticulée et d'une
excellente et l'instillation d'une goutte de néosynéphrine paralysie de l'orbiculaire responsable d'une lagoph-
fait disparaître, voire surcorrige le ptosis en stimulant le talmie. La myotonie est mise en évidence en deman-
muscle de Müller paralysé, devenu hypersensible depuis dant au patient soit de contracter les paupières soit
sa paralysie. de serrer la main : on constate l'absence de relaxa-
La résection du muscle et d'une partie de la conjonctive tion après la contraction. La maladie est transmise de
donne d'excellents résultats. Elle place la paupière dans la façon autosomique récessive de pénétrance variable.
position de contraction du muscle de Müller. L'électromyogramme est caractéristique.

Ptosis myogènes Orbitopathie dysthyroïdienne

Ophtalmoplégie externe progressive Elle peut être responsable d'un ptosis unilatéral souvent
associé à une rétraction palpébrale controlatérale, parfois
Cette myopathie mitochondriale est héréditaire dans 50 % bilatéral après une longue évolution.
des cas et débute à un âge variable (parfois à partir de 20 La fibrose du releveur expose au risque de
ans) ; l'évolution est lentement progressive. Le ptosis est surcorrection.
bilatéral et s'accompagne d'ophtalmoplégie subtotale avec
des globes oculaires bloqués en position primaire ou en
hypotropie par des muscles fibro-adipeux non fonction- Ptosis aponévrotique
nels, comme dans le syndrome de fibrose congénitale. Les Décrit par Jones et Quickert en 1975 [22], il correspond
sourcils sont surélevés car le muscle frontal n'est pas touché à une déhiscence et/ou une désinsertion du faisceau
par la maladie. musculo-aponévrotique du releveur de la paupière
supérieure dont les fibres striées restent normales,
mais dont la contraction est moins bien transmise du
Elle impose une grande prudence dans la résection du fait de la rupture de l'aponévrose au-dessus du tarse.
releveur ou l'éventuelle suspension, en raison du risque Ils représentent la deuxième cause la plus fréquente
d'exposition cornéenne.
de ptosis.
Il survient sur un muscle en général âgé dont l'aponé-
vrose s'est amincie. Les téguments sont en général très fins.
Ptosis de la myasthénie
Il peut être lié à un frottement exagéré des paupières, pour
Le ptosis est souvent asymétrique, variable (il augmente le porteur de lentilles de contact par exemple, ou survenir
en fin de journée, disparaît avec le repos) et représente après un traumatisme plus important (plaie ou contusion
fréquemment le premier symptôme de cette maladie ou traumatisme chirurgical).
auto-immune. Il est souvent associé à des troubles oculo- Sur le plan clinique, il est très caractéristique : un pli
moteurs (diplopie, paralysie oculomotrice). Le ptosis dis- palpébral haut situé, une excellente fonction du muscle
paraît ou diminue après application sur la paupière d'une releveur, une paupière amincie au-dessus du tarse lais-
poche d'eau glacée ou contenant des glaçons (signe du sant parfois voir par transparence le globe oculaire lors de
glaçon). l'occlusion.
60
2. Troubles de la statique palpébrale

Ptosis traumatique L'opération consiste en une résection de la partie basse


de la partie striée du muscle, et/ou de l'aponévrose du rele-
Son étiologie est multiple : myogène, neurogène, aponévro-
veur, et/ou du muscle de Müller sur une hauteur détermi-
tique ou encore mécanique.
née selon des critères précisés plus loin (tableaux 2.3 et 2.4).
Le traitement sera fonction de la cause.
L'indication des techniques 1, 2 et 3 est le ptosis congé-
nital ou de l'adulte, d'au moins 1,5 à 2 mm avec fonction
Ptosis mécaniques bonne, modérée ou faible du muscle. C'est une technique
Ils sont liés à une entrave mécanique liée à un tissu cicatri- de première intention qui reformera au moins le pli dans les
ciel créant une traction contraire. ptoses à faible fonction du releveur.

Faux ptosis
Technique 1 : voie d'abord
Ils sont dus à un manque de support de la paupière par antérieure (figure 2.35)
microphtalmie, énophtalmie, phtysie du globe, à une
hypotropie ou encore à un dermatochalasis. Ils sont donc 1. Le marquage de l'incision est faite au feutre marqueur
fréquents sur prothèses oculaires et au cours du syndrome avant l'anesthésie en étudiant la position du pli palpébral.
de l'orbite énuclée ou éviscérée. Ces ptosis s'accompagnent 2. Injection sous-cutanée dans le pli palpébral supérieur
d'une fonction du releveur normale. d'une solution de 1 à 1,5 ml d'Alphacaïne®, en essayant de
rester préseptal.
3. L'incision cutanéomusculaire est faite à la lame froide
dans le pli palpébral supérieur sur une longueur limitée à 15
Techniques chirurgicales à 18 mm : c'est la mini-incision de Lucarelli. Elle est rarement
étendue à 26–28 mm, sauf si l'on envisage de faire une sec-
Résection du muscle releveur tion des ailerons.
de la paupière supérieure 4. Résection, si nécessaire, d'une languette de peau et d'or-
biculaire préseptal.
Elle peut être réalisée par voie antérieure, cutanée ou pos- 5. On sépare ensuite la lamelle antérieure de la face anté-
térieure conjonctivale. rieure du tarse en soulevant, à l'aide de crochets, la peau et
l'orbiculaire prétarsal vers le bas pour séparer les a­ dhérences

Tableau 2.3. Dosage de la résection (d'après Beard) [5, 6].


Force du releveur Bonne Faible Pauvre
(> 8 mm) (5–7 mm) (< 4 mm)
Importance du ptosis
Léger (< 2 mm) 10–13 mm Exceptionnel Jamais
Modéré (3 mm) 14–17 mm 18–22 mm Exceptionnel > 23 mm
Important (> 4 mm) Jamais > 23 mm avec avancement sur > 23 mm avec avancement sur
le tarse le tarse et résection de peau

Tableau 2.4. Réglage peropératoire de la hauteur du bord libre (d'après Berke) [8].
Force du releveur 10–11 mm 8–9 mm 6–7 mm 4–5 mm 2–3 mm
Modification + 4 à 5 mm + 2 à 3 mm + 0 à –1 mm 0 à 1 mm 2 à 3 mm
postopératoire
(ascension/rechute)
Réglage du bord 6 mm sous le limbe 3 à 4 mm sous le 2 à3 mm sous le 1 à 2 mm sous le Tangent au limbe
libre peropératoire limbe limbe limbe

61
Chirurgie palpébrale

Figure 2.35
Voie d'abord antérieure.

de l'orbiculaire d'avec le tarse, soit aux ciseaux soit à la Lorsqu'on est perdu dans ses repères, on peut appuyer
pointe du bistouri électrique, sur 4 à 5 mm de hauteur en sur le globe pour aider à faire apparaître la saillie de
essayant de ne pas atteindre la racine des cils. l'organe en rouleau, ou demander au patient de regarder
6. Puis, on sépare vers le haut la lamelle antérieure d'avec le en haut et en bas en éloignant la lumière du scialytique.
septum jusqu'à ce que l'organe en rouleau, ou poche pal- 8. On réalise, de part et d'autre du releveur, deux incisions
pébrale médiane supérieure, fasse saillir le septum en relief verticales de l'aponévrose sur 5 à 6 mm de haut sous le
vers l'avant. niveau des ailerons. On trouvera facilement un plan de cli-
7. Le septum orbitaire est ouvert horizontalement dans la vage à tunelliser horizontalement entre l'aponévrose et le
zone où la graisse orbitaire médiane fait saillie. On peut alors Müller et/ou la conjonctive, selon l'épaisseur donnée à la
la récliner vers le haut à l'aide d'un écarteur de Desmarres. résection.
Ainsi on découvrira sous la graisse, l'aponévrose grise en 9. Section du muscle releveur 2 mm au-dessus du tarse et
bas, puis blanchâtre, et plus haut les fibres rouges striées du libération des ailerons qui seront sectionnés si la résection
releveur plus et encore plus, haut le ligament de Whitnall. doit être importante. Il faut éviter en profondeur le muscle
La graisse de l'organe en rouleau est le repère essentiel grand oblique et la glande lacrymale en dehors.
dans la chirurgie du releveur : retenir l'aphorisme «tout 10. Dissection de la face profonde du bloc, le plus loin pos-
ce qui est situé sous l'organe en rouleau soulèvera la pau- sible vers le haut, en s'arrêtant au niveau du ligament du
pière supérieure». fornix supérieur.
62
2. Troubles de la statique palpébrale

11. Mise en place d'une suture horizontale sur le releveur, 2. Mise en place de deux fils de soie noire 5/0 sortant dans
sur la partie haute du tarse, pour évaluer sur table la quantité la bordure ciliaire à l'aplomb des bords latéraux de la cornée
à réséquer, qui varie aussi en fonction de l'action du muscle pour éverser la paupière supérieure sur une plaque placée
et du degré de la ptose, soit entre 12 et 25 mm de résection. dans le pli palpébral supérieur.
12. Suture du bord inférieur du muscle au bord supérieur 3. Incision de la conjonctive à 1 à 2 mm au-dessus du
du tarse par 3 à 4 points horizontaux et donc perpendicu- bord supérieur du tarse, puis on sépare la conjonctive
laires aux glandes de Meibomius de Vicryl 6/0, en vérifiant : du muscle de Müller jusqu'au ligament suspenseur du
● que le bord libre est au niveau recherché ; cul-de-sac.
● qu'il présente une courbure régulière sans encoche ; 4. Coagulation en dehors et en dedans de l'artère de l'ar-
● que la traction autorise l'abaissement passif de la cade marginale supérieure, section du muscle de Müller au
paupière ; bord supérieur du tarse, on tombe sur un plan de clivage
● que les ductions forcées du globe sont possibles. simple trabéculaire, entre le Müller et l'aponévrose blan-
13. Fermeture cutanée (monofil 6/0, soie 6/0, fil 6/0 à châtre du muscle.
résorption rapide) en refaisant le pli palpébral à l'aide de 5. Section de l'aponévrose au bord supérieur du tarse ; sur
trois points passant dans la peau supérieure, l'orbiculaire, le la face antérieure de l'aponévrose, on ouvre le septum et
releveur, l'orbiculaire et la peau. apparaît le repère majeur : la graisse pré-aponévrotique.
6. Section latérale des ailerons.
7. Résection musculaire, soit aponévrose et Müller soit
En cas de risque d'inocclusion, mise en place d'un fil de aponévrose seule, suivant les données cliniques et les don-
traction sur le bord libre de la paupière inférieure (suture nées peropératoires.
de Frost) permettant une bonne occlusion palpébrale en
8. Réinsertion au tarse : pose de trois sutures en U ressor-
postopératoire immédiat.
tant à la face postérieure du releveur ; ces fils chargent la
lèvre inférieure de la conjonctive, le peu de Müller restant,
l'aponévrose du releveur, la lèvre tarsoconjonctivale supé-
Technique 2 : voie d'abord conjonctivale rieure, le plan orbiculaire et transpercent la peau à la hau-
Elle comprend les temps suivants (figure 2.36) : teur du futur pli où ils sont noués.
1. Marquage bilatéral et symétrique du pli palpébral au 9. Mise en place d'une suture de traction vers le haut en
feutre marqueur. paupière inférieure : suture de Frost.

Figure 2.36
Voie d'abord postérieure conjonctivale.

63
Chirurgie palpébrale

Plissement du releveur ou avancement 4. Un écarteur de Desmarres rétracte l'organe en rou-


du releveur de Jones leau, ou poche graisseuse palpébrale médiane, vers
le haut alors que l'on tire sur le tarse vers le bas. On
Elle est proche de la technique de Mustardé que nous
découvre ainsi toute la face antérieure de l'aponévrose,
utilisons. On pratique deux boutonnières dans le muscle
puis des fibres striées rouges du releveur vers le haut et
à 18 mm du bord tarsal supérieur ; mise en place d'une
les ailerons sur les côtés.
pince plate à ce niveau et section du releveur au-dessous
5. Le plissement est effectué entre la partie musculaire
du clamp. Abaissement du releveur ainsi sectionné devant
striée rouge et la partie basse de l'aponévrose un peu
la pince. L'élément essentiel est que les ailerons, le Müller et
au-dessus du bord supérieur du tarse. Le plissement
le ligament transverse restent intacts.
est de hauteur variable en fonction de l'importance du
ptosis.
Technique 3 : technique de Mustardé
modifiée [32] (figure 2.37) Variantes des techniques 1, 2 et 3 selon
L'intérêt de la méthode, selon son auteur, serait de respec- les éléments réséqués de la partie basse
ter l'innervation du muscle de Müller. du releveur ou adjacents
1. Marquage au feutre de l'incision palpébrale à 9 mm du
Section des ailerons du releveur
bord libre et sur une longueur de 20 mm. Marquage de la
projection des bords latéraux de la cornée dans la bordure Elle est nécessaire pour faire une résection étendue du
ciliaire supérieure. releveur, mais son effet est antagoniste car on affaiblit
2. Incision cutanée à 9 mm du bord libre sur 20 mm de un peu plus le releveur en les sectionnant. De plus, on
long, on sépare l'espace entre l'orbiculaire et le tarse vers déséquilibre la partie basse de la paupière et l'arrondi pal-
le bas et le septum vers le haut, en utilisant des crochets pébral est plus difficile à obtenir. Ceci explique les tech-
placés sur le bloc orbiculaire et la peau. niques respectant les ailerons comme celle de Mustardé,
3. Incision du septum qui est repéré par la saillie jaunâtre qui effectue la résection au-dessus des ailerons, ou les
de l'organe en rouleau sous-jacente. techniques de plicature.

Figure 2.37
Technique de Mustardé modifiée.

64
2. Troubles de la statique palpébrale

Résection ou non du muscle de Müller Résection tarsoconjonctivale


Le muscle de Müller est un élément important de la phy- et conjonctivo-müllérienne
siologie palpébrale et il n'est pas toujours en cause dans les
ptosis congénitaux. Dans la majorité des cas, nous essayons Cette chirurgie s'adresse aux ptosis mineurs avec une
de le préserver ainsi que le ligament suspenseur du cul-de- bonne fonction du muscle releveur de la paupière et
sac qui se termine à son extrémité postérieure. Dans les un test positif à l'épinéphrine à 5 % (on considère un
résections majeures du releveur avec section des ailerons, test positif lorsque la paupière ptosée se relève au même
on est obligé de faire une résection du Müller, augmentant niveau que le côté sain, 5 à 10 minutes après l'instillation
ainsi le risque de prolapsus du cul-de-sac. d'une goutte d'épinéphrine à 5 %) traduisant la fonction
du muscle de Müller stimulé. La technique 4 est très
Ligament de Whitnall utile aussi en seconde intention, quelque soit la fonction
Il faut essayer de préserver le ligament et de libérer le rele- du muscle.
veur en-dessous. La suspension aux fibres antérieures est Dans les formes bilatérales, le test doit être considéré
moins efficace que sur l'anneau postérieur. Elle sera décrite comme positif lorsque les paupières se relèvent, les deux
au chapitre consacré aux suspensions. bords libres recouvrant le limbe supérieur sur 1 à 2 mm.

Résection cutanée Technique 4 : technique élective de


Selon l'amplitude de l'excès cutané, on jugera sur table de l'ex- Fasanella et Servat [14] (figure 2.38)
cès de peau à réséquer. On peut, en cas de dermachalasis, pré- Elle consiste à réséquer de façon élective, et sous contrôle
voir à l'avance cette résection. Il est important de vérifier avant du microscope opératoire, par voie postérieure, au niveau
d'inciser, en rapprochant les deux futures berges cutanées, que du bord tarsal supérieur, une languette tarso-conjonctivo-
l'occlusion palpébrale est possible. Le plus souvent, on fera une musculaire. Dans la technique originale de Fasanella et
résection de l'orbiculaire adjacent en quantité égale. Servat, la résection est moins précise car la zone à réséquer
Résection conjonctivale est prise entre deux pinces de Kelly.
1. Marquage du pli palpébral supérieur au feutre ainsi
Elle peut être combinée avec la résection du releveur par que des bords latéraux de la cornée dans la bordure
voie postérieure ou antérieure. ciliaire.
Il faut signaler que lors des grandes résections du releveur, 2. Mise place au niveau de la paupière supérieure de
on augmente le risque de prolapsus du cul-­de-sac conjonc- deux fils de soie noire, au niveau de la bordure ciliaire
tival et ou de la conjonctive. Cette résection conjonctivale à l'aplomb des bords latéraux de la cornée, pour retour-
doit être limitée au strict nécessaire pour éviter : ner la paupière supérieure sur une plaque dont l'arrondi
● la diminution de profondeur du cul-de-sac conjonctival supérieur est placé plus haut que le pli palpébral pour
supérieur ; obtenir une éversion plus haute que le bord supérieur
● le sacrifice des glandes lacrymales accessoires. du tarse.
Résection tarsale 3. L'incision est faite à la lame froide combinée avec le
bistouri électrique sur une ligne horizontale et grossière-
Une petite résection tarsale a peu d'effet : en moyenne un ment parallèle au bord supérieur du tarse, à un ou deux
millimètre par hauteur de tarse réséqué. Je préfère garder cette millimètres sous celui-ci. Coagulation de l'artère de l'arcade
possibilité pour les reprises secondaires, d'autant qu'une grande marginale supérieure sur les bords latéraux de la future inci-
résection risque de modifier la statique et l'arrondi palpébral. sion conjonctivale. Incision conjonctivo-müllérienne 2 à
4 mm au-dessus du bord supérieur du tarse, en respectant
Formation du pli l'aponévrose en profondeur qui apparaît après un espace
Il est nécessaire de refaire le pli palpébral, chaque fois que cela d'allure trabéculaire lorsqu'on tire sur le lambeau conjonc-
est possible, en faisant adhérer la partie profonde de l'orbicu- tive-Müller vers le haut.
laire avec la face antérieure de l'aponévrose du releveur. En cas 4. Trois sutures en U de Vicryl 6/0 sont placées sur la ligne
de ptosis congénital uni ou bilatéral où il existe une asymétrie, médiane et sur la verticale à l'aplomb des bords latéraux de
voire une absence de pli, la reformation du pli est un élément la cornée de la façon suivante :
très important sur le plan cosmétique, et s'il est bien reformé ● entrée d'une aiguille dans le pli palpébral ;
une sur- ou sous-correction passera inaperçue à la famille. ● prise du bloc conjonctive-Müller ;
65
Chirurgie palpébrale

Figure 2.38
Technique de Fasanella et Servat.

● passage horizontal solide dans l'aponévrose adhérente à 2. Marquage du pli palpébral supérieur au feutre ainsi que
la face antérieure du tarse au bord inférieur de l'incision enfin des bords latéraux de la cornée dans la bordure ciliaire.
sortie à travers l'orbiculaire et la peau dans le pli palpébral. 3. Mise en place, au niveau de la paupière supérieure, de
5. Serrage des trois sutures en U dans le pli palpébral en deux fils de soie noire au niveau de la bordure ciliaire à
observant la position de la paupière par rapport au limbe l'aplomb des bords latéraux de la cornée pour retourner la
supérieur. paupière supérieure sur une plaque, dont l'arrondi est placé
plus haut que le pli palpébral pour obtenir une éversion
plus haute que le bord supérieur du tarse.
4. L'incision est faite à la lame froide combinée au bis-
Il s'agit d'une intervention fiable, dont les résultats sont touri électrique sur une ligne horizontale et grossière-
constants dans les petits ptosis, mais dont le principal ment parallèle au bord supérieur du tarse. Coagulation
inconvénient est la mutilation partielle du cul-de-sac et de l'artère de l'arcade marginale supérieure sur les bords
des glandes de Meibomius. Elle est très utile en cas de latéraux de la future incision conjonctivale. Incision
réintervention. conjonctivale 2 à 4 mm au-dessus du bord supérieur
du tarse en respectant le muscle de Müller en profon-
deur. Puis, on sépare la conjonctive du muscle de Müller
Technique 5 : technique de résection jusqu'au ligament du cul-de-sac supérieur. Incision du
muscle de Müller au bord supérieur du tarse, en res-
conjonctivo-müllérienne (figure 2.39)
pectant l'aponévrose en profondeur qui apparaît après
Cette technique décrite par Puttermann et Urist en 1976 un espace d'allure trabéculaire lorsqu'on tire sur le
[34] comporte une résection conjonctivo-müllérienne lambeau du muscle de Müller vers le haut. Section du
monobloc de 8 mm à 12 mm de muscle. muscle près du cul-de-sac. Petite résection conjoncti-
1. L'intervention peut se faire sous anesthésie locale simple vale limitée.
chez l'adulte. L'injection d'alphacaïne ou de xylocaïne adré- 5. Trois sutures en U de Vicryl 6/0 sont placées sur la ligne
nalinée est pratiquée au niveau du bord libre palpébral et médiane et sur les verticales à l'aplomb des bords latéraux
au bord supérieur du tarse, en évitant d'infiltrer entre plan de la cornée, de la façon suivante : entrée d'une aiguille
conjonctival et muscle de Müller sous-jacent pour utiliser dans le pli palpébral par voie cutanée, puis passage dans le
plutôt l'espace trabéculaire entre le Müller et l'aponévrose. Müller restant supérieur, puis dans l'incision conjonctivale

66
2. Troubles de la statique palpébrale

Figure 2.39
Technique de résection élective conjonctivo-
müllérienne par voie conjonctivale.

supérieure, suivi d'un passage horizontal solide dans l'apo-


névrose adhérente à la face antérieure du tarse au bord Indication
inférieur de l'incision et enfin sortie à travers l'orbiculaire et
Le ptosis par désinsertion ou rupture ou déhiscence
la peau dans le pli palpébral. aponévrotique. Ces techniques sont réservés aux
6. Serrage des trois sutures en U dans le pli palpébral en ptosis acquis, en particulier séniles ou traumatiques,
observant la position de la paupière par rapport au limbe qui cliniquement, se présentent avec une bonne
supérieur. fonction du muscle releveur, un pli palpébral très
haut situé, des tissus amincis pouvant laisser voir le
globe oculaire lors de l'examen peropératoire, une
Chirurgie aponévrotique déhiscence, voire une vraie désinsertion de l'aponé-
vrose du releveur.
Ce sont Jones, puis Anderson [3, 22, 23] qui furent les pre-
miers à décrire la chirurgie de l'enveloppe aponévrotique du
releveur par voie antérieure dans le cadre des ptosis séniles.
En 1979, Collin [11] décrit une méthode de réinsertion
du releveur par voie postérieure avec raccourcissement du Plus rarement, quelques cas de ptosis congénitaux par
muscle de Müller. désinsertion aponévrotique ont été décrits.
67
Chirurgie palpébrale

Par voie cutanée Le muscle de Müller est visualisé au-dessous du couple


septum/faisceau aponévrotique du releveur, sous forme
Technique 6 (figure 2.40)
d'une fine lamelle musculaire rouge vif dont les fibres sont
L'anesthésie locale est systématique car il s'agit d'une chirur- orientées verticalement et au travers de laquelle on devine
gie peu traumatisante chez l'adulte. le globe oculaire et à l'extrémité de laquelle il est possible de
1. L'intervention peut se faire sous anesthésie locale simple deviner la couleur blanche du tarse. Le faisceau aponévro-
chez l'adulte. L'injection d'alphacaïne ou de xylocaïne adré- tique est repéré sous forme d'une lamelle blanche, brillante,
nalinée est pratiquée au niveau du bord libre palpébral et mobile lorsqu'on demande au patient de regarder en haut
au bord supérieur du tarse. Une sédation anesthésique et en bas.
peut être indiquée chez les sujets anxieux. 7. Une fine lamelle de peau et d'orbiculaire est réséquée
2. Marquage du pli palpébral supérieur au feutre ainsi permettant d'amincir la paupière et de mieux refaire le pli.
que des bords latéraux de la cornée dans la bordure 8. L'aponévrose est réinsérée au bord supérieur du tarse
ciliaire. par 3 points séparés de Vicryl 6/0. En demandant au patient
3. Mise place au niveau de la paupière supérieure de deux d'ouvrir les yeux et de regarder en haut et en bas, on véri-
fils de soie noire au niveau de la bordure ciliaire à l'aplomb fie que le bord palpébral recouvre le limbe de 1 mm envi-
des bords latéraux de la cornée. ron. Toute hypo- ou hypercorrection oblige à modifier les
4. L'incision cutanée est faite à 8 à 9 mm du bord libre sur sutures ou la technique (simple plissement de l'aponévrose
une longueur de 20 mm. On sépare l'espace entre l'orbi- dans ce cas).
culaire et le tarse vers le bas, puis le septum vers le haut 9. Fermeture cutanée au Nylon 6/0, en reformant le pli pal-
en utilisant des crochets placés sur le bloc orbiculaire et la pébral par trois points de Prolène 6/0 qui prennent peau,
peau. orbiculaire, aponévrose, puis orbiculaire et peau pour bien
5. Incision du septum qui est repéré par la saillie jaunâtre marquer le pli.
de l'organe en rouleau sous-jacente.
6. Un écarteur de Desmarres rétracte l'organe en rouleau Par voie postérieure
ou poche graisseuse palpébrale médiane vers le haut alors
Technique 7 (figure 2.41)
que l'on tire sur le tarse vers le bas. On découvre ainsi toute
la face antérieure de l'aponévrose, puis des fibres striées 1. Marquage du pli palpébral supérieur au feutre ainsi que
rouges du releveur vers le haut et des ailerons sur les côtés. des bords latéraux de la cornée dans la bordure ciliaire.

Figure 2.40
Plicature-résection aponévrotique par voie cutanée.

68
2. Troubles de la statique palpébrale

Figure 2.41
Plicature-résection aponévrotique par voie conjonctivale.

2. Mise place au niveau de la paupière supérieure de deux restant, le bord supérieur du tarse, l'orbiculaire et la peau en
fils de soie noire au niveau de la bordure ciliaire à l'aplomb ressortant au niveau du pli. Les sutures tomberont toutes
des bords latéraux de la cornée, pour retourner la paupière seules en trois semaines.
supérieure sur une plaque dont l'arrondi supérieur est placé 5. Le niveau doit être identique à la paupière controlatérale,
plus haut que le pli palpébral afin d'obtenir une éversion ou un peu plus haut, du fait de l'anesthésie de l'orbiculaire
plus haute que le bord supérieur du tarse. qui disparaîtra.
3. Incision horizontale de la conjonctive 1 mm au-dessus 6. On peut, dans une variante, ouvrir l'aponévrose vers
du bord tarsal supérieur, l'incision est poursuivie en profon- l'avant, puis passer devant celle-ci, ouvrir le septum et pla-
deur à travers le muscle de Müller, jusqu'à trouver le plan cer les sutures sur la face antérieure de l'aponévrose.
de clivage trabéculaire entre Müller et aponévrose. On
peut s'aider du mouvement de l'aponévrose blanchâtre en Technique 8 : technique inter-faisceau
demandant au patient de regarder en haut et en bas. Une
du releveur de Frueh [15] (figure 2.42)
fois l'aponévrose identifiée, on libère sa face postérieure
jusque vers sa jonction avec les fibres rouges striées du C'est une technique d'usage très courant actuellement. Elle
muscle. a été décrite assez récemment et elle a l'avantage d'être peu
4. Mise en place des sutures en U (5/0 ou 6/0 résorbable) traumatique et rapide.
pour créer le pli palpébral dans la peau, puis l'aponévrose 1. Anesthésie locale par Alphacaïne® (articaïne, épi-
au-dessus de sa déhiscence, le plan conjonctivo-müllérien néphrine) dans le pli palpébral : 0,5 à 0,75 ml suffisent.
69
Chirurgie palpébrale

2. Incision cutanée limitée de 12 à 18 mm de long et un 3. Incision horizontale, à 1 mm au-dessous du bord supé-


peu plus bas située que le pli, environ 7 à 8 mm au-dessus rieur du tarse et au bistouri, de l'aponévrose qui recouvre le
de la bordure ciliaire. tarse.
4. Passage aux ciseaux mousses entre cette aponévrose
et le tarse, puis on sectionne la zone de jonction au bord
supérieur du tarse et entre l'espace trabéculaire, situé entre
le muscle de Müller et l'aponévrose.
5. À l'aide de crochets, on tire sur l'aponévrose vers le bas,
puis on passe sur la face postérieure de l'aponévrose une
aiguille ronde assez haut au dessus de l'incision initiale. On
baisse les lumières du scialytique et du microscope et on
demande au patient de regarder en haut et en bas. On dit
ainsi constater un mouvement ample sur la suture et véri-
fier également que l'attache est ferme.
6. Passage de l'aiguille ronde au bord supérieur du tarse.
Il ne reste plus que par un serrage progressif à ajuster le
contour et la hauteur de la paupière supérieure au bord
supérieur du tarse, les lumières du microscope ou du scialy-
tique étant diminuées.
7. Réfection du pli par deux trois points de Prolène 6/0.

Technique 9 : suspension de la paupière


au ligament de Whitnall (figure 2.43)
Figure 2.42
Elle a été décrite initialement par voie antérieure [4], toute-
Technique de plicature interfaisceau du releveur de Frueh par fois nous la trouvons beaucoup plus efficace par voie pos-
voie cutanée. térieure qui est la technique que nous décrirons. Elle peut

Figure 2.43
Technique de suspension au
ligament de Whitnall par voie
postérieure.

70
2. Troubles de la statique palpébrale

être associée à une résection d'une bandelette de tarse trapèze avec un seul brin, nous n'utilisons que celle de
supérieur dans les formes majeures de ptosis [20]. Fox (figure 2.44).
De plus, nous utilisons une ouverture dans le pli de
20 mm selon la description faite par Morax [29] et non
pas la technique de passage sous-cutané palpébral décrite
Indication
initialement. En effet, l'abord palpébral direct permet une
Elle est indiquée dans le traitement des ptosis sévères fixation plus sûre et un meilleur contrôle du pli palpébral.
avec absence ou faible de fonction du releveur. Il s'agit En alternative à la suspension, Lemagne [26] a proposé,
d'une chirurgie purement statique avec un risque d'ex- dans le syndrome de Marcus Gunn, de faire une suspension
position du globe oculaire non négligeable, d'où l'intérêt
à l'aide du muscle frontal.
de la suture de Frost.

Suspension de la paupière
On retrouve sur le plan technique une partie des étapes
supérieure au muscle frontal
de la chirurgie aponévrotique par voie postérieure décrite Elle suppose un muscle frontal actif et capable de surélever
au paragraphe précédent de la technique 7 de 1 à 3. Puis le sourcil.
ensuite :
4. On remonte encore plus haut la séparation entre l'apo-
névrose et le Müller et on finit par tomber sur une bande Indications
blanchâtre solide qui entoure le releveur et sur laquelle on
Ce sont les ptosis bilatéraux avec faible ou très faible
place trois sutures en U qui vont sortir plus bas en avant
fonction du muscle releveur, le syndrome de Marcus
dans le pli, après avoir pris l'insertion aponévrotique sur le Gunn, le syndrome de blépharophimosis pour les indica-
tarse sur 1 à 2 mm horizontal. tions les plus courantes.
5. Très souvent, on combine la suspension au Whitnall par
une résection, de 1 à 2 mm de haut, du tarse supérieur et de
la conjonctive et Müller adjacent afin, d'une part, de diminuer Introduction
le risque de prolapsus du cul-de-sac et d'augmenter l'effet sur
ces ptosis avec faible fonction du releveur difficiles à traiter. Deux variétés de matériaux peuvent être utilisés : il s'agit de
matériaux synthétiques ou de greffes autogènes.

Techniques de suspension Matériaux pour la réalisation d'une suspension


palpébrale au muscle frontal
Parmi les deux variétés de suspension palpébrale, la
technique de Crawford [12] avec deux brins en forme Différents matériaux sont utilisés pour constituer les ban-
de Y renversé et la technique de Fox [16] en forme de delettes de suspension palpébrale.

Figure 2.44
Suspension palpébrale selon la technique de Crawford.

71
Chirurgie palpébrale

Depuis de nombreuses années maintenant, les bioma- de nos prélèvements sur le bord externe de la crête iliaque.
tériaux ont fait leur apparition en chirurgie notamment En distal, il est prolongé par le fascia profond de la jambe.
orbitopalpébrale, ouvrant ainsi le débat les opposant aux Il est épais et enserre le membre, empêchant les muscles
greffes autologues ou autogènes. de la cuisse de faire protrusion lors de leur contraction, ren-
Les biomatériaux actuels combinent une facilité d'uti- dant celle-ci plus efficace, et plus efficace le phénomène de
lisation avec une réduction du temps opératoire (pas de pompe musculaire aidant au retour veineux.
temps de prélèvement d'un site donneur) et une bonne
Techniques de prélèvement
tolérance au niveau du site receveur. Cette dernière reste
Le prélèvement du fascia lata autologue se réalise au
évidemment inférieure à celle des tissus autologues avec
niveau de la cuisse par incision cutanée au-dessus du
un risque majoré d'infection, d'extrusion, de fibrose. Le sili-
genou sur une ligne allant de la tête de la fibula à l'épine
cone et le poly-tétra-fluoro-éthylène expansé (PTFE) com-
iliaque antérosupérieure(figure 2.45), et d'une longueur
posent les bandelettes synthétiques utilisables pour réaliser
relativement importante, de 9 à 10 cm. Ce temps est
les suspensions palpébrales. Le fascia lata et l'aponévrose
suivi d'une dissection sous hypodermique permettant
temporale constituent deux types d'autogreffes dans cette
de dégager le fascia lata. Une languette de 10 à 11 cm
chirurgie. Le prélèvement de ces deux tissus est relative-
de long sur 0,8 à 1 cm de large est nécessaire. En soule-
ment simple et rapide car ils sont superficiels, mais peut
vant l'extrémité de l'incision, on en diminue la taille. Une
aboutir à une cicatrice inesthétique au niveau de la jambe
suture soigneuse des berges restantes est indispensable
ou à une alopécie localisée au niveau du cuir chevelu. Ces
pour conserver le rôle de hauban qu'il joue pour la cuisse
deux matériaux autologues garantissent un résultat durable
et éviter les hernies musculaires parfois douloureuses et
dans le temps avec des risques d'extrusion nuls et infectieux
inesthétiques (figure 2.46).
très réduits.
Si une suspension palpébrale bilatérale se révèle néces-
Fascia lata autologue [29] saire, on augmente un peu la largeur de la languette que
Un fascia est une aponévrose fibroconjonctive et qui l'on divisera en deux, ce qui augmente le risque de tension
recouvre la face superficielle des muscles, ceux de la cuisse à la suture du fascia restant, et donc de hernie musculaire
dans le cas plus spécifique du fascia lata, également nommé et de douleur. Un prélèvement sur la cuisse controlatérale
fascia profond de la cuisse. est difficile à proposer, entraînant une augmentation non
Ce dernier s'insère en proximal sur le ligament inguinal, le négligeable du temps opératoire, de la morbidité postopé-
pubis, la face externe du sacrum et du coccyx, et dans l'axe ratoire et du préjudice esthétique.

Figure 2.45
Technique de prélèvement de fascia lata sur la cuisse et d'aponévrose temporale sur la tempe.

72
2. Troubles de la statique palpébrale

Figure 2.46
Suspension palpébrale selon la technique de Fox.

Les prélèvements du fascia lata par stripper[21] per- Aponévrose temporale [31]
mettent de réduire les ouvertures cutanées, et ainsi les L'aponévrose est un tissu conjonctif fibreux formé de plu-
risques de complications mécaniques, infectieuses et esthé- sieurs plans de fibres collagènes, parallèles entre elles au sein
tiques. En revanche, il n'est pas possible de réaliser dans d'un même plan, mais d'orientations différentes entre deux
ces cas-là de suture du fascia. Il existe un risque de hernie plans. Cela crée une trame élastique, souple, mais résistante.
musculaire pouvant entraîner une gêne fonctionnelle et L'aponévrose temporale constitue néanmoins un tissu
esthétique. moins résistant que le fascia lata. Son prélèvement reste
Il est à noter qu'avant l'âge de 3 ans le fascia lata est peu assez simple et aboutit à une cicatrice discrète dissimulée
mature et son prélèvement délicat, réservé à un ophtalmo- dans le cuir chevelu.
logue expérimenté voire à un orthopédiste ; cela peut aboutir Son prélèvement passe par une incision au sein du cuir
à des séquelles neurologiques, avec hématome ou cicatrice chevelu, de 5 cm de haut, verticale, à l'aplomb du tragus
hypertrophique. L'obtention d'une longueur suffisante de pour dégager une bandelette aponévrotique de 5 à 6 cm
bandelette, et d'autant plus en cas de suspension bilatérale, sur 8 mm (figure 2.47). Cette dernière est dédoublée afin
est rendue difficile par la brièveté de la cuisse à cet âge. d'obtenir une languette de 10 cm de long, longueur requise
Le fascia lata autologue est préconisé pour les sus- pour la suspension. En cas de suspension bilatérale, la réali-
pensions palpébrales à partir de l'âge de 3 ans [2, 19] et sation d'un deuxième prélèvement est nécessaire. Le chirur-
demeure le gold standard de cette chirurgie combinant les gien peut s'organiser en préparant son intervention pour
meilleurs résultats fonctionnels et les plus faibles taux de que les deux sites d'intérêt (cuir chevelu et paupière) se
complications. Cet âge de 3 ans permet d'avoir une crois- trouvent dans le même champ opératoire. Il est à noter que
sance de la cuisse, une maturation faciale et une coopéra- ce site de prélèvement contient un réseau vasculaire dense
tion de l'enfant lors de l'examen clinique plus favorables à issu en grande partie de l'artère temporale superficielle qui
de bons résultats. court sous le derme soulevé avec des crochets. Il convient
73
Chirurgie palpébrale

Figure 2.47
Cicatrice de prélèvement de fascia lata sur une cuisse gauche.
Figure 2.48
Prélèvement d'aponévrose temporale.
néanmoins d'éviter une coagulation du cuir chevelu pour
préserver les bulbes capillaires et prévenir une alopécie. La L'avantage des ces matériaux est qu'ils sont disponibles
dissection devra également prendre garde à ne pas léser en quantité non limitée, permettent un temps opératoire
la branche frontale du nerf facial, qui peut se trouver en raccourci, limité au temps palpébral et évitent la morbidité
regard de la zone incisée, si celle-ci est trop antérieure. Enfin, au niveau du site prélevé.
on informera le patient des risques d'alopécie en bande et
Polytétra-fluoro-éthylène expansé (PTFE, Goretex®)
du trouble sensitif du site donneur qui sont également
Le PTFE est biocompatible, inextensible et non hydro-
deux complications possibles en cas de lésion des follicules
phobe (figure 2.48). De plus, son caractère microporeux
pileux ou de petits rameaux nerveux, mais plutôt décrits
garantit une bonne stabilité par colonisation tissulaire. Il est
dans les cas de lambeau de fascia temporalis pédiculé [40].
largement utilisé en chirurgie vasculaire, mais il est condi-
L'aponévrose temporale est un tissu polyvalent. Elle
tionné en bandelettes de 15 cm de long pour s'adapter au
peut être utile dans les cavités orbitaires pour recouvrir
domaine ophtalmologique.
une exposition de bille ou habiller un implant orbitaire. En
En 2005, Ben Simon et al. [7] notaient 15 % de réci-
chirurgie reconstructrice palpébrale, elle permet une sus-
dive du ptosis et 1,8 % d'infection du site opératoire
pension palpébrale pour les ptosis à mauvaise fonction du
avec ce matériau. La même année, Junceda et al. [24] ont
muscle releveur, un allongement du muscle releveur en cas
retrouvé un taux de complications bien plus élevé lors de
de rétraction très importante (paralysie faciale rarement,
suspensions palpébrales par PTFE (40 %) que par fascia
orbitopathie dysthyroïdienne). En effet, en cas de rétraction
lata (5 %). Ces complications étaient à type de récidive
modérée, une section du Müller et/ou de l'aponévrose suffit.
du ptosis et de granulome. En revanche, en 2013, pour
Pour refermer la discussion concernant les autogreffes, il
Hayashi et al. [18], le taux de complications était faible
est à noter que les allogreffes (banques de tissus, banques
avec ce matériau (7,1 %). Il était également de 7 % de
de fascias lata) ont été abandonnées pour ces indications
granulomes et d'extrusion de matériel pour Wabbels [37]
en raison du risque de transmission de prions.
sur une série de 252 suspensions pour blépharospasmes
Les matériaux synthétiques (avec 238 yeux traités par PTFE et 14 opérés avec de la
Les matériaux synthétiques [7, 39] pouvant être utilisés soie). Karapantzou et al. [25], chez 15 patients opérés
pour réaliser la suspension palpébrale sont divers (PTFE, fil pour apraxie des paupières, retrouvaient 9,1 % d'extru-
de silicone, nylon, polyester, propylène). Le PTFE [35] et le sion des sutures, 6,1 % de granulomes et 7,5 % d'infections
polyester (Mersilène Mesh® ) ont été les matériaux les plus locales. Ce taux de complications est diminué par l'utili-
utilisés [13, 30]. sation de matériaux adaptés tels que l'ePTFE, proche du
74
2. Troubles de la statique palpébrale

Goretex®, mais présentant une porosité supérieure (plus Il existe ainsi une intéressante diversité de matériaux
de 90 %) et une très haute biocompatibilité. Ruban et al. utilisables pour constituer les bandelettes de suspension
[35] n'ont retrouvé aucune complication significative ni palpébrale au muscle frontal. Le fascia lata autologue reste
infection, extrusion ou migration en suivant 60 suspen- le gold standard de cette chirurgie en raison de sa parfaite
sions palpébrales par ePTFE pendant 30 mois. intégration au niveau du site receveur, de son efficacité
L'extrusion de la bande de Goretex® ne contre-indique durable et des taux d'infection ou de réaction tissulaire
pas d'en utiliser une nouvelle pour la reprise chirurgicale, quasi nuls. Son prélèvement reste néanmoins délicat chez
à condition de patienter quelques semaines [25] après le de très jeunes enfants, cas pour lesquels les biomatériaux
retrait de la première. offrent leurs disponibilité, résistance et intégration tissulaire
intéressantes.
Sondes d'intubation en gomme de silicone
De faibles diamètres (0,94 mm), ces sondes se révèlent de
bons atouts, élastiques, non allergisants, mais non coloni-
Technique 10 : technique de Fox
sables. Certains chirurgiens utilisent l'aiguille de Reverdin, avec incision dans le pli (figure 2.49)
instrument à bout pointu qui a l'avantage de permettre la 1. Marquage au feutre de l'incision palpébrale à 9 mm du
tunnellisation de la sonde et d'éviter la grande incision pré- bord libre et sur une longueur de 20 mm. Marquage de la
tarsale. Le fil de silicone est surtout utilisé chez le tout petit projection des bords latéraux de la cornée dans la bordure
en cas de ptosis majeur avant une chirurgie plus stable. ciliaire supérieure. Marquage des deux incisions situées sur
la bordure supérieure du sourcil sur une ligne qui unit les
Fil de polypropylène 3.0 deux points marqués dans la bordure ciliaire et un point
La suspension au muscle frontal à l'aide de ce matériau est situé dans le pli palpébral inférieur à l'aplomb de la pupille.
davantage réservée aux enfants de moins de 3 ans chez qui Enfin, un point est marqué sur la ligne passant par l'aplomb
la brièveté de la cuisse ne permet pas de récupérer une lon- de la pupille sur le front à 20 mm au-dessus du sourcil.
gueur satisfaisante de fascia lata et pour lesquels une chirur- 2. Incision cutanée au bistouri, mise en place de crochets
gie urgente s'impose en cas de risque d'amblyopie. pour attirer l'orbiculaire inférieur vers le haut et libération
Les fils de polypropylène (Prolène® 3.0 ou 4.0) sont donc de l'orbiculaire prétarsal du tarse. Puis, les crochets sont
utilisables chez l'enfant et ont pour certains auteurs un placés dans l'orbiculaire supérieur et on sépare au bistouri
profil de tolérance et des taux de complications semblables électrique l'espace entre l'orbiculaire et le septum jusque
aux autres biomatériaux [10]. vers le rebord orbitaire.
Il s'agit d'un matériau synthétique très peu coûteux. Il 3. Fixation de la bandelette de fascia au bord supérieur
n'entraîne pas de réaction inflammatoire ni de fibrose réac- du tarse par 3 points : l'un central en regard de la pupille,
tionnelle importante, ce qui permet des reprises chirurgi- les deux autres latéraux à l'aplomb du limbe de 3 h et
cales simplifiées en cas de nécessité de réviser la hauteur
de suspension ou de réaliser une suspension secondaire
par fascia lata. Son caractère non résorbable par résistance
aux enzymes tissulaires assure une révision facilitée à court
terme et l'absence de perte de résistance à plus long terme.
Bouazza et al. [9] ont réalisé des suspensions frontales
par technique de Fox (boucle pentagonale) et Prolène®
3.0 chez 21 enfants avec fonction médiocre ou nulle du
releveur de la paupière supérieure. Le résultat postopéra-
toire était jugé satisfaisant dans 82,8 % des cas, et il a été
noté 14,3 % de récidive du ptosis et 2,9 % de granulome et
d'infection.
Un minimum de quatre nœuds entre les deux brins est
conseillé pour assurer une bonne tenue.
Fil de nylon
Le fil de nylon est associé à un taux élevé de récidive du
ptosis. Ce taux varie selon les séries entre 40,5 % [38] et Figure 2.49
100 % [27]. Suspension palpébrale par bandelette de PTFE.

75
Chirurgie palpébrale

9 h. La suture passe perpendiculairement aux glandes de Correction de l'épicanthus


Meibomius dans le tarse, puis prend dans le sens opposé
la partie terminale de l'aponévrose. Après serrage des trois et du télécanthus
sutures, l'aponévrose recouvre la bandelette en grande par-
tie au bord supérieur du tarse central. Plastie Y-V
4. Trois incisions cutanées supra-sourcilières profondes
sont réalisées jusqu'au périoste : deux latérales dans le sour- Principe
cil et une médiane 15 à 20 mm au-dessus des précédentes On dessine un Y sur ligne horizontale qui relie les deux
sur les points marqués au feutre préalablement. caroncules et on effectue une traction sur la ligne médiane
5. Passage d'une pince hémostatique de Kelly à travers pour obtenir un V, ce qui permet de corriger différentes
l'incision supra-sourcilière latérale rejoignant l'incision variétés d'épicanthus, tout en enlevant un peu de tissu
palpébrale par tunnellisation profonde sous la graisse du sous-cutané en excès entre la peau et le tendon.
sourcil ou organe de Charpy, puis passage entre le plan de
l'orbiculaire en avant et le septum en arrière pour saisir le Méthode
chef homolatéral du fascia (même technique pour l'autre
extrémité de la bandelette). 1. On dessine un Y horizontal à cheval sur le tendon
6. Passage de la pince de Kelly de l'incision centrale vers canthal interne dont l'extrémité interne est située à mi-­
les incisions supra-sourcilières pour faire cheminer les distance de la jonction peau-caroncule et ligne médiane.
bandelettes du sourcil vers le front médian où elles seront Les extrémités externes du Y s'arrêtent à l'aplomb des
suturées. points lacrymaux.
7. Reformation du pli palpébral en prenant peau et orbicu- 2. On enlève les tissus sous-cutanés en excès sous les trois
laire de l'incision inférieure, puis l'aponévrose, puis l'orbicu- lambeaux du Y.
laire et la peau du bord supérieur de l'incision du pli ; et ce 3. On suture ensuite la peau avec du Nylon 6/0 en tirant
par trois points recouvrant les trois points de fixation tarsale. sur le centre du lambeau médian pour obtenir un V.
8. Traction des deux extrémités de la bandelette au niveau 4. Si on dessine, à partir du milieu du segment horizontal Y,
du front, de façon à ce que le bord libre reste harmonieux deux contre-incisions en forme de Z, on obtient le schéma
et soit réglé pour être situé au limbe supérieur sous anes- de Mustardé avec des angles à 45° et 60°, dessinés sur la
thésie générale. figure 9.2. On échange alors les deux lambeaux pour obte-
9. Les deux chefs sont alors noués entre eux au Vicryl 4/0 nir une traction plus large que pour le V-Y.
et indirectement amarrés au muscle frontal présent en 5. On peut en profiter pour raccourcir le chef antérieur
profondeur ; l'excès des bandelettes étant réséqué tout en du tendon canthal interne après l'avoir sectionné et suturé
laissant 5 à 7 mm permettant de rattraper ultérieurement plus en-dedans.
une surcorrection. Mais dans mon expérience, cette technique est peu effi-
10. Suture cutanée au Nylon 6/0 (au fil résorbable 6/0 chez cace. Nous préférons réaliser d'emblée une canthoplastie
l'enfant). transnasale pour traiter un éventuel télécanthus.
11. Mise en place d'une suture de Goretex® 6/0 de traction
sur la ligne grise de la bordure palpébrale inférieure pour
éviter une malocclusion, fréquente au cours des premiers Canthoplastie transnasale
heures ou jours.
Principe
Elle s'adresse au traitement du télécanthus, très fréquent
Il est parfaitement possible, par cette voie d'abord, d'as- au cours du syndrome de blépharophimosis, ou à certains
socier une résection cutanée à la demande, une réfection télécanthus post-traumatiques (figure 2.50).
de la hauteur du pli palpébral dont la qualité est fonction
à la fois du siège de l'insertion des bandelettes sur le tarse Méthode
et de la direction postérieure de la traction, mais aussi
de la fixation des deux lambeaux cutanés palpébraux 1. L'exposition du tendon fait suite au stade 3 de la plastie
contre la zone de suture de la bandelette sur le tarse Y-V précédente.
supérieur et l'aponévrose. 2. On incise le périoste en avant du tendon canthal interne
de façon curviligne pour rejoindre, en bas le rebord ­orbitaire
76
2. Troubles de la statique palpébrale

Indications
de la chirurgie du ptosis
Règles de base
Elles ont été bien définies dans un livre [1] et elles sont au
nombre de trois.

Qui opérer
En matière de ptosis, les indications peuvent être d'ordre fonc-
tionnel (risque d'amblyopie fonctionnelle des ptosis congé-
nitaux majeurs accompagnés de strabisme, ou dans certains
cas de blépharophimosis sévères), ou d'ordre cosmétique. Il
Figure 2.50
existe des contre-indications relatives ou absolues. On doit
Canthopexie transnasale.
en particulier se méfier de ptosis mineurs dont la demande
est essentiellement esthétique, et parfois disproportionnée,
et en haut la crête lacrymale antérieure. On dégage à la
et dont le résultat chirurgical incertain peut entraîner des
rugine toute la région sous-périostée du sac au-delà de la
complications psychologiques non négligeables qu'il faut
crête lacrymale postérieure, jusque vers la lame papyracée
savoir reporter à un stade où l'adulte aura bien réfléchi.
de l'ethmoïde et en haut la région du dôme du sac.
En outre, il est indispensable de prévenir le patient
3. À l'aide d'une fraise diamantée de diamètre suffisant,
d'éventuelles retouches chirurgicales dans la mesure où le
on réduit l'épaisseur de la crête lacrymale antérieure, de la
résultat ne peut être garanti en un seul temps opératoire.
branche montante de l'ethmoïde en regard, puis on fraise
Il est des contre-indications absolues :
en profondeur dans le région médiane du sac jusqu'à trou- ● un ptosis relevant d'un traitement médical (myasthénie),
ver la muqueuse nasale sans la percer. On réalise la même
des ptosis post-traumatiques neurogènes ou myopathiques ;
opération de l'autre côté. ● l'existence d'une ophtalmoplégie totale ;
4. On utilise alors une aiguille semi-circulaire de Nylon 3 ou ● une absence de Charles Bell ;
4/0 dont on a redressé l'extrémité pour être plus rectiligne ● une anesthésie cornéenne, une paralysie de l'orbiculaire
pour traverser le septum nasal. Pour cela, on introduit l'ai-
risquant d'entraîner des complications oculaires graves
guille dans la peau de la région caronculaire et on se dirige
lorsqu'on essaye chirurgicalement de soulever une pau-
vers l'arrière et en-dedans pour ressortir en arrière du sac au
pière qui reste le seul élément de défense du globe oculaire.
niveau de la crête lacrymale postérieure. On fait le même
trajet un peu plus inférieur avec l'autre aiguille.
5. Pour réaliser la canthopexie transnasale, on introduit
Quand opérer
l'une des aiguilles dans l'un des orifices créé dans la loge En ce qui concerne les ptosis congénitaux, en dehors des
lacrymale ; on la dirige perpendiculairement vers l'autre ori- rares cas où il existe un risque d'amblyopie (essentiellement
fice à travers le septum nasal, en faisant attention à ne pas ptosis unilatéral majeur avec pupille non dégagée souvent
l'attirer trop près du globe oculaire. On la retire, et on la associé à un trouble de la réfraction et/ou un strabisme),
passe de la région postérieure du sac vers la région cutanée obligeant à intervenir dans les premiers mois de la vie, la
proche de la caroncule. plupart des auteurs sont d'accord pour opérer ces enfants
6. On utilise soit le chemin inverse, soit l'autre aiguille pour à l'entrée à l'école maternelle, c'est-à-dire vers l'âge de 3 ans,
faire un chemin analogue 5 mm plus bas. date à laquelle il est possible de faire un bilan orthoptique.
7. On se retrouve avec une anse double qui ressort à l'inté- Pour les ptosis acquis neurogènes et post-traumatiques,
rieur du V créé lors de la plastie cutanée précédente. Pour il est préférable d'attendre au moins 6 mois. En effet, cer-
assurer le rapprochement des deux angles internes, il suffit tains régressent, ce qui permet de surseoir à l'intervention,
de serrer l'anse en prenant la précaution indispensable de et d'autres s'améliorent nécessitant un geste plus restreint.
placer un bourdonnet de chaque côté sur la région cutanée Les autres ptosis acquis seront opérés dès qu'ils seront
qui va subir la pression de la double boucle lors du serrage. devenus suffisamment gênants dans le champ visuel ou
Il ne reste plus qu'à suturer les lambeaux. inesthétiques.
77
Chirurgie palpébrale

Comment opérer pière inférieure en forme de U et qui sera collée au niveau


du front avec des Stéri-strips™.
Trois problèmes principaux se posent au chirurgien.
2. Si l'on découvre dans les premiers jours une ulcération
cornéenne inférieure en l'absence de suture de Frost, le
Choix de l'anesthésie
mieux est de ne pas attendre et de placer celle-ci rapide-
Chaque fois que l'on envisage un geste musculaire sur le releveur ment sous anesthésie locale.
ou son aponévrose, l'anesthésie locale pure associée à une anes- 3. On utilisera bien sûr des larmes artificielles et des gels en
thésie de contact (xylocaïne), et parfois une benzodiazanalgé- instillations fréquentes.
sie (administration par voie veineuse d'une benzodiazépine à 4. Si l'ulcération persiste, il faut abaisser la paupière plus bas,
courte durée d'action : Midazolam® par exemple) sera choisie. rapidement, en desserrant les sutures et/ou en les plaçant à
L'anesthésie générale sera réservée aux enfants, à certains un niveau de réglage inférieur.
patients pusillanimes ainsi qu'aux gestes plus importants,
Paupière trop haute
comme par exemple la suspension palpébrale avec un pré-
Recul du releveur : si le patient est revu dans les premiers
lèvement de fascia lata.
jours, le mieux est de rouvrir la plaie, sous anesthésie locale
Choix de la technique si possible, et de reculer les sutures du releveur de la quan-
tité nécessaire au nouveau réglage pour amener la paupière
Le choix est simple dans les cas suivants : supérieure à recouvrir la cornée de un millimètre.
● le ptosis aponévrotique sera opéré par une chirurgie de ren- Tarsotomie horizontale : si le patient consulte après 6 ou
forcement de l'aponévrose, par voie antérieure le plus souvent ; 7 jours, il est difficile de désunir la plaie et de retrouver les
● le petit ptosis, qu'il s'agisse ou non d'un syndrome de plans de clivage. On peut alors réaliser une tarsotomie hori-
Claude Bernard-Horner, bénéficiera de la résection du zontale à deux ou trois millimètres du bord de la paupière
Müller par voie postérieure car la technique est fiable et par voie postérieure, après avoir retournée celle-ci sur une
expose peu aux risques de sur- ou sous-correction ; plaque à l'aide de deux fils de soie 6/0 passés dans le bord
● les ptosis avec faible fonction du releveur sont en général libre. L'incision est faite sur toute l'épaisseur du tarse, depuis
opérés d'une résection, d'une plicature majeure du releveur ou le point lacrymal jusque vers la région de l'angle externe
d'une suspension au ligament de Whitnall par voie postérieure, en s'arrêtant toutefois deux ou trois millimètres avant. Celai
en prévenant la famille de la nécessité fréquente d'une suspen- permet de réduire une surcorrection de 1 à 2 mm.
sion palpébrale au muscle frontal dans un deuxième temps ; Greffe de cartilage : on peut augmenter l'effet de la tech-
● les ptosis modérés ou importants avec une fonction nique précédente en plaçant entre les berges de l'incision
modérée du releveur sont en général opérés d'une résec- sclérale une greffe de cartilage rétro-auriculaire. À défaut,
tion ou d'une plicature du releveur ; on peut utiliser la muqueuse palatine, le septum nasal ou
● en cas de réintervention pour un ptosis résiduel le cartilage alaire. Cela permet de réduire une surcorrection
modéré ou faible unilatéral, on utilisera la résection tarso-­ de 3 à 4 mm.
müllérienne par voie postérieure.
Il est plus complexe dans les cas suivants : Paupière trop basse
● dans les ptosis majeurs unilatéraux avec bonne fonction Reprise des sutures du releveur : si le patient est revu dans
du muscle releveur ; les premiers jours, le mieux est, sous anesthésie locale, de
● dans les reprises chirurgicales avec ptose importante et désunir la plaie opératoire et placer plus haut les sutures
fonction satisfaisante du releveur. sur le releveur pour en augmenter l'effet. On peut aussi des-
cendre plus bas sur le tarse, mais ceci est limité par le risque
Comment faire face aux complications d'ectropion en cas de sutures trop bas situées.
postopératoires En cas de déficit du contour, il faudra reprendre une seule
des trois sutures placées sur le tarse et ne pas oublier de
Exposition cornéenne refaire la suture nécessaire au pli palpébral.
1. La mise en place d'une suture de Frost est obligatoire dès
que l'on redoute la moindre inocclusion. On sera d'autant Entropion
plus prudent que l'on opère sous anesthésie générale où 1. Réaliser une incision cutanéomusculaire juste en-­
l'orbiculaire peut mettre plusieurs heures à récupérer une dessous du pli palpébral.
fonction normale. J'utilise, pour ma part, une aiguille de 2. Libérer la lamelle antérieure myocutanée du tarse vers
Goretex® 6/0 passée au niveau de la ligne grise de la pau- l'arrière jusque vers la bordure ciliaire.
78
2. Troubles de la statique palpébrale

3. Mise en place de sutures en U obliques qui prennent la Références


lamelle myocutanée près de la bordure ciliaire et s'insèrent
sur le tarse plus haut. Après serrage des trois sutures en U, la [1] Adenis JP, Morax S. Pathologie orbitopalpébrale. Paris : Masson ;
bordure ciliaire doit se redresser. 1998.
[2] Ahmadi AJ, Sires BS. Ptosis in infants and children. Int Ophthalmol
4. Résection d'une partie de la lamelle antérieure et mise en
Clin 2002 ; 42(2) : 15–29.
place de trois sutures de Nylon 6/0 pour reformer le pli en [3] Anderson RL, Dixon RS. Aponevrotic ptosis surgery. Arch
prenant en profondeur l'aponévrose du releveur. Ophthalmol 1975 ; 93 : 629–34.
[4] Anderson RL, Jordan DR, Dutton JJ. Whitnall's sling for poor func-
tion ptosis. Arch Ophthalmol 1990 ; 108 : 1628–32.
Si le patient est revu à distance après une résection du [5] Beard C. Ptosis. 2nd ed. St Louis : The CV Mosby Compagny ; 1976.
releveur, il faudra utiliser une autre technique chirur- [6] Beard C. Ptosis surgery : past, présent and future. Ophthalmic Plast
gicale : soit Fasanella-Servat modifiée en cas de petit Reconstr Surg 1985 ; 1 : 69–72.
[7] Ben Simon GJ, Macedo AA, Schwarcz RM, et al. Frontalis suspen-
déficit, soit suspension au Whitnall ou plicature aponé-
sion for upper eyelid ptosis : evaluation of different surgical designs
vrotique en cas de déficit plus important, et enfin sus- and suture material. Am J Ophthalmol 2005 ; 140(5) : 877–85.
pension palpébrale en cas de sous-correction bilatérale. [8] Berke RN. Results of resection of the levator muscle through a skin
incision in congenital ptosis. Arch Ophthalmol 1959 ; 61 : 177.
[9] Bouazza M, Elbelhadji M, Mchachi A, et al. Treatment of congenital
Ectropion/éversion des cils ptosis by frontalis suspension with monofilament polypropylene
La cause principale est l'insertion trop basse du releveur sur suture : results of a study of 21 cases. J Fr Ophtalmol 2014 ; 37(7) : 520–5.
[10] Chow K, Deva N, Ng SGJ. Prolene frontalis suspension in paediatric
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ptosis. Eye Lond Engl 2011 ; 25(6) : 735–9.
1. Reprise de l'incision précédente en cas de réopération, [11] Collin JRA. ptosis repair of aponevrotic defects by the posterior
moins de quatre à cinq jours après l'opération initiale, ou approach. Br J Ophthalmol 1979 ; 63 : 586–90.
réalisation d'une incision plus bas située permettant de [12] Crawford JS. Repair of ptosis using frontalis muscle and fascia-lata.
décoller très vite l'insertion trop basse du releveur. Trans Acad Ophthalmol Otolaryngol 1956 ; 60 : 672.
[13] Downes RN, Collin JRO. The Mersilene mesh sling. A new concept
2. Le releveur ou son aponévrose sont reculés. in ptosis surgery. Br J Ophthalmol 1989 ; 73 : 498–501.
3. Le plan myocutané antérieur est libéré vers le haut sur [14] Fasanella RM, Servat J. Levator resection for minimal ptosis.
plusieurs millimètres pour lui permettre de recouvrir le Another simplified operation. Arch Ophthalmol 1961 ; 65 : 493.
déficit sans affecter la position palpébrale. [15] Fox SA. Congenital ptosis II Frontalis sling. J Pediat Opthalmol 1966 ;
3(2) : 25–7.
4. Le pli palpébral est reconstitué de façon traditionnelle
[16] Frueh BR, Musch DC, McDonald HMB. Efficacy and efficiency of
par trois sutures de Prolène 6/0 qui font adhérer en profon- a small-incision minimal dissection procedure versus traditional
deur le plan myocutané avec l'aponévrose du releveur au approach for correcting aponeurotic ptosis. Ophthalmology 2004 ;
niveau du futur pli. 111(12) : 2158–63.
[17] Gunn RM. Congenital ptosis with peculiar associated movement of
the affected lid. Trans Ophthalmol UK 1883 ; 3 : 283.
Déficit du pli ou prolapsus [18] Hayashi K, Katori N, Kasai K, et al. Comparison of nylon monofi-
du cul-de-sac conjonctival lament suture and polytetrafluoroethylene sheet for frontalis sus-
pension surgery in eyes with congenital ptosis. Am J Ophthalmol
Les sutures de Pang [33] permettent de traiter ces deux 2013 ; 155(4) : 654. 63.e1.
[19] Hersh D, Martin FJ, Rowe N. Comparison of silastic and banked
problèmes.
fascia lata in pediatric frontalis suspension. J Pediatr Ophthalmol
1. On utilise pour cela des aiguilles de Vicryl 6/0 ou 5/0 Strabismus 2006 ; 43(4) : 212–8.
doublement serties. Celles-ci entrent dans le cul-de-sac [20] Hold JB, McLeish WM, Anderson RL. Whitnall's sling with superior
conjonctival, 7 ou 8 mm au-dessus du bord supérieur du tarsectomy for the correction of severe unilateral blepharoptosis.
tarse, et sont dirigées vers le bas et l'avant pour ressortir sur Arch Ophthalmol 1993 ; 111 : 1285–91.
[21] Jannetta PJ, Abbasy M, Maroon JC, et al. Etiology and definitive
la face antérieure du tarse. microsurgical treatment of hemifacial spasm. Operative techniques
2. Trois sutures en U sont ainsi placées et serrées sur la face and results in 47 patients. J Neurosurg 1977 ; 47(3) : 321–8.
antérieure de la paupière. [22] Jones LT, Quickert MH, Wobig JL. The cure of the ptosis by aponeu-
rosis repair. Arch Ophthalmol 1975 ; 93 : 629–34.
[23] Jones LT. The anatomy of the upper eyelid and its relation to ptosis
surgery. Am J Ophthalmol 1964 ; 57 : 943.
Si le prolapsus est majeur, il est préférable de faire une [24] Junceda-Moreno J, Suárez-Suárez E, Dos-Santos-Bernardo V.
résection conjonctivo-müllérienne, puis de suturer l'inci- Treatment of palpebral ptosis with frontal suspension : a compa-
sion avec des sutures de Pang préalablement décrites. rative study of different materials. Arch Soc Esp Oftalmol 2005 ;
80(8) : 457–61.

79
Chirurgie palpébrale

[25] Karapantzou C, Dressler D, Rohrbach S, et al. Frontalis suspension [34] Puttermann AM, Urist MJ. Muller's muscle conjunctival resection.
surgery to treat patients with essential blepharospasm and apraxia of A method for treatment of blepharoptosis. Arch Ophthalmol
eyelid opening-technique and results. Head Face Med 2014 ; 10 : 44. 1976 ; 92 : 614.
[26] Lemagne JM. Transposition frontale du muscle releveur de la pau- [35] Ruban JM, Mallem M, Tabone E, et al. new material in ptosis sur-
pière supérieure chez le patient atteint de ptosis avec syncinésie de gery with brow suspension : wide porous expanded polytetra-­
Marcus-Gunn. Bull Soc Belge Ophtalmol 1986 ; 219 : 13–9. fluorœthylene. J Fr Ophtalmol 1995 ; 18 : 207–19.
[27] Liu D. Blepharoptosis correction with frontalis suspension using a [36] Smerdon DL, Sutton GA. Analysis of the factors involved in cosme-
supramid sling : duration of effect. Am J Ophthalmol 1999 ; 128(6) : tic failure following excision of the eye. Br J Ophthalmol 1988 ; 72 :
772–3. 768–73.
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fibrosis syndrome. Br J Ophthalmol 1994 ; 78(4) : 271–4. with frontalis sling operation in the treatment of essential blepha-
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dans la chirurgie du ptosis. Technique et indications. J Fr Ophtalmol Clin Exp Ophthalmol Albrecht Von Graefes Arch Für Klin Exp
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[30] Morax S, Bok C, Ruban JM. Use of Gore-Tex (PTFE) in ophthalmic [38] Wagner RS, Mauriello JA, Nelson LB, et al. Treatment of congenital
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the treatment of ptosis. Orbit 1991 ; 10 : 1943–2201. rials used in frontalis suspension. Arch Ophthalmol Chic Ill 1960
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Ophthalmol 1961 ; 65 : 783–4. 120–7.

80
Chapitre 3
Tumeurs palpébrales
J.-P. Adenis, R. Servantie, Z. Zikic

P L AN D U CHA PI T RE
Principes d'exérèse carcinologique 82 Lambeau d'avancement-rotation temporojugal
de Mustardé 94
Diagnostic 82
Lambeau bipédiculé de Tripier 95
Collaboration chirurgien-anatomopathologiste 82
Lambeau de Kollner-Hughes 97
Les lambeaux en chirurgie oculopalpébrale 84
Lambeau frontoglabellaire ou frontal médian 97
Rappel historique 84
Lambeau de glissement frontal 100
Généralités 84
Lambeau de glissement bipalpébral 100
Lambeau rectangulaire de Knappe 87
Lambeau d'avancement transnasal 101
Lambeau de Mac Gregor 87
Lambeau de périoste 102
Lambeau de glissement trapézoïdal 88
Greffon tarsomarginal de Hübner 102
Lambeau de Cutler-Beard 89
Lambeau de fascia temporal 103
Lambeau semi-circulaire de Tenzel 90
Conclusion 104
Lambeau de rotation de type Abbé 91
Principes thérapeutiques et indications
Lambeau palpébral supérieur unipédiculé 91 de technique de réparation palpébrale 105
Lambeau nasogénien de Tessier 93 Principes de reconstruction 105
Drapement palpébral type blépharoplastie Indications de techniques
inférieure 93 de réparation palpébrale 107

Chirurgie palpébrale
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Chirurgie palpébrale

Principes d'exérèse carcinologique


J.-P. Adenis

Quel que soit le degré de suspicion clinique, le traitement des tions utiles, comme l'âge et le sexe du patient, l'évolution
tumeurs palpébrales doit satisfaire aux principes généraux de la tumeur, l'existence d'une précédente intervention, la
de la chirurgie carcinologique. Il convient d'abord d'évaluer concomitance d'une pathologie générale, et surtout l'hypo-
soigneusement la tumeur et son degré d'infiltration clinique. thèse diagnostique clinique, à l'anatomopathologiste.
Plus particulièrement, il faut orienter la pièce opératoire,
avant tout grâce à un dessin clair ou par un fil de Nylon
Diagnostic (qui peut même être coupé avec la pièce, au contraire de
la soie), ou une photographie (Polaroid®). En cas de doute,
Lorsque le diagnostic semble à peu près certain, d'après les il ne faut pas hésiter à inviter l'anatomopathologiste à venir
critères cliniques, on envisagera d'emblée la chirurgie et les personnellement en salle d'opération où il pourra par
conditions d'exérèse en fonction de la nature de la tumeur : exemple indiquer le meilleur endroit pour une biopsie ou
● pour un basocellulaire, on préférera un contrôle par exa- se rendre compte du champ opératoire.
men extemporané ; En ce qui concerne la fixation, la meilleure solution est
● pour un spinocellulaire ou un carcinome glandulaire de d'envoyer sur le champ la pièce fraîche, c'est-à-dire non fixée,
grande taille, on pourra discuter une fixation rapide suivie au laboratoire. Toutefois, les petits fragments se dessèchent
d'une technique de ganglion sentinelle ; très vite, et il est préférable de les fixer instantanément, plu-
● pour un mélanome, une analyse histologique appro- tôt que d'attendre la fin de l'intervention. En général, il faut
priée associée à une technique du ganglion sentinelle. prévoir un volume de fixateur environ égal à dix fois celui
En cas de doute sur le diagnostic, ou de suspicion de de la pièce à fixer (par exemple un globe lors d'une énucléa-
franche malignité (carcinome sébacé, carcinome spinocellu- tion). Le liquide de Bouin ou le formaldéhyde à 10 % sont
laire, mélanome malin, etc.), on choisira d'établir d'abord la les fixateurs les plus courants. Si l'on choisit de réfrigérer la
nature de la tumeur grâce à une biopsie diagnostique (incisio- pièce, il faut la mettre à 4 °C, et ne surtout pas la congeler.
nal biopsy) et de poursuivre l'exérèse dans un second temps. Dans la grande majorité des cas, il est correct de fixer
Pour une lésion étendue, plusieurs biopsies sont pratiquées la biopsie d'emblée si la fixation de la pièce doit attendre.
et identifiées. En cas de lésion ulcérée, il est préférable de biop- Toutefois, dans les lésions lymphomateuses ou métasta-
sier la périphérie de la lésion en incluant du tissu normal. tiques, certaines techniques d'immunohistochimie ou de
recherche de récepteurs hormonaux requièrent du tissu
frais non fixé. De même, si l'on suspecte un carcinome
Le prélèvement doit être suffisamment profond pour sébacé, il vaut mieux soumettre le tissu frais, car le proces-
éviter de ne prendre que du tissu réactionnel périlésion- sus de préparation histologique dissout les vésicules intra-
nel. Tous les fragments obtenus doivent être soumis, cellulaires de graisse dont l'identification est indispensable
car il arrive que seul le plus petit soit révélateur. Dans la au diagnostic. Dans tous les cas de figure, le plus simple est
mesure du possible, il faut éviter les artéfacts comme la d'envoyer la pièce fraîche et de laisser le choix à l'anatomo-
coagulation ou l'écrasement.
pathologiste le choix de la fixation.
L'évaluation des marges de résection a fait couler beau-
coup d'encre. L'examen extemporané est souvent adé-
Dans les tumeurs de petite taille, on procède d'emblée à quat pour s'assurer de la qualité de l'exérèse. Néanmoins,
son exérèse (excisional biopsy). l'évaluation extemporanée est peu fiable dans le cas de
certaines tumeurs comme le carcinome basocellulaire
Collaboration sclérodermiforme, le carcinome sébacé, les tumeurs sclé-
rosantes et les lésions pigmentées. Même l'examen de
chirurgien-anatomopathologiste tissu correctement fixé a ses limites, par exemple en cas de
tumeurs qui peuvent donner lieu à des foyers d'extension
Afin d'optimaliser l'examen anatomopathologique, le locale séparés de la lésion principale par des zones de tissu
chirurgien se doit de communiquer toutes les informa- sain (skip areas).
82
3. Tumeurs palpébrales

Au total, quatre techniques peuvent être proposées Chirurgie micrographique de Mohs


pour l'évaluation des marges de résection.
Surtout pratiquée aux États-Unis, elle a suscité l'apparition
d'une sous spécialité de chirurgiens dermatologues qui
Excision avec examen extemporané pratique la première étape de chirurgie micrographique
On recommande d'exciser en bloc la lésion, en gardant de Mohs. C'est la technique chirurgicale spécialisée qui
une marge de sécurité d'environ 2 à 3 mm dans toutes les permet le meilleur contrôle d'exérèse de n'importe quel
directions s'il s'agit d'un carcinome basocellulaire ; de 4 mm cancer cutané, tout en conservant le maximum de tissu
en cas de carcinome spinocellulaire et de 5 mm en cas de sain [26]. Cette technique convient particulièrement aux
carcinome sébacé. Puis, des languettes sont prélevées en tumeurs cutanées péri-oculaires qui sont caractérisées par
toute épaisseur sur les bords de l'excision, repérées et fixées une croissance continue, et qui ont une faible propension
par le froid pour un examen extemporané qui guidera sur à métastaser.
l'éventuel élargissement de l'excision. Cette technique n'est Dans la pratique, le spécialiste en chirurgie microgra-
pas utilisable pour la graisse orbitaire ni pour l'os. Si l'ana- phique procède dans un premier temps à l'exérèse tumo-
tomopathologiste répond qu'une ou plusieurs languettes rale, tandis que le chirurgien oculoplastique se charge de
sont envahies, le chirurgien prélève de nouvelles languettes la reconstruction secondairement. Les deux temps opé-
numérotées en regard de celles envahies, jusqu'à ce que ratoires peuvent être séparés de quelques jours, le plus
l'anatomopathologiste ne retrouve pas d'envahissement souvent de 24 à 48 heures. Ses indications comprennent
tumoral. La reconstruction peut avoir alors lieu dans le essentiellement toute tumeur qui ne peut être interprétée
même temps opératoire. de façon fiable sur coupe en congélation.
Cette technique est très couramment utilisée en Europe Ces lésions comprennent certains carcinomes basocel-
pour les épithéliomas basocellulaires. lulaires, le carcinome spinocellulaire, le carcinome in situ et
le kératoacanthome. Certaines néoplasies, comme le carci-
nome sébacé et le mélanome malin, se distinguent par une
Il faut souligner, pour cette technique, l'importance de croissance discontinue où l'on retrouve des îlots séparés de
pratiquer un dessin orienté des pièces opératoires et des la tumeur principale (skip areas) et par un potentiel métas-
languettes numérotées, afin de bien élargir l'excision en tatique. De ce fait, ces tumeurs représentent les limites de
regard de la languette envahie, en cas de reprise pour fiabilité de la technique. Néanmoins, cette technique reste
exérèse insuffisante. Il sera donné à l'anatomopatholo- la meilleure possible par exemple en cas de carcinome
giste et gardé en double dans le dossier du patient. basocellulaire morphéiforme récurrent.
La technique consiste à d'abord enlever le plus gros de
la tumeur (debulking), puis à prélever des tranches margi-
Technique de fixation rapide nales de 1 à 4 mm d'épaisseur sur tout le pourtour de la
lésion tumorale et suivant une topographie minutieuse.
C'est une technique en deux temps éventuels. Elle consiste Les marges sont prélevées par morceaux de 5 à 10 mm
à prélever des fragments, comme pour la technique précé- de diamètre environ qui sont tous numérotés, coloriés et
dente, mais à les analyser cette fois-ci selon les techniques répertoriés sur un diagramme. Un technicien d'anatomo-
de fixation histologiques habituelles ce qui nécessite au pathologie procède alors à la coupe en congélation de
moins 24 heures jusqu'à la fin de la lecture même de façon chaque pièce dans le plan de la tranche, de sorte que toutes
rapide. les faces chirurgicales soient visualisées sur une même lame.
Il est donc possible soit de réaliser la réparation du Les fragments positifs font l'objet d'une reprise d'exérèse
déficit tissulaire dans le même temps opératoire, mais en jusqu'à la négativation de toutes les lames.
prévenant le patient et l'hospitalisation qu'une nouvelle
intervention peut être réalisée le lendemain en cas d'exérèse
insuffisante, soit de différer la réparation tissulaire comme
Particulièrement performante pour les lésions superfi-
dans la technique de Mohs, au moment où l'anatomo- cielles, cette technique n'est toutefois pas utilisable dès
pathologiste répond que l'exérèse est totale. Ses indications que les tissus orbitaires sont envahis. S'il subsiste un doute
sont celles de l'insuffisance de l'examen extemporané : car- à l'examen en coupe à congélation, l'examen anatomopa-
cinome basocellulaire sclérodermiforme, carcinome glan- thologique sur fixation permanente reste toujours possible.
dulaire sébacé, carcinome à cellules de Merkel, mélanomes.
83
Chirurgie palpébrale

Remarquons que cette technique, dans sa forme actuelle, Temps 1 : cela nécessite une première opération pour
diffère quelque peu de la technique originale, où les tissus biopsie ou exérèse pour diagnostic. Cette étape peut
étaient fixés sur le vivant, ce qui retardait les reprises des marges être réalisée séparément pour des raisons de commo-
de parfois plusieurs jours. Malgré sa lourdeur en équipement et dité de bloc opératoire (en effet, l'ablation de la tumeur
en temps, et son coût en terme de compétences nécessaires, quelques jours avant ne semble pas perturber l'injection
cette technique reste aujourd'hui une méthode d'excellence. de Technicium périlésionnel quelques jours après) ou
Les études montrent qu'en l'absence d'examen extemporané, groupée avec le temps suivant si le diagnostic de mali-
environ 50 % des exérèses sont incomplètes [24]. Malgré cela, gnité paraît évident.
le taux de récidive reste relativement bas. Avec examen extem- Temps 2 : repérage du ganglion. Après anesthésie locale,
porané, le taux de récidive est très bas (= 1 %). une injection de Technicium TC 99m soufre colloïdal est réa-
lisée autour de la zone tumorale par un ophtalmologiste.
Technique de la biopsie À l'aide d'une gamma caméra de basse énergie munie d'un
collimateur de haute résolution, on repère la projection
du ganglion sentinelle cutanée du territoire de drainage lymphatique et donc
Initialisée en ophtalmologie par B. Ismaeli [3, 4], cette tech- du ganglion sentinelle. Cette étape n'est pas indispensable
nique est récente dans notre discipline. Elle vise à améliorer mais permet un premier repérage.
le pronostic vital des patients en pratiquant une biopsie Temps 3 : biopsie du ganglion. Le jour de la chirurgie sous
orientée du ganglion de drainage de la zone tumorale et en anesthésie générale, on injecte à nouveau du Technicium
réalisant un curage ganglionnaire en cas d'envahissement. TC 99m soufre colloïdal associé à 0,2 ml d'isosulfan blue ou
Elle s'adresse principalement aux tumeurs les plus bleu de méthylène. Puis, à l'aide d'une caméra à main, on
malignes ayant un fort potentiel de métastases : repère à nouveau le ganglion sentinelle et l'on effectue la
● mélanomes palpébraux et ou conjonctivaux ayant un biopsie. L'anatomopathologiste doit être prévenu afin d'uti-
indice de Breslow supérieur à 1 ; liser les techniques de coloration appropriées.
● carcinomes spinocellulaires moyen ou volumineux ; Temps 4 : en fonction des résultats de l'analyse du gan-
● carcinomes glandulaires ; glion, on pratiquera l'exérèse de la chaîne ganglionnaire
● tumeurs à cellules de Merkel. correspondante.

Les lambeaux en chirurgie oculopalpébrale


J.-P. Adenis, R. Servantie, Z. Zikic

Les multiples possibilités de lambeaux doivent être adap- ● lambeau d'avancement temporal (Fricke, 1829) ;
tées en fonction de la pathologie causale. En effet, la prise ● lambeau cutané de région jugale (Dieffenbach, 1845)
en charge d'une paupière traumatisée ou d'une paupière [14, 15] ;
tumorale répond à des exigences différentes. La connais- ● lambeau bipédiculé (Tripier, 1889) [42] ;
sance de plusieurs attitudes chirurgicales possibles est ● lambeau vascularisé en îlot sur l'artère temporale
indispensable de façon à adapter au mieux le geste à réaliser (Monks, 1898) ;
pour obtenir un résultat esthétique et fonctionnel correct. ● lambeau unipédiculé (Dupuy-Dutemps, 1901 puis 1927) [13] ;
● lambeau nasogénien (Tessier, 1960) [9] ;
● lambeau temporojugal de rotation (Mustardé, 1971) [33].
Rappel historique
Différents lambeaux (figure 3.1) dont certains sont encore Généralités
largement utilisés de nos jours ont été décrits et modifiés
par la suite. Ils seront effectués dans les lignes de Langer : Il existe différents types de lambeaux selon l'origine :
● lambeau d'avancement jugal de la paupière inférieure ● les lambeaux prélevés à distance présentent différents
(Graeffe, 1818) [28] ; inconvénients. Ils posent le problème de leur coloration,
84
3. Tumeurs palpébrales

LEM

B LRM

C
Figure 3.1
Plasties historiques palpébrales.
A. Lambeau de Dieffenbach, de Bürow, de Imré. B. Résection tumorale orientée dans les lignes du visage de relaxation maximale (relaxed skin
tension line [RSTL]), opposées aux lignes d'extensibilité maximale (LEM) ou line of maximum extensiblity. C. Lambeaux «alphabétiques» : il
s'agit de la plastie VY et de la plastie en W, bilobée en O, de la plastie «O to Z» (rhomboïdale ou losangique) et de la plastie en LLL.

85
Chirurgie palpébrale

de texture mais également de sensibilité. Par ailleurs, les ● les lambeaux de rotation : lambeau de Fricke par
lambeaux prélevés à distance sont plus épais, ce qui réduit exemple ;
leur mobilité et donc le résultat esthétique. Ils gardent ● les lambeaux de transposition-inversion.
néanmoins un intérêt non négligeable dans certains cas de Différentes règles doivent être appliquées dans la chirur-
grande mutilation où l'emploi des lambeaux de voisinage est gie des lambeaux péri-oculaires.
­contre-indiqué ou bien très risqué pour la survie de ces derniers ; ● Le respect de l'identité [1, 3] est un élément essentiel ;
● les lambeaux locaux (dits de voisinage) présentent des en effet, il est préférable d'utiliser des structures identiques
avantages sur le plan cutané (coloration et textures proches ou, tout du moins, dont l'architecture est la plus proche
du tissu à remplacer) mais sont limités par leurs dimensions. possible de la structure à remplacer.
On distingue aussi, selon le mécanisme : ● La sécurité vasculaire doit être maximale pour espérer
● les lambeaux «alphabétiques» : il s'agit de la plastie VY des suites favorables sans risque de nécrose. La vasculari-
et de la plastie en en W, bilobée en O, de la plastie «O to sation des éléments employés doit être toujours préser-
Z», de la plastie en LLL de Dufourmentel, la plastie en Z vée pendant la réalisation du geste chirurgical. Différentes
(voire W dans les cas complexe) (figure 3.2) ; elle permet de associations sont possibles, par exemple l'association
traiter, sur le plan esthétique, des cicatrices rétractiles mais greffe et lambeau, lambeau et lambeau (même s'il existe
également certains épicanthus (voir figure 3.1) ; un risque de lymphœdème plus important que dans le
● le lambeau rhomboïdal [6] (voir figure 3.1) ; cas précédent). En revanche, l'association de deux greffes
● les lambeaux de glissement (qui correspondent au est à contre-indiquer pour des raisons de sécurité vascu-
décollement musculocutané des berges du déficit pour laire évidentes.
faciliter la fermeture). On en distingue plusieurs types : ● Le résultat fonctionnel est essentiel pour respecter les
– triangulaires ; structures de voisinage et en particulier l'œil. Ceci est parti-
– quadrilatères unipédiculés ou rectangulaires de culièrement vrai avec la paupière supérieure, dont on doit
Knappe (figure 3.3) ; toujours conserver le rôle d'élément protecteur indispen-
– quadrilatères bipédiculés. sable de la cornée.

60°

60°

B
Figure 3.2
Lambeau d'échange en Z.
A. La ligne centrale du Z est placée dans la cicatrice et deux contre-incisions sont réalisées à 60° de cette ligne. B. Plastie en Z multiple.

86
3. Tumeurs palpébrales

Figure 3.3
Lambeau de glissement rectangulaire de Knappe.

● En dernier lieu, la qualité de la suture reste un point pri- Lambeau rectangulaire de Knappe
mordial pour le résultat final. Cette dernière doit être soi-
gneuse et réalisée bien évidemment plan par plan. Le lambeau rectangulaire de Knappe [2, 7, 28] est utile dans
Les facteurs influençant la survie du lambeau sont : les déficits inférieurs (jusqu'à 75 % de la longueur palpé-
● la taille dont dépend la vascularisation ; brale) et limités à une atteinte de la lamelle antérieure.
● le terrain (sujet jeune, patient diabétique, etc.) ;
● la pression dans les vaisseaux assurant la nutrition du
lambeau ; La lamelle postérieure peut être comblée par un gref-
● le lieu de prélèvement (la région péri-orbitaire est une fon tarsoconjonctival prélevé en paupière supérieure
région propice à l'utilisation des lambeaux en raison de sa homolatérale.
grande vascularisation) ;
● la suppléance sanguine ; en effet, une suture sous trop
grande tension compromet la vascularisation et favorise le
risque d'infection et d'hématome ; Technique (voir figure 3.2)
● la biomécanique cutanée avec le respect des lignes de
Langer [6] et d'expression (voir figure 3.1b). La première incision est réalisée, après une canthotomie, en
La cicatrisation comporte différents phénomènes. direction du sommet de l'oreille sur une longueur de 3 cm.
Initialement, il existe une vasoconstriction avec apparition La seconde part de la partie inférieure du déficit en
d'un tissu de granulation. direction du lobe de l'oreille.
On note ensuite une contraction des berges vers le Le lambeau est clivé puis suturé au déficit.
centre due à des fibroblastes possédant des propriétés D'autres sutures ancrent le lambeau au périoste du
voisines de celles des cellules musculaires lisses (ceci a rebord latéral orbitaire.
permis la technique du « laissez-faire » pour des pertes
de substance n'excédant pas 1 cm2 au niveau de l'angle
interne). Lambeau de Mac Gregor
Par la suite, se produisent une épithélialisation (grâce
aux cellules épithéliales des berges et aux follicules) et une Technique (figure 3.4) [43]
maturation de la cicatrice pendant plusieurs mois.
Des sutures de traction palpébrale de Frost peuvent être Voici les différents temps opératoires :
mise en place en fin d'intervention afin de recouvrir la cor- ● on dessine une ligne semi-circulaire dans le pli supérieur
née et d'éviter des phénomènes rétractiles cicatriciels. de la patte d'oie ;
87
Chirurgie palpébrale

60°

60°

Figure 3.4
Lambeau de Mac Gregor inspiré de la plastie en Z et localisé à l'angle externe de l'œil.

● sur cette ligne, on dessine deux branches d'un Z à 60°, en Technique (figure 3.5)
prenant soin de laisser environ un centimètre entre l'angle
externe et la branche verticale du Z afin de permettre le Il consiste à réaliser l'exérèse de la lésion sous la forme de
glissement du lambeau ; deux triangles équilatéraux qui ont leurs bases en commun :
● on libère les adhérences de la paupière inférieure dans ● une incision après le marquage cutané au crayon dermo-
l'angle externe ; graphique est réalisée dans le prolongement de la base des
● on échange les deux lambeaux du Z et on peut prati- deux triangles en direction du nez. Sa longueur est égale à
quer le glissement, puis la suture de la partie restante de celle de la base des triangles ;
paupière inférieure. ● la deuxième incision part de l'extrémité de la précédente
avec un angle de 60°, sa longueur est le même que celle de
la première l'incision. Les incisions auront ainsi la même lon-
Avantages gueur que celle du déficit, et seront parallèles à ses bords ;
Il s'agit d'une technique simple directement issue de la plas-
● le lambeau est ensuite disséqué grâce à la laxité de la
tie en Z. peau nasale supérieure. Le lambeau sera dans son plus
Elle permet de combler des déficits de l'angle externe ou grand axe parallèle aux lignes de maximum extensibilité
de la paupière inférieure. permettant une suture du lambeau sans tension.

Inconvénients
Elle ne permet pas de combler un déficit supérieur à la moi-
tié de la paupière inférieure.

60°

Lambeau de glissement
trapézoïdal
Figure 3.5
Il a été décrit par Limberg en 1946 [27]. Lambeau de glissement trapézoïdal.

88
3. Tumeurs palpébrales

Il sera, en fonction de la taille du lambeau, nécessaire de Lambeau de Cutler-Beard [2, 7–10,


l'ancrer au périoste afin de retrouver la courbure des tissus
cutanés. 12, 17, 22, 24, 28, 29, 44, 45]

Avantages Technique (figure 3.6)


Premier temps :
Sa réalisation est simple si l'on respecte les règles permet- ● dissection d'un lambeau palpébral inférieur toute épais-
tant sa réalisation.
seur à base inférieure dont la largeur doit être légèrement
La vascularisation locale évite le risque de nécrose.
inférieure à celle du déficit à combler ;
Il est de réalisation plus rapide, et moins invasif, qu'un ● incision horizontale 2 à 3 mm sous la bordure ciliaire de
lambeau glabellaire ; de plus, les sujets âgés présentent sou-
pleine épaisseur ;
vent une laxité et un excès cutanés facilitant sa réalisation. ● réalisation de deux incisions perpendiculaires toute
Il peut être étendu à une perte de substance plus
épaisseur jusqu'au fornix ;
importante dans la plastie en LLL de Dufourmentel (voir ● mobilisation du lambeau vers le haut sous le bord ciliaire
figure 3.1c).
jusque vers la perte de substance supérieure ;
● sutures plan par plan (deux plans au minimum).
Inconvénient Second temps :
● section du pédicule inférieur du lambeau, réalisée quatre
Il ne doit pas être utilisé lorsque le déficit concerne la pau- à six semaines après le premier temps chirurgical, au niveau
pière supérieure (ou inférieure) au risque de voir apparaître du futur bord libre supérieur ;
un trouble statique palpébral (ectropion). ● suture des bords cutanés et conjonctivaux ensemble.

Figure 3.6
Lambeau toute épaisseur de paupière inférieure de Cutler-Beard.

89
Chirurgie palpébrale

Avantages d'oie et dont le sommet est situé au dessus l'extrémité


externe du sourcil. Cette courbe est dirigée à l'opposé en
Sa réalisation est assez simple. bas et en dehors pour la paupière inférieure.
Ce lambeau s'adapte à toutes les pertes de substance La largeur totale du lambeau est égale à trois à quatre fois
importantes de la paupière supérieure. celle du déficit.
Il est particulièrement bien adapté chez le sujet âgé en Le chef inférieur du tendon canthal externe est sec-
raison de la grande laxité des tissus sur ce terrain. tionné (cantholyse externe).
Sa réalisation dans l'urgence est possible pour permettre Les attaches latérales du lambeau au septum sont libé-
un recouvrement cornéen immédiat. rées pour faciliter le glissement.
Sutures verticales profondes du lambeau enfouies à la
Inconvénients partie externe de la paupière supérieure et au tendon can-
thal externe et au périoste et sutures cutanées.
Deux temps chirurgicaux sont nécessaires pour la réalisa-
tion de ce lambeau.
L'occlusion palpébrale peut être un élément préjudi- Avantages
ciable si l'autre œil n'est pas fonctionnel (atteinte maculaire,
Sa réalisation est simple.
cataracte, ce qui peut être une situation fréquente chez le
L'angle externe reste stable.
sujet âgé).
La courbure semi-circulaire de l'incision permet d'éviter
Après le deuxième temps chirurgical, il existe une
l'affaissement de la paupière et de garder un aspect mongo-
absence de bordure ciliaire au niveau de la paupière supé-
loïde à la paupière inférieure.
rieure ainsi recréée. Le néo-bord palpébral obtenu peut être
On dispose d'une plus grande longueur qu'un lambeau
irrégulier dans certains cas.
droit ne le permettrait.
Pour pouvoir être réalisé, il nécessite l'intégrité de la pau-
Il permet de traiter des déficits plutôt externes de 25 à
pière inférieure.
60 % de la totalité de la longueur palpébrale.
Il s'adapte aussi bien à la paupière supérieure qu'à la pau-
pière inférieure.
Lambeau semi-circulaire
de Tenzel [2, 7–10, 22, 25, 29,
Inconvénients
40, 44, 45]
Un symblépharon peut survenir dans l'angle externe (il
Technique (figure 3.7) s'agit d'une complication rare, si l'on prend soin de récréer
le cul-de-sac conjonctival externe).
Dessin du lambeau semi-circulaire au marqueur dermique La perte du support palpébral de l'angle externe est très
débutant à l'angle canthal externe selon une ligne courbe, rare mais possible, surtout si les deux faisceaux du tendon
convexe en haut passant dans le pli supérieur de la patte canthal externe sont sectionnés.

Figure 3.7
Plastie de glissement de Tenzel.

90
3. Tumeurs palpébrales

Lambeau de rotation de type éléments identiques ce qui donne un résultat esthétique


très satisfaisant.
Abbé On obtient une tension horizontale au niveau de
la paupière inférieure limitant les troubles statiques
Esser en 1919, puis Abbé, suivi de Mustardé en 1970 [1] ­post-opératoires de cette dernière.
ont développé cette technique, utilisée par de nombreux Il n'utilise pas les paupières controlatérales.
auteurs depuis [2, 7–10, 44, 45].

Inconvénients
Technique (figure 3.8)
Il est réalisé en deux temps opératoires.
La longueur du lambeau est égale à celle du déficit palpé- Sa réalisation est plus délicate car elle nécessite de pré-
bral supérieur, moins un quart comblé par laxité. server de façon rigoureuse l'arcade vasculaire marginale.
Le lambeau doit être tracé du coté interne par rapport au Si la perte de substance est importante, un vaste lam-
pédicule pour permettre une rotation côté externe. Le point beau de rotation temporo-jugal doit être associé.
lacrymal et le canalicule doivent être préservés si possible.
Incision curviligne de la paupière inférieure partant du
bord libre descendant dans le fornix et remontant jusqu'à
3 mm du bord libre. Lambeau palpébral supérieur
Rotation du lambeau à 180° vers le bord libre non incisé, unipédiculé [2, 7–10, 28]
après avoir réalisé un lambeau jugal de taille variable sur la
partie externe de la paupière inférieure. On l'appelle lambeau de Fricke lorsque le lambeau est
Sutures du lambeau au déficit. dessiné sur la partie externe du front (figure 3.9) ; il peut,
Section du pont vasculaire, 3 semaines plus tard. de façon plus simple, être dessiné en paupière supérieure
(figure 3.10). Il correspond à l'équivalent externe du lam-
beau orbito-naso-génien de Tessier.
Avantages
Il permet de combler un déficit de plus de 30 % à la totalité Technique
de la paupière supérieure, tout en préservant le canalicule
lacrymal inférieur. Il s'agit d'un lambeau pédiculé rectangulaire de rotation.
Il est un des rares à permettre de reconstituer une bor- Le pédicule est supérieur, en dehors du canthus externe, à
dure ciliaire et remplace les éléments palpébraux par des hauteur de la perte de substance.

Figure 3.8
Lambeau de rotation d'Abbé-Mustardé.

91
Chirurgie palpébrale

Figure 3.9
Lambeau de rotation temporal de Fricke.

Figure 3.10
Lambeau de rotation à partir de la paupière supérieure, pour un déficit de paupière inférieure.

La zone de prélèvement doit être superficielle pour ne Son principal avantage est d'éviter l'apparition d'un ectro-
pas léser les filets du nerf facial. pion de la paupière inférieure après l'exérèse d'un processus
Dessin du lambeau de forme rectangulaire sur le front tumoral grâce à son rôle architectural de traction supérieure.
ou en paupière supérieure. Le lambeau est ensuite avancé Sa réalisation est souvent facilitée chez le sujet âgé par l'exis-
en paupière inférieure au niveau du déficit. tence d'un excès cutané au niveau de la paupière supérieure.
Sutures cutanées par points séparés. De même, un lambeau frontotemporal peut être trans-
posé en paupière supérieure.
Avantages
Inconvénients
Sa réalisation est simple et le risque de nécrose est faible.
Le résultat esthétique est souvent bon avec une cicatrice Seul, il ne permet de combler que des pertes de substance
localisée au niveau du pli palpébral supérieur. de la paupière inférieure limitées en épaisseur et en hauteur.
92
3. Tumeurs palpébrales

Sur le plan esthétique, le résultat est limité par le fait que 3. Association possible avec un greffon chondromuqueux
les cicatrices ne sont pas masquées dans les plis naturels du de muqueuse palatine ou tarsomarginal, ou tarsal pur pour
visage. recréer la lamelle postérieure palpébrale.

Avantages
Lambeau nasogénien de Tessier
Il s'agit d'un lambeau bien vascularisé avec un risque de
Il était utilisé initialement pour les pertes de substances nécrose réduit. Sa réalisation est simple.
nasales. Par la suite, il a été modifié par Tessier en 1960 [41] La cicatrice de prélèvement est peu visible puisqu'elle est
avec une base supérieure pour les pertes de substance pal- située dans un pli naturel, le pli nasogénien.
pébrale [5]. C'est un excellent lambeau pour les pertes de substance
interne de la paupière inférieure avec une très bonne stabi-
lité de la zone de déficit. En effet, il crée, par son épaisseur,
Technique (figure 3.11) un «hamac cutanéomusculaire» stabilisant l'angle interne.
Il est possible de l'associer à d'autres lambeaux dont le
1. Dissection d'un lambeau cutané à base supérieure pédi- lambeau temporojugal.
culé depuis l'angle interne jusqu'à l'aile du nez. Il entraîne moins de complications qu'un lambeau de type
2. Transposition du lambeau par rotation. Mustardé avec, entre autre, un affaissement palpébral moindre
mais également un décollement musculocutané moins étendu.

Inconvénients
Les éléments constitutifs de ce lambeau sont plus épais que
l'ensemble des éléments formant une paupière (malgré cela
le résultat esthétique est souvent bon).
Il présente un pédicule étroit qui peut être à l'origine
d'un bourrelet cutanéograisseux disgracieux nécessitant un
geste chirurgical secondaire à visée esthétique.
S'il est utilisé pour reconstruire la lamelle antérieure, il pré-
sente l'inconvénient de ne pas recréer une bordure ciliaire.

Drapement palpébral type


blépharoplastie inférieure [2, 28]
Technique (figure 3.12)
1. Dessin du lambeau en fonction de la taille de la perte de
substance.
2. Incision cutanée.
3. Décollement de la paupière inférieure comme dans une
blépharoplastie.
4. Drapement vers le haut et vers l'extérieur du lambeau
cutané ou cutanéomusculaire.

Avantages
Figure 3.11 Il permet de combler des pertes de substance horizontales
Lambeau nasogénien de Tessier. de 8 à 10 mm de haut.
93
Chirurgie palpébrale

Figure 3.12
Lambeau de drapement palpébral de type blépharoplastie.

En cas de déficit plus étendu sans atteinte du bord


Il est préférable de réaliser une translation interne de
ciliaire, la région temporojugale peut être décollée.
la région zygomatique en gardant un pédicule inféro-
La stabilité palpébrale est respectée si le tarse reste intact. externe, plutôt que de créer une ascension jugale comme
Imré en 1921 [21].
Inconvénients Une dissection large permet seule une rotation facile du
lambeau.
Il peut entraîner une traction sur le bord ciliaire, mais il
ne peut être réalisé en cas d'atteinte importante de ce
dernier. Avantages
Une bride rétractile au niveau de l'angle interne peut
nécessiter la réalisation d'une plastie en Z associée. Il permet de combler des pertes de substance de taille
variée au niveau de la paupière inférieure, sans avoir recours
à l'utilisation de la paupière supérieure (avec les consé-
Lambeau d'avancement-rotation quences qui en découlent pour la surface oculaire).
Cette technique permet le remplacement de toute la
temporojugal de Mustardé lamelle antérieure de la paupière inférieure et d'une partie
de la joue, en association avec d'autres techniques (greffes
Il a été décrit par Mustardé en 1970 [33] puis repris par tarsoconjonctivales ou de cartilage auriculaire) permettant
de nombreux auteurs [2, 7–10, 22, 25, 28, 29, 32, 33, 38, avec ces dernières de recréer les deux lamelles palpébrales.
44, 45]. La peau zygomatique possède une finesse, une texture
et une couleur assez voisine de la peau palpébrale.
Technique (figure 3.13) Les cicatrices résiduelles sont localisées dans les plis naturels
(pli nasogénien, pattes d'oie et de la région pré-auriculaire).
1. Incision débutant au niveau du canthus externe, diri-
gée ensuite en haut et en dehors de façon courbe vers Inconvénients
l'extrémité du sourcil, en passant par le pli supérieur de la
patte d'oie. Sa réalisation est difficile.
2. L'incision redescend ensuite devant l'oreille jusqu'à 2 cm Elle nécessite une dissection précise (qui court sous le
sous le lobe, puis perpendiculairement, 1 cm vers l'avant. peau jusqu'à 1 ou 2 cm sous l'extrémité du triangle et sous
3. Résection palpébrale triangulaire à base supérieure dont toute la joue) pour ne pas léser le nerf facial et la parotide.
la hauteur doit être égale au double de la base. Il nécessite la reconstruction de la lamelle postérieure
4. Dissection du lambeau après section du tendon canthal (par un greffon tarsoconjonctival prélevé en paupière supé-
externe et des attaches du septum au rebord orbitaire (une rieure par exemple, ou à l'aide de cartilage rétro-auriculaire).
technique de Tenzel est également possible). Sa fixation dans l'angle externe au périoste orbitaire est
5. Rotation du lambeau et fixation au périoste orbitaire nécessaire, sinon le risque de ptose palpébrale est élevé.
dans l'angle externe pour obtenir une stabilité correcte. Il nécessite également une fixation de l'angle interne
6. Sutures cutanées. quand la perte de substance dépasse le point lacrymal.
94
3. Tumeurs palpébrales

Figure 3.13
Lambeau de rotation temporojugal de Mustardé.

Enfin, des excisions triangulaires type triangle de Burow


pour corriger les angles coniques formés par ce lambeau
sont souvent nécessaires.

Lambeau d'avancement cutané jugal


(figure 3.14)
C'est une forme plus limitée du lambeau de Mustardé.
Il peut être associé à une greffe tarsoconjonctivale pré-
levée en paupière supérieure. Ses principaux avantages
sont la rapidité et la simplicité de sa réalisation.
Cependant, un tel lambeau va aboutir à deux cica-
trices verticales et le résultat esthétique, du fait de ces Figure 3.14
cicatrices, sera moins bon qu'avec d'autres lambeaux. Lambeau d'avancement jugal myocutané.
De plus, il expose à un risque d'ectropion de la pau-
pière inférieure surtout si la cicatrice est rétractile.
Pour éviter cet inconvénient, il vaut mieux le combi-
ner à un lambeau de Kollner Hughes pour la lamelle Lambeau bipédiculé de Tripier
postérieure.
Il a été décrit par Tripier [42] (figure 3.15).
95
Chirurgie palpébrale

Figure 3.15
Lambeau bipédiculé de paupière inférieure selon Tripier.
96
3. Tumeurs palpébrales

Technique ● recouvrement cutané par une greffe cutanée (prélevée


en paupière supérieure) ou un lambeau (temporojugal ou
Un lambeau horizontal bipédiculé est disséqué sous la autre) 1 à 2 mm au-dessus pour prévenir les phénomènes
perte de substance palpébrale inférieure importante (toute rétractiles éventuels.
une longueur palpébrale), puis il est remonté au niveau de Second temps :
cette perte de substance. ● section du lambeau trois semaines après le temps initial
Un lambeau identique a été décrit en paupière supé- de façon oblique pour laisser plus de conjonctive que de
rieure pour combler un déficit de la paupière inférieure. tissu cutané.
L'utilisation d'une greffe cutanée pour combler la zone
de prélèvement évite l'apparition d'un ectropion cicatriciel.
Il peut être associé à une greffe tarsoconjonctivale. Avec Avantages
le lambeau de Tripier, la stabilité palpébrale obtenue est
Sa réalisation est simple et facile, surtout chez le sujet âgé
bonne.
qui présente une laxité cutanée permettant de recouvrir
Le deuxième temps du lambeau de Tripier supérieur
facilement le lambeau.
correspond à la section des pédicules afin d'améliorer l'état
Il permet de combler des pertes de substance de taille
esthétique des canthi. En paupière inférieure, cette étape
variable, avec une possibilité de Kollner «oblique» pour
est souvent inutile.
une perte de substance latéralisée (figure 3.17).
Il reconstitue de façon adaptée la lamelle postérieure.
Avantage Il n'utilise pas les paupières controlatérales et le cartilage
rétro-auriculaire, ce qui raccourcit le temps opératoire.
Le résultat esthétique, malgré la présence de cicatrices au
niveau de la joue, est souvent très acceptable ; en effet, les
cicatrices ont une disposition horizontale. De plus, grâce à Inconvénients
la longueur obtenue, on peut combler des déficits étendus
jusqu'aux angles. Il nécessite deux temps opératoires.
Ceci peut être préjudiciable temporairement chez le
sujet monophtalme.
Lambeau de Kollner-Hughes Il ne recrée pas de bord ciliaire au niveau de la nouvelle
paupière.
[19, 24] Il nécessite une paupière supérieure intacte et utilise
cette dernière (des complications, bien que rares, au niveau
Il s'agit d'un lambeau tarsoconjonctival provenant de la du prélèvement sont possibles).
paupière supérieure. Il est inspiré du lambeau tarsocon-
jonctival décrit par Dupuy-Dutemps [13] en paupière supé-
rieure, avec une incision intermarginale de cette dernière
qui n'est plus utilisé désormais.
Lambeau frontoglabellaire
ou frontal médian
Technique (figure 3.16) Il est fréquemment cité [7–10, 25, 34, 35, 39].
Premier temps :
● dessin du lambeau après avoir retourné la paupière Technique (figure 3.18)
supérieure sur une plaque à l'aide de deux fils de tractions ;
● incision du tarse (hauteur de 5 mm sous le bord supé- 1. Repérage de la longueur du lambeau à l'aide d'une règle
rieur) ; la largeur est légèrement inférieure à celle du déficit ; qui sera reportée sur le front, une certaine marge de sécu-
● le tarse, ainsi que l'ensemble conjonctive-Müller est rité (quelques millimètres) doit être ajoutée.
décollé en hauteur (on peut utiliser du sérum physiolo- 2. Incision cutanée respectant le muscle frontal, l'incision
gique pour faciliter le décollement des plans) ; située du côté du déficit doit être plus basse que l'incision
● mobilisation du lambeau en paupière inférieure ; controlatérale.
● sutures de ce dernier au tarse restant ou à défaut, aux 3. Dissection du lambeau (cette dernière ne doit jamais
tendons latéraux ; atteindre la ligne intercanthale).
97
Chirurgie palpébrale

Figure 3.16
Lambeau d'abaissement du bloc conjonctivo-müllérien de Kollner-Hughes.

Figure 3.17
Lambeau de Kollner-Hughes oblique.

98
3. Tumeurs palpébrales

Figure 3.18
Lambeau frontoglabellaire médian de rotation.

4. Descente du lambeau au niveau de la zone de déficit. La cicatrice médiane de prélèvement sera située dans
5. Décollement des berges frontales pour faciliter la suture les plis de froncement des muscles corrugateurs présents
et fermeture par points séparés. naturellement à partir d'un certain âge ; cette dernière sera
Deux ou trois semaines plus tard, plastie éventuelle à la base donc peu visible.
du lambeau pour supprimer le bourrelet créé par la rotation, sans
oublier de vérifier auparavant la vascularisation de ce dernier.
Inconvénients
Avantages La cicatrice médiane peut être inesthétique devant une
grande perte de substance imposant la réalisation du lam-
Ce lambeau est idéal pour les pertes de substance localisées beau jusqu'à la racine des cheveux.
au niveau du canthus interne et de la racine du nez. Il nécessite une dissection prudente afin de respecter la
Il est bien vascularisé (les différents éléments de ce lam- richesse vasculaire de cette région, et en particulier les vais-
beau sont nourris par les vaisseaux glabellaires), le risque de seaux glabellaires ; la lésion de ces derniers peut être respon-
nécrose est donc limité. sable de saignements peropératoires gênant la réalisation
Ce lambeau est relativement simple dans sa réalisation du geste chirurgical d'une part, et pouvant entraîner un
en raison de la laxité des téguments de la région inter-sour- hématome postopératoire source d'infection potentielle
cilliaire, permettant une bonne mobilité. d'autre part.

99
Chirurgie palpébrale

Lambeau de glissement frontal Lambeau de glissement


Les résultats esthétiques obtenus avec un lambeau de
bipalpébral
glissement type VY [2, 28] sont nettement supérieurs aux
Décrit par Morax dès 1899 [30], puis utilisé par de nom-
autres plasties frontoglabellaires.
breux auteurs [2, 7–10, 18, 22, 32] et combiné plus récem-
ment avec une greffe cutanée [4], il est de conception
Technique (figure 3.19) simple (figure 3.20).
La technique est identique mais on utilise plus le glissement
que la rotation complète du lambeau médian : Technique
● mesure de la perte de substance ;
Il utilise un lambeau de glissement pour combler un déficit
● repérage au niveau temporofrontal de la zone qui sera
de l'angle interne :
mobilisée en lambeau ; ● dessin d'un lambeau rectangulaire sur chaque paupière ;
● dessin au dermomarqueur (pédicule de 12 mm minimum) ; ● dissection de chaque lambeau dont la longueur dépend
● dissection du lambeau en préservant le système artériel
de celle de la perte de substance :
nourricier (supratrochléaire) ; ● en paupière supérieure, 2 mm sous le sourcil et 2 mm
● mobilisation du lambeau ;
au-dessus des cils,
● sutures du lambeau cutané axial au niveau du déficit. ● en paupière inférieure, 2 mm sous les cils et 10 à 15 mm
en-dessous de l'incision précédente ;
Avantage
● suture sans tension.

Elle permet une correction peropératoire de la perte de


substance en un seul temps, alors que les autres lambeaux Avantages
nécessitent souvent une reprise de la base du pédicule.
Sa réalisation est simple.

Figure 3.19
Lambeau frontal V-Y de glissement.

100
3. Tumeurs palpébrales

Figure 3.20
A. Lambeau de glissement bipalpébral associé à une greffe cutanée. B. Lambeau pédiculé temporal.

Il permet de combler des pertes de substance de tailles tale du lambeau, la topographie et la profondeur du déficit.
variées. Dans les grandes pertes de substance, il peut être asso- Le déficit idéal est de forme ronde ou ovale pour permettre
cié à une greffe cutanée ou bien à un lambeau frontoglabellaire. une bonne apposition :
Le résultat esthétique est en général bon puisque les ● la longueur verticale du déficit, avec un angle de
tissus utilisés ont une texture proche de celle du tissu à 45°, permettra de déterminer le centre de rotation du
remplacer. lambeau ;
Il peut être utile en cas de radiothérapie où les greffes ● à partir de la longueur horizontale du déficit et du centre
larges présentent un risque considérable de nécrose. de rotation, un arc de cercle sera tracé au marqueur (selon
Il n'utilise pas les paupières controlatérales et le tarse un arc de cercle au-dessus du nez) ;
(peu de risques d'instabilité palpébrale). ● l'incision du lambeau se fera au bistouri et n'intéressera
Le risque de nécrose est faible. que le derme. Elle débutera au bord supérolatéral du défi-
Les cicatrices sont peu visibles. cit, puis sera poursuivie selon l'arc de cercle. Il sera ensuite
disséqué aux ciseaux, son épaisseur dépendra de celle du
déficit ;
Inconvénient
● il sera suturé aux berges du déficit après avoir été ancré
par deux points au lit du déficit ;
Un repli peut apparaître au niveau de la suture des deux ● un pansement compressif sera mis en place pendant
lambeaux ; celui-ci sera prévenu par un léger évidem-
24 heures.
ment sur le bord inférieur du lambeau supérieur qui ne
devra pas être excessif (risque de tension).
Avantages
Sa réalisation est simple.
Il évite les cicatrices verticales dans les plis naturels du
Lambeau d'avancement massif nasal. On n'observe pas de bourrelet cutanéograis-
transnasal [11, 31, 35, 36] seux disgracieux à la base du nez comme dans les lambeaux
frontoglabellaires.
Technique (figure 3.21) On n'obtient pas de déplacement médial des sour-
cils.
Plusieurs paramètres importants sont à prendre en compte, Une contre-incision controlatérale d'Imré permet d'ac-
en particulier la longueur verticale et la longueur horizon- croître la longueur du lambeau.
101
Chirurgie palpébrale

Figure 3.21
Lambeau d'avancement rotation transnasal.

Inconvénients
Il peut être utilisé uniquement pour un déficit de l'angle
interne de taille minime à modérée.
Le port des lunettes est déconseillé pendant la période
de la cicatrisation [36].

Lambeau de périoste
Il a été décrit par Weinstein [46].

Technique (figure 3.22)


1. Incision cutanée dans le pli médian de la patte d'oie.
2. Dissection d'une lamelle périostée rectangulaire avec
une charnière externe :
3. Un premier rectangle oblique de 45° sur l'horizontale en
bas et en dehors est réalisé pour la paupière supérieure ; un
autre rectangle oblique de 45° sur l'horizontale en haut et
en dehors est réalisé pour la paupière inférieure.
Figure 3.22
4. Les deux triangles peuvent être croisés pour établir une
Lambeau de périoste.
traction plus physiologique des paupières.

Son résultat dépend également de la cicatrisation du


Avantages lambeau myocutané avec lequel il est associé.
Il permet par sa suture au tarse restant de remplacer une
partie externe du tarse et du ligament latéral externe.
La stabilité de la lamelle postérieure est ainsi obtenue. Greffon tarsomarginal
La partie antérieure sera recréée par l'association avec un de Hübner [18, 20]
lambeau cutané.
Technique (figure 3.23)
Inconvénients
Un transplant tarsomarginal est prélevé en paupière saine
Un ectropion ou une chute de l'angle externe sont sur la lamelle postérieure après une incision cutanée en
possibles. arrière de la bordure ciliaire.
102
3. Tumeurs palpébrales

Figure 3.23
Technique du greffon tarsomarginal de Hübner appliquée à un déficit de plus de la moitié de la paupière supérieure.

Il existe plusieurs sites de prélèvement possibles : pau- Inconvénients


pière inférieure controlatérale, paupière supérieure contro-
latérale, paupière saine homolatérale (il est préférable de Il nécessite le prélèvement au niveau des paupières saines
prélever au niveau de la paupière inférieure afin de pré- avec un risque de cicatrices inesthétiques sur ces dernières.
server la paupière supérieure et d'éviter des complications Il ne permet pas la reconstruction de la presque totalité
cornéennes). d'une paupière.
Puis, modification du transplant : à partir du quart de
paupière toute épaisseur de forme pentagonale, on retire
ensuite la lamelle antérieure myocutanée 1 à 2 mm en Lambeau de fascia temporal
arrière des cils.
[16, 23, 37]
Avantages Technique (voir figure 3.20)
Il permet de combler des pertes de substance d'environ 25 Premier temps :
à 75 % de la longueur palpébrale. ● repérage des vaisseaux temporaux superficiels ;
L'association de 2 à 3 greffons est possible. ● dessin au marqueur des incisions au niveau temporal ;
Un seul greffon associé à une technique de Tenzel per- ● incision du derme ;
met de reconstruire plus de 50 % de la paupière (60 % chez ● dissection du plan cutané à la base des follicules en res-
le sujet âgé). pectant le réseau vasculaire temporal superficiel ;
Il permet de reconstituer un plan palpébral profond et ● repérage de la taille de lambeau nécessaire pour pouvoir
donc de recréer une paupière stable. combler le déficit palpébral ;
103
Chirurgie palpébrale

● dissection du fascia temporal au-dessus du muscle tem- Il s'agit d'un lambeau de voisinage, évitant le recours à
poral avec son pédicule vasculaire ; d'autres lambeaux plus éloignés et donc de réalisation plus
● mise en place du lambeau avec sa vascularisation au délicate.
niveau du déficit par passage sous-cutané. Il est rendu possible par la richesse et la constance du
Second temps : réseau artériel temporal mais également veineux.
● le lambeau, après avoir été mis en nourrice, sera recouvert
d'une greffe de peau totale (prélevée au niveau du creux
sus-claviculaire) ou de peau mince (prélevée au niveau des Inconvénients
membres inférieurs sur la cuisse) ; Sa réalisation est difficile, elle nécessite de respecter, lors de la
● ce second temps sera réalisé si le lambeau doit être fendu dissection, le réseau temporal superficiel au risque de com-
secondairement pour reconstruire les deux paupières et promettre la vitalité du lambeau et donc la réparation palpé-
que le réseau nourricier ne le permet pas durant le premier brale ; en effet, le réseau de drainage veineux est très fragile.
temps de la procédure ; Du fait de cette difficulté, la réalisation est longue.
● une variante consiste à utiliser l'artère temporale comme Il nécessite une greffe cutanée ce qui n'est pas le cas avec
support d'une «pastille» cutanée pouvant remplacer le un lambeau frontal par exemple.
sourcil (figure 3.24). Lorsqu'une radiothérapie est utile en cas de pathologie
tumorale, sa vitalité peut être compromise.
Avantages
Il apporte une grande quantité de tissu pour combler des
pertes de substances palpébrales supérieure et inférieure,
Conclusion
mais également des pertes de substances plus importantes Il existe de nombreuses possibilités chirurgicales permet-
de la région péri-orbitaire (joue, front et sourcils). tant de traiter les pertes de substance palpébrale variées.
Les résultats esthétique et fonctionnel sont souvent Chaque praticien doit connaître les différentes possibilités
bons, une fois la greffe cutanée réalisée. qui s'offrent à lui pour pouvoir choisir la technique chirur-
Outre la quantité de tissu apportée, la texture du fascia gicale en fonction des avantages et des inconvénients de
temporalis permet aux paupières de retrouver une texture chacune.
et une souplesse impossibles avec un lambeau frontal par
exemple.
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Principes thérapeutiques et indications


de technique de réparation palpébrale
J.-P. Adenis

Principes de reconstruction de greffon doit être effectué, il est préférable de prélever en


paupière inférieure plutôt qu'en paupière supérieure.
Règles générales
Pour restaurer la statique palpébrale, il est indispensable
La reconstruction doit d'abord restaurer la paupière supé-
de reconstituer d'abord un bon bord libre, une marge
rieure qui est la plus importante. De même, si un prélèvement

105
Chirurgie palpébrale

de la lamelle postérieure tarsoconjonctivale permet une


palpébrale stable et la bonne position des tendons can- meilleure reconstruction esthétique qu'un prélèvement
thaux interne et externe, sur le tubercule de Whitnall en- toute épaisseur de la paupière, qui laisse une ligne de suture
dehors et la crête lacrymale postérieure en-dedans.
verticale. On peut associer jusqu'à trois greffons pour
reconstituer trois fois un quart, et donc toute la longueur
nécessaire d'une paupière inférieure. La lamelle antérieure
Il est déconseillé, pour réparer plusieurs lamelles, de
est reconstituée par un lambeau myocutané qui apporte la
superposer plusieurs greffons, car il y a un fort risque de
vascularisation indispensable.
nécrose. Il est préférable d'associer un greffon à un lambeau ● La greffe chondromuqueuse nasale ou palatine peut rem-
qui apportera la vascularisation, ou d'associer plusieurs lam-
placer l'unité tarsoconjonctivale.
beaux. Les associations les plus fréquentes sont : ● La greffe de cartilage auriculaire ou alaire (à la place de la
● un lambeau cutané avec une greffe tarsoconjonctivale ;
sclère) peut être utile pour remplacer le tarse seul.
● une greffe cutanée avec un lambeau tarsoconjonctival ; ● En cas de déficit conjonctival, la greffe muqueuse est pré-
● un lambeau cutané avec lambeau tarsoconjonctival [1].
levée le plus facilement en lèvre inférieure, à la face interne
La suture des bords palpébraux sera réalisée en deux
de la joue (en respectant le canal de Sténon). En revanche,
plans. Les tarses sont d'abord rapprochés par des points
la quantité de conjonctive bulbaire disponible est plus
profonds de fil résorbable au niveau des rétracteurs ou
limitée.
de la zone du muscle de Müller. Puis, deux à trois points ● En cas de déficit conjonctival important, il est plus
sont placés au niveau du bord libre pour restaurer la marge.
simple d'utiliser une greffe de membrane amniotique.
Les chefs de ces points marginaux seront rabattus dans les ● Dans l'angle externe, on peut utiliser un lambeau de
nœuds de la suture cutanée. La suture cutanéo-orbiculaire
périoste.
termine le geste.
Les voies lacrymales seront respectées ou reconstruites,
dans le même temps opératoire si possible.
Suivant la règle des quarts de Mustardé, les déficits de
Réparation de la lamelle antérieure
moins d'un quart de longueur totale chez le jeune, et de On utilisera par ordre de préférence une greffe cutanée
moins d'un tiers chez le sujet âgé, peuvent être réparés si on a un lambeau postérieur, et un lambeau si on a une
par rapprochement simple. Pour des déficits un peu plus greffe postérieure, ou l'association de deux lambeaux.
importants, d'autres gestes sont nécessaires, en association La greffe cutanée est un greffon de peau totale ou de
avec le rapprochement simple comme la cantholyse selon peau mince préparé au dermatome. Par rapport à la greffe
Tenzel par exemple. de peau mince, la greffe de peau totale se rétracte moins,
offre une couleur plus proche du tissu remplacé et ne se
Réparation de la lamelle postérieure pigmente pas secondairement (sauf exposition solaire trop
précoce). Les sites de prélèvement possibles se situent :
On utilisera dans l'ordre de préférence les techniques ● en paupière supérieure, au-dessus du pli palpébral, et
suivantes. donnent un greffon fin et de même couleur ;
● Le prélèvement d'un long fragment de tarse à partir de la ● dans la région rétro-auriculaire ;
paupière supérieure saine peut être réalisé ainsi : incision ● dans le creux sus-claviculaire et à la face interne du bras.
horizontale non transfixiante par voie postérieure à 3 mm Le greffon est appliqué fermement sur le lit receveur soit
du bord inférieur de la paupière, puis réalisation d'une inci- par un pansement de tulle gras fixé par des points trans-
sion parallèle à la limite tarse-Müller et ablation d'un frag- fixiants, soit par une éponge circulaire fixée par des points
ment de tarse de 20 à 22 mm de long. profonds, ou des points transfixiants le greffon et le lit rece-
● Le greffon tarsomarginal de Hübner exploite la règle des veur en cercles concentriques.
quarts de Mustardé. Un quart de paupière est prélevé avec Les lambeaux myocutanés sont détaillés dans un cha-
une forme pentagonale de sorte que les côtés verticaux pitre à part.
du pentagone représentent toute la hauteur du tarse. On Le lambeau de translation est taillé aux dépens de la
a préalablement incisé et soulevé la peau et le muscle orbi- zone contiguë et vient recouvrir la perte de substance sans
culaire sur toute la longueur de la paupière à ± 3 mm de la enjamber de zone saine. Le lambeau de transposition est
marge, afin de ne prélever que le greffon tarsoconjonctival. taillé à distance de la perte de substance et transféré vers
Cette technique séparant la lamelle antérieure myocutanée celle-ci en enjambant une zone saine.
106
3. Tumeurs palpébrales

Technique du « laisser-faire » pour un déficit de 50 % et deux à trois greffons au-delà. Le


lambeau myocutané peut être un lambeau pédiculé, taillé
Elle consiste, pour un déficit purement myocutané (ce qui plus bas sur la paupière ou bipédiculé en paupière supé-
est fréquent dans la commissure interne) ou comportant rieure. Toutefois, le plus souvent, on utilise un lambeau de
peu de déficit tarsoconjonctival, à attendre sur plusieurs rotation myocutané semi circulaire.
semaines la cicatrisation spontanée qui parfois est excel- Pour la lamelle antérieure, plusieurs lambeaux cutanés
lente qualité esthétique. Ce type de reconstruction spon- sont utilisables en paupière inférieure :
tanée convient tout à fait aux déficits de la commissure ● pour la région interne : lambeau nasogénien de Tessier ;
interne mais sa lenteur fait souvent préférer une greffe sauf ● pour la totalité de la paupière : lambeau de Trépier ;
si le tissu avoisinant est de mauvaise qualité. ● pour la région médiane et externe : lambeaux de Knappe,
Fricke, Mustardé et Tenzel.

Indications de techniques Un lambeau de rotation myocutané semi-circulaire


de réparation palpébrale (Mustardé, Tenzel) permet théoriquement de fermer un
déficit des deux tiers de la paupière, à la condition que le
canthus externe soit indemne.
Paupière inférieure Pour la technique de Tenzel, il convient pour combler un
Pour des déficits de moins de 25 %, la fermeture directe est déficit du tiers externe de la paupière inférieure.
généralement possible.
Entre 25 et 35 %, il est en général nécessaire d'associer
une canthoplastie de relaxation de Tenzel sauf chez le sujet
âgé dont les paupières sont très laxes.
Paupière supérieure
Les techniques de choix pour reconstruire la lamelle pos- Les déficits de 25 à 35 % sont réparés de la même façon que
térieure dans les déficits palpébraux au-delà de 35 % sont : pour la paupière inférieure, par fermeture directe avec ou
● l'association d'un large prélèvement horizontal de tarse sans canthoplastie.
en paupière supérieure controlatérale à un lambeau myocu- Les déficits supérieurs à 35 % peuvent être réparés de
tané bipédiculé selon la technique décrite par Patrinely [2]. quatre façons principales pour ce qui est de la lamelle
Le plus important dans ce prélèvement est de laisser une postérieure :
bande de 3 à 4 mm de haut de tarse indemne a­ u-dessus ● par l'association d'un large prélèvement horizontal de
de la bordure ciliaire ; le prélèvement tarsal s'effectuant tarse en paupière supérieure controlatérale selon la tech-
au-dessus ; nique décrite par Patrinely [2] et d'un lambeau myocutané
● l'association d'un à trois greffons tarsoconjonctivaux à bipédiculé selon Tripier ;
un lambeau myocutané selon la technique de Hübner ; ● selon la technique d'Hübner (déjà décrite). Ici par contre,
● l'association un greffon de muqueuse palatine et d'un il est plus facile d'utiliser un lambeau bipédiculé disséqué sur
lambeau myocutané ; la partie préseptale de la paupière supérieure, ou un lambeau
● le lambeau tarsoconjonctival de Köllner-Hughes associé myocutané de glissement ou de transposition palpébral ;
à un lambeau myocutané. ● selon la technique de Cutler-Beard réalisée en deux
Les techniques de choix pour reconstruire des déficits de temps séparés de 3 à 6 semaines. Il est préférable de laisser
90 à 100 % sont : 5 à 6 semaines intermédiaire si on utilise un lambeau myo-
● le lambeau tarsoconjonctival de Köllner-Hughes (tech- cutané vertical d'avancement afin d'éviter l'ectropion ;
nique en deux temps). La technique de Köllner-Hughes est ● selon la technique d'Abbé-Mustardé réalisée en deux
plus rapide mais elle nécessite deux temps : l'opération de temps [1]. Dans cette technique, après avoir réalisé un
clivage horizontal médian étant séparée de l'opération de la lambeau de rotation en paupière inférieure et sur l'angle
mise en place du lambeau d'un intervalle de trois à quatre interne, la partie libérée toute épaisseur en paupière infé-
semaines permettant la prise de vascularisation du greffon ; rieure est placée dans le déficit de la paupière supérieure
● l'association de trois greffons de Hübner (technique en après une rotation de 180°.
un temps). La technique de Hübner a l'avantage d'être une La lamelle antérieure est comblée par une greffe de peau,
technique en un seul temps opératoire. C'est la technique un lambeau de glissement de Knappe ou de Tripier, ou de
que nous utilisons en pratique courante avec un seul ­greffon rotation de Fricke.
107
Chirurgie palpébrale

Région des angles ● de provenance interne de la paupière supérieure (ou


inférieure) ;
Les techniques de comblement sont nombreuses et font le ● de provenance externe par un lambeau de Tenzel ou de
plus souvent appel à des greffes cutanées toute épaisseur, Mustardé ;
des lambeaux alphabétiques, des lambeaux glabellaires ou ● de provenance immédiate dans le lambeau de MacGre-
des lambeaux rhomboïdes. gor ou le lambeau trapézoïdal.
Le tendon canthal externe peut être refait soit par
Commissure interne «laisser-faire» le long de sutures fixées au rebord osseux
Technique du « laisser-faire » ou par un lambeau retourné rectangulaire de périoste de
Weinstein à partir du rebord orbitaire externe.
Elle consiste, pour un déficit purement myocutané (ce
qui fréquent dans la commissure interne) ou comportant
peu de déficit tarsoconjonctival, à attendre sur plusieurs Les greffes cutanées sont déconseillées dans l'angle
semaines la cicatrisation spontanée qui parfois est d'une externe.
excellente qualité esthétique. Ce type de reconstruction Dans les déficits majeurs, on peut utiliser un lambeau de
spontanée convient tout à fait aux déficits de la commis- muscle temporal ou d'aponévrose temporale pour com-
sure interne mais sa lenteur fait souvent préférer une greffe, bler la perte de substance.
sauf si le tissu avoisinant est de mauvaise qualité.

Technique de greffes ou de lambeaux


Références
Les déficits myocutanés de surface seront réparés :
● par une greffe de peau totale ; [1] Aguilar GL, Egbert P. Eyelid tumors. Curr Opin Ophthalmol 1992 ;
● par un lambeau frontoglabellaire ou de glissement fron- 3 : 333–40.
tal médian, ou de glissement bipalpébral ou de glissement [2] Patrinely JR, O'Neal K, Kersten RC, et al. Total upper eyelid recons-
truction with mucosalized tarsal graft and overlying bipedicle flap.
transnasal. Arch Ophthalmol 1999 ; 117 : 1655–61.
En cas d'atteinte du sac lacrymal, comme il est fréquent
dans les récidives après radiothérapie, le problème essen-
tiel de la reconstruction est celui de créer une direction
de traction oblique, en-dedans et en arrière dans le sens Pour en savoir plus
de l'action du muscle de Duverney, pour plaquer la future
Adenis JP, Smolik I, Catanzano G, et al. Tumeurs des paupières : aspects
paupière contre le globe. Pour cela, on peut utiliser des cliniques et thérapeutiques. In : Chirurgie palpébrale. Paris : Doin ;
microplaques en titane fixées sur la crête lacrymale anté- 1991. p. 97–130.
rieure et sur laquelle on attachera, sur l'orifice le plus pos- Ismaeli B. Advances in the management of malignant eyelid tumors. Intl
térieur, les fils de Goretex® placés en traction sur le tarse Ophthalmol. Clinics 2002 ; 42(2) : 152–62.
des paupières. On entendra par « laisser-faire », la recons- Ismaeli B. Sentinel Lymph node mapping for patients with cutaneous and
truction d'un nouveau tendon canthal interne en position conjunctival malignant melanoma. Ophthalmic Plastic Reconstr
physiologique. Surg 2000 ; 16(3) : 170–2.
McCord CD. System of repair of full-thickness eyelid defects. In :
McCord CD, Tanenbaum M, Nunery W, editors. Oculoplastic sur-
Commissure externe gery. New York : Raven Press ; 1995. p. 85–97.
À l'opposé, les déficits de la commissure externe sont peu Mohs FE. Chemosurgery : microscopically controlled surgery for skin
favorables à une greffe cutanée. Ils seront facilement répa- cancer. Springfield : Charles C Thomas 1978.
rés en surface par des lambeaux de glissement rectangu- Mohs FE. Mohs micrographic surgery. A historical perspective. Dermatol
Clin 1989 ; 7 : 609–11.
laires myocutanés :

108
Chapitre 4
Traumatologie palpébrale
J.-P. Adenis, P. Camezind

PLAN DU C HAPITRE
Réparations palpébrales
dans les traumatismes palpébraux 110
Principes généraux de réparation palpébrale 110
Différents traumatismes et leurs réparations 110
Conclusion 116
Traumatologie des canalicules 116
Clinique et indications thérapeutiques 116
Réparation des canalicules lacrymaux 120
Conclusion 128

Chirurgie palpébrale
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Chirurgie palpébrale

Réparations palpébrales dans les traumatismes palpébraux

Principes généraux Différents traumatismes


de réparation palpébrale et leurs réparations
Plusieurs points sont essentiels : Plaies palpébrales
● il faut remettre en place les points de repère anato-
miques de la paupière : angle interne, angle externe, bord sans perte de substance
libre et ligne grise. Un bord libre stable et bien aligné est très Les plaies superficielles intéressent le plan cutanéomus-
important pour le résultat esthétique ; culaire. Les plaies horizontales ne nécessitent pas forcé-
● l'excision des tissus mous contus doit être la plus conser- ment de suture musculaire. Des points séparés cutanés au
vatrice possible [6, 7] ; Prolène 6/0, ou bien un surjet, donnent d'excellents résul-
● la remise en place des éléments osseux sous-jacents doit tats dans la majorité des cas. Lorsque la plaie est verticale, il
toujours précéder la réparation autoplastique des parties est toujours préférable de réaliser un suture musculaire par
molles [7] ; des points séparés de fils résorbable 6/0 avant de suturer la
● il faut éviter de placer des sutures en contact quelconque peau comme précédemment cité.
avec la cornée ou la conjonctive ; Les plaies profondes intéressent le plan tarsoconjonctival :
● en cas de perte de substance, la réparation doit toujours ● les plaies tarsales seront, de même, suturées soit par des
se faire plan par plan, en prenant bien soin de reconstruire points séparés de fil résorbable ne prenant pas toute l'épais-
une lamelle antérieure et une lamelle postérieure. Celle-ci seur du tarse et dirigés vers l'avant pour éviter de frotter la
peut être réalisée soit par des lambeaux, soit par la super- cornée, soit éventuellement, si la plaie est horizontale, par
position d'une greffe et d'un lambeau ; mais en aucun cas, un surjet dont les deux extrémités sont arrimées à la peau
on utilisera la superposition de deux greffes puisque le par un ruban type Stéri-Strip™ ;
caractère avasculaire des greffes vouerait la reconstruction ● les plaies conjonctivales ne nécessitent pas toujours une
à un échec certain [2]. suture ; lorsque celle-ci doit être réalisée, on utilisera du
La peau palpébrale a une structure très fine et une monofilament à nœuds enfouis.
coloration particulière. C'est la raison pour laquelle Les plaies toute épaisseur doivent être suturées plan par
sa reconstruction doit bénéficier plutôt de lam- plan [4, 6]. On doit apporter une attention toute parti-
beaux locaux que de lambeaux à distance. On devra culière à l'alignement du bord libre lorsque la plaie l'inter-
toujours privilégier une greffe cutanée prélevée en rompt, de façon à permettre un affrontement parfait des
paupière supérieure plutôt qu'une greffe à distance deux berges de la plaie, en s'aidant des repères anatomiques
(peau prélevée en région rétro-auriculaire ou bien tels que la ligne grise par exemple.
sus-claviculaire).
Les cicatrices de la face doivent tenir compte des lignes Technique 1 : suture d'une plaie palpébrale
naturelles de la face (ligne de Langer). La vascularisation simple transfixiante (figure 4.1)
palpébrale est si riche qu'elle permet des autoplasties mul-
tiples utilisant des lambeaux très allongés à pédicule étroit, 1. Dans un premier temps, on place une suture résorbable de
à tension parfois importante. 6/0 dans le cul-de-sac à la jonction rétracteurs et tarse inférieur.
2. Puis, on place deux sutures de Prolène 6/0 sur le
bord libre. Pour cela, on utilise deux points perpen-
diculaires entre eux de fils non résorbable 6/0 ; l'un
L'examen de l'intégrité du globe oculaire doit être sys-
tématique devant tout traumatisme palpébral, ainsi que d'entre eux entre au niveau de la ligne grise et ressort
celle du système lacrymal excréteur. Leurs réparations un peu avant la jonction tarse/rétracteurs pour passer
doivent toujours être réalisées dans le même temps sur l'autre berge de la même façon. Le deuxième entre
opératoire. au niveau cutané deux millimètres sous la bordure
ciliaire et passe dans l'épaisseur du tarse et traverse de

110
4. Traumatologie palpébrale

1
2
3
4

Vicryl 6/0

Prolène 6/0

Figure 4.2
Variante avec nœuds enfouis.

Arrachements et avulsions palpébrales


Survenant dans des circonstances particulières (morsure
d'animal, crochetage par fils de fer, etc.), la rupture va sur-
venir le plus souvent au point faible des paupières (partie
lacrymale du bord libre en paupière supérieure et inférieure,
squelette tarsal en bloc en paupière supérieure).
Figure 4.1
Technique de suture d'une plaie palpébrale.
Avulsion de la paupière inférieure
Le ligament canthal interne reste souvent en place, la
l'autre côté de façon symétrique. Il représente le brin
désinsertion passe au ras de celui-ci ; il existe une plaie
perpendiculaire au tarse.
du canalicule inférieur nécessitant une suture en semi-
3. On serre le brin résorbable dans un premier temps, puis
urgence (délai de 48 heures au maximum). Celle-ci sera
le brin du bord libre, enfin le brin dit perpendiculaire. Les
réalisée sous anesthésie générale et sous microscope
brins du bord libre seront ensuite passés et serrés dans le
opératoire, après avoir retrouvé les deux segments cana-
point dit perpendiculaire pour être rabattus vers l'avant et
liculaires sectionnés (on peut s'aider d'une sonde de
éviter de frotter la cornée.
Bowman 00).
Variante technique avec nœuds enfouis Technique 2
pour le bord libre (figure 4.2)
1. Mise en place d'une suture de Vicryl 5/0 sous le tarse et
1. On utilise alors des sutures résorbables type Vicryl rapide sur les rétracteurs en dehors et sur le muscle de Duverney
6/0 ou 5/0. Horner en-dedans.
2. La suture du bord libre est faite au niveau de la ligne grise 2. Mise en place de trois à cinq sutures de monofilament
à nœuds enfoui, suivie d'une autre suture parallèle un peu 8/0 ou 9/0 à nœuds externes sur la paroi canaliculaire. Afin
plus superficielle. d'éviter de les mélanger, on collera à la périphérie du champ
3. Une suture perpendiculaire à la paupière est faite un peu opératoire les fils par paires à l'aide de Stéri-strips™.
en-dessous, à la bordure ciliaire pour une paupière infé- 3. L'intubation n'est pas obligatoire, mais plus la plaie
rieure et vice versa pour la supérieure. est interne plus elle est utile. On utilisera une sonde
111
Chirurgie palpébrale

A 5.0

8/0
5/0
B C
4
4

Figure 4.3
3 Suture au monofilament d'une plaie canaliculaire.
3 2 A. Mise en place d'une suture de Vicryl 5/0 entre le chef
profond du muscle de Duverney-Horner et la partie externe
1 du tarse. B. Mise en place d'une suture de monofilament 8/0
2 à la partie la plus profonde de la section canaliculaire. C. Mise
en place des sutures 8/0 aux points cardinaux de la section.
0 D. Mise en place de Stéri-Strips™ sur les sutures de 8/0 dans
un ordre précis de la profondeur vers la superficie. E. Serrage
D 1 E définitif des sutures.

c­ analiculaire «minimonoK» que l'on met en place à partir La suture du releveur peut s'accompagner d'un ptosis si
du point lacrymal, puis vers le sac lacrymal et qui sera lais- on laisse persister une déhiscence, ou d'une rétraction, voire
sée en place 2 à 3 semaines. d'une simple lagophtalmie vers le bas, si on a trop plicaturé
4. Le point de rapprochement résorbable type Vicryl 5/0, le muscle ou l'aponévrose, ou par fibrose secondaire.
mis en place avant le serrage des points de monofilament, La paupière sera suturée au moignon canthal interne par
est alors serré permettant de serrer ensuite les sutures cana- du fil résorbable. En cas de plaie canaliculaire supérieure,
liculaires sans risque de section et avec la tension minimale elle sera suturée de façon identique à une plaie canaliculaire
(figure 4.3). inférieure. Comme toujours, chaque plan sera suturé sépa-
rément en commençant bien entendu par le plan profond
Avulsion de la paupière supérieure et en évitant les sutures à nœuds postérieurs.
La rupture se fait au niveau de l'angle interne et du tarse [3]
ou dans le cul-de-sac au niveau du pli palpébral supérieur.
On doit toujours vérifier l'intégrité du muscle releveur de la
Avulsion de l'angle interne
paupière supérieure et de son aponévrose ; en cas de plaie Elle est rare et s'associe souvent à une fracture orbitaire
de celle-ci, elle sera suturée au Vicryl 6/0 et ramarrée au interne ; le signe caractéristique est la dystopie canthale.
bord supérieur du tarse (figures 4.4 et 4.5). Numéro entouré. Après vérification de l'intégrité du système lacrymal
112
4. Traumatologie palpébrale

Figure 4.4
Plaie de la paupière supérieure complexe comportant une plaie
du releveur.

Figure 4.6
Différents lambeaux en pathologie traumatique palpébrale.

La voie d'abord utilise la plaie opératoire ou à défaut une


incision myocutanée sous-ciliaire externe se poursuivant
dans le pli médian de la patte d'oie (type canthoplastie
externe de Tenzel).

Réparation secondaire
de pertes de substance palpébrale
Figure 4.5 Relativement rare en traumatologie, leurs réparations
Après suture du releveur, présence d'une légère lagophtalmie nécessitent l'utilisation de lambeaux et de greffes. Lorsque
dans le regard vers le bas.
ce traitement ne peut être réalisé en urgence, il convient
de protéger le globe oculaire soit par traction de la pau-
e­ xcréteur (suivie de leurs réparations éventuelles en cas pière saine par un fil de traction passé dans le bord libre et
de lésion) et un bilan radiologique complet (tomodensi- maintenu à la peau au moyen de Stéri-strip™, soit par un
tométrie), il convient de réaliser une canthopexie interne recouvrement conjonctival en cas de déficit majeur palpé-
transnasale par l'intermédiaire de fils d'acier sertis. bral supérieur et inférieur.

Avulsion de l'angle externe Lambeaux


Rare en traumatologie, elle est de traitement relativement Ce sont des lambeaux de voisinage [5], décrits au cha-
simple par suture directe du ligament à la partie interne du pitre consacré aux tumeurs palpébrales. On distingue
périoste orbitaire au moyen de fil non résorbable 4 ou 5/0. (figure 4.6) :
113
Chirurgie palpébrale

● les lambeaux de glissement correspondant au décolle- ou bien dans la région sus-claviculaire. Maintenue en
ment myocutané des berges d'une perte de substance ; place par des points séparés de fils non résorbables 6/0,
● les lambeaux d'avancement correspondant soit au lam- elle peut être trouée en plusieurs endroits (ce qui permet
beau rectangulaire de Knappe, soit à une plastie en YV, soit son allongement ainsi que l'évacuation d'un éventuel
à une plastie en losange ; hématome). On doit toujours assurer sa contention au
● les lambeaux de transposition et de rotation : le lambeau moyen d'un bourdonnet sur lequel des chefs longs de
temporofrontal, temporojugal à pédicule supérieur, pal- suture sont noués et enlevés à J5, permettant l'applica-
pébral supérieur à pédicule externe, palpébral supérieur à tion parfaite de la greffe.
pédicule interne, nasogénien, frontal médian ; Les greffes muqueuses : la conjonctive représente le
● la plastie en Z tenant une place toute particulière en meilleur tissu. À défaut, on utilisera la greffe de membrane
chirurgie reconstructrice, permettant d'inverser de 90° l'axe amniotique ou la greffe labiale supérieure ou inférieure
d'une cicatrice verticale dans le but d'éviter une éventuelle (rétraction postopératoire d'un tiers environ).
cicatrice rétractile verticale. Selon la longueur de la cicatrice, Les greffes de cartilage : elles sont prélevées le plus sou-
l'on peut associer plusieurs Z [1] ; vent dans la région rétro-auriculaire. À défaut, l'utilisation
● le lambeau tarsoconjonctival supérieur ou inférieur per- du cartilage allaire est possible [3, 7].
mettant de reconstituer une lamelle postérieure ; son prin-
cipal inconvénient réside dans la nécessité d'une chirurgie
reconstructrice en deux temps distante de trois à quatre
semaines environ.

Greffes
Elles sont utilisées de façon courante en chirurgie recons-
tructrice et se distinguent en greffes cutanées, greffes
muqueuses, greffes cartilagineuses et greffes composées
comme les greffes mucopalatines.
Les greffes cutanées (figures 4.7 à 4.13) : on préfère de
loin les greffes de peau totale aux greffes dermo-épider-
miques (ayant pour principaux inconvénients les pigmen-
tations secondaires ainsi que les cicatrices rétractiles). Ces
greffes de peau totale sont prélevées au mieux en pau- Figure 4.8
pière supérieure, à défaut dans la région rétro-auriculaire Ectropion palpébral supérieur et inférieur après brûlure de la
région orbitofaciale.
Reconstruction de la paupière par greffe.

Figure 4.7
Perte de substance post-traumatique de la paupière inférieure :
comblement en urgence par différents lambeaux dont le lambeau Figure 4.9
de rotation temporofacial de Mustardé. Cure de l'ectropion palpébral supérieur par greffe de peau.

114
4. Traumatologie palpébrale

Figure 4.12
Comblement de l'ectropion cicatriciel par une greffe de peau
prélevée en paupière supérieure.

Figure 4.10
Cure de l'ectropion palpébral inférieur par une large greffe de
peau (même patient que figure 4.9).

Figure 4.13
Aspect postopératoire. Disparition de l'ectropion.

Indications opératoires
Lorsque le déficit est faible, un simple décollement des
berges suivi d'une suture bord à bord est réalisable.
Lorsqu'il est plus étendu, un lambeau de glissement
Figure 4.11 suturé sans tension est souhaitable. Lorsque le déficit est
Ectropion de la paupière inférieure après brûlure palpébrale. de toute épaisseur mais ne dépasse pas un quart de lon-
gueur palpébrale et qu'il atteint le bord libre, une excision
pleine épaisseur des berges suivie d'une suture en deux
Les greffes composées : préférées en cas de reconstruction plans est réalisable.
de l'intégralité de la lamelle postérieure, la greffe composée En cas de perte de substance isolée du plan profond (éven-
tarsoconjonctivale prélevée en paupière supérieure homo- tualité très rare), selon l'importance du déficit, une suture
ou controlatérale donne d'excellents résultats. À défaut, on simple bord à bord ou bien une greffe tarsoconjonctivale
peut utiliser la greffe de muqueuse palatine, en étant pru- peut être envisagée.
dent, vers l'arrière lors du prélèvement en raison du risque En cas de perte de substance de pleine épaisseur, diffé-
hémorragique. rentes réparations peuvent être envisagées :
115
Chirurgie palpébrale

● lorsque le déficit est égal à un quart voire un tiers de la greffes et de lambeaux. L'examen complet de l'œil et des
paupière (supérieure ou inférieure), une suture bord à bord voies lacrymales doit être systématique devant tout trau-
précédée d'une canthotomie externe, selon la technique de matisme orbitopalpébral.
Tenzel associée, permet une suture sans tension (section du
chef supérieur ou inférieur du tendon canthal externe selon
la localisation palpébrale supérieure ou inférieure du déficit) ; Références
● lorsque le déficit est supérieur au tiers de la paupière,
[1] Adenis JP, Dourlhes N. Les cicatrices palpébrales. Ophtalmologie
un recouvrement conjonctival est pratiqué en urgence si 1994 ; 8 : 304–6.
l'opérateur n'est pas habitué à la chirurgie palpébrale et [2] Adenis JP, Morax S. Pathologie orbito-palpébrale. Société française
que la cornée est exposée, puis différentes reconstructions d'ophtalmologie. Paris : Masson ; 1998. p. 133–64.
associant greffe de lamelle postérieure/lambeau de lamelle [3] Adenis JP, Morax S. Chirurgie palpébrale. Paris : Doin ; 1991. p. 61–95.
[4] Collin JR, Rose GE, Spalton DJ. The eyelids. In : Spalton DJ,
antérieure [8], lambeau de lamelle postérieure/greffe de Hitchings RA, Hunter PA, editors. Atlas of clinical ophthalmology.
lamelle antérieure, ou bien association de deux lambeaux London : Wolfe ; 1994. p. 61–95.
sont envisageables. Elles sont décrites au chapitre consacré [5] Ducasse A, Segal A, Thelliez E, et al. Les plaies de paupières. In :
aux tumeurs palpébrales. Il est toutefois important de sou- Étude rétrospective sur 6 ans. Bull Soc Ophtalmol Fr94 ; 1994.
p. 727–32.
ligner que les déficits complets palpébraux secondaires à
[6] Morax S, Benia L. Traumatismes et chirurgie plastique des paupières.
un traumatisme sont rares. In : Encycl Méd Chir. Ophtalmologie. Paris : Elsevier ; 1985. p. 1–18.
21-100-D-10.
[7] Morax S, Ameline-Audelan V, Benia L. Traumatismes et chirurgie
plastique des paupières. In : Encycl Méd Chir. Ophtalmologie. Paris :
Conclusion Elsevier ; 1998. p. 1–18. 21-100-D10.
[8] Tripier L. Lambeau musculocutané en forme de pont. In : Gazette
La reconstruction palpébrale post-traumatique nécessite Hop Civils et Milit ; 1889. p. 62.
une connaissance parfaite des différentes techniques de

Traumatologie des canalicules

Clinique et indications Pour certains [14, 20], la répartition est inhomogène


avec un pic de fréquence au printemps, lié en grande
thérapeutiques partie aux morsures canines et aux accidents de la voie
publique
Épidémiologie
Âge et sexe
La traumatologie des voies lacrymales est une pathologie
relativement rare (représentant moins de 5 % des inter- Il s'agit d'une pathologie le plus souvent du sujet
ventions chirurgicales en ophtalmologie [26]), pouvant jeune, deux pics de fréquence étant retrouvés chez la
toucher tous les âges de la population, avec une pré- majorité des auteurs : avant 10 ans et entre 20 et 30
dilection pour l'adulte jeune de moins de 30 ans [26]. ans [20, 26].
Deux grandes causes sont retrouvées : les morsures par La prédominance masculine est évidente chez les adultes
animaux domestiques chez les enfants, les traumatismes jeunes de part la principale étiologie à cet âge (rixes). Ceci
directs au cours de rixe chez les adultes. La fréquence des est moins présent chez l'enfant et le vieillard, chez lesquels
accidents de la voie publique a très nettement diminuée les causes les plus fréquemment décrites sont respecti-
depuis le port obligatoire de la ceinture de sécurité et les vement les morsures par animaux domestiques (chiens,
limitations de vitesse. chats) et les chutes de leur hauteur.

116
4. Traumatologie palpébrale

Côté laire supérieur par un mécanisme de bas en haut. Lorsque


le canalicule inférieur est atteint par un mécanisme de haut
Le côté gauche est le plus souvent atteint (60 %) toutes
en bas, cette association est peu fréquente.
étiologies confondues, même chez l'enfant [20, 25].
Elle doit toujours être recherchée en préopératoire
Chez l'adulte jeune, la principale étiologie retrouvée
par la réalisation d'un examen ophtalmologique complet
étant les rixes, et la grande majorité de la population étant
(acuité visuelle, biomicroscopie, fond d'œil dilaté). Lorsque
droitière, il est logique que le canalicule préférentiellement
qu'il s'agit d'un patient polytraumatisé, il se fera au lit du
atteint soit le gauche.
malade, et la réalisation du fond d'œil sera systématique.
Le canalicule droit est atteint plus fréquemment en
cas d'accident de la voie publique chez l'adulte, et en cas
de morsures canines chez l'enfant [25], sans que l'on soit
capable d'expliquer cette latéralité.

Siège de la plaie (figures 4.14 et 4.15)


Quelle que soit l'étiologie, le canalicule inférieur est de loin le
plus fréquemment atteint (60 % des cas environ). Cela s'ex-
plique essentiellement par l'anatomie orbitopalpébrale ; en effet,
de part la présence des saillies osseuses frontales, le canalicule
supérieur est globalement mieux protégé lors des traumatismes
directs, surtout lorsque son mécanisme est de haut en bas.
Le siège des lésions sur le canalicule se situe le plus souvent
dans les deux tiers externes, volontiers de meilleur pronostic
que les atteintes siégeant prés du sac lacrymal. À l'inverse, lors Figure 4.15
des traumatismes par arrachement, la paupière cède au niveau Plaie du canalicule lacrymal par arrachement siégeant près du sac
lacrymal.
de sa zone de plus grande faiblesse(très interne) entraînant
des lésions canaliculaires très médiales, prés du sac lacrymal.

Lésions associées
Atteinte du globe oculaire (figure 4.16)
L'atteinte oculaire est relativement peu fréquente, de 16,6
à 18,7 % environ [3]. Elle est retrouvée plus souvent en cas
d'accident de la voie publique, et en cas de lésion canalicu-

Figure 4.14
Plaie du canalicule lacrymal par section siégeant près du point Figure 4.16
lacrymal. Plaie du canalicule supérieur associé à une plaie.

117
Chirurgie palpébrale

Dans des cas particuliers (patient pusillanime ou agité), Tableau 4.1. Étiologies des plaies canaliculaires
cette recherche pourra être réalisée au bloc opératoire sous en pourcentage selon plusieurs études.
anesthésie générale et avant la mise en place des champs Royer et al. Fayet et al. Hugues Ducasse
stériles. Il est évident qu'en cas de traumatisme oculaire [37] [21] [27] [19]
perforant, celui-ci doit être traité en priorité avant toute (1982) (1988) (1989) (1994)
réparation canaliculaire ou palpébrale autre. % (262 cas) (84 cas) (54 cas)
Pour Kennedy et al. [29], les lésions le plus souvent asso- % % %
ciées sont les lésions rétiniennes contusives maculaires ou Rixes 10 21,3 22,6 23 inf
rétiniennes (12,2 %), des lésions diverses incluant les éro- AVP 31 18,7 16,6 6 inf/9 sup
sions cornéennes (10,8 %), les hyphémas (6,8 %).
Morsures 11 16,7 27,3 34 inf/16
Autres lésions associées sup
Elles peuvent être locorégionales (lésions orbitaires, frac- Chutes 11,2 20,2 19 inf
tures de l'orbite, atteinte de la poulie du grand oblique, Divers 29 24,4 10,7
traumatisme crâniofacial, éventuellement associées à des
lésions neurologiques) ou générales, s'intégrant alors dans Inconnue 3 6,4
le cadre d'un polytraumatisme.

Mécanismes physiopathologiques Ceci a très bien été démontré par Fayet [20] qui, sur une
étude rétrospective de 295 cas sur 6 années, constate une
Quatre mécanismes peuvent être individualisés [37] : nette régression des accidents de la voie publique comme
● les plaies par section directe et franche, causées le plus première étiologie de traumatisme canaliculaire, alors qu'ils
souvent au cours d'une rixe (coup de poing, couteau), mais représentaient avant 1980 la cause la plus fréquente [37].
aussi par les accidents de la circulation, les éclats de verre. Ces résultats s'expliquent certes en grande partie par la
Elles atteignent le plus souvent la partie proximale. Elles fréquence croissante des rixes, mais aussi et surtout par les
sont de bon pronostic à condition qu'elles ne siègent pas mesures de prévention routière mises en place depuis plu-
trop en dedans prés du sac lacrymal ; sieurs années.
● les plaies par arrachement de la paupière, d'étiologies très Il est cependant important de souligner que cet ordre de
variées : morsure de chien, coup de patte d'animal, coup fréquence est à moduler selon l'âge des patients : avant 10
de crochet. Le siège de l'arrachement palpébral se situe ans, les morsures animales sont de loin les plus fréquentes ;
alors au niveau de sa zone d'attache la plus fragile : le can- à la trentaine, les rixes puis les accidents de la voie publique ;
thus interne, entraînant une rupture canaliculaire souvent après 60 ans, les chutes [9].
très interne, proche du sac lacrymal, de pronostic souvent En ce qui concerne les traumatismes lacrymaux de l'en-
moins favorable que lors d'un traumatisme direct ; fant par morsures canines (de loin les plus fréquentes avant
● les plaies contuses, résultent de dégâts causés par des la première décade), la fréquence est de l'ordre de 1 cas
explosifs ou bien par enfoncement direct d'un agent pour 1000 sujets [8]. Le plus souvent, il s'agit d'un animal
contendant. Elles s'accompagnent d'emblée d'une perte de proche de la famille [8, 13], et selon la race des chiens, la
substance canaliculaire, musculaire, et cutanée, source d'un taille de sa gueule peut englober complètement la face de
pronostic très médiocre ; l'enfant, à l'origine de dégâts autres se rajoutant aux lésions
● les traumatismes causés par des brûlures chimiques, ther- lacrymales.
miques ou par des radiations atteignent souvent les méats
lacrymaux, à l'origine de séquelles à type d'oblitération
méatiques ou canaliculaires externes.
Diagnostic
L'inspection suffit à elle seule, le plus souvent, en retrou-
Étiologies vant une plaie palpébrale transfixiante du bord libre située
en-dedans du point lacrymal inférieur et/ou supérieur.
L'ordre de fréquence actuellement établi retrouve comme L'examen direct à l'œil nu à l'aide de cotons tiges permet
cause principale [3] les rixes, devant les accidents de la voie même de visualiser, dans les cas simples, les deux extrémi-
publique, puis les morsures de chiens et enfin les chutes tés canaliculaires sectionnées sous la forme de formations
(tableau 4.1). annulaires blanchâtres caractéristiques.
118
4. Traumatologie palpébrale

Parfois, le diagnostic est plus difficile, surtout lorsqu'il En l'absence de ces situations défavorables, la majorité
s'agit d'un enfant en bas âge d'examen difficile ou d'une des auteurs s'accordent à reconnaître qu'une interven-
plaie ancienne avec un orbiculaire rétracté (on peut alors tion retardée aux 24 ou 48 premières heures n'aggravent
être amené à pratiquer un examen sous anesthésie générale pas le pronostic, surtout lorsque ce délai a été mis à
devant l'existence d'une plaie profonde suspecte du bord profit pour réunir les meilleures conditions opératoires
libre palpébral située en-dedans des méats lacrymaux, avec possibles [9, 12, 20].
réparation canaliculaire dans le même temps). Passé ce délai, les conditions locales se dégradent,
Rarement, la statique palpébrale peut être globalement augmentant la difficulté opératoire, et donc le pronostic
préservée, masquant le diagnostic, d'où l'intérêt d'un exa- final [16].
men très soigneux devant toute plaie palpébrale située
en dedans des méats lacrymaux. Dans de tels cas, l'ins- Mesures associées
pection recherchera un décalage anormal entre les méats
La prévention antitétanique doit être contrôlée. La préven-
homolatéraux, au besoin complétée par une exploration
tion antirabique doit être réalisée en cas de plaie par chien
douce (cathétérisme direct à la sonde de Bowman 00 à la
non connu ou suspect, auquel cas un contact rapide avec
recherche de la lésion canaliculaire et du contact osseux au
les services sanitaires doit être assuré.
lit du malade, lavage doux des voies lacrymales au sérum
fluoréscéiné).
Au bloc opératoire, sous microscope (et sous anesthé- Type d'anesthésie
sie adaptée au tableau clinique), le diagnostic deviendra Il dépend essentiellement de l'âge du patient, de la sévérité
évident et confirmera la plaie canaliculaire en visualisant les de l'atteinte canaliculaire, et des lésions associées.
deux extrémités sectionnées. L'anesthésie locale ne nous semble indiquée qu'en cas
de section canaliculaire des deux tiers externes, franche,
chez un sujet adulte coopérant sans autre lésion associée.
Indications thérapeutiques Dans ce cas, la réparation est réalisée sous anesthésie locale
Elles dépendent essentiellement du nombre de canalicules (Xylocaïne® éventuellement adrénalinée) [30, 31, 37], et on
atteints, ainsi que du siège de la plaie. se limitera alors à une suture simple, associée ou non à une
Bien entendu, l'exploration de l'ensemble des voies intubation canaliculaire.
excrétrices du système lacrymal est indispensable, et ce des Le plus souvent, l'anesthésie générale est préférable,
deux côtés. pour le confort du patient mais aussi du chirurgien, surtout
lorsque la réparation s'annonce complexe et que le siège de
la lésion est très interne.
De plus, un examen clinique général complet doit tou- Chez l'enfant, l'anesthésie générale est indispensable
jours être réalisé, et la recherche d'une plaie oculaire doit quelque soit le type de lésion canaliculaire retrouvée.
être une priorité. En cas d'atteinte oculaire, celle-ci doit
toujours être traitée en premier et précocement. Nombre de canalicules sectionnés
L'atteinte la plus fréquente se situe sur le canalicule
inférieur. Dans ce cas, le traitement fait appel aux tech-
Délai de prise en charge niques de réparation de suture simple bout à bout sous
Le traitement doit être réalisé rapidement : microscope opératoire au monofilament 8 ou 9/0 [1, 37],
● lorsqu'il existe un critère de gravité tel qu'une plaie ocu- associée ou non à une intubation monocanaliculaire à
laire associée, un délabrement cutané important rendant fixation méatique autostable, ou bien à une intubation
impossible un recouvrement cornéen satisfaisant ; bicanaliculonasale.
● en cas de plaie par morsure canine, Gonnering [23]
qui a montré que le risque infectieux n'était pas plus Lorsque la plaie siège sur les deux canalicules homo-
important en cas de suture précoce dans les 8 premières latéraux, nous préconisons une réparation des deux
heures, à condition de respecter certains principes, canalicules dans le même temps opératoire avec, une
notamment de laver abondamment la plaie et d'utiliser intubation systématique soit par deux sondes monoK ou
une antibiothérapie locale et générale de couverture à par une sonde bicanaliculonasale.
large spectre.
119
Chirurgie palpébrale

Siège de la lésion Anesthésie


Les sutures canaliculaires semblent être indiquées dans Elle est souvent réalisée sous anesthésie générale.
tous les cas. Lorsque la lésion est franche, récente et Cependant, dans des cas particuliers (plaie monocanali-
qu'elle siège au niveau du tiers externe, on peut se conten- culaire franche des deux tiers externes, isolée, chez l'adulte
ter d'une suture simple bout à bout, sans tension par plu- coopérant, ou bien chez le sujet âgé avec des pathologies
sieurs points de monofilament 8 ou 9/0 sans intubation multiples), l'exploration et la réparation peut être pratiquée
systématique [5, 6]. sous anesthésie locale (Xylocaïne® adrénalinée, carpules
Plus la lésion se rapprochera du sac lacrymal et plus d'Alphacaïne®) (figures 4.17 et 4.18) associée ou non à une
l'association suture/intubation canaliculaire deviendra neuroleptanalgésie par voie intraveineuse.
systématique. En effet, le pronostic d'une telle plaie sera
médiocre quelque soit la méthode chirurgicale employée ;
plus on se rapproche du sac lacrymal, plus l'accès au cana-
licule sera difficile en raison de la direction anatomique des
canalicules et plus la statique canthale tend à éloigner les
deux fragments canaliculaires, contrairement aux plaies
externes dans lesquelles l'orbiculaire maintient les deux
fragments au contact l'un de l'autre [20].

L'utilisation de la sonde Pig Tail par le canalicule sain


pour repérer le moignon interne du canalicule sectionné
peut être délétère pour le canalicule sain [32, 42], aussi
son utilisation est très limitée.

Cas particuliers d'atteinte


isolée du canalicule supérieur
Très longtemps, sa réparation a été négligée parce que l'ac-
tion du canalicule supérieur dans le drainage des larmes est
moins importante que l'inférieur.
Compte tenu des progrès thérapeutiques, notamment
en matière d'intubation canaliculaire [16, 22] et des nouvelles Figure 4.17
études témoignant de l'efficacité du canalicule supérieur Anesthésie locale par carpules d'Alphacaïne®.
dans le drainage lacrymal [41], il nous semble nécessaire de
réparer la voie lacrymale supérieure en urgence chaque fois
que cela est possible, améliorant ainsi le pronostic [3].

Réparation
des canalicules lacrymaux
Généralités
Dans tous les cas, une exploration peropératoire initiale
minutieuse sous microscope opératoire est un temps capi-
tal dans la prise en charge chirurgicale d'une plaie canalicu- Figure 4.18
laire [2, 10]. Anesthésie locale par carpules d'Alphacaïne®.

120
4. Traumatologie palpébrale

Installation du patient peuvent être utiles. Leur passage toujours possible dans les
voies aériennes impose l'emploi systématique d'un packing
Elle conditionne le confort du chirurgien et la réussite
oropharyngé ;
de l'opération. Après désinfection de toute la face à la ● la position des canalicules étant symétrique par rap-
Bétadine® (ou à défaut par l'Amukine®) et séchage, des
port à la ligne intercanthale, le sondage du canalicule sain
champs stériles sont placés de façon à dégager tout le
controlatéral jusqu'au contact osseux permet de deviner la
visage, et en particulier en particulier la bouche et le nez,
position éventuelle de la tranche de section.
pour permettre la respiration et le dialogue. L'opérateur
se place à la tête du patient pour une plaie externe, ou à
90 degrés pour une plaie profonde.
Réparation palpébrale
La réparation canaliculaire passe par la solidité de la répa-
Exploration de la plaie canaliculaire ration des tissus adjacents : paupière, tendon et canthal
interne permettant un bon affrontement des berges, et de
La qualité de l'exposition et l'emploi du microscope opé-
fait, une suture canaliculaire sans tension évitant ainsi les
ratoire conditionnent le repérage du canalicule sectionné.
désunions secondaires.
La compréhension du mécanisme (section par corps
La canthopexie médiale est la clef de voûte du montage :
étranger ou par arrachement) et de l'anatomie guide le
grâce à un fil résorbable (4 ou 5/0) positionné entre le tarse
chirurgien dans la recherche des fragments sectionnés :
latéralement et le chef profond du tendon canthal médial
proche du point lacrymal en cas de plaie par section,
(ou muscle de Duverney-Horner) [34] (figure 4.20).
proche du sac lacrymal en cas de plaie par arrachement.
Devant une plaie franche, relativement externe, les frag-
ments proximaux et distaux sont facilement retrouvés sous
forme d'un anneau blanchâtre laissant une lumière bien
Moyens et différentes
visible (figure 4.19). techniques chirurgicales
Lorsque la plaie est contuse, interne ou ancienne,
diverses modalités opératoires facilitent le repérage sans Suture canaliculaire isolée (figure 4.21)
aggraver les lésions : 1. Dissection des berges du canalicule de leur adhérence
● des tampons rigides ou des pinces sans griffe permettant avec l'orbiculaire sur 1 à 2 mm de chaque coté [2, 6, 10, 37],
de récliner les tissus de manière atraumatique ; en prenant bien garde de ne pas léser le canalicule, afin de
● une pince bipolaire assure l'hémostase ; positionner les sutures de façon correcte.
● les colorants mélangés à du sérum, tels que la Rifamycine®, 2. Un fil résorbable, 4 ou 5/0, positionné entre le tarse laté-
la fluorescéine ou l'Healonid® [7, 20, 34], injectés dans le ralement et le chef profond du tendon canthal médial (ou
canalicule homolatéral sain ou directement dans le sac, muscle de Duverney-Horner).

Figure 4.19
Plaie du canalicule apparaissant sous microscope opératoire Figure 4.20
comme un anneau blanchâtre sur lequel seront placées les Mise en place sous le canalicule sectionné d'une suture
sutures canaliculaires. résorbable 4/0 unissant le tarse au muscle de Duverney-Horner.

121
Chirurgie palpébrale

3. Des sutures de monofilament 8/0 ou 9/0 (3 ou 4 points) sont


placées sur le canalicule aux points cardinaux. Ces points sont
transfixiants, prenant toute l'épaisseur de la paroi canaliculaire,
et le nœud est tourné vers l'extérieur de la lumière canaliculaire.
Le positionnement rigoureux de ces sutures équidistantes doit
être réalisé avant la mise en tension de la canthopexie.
4. Les extrémités des sutures sont collées sur le champ
opératoire avec des Stéri-strips™ dans un ordre précis, de la
profondeur vers la superficie.
5. La suture du ou des points profonds (fil résorbable
type Vicryl 5 ou 6/0) permet le rapprochement des
berges canaliculaires dont l'affrontement est finalisé par
Figure 4.21 la suture secondaire des points de monofilament [31]
Suture au monofilament d'une plaie canaliculaire. (figures 4.20 à 4.25).

A 5/0

8/0
5/0
B C
4
4

Figure 4.22
Mise en place d'une suture au monofilament
3 noir 8/0 sur la berge du canalicule sectionné.
3 A. Mise en place d'une suture ou deux de Vicryl 5/0 entre
2
le chef profond du muscle de Duverney-Horner et la
1 partie externe du tarse. B. Mise en place d'une suture de
2 monofilament 8/0 à la partie la plus profonde de la section
canaliculaire. C. Mise en place de sutures de 8/0 aux points
0 cardinaux de la section. D. Mise en place de Stéri-Strips™ sur les
sutures de 8/0 dans un ordre précis, de la profondeur vers la
D 1 E superficie. E. Serrage définitif des sutures.

122
4. Traumatologie palpébrale

Cette technique est parfaitement adaptée aux plaies


canaliculaires des deux tiers externes, franches, et sera
utilisée isolément dans les cas où l'affrontement des
berges est correct [6].
À l'inverse, cette technique est beaucoup moins facile
lorsque la plaie siège au niveau du tiers interne, le cana-
licule prenant alors naturellement une direction très
postérieure. On associera alors à la suture une intubation
canaliculaire quasi-systématique.

Figure 4.25
Mise en place d'une sonde monoK dans le canalicule.

Figure 4.23
Aspect histologique d'une plaie du canalicule entouré de tissu
Figure 4.26
conjonctif puis d'orbiculaire.
Utilisation d'une sonde creuse pour faire coulisser le fil de
Prolène permettant d'attirer la sonde monoK vers la narine.

Intubations
Intubation bicanaliculonasale (IBCN)
Sonde bicanaliculaire (figures 4.26 et 4.27)
La sonde bicanaliculonasale [2, 15, 18] est constituée par
une sonde en silicone sertie à chacune des ses deux extré-
mités à deux mandrins métalliques mousses et malléables.
Le sondage s'effectue suivant les règles du sondage des
voies lacrymales. La tige métallique apparaît dans la fosse
nasale sous le cornet inférieur.
Elle est ensuite récupérée au moyen d'une pince fine,
droite et à griffe, après avoir réalisé au moyen de la pince un
mouvement en battant de cloche permettant la libération
de la sonde de la paroi latérale de la fosse nasale et du cor-
Figure 4.24
net. Ce mouvement est primordial et représente un temps
Mise en place de Stéri-Strips™ sur les sutures canaliculaires
pour les placer dans un ordre précis, de la profondeur vers la capital de l'intubation bicanaliculonasale. La récupération
superficie. des tiges métalliques se fait l'une après l'autre.

123
Chirurgie palpébrale

Figure 4.27
Utilisation d'une sonde creuse pour faire coulisser le fil de Prolène Figure 4.28
permettant d'attirer la sonde monoK vers la narine (vue de profil). Sonde creuse de Ritleng.

Pour diminuer les risques de traumatisme des fosses


nasales, certains auteurs [18, 24] proposent l'utilisation
d'une sonde cannelée placée sous le cornet inférieur, per-
mettant de courber et de guider l'extériorisation du man-
drin métallique.
Les sondes de silicone récupérées, plusieurs solutions
sont possibles :
● On la laisse libre dans la fosse nasale les deux brins étant
noués entre eux éventuellement avec un fil afin d'éviter une
désunion secondaire [24].
D'autres solutions ont été proposées visant à limiter les
effets secondaires d'un nœud d'arrêt :
● Utiliser de l'Histoacryl® [17] ou, une éponge de silicone [33] ; Figure 4.29
● Nous préférons fixer la sonde dans le nez par une suture Fixation de la sonde monoK sur le point lacrymal à l'aide
avec anse souple transseptale [2] ou sur la paroi externe des d'un «pose-clou».
fosses nasales [18]. Pour cela, on noue les deux extrémités
des tubes de silicone avec un fil de Prolène 4/0, puis on réa-
lise le passage transseptal dans un sens puis dans l'autre, et
on revient finir le deuxième nœud sur le précédent réalisant
ainsi l'anse souple.
Les avantages de cette alternative sont au nombre de
deux : prévention d'une extériorisation secondaire d'une
part, et facilité de récupération par le nez d'autre part.
La tension de la sonde sera appréciée au niveau de l'angle
interne, une tension excessive étant délétère pour les méats
lacrymaux (risque de sphinctérotomie par cisaillement).
Sonde creuse (figures 4.25 et 4.28 à 4.30)
Par rapport à la technique précédente, seuls diffèrent les
moyens utilisés au cours du sondage et la récupération de
la sonde [37]. La technique de sondage et la fixation de la Figure 4.30
sonde restent identiques. Sortie du Prolène à l'extrémité de la sonde de Ritleng.

124
4. Traumatologie palpébrale

Une sonde creuse est introduite par cathétérisme La mise en place du matériel doit être effectuée sans
direct « classique » dans chaque canalicule successive- tension, le bouchon étant introduit dans le méat lacrymal
ment. Deux solutions sont proposées pour faire passer au moyen d'un «pose-clou» après dilatation du point
l'intubation : lacrymal.
● la technique initiale qui consiste à faire coulisser un fil de Deux types d'intubation sont possibles, selon la lon-
nylon (Prolène 4/0) dans la sonde, à récupérer le fil dans la gueur du tube de silicone.
narine directement en cas d'extériorisation spontanée, ou
Intubation monocanaliculonasale (IMCN)
bien à l'aide d'un crochet. La sonde creuse est alors retirée,
La sonde présente un mandrin métallique unique, sa mise
et la traction sur le fil de nylon permet l'introduction du
en place étant comparable à celle d'une sonde bicanali-
tuteur en silicone dans la voie lacrymale.
culonasale. Après récupération du mandrin dans la fosse
● L'emploi de tuteur rigide [21] a longtemps limité leur
nasale (technique du « battant de cloche ») au moyen
utilisation, du fait d'une tolérance locale insuffisante pour
d'une pince de Kelly droite, la traction douce sur la sonde
obtenir une cicatrisation de bonne qualité [2, 11, 37]. Les
de silicone permet sa mise en place, et elle est sectionnée
tuteurs souples sont souvent suturés à la peau [10, 36].
au niveau du plancher des fosses nasales où elle reste libre
● la technique de P. Ritleng [35] : le Prolène comporte deux
sans contention [20].
zones, l'une fine pouvant sortir par la fente, l'autre permet-
Une variante à cette technique est représentée par la
tant le passage initial ; le tuteur en silicone étant solidarisé
sonde de Ritleng dans sa variante monocanaliculonasale :
au Prolène de façon solide par le constructeur.
à la place du mandrin métallique, un tuteur en silicone est
La sonde creuse présente une fente longitudinale de
solidarisé au fil de nylon par le constructeur, l'utilisation de
0,3 mm de large qui permet son retrait après mise en place
la même sonde creuse que celle décrite dans la sonde bica-
du fil de Prolène. On fait coulisser le fil de Prolène de dia-
naliculonasale permettant l'introduction du fil de nylon
mètre variable jusqu'à l'orifice de la sonde.
dans la fosse nasale. La sonde est ensuite sectionnée de
Le sondage est effectué avec la sonde munie de son fil de
la même façon et reste libre sans contention dans la fosse
Prolène, jusqu'au contact de la sonde avec le plancher des
nasale.
fosses nasales. On se retire alors de 1 ou 2 mm.
Elle est indiquée pour les plaies canaliculaires internes ou
On recommande d'orienter son ouverture inférieure
les plaies doubles [20].
vers l'avant et vers la cloison nasale.
On pousse sur le fil de Prolène avec un porte-aiguille Intubation monocanaliculaire
par l'orifice supérieur. On peut alors récupérer le fil dans vraie ou «minimonoK» (IMCV)
la narine directement, en cas d'extériorisation spontanée La sonde monocanaliculaire ne présente pas de mandrin
visible dans la narine sous microscope, ou bien à l'aide d'un métallique. Contrairement à l'IMCN, l'IMCV est comblée
crochet. avec du silicone, sa rigidité se trouve augmentée, et faci-
Puis, on sépare l'ensemble Prolène-Silastic de la sonde lite le passage direct du tube. De plus, l'absence de lumière
métallique, grâce à la fente longitudinale présente sur cette dans la sonde limite les risques de prolifération bactérienne.
dernière, en utilisant la partie fine du tube qui peut sortir La portion proximale du canalicule est intubée et la sonde
par la fente après avoir extériorisé la partie large. La solidari- est fixée dans le méat grâce à un adaptateur comme dans
sation du fil de Silastic au fil de nylon simplifie grandement l'IMCN. La portion distale du canalicule est intubée après
le passage du tuteur dans les voies lacrymales. section du silicone 2 à 3 mm au-delà de la plaie canalicu-
laire, permettant une adaptation du moyen de contention
Intubation monocanaliculaire monoK à chaque cas de figure.
L'apparition de la sonde monocanaliculaire à fixation méa- Elle est indiquée pour les plaies externes d'un seul cana-
tique autostable maintenue par son bouchon lacrymal licule [20]. Elle nous semble peu indiquée dans les plaies
dans le point lacrymal [38] autorise l'intubation monoca- doubles (supérieure et inférieure).
naliculaire et le maintien du tuteur in situ pendant tout le
Intubation bicanaliculaire annulaire
temps nécessaire.
La sonde est constituée par deux éléments : d'une part Actuellement, la plupart des auteurs se détournent de
une tête identique à un bouchon de Freeman, d'autre part cette technique jugée trop traumatisante pour les voies
une sonde en silicone de longueur variable fixée avec un lacrymales [2, 15, 16, 20, 21, 37, 40], aussi nous ne la décri-
angle de 90° par rapport au bouchon. rons pas.
125
Chirurgie palpébrale

L'apparition de cette technique en 1958 [28], reprise Complications postopératoires


par Worst [42] en 1962 est corrélée au développement
Non spécifiques
des silicones et à l'emploi d'une sonde de type «queue de
cochon». Après ablation de la sonde «Pig Tail», on réa- Infections
lise une intubation annulaire de type Murube [32] : après D'autant plus fréquente que la plaie est souillée, elles
avoir sectionné les deux extrémités du silicone à 2 mm des doivent être redoutées lors des morsures canines pour-
méats, un fil de Prolène est introduit dans la lumière de la voyeuses de grands espaces de décollement propa-
sonde. La mise en tension du fil lors de la suture met en geant à distance les germes. Le lavage peropératoire
contact les deux chefs du tuteur en silicone réalisant ainsi sous-­pression, l'utilisation de Bétadine® et parfois d'eau
l'intubation annulaire. oxygénée (en protégeant la cornée), le parage des tissus
manifestement nécrosés permettent, associée à une anti-
Avantages de l'intubation monocanaliculaire biothérapie générale de quelques jours, de prévenir une
à fixation méatique autostable infection. Bien entendu, le parage des tissus nécrosés doit
Elle constitue une intubation monocanaliculaire donc sans rester parcimonieux compte tenu des risques importants
risque pour le canalicule sain. de rétraction cutanée en postopératoire. Cependant,
Leur moyen de contention méatique autostable garantit l'excellente vascularisation de la face, le respect de ces
une bonne stabilité du montage surtout depuis l'avène- règles simples et l'antibiothérapie en font une complica-
ment des grandes collerettes : le risque d'extériorisation tion rare (4 %). L'antibiothérapie doit être efficace sur les
reste limité (5,4 %) [20]. germes anaérobies, les tétracyclines devant être évitées
L'extrémité inférieure étant libre dans la cavité nasale, chez l'enfant.
elles ne peuvent pas entraîner de tension excessive ce qui Ectropion
donc limite beaucoup le risque de stricturotomie. Il peut être évité par une suture soigneuse du chef profond
Leur mise en place, rapide et simple pour ce qui est de (muscle de Duverney-Horner) du tendon canthal médial,
l'IMCV, un peu plus complexe pour l'IMCN qui peut se ou secondairement en réalisant une canthopexie transna-
heurter aux mêmes difficultés de récupération du mandrin sale (figure 4.31).
que l'IBCN.
Fistules lacrymales
Durée de l'intubation Elles sont moins fréquentes en cas de sutures canalicu-
laires avec ou sans intubation qu'en cas de d'intubation
La date d'ablation du matériel reste controversée. Pour notre isolée. Situées sur la peau, elles sont responsables d'un lar-
part, nous laissons l'intubation en place entre 3 et 4 semaines. moiement, contrairement à une localisation postérieure
Selon les auteurs, les dates préconisées varient de de petite dimension qui ne désamorcera pas la pompe
quelques semaines à plusieurs mois, voire à une année [20]. lacrymale [10, 20].
Une étude a cependant montré que le résultat acquis au
3e mois ne semble plus varier au-delà [4, 21].

Complications
Complications peropératoires
Elles sont essentiellement représentées par les fausses
routes et l'impossibilité de récupérer la sonde dans le nez.

L'épistaxis peut parfois survenir au cours de la récupé-


ration d'une sonde dans la narine. Cette complication
nécessite d'être équipé d'une aspiration pour ce type
d'opération et de demander à l'anesthésiste de mettre en Figure 4.31
place un «packing» dans le pharynx. Canthopexie transnasale nécessaire en cas d'ectropion lié à une
désinsertion profonde des deux chefs du tendon canthal interne.

126
4. Traumatologie palpébrale

Spécifiques
Complications liées au silicone
Bien supporté, le silicone n'est responsable que de rares
complications à type de canaliculites [2] et de granu-
lomes réactionnels ou botryomycomes, survenant sur-
tout au niveau des aspérités présentes sur un bouchon
lacrymal mal « fini » (figure 4.32). La réaction à des corps
étrangers dans le sac lacrymal est liée à la persistance
anormale de nœuds ou morceaux sectionnés de tube
dans le sac [17].

Complications liées à l'intubation monocanaliculaire


Figure 4.32
● Érosion cornéenne : la grande collerette a plus de risque
Complication des intubations prolongées : botryomycome du de léser la cornée sur une pathologie pédiatrique, la lon-
point lacrymal. gueur de la paupière étant plus courte chez l'enfant.
● Enfouissement, perte et extrusion sont rares [38].
● Dacryocystite aiguë : elle est secondaire à l'enfouissement
du tube et à sa migration dans le sac lacrymal. Son traitement
ne peut être que chirurgical (dacryocystorhinostomie).
Il est prouvé que le pourcentage de complication est
directement lié à la durée de l'intubation [38]. Il évalué à
7,6 % par Ruban [38] et 25 % par Fayet [20] pour une durée
d'intubation moyenne respectivement de 1,16 mois et de
5 mois. Le pourcentage des complications est réduit à 5,6 %
avec les monoK à grande collerette [38] (tableau 4.2).
Les complications liées à l'IBCN
● Les stricturotomies (figure 4.33) : il s'agit d'une section
longitudinale du canalicule secondaire à une traction
excessive de la sonde sur le point lacrymal. Complication
majeure des intubations, elles représentent un retentisse-
Figure 4.33 ment fonctionnel important.
Complication des intubations prolongées : stricturotomies
● L'infection à l'intérieur du tube : elle est favorisée par la
multiples. persistance de mucus à l'intérieur du tube.

Tableau 4.2. Pourcentage de complications de l'intubation monocanaliculaire.


Boyrivent [38, 39] Ruban [39] Ruban [39]
64 cas 52 cas 52 cas
3,5 mois 1,16 mois 1,25 mois
petite collerette grande collerette
Pertes 6 1 2
Enfouissements 4 2 0
Granulomes 7 1 0
Extrusion 1 0 0
Érosion cornéenne 0 0 1

127
Chirurgie palpébrale

● Disparition de la sonde : soit par rupture de la sonde [20, [13] Billson FA, Taylor H, Hoyt H. Trauma to the lacrimal system in child-
21] ou par désunion du nœud d'arrêt, la survenue précoce ren. Am J Ophthalmol 1978 ; 86 : 834–9.
[14] Canavan YM, Archer DB. Long term review of injuries to the lacrymal
après le traumatisme est d'autant plus péjorative que la drainage apparutus. Trans Ophthalmol Soc UK 1979 ; 99 : 201–4.
plaie canaliculaire n'a pas été suturée. [15] Crawford JS. Intubation of obstruction in the lacrimal system. Can
● Extériorisation de la sonde : elle est l'apanage de l'IBCN J Ophthalmol 1977 ; 12 : 289–92.
[2, 20], et survient dans 7,1 % des cas en moyenne [20]. La [16] Dortzbach RK, Angrist RC. Silicone intubation for lacerated canali-
culi. Ophthalmic Surg 1985 ; 16 : 639–42.
boucle fait une saillie anormale dans l'aire de la fente palpé-
[17] Dresner SC, Codere F, Brownstein S, et al. Lacrimal drainage sys-
brale et les nœuds d'arrêt remontent dans le canal lacrymo- tem inflammatory masses from retained silicone tubing. Am
nasal. La suture des tubes de Silastic dans les fosses nasales J Ophthalmol 1984 ; 98 : 609–13.
prévient cette ascension. [18] Dryden MD, Beyer TL. Repair of canalicular lacerations with silicone
intubation. In : Levine MR, editor. Manual of oculoplastic surgery.
New York : Churchill Livingstone ; 1988. p. 21–5.
[19] Ducasse A, Segal A, Thelliez E, et al. Les plaies de paupières. Étude
Conclusion rétrospective sur 6 ans. Bull Soc Ophtalmol Fr 1994 ; 94 : 727–32.
[20] Fayet B. Traumatologie des canalicules lacrymaux. J Fr Ophtalmol
1990 ; 13(4) : 227–43.
En pratique nous utilisons :
[21] Fayet B, Bernard JA, Ammar J, et al. Contribution à l'étude des plaies
● des sutures canaliculaires au monofilament sous micros- récentes des voies lacrymales. A propos de 262 cas. J Fr Ophthalmol
cope opératoire dans tous les cas ; 1988 ; 11 : 627–37.
● associées à une intubation sous forme de monoK mise [22] Fayet B, Bernard JA, Pouliquen Y. Une sonde monocanaliculaire à
en place grâce à la sonde de Ritleng, dans les cas où la plaie fixation méatique autostable dans la réparation des plaies des voies
lacrymales. Bull Soc Oph Fr 1989 ; 6-7 : 819–25.
siège prés du sac ou si elle est complexe. [23] Gonnering RS. Ocular adnexal injury and complication in orbital
dog bites. Ophthal Plast Reconst Surg 1987 ; 3(4) : 231–5.
[24] Hawes MJ, Segrest DR. Effectiveness of bi-canalicular silicone intu-
bation in the repair of canalicular lacerations. Ophthalmic Plast
Références Reconstruct Surg 1985 ; 1 : 185–90.
[25] Hiebel F. Études des plaies récentes des voies lacrymales chez l'en-
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Morax S, editors. Chirurgie palpébrale. Paris : Doin ; 1992. p. 265–75. [26] Hing SJ. A retrospective study of the lacrimal canaliculus injuries in
[3] Adenis JP, Longueville E. Traumatismes des voies lacrymales. In : Auckland. Trans Ophthalmol Soc NZ 1984 ; 36 : 72–3.
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la Société Française d'Ophtalmologie. Paris : Masson ; 1998. p. 154–64. 84 observations. Lille : Thèse Medecine ; 1989.
[4] Adenis JP, Robin A. Étude clinique et thérapeutique de 105 obser- [28] Kellnar W. Die versorgung von verletzungen der tränenröhrchen mit
vations de traumatismes des canalicules lacrymaux. Bull Soc Hilfe der retrograd-sonde. Klin Monatbl Augenheilk 1960 ; 93–6.
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filament, avec ou sans intubation ? Premiers résultats. Bull Soc Oph Surg 1990 ; 6 : 46–53.
Fr 1981 ; 6-7 : 681–2. [30] Linberg JV. Contemporary issues in ophthalmology. In : Vol 5 : lacri-
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128
4. Traumatologie palpébrale

[38] Ruban JM, Boyrivent V. Intérêt de l'intubation monocanaliculo- [40] Saunders DH, Shannon GM, Flanagan JC. The effectiveness of
nasale de courte durée dans le traitement de l'imperméabilité des the pigtail probe method of repairing canalicular lacerations.
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8 : 296–8. [41] White WL, Glower T, Buckner AB, et al. Relative canalicular tear
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d'intubation monocanaliculo-nasale grande collerette dans le trai- 167–9.
tement du larmoiement par obstruction congénitale des voies [42] Worst JG. Method for reconstructing torn lacrimal canaliculus. Am
lacrymales d'excrétion du nourrisson. J Fr Ophtalmol 1995 ; 18 : 377–8. J Ophthalmol 1962 ; 53 : 520–2.

129
Chapitre 5
Chirurgie des cavités
et du sac conjonctival
J.-P. Adenis, T. Mourgues

PLAN DU C HAPITRE
Énucléation, éviscération et recouvrement
conjonctival 132
Implants macroporeux 137
Syndrome de l'orbite après énucléation
ou éviscération 139
Rétraction du sac conjonctival 143
Conclusion 147

Chirurgie palpébrale
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Chirurgie palpébrale

Énucléation, éviscération 4. Une fois la sclère débarrassée de toutes ses adhérences


ténoniennes, le nerf optique est sectionné, soit aux ciseaux
et recouvrement conjonctival courbes, soit au «serre-nœud». Les ciseaux permettent, en
conjugaison avec une traction verticale et par un abord le
La pathologie des cavités est liée soit : long de la paroi interne, un bon contrôle de la longueur de
● au remplacement immédiat ou différé du volume du nerf optique sectionné.
globe : énucléation, éviscération, implantation secondaire. En revanche, cette méthode est plus hémorragique que
L'énucléation s'impose en cas de pathologie tumorale. Dans la seconde, qui, en raison de l'écrasement du nerf optique,
les autres cas, la tendance, lorsque l'œil doit être enlevé, est est quasiment exsangue.
de recourir à l'éviscération car le risque avec les techniques L'hémostase peut être faite par simple compres-
modernes d'ophtalmie sympathique est exceptionnel, de sion digitale pendant 4 à 5 minutes, coagulation à la
même que le risque de résurgence d'un mélanome choroï- bipolaire, ou mise en place d'un tissu hémostatique
dien passé inaperçu est exceptionnel, si une échographie B résorbable type Surgicel ® qu'il faut enlever en fin
est réalisée en cas de doute ; d'intervention.
● à une cavité rétractée dans son ensemble ou à des culs- 5. Mise en place d'un implant intra-orbitaire.
de-sac rétractés ; Notre préférence va aux biomatériaux biocolonisables
● au syndrome de l'œil énucléé ou éviscéré. (hydroxyapatite naturel ou de synthèse, céramiques macro-
poreuses, polyéthylène macroporeux). La taille de l'implant
Énucléation et implantation primaire doit être choisie de manière à remplacer le volume perdu
soit 21 mm à 23 mm. Le choix de la taille est grandement
Indication aidé par une échographie B pré-opératoire et par l'utilisa-
La principale indication est le mélanome de la choroïde tion de calibreurs en peropératoire. L'utilisation de grand
lorsqu'il n'est pas possible de faire de la radiothérapie ou diamètre est devenue plus fréquente, en particulier si le
que ce traitement est dépassé. patient était myope fort auparavant
6. Ils pourront être recouverts d'un tissu synthétique
Technique (figure 5.1) (Vicryl® , Mersilène® ) ou d'aponévrose autologue : aponé-
vrose temporale, fascia lata ou encore de sclère autologue
L'énucléation consiste en l'ablation du globe oculaire en si l'énucléation n'est pas liée à une pathologie tumorale. En
respectant les muscles oculomoteurs, et en sectionnant en cas d'aponévrose, on se contente de placer un carré ou un
arrière le nerf optique à distance du pôle postérieur [10, 15, rectangle antérieur de 15 par 25 mm environ sur lequel on
20]. Elle se pratique le plus souvent sous anesthésie générale ; attache les muscles pour assurer la solidité du montage.
l'anesthésie locale accompagnée d'une sédation importante 7. En absence de bille, un greffon dermograisseux peut
est néanmoins possible. Il est utile, en cas d'anesthésie géné- aussi être utilisé de première intention. Il reçoit, à sa péri-
rale, de faire une latérobulbaire de 3 à 4 ml de xylocaïne pour phérie, les muscles droits et permet une certaine mobi-
diminuer les douleurs postopératoires. Il est essentiel de faire lité de la prothèse (voir le paragraphe consacré à la greffe
une chirurgie soigneuse avec le minimum de pression sur dermograisseuse).
l'œil, et aussi rapide que possible pour diminuer le risque de 8. La capsule de Tenon est fermée en un plan séparé à l'aide
métastases. C'est la «no touch» technique [8]. de sutures résorbables de 5/0.
1. Le premier temps est la désinsertion conjonctivale. 9. Des sutures de Vicryl 6/0 sont placées dans la racine des
Elle est pratiquée au limbe, de manière très soigneuse, en muscles, puis ressortent sur la face antérieure de la conjonc-
séparant les deux plans de la capsule de Tenon. Le plan de tive qui est tendue vers le centre, de façon à créer l'espace
dissection se situe ensuite immédiatement entre les deux nécessaires aux futurs culs-de-sac.
feuillets de la capsule de Tenon, en arrière des insertions des 10. La conjonctive est ensuite soigneusement suturée au
muscles droits jusque vers les vortiqueuses. centre avec un surjet de Vicryl 5 ou 6/0.
2. Chaque muscle est alors sectionné au niveau de son inser-
tion après avoir préalablement placé deux sutures en U de Vicryl
5/0 au niveau de son tendon. Ceci permettra de fixer ultérieure- Un conformateur peut être utilisé mais ne doit en
ment le muscle sur l'enveloppe de l'implant intra-orbitaire. aucune façon exercer une trop grande pression sur les
3. Couper l'insertion des muscles obliques avec ou sans sutures centrales.
sutures en U de Vicryl.
132
5. Chirurgie des cavités et du sac conjonctival

Figure 5.1
Technique d'énucléation avec recouvrement de la bille de céramique par un fragment d'aponévrose où sont fixés les muscles.

133
Chirurgie palpébrale

Éviscération (figure 5.2) 2. La résection de la cornée est pratiquée au couteau et


complétée aux ciseaux sur 360° au limbe.
C'est l'ablation du contenu oculaire en gardant la sclère 3. L'uvée est ensuite décollée de la sclère jusqu'au pôle pos-
et, éventuellement, la partie postérieure de la cornée. térieur, et retirée à la curette. Un nettoyage très minutieux
L'intervention est possible sous anesthésie locale, mais de la sclère a pour but de supprimer tout résidu uvéal afin
l'anesthésie générale reste la plus fréquemment utilisée. d'éliminer le risque d'ophtalmie sympathique. Il se fait sous
On peut distinguer deux techniques d'éviscération : contrôle du microscope et peut être rendu difficile par un
● la plus ancienne résèque la cornée ; saignement parfois abondant issu de la tête du nerf optique
● l'éviscération dite «conservatrice» respecte la cornée et et ou des vaisseaux ciliaires.
aborde l'uvée par une voie sclérale postérieure. 4. Une coagulation au bistouri électrique au niveau de l'émer-
gence de l'artère centrale de la rétine est rarement utile, ainsi
Éviscération non conservatrice que la mise en place temporaire dans la sclère de Surgicel® .
5. La mise en place d'un implant par voie antérieure
par voie antérieure nécessite la création de deux incisions de refend latérales
Elle ne conserve pas la totalité du segment antérieur de l'œil. permettant le passage d'un implant en matériel macro-
1. On libère d'abord la conjonctive et la capsule de Tenon poreux (hydroxyapatite, céramique poreuse en alumine,
de la sclère sous-jacente au limbe jusqu'au niveau des inser- polyéthylène macroporeux). Pour permettre la fermeture,
tions des muscles droits. le diamètre de l'implant doit être d'environ 18 mm.

Figure 5.2
Utilisation d'un calibreur puis d'une pince à sucre avant l'introduction d'une bille dans une cavité d'éviscération.

134
5. Chirurgie des cavités et du sac conjonctival

6. La fermeture de la sclère en avant, qui doit se faire sans ten- Éviscération dite conservatrice
sion, nécessite une augmentation du volume scléral. La capsule
L'abord uvéal postérieur permet de garder un volume plus
de Tenon et la conjonctive seront fermées en deux plans séparés.
grand d'implantation puisque la cornée et l'ensemble de la
7. De nombreuses techniques ont été décrites pour per-
coque oculaire sont préservés. Nous utilisons deux tech-
mettre à la sphère amputée du dôme cornéen de se fer-
niques [3].
mer sans difficultés avec un implant de diamètre de 20 à
22 mm : incisions arciformes postérieures, transposition
d'un patch scléral suturé à la place de la cornée. Technique de la poupée russe
On réalise une incision conjonctivale au limbe sur
Une variante consiste à créer, sur l'insertion des muscles 360° et on coagule les vaisseaux périlimbiques. Puis,
droits, quatre rectangles de sclère, puis à enlever le reste on dégage les adhérences de la capsule de Tenon
du globe et à suturer en avant de l'implant ces quatre d'avec les muscles oculomoteurs loin vers l'arrière, de
rectangles. façon à permettre une mobilisation de la conjonctive
(figure 5.3).

Figure 5.3
Technique de la poupée russe.

135
Chirurgie palpébrale

On pratique ensuite l'ablation de la partie superficielle Ainsi, la bille est fixée entre les muscles comme un cor-
de la cornée et du limbe adjacent. Pour cela, on utilise un dage et sous l'auvent de la cornée et de la sclère restante,
couteau diamant réglé sur 200 microns qui permet d'effec- comme un parachute.
tuer 4 incisions sur des diamètres inclinés à 60° entre eux. À
l'aide d'un scarificateur, il est alors facile d'enlever les lamelles Éviscération sur table
superficielles de cornée à sommet central et dont la base
Elle a été décrite aussi sous le nom d'éviscération sur table
enlève les cellules germinales limbiques sur 1 à 2 mm.
par P. Barraco [4].
Dans un troisième temps, on incise la sclère en arrière
La surface rugueuse des implants en hydroxyapatite
de l'insertion des muscles oculomoteurs, d'abord au sca-
rend difficile leur introduction dans la sclère. Pour éviter ce
rificateur puis aux ciseaux, et ceci sur 360°. On essaie, au
problème, on peut pratiquer, selon la technique de Barraco
moins au début, de faire une incision non perforante pour
[4], d'abord une énucléation, puis vider sur la table d'opéra-
la choroïde sous-jacente, ce qui évite de vider trop le globe.
tion le contenu du globe.
Ensuite, à l'aide d'une large curette, on pratique l'ablation
On peut alors habiller facilement l'implant avec la sclère
du contenu du globe en prenant soin d'enlever la totalité
ainsi mise à nue sur table avec un implant de taille autour
de la choroïde et du corps ciliaire, même dans les zones res-
de 22 mm. Puis, on introduit aisément l'ensemble dans la
tant encore adhérentes.
cavité orbitaire pour fixer les muscles oculomoteurs sur la
Dès lors, à l'aide d'une pince à sucre, on introduit la bille
sclère.
derrière le segment antérieur restant, en passant de préfé-
rence par le quadrant temporal supérieur.
Implantation secondaire (figure 5.5)
On pousse la bille entre la coque sclérale postérieure
et la coque cornéosclérale antérieure à l'aide d'une pince Indication
à sucre. Les indications sont les suivantes :
● en cas d'infection nécessitant une période d'une quin-
Technique du parachute (figure 5.4)
zaine de jours d'élimination des germes après la mise à plat
La technique est la même jusqu'à l'étape 4 de la technique de la cavité ;
précédente. Dans cette technique, on sectionne ensuite le ● en présence d'un implant trop petit ou en l'absence
nerf optique et on enlève la coque sclérale postérieure et le d'implantation disponible lors de la chirurgie primaire ;
nerf optique attenant. ● pour d'autres raisons la sclère et son contenu ont été
On reprend ensuite, selon le même procédé la mise en enlevés et les muscles oculomoteurs laissés en place dans
place de la bille, en sachant que celle-ci devra être relati- l'orbite.
vement un peu plus volumineuse (prévoir d'augmenter le
diamètre de 1 à 2 mm), soit au total 21 à 22 mm. Technique
1. On réalise une incision conjonctivale horizontale dans la
cavité et on sépare le plan conjonctival de celui de la cap-
sule de Tenon jusque vers les culs-de-sac.
2. Le plus difficile est de retrouver les muscles oculomo-
teurs s'ils n'ont pas été marqués auparavant. Une fois l'extré-
mité antérieure repérée, on place une suture de Vicryl 5 ou
6/0 à ce niveau.
3. À l'aide de ciseaux, on crée un espace dans la graisse de
l'orbite postérieure.
4. Mise en place d'une bille de 20 mm environ, en évi-
tant de créer une tension excessive. La bille est entou-
rée d'aponévrose temporale, de fascia ou d'un treillis de
Vicryl.
5. Sutures des muscles oculomoteurs sur la face antérieure
de la bille.
Figure 5.4 6. Suture de la conjonctive et la capsule de Tenon en deux
Technique du parachute. plans superposés.
136
5. Chirurgie des cavités et du sac conjonctival

Figure 5.5
Implantation secondaire d'une bille recouverte d'aponévrose et fixée par les muscles oculomoteurs.

Recouvrement conjonctival 2. On réalise de la même façon la kératectomie superficielle.


3. On suture sur la ligne médiane en deux plans séparés la
capsule de Tenon et la conjonctive.
Indications
Lorsque le globe non voyant est non douloureux, de
Implants macroporeux
volume suffisant et stable depuis plusieurs mois ou
années, et que le patient hésite à envisager une chirurgie
La principale caractéristique de ces implants est leur poro-
mutilante. sité qui leur permet d'être colonisés par les vaisseaux san-
guins et intégrés dans l'orbite. L'envahissement vasculaire
diminue ainsi les risques de migration, d'expulsion et d'in-
fection de l'implant. Un autre avantage est la mobilité de la
Technique
prothèse grâce à la fixation des muscles droits oculomo-
1. Après désinsertion de la conjonctive au limbe sur 360°, teurs sur l'implant. La pose éventuelle d'un clou entraîneur
on sépare la capsule de Tenon jusqu'au cul-de-sac comme dans un second temps est désormais, en Europe, limité au
dans la technique de l'éviscération. strict minimum du fait des risques de complications.
137
Chirurgie palpébrale

Différents types d'implants La fabrication des implants nécessite plusieurs étapes.


Une électrode de carbone d'un diamètre préétabli, est
en céramique plongée dans une solution d'alumine. Sous l'influence d'un
Hydroxyapatite courant électrique et d'un champ magnétique, la céra-
mique s'agglutine sur l'électrode. Les variations de tension
Les implants en hydroxyapatite obtenus à partir du corail électrique, du champ magnétique et de température de la
naturel ne sont pas des céramiques mais des corps miné- solution déterminent le diamètre, l'épaisseur et la porosité
raux [7, 1]. Le phosphate de calcium ou hydroxyapatite, de l'implant.
est un des composants minéraux de l'os humain. Ce bio- Les pores obtenus sont radiaires et peuvent avoir un
matériau est utilisé en chirurgie orbitaire depuis 1985 par diamètre calibré entre 150 et 500 microns. L'électrode
le Arthur Perry [21] à San Diego. Il est biocompatible, non de carbone est alors fondue par chauffage à 1800 degrés
toxique et non allergisant chez l'homme [21]. Celsius, puis l'implant est dépoussiéré aux ultrasons.
Ces billes sont obtenues par transformation de la molé- L'intérieur de la bille peut être comblée par un ciment
cule d'aragonite (CaCO3), constitutive du corail marin, après médical et le pas de vis d'un clou entraîneur peut y être
substitution des carbonates par des phosphates grâce à un incorporé. On peut réaliser aussi des billes pleines selon
traitement hydrothermique. le procédé précédant et percer, avant ou après l'opéra-
La composition chimique est Ca5(PO4)3OH avec une tion, un orifice pour l'entraîneur.
pureté proche de 98 %.
La qualité des pores, continus et sans culs-de-sac, dont
le diamètre varie autour de 500 microns, permet l'envahis-
sement fibrovasculaire assurant une bonne stabilité et la La procédure chirurgicale de mise en place des implants
résistance aux infections. d'alumine ne diffère pas de celle des implants en
Ce type d'implant est bien toléré mais son prix reste hydroxyapatite. La dureté de ces implants est remar-
élevé. quable et explique qu'ils soient plus difficiles à retailler
pendant une intervention.
Les implants en hydroxyapatite synthétique sont des
La surface de ces implants ne comporte pas de spi-
céramiques. Ils sont fabriqués à partir d'une solution liquide cules ce qui entraîne moins de risques d'exposition
de poudre d'hydroxyapatite après imprégnation d'une secondaire.
mousse suivie d'un frittage.
La composition chimique est Ca10(PO4)6(OH)2 avec une
pureté de 99 %.
L'hydroxyapatite est un produit poreux, inerte, perforé
de canaux interconnectés de 900 à 1 100 microns de dia- Complications
mètre, sans impasse et semblable au système haversien de
La complication la plus fréquente est l'exposition chro-
l'os humain. Les avantages des implants d'hydroxyapatite
nique de l'implant par perte de substance conjoncti-
synthétique sont la plus grande pureté, la sauvegarde de
vale, le plus souvent après éviscération [9, 21, 32]. Elle
l'écologie et un prix plus abordable.
peut entraîner l'infection et l'extrusion de l'implant.
Ils peuvent être mélangés au tricalcium phosphate
Cela survient souvent durant les six premiers mois
(TCP) pour réaliser de l'hydroxyapatite tricalcium phosphate
postopératoires ou après perforation de la bille. Il est
(HATCP). Ce biomatériau a surtout été utilisé dans le trai-
préférable de traiter les expositions larges supérieures
tement du syndrome de l'orbite rétractée après énucléa-
à 10 mm :
tion ou éviscération ou, plus rarement, dans le traitement ● par une greffe de muqueuse, ou mieux chondromu-
d'atrophie osseuse faciale après radiothérapie.
queuse comme la muqueuse palatine ;
● par un lambeau conjonctivo-müllérien abaissé à partir
Implants en alumine de la lamelle postérieure de la paupière supérieure.
La composition chimique de l'alumine est Al2O3. L'alumine
Technique (figure 5.6)
est une céramique moins coûteuse [2].
L'alumine est une céramique couramment utilisée en 1. Mise en place de deux sutures de soie noire 6/0 sur le
chirurgie stomatologique et orthopédique. Son usage bord libre de la paupière supérieure à l'aplomb des bords
intra-orbitaire a été développé par l'un d'entre nous. latéraux de la cornée.
138
5. Chirurgie des cavités et du sac conjonctival

Syndrome de l'orbite après


énucléation ou éviscération
Après une énucléation ou une éviscération, la recons-
truction du volume initial du globe peut rester insuf-
fisante et les patients présentent des symptômes
disgracieux qui s'intègrent dans le cadre du syndrome
de l'orbite après énucléation ou éviscération (SOEE)
ou post-enucleation socket syndrome (PESS) des Anglo-
Saxons [25, 26].

Clinique et physiopathologie
L'orbite anophtalme est différente de l'orbite normale.
Les modifications postopératoires sont esthétiques,
mais aussi anatomiques, physiologiques et fonction-
nelles. C'est en 1976 que Vitnes introduit la notion de
« syndrome de l'orbite anophtalme » [30], repris en
1982 par Tyers et Collin sous le terme anglais de post-­
enucleation socket syndrome [28], dans la description des
symptômes inesthétiques rencontrés chez les patients
anophtalmes (figure 5.7A).
Figure 5.6
Lambeau conjonctivo-müllérien pour combler un déficit en
Ces symptômes, généralement plus marqués après
regard d'une bille en céramique (A). les énucléations qu'après les éviscérations, se défi-
B. À charnière inférieure. C, D. À charnière supérieure. nissent par :
● une énophtalmie ;
● une bascule postérieure de la prothèse ;
2. On retourne la paupière supérieure sur une plaque ● un approfondissement du creux sus-palpébral ;
en prenant un point d'appui 3 à 4 mm au-dessus du pli ● un ptosis ou une rétraction de la paupière supérieure ;
palpébral. ● un affaissement de la paupière inférieure Il peut s'y asso-
3. Au bistouri électrique monopolaire, on incise le plan cier un entropion ou un ectropion ;
conjonctivo-müllérien, 8 à 10 mm au-dessus du bord ● une dépression du creux sus-palpébral qui peut être
supérieur du tarse, puis on clive l'espace entre ce plan et évaluée selon la méthode de Smerdon [25]. Sur une photo-
l'aponévrose vers le bas, et on réalise deux traits de refend graphie de face du patient, on mesure, sur l'œil sain, la dis-
latéraux jusque vers le bord supérieur du tarse que l'on tance entre le bord libre de la paupière supérieure et le pli
peut inciser de 1 à 2 mm pour avoir un lambeau plus palpébral supérieur, et on la compare à la distance mesurée
grand. sur le côté opposé.
4. On se retrouve ainsi avec un lambeau à charnière infé- Plusieurs mécanismes physiopathologiques ont été
rieure que l'on va suturer dans le bord inférieur du déficit proposés :
pour avoir la conjonctive vers l'avant. ● la perte du volume liée à la suppression du globe, partiel-
5. On laisse le lambeau se vasculariser pendant 5 à lement compensée par l'implant ;
6 semaines, puis on sectionne son bord supérieur que ● une atrophie de la graisse orbitaire liée au traumatisme
l'on réattache sur la face postérieure de la paupière chirurgical ;
supérieure par des points en U de Vicryl 6/0 ; l'autre ● une rétraction tissulaire responsable de la perte de
bord sectionné est suturé dans la partie supérieure du volume, liée à la présence active de myofibroblastes dans
déficit. les cavités anophtalmes ;
Il existe des variantes avec un lambeau à charnière infé- ● une rotation du contenu orbitaire vers l'arrière pouvant
rieure et un lambeau torsadé sur 180°. expliquer les principaux signes du SOEE [22–26].
139
Chirurgie palpébrale

Reconstruction de l'orbite
anophtalme
Le premier traitement du SOEE est sa prévention.
L'énophtalmie est liée à la perte de volume du globe et
de quelques tissus environnants d'environ 7 à 10 ml, mal
compensée par le volume de l'implant et de la prothèse
(5 ml). Le volume de l'implant est une fonction directe de
son diamètre et varie en moyenne de 3 à 5,5 ml (tableau 5.1).
La prothèse a un volume de 1 à 1,5 ml. L'importance
du creux sus-tarsal accentue souvent l'énophtalmie. Leur
prévention est obtenue en augmentant le volume intra-
orbitaire de l'implant [13]. Lorsqu'aucun implant n'a été
placé auparavant, l'implantation secondaire est indiquée,
utilisant des billes sphériques en hydroxyapatite, silicone,
polyéthylène poreux Medpor® [6], ou Proplast® [12].
De même, les greffes dermograisseuses apportent de
bons résultats dans les reconstructions de seconde inten-
tion [11]. S'il existe déjà un implant, on augmente le volume
en introduisant des implants en position sous-périostée sur
le plancher, ce qui a pour effet de propulser en haut et en
avant le contenu orbitaire.

Implantation sous-périostée
Indications : enophtalmie modérée, pathologie orbitaire et
palpébrale secondaire à un déficit du plancher orbitaire.

Technique (figure 5.7B)


1. Incision cutanée à 3 mm de la bordure ciliaire sur la pau-
pière inférieure de l'angle interne vers l'angle externe.
2. On sépare la lamelle antérieure myocutanée du tarse
vers le haut et celle du septum vers le bas jusqu'à découvrir
le périoste du rebord orbitaire.

Tableau 5.1. Volume et diamètre des billes.


Diamètre Volume
des billes (en ml) des billes (mm)
14 1,4
15 1,8
16 2,1
17 2,6
18 3,1
19 3,6
20 4,2 Figure 5.7
21 4,9 Syndrome de l'orbite énucléée ou éviscérée.
A. Signes cliniques. B. Implantation en sous-périosté.
22 5,6 C. Implantation d'hydroxyapatite en intraconique.

140
5. Chirurgie des cavités et du sac conjonctival

3. Incision du périoste un peu en-dessous du rebord orbi- 4. Après une mini-ouverture septale la graisse est injectée
taire selon une ligne horizontale d'environ 30 à 35 mm. dans les trois poches précédemment utilisées, de la zone
4. On sépare l'espace entre le périoste et le plancher orbi- intraconique profonde vers la superficie. On utilise pour
taire le plus loin possible sur les côtés et en arrière, ce qui cela une aiguille mousse et une seringue de 1 ml afin d'être
créé un espace nécessaire à l'implantation. plus précis dans la répartition de la graisse injectée.
5. On peut utiliser pour l'implantation de l'hydroxyapatite
de synthèse, du silicone [14, 17], des blocs de Silastic® [18], Autres éléments
du Teflon® [19] ou du Proplast® [24].
de la pathologie palpébrale
Implantation intraconique Une hyperlaxité de la paupière inférieure est retrouvée dans
d'HA-TCP (figure 5.7C) 40 à 50 % des cas [29]. Le poids et la pression constante
exercés par la prothèse sont responsables de l'affaissement,
Nous avons modifié cette technique [1, 32] et obtenu ce qui augmente sa bascule, le risque d'expulsion et le creu-
de bons résultats en insérant dans la graisse orbitaire des sement sus-tarsal. Placer une prothèse plus grande accen-
implants d'Hydroxyapatite-Tricalcium-Phosphate ou de la tue les signes. Le traitement consiste à retendre la paupière
graisse orbitaire selon la technique de Coleman. inférieure, en suspendant le tendon canthal externe par un
Technique «tarsal strip» d'Anderson ou «bande tarsale». Lorsque le
cul-de-sac conjonctival inférieur est insuffisant pour main-
1. Incision cutanée bipalpébrale le long de la bordure tenir la prothèse, on l'approfondit en suturant le fornix au
ciliaire en paupière inférieure et dans le pli palpébral en périoste du plancher orbitaire [19] ; si la rétraction est plus
paupière supérieure. importante, une greffe de muqueuse buccale est souvent
2. Abord du septum orbitaire sur les deux paupières après nécessaire.
avoir séparé la lamelle antérieure myocutané du septum au Le développement postopératoire d'un ectropion en
bistouri électrique. paupière inférieure peut résulter d'une mauvaise adap-
3. Mise en évidence des cinq poches palpébrales : trois en tation de la prothèse, mais aussi de l'hyperlaxité pal-
paupière inférieure (médiale, médiane, latérale), deux en pébrale ou de la rétraction du cul-de-sac, responsables
paupière supérieure ; la poche latérale étant remplacée par également d'un entropion. Le traitement des ectropions
la glande lacrymale. consiste à retendre la paupière par canthoplastie ou
4. Le comblement s'effectue après ouverture du septum en à pratiquer une greffe cutanée s'ils sont cicatriciels. Les
regard des poches supéromédiale, inféromédiane et inférolatérale. entropions peuvent être traités par la technique « de la
5. Lorsqu'on utilise l'hydroxyapatite on ouvre le septum bande tarsale » ; lorsqu'ils sont cicatriciels, une greffe de
sur 10 mm et on introduit de petits fragments, larges cartilage rétro-auriculaire est souvent utile, parfois cou-
d'environ 6 mm de diamètre, à l'aide d'une pince longue plée à une greffe de muqueuse buccale afin d'approfon-
entre un rétracteur plat repoussant la graisse en dedans dir le cul-de-sac.
et le périoste orbitaire de l'autre côté. Le septum n'est pas Après une énucléation, un ptosis survient dans 14 % à
refermé, seule le plan myocutané est suturé au Nylon 6/0. 18 % des cas [24, 28]. Les rapports différents du muscle
releveur et du fornix supérieur avec la prothèse, ainsi
Implantation intraconique qu'une mauvaise adaptation de celle-ci en sont en par-
selon la technique de Coleman [6] tie responsables. Même s'il s'agit souvent d'un pseudo-
ptosis, on l'explique par une altération du releveur ou
Dans la technique de Coleman (figure 5.8A-H), on utilise un allongement fonctionnel de celui-ci, secondaire à un
des tubules de graisse d'environ 1 mm de diamètre : affaissement du complexe musculaire droit supérieur/
1. Ils sont prélevés par aspiration forte à l'aide d'une canule releveur.
creuse et d'une grosse seringue de 20 ml dans la région de
la graisse abdominale, de la fesse ou de la cuisse.
2. La graisse prélevée est ensuite soumise à une ultracen- Le traitement du ptosis ne se conçoit qu'après avoir
tifugation qui permet de séparer la graisse en tubules au adapté la prothèse, ce qui est parfois suffisant. Dans les
milieu, en sang en bas et en graisse liquide en haut. cas contraires, on pratique un traitement chirurgical par
3. Grâce à un robinet à trois voies, la séparation est résection du releveur ou suspension frontale.
effectuée.
141
Chirurgie palpébrale

Figure 5.8
Technique de Coleman.
A. Aiguille d'aspiration de la graisse. B. Prélèvement de graisse sur la cuisse par aspiration. C. Seringues remplies de graisse placées dans des
tubes noirs avant la centrifugation. D. Centrifugeuse. E. Trois niveaux dans la seringue : sang, graisse, huile. F. Séparation de l'huile. G. Robinet à
trois voies. H. Injection de graisse dans l'orbite.

142
5. Chirurgie des cavités et du sac conjonctival

Rétraction du sac conjonctival Greffe de muqueuse fixée en profondeur


au rebord osseux
Techniques et indications 1. Incision conjonctivale dans le fond du fornix, puis libé-
ration des adhérences conjonctivales antérieures et posté-
opératoires selon les formes rieures aux ciseaux, et incision dans la zone sclérosée jusque
anatomocliniques vers le rebord orbitaire que l'on dégage avec une rugine de
Rollet.
Cas simples, premier degré 2. Prélèvement d'un greffon de muqueuse buccale ou
Indication : il existe un déficit conjonctival mais le cul-­ plus rarement jugale. Pour des raisons de commodité,
de-sac est souple et non rétracté. on utilise de plus en plus des greffons de membrane
amniotique car il permette d'obtenir des surfaces impor-
Greffe de muqueuse avec ou sans canthoplastie : tantes à greffer.
1. Incision de la conjonctive autour du déficit, en 3. Fixation du nouveau plan conjonctival (autogreffe
essayant d'éviter la monopolaire pour ne pas augmenter ou membrane amniotique) au rebord infra-orbitaire,
la rétraction. par la mise en place de 3 points séparés en U, trans-
2. Fixation du nouveau plan conjonctival au rebord infra- fixiant le greffon du fornix puis la zone cicatricielle,
orbitaire, par la mise en place de points séparés en U, passant sur le périoste orbitaire et ressortant sur la
transfixiant le fornix, passant sur le périoste orbitaire et res- peau.
sortant sur la peau. 4. Suture du greffon à la berge conjonctivale restante au fil
3. Si la muqueuse paraît insuffisante, il ne faut pas hésiter, résorbable. Si la muqueuse paraît insuffisante, il ne faut pas
dans le même temps, à augmenter la surface par une greffe hésiter, dans le même temps, à augmenter la surface de la
de muqueuse buccale. greffe de muqueuse buccale ou amniotique.
Bien souvent, il est indispensable dans le même 5. La contention de la greffe est assurée par la mise en place
temps de corriger une hyperlaxité, de la lamelle posté- d'une éponge à décollement de rétine ou une bande de
rieure. La remise en tension de la sangle tarsoligamen- Goretex® sous les trois sutures en U dans le futur fornix. On
taire peut être réalisée par une réduction de la longueur peut alors serrer les fils en U de l'indentation conjonctivale
de la paupière, et une fixation d'un néotendon fait de du fornix.
tarse et d'orbiculaire sur le rebord latéro-orbitaire, le
plus haut possible et le plus postérieurement possible,
à l'aide d'un fil non résorbable. On réalise ainsi une
On peut éventuellement faire une blépharorraphie
canthoplastie externe, ou canthopexie externe (voir provisoire sur quelques jours par un ou deux points de
reconstruction des canthus). Goretex® entre les deux bords libres palpébraux.
Parfois, une petite canthotomie externe et une remise
en tension de la sangle tarsoligamentaire peuvent être
faites dans le même temps, selon bien sûr le degré des
En cas d'affaissement de la lamelle postérieure, on peut
lésions.
proposer par voie antérieure, ou par voie conjonctivale, la
désinsertion du rétracteur de la paupière inférieure et la
mise en place d'une greffe composée, chondromuqueuse
(greffe mucopalatine, greffe chondromuqueuse nasale).
Prélèvement de la greffe de muqueuse
mucopalatine (figure 5.10)

Cavités partiellement rétractées, La source de prélèvement est essentiellement buc-


2e degré (figure 5.9) cale, plus rarement jugale, car moins accessible et plus
épaisse. La greffe de muqueuse est prélevée le plus sou-
Indication : au déficit conjonctival se surajoute une rétrac- vent au niveau de la lèvre inférieure, plus rarement la
tion du cul-de-sac qui ascensionne celui-ci vers le haut. lèvre supérieure.

143
Chirurgie palpébrale

Figure 5.9
Greffe de muqueuse fixée dans la cavité puis au rebord orbitaire.
A-C. En paupière inférieure. D. En paupière supérieure. E, F. Fixation sur paupière supérieure et inférieure.

Après large infiltration d'une solution de Xylocaïne®, le Cavités totalement rétractées, 3e degré
prélèvement se fait au bistouri. Le greffon obtenu est débar-
Indication : le processus de fibrose atteint la conjonc-
rassé des lobules graisseux.
tive, recouvre le tarse palpébral, et il ne subsiste plus
La zone de prélèvement de la greffe est coagulée, et
qu'une petite fente palpébrale, derrière laquelle on dis-
l'hémostase est faite secondairement par la mise en place
tingue une conjonctive fibreuse blanche et rétractée
d'un Surgicel® . Aucune suture n'est placée et l'épithélisation
[5, 16, 23].
est spontanée, entre 8 et 15 jours.

144
5. Chirurgie des cavités et du sac conjonctival

Figure 5.11
Prélèvement de membrane amniotique.

Figure 5.10
Prélèvement de muqueuse buccale.

Greffe large dermoépidermique (figure 5.13)


ou de membrane amniotique (figures 5.11 et 5.12)
Aux ciseaux, on réalise l'ouverture de la cavité, la dissection des
fornix jusqu'au rebord supra- et infra-orbitaire, la reconstruc-
tion du sac conjonctival par une greffe dermo-épidermique
[27], ou une greffe de peau totale, la contention de la greffe par
un implant à cavité, lui-même contenu par une tarsorraphie
subtotale que l'on ouvrira seulement plusieurs mois après.

Prélèvement de la greffe cutanée Figure 5.12


Il s'agit d'une greffe fine, dermo-épidermique, qui est préle- Prélèvement de membrane amniotique.
vée sur une zone glabre, face interne du bras ou face interne
de la cuisse. Après avoir pratiqué une asepsie minutieuse
de la peau, le greffon dermo-épidermique est prélevé à
l'aide d'un rasoir électrique ou mécanique, extrêmement
mince de 4/10e de millimètre d'épaisseur.

Formes avec rétraction intraconique


associée, 4e degré
Indication : la rétraction porte non seulement sur le seg-
ment antérieur avec une toute petite cavité, mais aussi sur
la partie intraconique qui est fibrosée et mal vascularisée.
Les objectifs du traitement sont donc de reconstruire à
la fois le sac conjonctival, et les paupières, et de combler le
fond de l'orbite. Figure 5.13
Greffe dermoépidermique.
Rétractions des cavités et les pertes
de volume intraténonien et dans le même temps, la reconstruction du sac conjoncti-
Les opérations deviennent de plus en plus complexes, val par greffe dermo-épidermique ou greffe de muqueuse ;
puisqu'elles doivent combiner la reconstruction du volume une solution élégante est la transposition du muscle tem-
orbitaire par greffes ou lambeaux (cartilage, muscle, galéa) poral dans l'espace intra-ténonien, pour combler le volume,
145
Chirurgie palpébrale

et la reconstruction du sac conjonctival dans le même un lambeau de muscle temporal [30] et la reconstruction
temps, voire dans un deuxième temps. du sac conjonctival par un lambeau en îlot supra-sourcilier
On peut aussi combiner la mise en place d'un matériel de transposition [27]. Ce lambeau aura pour but de per-
hétérologue, sous forme d'implant ou de biomatériau (bille mettre l'expansion du sac conjonctival et de contenir dans
d'hydroxyapatite) pour corriger le déficit intraténonien par le même temps le biomatériau intraténonien.

Transposition du muscle temporal


[30, 31] (figures 5.14 à 5.16)
C'est une incision coronale qui présente sur toutes les autres
voies d'abord l'avantage d'une parfaite exposition, de suites
simples et d'une cicatrice invisible sauf en cas de calvitie.
● Rugination de la totalité de l'orbite, y compris de ses
rebords, sans désinsérer le tendon de l'orbiculaire sous le
canthus interne ;
● Section du pédicule optique (nerf optique et muscles
oculomoteurs) près de l'apex ;
Figure 5.14
● Section de l'aponévrose temporale, 5 mm sous la crête
Voie coronale pour abord du muscle temporal.
temporale, avec conservation d'une bandelette pour y réin-
sérer le chef postérieur du muscle en fin d'intervention ;
● Dissection monobloc et totale du muscle temporal de la
fosse temporale externe et de la gouttière rétromalaire ; désin-
sertion de l'aponévrose au niveau de l'arcade zygomatique ;
● Séparation du muscle temporal en deux chefs, antérieur
(environ 2/5) et postérieur. La section de l'aponévrose est
poursuivie jusqu'à l'arcade zygomatique afin que les deux
parties puissent suivre des directions très différentes ;
● Large fenestration de la paroi orbitaire latérale. La résec-
tion porte sur la grande aile jusqu'à la fente sphénomaxillaire ;
● Passage dans l'orbite du chef antérieur à travers la fenêtre
latérale ;
Figure 5.15 ● Capitonnage de la périphérie du muscle sur la peau des
Voie hémicoronale et abord du muscle temporal. régions orbitonasale, sous-orbitaire et sourcilière ;

Figure 5.16
Voie hémicoronale et séparation du muscle temporal de la fosse temporale osseuse.

146
5. Chirurgie des cavités et du sac conjonctival

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147
Chirurgie palpébrale

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syndrome. Trans Ophthalmol Soc UK 1982 ; 102 : 90–2. 101 : 1709–15.

148
Chapitre 6
Troubles de la protection
cornéenne et conjonctivale
J.-P. Adenis, R. Servantie, P.-Y. Robert

PLAN DU C HAPITRE
Tarsorraphies 150
Règles générales 150
Techniques 150
Anomalies palpébrales et ophtalmopathie
dysthyroïdienne 151
Pathogénie de l'ophtalmopathie
dysthyroïdienne 151
Signes cliniques 152
Traitement 154
Symblépharons 163
Étiologies 164
Remaniements cicatriciels sous-épithéliaux 164
Clinique 164
Traitement 165

Chirurgie palpébrale
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Chirurgie palpébrale

Tarsorraphies
J.-P. Adenis, R. Servantie

L'exposition cornéenne ou la pathologie de surface cor-


néenne nécessitent parfois au cours de leur prise en charge
thérapeutique la réalisation d'une tarsorraphie. Cette étape
chirurgicale n'intervient qu'après échec du traitement
médical (collyres, toxine botulique dans le releveur, sutures
de Frost, parfois utilisation de lentilles de contact) ou en cas
d'exposition majeure.
Différentes techniques seront utilisées selon :
● le temps de fermeture : provisoire pour quelques jours
sans avivement palpébral en général, ou définitive avec
avive­ment palpébral ;
● la localisation du segment palpébral concerné : tarsorra-
phie externe, interne, médiane, totale ;
● la longueur du segment palpébral concerné : partielle ou Figure 6.1
totale. Tarsorraphie interne et externe.

Règles générales
La pathologie causale doit être bien connue dans son
pronostic afin de décider d'une technique provisoire ou
définitive.
La technique doit respecter au mieux l'anatomie pal-
pébrale et ses différents constituants afin de retrouver
une paupière presque ad integrum après l'ouverture de la
tarsorraphie. Ainsi, on évitera d'endommager la bordure
ciliaire, qui est un élément essentiel sur le plan cosmétique,
ainsi qu'une repousse irrégulière, source de dystichiasis ou
de trichiasis post opératoire.
On limitera au maximum la zone d'excision et on ne fera
une tarsorraphie totale que dans les formes majeures.
Figure 6.2
Trois méthodes d'avivement du bord libre.
Techniques (figures 6.1 et 6.2)
Les sutures sont ensuite serrées sur un bourdonnet de
Technique d'Elschnig coton ou sur un tube de silicone, l'essentiel étant de ne pas
provoquer de nécrose lors du serrage permanent des fils.
On réalise une incision intermarginale du bord libre sur une
longueur variable fonction de la gravité de la pathologie initiale.
Plusieurs sutures de soie noire 5/0 ou 6/0 sont mises en
place sous forme de sutures en U. Celles-ci entrent à 4 mm Il est nécessaire d'attendre un délai supérieur à dix jours
sur la paupière inférieure, cheminent dans le tarse, sortent et pour l'ablation des fils, de façon à obtenir un pont de
entrent dans l'incision intermarginale et ressortent à la peau qualité solide entre les deux paupières.
sur la paupière supérieure à 4 mm de la bordure ciliaire.
150
6. Troubles de la protection cornéenne et conjonctivale

Technique utilisant la lamelle Technique de tarsorraphie interne


postérieure ou méthode de Terson
On réalise dans un premier temps l'exérèse d'un triangle de Elle est tout à fait adaptée au traitement d'une lagophtal-
lamelle postérieure sur le bord libre. mie de paralysie faciale définitive.
Plusieurs sutures de soie noire 5/0 ou 6/0 sont mises en Dans un premier temps, une sonde Bowman est placée
place sous forme de sutures en U. Celles-ci entrent à 4 mm dans chacun des canalicules lacrymaux pour être sûr de ne
sur la paupière inférieure, cheminent dans le tarse, sortent pas les endommager.
et entrent dans la zone d'exérèse et ressortent à la peau sur Une incision cutanée est effectuée au ras de la bordure
la paupière supérieure à 4 mm de la bordure ciliaire. cutanée de la portion lacrymale de la paupière, puis on
Les sutures sont ensuite serrées sur un bourdonnet de sépare le plan myocutané du plan des rétracteurs.
coton ou sur un tube de silicone, l'essentiel étant de ne pas
provoquer de nécrose lors du serrage permanent des fils.

On peut faire la même séparation pour le plan de la


Technique d'Elschnig modifiée conjonctive vers l'arrière. Les deux plans myocutanés,
et simplifiée supérieurs et inférieurs, sont ensuite suturés entre eux
selon une ligne horizontale, avec en arrière la suture d'un
L'incision est réalisée sur le tarse de façon horizontale réali- éventuel plan conjonctival.
sant une fracture du tarse. Les sutures sont ensuite placées
à travers cette incision.

Anomalies palpébrales et ophtalmopathie dysthyroïdienne


J.-P. Adenis

Pathogénie de l'ophtalmopathie tibial). Ce deuxième antigène est porté par des fibroblastes,
mais il est encore impossible de savoir s'il est strictement
dysthyroïdienne identique et s'il est fonctionnel sur ces cellules.
Il en résulte une infiltration de l'orbite et des téguments
L'atteinte oculaire survient en association avec un trouble prétibiaux par des lymphocytes T. L'interaction entre les
hormonal thyroïdien et avec un trouble de l'auto-­immunité lymphocytes T et les fibroblastes provoque la libération
thyroïdienne [3, 40, 41]. L'hyperthyroïdie est le trouble thy- de cytokines qui stimulent alors l'activité de certaines pro-
roïdien le plus fréquemment rencontré (90 à 95 % des cas), téines immunomodulatrices des fibroblastes orbitaires,
l'hypothyroïdie est peu fréquente (5 %). Le nombre des perpétuant ainsi la réponse auto-immunitaire dans le tissu
patients euthyroïdiens (5 %) se raréfie d'autant plus que l'on orbitaire. Certaines de ces cytokines, telles que l'interféron,
considère une longue période d'évolution de la maladie. l'interleukine, le facteur B de croissance, peuvent aussi sti-
Le mécanisme pathogénique actuellement admis de muler la prolifération des fibroblastes et l'accumulation
l'OD [11, 28, 56] repose sur l'existence d'un trouble auto- de glycosaminoglycanes par ces derniers au niveau des
immunitaire. L'antigène visé par les anticorps circulants au muscles oculomoteurs et des tissus conjonctivaux orbi-
niveau de la thyroïde est le récepteur de l'hormone TSH taires [40, 41, 57].
[3, 4]. L'étroite relation entre le début de l'hyperthyroïdie et Des facteurs non immunitaires, génétiques et/ou liés à
les manifestations non thyroïdiennes de la maladie sont le l'environnement sont susceptibles en outre d'influencer
meilleur argument actuel pour penser qu'il existe une com- l'apparition et la sévérité des signes et symptômes de l'oph-
munauté antigénique entre le récepteur de la TSH et un talmopathie thyroïdienne.
antigène orbitaire et cutané (responsable de l'œdème pré- Parmi eux, on retrouve les suivants.
151
Chirurgie palpébrale

Influence génétique À l'inverse, la gravité de l'hyperthyroïdie est faiblement


reliée à la sévérité de l'ophtalmopathie thyroïdienne (OD).
La présence plus élevée que la normale d'HLA B8, BW35, Le délai d'apparition de l'OD par rapport à l'apparition
DR3, et de groupe sanguin P1 a été décrite chez des patients des troubles thyroïdiens est un élément important. La
atteints d'OD [40, 41, 51]. survenue de l'ophtalmopathie est dans la majorité des cas
Les patients européens ont un risque 6,4 fois plus impor- concomitante de l'hyperthyroïdie ; l'intervalle moyen entre
tant de développer l'OD que les patients asiatiques [54]. Il le début du trouble thyroïdien et l'apparition de l'oph-
reste que, pour l'instant, il existe une faible corrélation entre talmopathie est de 3,3 ans [30]. En regroupant plusieurs
la prédisposition génétique, l'OD et l'hyperthyroïdie. études, Burch [13] montre que l'OD apparaît, le plus sou-
vent, pendant ou après les troubles thyroïdiens.
Tabac
La proportion de sujets fumeurs apparaît plus élevée chez
les patients où coexistent hyperthyroïdie et ophtalmopa-
Signes cliniques
thie (81 %), intermédiaire dans le cas d'une hyperthyroï-
die isolée (55 %) et nettement plus faible en présence de Méthodes de mesure
troubles thyroïdiens d'une autre nature [42].
L'étude de Bartalena [5] est à cet égard très significative En position primaire du regard : mesure
en montrant l'influence de la cigarette sur une population de la rétraction
de 1 730 femmes On peut apprécier la rétraction palpébrale par :
Une revue de la littérature relative à l'influence du tabac ● La hauteur de la fente palpébrale sur la ligne médiane.
sur l'OD semble montrer que la sévérité de l'ophtalmopa- Cette mesure permet une comparaison avec l'œil adelphe
thie est nettement plus grande chez les fumeurs que chez en cas d'atteinte unilatérale, mais manque de préci-
les non-fumeurs [5, 58]. sion s'il existe une rétraction des deux paupières. Cette
mesure n'est pas influencée par l'association de troubles
Âge et sexe oculomoteurs.
● La distance entre le limbe et le bord palpébral. Chez le
L'âge moyen des patients atteints d'OD est le même que sujet normal, le bord de la paupière supérieure recouvre
ceux porteurs d'une hyperthyroïdie isolée et se situe aux le limbe de 1,5 à 2 mm. La paupière inférieure est juste au
alentours de 45 ans. niveau du limbe avec environ 1 mm de variation, selon
Sattler, dans une série de 3800 cas [50], trouve un rap- l'expression du visage [47]. Toutefois, ce signe perd toute
port global de 5,4 femme/1 homme. Ce pourcentage de valeur sémiologique en cas de trouble oculomoteur asso-
sexe féminin sur masculin est plus important dans les cié. C'est donc le plus simple, mais le moins fiable.
formes peu sévères d'OD [41]. Et à l'inverse, les hommes La rétraction sera :
ont tendance à présenter des formes plus sévères. ● mineure : paupière supérieure au limbe, paupière infé-
rieure avec exposition sclérale (ou scleral show des Anglo-
Iode radioactif Saxons) inférieure ou égale à 2 mm ;
● moyenne éloignée de 2 à 6 mm en haut de la position
L'iode radioactif utilisé dans le traitement de l'hyperthyroï- normale (exposition sclérale entre 0 et 4 mm), 3 mm en bas ;
die a été fréquemment incriminée dans différentes études ● sévère supérieure à 6 mm en haut (exposition sclérale
rétrospectives comme pouvant être un facteur aggravant > 4 mm), 4 mm en bas.
ou déclenchant de l'ophtalmopathie.

Effets de la dysfonction thyroïdienne La distance entre le bord palpébral supérieur et le reflet


pupillaire ou MRD (pour margin-reflex distance) trouve
Le dysfonctionnement thyroïdien semble aussi exacerber son plus grand intérêt en cas de trouble oculomoteur
la sévérité de l'ophtalmopathie en particulier l'évolution associé, puisque la mesure n'est pas modifiée par la posi-
rapide vers une hypothyroïdie, alors que l'euthyroïdie est tion anormale du globe. La valeur normale est de 4,5 mm
fréquemment suivie d'une amélioration clinique de celle-ci [43, 48, 49, 53].
par un mécanisme encore imprécis [41].
152
6. Troubles de la protection cornéenne et conjonctivale

En situation dynamique Anomalies non palpébrales


On recherchera des signes plus trompeurs : Elles sont souvent intriquées avec :
● Suivant la loi de Hering, un ptosis controlatéral peut être ● des anomalies inflammatoires des tissus mous. Ainsi, le
responsable de la rétraction palpébrale supérieure que l'on chémosis s'associe souvent à l'œdème et au gonflement
pourrait attribuer à tort à la maladie de Basedow. La ferme- des paupières ;
ture du côté ptosé fera diminuer la rétraction (à l'inverse, ● l'exophtalmie bilatérale ou asymétrique, liée surtout à
une rétraction ne peut être responsable d'un ptosis). l'augmentation de volume des muscles oculomoteurs [55] ;
● Un trouble oculomoteur. Le plus souvent une atteinte ● le strabisme par fibrose musculaire ;
du muscle droit inférieur. L'examen des versions, avec limi- ● la neuropathie optique avec baisse d'acuité visuelle et
tation de l'élévation d'un œil, met en évidence une contrac- l'amputation du champ visuel ;
ture du muscle droit inférieur qui peut être à l'origine de la ● la kératoconjonctivite limbique supérieure [24] ;
rétraction palpébrale supérieure. L'étude des reflets pupil- ● l'ulcération de la cornée s'associe souvent à la
laires permet d'objectiver une hypotropie gênant l'évalua- lagophtalmie.
tion de la rétraction.
● Une exophtalmie supérieure à 18 mm : l'examen systé- Anomalies palpébrales
matique à l'exophtalmomètre de Hertel évite d'attribuer à
tort une exposition sclérale, uniquement due à une rétrac- La rétraction palpébrale entraîne une augmentation de
tion palpébrale [56]. En cas d'association, la mesure devient la taille de la fente palpébrale, évaluée normalement à
délicate. L'asynergie oculopalpébrale est un bon signe pour 9 mm chez le sujet blanc [2, 53] et 9 à 10 mm chez le
évaluer l'importance relative de la rétraction. sujet noir [29].
● Une myopie forte peut également provoquer une véri-
table protrusion du globe. En paupière supérieure
La rétraction est liée à :
● l'atteinte par fibrose du muscle releveur et du droit supé-
Autres éléments du tableau clinique rieur est en partie responsable de la rétraction palpébrale.
Les muscles et leurs aponévroses sont d'abord hypertro-
Signes liés à la rétraction
phiés et contracturés au stade inflammatoire, puis grêles et
Ce sont : fibrotiques au stade séquellaire [18, 24] ;
● l'asynergie oculopalpébrale (signe de Von Graefe) : la ● la fibrose du droit inférieur : le complexe releveur de la
paupière supérieure ne se déroule pas dans le regard vers le paupière supérieure/muscle droit supérieur est anormale-
bas ; ment stimulé s'il existe une fibrose du muscle droit inférieur
● la rareté du clignement (signe de Stellwag) ; selon la loi de Hering ;
● la difficulté d'éversion de la paupière supérieure (signe ● l'hyperactivité sympathique stimule le muscle de
de Gifford) ; Muller et participe fréquemment à la rétraction. Les hor-
● l'asynergie oculofrontale : le front ne se plisse pas dans le mones thyroïdiennes potentialisent les catécholamines.
regard vers le haut ; Ceci explique aussi les variations de la rétraction avec
● le tremblement des paupières ; l'anxiété, sa diminution par l'utilisation de guanéthidine
● l'accentuation du pli palpébral supérieur. (Ismeline®).
Les deux types de rétraction palpébrale supérieure sont :
La rétraction primaire, liée à une atteinte du releveur de
Signes pouvant nécessiter

la paupière supérieure dans ses différentes composantes.


une blépharoplastie Sur le plan clinique, elle se traduit par une augmentation
Ce sont : de la rétraction dans le regard vers le bas et une diminution
● la chute du sourcil par augmentation de volume de la dans le regard vers le haut. Sur le plan thérapeutique, elle
graisse rétrosourcillière ; nécessite une chirurgie d'allongement du releveur selon des
● la pigmentation de la paupière supérieure ; procédés variables d'après l'intensité de la rétraction ;
● l'excès cutanéograisseux est relativement rare. Les poches ● La rétraction secondaire est liée à une hyperaction
palpébrales sont souvent trompeuses. L'exophtalmie devra du releveur, secondaire à une fibrose du droit inférieur
être corrigée en premier lieu avant la blépharoplastie. homolatéral. En raison de la difficulté à l'élévation, voire
153
Chirurgie palpébrale

de ­l'impossibilité de l'élévation du globe, une stimulation Traitement


du releveur est déclenchée du fait des lois de Hering pour
l'œil atteint, et de Sherrington pour l'œil controlatéral. Sur
le plan thérapeutique, elle nécessite un traitement radicale-
Considérations générales
ment différent à savoir un recul du (ou des) droit inférieur. Il convient d'abord de procéder à une évaluation clinique
Il s'agit d'un recul dit anatomique dans lequel le muscle complète du patient et à l'équilibre de ses anomalies dys-
fibreux est réinséré là où il se positionne après section de thyroïdiennes avant de poser une indication chirurgicale.
son tendon, le globe étant maintenu en position de repos. L'évolution spontanée de la phase aiguë de la maladie se
fait sur une période comprise en général entre six mois et
deux ans. Cette phase inflammatoire évolue par poussées,
Très souvent, le patient présente les deux anomalies intri- éventuellement accompagnées de phases d'amélioration
quées et c'est l'anomalie prédominante qui sera traitée. spontanée partielle. Une phase chronique, fibrotique et
cicatricielle fait suite, sur un mode plutôt stable.

En paupière inférieure Le traitement chirurgical ne s'adresse qu'exceptionnel-


lement à la phase aiguë inflammatoire, dans les cas de
La rétraction est liée à : complications graves menaçant la vue, comme la neuro-
● la fibrose des rétracteurs de la paupière inférieure ; pathie optique compressive et l'exophtalmie très sévère
● la synergie de la paupière inférieure avec le droit inférieur entraînant une ulcération cornéenne d'exposition ou
rétracté explique en grande partie les troubles ; d'autres complications oculaires.
● un traitement d'une hypotropie par recul du muscle
droit inférieur qui peut entraîner une rétraction de la
paupière inférieure en raison des relations étroites entre le Le degré d'urgence du traitement est établi par l'examen
muscle droit inférieur et les rétracteurs de la paupière infé- ophtalmologique. Dans les autres cas, la chirurgie vise à trai-
rieure [2] ; ter les complications fibrotiques cicatricielles, après un délai
● l'hyperactivité sympathique de quelques fibres muscu- d'au moins six mois après la dernière poussée inflamma-
laires lisses [22]. C'est le seul lien direct avec la thyrotoxi- toire et la stabilisation des signes oculaires, oculomoteurs,
cose. Cependant, l'absence de mydriase et la persistance palpébraux et orbitaires [9].
pendant le sommeil montrent bien qu'elle ne joue qu'un La distribution des signes oculaires par rapport aux signes
rôle secondaire dans la genèse des troubles. orbitaires permet de distinguer trois groupes de patients [1] :
● dans le type I (figure 6.3), les muscles sont plus affectés,
Autres signes palpébraux principalement le droit inférieur et le droit médial, de sorte
Ce sont :
● la lagophtalmie : directement liée à la rétraction
palpébrale, elle est fréquemment responsable d'expo-
sition cornéenne nocturne et du risque d'ulcération
cornéenne ;
● l'entropion médian inférieur et la malposition canthale
externe, le plus souvent secondaires à une chirurgie de
décompression orbitaire, du fait du recul du globe oculaire ;
● le ptosis : beaucoup plus rare, il se rencontre après :
● une désinsertion œdémateuse de l'aponévrose du rele-
veur de la paupière supérieure ; on notera l'absence de pli
palpébral dans ce cas,
● une myasthénie associée ; le ptosis est un des meilleurs
signes d'alerte d'une myasthénie grave,
● parfois lié à un allongement capsulomusculaire global
après une longue période œdémateuse, Figure 6.3
● une chirurgie d'allongement palpébral surcorrigée. Type I.

154
6. Troubles de la protection cornéenne et conjonctivale

que la restriction des ductions, la rétraction p ­ alpébrale


et la neuropathie compressive sont plus fréquentes.
L'exophtalmie est plus souvent asymétrique. Elle est d'au-
tant plus importante et rapidement évidente que l'orbite
osseuse est plus petite ;
● au contraire, dans le type II (figure 6.4), l'hyperplasie et la
congestion de la graisse intra-orbitaire prédominent, alors
que la myopathie restrictive est mineure, de sorte que la
diplopie ne se manifeste pas en général pour des ductions
inférieures à 20°. Ce groupe comprend surtout des femmes
jeunes, montrant une exophtalmie axile importante à
sévère et en général symétrique ;
● enfin, il existe un type mixte III (figure 6.5) avec hypertro-
phie du compartiment graisseux et du volume musculaire.

Figure 6.5
Traitement médical Type III.
Le traitement préférentiel de la phase aiguë comprend les
corticoïdes par voie systémique à la dose de 1 mg par kilo de Traitement chirurgical
prednisone pendant une durée de un mois (soit en moyenne
60 à 100 mg de prednisone par jour). Il peut être précédé Ainsi, durant la phase séquellaire, l'ordre des procédures
d'un traitement sur trois jours par bolus de Solumédrol®. chirurgicales comprend en premier la décompression orbi-
En cas d'échec, un relai peut être pris par la radiothérapie taire si elle est justifiée, afin de réduire avant tout l'exoph-
rétro-orbitaire avec des doses de l'ordre de 20 Gy. Celle-ci est talmie. La décompression agit de façon très modérée sur
surtout efficace dans les formes œdémateuses et se trouve les autres signes associés, dans la mesure où ils sont causés
particulièrement indiquée dans le syndrome de compres- ou accentués par l'exophtalmie, comme la neuropathie, la
sion du nerf optique à l'apex. La réponse à ces traitements rétraction palpébrale et la restriction de la motilité.
est obtenue pour la majorité dans les six semaines, faute de La deuxième étape comprend en général la correction
quoi une indication de décompression orbitaire peut être de la motilité oculaire, puis la correction de la rétraction
posée. La radiothérapie est efficace sur l'inflammation, mais palpébrale, pour laisser la dernière place à la blépharoplastie
peu sur l'exophtalmie et la rétraction palpébrale. esthétique. Cet ordre des indications en quatre étapes chro-
nologiques a été bien décrit par Shorr [52] ou dans l'arbre
thérapeutique proposé par Mourits [38] (tableau 6.1).

Traitement chirurgical
des anomalies palpébrales
Techniques d'allongement
En paupière supérieure
pour une rétraction primaire
Myotomie du muscle de Müller
par voie postérieure conjonctivale [6] (figure 6.6)
C'est une technique simple sans risque de déséquilibre pal-
pébral qui permet de corriger 1 à 1,5 mm de rétraction.
Technique 1
1. Mise en place de sutures de soie noire 6/0 sur le bord
Figure 6.4 libre de la paupière supérieure à l'aplomb des bords laté-
Type II. raux de la cornée.
155
Chirurgie palpébrale

Tableau 6.1. Arbre thérapeutique selon Mourits.


Diagnostic OT

Dysthyroïdie

Euthyroïdie

OT discrète 2ab, 3a OT sévère 2c, 3bc, 4 abc, 5a, 6a OT très sévère 5bc, 6bc

décompression orbitaire
en urgence
surveillance

Maladie éteinte OT active

TTT/ radiothérapie

corticothérapie

exophtalmie
défigurante ?

oui non

décompression
orbitaire
diplopie corrigée
par prismes ?

non oui

chir musculaire strabisme

rétraction palpébrale ?

oui non

dermachalasis, poches sourcils

oui non

blépharoplasties, surveillance
poches

156
6. Troubles de la protection cornéenne et conjonctivale

Figure 6.6
Allongement palpébral par myotomie du muscle de Müller.

2. On retourne la paupière supérieure sur une plaque en 3. On réalise ensuite deux incisions latérales horizontales
tirant sur les fils de soie noire vers le haut pour mettre en sur la partie restante de l'aponévrose du releveur.
évidence la jonction conjonctive/Müller/tarse.
Chirurgie du releveur par voie cutanée [6, 32].
3. À l'aide d'un bistouri électrique, on réalise deux incisions
Recul du releveur avec sections des ailerons par voie
verticales d'environ 5 mm au-dessus du bord supérieur du
d'abord cutanée antérieure (figure 6.8)
tarse. Ceci permettra de visualiser, dans le fond, l'artère de
Technique 3
l'arcade marginale supérieure que l'on coagulera en dedans
Elle permet d'allonger la paupière supérieure de 2 à 3 mm.
et en dehors.
1. Incision cutanée longue de 18 mm dans le pli palpébral
4. Puis, on incise le bloc conjonctive muscle de Müller à
supérieur.
2 mm au-dessus du bord supérieur du tarse, en prenant
2. On sépare la lamelle antérieure myocutanée de ses adhé-
soin de ne pas inciser l'aponévrose du releveur sous-jacente.
rences d'avec le tarse vers le bas et d'avec le septum vers le haut.
5. On soulève, à l'aide d'une pince, le bloc conjonctive/
3. L'aponévrose et le muscle de Müller sont sectionnés à
muscle de Müller vers le haut pour libérer les adhérences
2 mm au-dessus du bord supérieur du tarse et les adhé-
trabéculaires qui relient le muscle de Müller à l'aponévrose
rences postérieures avec la conjonctive sont libérées. Deux
du releveur. On referme sans suturer.
incisions verticales latérales sont réalisées pour sectionner
Myotomies horizontale du Müller et combinées les ailerons latéraux et pour mieux mobiliser l'ensemble.
horizontale et latérales de l'aponévrose du releveur 4. Le muscle releveur est réinséré sur la conjonctive, mise
par voie postérieure conjonctivale [21] (figure 6.7) à nue 8 à 10 mm au-dessus de la zone de section par trois
Elles permettent d'allonger la paupière supérieure de 2 à points de Vicryl 6/0.
3 mm.
Technique 2
C'est une technique simple avec un peu plus de compli-
1. On réalise les cinq étapes précédentes en libérant au cations sur la stabilité du bord libre de la paupière supé-
maximum l'espace entre le Müller et l'aponévrose rieure que la voie postérieure. Plus simple est la section
2. On sectionne au bistouri électrique, par deux traits ver- isolée des ailerons du releveur [27] qui équivaut à une
ticaux, les ailerons du releveur. L'aileron latéral est plus large correction d'environ 2 mm de rétraction.
et plus épais.
157
Chirurgie palpébrale

Figure 6.7
Allongement palpébral par myotomies combinée muscle de Müller et aponévrose du releveur par voie postérieure.

Figure 6.8
Allongement palpébral par myotomies combinée muscle de Müller et aponévrose du releveur par voie antérieure.

Allongement palpébral par interposition de greffon ● 2 mm pour 1 mm de rétraction en paupière supérieure ;


(figure 6.9) ● 3 à 4 mm pour 1 mm de rétraction pour la paupière
Règles inférieure, et 2 à 4 mm avec les greffons synthétiques.
En paupière supérieure le greffon doit être légèrement plus Les matériaux utilisés sont variés :
haut dans la portion temporale, davantage rétractée, afin ● greffes autogéniques : cartilage auriculaire ou
d'éviter une sous-correction externe. Le greffon doit être muqueuse palatine sont utilisés en paupière inférieure
plus important en paupière inférieure qu'en paupière supé- car ils sont rigides. L'aponévrose du temporal ou le fascia
rieure afin de lutter contre la gravité. De façon simplifiée, la lata sont utilisés en paupière supérieure car ils sont plus
mesure de la hauteur du greffon sera le double en paupière souples ;
supérieure et le triple en paupière inférieure [1, 35]. La hau- ● greffes allogéniques : elles sont abandonnées. Sclère et
teur du greffon est variable selon la paupière atteinte [10, dure mère lyophilisées ne doivent plus être utilisées en rai-
14, 16, 17, 34–36] : son des risques de transmission virale ou de prions ;
158
6. Troubles de la protection cornéenne et conjonctivale

Figure 6.9
Allongement palpébral supérieur avec interposition d'un greffon d'aponévrose temporale par voie antérieure.

● greffes synthétiques : Goretex® par exemple. Il convient 5. L'aponévrose et le muscle de Müller sont sectionnés à
mieux à la paupière supérieure où la mise en place est 2 mm au-dessus du bord supérieur du tarse et les adhé-
profonde qu'à la paupière inférieure où le risque d'exposi- rences postérieures avec la conjonctive sont libérées. Deux
tion est plus grand. Le risque d'exposition étant plus grand incisions verticales latérales sont réalisées pour sectionner
qu'avec les matériaux autogènes fait que nous les utilisons les ailerons latéraux et pour mieux mobiliser l'ensemble. On
très peu maintenant. peut aussi ne libérer que l'aponévrose et laisser le Müller en
place.
Technique avec un greffon temporal
6. On place le fragment d'aponévrose verticalement en
Technique 4 :
suturant le coté de 12 mm au bord supérieur du tarse et le
1. Dans un premier temps, on effectue le prélèvement de
bord supérieur au bord inférieur du releveur à une distance
l'aponévrose temporale, grâce à une incision verticale cuta-
variable dépendant de la rétraction d'origine et permettant
née partant un peu au-dessus du tragus et se terminant
à la paupière supérieure de recouvrir le limbe supérieur de
au niveau de la ligne semi-circulaire courbe d'insertion du
2 mm au moins sur table opératoire.
muscle temporal.
2. On libère les adhérences du plan dermique profond En paupière supérieure
d'avec l'aponévrose temporale en essayant de respecter pour une rétraction secondaire
l'artère temporale et ses branches. Il est alors facile de pré-
lever un morceau rectangulaire d'aponévrose temporale de Dans ce cas, on pratique un recul anatomique du ou des
1,2 par 2 cm que l'on ajustera à la hauteur voulue ensuite en droits inférieurs par voie conjonctivale, associée fréquem-
paupière supérieure. ment à un recul de la conjonctive qui participe au proces-
3. Incision cutanée dans le pli palpébral supérieur longue sus de fibrose. Le muscle droit inférieur sera réinséré là où
de 18 mm. il se positionne quand le globe est placé en position de
4. On sépare la lamelle antérieure myocutanée de ses repos droit vers l'avant. Le recul peut parfois atteindre 15
adhérences d'avec le tarse vers le bas et d'avec l'aponévrose, à 16 mm le muscle droit étant réinséré à la hauteur des
puis le septum vers le haut. vortiqueuses.
159
Chirurgie palpébrale

En paupière inférieure pour une rétraction primaire Technique par voie cutanée
(figure 6.10) Technique 5
1. Dans un premier temps, on effectue le prélèvement de
La résection simple des rétracteurs par voie conjonctivale est
cartilage rétro-auriculaire, la mise en place de deux crochets
peu efficace, 1 mm maximum, et il est préférable de la faire
sur le bord libre du pavillon auriculaire qui est basculé sur
aux ciseaux [23].
une compresse pour exposer sa face interne.
L'allongement palpébral par interposition de greffe
2. Incision cutanée 2 à 3 mm en dedans du bord libre du
de cartilage auriculaire [37] : la hauteur du greffon étant
pavillon sur environ 3 cm. On libère les adhérences du
de 2 à 4 mm pour 1 mm d'exposition sclérale selon le
plan myocutané d'avec le cartilage rétro-auriculaire. Des
degré d'exophtalmie associée [1, 37], la voie d'abord peut
coagulations multiples sont nécessaires, et on devra s'atta-
être cutanée ou conjonctivale, surtout si une blépharoplas-
cher à exposer la partie plate du pavillon. Un fragment
tie doit être associée.

Figure 6.10
Allongement palpébral inférieur avec interposition d'un greffon de cartilage rétroauriculaire par voie antérieure.

160
6. Troubles de la protection cornéenne et conjonctivale

r­ectangulaire est prélevé au bistouri roid, en veillant à ne Choix de la méthode d'allongement


pas être transfixiant. La peau est refermée sans drainage sur palpébral
un pansement compressif.
3. Incision cutanée à 2 mm sous la bordure ciliaire sur Il est fonction des préférences du chirurgien, mais aussi de
toute la longueur du bord libre. On sépare les adhé- l'importance de la rétraction.
rences du plan myocutané du tarse puis du septum
sous-jacent. On sectionne les rétracteurs au bord En paupière supérieure
inférieur du tarse et on sépare, avec des ciseaux fins, Pour les rétractions minimes inférieures à 2 mm, on pourra
l'espace entre rétracteurs et conjonctive loin vers le bas réaliser une section simple ou une résection du muscle de
sur environ 15 mm. Müller par voie conjonctivale. Pour les rétractions modé-
rées, une section des ailerons latéraux du releveur, associée
Techniques d'appoint ou non à une myotomie latérale du releveur, permet de
corriger 2 à 3 mm de rétraction.
En cas de sous-correction postopératoire Pour les rétractions importantes, une section des aile-
Devant une rétraction palpébrale résiduelle, il existe plu- rons et un recul du releveur sont nécessaires. L'interposition
sieurs solutions : de matériel n'est pas toujours nécessaire en paupière supé-
● les tarsorraphies : ces interventions n'ont aucune par- rieure. Nous utilisons souvent le recul avec suture du rele-
ticularité dans la maladie de Basedow. Il faut cependant veur à la conjonctive pour les formes majeures.
noter le souci particulier de l'esthétique chez les jeunes
femmes souffrant de rétraction palpébrale. Le résultat doit En paupière inférieure
être stable avec une adhésion solide. Toutefois, sa largeur On peut utiliser :
doit être limitée, en particulier chez une jeune femme, pour ● pour les faibles rétractions, le recul simple ou avec libéra-
préserver un bon aspect esthétique. De ce fait, l'effet est tion des rétracteurs ;
limité. Elle consiste à emboîter les extrémités externes des ● pour les rétractions moyennes et importantes, la mise
paupières comme tenon et mortaise. Un triangle de tarse en place d'un matériel comme le cartilage auriculaire est
postérieur est excisé sur la paupière supérieure et un autre indispensable ;
est désépithélialisé sur la paupière inférieure ;
● la récession simplifiée de l'aponévrose du releveur par
voie conjonctivale [45, 46]. Indications du traitement chirurgical
palpébral
En cas de surcorrection postopératoire
Il sera effectué après :
Il apparaît un ptosis. Il est possible dans les trois premières ● une période d'au moins 4 à 6 mois [9, 31, 37] d'évolution
semaines. Il disparaît souvent spontanément ou avec une sans signe clinique ou biologique d'hyperthyroïdie ;
occlusion controlatérale pour stimuler la paupière en ptose. ● un traitement médical, avant tout, corticothérapie générale à
S'il est trop important ou irrégulier, plusieurs techniques la dose de 60 à 100 mg par jour, soit 1 à 1,5 mg par kilo de poids.
sont à la disposition du chirurgien : Pour Shorr [52], la place de la chirurgie d'allongement
● si l'on a utilisé un greffon, l'excès de longueur palpébrale palpébral dans le cadre de l'orbitopathie dysthyroïdienne
est corrigé par une résection partielle du greffon ; se trouve en troisième position. La chirurgie de décompres-
● si la méthode d'allongement palpébral était une myoto- sion orbitaire se trouve en premier, en cas d'exophtalmie
mie marginale, il suffit de refermer les incisions marginales importante, d'ulcération cornéenne ou de neuropathie
jusqu'à l'obtention de la hauteur souhaitée ; optique ; les troubles oculomoteurs en second, les pro-
● si l'on a fait une voie d'abord conjonctivale, on fera un rac- blèmes esthétiques en dernier qu'il s'agisse d'une décom-
courcissement palpébral par voie conjonctivale [20, 44]. pression orbitaire ou d'une blépharoplastie.
Cet ordre chronologique est lié à des considérations
physiopathogéniques. Une orbitotomie peut modifier un
En cas d'impossibilité des techniques précédentes, on état hétérophorique. Un geste sur un muscle oculomoteur
peut faire une résection du tarse par voie cutanée [8] ou risque également de diminuer ou de créer une rétraction
postérieure. palpébrale. À l'appui de cette règle, on note l'amélioration
de la rétraction palpébrale supérieure après recul du ou des
161
Chirurgie palpébrale

droits inférieurs, en particulier dans les cas où l'élévation du [3] Bahn RS. A possible role for the thyrotropin receptor in thyroid
globe est très limitée. associated ophthalmopathy. Orbit 1996 ; 15 : 119–28.
[4] Bahn RS, Heufelder AE. Pathogenesis of Graves'ophthalmopathy.
Ainsi, il faut moduler cette hiérarchie opératoire selon N Engl J Med 1993 ; 329 : 1468–75.
l'importance de la rétraction palpébrale et en particulier [5] Bartalena L, Martino E, Marocci C, et al. More on smoking habits
par rapport au degré de l'exophtalmie [25, 47, 52] : and Graves'ophthalmopathy. J Endocrinol Invest 1989 ; 12 : 733–7.
● si l'exophtalmie est modérée (< 21 mm) et la rétraction [6] Baylis HI, Cies WA, Kamin DF. Correction of upper eyelid retraction.
Am J Ophthalmol 1976 ; 82 : 790–4.
importante, la chirurgie d'allongement palpébral peut être
[7] Baylis HI, Nelson ER, Goldberg RA. Lower eyelid retraction following
suffisante à elle seule ; blepharoplasty. Ophthalmic Plastic Reconst Surg 1992 ; 8 : 170–5.
● si l'exophtalmie est importante et la rétraction modérée [8] Baylis HI, Shorr W. Anterior tarsectomy reoperation for upper
(< 3 mm), l'orbitotomie décompressive, en premier geste, rend eyelid blepharoptosis or contour abnormalities. Am J Ophthalmol
souvent inutile un allongement palpébral supplémentaire, sur- 1977 ; 84 : 67–71.
[9] Bonavolonta G. Surgical treatment of Graves'ophthalmopathy :
tout si elle est combinée à une section des ailerons du releveur ; a logical approach. Ital J Ophthalmol 1988 ; 2 : 29–33.
● en cas d'exophtalmie et de rétraction sévères, les chirur- [10] Boniuk K. Surgical management of eye changes in Graves disease,
gies d'allongement et de décompression peuvent être com- with special emphasis on eyelid retraction. Symposium on diseases
binées, ainsi que la chirurgie des muscles oculomoteurs. and surgery of the lids, lacrimal apparutus, and orbit. St Louis :
Mosby ; 1982. p. 41–51.
[11] Boschi A, Detry Morel M. Controverses dans la pathogénie et le trai-
Blépharoplastie tement médical de l'ophtalmopathie thyroïdienne. J Fr Ophtalmol
1994 ; 17 : 620–8.
Elle sera réalisée en dernier lieu après la chirurgie décompres- [12] Bosniak SL. Cosmetic blepharoplasty. New York : Raven 1990 ; .
[13] Burch HB, Wartofsky L. Grave's ophthalmopathy : current concepts
sive, palpébrale ou oculomotrice. Elle présente quelques par- regarding pathogenesis and management. Endocrinol Rev 1993 ;
ticularités par rapport à la technique classique [12, 19, 39] : 14 : 747–93.
● l'excision de peau doit être la plus économe possible en [14] Dominguez M. Traitement chirurgical des rétractions palpébrales
paupière supérieure. La graisse orbitaire en excès ne s'exté- sequellaires dans la maladie de Basedow. Bordeaux II : Thèse
Université ; 1988.
riorise pas facilement par de simples boutonnières dans
[15] Doxanas MT. Minimally invasive lower eyelid blepharoplasty.
le septum, en raison de sa consistance particulière. Il faut Ophthalmology 1994 ; 101 : 1327–32.
pratiquer une exérèse «à ciel ouvert» qui expose de façon [16] Doxanas MT, Dryden RM. The use of sclera in the treatment of
large la graisse rétroseptale infiltrée ; dysthyroid eyelid retraction. Ophthalmology 1981 ; 8 : 887–94.
● la voie conjonctivale [15] pour la paupière inférieure [17] Flanagan JC. Retraction of the eyelids secondary to thyroid oph-
thalmopathy. Its surgical correction with sclera and the fate of the
paraît plus limiter les gestes que la voie cutanée. Le risque graft. Perspectives Ophthalmol 1981 ; 5 : 155–202.
de rétraction est toutefois moindre avec la voie conjoncti- [18] Frueh BR, Musch DC, Garber FW. Lid retraction and levator apo-
vale qu'avec la voie cutanée [7], et nous préférons l'utiliser neurosis defects in Graves'eye disease. Ophthalmic Surg 1986 ; 17 :
dans la majorité des cas ; 216–20.
[19] George JL, Lesure P, Angioi-Duprez K, et al. Poches symptômes.
● la réfection du pli palpébral sera systématique à la fin
Ophtalmologie 1993 ; 7 : 475–6.
d'une chirurgie d'allongement ou d'une blépharoplastie ; [20] Gladstone GJ, Putterman AM. Internal vertical shortening for the
● elle est plus difficile et sujette à des saignements en cas correction of diffuse or segmental postoperative blepharoptosis.
de radiothérapie préalable ; Am J Ophthalmol 1985 ; 99 : 429–36.
● la chute du sourcil est assez fréquente en raison de l'aug- [21] Grove AS. Levator lenghthening by marginal myotomy. Arch
Ophthalmol 1980 ; 98 : 1433–8.
mentation de volume de la graisse de l'organe de Charpy [22] Hamilton HE, Slultz RO, Degowin EL. The endocrine eye lesion in
située en arrière du sourcil. Elle peut être corrigée par hyperthyroidism. Arch Intern Med 1960 ; 105 : 675–85.
voie cutanée subsourcillière, mais le risque de cicatrice est [23] Harvey JT, Anderson R. The aponeurotic approach to eyelid retrac-
gênant. Elle peut être réalisée par voie de blépharoplastie en tion. Ophthalmology 1981 ; 88 : 513–24.
[24] Hedin A. Eyelid surgery in dysthyroid ophthalmopathy. Symp
amarrant la graisse rétrosourcillière au périoste frontal selon
Eyelids, Cambridge. Eye 1988 ; 2 : 201–6.
la méthode de MacCord [33]. [25] Hurtwitz JJ. The role of adjunctive strabismus and eyelid surgery
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Symblépharons
P.-Y. Robert, J.-P. Adenis

Les symblépharons sont des brides qui se forment entre tissu sous-épithélial, ou une altération de composants spé-
la conjonctive bulbaire et la conjonctive palpébrale. Ils cifiques du tissu conjonctival. Nous exposons ici les prin-
sont liés à une altération de la cicatrisation conjonctivale, cipaux mécanismes d'apparition des symblépharons et les
et peuvent faire suite à une altération de la jonction épi- modalités de leur prise en charge.
thélium-membrane basale, un remaniement cicatriciel du

163
Chirurgie palpébrale

Étiologies triciel. Un symblépharon peut ainsi apparaître après brûlure


par caustique [8], et après tout geste chirurgical. Un sym-
blépharon a été signalé comme seul signe dans un cas de
Maladies de la jonction épithélium- rétention de corps étranger intra-oculaire [4].
membrane basale
Pemphigoïde cicatricielle oculaire Maladies du tissu lymphoïde
La pemphigoïde cicatricielle oculaire est une maladie auto- associé aux muqueuses (MALT)
immune chronique qui altère la qualité de vie des patients Des symblépharons peuvent également apparaître lors de
de façon importante, et peut entraîner la cécité par modi- remaniements de la conjonctive suite à une atteinte du sys-
fications profondes de la surface oculaire. Elle est liée à tème lymphoïde associé aux muqueuses. Cela a été décrit
l'apparition d'auto-anticorps contre des protéines entrant dans les lymphomes du MALT[11], et dans les complications
dans la constitution des hemi-desmosomes (BP180, BP230, oculaires de la leucémie lymphoïde chronique [17] : les auto-
intégrine α6β4, lamine 5 et 6). anticorps jouent un rôle dans les cicatrices de la conjonctive.
Le primum movens de l'apparition de ces anticorps n'est
pas connue. Une origine infectieuse ou tumorale est pos-
sible : une rémission spontanée après cure chirurgicale d'un Autres causes
cancer gastrique a été rapportée [20]. La responsabilité de
Des symblépharons inférieurs, associés à des cicatrices
traitements topiques au long cours a également été sug-
conjonctivales et une injection épisclérale chronique ont
gérée, on parle alors de «pseudopemphigoïde». En parti-
été rapportés comme signes révélateurs d'une porphyrie
culier, une immunisation contre les molécules de principe
cutanée tardive (le diagnostic est fait par dosage des por-
actif ou de conservateurs est suggérée avec les traitements
phyrines urinaires) [16].
antiglaucomateux au long cours [12].
Dans certaines infections comme la lèpre, les muqueuses
sont remaniées avec une diminution des cellules calici-
Autres épidermolyses bulleuses formes [9], qui peut s'accompagner de brides.
La pemphigoïde oculaire cicatricielle entre dans le groupe Enfin, des symblépharons ont été associés à des mala-
des épidermolyses bulleuses (maladies de la jonction dies plus inexpliquées ou à des maladies congénitales : ainsi
dermo-épidermique). On compte parmi ces maladies des dans le LOGIC syndrome (laryngeal and ocular granulation
pathologies susceptibles d'entraîner également des symblé- tissue in children from the Indian subcontinent) [14], et dans
pharons : le syndrome de Lyell [13], le syndrome de Stevens la campodactylie de Guadalajara type III qui associe sym-
Johnson, ou la maladie de Lortat-Jacob. blépharons, campodactylie, hypertélorisme, télécanthus, et
anomalies spinales [6].
Autres maladies immunitaires
Bien que ne concernant pas directement la liaison de l'épithé-
lium conjonctival avec la membrane basale, un certain nombre Clinique
de maladies immunologiques peuvent conduire à l'apparition
de brides conjonctivales cicatricielles : cela a été décrit avec Classification de Tauber
l'allergie oculaire sévère [18], le lupus [5] ou la maladie de
Wegener [15]. On peut classer dans ce chapitre également les La meilleure classification clinique des symblépharons est
symblépharons compliquant les ptérygions sévères. celle de Tauber et Foster [19] :
● stade I : la conjonctivite est érythémateuse et présente
adhérences et synéchies ;
stade II : les brides diminuent la profondeur des culs-de-
Remaniements cicatriciels ●

sac conjonctivaux (figure 6.11A) ;


sous-épithéliaux ● stade III : apparitions des symblépharons proprement
dits (figure 6.11B) ;
Lors d'un traumatisme de la surface oculaire, le symblépha- ● stade IV : stade ultime avec accolement des deux pau-
ron se constitue de la même façon qu'une cicatrice cutanée pières et impossibilité d'ouverture (ankyloblépharon)
rétractile, par réorganisation du collagène dans le tissu cica- (figure 6.11C).
164
6. Troubles de la protection cornéenne et conjonctivale

Figure 6.11
Classification de Tauber.
A. Stade II de Tauber. B. Stade III de Tauber. C. Stade IV de Tauber.

Cette classification a été initialement décrite pour la


Les symblépharons entraînent également une restriction
pemphigoïde oculaire cicatricielle, mais peut parfaitement
de la motilité du globe oculaire. D'abord présente uni-
s'appliquer à tous les types de lésions synéchiantes de la quement dans les positions extrêmes du regard, cette
conjonctive. restriction est susceptible d'entraîner des diplopies, le
plus souvent horizontale.
Complications
Lorsque la conjonctive est remaniée, c'est l'ensemble de
la surface oculaire qui souffre. La plupart du temps, les
symblépharons s'accompagnent d'une raréfaction des Traitement (figures 6.12 et 6.13)
cellules caliciformes, d'un mauvais étalement du film
lacrymal et d'un mauvais fonctionnement de la pompe
lacrymale. Les conséquences sont une impression de
Traitement de fond
sécheresse oculaire et une potentialisation des infec- Le traitement des épidermolyses bulleuses peut faire
tions oculaires. appel à un grand nombre de molécules données ou
Par effet mécanique, la complication la plus fréquente cours des poussées, ou au long cours. Globalement, les
des symblépharons est l'entropion cicatriciel. Il se com- patients atteints par exemple de pemphigoïde cicatricielle
plique de trichiasis par frottement des cils sur la cornée. bénéficient d'anti-inflammatoires (disulone, c­ortisone),
165
Chirurgie palpébrale

Figure 6.12
Cas n°1.
A. Bulbe, 8 jours après l'intervention. B. Paupière, 8 jours après l'intervention.

et ­ d'immunosuppresseurs (mycophénolate mofétyl, pharon, ce n'est pas la conjonctive qui est malade mais sa
­cyclophosphamide, azathioprine, inhibiteurs de la calci- membrane basale ;
neurine, anticorps monoclonaux, immunoglobulines). ● suturer la conjonctive sur un support permettant la
Des essais de photochimiothérapie ont été rapportés meilleure cicatrisation possible.
dans un cas de symblépharons associés à une épidermolyse
bulleuse acquise [3].
Techniques possibles
Recul de la conjonctive
Traitement chirurgical
Le traitement le plus simple des symblépharons consiste à
Indications chirurgicales sectionner la bride, exciser le tissu de soutien et reculer la
conjonctive à la sclère. La conjonctive cicatrise sur la sclère,
Outre les indications d'ordre esthétique, les indications
et une néocapsule de tenon se crée. C'est ce que les Anglo-
chirurgicales des symblépharons sont les suivantes :
Saxons appellent «laisser-faire technique».
● entropion cicatriciel avec ou sans trichiasis ;
● raccourcissement des culs-de-sac avec impossibilité
d'adapter une prothèse ;
● diplopie. Cette technique a d'excellentes indications, il faut juste éva-
Cependant, avant toute décision chirurgicale et avant luer précisément les capacités de la conjonctive à cicatriser
correctement. Elle est à proscrire dans les épidermolyses
de décider de la technique à employer, il faut évaluer pré-
bulleuses, mais elle a été rapportée avec succès dans 40 yeux
cisément les possibilités de cicatrisation conjonctivale : le
de 38 patients atteints de brides post-traumatiques [8].
pronostic est très différent entre un symblépharon post-
traumatique ancien (pronostic excellent) et une pemphi-
goïde oculaire active (récidive pratiquement obligatoire)
qui a peu d'indication chirurgicale. Greffe de muqueuse buccale
Avant l'avènement de la membrane amniotique ou sa
Objectifs du traitement redécouverte dans la chirurgie de la surface oculaire, la
Le traitement chirurgical d'un symblépharon doit avoir greffe de muqueuse buccale [15] était la plus couramment
trois objectifs : employée. À la différence de la membrane amniotique, il
● libérer la bride : après section, il apparaît automatique- s'agit d'une greffe muqueuse de toute épaisseur, qui vient
ment une perte de substance ; remplacer la conjonctive et son tissu de soutien. Ses com-
● libérer la conjonctive de ses attaches sous-jacentes, et plications les plus fréquentes sont la nécrose et l'hypertro-
exciser le tissu de soutien pathologique : dans le symblé- phie cicatricielle (bourgeon charnu).
166
6. Troubles de la protection cornéenne et conjonctivale

Figure 6.13
Cas n° 2.
A. Cul-de-sac inférieur, vue postopératoire. B. 8 jours après l'intervention. C. 15 jours après l'intervention. D. Un mois après l'intervention.
E. Cul-de-sac supérieur, vue postopératoire. F. 8 jours après l'intervention. G. 15 jours après l'intervention. H. Un mois après l'intervention.
167
Chirurgie palpébrale

Greffe de membrane amniotique Littérature


La membrane amniotique n'apporte pas de cellules. Depuis la redécouverte de la membrane amniotique dans
Elle joue le rôle d'une membrane basale, qui apporte la chirurgie ophtalmologique, une littérature abondante
facteurs de croissance et favorise la cicatrisation. Elle fait état de résultats de la greffe de membrane amniotique
joue véritablement le rôle d'une néomembrane basale. dans la reconstruction des culs-de-sac conjonctivaux :
Dans les symblépharons, elle est destinée à remplacer le ● dans une série de 17 yeux opérés, Solomon note 12 yeux
tissu de soutien pathologique et à guider la cicatrisation (70,6 %) avec reconstruction complète, 2 partielle, et
conjonctivale. Comme les autres techniques, elle donne 3 échecs [18] ;
ses meilleurs résultats dans les symblépharons post-­ ● dans une étude analogue, Jain et al. rapportent un taux
traumatiques [18]. d'échec plus élevé (8 récidives sur 20 opérations) [10] ;
● les résultats sont meilleurs pour les symblépharons après
brûlure chimique : dans une série de 55 yeux, Zhou a montré
Technique que l'ancienneté de la brûlure n'influençait pas le pronostic
de l'intervention ; 31 yeux sur 55 ont retrouvé une motilité et
La technique consiste à mettre en place une membrane une profondeur normale des culs-de-sac, 9 une récidive par-
entre la conjonctive et la sclère. La bride est incisée sur tielle et 15 une limitation des mouvements oculaires [21].
son versant limbique, aussi largement que nécessaire L'excision des tissus cicatriciels suivie d'une greffe de mem-
pour obtenir une conjonctive parfaitement à plat. Les tis- brane amniotique a été rapportée dans la pemphigoïde cica-
sus sous-­épithéliaux sont ensuite disséqués puis excisés, tricielle au stade tardif avec une stabilisation des lésions [1, 7].
libérant ainsi la conjonctive jusque dans les culs-de-sac si Barabino et al. rapportent une étude avec des résultats inté-
besoin. On glisse ensuite la membrane amniotique sous la ressants, mais ne publient que des résultats sur 1 mois de suivi
conjonctive, et on la suture à la sclère par des points séparés (4 récidives sur 9 patients), et reconnaissent que l'efficacité de
résorbables (Vicryl ou Biosorb 6/0 par exemple). la membrane amniotique se détériore avec le temps [2].
Pour s'assurer que la conjonctive passera bien par dessus Dans notre expérience, la récidive est quasi-systématique
la membrane, on peut suturer la conjonctive par dessus la dans ce genre de terrain et il convient plutôt de s'abstenir
membrane, avec des points auto-enfouis de fil résorbable. de tout geste chirurgical intempestif.
Si c'est impossible (conjonctive trop courte), il faut s'assurer La greffe de membrane amniotique a également été
de mettre en place une membrane plus grande que la perte rapportée dans le traitement réparateur de symblépharons
de substance conjonctivale. associés au LOGIC syndrome[14] ou aux remaniements
Lorsque la membrane couvre les culs-de-sac, on des lymphome du MALT[11].
peut mettre en place des points de rappel prenant la
membrane et la ramenant à la peau, au niveau du pli
Complications
palpébral en paupière supérieure, et en sous-ciliaire en
paupière inférieure, de façon à éviter que la membrane Le premier échec de la greffe de membrane amniotique est
ne tombe. La mise en place d'un anneau de symblépha- l'expulsion prématurée de la membrane : lorsque celle-ci est
ron ou d'une prothèse évite également un prolapsus de suturée devant la conjonctive, l'expulsion est obligatoire
la membrane. dans les jours ou les semaines qui suivent. L'expulsion peut
Plusieurs interventions sont souvent nécessaires [21]. Le également survenir lors de rupture prématurée de sutures,
succès de l'intervention est jugé sur la récidive des brides, ou sous la pression intempestive d'une épiprothèse trop
la bonne position du bord libre, l'approfondissement des volumineuse. L'expulsion prématurée de la membrane n'est
culs-de-sac, la motilité du globe oculaire et la tolérance pas systématiquement synonyme d'échec : la membrane
d'une éventuelle épiprothèse. n'est qu'un outil favorisant la cicatrisation conjonctivale.
Une autre complication est le bourgeon charnu : parfois
la cicatrisation conjonctivale se fait au prix d'une granula-
tion intempestive qui peut faire saillie sur la surface oculaire
Les principaux facteurs de risque de récidive postopéra- et être gênante. Dans ces cas, on peut prescrire un collyre
toire sont la sécheresse oculaire, les récidives antérieures, corticoïde en cure courte.
la sévérité du tableau initial, et la présence ou non de La récidive enfin est la complication la plus fréquente.
reliquats de conjonctive saine en préopératoire [10, 21]. Elle dépend des facteurs de risque et le patient doit en être
bien prévenu.
168
6. Troubles de la protection cornéenne et conjonctivale

Greffe de membrane amniotique préventive [2] Barabino S, Rolando M, Bentivoglio G, et al. Role of amniotic mem-
brane transplantation for conjunctival reconstruction in ocular-
Lors des brûlures par bases, la membrane amniotique peut cicatricial pemphigoid. Ophthalmology 2003 ; 110 : 474–80.
être utilisée en patch pour favoriser la cicatrisation d'un [3] Camara A, Becherel PA, Bussel A, et al. Resistant acquired bullous
épithélium conjonctival ou cornéen. La membrane est epidermolysis with severe ocular involvement : the success of extra-
corporeal photochemotherapy. Ann Dermatol Venereol 1999 ;
alors appliquée par dessus l'épithélium, et lorsque celui-ci 126 : 612–5.
cicatrise, la membrane est physiologiquement évacuée. [4] Chen SD, Patel CK. Symblepharon as the only external sign of an
La greffe permet alors d'éviter la formation des symblé- occult intraocular foreign body. Arch Ophthalmol 2004 ; 122 :
pharons et protège également les cellules limbiques. 1562.
[5] El-Ghatit AM, El-Deriny SM, Mahmoud AA, et al. Presumed perior-
bital lupus vulgaris with ocular extension. Ophthalmology 1999 ;
106 : 1990–3.
Prothèses et épiprothèses [6] Figuera LE, Ramirez-Duenas ML, Davalos IP, et al. Guadalajara camp-
todactyly type III : a new probably autosomal dominant syndrome.
La contention des culs-de-sac est obligatoire en postopé- Clin Dysmorphol 2002 ; 11 : 243–7.
ratoire pour éviter une cicatrisation intempestive et une [7] Honavar SG, Bansal AK, Sangwan VS, et al. Amniotic membrane
rétraction rapide. transplantation for ocular surface reconstruction in Stevens-
Johnson syndrome. Ophthalmology 2000 ; 107 : 975–9.
Un premier moyen est de suturer les culs-de-sac à la
[8] Huang FM, Dong BS, Zhao JF, et al. A conjunctival pulling-back
paupière par des points transfixiants, ramenés dans le pli technique for treatment of serious symblepharon. Zhonghua
palpébral supérieur en paupière supérieure, et en sous- Zheng Xing Wai Ke Za Zhi 2003 ; 19 : 118–9.
ciliaire en paupière inférieure. [9] Ishiba Y, Goto S, Takigawa M, et al. Evaluation of the conjunctiva of
Si l'on souhaite une meilleure contention, il faut mettre leprosy patients using impression cytology. Nippon Ganka Gakkai
Zasshi 2001 ; 105 : 406–10.
en place un dispositif dans le cul-de-sac. Le plus simple est [10] Jain S, Rastogi A. Evaluation of the outcome of amniotic membrane
l'anneau de symblépharon. Sa mise en place est facile et il transplantation for ocular surface reconstruction in symblepharon.
est peu cher. Chez les patients avec une maladie très active Eye 2004 ; 18 : 1251–7.
(certaines formes de pemphigoïde oculaire très sévères par [11] Kobayashi A, Takahira M, Yamada A, et al. Fornix and conjunc-
tiva reconstruction by amniotic membrane in a patient with
exemple), il faut surveiller la tenue de cet anneau très réguliè-
conjunctival mucosa-associated lymphoid tissue lymphoma. Jpn
rement en postopératoire (tous les deux jours). Les anneaux J Ophthalmol 2002 ; 46 : 346–8.
pleins sont à préférer, car en cas de reprise rapide de la fibrose, [12] Kubo M, Sakuraba T, Arai Y, et al. A case of suspected drug-induced
ils seront expulsés et non emprisonnés dans la fibrose. ocular pemphigoid. Nippon Ganka Gakkai Zasshi 2001 ; 105 :
Certains patients sont déjà équipés d'une épiprothèse en 189–92.
[13] Magina S, Lisboa C, Leal V, et al. Dermatological and ophthalmolo-
préopératoire. Dans ce cas, celle ci devra, de toute façon, être gical sequels in toxic epidermal necrolysis. Dermatology 2003 ; 207 :
changée en postopératoire en fonction de la nouvelle taille 33–6.
des culs-de-sac. L'épiprothèse constitue en revanche un tuteur [14] Moore JE, Dua HS, Page AB, et al. Ocular surface reconstruction in
de choix pour les culs-de-sac en postopératoire immédiat. LOGIC syndrome by amniotic membrane transplantation. Cornea
2001 ; 20 : 753–6.
[15] Orth B, Press UP, Hubner H, et al. Transplantation of autologous oral
mucosa in the treatment of a symblepharon in Wegener's disease-a
Enfin, le développement des verres scléraux perméables case report. Klin Monatsbl Augenheilkd 2001 ; 218 : 514–7.
à l'oxygène constitue un espoir très grand pour tous les [16] Park AJ, Webster GF, Penne RB, et al. Porphyria cutanea tarda pre-
senting as cicatricial conjunctivitis. Am J Ophthalmol 2002 ; 134 :
patients atteints d'épidermolyses bulleuses avec compli-
619–21.
cations oculaires. [17] Seth RK, Su GW, Pflugfelder SC. Mucous membrane pemphigoid
Ils évitent le frottement des cils sur la cornée, permettent in a patient with chronic lymphocytic leukemia. Cornea 2004 ; 23 :
à celle-ci de respirer, retardant ainsi la néovascularisation, 740–3.
et préviennent la formation des brides. [18] Solomon A, Espana EM, Tseng SC. Amniotic membrane trans-
plantation for reconstruction of the conjunctival fornices.
Ophthalmology 2003 ; 110 : 93–100.
[19] Tauber J, Sainz de la Maza M, Foster CS. Systemic chemotherapy for
ocular cicatricial pemphigoid. Cornea 1991 ; 10 : 185–95.
Références [20] Uchiyama K, Yamamoto Y, Taniuchi K, et al. Remission of antie-
piligrin (laminin-5) cicatricial pemphigoid after excision of gastric
[1] Barabino S, Rolando M. Amniotic membrane transplantation elicits carcinoma. Cornea 2000 ; 19 : 564–6.
goblet cell repopulation after conjunctival reconstruction in a case [21] Zhou SY, Chen JQ, Chen LS, et al. Long-term results of amniotic
of severe ocular cicatricial pemphigoid. Acta Ophthalmol Scand membrane transplantation for conjunctival surface reconstruction.
2003 ; 81 : 68–71. Zhonghua Yan Ke Za Zhi 2004 ; 40 : 745–9.
169
Chapitre 7
Chirurgie cosmétique palpébrale
J.-P. Adenis

PLAN DU C HAPITRE
Suspension du sourcil 172
L'idéal anatomique et esthétique
de la sphère palpébrale 175
Blépharoplastie supérieure 180
Blépharoplastie inférieure 181
Blépharoplastie asiatique 185
Blépharoplastie malaire 186
Injections de toxine botulique
et produits de comblement,
en complément de la chirurgie 186
Anatomie de la paupière asiatique 194
Blépharoplastie esthétique
en paupière supérieure 196
Blépharoplastie esthétique
dans l'angle interne 196
Blépharoplastie esthétique
en paupière inférieure 197
Complications 197

Chirurgie palpébrale
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Chirurgie palpébrale

La chirurgie esthétique palpébrale est un élément très Suspension du sourcil par voie
important à connaître en chirurgie oculoplastique. La
demande est en augmentation croissante et les techniques interne de blépharoplastie
se multiplient. (figure 7.1)
Il est essentiel de bien retenir qu'il vaut mieux ici
sous-doser afin d'éviter les complications, à l'opposé de Indication
la chirurgie reconstructrice où l'on peut être plus large Ptose du sourcil médiane et interne de type modérée.
dans le geste.
De plus, la ou le patient(e) souhaite des modifications Technique
mais qui d'autre part ne changent pas trop son visage.
La sous-correction est donc imposée d'un côté en esthé- 1. Une incision classique de blépharoplastie est effectuée
tique par la crainte des complications, la surcorrection est en paupière supérieure.
souhaitée en reconstructeur par la crainte d'une fibrose 2. Une dissection du plan myocutané est poursuivie vers le
excessive. haut jusqu'au rebord orbitaire.
3. La dissection est encore poursuivie plus haut en pla-
çant, sur le lambeau myocutané antérieur, des écarteurs de
Duverger qui vont alors soulever l'organe de Charpy ou graisse
Suspension du sourcil rétrosourcillière et la séparer de l'os frontal et de son périoste,
puis de la galéa plus haut sur une hauteur de 10 à 15 mm.
Trois techniques peuvent être réalisées en ophtalmologie.
Parfois, l'organe de Charpy s'est progressivement étendu vers
Les indications sont précisées en fonction du siège de la
le bas du fait de la ptose en arrière du plan myocutané adhé-
ptose et de son importance.
rent à lui, et son extrémité inférieure mérite d'être réséquée.

Figure 7.1
Suspension du sourcil par voie interne de blépharoplastie.

172
7. Chirurgie cosmétique palpébrale

4. Trois ou quatre sutures en U de Vicryl 5/0 entrent 5 mm Technique


sous le sourcil à la base de la graisse du sourcil ou organe de
1. Marquer au feutre la ligne de l'incision en veillant à ne pas
Charpy, puis sont solidement insérées sur le périoste 10 à
passer trop près du sourcil pour éviter de couper les bulbes
15 mm au-dessus du rebord orbitaire. Elles sont serrées sur
pileux, et en évitant d'aller trop en-dedans à la racine du sourcil.
la face cutanée antérieure.
2. Évaluer la quantité à réséquer en soulevant le sourcil vers
5. Le pli palpébral est reconstitué en prenant, par trois
le haut.
points de nylon 6/0, peau, orbiculaire, face antérieure du
3. Injecter l'anesthésique local.
releveur et orbiculaire et peau. Le reste de la peau est suturé
4. Faire une incision en demi-lune au-dessus du sourcil,
au Nylon 6/0.
dont le sommet est légèrement décalé en temporal si
la ptose est médiane ou latérale, et dont le sommet est
Suspension du sourcil médian si la ptose est médiale. L'incision doit aller en
par résection cutanée ­ profondeur jusqu'à la galéa en haut ou le périoste en bas.
5. Placer deux ou trois sutures en profondeur de polygalac-
sus-sourcillière (figure 7.2) tinate 5/0 pour rapprocher les berges et prendre l'organe en
rouleau vers le haut.
Indication La suture cutanée étant le siège d'une traction
Ptose du sourcil sévère chez un homme ou modérée chez importante du frontal, il est important de prendre trois
un homme à la calvitie débutante. précautions :

Figure 7.2
Suspension du sourcil par résection cutanée sus-sourcillière.

173
Chirurgie palpébrale

● mettre en place une ou deux sutures, loin près et près bas sur 3 à 4 cm qui correspondra à l'incision cutanée
loin, afin d'assurer un rapprochement de qualité qui évitera (figure 7.4).
une désunion qui pourrait laisser une cicatrice trop visible ; 3. Une seconde ligne parallèle à cette ligne est dessi-
● enlever les sutures au dixième jour et non au septième ; née vers l'avant devant la racine des cheveux à l'en-
● ne pas fixer en profondeur les sutures afin de laisser la droit de la future incision du fascia temporopariétal
mobilité vers le haut du sourcil. (figure 7.5).
4. L'incision est faite à la lame Parker de 4 cm dans le cuir
chevelu suivie d'une incision de 1 cm sur le périoste de la
Lift temporal par fascia pexy selon crête temporale, puis d'un détachement sous-périosté
A. Fogli [11–12, 27] jusque vers le rebord orbitaire (figure 7.6).
5. Une incision est faite dans le fascia temporofacial en
Technique suivant la ligne 2 sur 3 à 4 cm L'hémostase est faite sous le
1. En palpant la région temporale, on dessine au feutre la contrôle de la vue (figure 7.5).
ligne d'insertion semi-circulaire du fascia temporal jusque 6. Des sutures en U de Vicryl 3 ou 4/0 sont placées
vers la racine des cheveux (figure 7.3). sur la lèvre supérieure de l'incision du fascia temporal
2. Un centimètre en arrière de la racine des cheveux, et ramenées sur la zone profonde de l'incision cutanée
on dessine une ligne perpendiculaire à celle-ci vers le (figure 7.6).

Figure 7.3
Incision cutanée de quatre centimètres verticale en arrière de la ligne précapillaire de naissance du cuir chevelu.

174
7. Chirurgie cosmétique palpébrale

Figure 7.4
Technique de Fogli.
1. Ligne courbe semi-circulaire d'insertion du fascia temporal sur le crâne repérée à la palpation. 2. Zone de traction de la queue du sourcil.

7. Le serrage étagé des sutures de Vicryl 3/0 permet : ficielle du frontal, elle retend le sourcil en haut et en
● de remonter la queue du sourcil ; dehors, comme cela est prévu dans l'idéal esthétique
● de supprimer ou nettement diminuer les plis de la patte féminin.
d'oie ;
● de retendre la peau de la région malaire ;
● de faire éventuellement une résection cutanée complé- L'idéal anatomique et esthétique
mentaire en paupière inférieure.
de la sphère palpébrale
Avantages L'idéal palpébral est différent chez l'homme et chez
La technique est relativement simple, elle ne laisse pas la femme. Les éléments anatomiques sont également
de cicatrices visibles, elle préserve la branche super- différents.

175
Chirurgie palpébrale

Figure 7.5
Technique de Fogli.
1. Ligne courbe semi-circulaire d'insertion du fascia temporalis. 2. Incision cutanée de 4 cm dans le cuir chevelu. 3. Zone de libération de
l'aponévrose temporale.

Éléments anatomiques ment donner cette forme féminine à son sourcil. Ainsi, chez
de nombreux modèles féminins, le sommet du sourcil est
Sourcil plus haut en temporal que la racine du sourcil en nasal ;
● la distance entre la racine des deux sourcils est plus grande
Chez l'homme, le sourcil a une forme de «T», donc allongé
chez la femme que chez l'homme (c sur la figure 7.10A, B) ;
sur une ligne horizontale. Il est plus charnu que chez la ● le sourcil est en général plus fin, moins fourni chez la
femme et recouvre en temporal de ce fait le rebord orbi-
femme que chez l'homme, et donc le sourcil masculin
taire (figures 7.7 et 7.8).
est beaucoup plus charnu que chez la femme (d sur la
Chez la femme, le sourcil a une forme de «C» (figures 7.9
figure 7.10A, B) ;
à 7.11) : ● le pli palpébral est très haut situé profond chez les sujets
● la distance entre la bordure ciliaire et le sourcil est globa-
masculins et le plus souvent invisible car recouvert par le
lement plus importante chez la femme que chez l'homme
rebondi de la graisse de l'organe en rouleau. Chez la femme,
(a sur la figure 7.10A) ;
le pli est haut situé et un peu visible de face.
● mais, élément important, le sommet du sourcil est
situé à l'aplomb de la conjonctive temporale ou de l'angle
externe (b sur la figure 7.10A), ce qui dégage le rebord Pli palpébral caucasien
osseux orbitaire supérieur sur lequel la femme applique en Chez l'homme, le pli palpébral est haut situé, très profond
général un maquillage clair, ce qui attire le regard. La jeune et, de ce fait, mal visible, souvent recouvert par un début de
femme s'épile souvent sous la queue du sourcil pour juste- dermachalasis ou parfois presque recouvert par le sourcil.

176
7. Chirurgie cosmétique palpébrale

Figure 7.6
Technique de Fogli.
1. Incision cutanée de 4 cm dans le cuir chevelu. 2. Incision du périoste de 1 cm. 3. Ligne courbe semi-circulaire d'insertion du fascia temporalis.
4. Zone d'incision sous-cutanée du fascia temporalis. 5. Mise en tension cutanée de la queue du sourcil à l'aide de sutures Vicryl 4 ou 5/0 sur
l'aponévrose temporale.

La distance entre la bordure ciliaire palpébrale supé-


rieure et le sourcil est plus grande chez la femme que chez
l'homme, en particulier en temporal pour les raisons de
forme du sourcil.
La distance qui sépare la racine des deux sourcils est
plus faible chez l'homme sans aller jusqu'au synophris (cela
désigne des patients ayant une quasi-fusion centrale des
sourcils).

Étude préopératoire
Il est important de faire un relevé des distances qui séparent
le sourcil d'une ligne horizontale passant par l'angle interne et
Figure 7.7
externe des paupières, et ce à l'aplomb vertical de l'angle interne,
Visage schématisé d'un homme avec un sourcil épais bas situé et
un pli palpébral très profond pratiquement invisible. de la pupille, de l'angle externe (voir les figures 7.8 et 7.10).
Cela peut être fait sur un schéma, mais encore mieux sur
Chez la femme, il est aussi haut situé mais moins pro- des photographies de face ou les deux.
fond, plus visible car la distance entre la bordure ciliaire On mesurera la distance de Smerdon qui sépare le pôle
et le sourcil est plus grande chez la femme que chez inférieur du rebondi palpébral et/ou du dermachalasis de la
l'homme. bordure ciliaire.
177
Chirurgie palpébrale

Figure 7.8
Éléments anatomiques de comparaison – homme (voir légende de la figure 7.10).

haut chez la femme que chez l'homme. Un bon exemple


se trouve sur le visage de la statue de Nefertiti au musée
de Berlin (figure 7.12), visage connu du monde entier
ou sur le visage d'une balinaise (figure 7.13). Un canthus
externe trop bas peut donner l'impression d'« œil de
cocker ».

Conséquences thérapeutiques
et opératoires
● Lors des injections de toxine botulique sur le front, on
évitera d'injecter chez l'homme sous la queue du sourcil,
ce qui peut donner un aspect de «Méphisto» (ou regard
Figure 7.9
du diable) par surélévation de la partie externe du sourcil
Visage schématisé d'une femme avec un sourcil épais haut situé
surtout en temporal et un pli palpébral profond légèrement visible. (figure 7.14).
● Lors de la chirurgie palpébrale, il est important :
On mesurera la fente palpébrale et, en cas de doute sur – de respecter la forme du sourcil par rapport à la pau-
un léger ptosis asymétrique, on mesurera la fonction du pière selon les normes décrites plus haut ;
muscle releveur et l'action du muscle frontal. – de fixer de façon haut située le pli palpébral chez les
Il est aussi important d'étudier la position des canthi, Caucasiens en laissant un rebondi de l'organe en rouleau
en sachant que le cantus externe est idéalement plus notable chez le sujet masculin.
178
7. Chirurgie cosmétique palpébrale

Figure 7.10
Éléments anatomiques de comparaison homme – femme.
a. La distance entre la bordure ciliaire et le sourcil est globalement plus importante chez la femme que chez l'homme. b. Cette distance (entre
la bordure ciliaire et le sourcil) est maximale chez la femme à l'aplomb de l'angle externe ou de la conjonctive externe. Cela permet l'application
du maquillage sur le relief du rebord orbitaire externe. c. La distance entre la racine des deux sourcils est plus grande chez la femme que chez
l'homme. d. Le sourcil masculin est beaucoup plus charnu que chez la femme. Le pli palpébral est très haut situé, profond chez le sujet masculin
et, de ce fait, il est très peu visible ; il est souvent visible chez la femme dans le regard de face.

Figure 7.13
Visage d'une habitante de Bali avec le canthus externe plus haut
que l'interne.

Figure 7.11
Photographies de deux étudiantes, l'une avec un sourcil féminin
plus surélevé dans l'angle externe (A), l'autre avec un sourcil en
forme de C (B).

Figure 7.14
Homme avec un aspect de Méphisto lié à la surélévation externe
du sourcil.

Figure 7.12
Visage de Néfertiti avec le canthus externe plus haut que – de faire une balance équilibrée entre la surélévation
l'interne. du sourcil et la résection du dermachalasis ;
– en cas de chirurgie combinée sourcil-paupière, d'évi-
● Lors de la chirurgie du sourcil, il est important : ter des résections trop importantes qui seront trop
– de respecter la forme du sourcil par rapport à la pau- visibles au premier coup d'œil du monde extérieur en
pière selon le sexe et selon les normes décrites plus haut ; postopératoire.
179
Chirurgie palpébrale

Blépharoplastie supérieure comparaison avec l'ancien pli ou par comparaison avec


l'autre côté.
3. La ligne d'incision est semi-circulaire dans le pli palpébral
Blépharoplastie supérieure sans à concavité inférieure, et s'incurve vers le haut à l'aplomb de
résection de graisse et technique l'angle externe pour remonter en oblique sur 8 à 10 mm.
de réfection du pli (figure 7.15) 4. La résection est en général myocutanée, mais peut être
cutanée seule dans les formes légères ; elle est initialisée et
Indication terminée dans les angles aux ciseaux et peut être faite au
centre au bistouri électrique ou au laser.
Dermachalasis avec ou sans conservation du pli palpébral
5. La réfection du pli est réalisée en créant une adhérence pro-
sous-jacent. Pli palpébral défaillant ou de hauteur incorrecte.
fonde entre l'orbiculaire et la face antérieure de l'aponévrose
du releveur. En général, trois sutures de nylon suffisent ; elles
Technique prennent la peau, l'orbiculaire, l'aponévrose du releveur, l'orbi-
1. Dans un premier temps, il faut évaluer la hauteur maximale de culaire et la peau. Le reste de la peau est suturé au Nylon 6/0.
peau à réséquer : pour cela on demande au patient de regarder
en bas ; à l'aide de deux pinces on réalise une plicature cutanée
Le pli peut aussi être refait en cas de défaillance par des
de la hauteur maximale et on demande au patient de fermer les
sutures de Pang. Pour cela, quatre ou cinq sutures, en
yeux. L'occlusion doit pouvoir être totale. On marque au feutre U résorbables de 5 ou 6/0, sont passées à travers toute
la limite supérieure et inférieure en sous-dosant un peu. l'épaisseur de la paupière de la conjonctive au-dessus
2. Dans un deuxième temps, on détermine la hauteur du du tarse, et ressortent à la peau à la hauteur du futur pli
futur pli en dessinant la ligne inférieure de la future incision. désiré où elles sont nouées soit directement à la peau
La hauteur est fixée soit de façon arbitraire à 9 ou 10 mm soit sur une bande élastique.
chez un Caucasien ou plus bas chez l'Asiatique, soit par

Figure 7.15
Blépharoplastie supérieure sans résection de graisse et technique de réfection du pli.
Les flèches montrent la fixation des sections de l'aponévrose dans le futur pli.

180
7. Chirurgie cosmétique palpébrale

Blépharoplastie supérieure 3. Incision au bistouri électrique, 2 mm sous le tarse de


façon horizontale, de l'ensemble conjonctive/rétracteurs
avec résection de graisse jusqu'à se trouver au contact de l'orbiculaire.
Indication 4. Mise en place des crochets sur les rétracteurs qui sont
attirés vers le haut pour dégager le plan septal. À l'aide de
Poches palpébrales supérieures marquées avec excédent de ciseaux, on chemine entre le septum et l'orbiculaire jusqu'au
graisse en général évident. rebord orbitaire.
5. Ainsi mis à nu, le septum permet la saillie de trois poches
Technique graisseuses : le septum est ouvert horizontalement à 1
Elle est identique à la technique précédente jusqu'à l'étape 4. centimètre au-dessus du rebord orbitaire. Ces incisions ne
4 bis. Le septum étant mis en évidence sur une assez grande seront jamais refermées pour éviter une rétraction et per-
surface, on distingue, au milieu, l'organe en rouleau qui fait mettre à un hématome de se vider.
saillie, en dedans la poche médiane et en dehors la glande 6. À l'aide d'une pince mousse, on tire doucement sur la
lacrymale. graisse orbitaire dans chaque poche et on coagule la base
Le septum est ouvert largement de façon horizontale de la graisse herniée à la bipolaire, puis on sectionne aux
en regard des deux poches et ne sera surtout pas suturé. ciseaux. Il ne doit pas y avoir de saignement notable ensuite
La graisse qui fait saillie est coagulée à sa base à la pince ou sinon il faut renouveler la bipolaire.
bipolaire et elle est ensuite réséquée, la résection doit 7. Finalement, on remet les rétracteurs et la conjonctive en
être modérée, afin d'éviter une paupière trop creuse. Il place et on ne suture pas, ou au maximum un point de
faut vérifier l'absence de saignement sinon coaguler à 8/0 médian pour éviter une trop grande mobilisation du
nouveau. lambeau.
4 ter. En cas de prolapsus de la glande lacrymale, le septum
est ouvert horizontalement et le fascia inférieur adhérent
au pôle inférieur de la glande lacrymale et est solidement
Blépharoplastie inférieure par voie
attaché au rebord orbitaire périosté grâce à deux points en cutanée antérieure avec résection
U de Goretex® 6/0 par exemple. de peau dans l'angle externe
5. On se retrouve à l'étape 5 précédente.
(figure 7.17)

Blépharoplastie inférieure
Dangers
Blépharoplastie inférieure ■
Limiter la résection cutanée au strict minimum sur la
bordure palpébrale car la cicatrisation de la lamelle
par voie postérieure avec résection antérieure suffit à retendre celle-ci et peut très vite
de graisse (figure 7.16) entraîner un ectropion si la résection est trop généreuse.

Le petit oblique en dedans.
Indication ■
La veine sentinelle du ligament arqué en dehors.
Environ 90 % des indications de blépharoplasties infé-
rieures, et en particulier une paupière inférieure fine, légè-
rement cicatricielle sans plis justifient d'une voie d'abord Indication
postérieure.
Environ 10 % des blépharoplasties inférieures justifient
d'une voie d'abord cutanée principalement parce qu'il
Technique existe des plis cutanés sur la paupière inférieure et dans
1. Mise en place de deux fils de traction sur le bord libre de l'angle externe, témoignant d'un excès de lamelle anté-
la paupière inférieure. rieure manifeste. À l'opposé, une paupière inférieure fine,
2. Retournement de la paupière inférieure sur une plaque légèrement cicatricielle sans plis justifie d'une voie d'abord
métallique vers le bas. postérieure.

181
Chirurgie palpébrale

A B
Figure 7.16
Blépharoplastie inférieure par voie postérieure avec résection de graisse.
A. De face, on objective l'incision des rétracteurs un peu en dessous du tarse, puis la mise en évidence du septum, son ouverture et l'ablation de
graisse après usage de la bipolaire. B. Sur le profil, on objective le passage dans un premier temps en avant du septum pour aller jusqu'au rebord
orbitaire, l'ouverture du septum se réalisant avec l'ablation de graisse dans un deuxième temps.

Technique la poche médiane et la poche inféromédiale, se trouve en


1. Incision cutanéomusculaire au bistouri après avoir mis profondeur le petit oblique que l'on découvre à son inser-
deux crochets de Gillies. L'incision est réalisée à 3 mm en tion juste en arrière du rebord orbitaire.
dehors du point lacrymal et se poursuit horizontalement, 3. Ainsi mis à nu, le septum permet la saillie de trois poches
2 mm sous le bord libre vers l'angle externe, pour rejoindre graisseuses : le septum est ouvert horizontalement à 1
le pli médian de la patte d'oie sur une longueur variable. centimètre au-dessus du rebord orbitaire. Ces incisions ne
2. On réalise ensuite la libération du plan myocutané anté- seront jamais refermées pour éviter une rétraction et per-
rieur du tarse et des rétracteurs en haut, puis du septum mettre à un hématome de se vider.
vers le bas jusqu'à atteindre le rebord orbitaire. Sur le plan 4. À l'aide d'une pince mousse, on tire doucement sur la
septal, on trouve en dehors, entre la poche inférolatérale graisse orbitaire dans chaque poche et on coagule la base
et la poche médiane qui fait saillie en dedans, le ligament de la graisse herniée à la bipolaire, puis on sectionne aux
arqué et sa veine sentinelle qui chemine au contact du ciseaux. Il ne doit pas y avoir de saignement notable ensuite
plan musculaire et qu'il faudra coaguler. En-dedans, entre ou sinon il faut renouveler la bipolaire.

182
7. Chirurgie cosmétique palpébrale

Figure 7.17
Blépharoplastie inférieure par voie cutanée antérieure avec résection de peau dans l'angle externe.

5. En utilisant un crochet de Gillies, on effectue une trac- pour limiter la saillie vers l'avant génératrice de poche pal-
tion forte sur la jonction bord libre-ligne médiane de la pébrale et pour soulever et faire saillir l'œil plutôt que de
patte d'oie du lambeau. On obtient ainsi un triangle obtus l'abaisser.
myocutané à base inféro-externe. On effectue une résection De même, la cerne palpébrale inférieure est liée à l'amin-
triangulaire modérée sur le bord interne et plus importante cissement du plan myocutané en regard du rebord orbi-
sur le bord externe. On peut éventuellement accentuer la taire ; elle peut être traitée par ouverture du septum et
résection en dessinant un trait de refend (voir figure 7.1). mobilisation d'un mince lambeau graisseux pour l'attacher
6. Sutures cutanée par points séparés de Nylon 6/0 ou de sur ce rebord orbitaire.
soie noire 6/0.
Technique a (figure 7.18A)
Blépharoplastie inférieure par voie 1. L'abord postérieur est identique que pour la blépha-
postérieure sans résection et par roplastie inférieure par voie postérieure avec résection de
graisse (ci-dessus).
mobilisation de la graisse orbitaire 2. Le septum est ouvert sur les trois poches à 3 mm au des-
sus du rebord orbitaire selon trois incisions horizontales.
Principe 3. La graisse est fixée sur son pole supérieur par un point
Afin d'éviter le syndrome de l'œil creux qui peut être engen- de Vicryl 5 ou 6/0 puis elle est attachée sur le plancher
dré par la résection de graisse, plusieurs auteurs conseillent quelques millimètres en arrière du rebord orbitaire.
de ne pas réséquer celle-ci et de la mobiliser vers l'arrière 4. Le septum n'est pas suturé.

183
Chirurgie palpébrale

B1

A1

B2

A2

B3

A3
B4
Figure 7.18
Blépharoplastie inférieure par voie postérieure sans résection et par mobilisation de la graisse orbitaire.
A. Blépharoplastie inférieure par voie postérieure sans résection et par mobilisation de la graisse orbitaire et fixation au périoste orbitaire
interne. B. Technique de Hamra : blépharoplastie inférieure par voie postérieure sans résection et par mobilisation de la graisse orbitaire et
fixation au périoste orbitaire externe. B1. Poches palpébrales inférieures. B2. Incisions des trois poches palpébrales. B3. Fixation de la graisse en
avant sur le rebord périosté orbitaire. B4. Fixation de la graisse vue de profil.

184
7. Chirurgie cosmétique palpébrale

Technique b ou technique de Hamra [14] Blépharoplastie asiatique


pour la cerne palpébrale (figure 7.18B)
Les éléments différents de la paupière asiatique comparée à
1. L'abord postérieur est identique que pour la blépha-
la caucasienne sont les suivants (figure 7.19) :
roplastie inférieure par voie postérieure avec résection de ● le tarse de la paupière supérieure asiatique est moins
graisse (ci-dessus).
haut (6 à 8 mm) que la caucasienne (8 à 11 mm) ;
2. Le septum est ouvert sur les trois poches à 1 mm au des- ● la fusion du septum avec le releveur est beaucoup plus
sus du rebord orbitaire selon une ou deux incisions hori-
basse ; cela provoque une descente de la tête de la poche
zontales sur la poche médiale ou et médiane.
médiane ou organe en rouleau, qui est un des éléments qui
3. La graisse est fixée sur sa face antérieure par deux points
génère un bombé plus marqué vers l'avant de la partie pré-
de Vicryl 5 ou 6/0 puis elle est attachée sur le rebord
septale de la paupière supérieure chez le sujet asiatique ;
quelques millimètres au-delà de ce rebord orbitaire sur une ● la graisse située en arrière du sourcil ou organe de Charpy
zone où les tissus deviennent plus épais.
ne s'arrête pas, comme chez le caucasien, au bord inférieur
4. Le septum et la conjonctive ne sont pas suturés.

Figure 7.19
Blépharoplastie asiatique.
Les éléments différents de la paupière asiatique sur trois schémas à gauche (de profil, de face et de trois quart) sont comparés à la caucasienne
à droite.

185
Chirurgie palpébrale

du sourcil mais se prolonge en s'amincissant jusque vers le Principe


pli en infiltrant la région en arrière de la partie myocutanée
de la partie préseptale de la paupière. Il faut remonter le SOOF vers le haut avec son périoste qui
sera donc sectionné selon deux lignes horizontales pour
permettre son ascension vers le haut. L'abord sous-périosté
Indication évite la désinsertion des muscles suspenseurs du visage et
en particulier le grand zygomatique.
Patiente asiatique souhaitant avoir un pli plus caucasien
et donc plus haut situé. Toutefois, il faut éviter une cor-
rection trop importante qui donnera un pli trop cau- Indication
casien sur un visage asiatique et en particulier éviter de
Chute médiane de la graisse prémalaire avec accentuation
donner une courbure médiane trop importante vers le du pli palpébral inférieur avec ou sans festoon modéré.
haut du pli.

Technique Technique (figure 7.20)


1. Marquer le futur pli au feutre à 6 à 7 mm au maximum du 1. Incision myocutanée à 2 mm en-dessous du bord libre
bord libre. Prendre la précaution d'incurver le futur pli vers le se prolongeant dans le pli médian de la patte d'oie.
haut alors que pli originel est relativement plus rectiligne. 2. On sépare la lamelle myocutanée antérieure du septum
2. Réaliser une résection myocutanée limitée à 2 ou 3 mm jusqu'au rebord orbitaire, puis on découvre presque tout le
au-dessus de cette ligne. rebord orbitaire inférieur ainsi que la face antérieure du SOOF.
3. Faire une résection aux ciseaux de la partie basse infé- 3. On réalise une incision du périoste un peu en-dessous
rieure de l'organe de Charpy sur 2 à 3 mm sur toute la lon- du rebord orbitaire et on libère les adhérences du périoste
gueur du pli, et si possible de façon oblique pour maintenir vers le bas, en évitant dans la zone médiane le nerf sous-
une partie terminale en pointe de l'organe de Charpy. orbitaire. On peut alors faire une nouvelle incision du
4. Recréer le pli palpébral en faisant adhérer en profon- périoste plus bas située pour permettre de le remonter.
deur le pli avec une zone plus haut située sur l'aponé- Cette incision est faite dans un angle de vision limité.
vrose, en moyenne 7 mm au-dessus de la bordure ciliaire. 4. On fixe l'incision du périoste plus haut située que pré-
Pour cela, on place cinq ou six points qui prennent peau, cédemment après une petite résection d'une bandelette
orbiculaire, aponévrose orbiculaire inférieur et peau pré- supérieure par trois points de Vicryl 5/0.
tarsale. Il vaut mieux utiliser un nombre supérieur aux 5. On réalise une résection myocutanée horizontale sur la
trois habituels pour maintenir la courbure désirée de la partie de l'incision du bord libre et on accentue la résec-
nouvelle paupière. tion sur le triangle externe en excès dans la zone de la patte
5. Suture cutanée simple complémentaire si nécessaire. d'oie, éventuellement sous forme d'un pentagone à base
supérieure et extrémité inférieure effilée.
6. On associe fréquemment une canthoplastie externe
Blépharoplastie malaire selon la technique de la bande tarsale.
7. Sutures cutanées.
Éléments modifiés sur le plan 8. Prévenir le patient d'un œdème et d'un chémosis fré-
quents sur 1 à 2 semaines.
anatomique
La graisse prémalaire ou suborbicularis orbital fat pad (SOOF) Injections de toxine botulique
des Anglo-Saxons, chute vers le bas entraînant avec elle une
hyperlaxité de la partie médiane myocutanée, créant une et produits de comblement,
poche inférieure basse ou festoon et souvent une hyper- en complément de la chirurgie
laxité de l'angle externe. Il s'agit donc d'un glissement vers le
bas lié à l'âge de la partie médiane d'une hémiface ou méta- La toxine botulique et les produits de comblement (ou
face alors que la région du nez, ou proface, reste stable et la fillers) sont très largement utilisés tant en thérapeutique
région de l'oreille ou mésoface reste stable aussi. qu'en médecine esthétique.
186
7. Chirurgie cosmétique palpébrale

A B
Figure 7.20
Blépharoplastie malaire.
A. Après incision dans le pli palpébral inférieur par voie cutanée, la graisse prémalaire est mobilisée avec son périoste en dehors et vers le haut,
après avoir dessiné une deuxième incision relaxante du périoste en dedans et dehors du nerf infraorbitaire. B. Lifting cutané médiofacial.

Ces produits peuvent être utilisés en complément d'un L'aiguille utilisée est préférentiellement une aiguille de
traitement chirurgical apportant un résultat incomplète- 30 Gauges, avec une seringue de 1 ml Luer Lock ou non
ment satisfaisant en postopératoire. [22] (figures 7.21 et 7.22).
La toxine botulique est constituée par une neurotoxine L'efficacité de la toxine botulique se fait à partir du 5e jour
spécifique produite par la bactérie Clostridium botulinum, post-injection environ, est maximale vers un mois, et durera
avec 8 toxinotypes (A à H) et de nombreux sous-types (A1- jusqu'à 3 à 4 mois environ. Il faudra donc répéter les injec-
A5, B1-B4, etc.), et de nombreuses protéines associées non tions en fonction du rythme de réapparition de la sympto-
toxiques (ou NAP). Elles s'associent pour former la toxine matologie de façon personnalisée pour chaque patient.
botulique, complexe. Il y a une seule neurotoxine par com-
plexe, et elle seule bloque le relargage d'acétylcholine. Produits de comblement
Concernant les trois toxines botuliques actuellement
sur le marché, elles utilisent toutes le sous-type A1. Il existe Les fillers sont un peu plus délicats à injecter et demandent
la toxine américaine ou Botox®, la toxine allemande ou une certaine habitude.
Xeomin®, et la toxine anglaise ou Dysport®, qui sont leurs L'injection sera réalisée sur un patient allongé ou demi-
noms commerciaux en thérapeutique. assis, après marquage des zones à injecter avec un crayon
Les produits de comblement ou fillers sont constitués de dermique non permanent et une désinfection cutanée.
gels d'acide hyaluronique plus ou moins réticulés, souvent L'injection de filler est pratiquée soit à l'aiguille, soit avec une
associés à un produit anesthésique. canule à bout mousse dont l'orifice se situe à l'extrémité de
façon latérale. Cette dernière minimise le risque d'injection
intravasculaire. Le diamètre de la canule est donné par les
Techniques d'injections recommandations du produit utilisé, en fonction du type
de produit, de l'étendue de la zone à traiter, de l'épaisseur
Toxine botulique de la peau, etc. En général, sont utilisées des canules de 25
Sur un malade allongé ou demi-assis, après désinfection ou 27 Gauges. L'emploi de la canule nécessite la réalisation
cutanée, l'injection est réalisée au contact du muscle et ou préalable d'un pré-trou à l'aiguille (figures 7.23 et 7.24).
dans le muscle, qui est généralement un muscle peaucier. Le plan d'injection des fillers est fonction de la localisa-
En zone péri-oculaire, on évitera d'injecter en partie tion : soit à la jonction dermo-hypodermique, soit dans le
médiane de la paupière supérieure afin de prévenir une plan hypodermique pour traiter les rides profondes, soit en
éventuelle diffusion au muscle releveur ou au droit supé- sus-périosté pour donner du volume comme au niveau des
rieur (risque d'induire un ptosis ou une diplopie transitoire), pommettes ou du sulcus supérieur [18].
et de même à proximité du muscle oblique inférieur. L'injection est faite après avoir aspiré à la seringue afin de
La dose injectée est fonction de l'examen clinique, et vérifier que l'on n'est pas positionné en intravasculaire, et de
peut aller de 20 unités à 60 unités environ par côté (unités façon rétrograde ou rétrotraçante, en déposant le produit
de toxine américaine ou allemande). en retirant l'aiguille ou la canule.
187
Chirurgie palpébrale

Figure 7.23
Aiguilles 25 G, 26 G et 30 G.

Figure 7.21
Plateau de préparation d'injections de toxine botulique.

Figure 7.24
Kit d'injection de gel d'acide hyaluronique.
Seringue préremplie, canule-aiguille.

On choisira un filler plus ou moins réticulé en fonction


de la zone à injecter : peu réticulé en région péri-oculaire
ou les cernes, davantage réticulé pour le sillon nasogénien,
et hautement réticulé pour combler une cavité énucléée
énophtalme par exemple.
Figure 7.22
Seringue Luer Lock et non.
Aiguilles 25 G, 26 G, 30 G.
Utilisation de la toxine botulique
en complément de la chirurgie
L'action du filler est immédiate, contrairement à la toxine
botulique, ce qui permet de «doser» en perinjection la Chirurgie du blépharospasme essentiel
quantité de filler à déposer, et de masser et modeler les Dans la majorité des cas de blépharospasme essentiel, les
zones injectées pour uniformiser. injections de toxine botulique itératives sont suffisantes
L'injection à la canule est spécifique : après avoir perforé pour améliorer la symptomatologie. Cependant, dans cer-
la peau avec une aiguille, on introduit la canule qui permet, tains cas, il est nécessaire de réaliser une résection de l'orbi-
grâce à son bout mousse, d'être moins traumatique avec les culaire préseptal et prétarsal (full myectomy d'Anderson).
tissus. L'injection se fait de façon rétrotraçante et en éven- Dans d'autres cas particuliers de blépharospasme essen-
tail à partir d'un même point d'entrée cutané, afin de répar- tiel ou, plus souvent, d'apraxie d'ouverture palpébrale, il est
tir le filler de façon homogène sur toute la zone à traiter. nécessaire de réaliser une suspension palpébrale au muscle
188
7. Chirurgie cosmétique palpébrale

frontal, avec une bandelette de fascia lata autologue ou à De plus, les injections de toxine botulique des rides de
l'aide d'une bandelette de Goretex® ou Ptose-up®. la patte d'oie devront éviter la zone à proximité du muscle
En postopératoire, il est très fréquent de constater un grand zygomatique pour prévenir une ptose de la commis-
spasme orbiculaire résiduel qu'il s'avère nécessaire d'injecter sure labiale.
de nouveau avec de la toxine botulique, mais généralement Les rides glabellaires ou rides du lion sont également trai-
avec des doses plus faibles, et parfois une fréquence d'injec- tées par toxine botulique (figure 7.26).
tion moindre. Des précautions à l'injection sont nécessaires :
En cas de suspension palpébrale au muscle frontal, il est ● éviter d'injecter à proximité du releveur de la paupière
bien sûr interdit d'injecter le muscle frontal. supérieure ou dans la portion crânienne du muscle orbicu-
laire (risque de ptosis) ;
Paralysie faciale périphérique ● éviter les rapports vasculaires et nerveux de cette région :
Plusieurs cas de figures peuvent se présenter au décours artères frontale, angulaire, veine angulaire, branches du nerf
d'une paralysie faciale qui nécessiteront des injections de facial, nerf frontal externe et interne.
toxine botulique [3, 24] : Une approche minimale et naturelle est privilégiée [10].
● une paralysie faciale spastique, avec spasme hémifacial
homolatéral secondaire : dans ce cas, seules les injections Utilisation des produits de comblement
de toxine seront nécessaires, sans chirurgie, afin d'améliorer en complément de la chirurgie
le spasme hémifacial et les syncinésies ;
● une paralysie faciale flasque, avec le côté sain qui reste Syndrome de l'énucléé/éviscéré
très expressif voire hyperkinétique : dans ce cas, des injec-
Le syndrome post-énucléation ou post-éviscération (ou PESS
tions de toxine botulique pourront être proposées sur le
pour post-enucleation socket syndrome) est une complication
côté sain afin de symétriser le visage. Celles-ci pourront
fréquente des cavités, associant à divers degrés une énoph-
être complémentaires à de la chirurgie réalisée sur le côté
talmie, une bascule postérieure de la prothèse, un ptosis
pathologique : chirurgie d'ectropion postparalytique, blé-
aponévrotique, une laxité palpébrale inférieure. Ce syndrome
pharorraphie, résection suprasourcilière, notamment, et
résulte d'une rétraction tissulaire responsable de la perte de
toujours dans le but de symétriser les deux hémifaces [28].
volume et d'une redistribution de la graisse orbitaire, entraî-
Un schéma d'injection qui peut être proposé sur l'hémi-
nant une bascule vers l'arrière du contenu orbitaire [1].
face hyperkinétique est le suivant : 3 ou 4 points de 2,5 U
Il existe divers traitements chirurgicaux de ce syndrome
dans le muscle frontal, 3 ou 4 points de 5 unités dans l'orbicu-
pour corriger l'énophtalmie :
laire palpébral, 1 ou 2 points de 5 U dans le corrugateur, 10 U ● la mise en place d'implants d'hydroxyapatite-tricalcium-
en 1 point dans le grand zygomatique, 2 points superficiels
phosphate sous-périostés, avec un risque non négligeable
dans le risorius de 2,5 U, 1 point de 5 U dans le releveur de
de migration du matériel [1] ;
la lèvre, 1 point de 5 U dans le muscle dépresseur angulaire, ● la technique de Coleman ou lipostructure qui corres-
1 point de 5 U dans le carré du menton (figure 7.25).
pond à la greffe d'adipocytes autologues, nécessitant un
prélèvement de graisse [8] ;
Esthétique ● l'injection intra-orbitaire, en arrière de la bille, de «micro-
La toxine botulique est particulièrement utilisée en méde- pins» en hydrogels auto-expansifs, dont le volume est
cine esthétique, et fréquemment en complément d'un multiplié par dix en se gorgeant de liquide dans l'orbite par
geste chirurgical, comme une blépharoplastie supérieure phénomène osmotique [25] ;
et/ou inférieure, et souvent associée à des injections de ● une greffe dermograisseuse [13].
produits de comblement [4, 20]. Tous ces traitements invasifs peuvent être évités (ou com-
Une bonne connaissance de l'anatomie du visage et de plétés si insuffisants) par l'injection intraconique et/ou extra-
l'action des muscles peauciers de la face est primordiale. conique postérieure d'acide hyaluronique hautement réticulé,
Par exemple, une injection de toxine dans le muscle par voie transcutanée et/ou transconjonctivale. Son action est
orbiculaire à la queue du sourcil va permettre une légère prolongée plus de 12 à 18 mois. En effet, son action est plus
ascension de celui-ci, agrandissant et rajeunissant le regard. durable dans l'orbite que dans la peau car il n'y a pas de hyalu-
En revanche, il pourra se créer de façon réactionnelle une ronidase dans la graisse orbitaire. Empiriquement, on réalise une
ride suprasourcilière par action du muscle frontal, qui i­njection de 1 ml d'acide hyaluronique pour 1 mm d'énophtal-
pourra être corrigée par des injections dans ce muscle. mie environ, de type Restylane Sub-Q® par exemple [9, 29].
189
Chirurgie palpébrale

Figure 7.25
Schéma d'injection de toxine botulique sur l'hémiface droite hyperkinétique dans les suites d'une paralysie faciale périphérique gauche.
Point d'injection de 2,5 U de toxine botulique
Point d'injection de 5 U de toxine botulique
Point d'injection de 10 U de toxine botulique

190
7. Chirurgie cosmétique palpébrale

Figure 7.26
Schéma d'injection de toxine botulique dans les rides glabellaires et de la patte d'oie.
Point d'injection de toxine botulique
La localisation des points d'injection tiendra compte des variations anatomiques fréquentes dans ces zones (chefs profond et superficiel du
muscle corrugateur, et muscle orbiculaire des paupières)

191
Chirurgie palpébrale

L'effet secondaire principal peut être la persistance pro- ● la gamme Teosyal® de Teoxane, et notamment Teoxane
longée d'œdème. Redensity 2® qui est particulièrement intéressant pour
injecter les cernes, en petites quantités, sus-périostées.
Autres cas thérapeutiques
● L'acide hyaluronique peut être utilisé dans des cas de Complications
réhabilitation postparalysie faciale périphérique, en associa-
tion avec les injections de toxine botulique, afin de symétri- Toxine botulique
ser au mieux la face en comblant des rides profondes (sillon Les effets secondaires de la toxine botulique sont rares et
nasogénien par exemple) et en redonnant du volume réversibles en quelques semaines. Ils sont le plus souvent
(pommette, tempe par exemple) [28]. musculaires, liés à la diffusion du produit. Ainsi, on peut voir
● Les fillers ont été proposés dans certains cas d'orbitopathie apparaître un ptosis par diffusion de la toxine au muscle
dysthyroïdienne, avec rétraction palpébrale supérieure [16]. On releveur, ou une diplopie par diffusion aux muscles oculo-
s'expose cependant au risque d'œdème palpébral prolongé. moteurs, en particulier l'oblique inférieur. On conseille au
patient de ne pas se frotter en post-injection et de ne pas
Esthétique s'allonger avant plusieurs heures.
Un hématome sur un ou plusieurs points d'injection
L'acide hyaluronique est très fréquemment utilisé en peut également survenir et va disparaître en quelques jours.
médecine esthétique, seul ou en complément de gestes On décrit de très rares cas d'injections intravasculaires,
chirurgicaux tels que la blépharoplastie supérieure [23] ou en particulier dans la région médiane de la ride du lion,
inférieure, ou un lifting. Ce produit de comblement étant avec risque de nécrose cutanée voire embole vers une
résorbable, des injections itératives sont nécessaires, géné- artère [17].
ralement tous les 6 mois environ.
Voici un schéma d'injections pouvant être proposé
(figure 7.27) : Produits de comblement
● en région temporale : 1 point d'entrée ou 2 à la racine Les complications avec les fillers sont potentiellement plus
des cheveux. Injecter de façon rétrotraçante le produit fréquentes et plus sévères [17].
volumateur en profondeur, avec l'aiguille enfoncée jusqu'à
la garde ou presque, 1 ml = 1 ampoule. On conseille au Complications non ischémiques
patient de mastiquer pour faire répartir le produit ;
● cerne : cette zone fragile doit être traitée avec précaution Les complications les plus fréquentes sont : un œdème pro-
et parcimonie étant donné le risque d'effets secondaires longé, un effet Tyndall (sur les peaux fines), une irrégularité
importants, de type œdème prolongé – à la canule, ½ de contour, voire un granulome sous-cutané.
ampoule en nappage, 1 point d'entrée par la partie tempo-
rale du cerne. Une autre technique possible est l'injection Complications ischémiques
lente à l'aiguille 30 G, en microbolus. Il est impératif d'éviter Le risque d'injection intravasculaire est non négligeable ; il
le canthus interne et le pédicule angulaire ; est donc nécessaire d'aspirer avant d'injecter le filler, et de
● dans le sillon nasogénien : ½ ampoule, plutôt à l'aiguille. réaliser l'injection de façon rétrotraçante en préventif. Le
Attention à ne pas trop injecter de fillers dans la région du patient doit être informé de ce type de risque.
SOOF (suborbicularis oculi fat), soit moins de 5 ml car il Les régions les plus à risque sont la glabelle, le nez, la
existe un risque de créer une marche d'escalier par rapport tempe, les lèvres, le sillon nasogénien.
au rebord orbitaire et un risque de blocage lymphatique On décrit des cas d'injections dans la veine ou l'artère
avec œdème. faciale, dans la veine temporale et la veine angulaire [15].
Voici quelques exemples de produits pouvant être utilisés : La conséquence principale est la nécrose cutanée et des
● la gamme Belotero® de Merz : Soft®, Volume®, Intense tissus mous dans le territoire de l'artère embolisée.
ou Balance® en fonction du degré de réticulation de l'acide Une conséquence encore plus sévère est l'atteinte
hyaluronique, à utiliser en fonction des sites d'injection ; visuelle : baisse d'acuité visuelle, diminution de la motilité
● la gamme Juvederm® d'Allergan : Ultra® (2 à 4), Voluma®, oculaire, voire ophtalmoplégie, ptosis, et jusqu'à des cas
Volift®, en fonction des indications et sites d'injection ; d'accident vasculaire cérébral [17, 21].

192
7. Chirurgie cosmétique palpébrale

Figure 7.27
Schéma d'injection de gel d'acide hyaluronique au niveau du cerne, de la pommette, de la tempe, de la vallée des larmes et du sillon
nasogénien, selon plusieurs techniques possibles
Point d'insertion du filler
Injection rétrotraçante en nappage ou en «éventail» à la canule
Points d'injection à l'aiguille par microbolus adjacents
Le degré de réticulation de l'acide hyaluronique sera choisi en fonction de la zone injectée et des recommandations du fabricant.

193
Chirurgie palpébrale

Un des traitements possibles est l'injection de hyaluroni-


dase, mais elle n'est pas autorisée en France [30].

Mesures post-injections
et recommandations au patient
Il est recommandé de :
● désinfecter de nouveau la zone traitée par l'injection ;
● masser et modeler après injection de filler pour unifor-
miser le produit ;
● réaliser des photographies pré- et post-injection selon
les mêmes conditions d'éclairage et selon les mêmes angles.
On conseille au patient :
● d'éviter de toucher ou manipuler la zone injectée ;
● d'éviter l'exposition solaire ou UV ;
● de surveiller l'apparition de rougeur, d'œdème, de pares-
thésies, de douleur ;
● de consulter en urgence en cas d'apparition d'effets
secondaires.

Anatomie de la paupière
asiatique
Les principales variations anatomiques de la paupière asia- Figure 7.28
tique par rapport à la paupière caucasienne (figures 7.28 et Paupière caucasienne normale vue en coupe sagittale avec un pli
palpébral haut situé au bord supérieur du tarse lié à l'insertion
7.29) sont les suivantes. profonde myocutanée de l'aponévrose temporale qui passera
ensuite en pont par-dessus le tarse.
1 : sinus frontal ; 2 : graisse ; 3 : orbiculaire ; 4 : Whitnall ; 5 : Müller ;
En paupière supérieure 6 : pli palpébral ; 7 : division du releveur ; 8 : artère ; 9 : tarse ; 10 :
artère ; 11 : ligament suspenseur du cul-de-sac ; 12 : aponévrose ;
● Il existe des différences anatomiques cutanées (hauteur, 13 : forte adhérence du Müller au tarse ; 14 : rétracteur de la
paupière inférieure.
forme, intensité, etc.) :
– le pli palpébral : 50 % des Asiatiques n'ont pas de pli
palpébral supérieur visible dans le regard de face (car ou à l'Occidental, comme on peut le voir aussi sur une
très bas situé et masqué par les cils ou nécessitant une représentation de Néfertiti ;
traction vers le haut pour en voir un minime) ; l'autre – la peau palpébrale et le tissu sous-cutané sont plus
moitié d'entre eux ont un pli palpébral visible bas situé épais chez l'Asiatique du fait de la migration de la
donnant l'impression d'une double paupière ou double graisse de l'organe de Charpy (graisse sous-sourcilière ;
eyelid (figures 7.30 et 7.31). Surtout, le pli palpébral est figures 7.30 et 7.31) ;
plus bas situé et plus on va vers l'est sur le globe terrestre, – l'épicanthus est plus fréquent de façon constitu-
plus il est bas situé, en particulier en Chine (si origine tionnelle chez l'Asiatique que chez l'Occidental. Il est
Han), au Japon et en Corée. Ainsi, sur la figure 7.31, le pli non pathologique en l'absence de blépharophimo-
est à 1 mm au-dessus de la bordure ciliaire, alors que sur sis. Les différents types d'épicanthus possibles sont
la figure 7.30, il est à 3 mm au-dessus ; décrits dans cet ouvrage dans le chapitre consacré
– plus accessoire, la concavité de la jonction paupière- à l'épicanthus : l'inversus, le supraciliaris, le tarsal, le
zone du sourcil est plus élevée en médiane chez le palpébral, les deux derniers étant les plus fréquents
Caucasien et plus médiale chez l'Asiatique ; chez l'Asiatique.
– le canthus externe est plus haut que le canthus ● Le tarse est plus petit, surtout en hauteur (6,5 à 8 mm
interne chez l'Asiatique comparativement au Caucasien contre 9 à 11 mm pour celui du Caucasien).
194
7. Chirurgie cosmétique palpébrale

Figure 7.31
Paupière asiatique avec une fusion très basse de l'aponévrose
Figure 7.29 avec le plan myocutané abaissant le pli palpébral à 1 mm et avec
une migration de la graisse de Charpy vers le bas, rendant la
Paupière caucasienne normale vue en coupe de trois quart avec
paupière plus épaisse et avec un tarse de hauteur plus faible que
un pli palpébral haut situé lié à l'insertion profonde myocutanée
chez le Caucasien.
de l'aponévrose temporale qui passera ensuite en pont de façon
plus fine par-dessus le tarse.
1 : releveur ; 2 : Müller ; 3 : Whitnall : 4 : os frontal ; 5 : aponévrose ;
6 : tarse ; 7 : conjonctivite ; 8 : cul-de-sac ; 9 : ligament suspenseur du ● De ce fait, la graisse orbitaire rétroseptale (ou organe en
cul-de-sac. rouleau) et le septum orbitaire descendent plus bas sur la face
antérieure du tarse. À noter le rôle de barrière de cette jonction.
● La graisse située en arrière du sourcil ou organe de Charpy
reste limitée à cette zone chez l'Occidental, alors qu'elle
s'amincit et s'étend nettement vers le bas se mêlant à la graisse
sous-cutanée jusque vers le pli palpébral chez l'Asiatique.
● Les cils sont très souvent dirigés vers le bas chez l'Asia-
tique (lash ptosis), pouvant augmenter l'impression d'un
ptosis, parfois entraîner une gêne pour le patient, surtout
s'il s'accompagne d'un dystichiasis. Cela peut expliquer
une position de la tête un peu penchée en arrière de 5 à
10 degrés par rapport à la verticale chez l'Asiatique.
Le tableau 7.1 résume les différences anatomiques.

En paupière inférieure
Il existe des similitudes avec la paupière supérieure :
Figure 7.30 ● le fascia capsulopalpébral s'insère plus haut sur la face
Paupière asiatique avec une fusion basse de l'aponévrose avec le plan antérieure du tarse ;
myocutané abaissant le pli palpébral à 3 mm et avec une migration ● la graisse sous-cutanée est plus épaisse.
de la graisse de Charpy vers le bas rendant la paupière plus épaisse et
avec un tarse de hauteur plus faible que chez le Caucasien. Il existe donc des risques :
● d'épiblépharon (jeune Asiatique, portion médiane de la
● Le releveur : la fusion de l'aponévrose du releveur avec paupière inférieure) – facile à traiter en cas d'irritation par
le tarse est beaucoup plus bas située que chez le Caucasien une simple résection myocutanée ;
et se fait 2 à 3 mm de la bordure ciliaire, parfois encore plus ● de bordure ciliaire dirigée plus vers l'arrière ou de
bas (figures 7.30 et 7.31). dystichiasis.
195
Chirurgie palpébrale

Tableau 7.1. Résumé des différences anatomiques entre 5. On réattache plus haut situé ce bloc d'insertion de l'apo-
Occidental et Asiatique. névrose et du septum sur la face antérieure du tarse 6 à
État anatomique Paupière Paupière asiatique 8 mm au-dessus des cils.
occidentale 6. On attache la face profonde de l'incision myocutanée à
ce niveau à l'aide de 3 points en U de Vicryl 6/0 à nœuds
Fusion releveur Sur aponévrose Face antérieure
enfouis (médiane et aplomb des bords latéraux de la
septum au-dessus du tarse du tarse
cornée).
Graisse rétroseptale Préseptale Préseptale 7. Quelques sutures complémentaires finiront de fermer le
et prétarsale
pli.
Hauteur du tarse 9–10,5 mm 6,5–8 mm À l'inverse, on peut rencontrer des Asiatiques qui ont
Hauteur maximale Médiane Médiane-médiale subi une première chirurgie esthétique et qui souhaitent
du pli pour des raisons culturelles diverses retourner au modèle
Pli palpébral visible 100 % 50 % esthétique asiatique dans un deuxième temps.

Technique chirurgicale « inverse »


Blépharoplastie esthétique en 1. À l'aide d'un feutre, on trace une ligne entre 2 et
3 mm, au-dessus de la bordure ciliaire, donc sous le pli
paupière supérieure [2, 5–7, 26] précédent.
La demande de chirurgie esthétique chez l'Asiatique porte 2. On incise l'orbiculaire jusque vers la face antérieure du
le plus souvent sur des modifications permettant de res- tarse en respectant le septum orbitaire si possible et on
sembler à la paupière occidentale et aussi pour avoir une remonte vers le pli.
«paupière attractive», ou «attractive eyelid», en particulier 3. On descend la zone d'adhérence du septum et de l'apo-
chez les jeunes femmes : névrose du releveur sur la partie basse du tarse, en déta-
● avant tout sur le pli palpébral supérieur pour essayer chant les adhérences.
d'évoluer vers un pli caucasien ; 4. On réattache plus bas l'aponévrose et le septum sur la
● pour corriger la hauteur de la fente palpébrale et modi- face antérieure du tarse 2 à 3 mm au-dessus des cils.
fier le contour palpébral ; 5. On attache la face profonde de l'incision myocutanée à
● pour corriger la position des cils ; ce niveau à l'aide de 3 points en U de Vicryl 6/0 à nœuds
● modifier un éventuel épicanthus associé. enfouis (médiane et aplomb des bords latéraux de la cor-
Ce choix personnel est influencé par les cultures dans née) à ce niveau.
lesquelles vit l'individu et par les éventuelles pressions 6. Quelques sutures complémentaires finiront de fermer le
sociales pour tendre vers un profil de visage type. pli.
Il s'agit de l'intervention de chirurgie palpébrale la plus
fréquente en Asie et aux États-Unis. La demande est sou-
vent effectuée par des patients plus jeunes que pour la blé-
pharoplastie chez l'Occidental. Blépharoplastie esthétique
dans l'angle interne
Technique chirurgicale C'est avant tout la chirurgie de l'épicanthus [19] (voir le
1. À l'aide d'un feutre, on trace une ligne entre 6 et 8 mm chapitre correspondant).
au-dessus de la bordure ciliaire. La chirurgie du télécanthus est traitée dans le chapitre
2. On incise l'orbiculaire jusque vers la graisse de l'organe consacré au blépharophimosis. Rappelons ici quelques
en rouleau en respectant le septum orbitaire si possible. mesures anatomiques qui aident à situer le problème au
3. On descend vers la zone d'adhérence du septum et de moins pour le diagnostic différentiel :
l'aponévrose du releveur sur la partie basse du tarse ; on ● distance intercanthale : 25–35 mm ;
détache ces adhérences. ● fente palpébrale horizontale : 25–30 mm ;
4. On réalise une résection modérée de la graisse de Charpy ● distance interpupillaire : 70 mm ;
qui a migré vers le bas sous l'orbiculaire. ● fente palpébrale verticale : 9,4 ± 1,5 mm.
196
7. Chirurgie cosmétique palpébrale

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198
Chapitre 8
Voies d'abord orbitaires
palpébroconjonctivales
rétrocaronculaires
J.-P. Adenis

PLAN DU C HAPITRE
Dacryocystorhinostomie par voie
palpébroconjonctivale 200
Indications générales 200
Technique 200
Conclusion 201
Décompression orbitaire par voie
palpébroconjonctivale rétrocaronculaire 203

Chirurgie palpébrale
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Chirurgie palpébrale

Dacryocystorhinostomie par voie palpébroconjonctivale


La dacryocystorhinostomie a été décrite initialement par 2. Une coque protectrice en titane est placée, pendant
Toti en 1904 [19] avec un abord par voie externe, puis modi- l'intervention, devant la cornée pour la protéger (figure 8.1).
fiée par l'adjonction de lambeaux anastomotiques [6], ou le 3. L'incision de la conjonctive est réalisée de façon ver-
placement de tubes en silicone [11], ou encore l'utilisation ticale entre le repli semi-lunaire et la caroncule, à l'aide
d'application de mitomycine C [5]. L'approche endonasale d'une aiguille de bistouri électrique en monopolaire, les
est décrite dès 1893 Caldwell [4] et plus tard par West [20] paupières étant rétractées à l'aide de fils de traction de
et Jokinen [10]. Toutefois, la visualisation par le nez n'est pas soie noire 5/0. Le plan de dissection est dirigé en dedans
commode, malgré l'amélioration apportée par le microscope et en arrière, de façon à passer en arrière du muscle de
opératoire, et ce n'est que l'approche endoscopique qui a Duverney-Horner pour atteindre la crête lacrymale pos-
donné un regain à l'abord endonasal en raison de l'absence térieure (figure 8.2).
de risque d'épicanthus postopératoire. Pour l'instant, aucune 4. Puis, le périoste est incisé légèrement en arrière de la
étude n'a pu démontrer de façon statistique la différence de crête lacrymale postérieure. À l'aide d'une rugine, on libère
résultats quand à la perméabilité des voies lacrymales pour les adhérences du périoste dans la loge lacrymale puis la
l'une ou l'autre méthode. La voie externe donne de 90 % à crête lacrymale antérieure (figure 8.3).
98 % de bons résultats sur la perméabilité [8, 9, 16, 18] et la 5. Le sac lacrymal est récliné vers le haut à l'aide d'un écar-
méthode endoscopique de 63 % et 100 % [3, 7, 8, 9, 13, 23]. teur cranté de Duverger-Adenis (figure 8.4). Il est ensuite
incisé de façon verticale à l'aide d'un bistouri à lame retour-
Indications générales née (figure 8.5) Une sonde lacrymale est introduite dans le
canalicule, puis le sac lacrymal pour vérifier la perméabilité
Actuellement, trois groupes de techniques sont couram- du canal d'union.
ment utilisés : 6. La trépanation osseuse est effectuée en effondrant
● l'abord cutané externe ; l'os lacrymal à l'aide d'une rugine, puis en enlevant la
● l'abord endonasal endoscopique [10] ; majorité de la loge lacrymale à l'aide d'une pince de
● l'abord transcanaliculaire au laser [22] qui est surtout uti- Kerisson (figure 8.6). L'utilisation d'une pince longue
lisé pour les reprises d'échecs de dacryocystorhinostomies de Kerisson neurochirurgicale et la libération du sac vers
[12, 14, 21] réalisées par voie externe ou endonasale. le haut permet d'enlever une partie de la crête lacrymale
L'abord rétrocaronculaire est familier en oculoplastique antérieure.
pour aborder la partie médiale de l'orbite et l'apex orbitaire
[17]. Le principal repère chirurgical est le muscle de Horner
dont la description princeps est due à Duverney, comme l'a
bien montré l'étude historique de Reifler [15].

Nous avons décrit cet abord chirurgical dans le traite-


ment des lagophtalmies [1, 2] par plicature du muscle
de Duverney-Horner. Ayant amélioré notre approche
chirurgicale, nous avons décrit l'abord rétrocaronculaire
sous microscope opératoire pour la dacryocystorhinos-
tomie, évitant ainsi les problèmes éventuels de cicatrices.

Technique
1. L'intervention est le plus souvent réalisée sous anesthé-
Figure 8.1
sie générale. Un tamponnement nasal d'une solution de
Une coque protectrice en titane est placée devant la cornée.
xylocaïne adrénalinée est le plus souvent effectué pour Une incision conjonctivale verticale est réalisée entre le repli semi-
diminuer le saignement d'origine nasal. lunaire et la caroncule.

200
8. Voies d'abord orbitaires palpébroconjonctivales rétrocaronculaires

Figure 8.4
Instruments utilisés pour cette technique : un écarteur de
Duverger modifié Adenis, un bistouri à lame retournée et une
Figure 8.2 pince de Kerisson de grande taille.
À l'aide d'un bistouri électrique en monopolaire, un plan de
dissection est créé en arrière du muscle de Duverney-Horner
jusque vers la crête lacrymale antérieure, le sac lacrymal
étant rétracté vers le haut à l'aide d'un écarteur cranté de
Duverger-Adenis.

Figure 8.5
Le sac lacrymal est récliné vers l'avant à l'aide de rétracteurs, puis
ouvert verticalement.

Figure 8.3
Le périoste orbitaire est incisé en arrière de la crête lacrymale l'anastomose lacrymale. Enfin, la conjonctive est suturée au
postérieure et récliné ensuite vers le haut jusqu'à la crête Vicryl 8/0 à nœuds enfouis entre le repli semi-lunaire et la
lacrymale antérieure à l'aide d'une rugine.
caroncule (figure 8.7).

Conclusion
7. La muqueuse nasale est incisée de façon semi-circulaire
en s'aidant de deux coton-tige introduits dans le nez, dont L'approche rétrocaronculaire est intéressante dans la
la pression permet d'appliquer la muqueuse dans l'orifice dacryocystorhinostomie pour des raisons cosmétiques car
osseux. Une suture de Goretex® 6/0 est réalisée entre les le risque de cicatrice cutanée est nul, toutefois elle n'amé-
lambeaux du sac et de la muqueuse nasale afin de réaliser liore pas le pronostic de la perméabilité lacrymale.
201
Chirurgie palpébrale

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L'anastomose des deux volets muqueux est réalisée à l'aide d'une [18] Tarbet KJ, Custer PL. External dacryocystorhinostomy : surgical
suture de Goretex® 6/0. sucess, patient satisfaction and economic cost. Ophthalmology
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202
8. Voies d'abord orbitaires palpébroconjonctivales rétrocaronculaires

Décompression orbitaire par voie palpébroconjonctivale


rétrocaronculaire
L'intervention est réalisée sous anesthésie générale. Un tam- Puis, le périoste est incisé légèrement en arrière de la
ponnement nasal est effectué du côté à opérer pour éviter crête lacrymale postérieure et à l'aide d'une rugine, on libère
le reflux de sécrétions nasales dans le champ opératoire. les adhérences du périoste avec la lame papyracée de l'eth-
Une coque protectrice en titane est placée pendant moïde vers l'arrière et le plancher orbitaire vers le bas (voir
l'intervention devant la cornée pour la protéger (voir figure 8.3).
figure 8.1). Le sac lacrymal est récliné vers le haut à l'aide d'un écar-
L'incision de la conjonctive est réalisée de façon verti- teur cranté de Duverger-Adenis (voir figure 8.4) sans dépo-
cale entre le repli semi-lunaire et la caroncule à l'aide d'une ser le muscle de Duverney-Horner.
aiguille de bistouri électrique en monopolaire, les paupières On effondre, avec la rugine, l'ethmoïde et on enlève
étant écartées en dedans à l'aide d'un écarteur autostatique pièce par pièce l'ensemble de la lame papyracée de l'eth-
et rapprochées en dehors à l'aide de fils de traction de soie moïde, en respectant le pilier osseux de jonction inférieur
noire 5/0. Le plan de dissection est dirigé en dedans et en vers le bas et une ligne unissant l'orifice des artères ethmoï-
arrière, de façon à passer en arrière du muscle de Duverney- dales antérieures et postérieures vers le haut.
Horner, pour atteindre la crête lacrymale postérieure (voir On effondre ensuite le plancher orbitaire et l'os est enlevé
figure 8.2). dans la moitié interne à l'aide de la pince longue neurochi-
On coagule à la bipolaire l'artère ethmoïdale antérieure, rurgicale de Kerisson en respectant le nerf sous-orbitaire.
puis la postérieure à leur émergence à la jonction eth- Le périoste est reposé vers le haut et la conjonctive est
moïde/os frontal. C'est un temps capital pour être libéré fermée en arrière de la caroncule avec du Vicryl 6/0.
de saignement notable ensuite. Une ligne d'aspiration est
cependant indispensable pendant l'opération.
La graisse orbitaire est enlevée autour du muscle droit Pour en savoir plus
interne et du droit inférieur et de l'oblique supérieur, en
prenant soin de la coaguler à chaque résection à l'aide de Woo K, Kim YD. Isolated caruncular approach for orbital decompres-
la pince bipolaire. Environ 4 à 6 ml de graisse sont enlevés. sion. Jpn J Ophthalmol 2001 ; 48 : 397–403.

203
Chapitre 9
Affections génétiques
et congénitales palpébrales
J.-P. Adenis

P L AN D U CHA PI T RE
Épicanthus 206 Épicanthus, télécanthus et ptosis
ou syndrome de blépharophimosis 211
Technique 1 : opération Y-V 207
Télécanthus congénital sans repli épicanthal
Technique 2 : technique des quatre lambeaux
(syndrome de Waardenburg) 212
de Mustardé 208
Syndrome du centurion
Technique 3 : technique des cinq lambeaux
(ou syndrome du sac lacrymal creux) 212
Anderson et Nowinski 208
Signes cliniques 212
Technique 4 : résection des tissus en excès 209
Pathogénie 213
Technique 5 : canthopexie interne transnasale 209
Traitement 213
Conclusion 209
Dystopie congénitale de l'angle interne :
syndromes de blépharophimosis
et de Waardenburg 211

Chirurgie palpébrale
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Chirurgie palpébrale

Épicanthus

Un repli épicanthal constitue un repli cutané et sous- ● epicanthus palpebralis (figure 9.1B) : il débute en paupière
cutané semi-lunaire, vertical ou oblique concave en dehors, supérieure au-dessus du tarse, et s'étend verticalement au
qui est situé dans l'angle interne. Il est en règle bilatéral, mais rebord orbitaire inférieur ;
peut être relativement asymétrique. L'étiologie de l'épican- ● epicanthus tarsalis (figure 9.1C) : il débute dans le pli pal-
thus n'est pas clairement établie mais est liée à un excès pébral, et se perd dans la peau proche du canthus interne.
de muscle orbiculaire et de tissu fibro-adipeux sous les L'épicanthus tarsalis est le repli oriental caractéristique ;
replis. Le terme de repli épicanthal a été introduit par Von ● epicanthus inversus(figure 9.1D) : il débute en paupière
Ammon [9] en 1880. Von Ammon a décrit trois formes inférieure, et remonte de façon progressive en oblique en
d'épicanthus : supraciliaris, palpebralis et tarsalis ; puis en haut et en dedans. Il régresse moins bien avec l'âge que les
1922, Braun fournit une description détaillée de l'épican- trois précédents. Il est une composante caractéristique du
thus inversus [2]. syndrome de blépharophimosis (ptosis, épicanthus inver-
La description classique en quatre types d'épicanthus est sus et télécanthus).
proposée par Duke Elder [3] (figure 9.1) : Dans toutes les races, la présence d'un épicanthus est
● epicanthus supraciliaris (figure 9.1A) : il débute dans une caractéristique normale de la morphologie faciale chez
la région du sourcil et traverse la région tendon canthal le fœtus entre 3 et 6 mois de gestation [3]. Chez les cauca-
interne vers le point lacrymal ; soïdes, les plis disparaissent avant la naissance ou régressent

A B

C D
Figure 9.1
Les quatre types d'épicanthus.
A. Supraciliaire. B. Palpébral. C. Tarsal. D. Inversus.

206
9. Affections génétiques et congénitales palpébrales

avec le développement facial. Un épicanthus persiste 1. On dessine un V dont la pointe se trouve en dedans du
cependant de façon permanente chez 2 à 5 % des sujets repli épicanthal et sur une ligne horizontale passant entre
[4]. Chez les Asiatiques, un repli épicanthal persiste comme les deux caroncules.
un aspect facial normal chez 70 à 90 % des sujets [5]. 2. Puis, on dessine le troisième segment sur cette ligne hori-
De nombreuses techniques chirurgicales ont été décrites zontale, dont le sommet se trouve un peu au-delà de la
pour la prise en charge de l'épicanthus. mi-distance caroncule/ligne médiane.
La déformation des tissus mous dans un repli épican- 3. La dissection en profondeur permet l'excision d'une
thal comprend un rétrécissement de la peau dans le plan petite quantité de tissu sous-cutané et de graisse
vertical, et un excès de peau et de tissu sous-cutané dans fibreuse afin de rendre au canthus interne un aspect
le plan horizontal. La correction de l'épicanthus doit donc postopératoire plus creusé et d'améliorer le résultat
impliquer un réarrangement des tissus par des plasties en cosmétique. Le tissu des deux côtés du Y se trouve
Z variées ou en Y-V et non une simple résection [6] afin de relâché.
réarranger les tissus mous tout en minimisant les cicatrices.

Le tendon canthal médial peut être plicaturé ou réséqué,


Technique 1 : opération Y-V pour traiter simultanément un télécanthus associé, mais
l'effet de la plicature est très modeste si l'on ne pratique
Elle amène le tissu canthal interne en dedans, en avançant pas une abrasion osseuse et une canthopexie transnasale.
le sommet en V du Y vers la base du Y (figure 9.2).

A A'

Figure 9.2
Opération Y-V.

207
Chirurgie palpébrale

Technique 2 : technique On incise le long des zones définies et des tissus sous-
jacents, puis on dégage tous les lambeaux pour pouvoir
des quatre lambeaux réséquer le tissu sous-cutané. Le site du nouveau canthus
de Mustardé [6–8] (figure 9.3) est libéré du tissu en excès jusqu'au périoste. S'il existe un
télécanthus, le tendon canthal interne peut être raccourci,
1. Le nouveau canthus interne, marqué par les points A et ou plicaturé et suturé, au périoste avec un fil non résor-
A′, dessine un segment AA′ égal à la moitié de la distance bable 4/0 ou 5/0.
inter-canthale. L'ancien canthus interne est marqué par le 5. Les lambeaux quadrangulaires sont alors ajustés et
point B. Les deux points sont joints. La distance entre les transposés. Ils sont suturés soit par du Nylon, Prolène 6/0
deux points est mesurée : tous les segments qu'il reste à par exemple, de la soie 6/0, soit par du fil résorbable chez
tracer seront de 2 mm inférieurs à AB. l'enfant turbulent (Vicryl à résorption rapide 6/0).
2. Au milieu de la ligne AB, on dessine la partie centrale de
deux Z avec deux segments à 60°par rapport à AB et qui Technique 3 : technique
seront dans l'axe du repli épicanthal.
3. Les deux autres branches du Z sont dessinées à l'extrémité des cinq lambeaux Anderson
du segment placé sur l'axe de l'épicanthus avec un angle de et Nowinski [1]
45° (toujours de 2 mm inférieurs à la ligne initiale AB).
4. À partir de B, deux autres lignes sont tracées parallèle- Le principe est simple et vise à combiner une plastie en Y-V
ment au bord libre de la portion lacrymale, puis du bord et une double plastie en Z placée sur le repli épicanthal
libre de la paupière. (figure 9.4).

A' A

60° 45°
A B 60°

60°
60° 45°

Figure 9.3
Technique des quatre lambeaux de Mustardé.

208
9. Affections génétiques et congénitales palpébrales

1. Isolement du tendon canthal interne des deux côtés, par


une voie d'abord dont la forme dépend de la plastie cuta-
née associée (Y-Z, technique des quatre ou cinq lambeaux
en Z).
2. Décollement des attaches tendineuses par voie sous-
périostée en respectant les voies lacrymales. Pour cela, on
réalise une incision du périoste de façon semi-circulaire, en
avant du tendon canthal interne, et on soulève le périoste
vers la loge lacrymale à la rugine.
3. Réduction de la distance inter-orbitaire osseuse par un
meulage à la fraise de la branche montante du maxillaire et
de l'os lacrymal.
Figure 9.4 4. Réalisation d'un trou osseux transnasal, dont la posi-
Technique des cinq lambeaux Anderson et Nowinski.
tion doit être la plus postérieure possible, pour permettre
le repositionnement de la paupière inférieure et du point
lacrymal au contact du globe oculaire en l'attirant en arrière
Le premier lambeau est le V et les quatre suivants sont
et en dedans. Dans l'ensemble, la position du trou osseux est
constitués par les branches des Z.
située légèrement en avant de la crête lacrymale postérieure.
Les auteurs pensent que cette technique est de com-
5. Passage dans l'un des tendons canthal interne d'une
préhension et de construction plus facile que celle de
double aiguille de Vicryl 3/0 ou 4/0 qui sera ensuite pas-
Mustardé. Dans cette procédure, la construction des cinq
sée en transnasal vers l'autre orifice osseux et passée dans
lambeaux est simple, logique et facile à mémoriser. Elle
l'autre tendon pour y être serrée, en s'assurant que les ten-
laisse peut-être un peu moins de cicatrices que la technique
dons viennent aisément dans les forages.
de Mustardé.
6. La même opération est réalisée avec une suture de Nylon
4/0 qui prend la région située en avant de la caroncule avec
une double aiguille et une suture en forme de U. Les deux
Technique 4 : aiguilles traversent le tendon, puis arrivent après un passage
résection des tissus en excès transnasal dans l'autre tendon et ressortent finalement sur
la peau juste en avant de l'autre caroncule.
Jordan et Anderson [4] décrivent en 1989 une technique
pour corriger le défaut d'adhérence de la peau aux tissus
profonds, l'excès de muscle orbiculaire et de tissu fibro-­ Conclusion
adipeux sous les replis, et la tension anormale du muscle
orbiculaire sous la peau. En incisant la peau au-dessus du L'épicanthus peut régresser avec la croissance du massif
pli, en réduisant le volume de muscle orbiculaire et en atta- facial.
chant la peau aux tissus profonds, près du tendon canthal Chez les Asiatiques, un épicanthus tarsalis persiste de
interne, on peut diminuer nettement l'épicanthus. façon typique et ne nécessite une correction qu'unique-
ment pour des motifs esthétiques.
L'épicanthus inversus est fréquemment associé à d'autres
Technique 5 : canthopexie anomalies palpébrales (blépharophimosis) et justifie le plus
souvent d'une correction chirurgicale complexe.
interne transnasale
La canthopexie interne transnasale est le traitement de La complication chirurgicale la plus fréquente est la sur-
choix dans l'épicanthus associé à un télécanthus, avec ou venue d'une cicatrice qui peut être traitée par de nou-
sans ptosis (hypertélorisme, syndrome de blépharophimo- veaux lambeaux de transposition.
sis) (figure 9.5).

209
Chirurgie palpébrale

Figure 9.5
Canthopexie interne transnasale.

210
9. Affections génétiques et congénitales palpébrales

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Dystopie congénitale de l'angle interne :


syndromes de blépharophimosis et de Waardenburg

On entend par dystopie congénitale de l'angle interne ● l'absence de pli palpébral supérieur : la brièveté des pau-
l'ensemble des malformations ou malpositions de la région pières supérieures avec une peau et un tissu sous-cutané
canthale interne. épais tombant verticalement à partir du sourcil entraîne
Ainsi on distingue plusieurs groupes : l'absence de pli palpébral supérieur ;
● l'épicanthus simple, isolé ; ● un ectropion congénital externe avec obliquité anti-
● les épicanthus associés au ptosis ; mongoloïde la paupière inférieure liée à l'absence de
● les épicanthus associés au télécanthus avec ptosis ou développement de la partie inféro-externe de l'orbite
syndrome de blépharophimosis ; osseuse ;
● les épicanthus rentrant dans le cadre d'un syndrome ● le déplacement des points lacrymaux, l'hypertrichose.
congénital, comme le syndrome de Down ou trisomie 21, Il peut rentrer dans le cadre de syndromes complexes [1] :
l'hypertélorisme ; ● syndrome d'Aberfeld : association avec un myosis et une
● le télécanthus congénital, sans épicanthus, caractéris- myotonie ;
tique du syndrome de Waardenburg. ● syndrome de De Lange : association avec une hypertro-
phie musculaire et un déficit mental ;
● syndrome de Young-Simpson : association avec une
Épicanthus, télécanthus hypothyroïdie, une anomalie cardiaque, un dysmorphisme
crâniofacial et un retard mental ;
et ptosis ou syndrome ● syndrome de Schwartz-Jampel : association avec une
de blépharophimosis dystrophie ostéochondromusculaire et une myotonie. Le
blépharophimosis coexiste souvent dans ce syndrome avec
Le syndrome du blépharophimosis est une malformation le blépharospasme. Curieusement, le blépharophimosis
orbitopalpébrale congénitale à transmission héréditaire apparaît tardivement vers 4–5 ans (forme acquise).
autosomique dominante. Il s'agit d'une translocation
entre les chromosomes 3 et 11 [46, XY, t (3 ; 4) (q 23 ;
p 15.2)]. Le site de localisation le plus probable d'un gêne
responsable de ce syndrome est 3q21-24 [7]. En règle générale, l'épicanthus et le télécanthus doivent
Le syndrome de blépharophimosis associe ptosis, épi- être traités en premier, avant le ptosis et l'ectropion pal-
pébral externe.
canthus, télécanthus, avec [2–6] :
Plusieurs techniques pour l'épicanthus sont possibles et
● un rétrécissement des fentes palpébrales ; déjà décrites au chapitre consacré à l'épicanthus.
● une brièveté des paupières, aussi bien dans le sens de la Le télécanthus se traite par meulage osseux et can-
longueur que dans le sens de la hauteur, la fente palpébrale thopexie transnasale.
est petite tant sur le plan horizontal que vertical ;
211
Chirurgie palpébrale

Télécanthus congénital Références


sans repli épicanthal [1] Amano T, Shibuya Y, Hayasaka S. Blepharophimosis, ptosis, epican-
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canthale interne est fréquemment rencontrée dans le syndrome 16 : 346.
de Waardenburg [8]. Une surdité partielle est fréquente. [6] Mustardé JC. Epicanthus, telecanthus and belpharophimosis.
Sur le plan ophtalmologique, il est décrit une hétéro- In : Tessier P, Callahan A, Mustarde JC, et al., editors. Symposium
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La correction du télécanthus dans ce type de malforma- 1991 ; 40 : 485–7.
[8] Waardenburg PJ. A new syndrome combining developmental
tion, peut être réalisée par canthopexie transnasale, à tra-
anomalies of the eyelids, eyebrows, and nose root with congenital
vers une voie d'abord cutanée en forme de Z, ou en forme deafness. Amer J Hum Genet 1951 ; 3 : 195.
de Y transformé en V, si le repli épicanthal n'est pas majeur.

Syndrome du centurion (ou syndrome du sac lacrymal creux)


Le syndrome du centurion décrit par Sullivan [8] regroupe Dans certains cas, le tendon est aussi déplacé vers le bas
des anomalies variées déjà décrites sous le nom de «deep [3, 6] ou de façon prononcée vers l'avant [7].
lacus» ou syndrome du lac lacrymal creux. Les anomalies Cette déformation s'accentue en particulier à la puberté
sont secondaires à l'antéroposition de la branche antérieure lors du développement des piliers osseux de la face comme
ou parfois des deux branches du tendon canthal interne. de la branche montante du maxillaire, et lors du dévelop-
Elles s'accompagnent presque toujours d'une déformation pement des os du nez.
avec saillie en avant de la base au nez, expliquant l'antéroposition Elle s'accompagne parfois d'une instabilité du bord libre
du tendon et donnant à cette région une forme saillante vers de la paupière avec ectropion ou entropion. Les anomalies
l'avant évoquant le visage d'un centurion romain (figure 9.6B). osseuses peuvent être secondaires à une hydrocéphalie où
le syndrome est fréquent.
Lorsqu'on regarde le sujet de profil, on constate que le
Signes cliniques syndrome du lac lacrymal est creux avec un diasthasis, avec
une stagnation des larmes dans une zone située entre la
Le symptôme essentiel est celui d'un larmoiement bila- caroncule, la conjonctive bulbaire, et d'autre part la partie
téral clair chez un adolescent, apparu à la puberté, et qui lacrymale de la paupière et le point lacrymal.
s'aggrave lors de la croissance du visage [8] et de l'antéropo-
sition progressive du tendon canthal interne.
Parfois, il peut exister une enophtalmie associée [9]
Ce larmoiement ne s'accompagne pas de dacryocystite.
aggravant les symptômes, mais les mesures à l'appareil
Les voies lacrymales sont perméables à l'injection de même de Hertel peuvent aussi être normales.
que la scintigraphie [4]. Dans certains cas, le syndrome peut être favorisé par une
Il existe une déformation de la base de la pyramide faiblesse relative du chef postérieur du tendon : le muscle
nasale qui est saillante. Ceci entraîne une antéroposition de Duverney-Horner.
constante du chef antérieur du tendon canthal interne [10].
212
9. Affections génétiques et congénitales palpébrales

Traitement
Plusieurs techniques chirurgicales peuvent être utilisées.
La simple désinsertion du chef antérieur par voie
sous-périostée, associée à celle du chef postérieur, et sa
reposition sur la partie postérieure de la crête lacrymale
antérieure ont été proposées par Sullivan dans les formes
modérées [8].
Une action plus prononcée peut être réalisée en utili-
A sant la plicature du muscle de Duverney après un abord
classique de dacryocystorhinostomie, permettant par voie
sous-périostée de localiser les deux crêtes lacrymales. On
pourra ainsi faire passer un fil de tension depuis l'extrémité
du tarse jusque vers la crête lacrymale postérieure. La ten-
sion s'effectue alors en dedans et vers l'arrière appliquant
ainsi la paupière contre la conjonctive du globe [1].
Dans les cas post-traumatiques, on peut faciliter la
remise en tension vers l'arrière du tendon à l'aide d'une
canthopexie transnasale [5, 10] (voir figure 9.5). Toutefois,
B l'orifice de canthopexie doit être placé en arrière de la crête
lacrymale postérieure pour inciter au déplacement posté-
rieur de la région.
Plus récemment encore et pour les formes majeures,
Shore [9] a proposé de fixer des mini-plaques en titane en
forme de T sur la crête lacrymale antérieure (figure 9.6C).
L'extrémité du T se trouve ainsi très postérieure et permet
de tracter, à partir d'un orifice, les fils placés sur les branches
antérieures et postérieures du tendon canthal interne.

C
Références
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213
Chirurgie palpébrale

Pour en savoir plus


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214
Chapitre 10
Traitement chirurgical
du blépharospasme
J.-P. Adenis, D. Grivet

PLAN DU C HAPITRE
Description clinique 216
Formes cliniques 216
Étiologies 217
Traitement 217
Traitements chirurgicaux 218
Indications thérapeutiques 221

Chirurgie palpébrale
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Chirurgie palpébrale

Le blépharospasme est un désordre acquis consistant en des


contractions involontaires toniques, et spasmodiques du
muscle orbiculaire des paupières, sourcilier et des muscles
inter-sourciliers (procerus et corrugator), entraînant la fer-
meture complète ou partielle des paupières, durable (de
quelques secondes à quelques minutes) et intense.

Description clinique
● Âge : le début est le plus souvent entre 50 et 70 ans
pour la forme bilatérale, entre 30 et 50 ans pour le spasme
hémifacial.
● Sexe : les femmes seraient plus fréquemment touchées.
● Génétique : des formes familiales ont été décrites et en parti-
culier dans les cas de syndrome de Meige[16]. Une prédisposi-
tion génétique est notée dans un tiers des cas par Jankovic [13].
● Histoire clinique : le début est le plus souvent insidieux
(accentuation du clignement, difficulté à garder les yeux
ouverts), se prolongeant pendant plusieurs mois jusqu'à ce
que les spasmes soient évidents. Les spasmes se déclenchent
lors des situations de stress. Les patients sont soulagés par Figure 10.1
des manœuvres diverses apportant de façon inconstante et Blépharospasme essentiel.
Dystonie de l'orbiculaire prétarsal ou apraxie palpébrale.
temporaire une atténuation des spasmes.
L'intensité des contractions diminue avec les actes
suivants : en parlant, en chantant, lorsque le patient se
concentre sur un acte de pensée ou de parole, lorsque le
patient regarde vers le bas.
Enfin, le patient signale un soulagement lorsqu'il baille ou
qu'il tousse. Les contractions sont au contraire plus sévères
lorsqu'il écoute, marche, lorsqu'il se repose, se relaxe.
Elles s'accentuent lorsqu'il regarde vers le haut ou qu'il
veut fixer un objet. Les contractions sont variables au cours
de la journée ; peu intenses au réveil, elles trouvent une recru-
descence dans l'après-midi, et sont améliorées par le repos.

Formes cliniques
Limité au pourtour orbitopalpébral et bilatéral, il réalise le
blépharospasme dit essentiel dans la forme la plus courante.
C'est une dystonie faciale. Les contractions sont limitées
à l'orbiculaire, aux muscles protracteurs et corrugateurs
(muscles sourciliers et inter-sourciliers) et au muscle frontal
(figures 10.1 et 10.2).
Étendu aux muscles orbiculaires et aux muscles superfi-
ciels de la face et bilatéral, il réalise le syndrome de Meige[16]. Figure 10.2
Il s'agit d'une dystonie crâniocervicale débutant vers la Blépharospasme essentiel avec contractions cloniques des
cinquantaine. Le trouble est caractérisé par des contrac- paupières.

216
10. Traitement chirurgical du blépharospasme

tions involontaires de l'orbiculaire des paupières et par des ● Syndrome de Meige ou spasme facial médian : les spasmes
spasmes s'étendant aux muscles superficiels de la face, aux sont bilatéraux prédominant sur le ligne médiane, toniques
muscles de la mandibule, de la langue, du pharynx, du larynx, conduisant à la fermeture des yeux. Ils sont associés à des
de l'œsophage et des muscles du cou. Il peut être héréditaire contractures des muscles de la face, du palais et du cou.
selon un mode chromosomique dominant, autosomique L'étiologie serait-elle aussi dégénérative vasculaire ? La théo-
récessif ou parfois enfin récessif lié à l'X. Souvent dans une rie actuelle serait l'existence d'un déséquilibre entre le sys-
même famille, les atteintes sont variées, blépharospasme tème dopaminergique et le système cholinergique.
pour l'un, la dystonie généralisée pour l'autre, etc. [13].
Le syndrome de dystonie focale de l'orbiculaire prétarsal
(parfois aussi appelé syndrome d'apraxie palpébrale ou
Spasme hémifacial
d'akinésie palpébrale) est différent sur le plan séméiolo- Décrit par Meige en 1910 [16], il comporte des contractions
gique [4, 9, 14, 15]. L'orbiculaire d'abord prétarsal puis pré- spasmodiques intermittentes de l'orbiculaire qui s'étendent en
septal se contracte de façon progressive et lente, au lieu de quelques années à tous les muscles innervés par le facial sur
se décontracter lors de la contraction du releveur. Le patient une hémiface. De multiples travaux [11, 12, 14], ont démontré
présente une chute progressive et lente des paupières. Il lui la présence d'une boucle vasculaire anormale comprimant le
est alors impossible de soulever les paupières. Lors des ten- nerf facial lors de son émergence du tronc cérébral dans 85 %
tatives, le sourcil s'élève (signe du Charcot positif) alors que des cas (à partir de l'artère cérébelleuse dans ses branches
dans le blépharospasme le sourcil est plutôt abaissé. Après supérieure ou inférieure ou de l'artère auditive).
plusieurs tentatives apparaissent des contractions réflexes
de l'orbiculaire qui rendent parfois difficiles l'individualisa-
tion du syndrome d'avec le blépharospasme essentiel.
Le spasme hémifacial n'est pas une dystonie mais une série
Traitement
de contractions du muscle orbiculaire et des muscles superfi-
ciels de l'hémiface en rapport avec un conflit artère/nerf. Il s'agit Traitements médicamenteux
de contractures involontaires épisodiques des muscles inner- On admet que le blépharospasme est la conséquence d'un
vés par le nerf facial. Il débute en général par des contractions déséquilibre entre le système dopaminergique et le système
palpébrales, puis s'étend progressivement. Il peut persister des cholinergique, permettant une hyperactivité en faveur de l'un
contractions la nuit dans 10 % des cas. Dans presque la moitié ou de l'autre. Cela explique l'utilisation de produits très variés :
des cas, il existe un certain degré de parésie faciale ou des anté- ● agonistes dopaminergiques : les produits tels que la lisu-
cédents de paralysie faciale de ce côté-là. Bien qu'il débute le ride, la bromocriptine améliorent ou au contraire aggravent
plus souvent chez l'adulte jeune, il peut survenir chez l'enfant. l'état des patients ;
● antagonistes dopaminergiques : l'halopéridol ou Haldol® ;
● benzodiazépines : le clonazépam (Rivotril®) est efficace
Il peut s'étendre à l'ensemble de la musculature du squelette,
mais rarement au-delà de 3 mois de traitement ;
et rentre alors dans le cadre d'une dystonie généralisée, telle
qu'on l'observe au cours de la maladie de Wilson, des encé-
● le baclofène (Liorésal®) (acide alpha-aminobutyrique)
phalites, des myopathies, du syndrome d'Hallenvorden-Spatz. est aussi utilisé.
Parfois, il peut s'associer à un syndrome d'automutilation
agressif et violent : c'est le syndrome de Gilles de la Tourette.
Traitements médicaux
non médicamenteux
Étiologies Le principe de la psychothérapie est d'apprendre aux
patients à contrôler leurs contractions musculaires ou à
retrouver des activités variées qui peuvent stimuler d'autres
Blépharospasmes zones corticales.
● Blépharospasme essentiel : l'affection est bilatérale, les
spasmes sont toniques plutôt que cloniques. La cause est Toxine botulique
liée à une atteinte de certains noyaux gris centraux : partie
supérieure du colliculus, substance noire de la pars réticulée Scott [17, 18] propose depuis 1973 l'injection de toxine
[1], le noyau «raphé magnus». botulique en strabologie, puis, en 1987, dans l'orbiculaire
217
Chirurgie palpébrale

en cas de blépharospasme. La bactérie Clostridium botu- Les effets secondaires sont essentiellement :
linum produit une neurotoxine spécifique dont six types ● la diplopie par atteinte du droit supérieur, le plus sou-
différents sont individualisés de A à F. Ces protéines ont un vent, ou du petit oblique ;
poids moléculaire d'environ 900 000 daltons. Elles bloquent ● le ptosis par atteinte du releveur de la paupière
la transmission cholinergique synaptique en empêchant la supérieure.
formation de vésicules d'acétylcholine. La toxine botulique apparaît actuellement comme le
L'enregistrement des contractions de l'orbiculaire avant traitement de choix du blépharospasme et du spasme
et après injection de toxine botulique montre une dimi- hémifacial permettant de limiter les indications chirurgi-
nution importante des contractions apparaissant une cales et ne donnant lieu qu'à des complications modérées
semaine après l'injection de toxine et se prolongeant après et transitoires.
le retour des spasmes qui sont alors moins intenses.
L'examen anatomopathologique de fragments de
muscle orbiculaire ayant subi des injections de toxine botu- Traitements chirurgicaux
lique retrouve une atrophie, une dégénérescence graisseuse
et une fibrose [19]. L'atrophie est caractérisée par une dimi-
nution des fibres musculaires et une migration des noyaux.
Section du nerf facial
La toxine utilisée est la toxine A. C'est la plus stable. Il en Ce type d'intervention paraît être la première tentative
existe trois formes commerciales : la toxine américaine est chirurgicale. En 1931, Frazier [6] met au point la première
la toxine Wisconsin® ou Botox® ; la toxine d'origine anglaise technique de section sélective par stimulation électrique
ou Porton Down® a été largement utilisée par Elston [5] ; et de chaque filet nerveux exposé dans l'incision, évitant ainsi
la toxine allemande du Laboratoire Merz. La toxine botu- de sectionner les filets non concernés par le spasme. Le
lique B ou Neurobloc® est fournie par le laboratoire Elan. nombre de filets à sectionner est variable du fait des nom-
On utilise une dilution fixe de la préparation pour chaque breuses anastomoses possibles. La technique est depuis
type commercial. abandonnée en raison du risque élevé de récidives.
L'injection se pratique sur un malade allongé dont la
peau est désinfectée. L'injection est faite en sous-cutané
profond, en évitant les zones médianes des paupières, pour Technique 1 : résection
que le produit ne diffuse pas vers le muscle releveur ou les de l'orbiculaire prétarsal et préseptal
muscles oculomoteurs. On doit éviter l'injection en regard
du droit supérieur et du releveur de la paupière supérieure La technique la plus courante consiste à réaliser la résection
du petit oblique. La dose injectée est en moyenne de 25 de l'orbiculaire à partir d'une incision réalisée dans le pli pal-
Unités par œil pour la toxine américaine. pébral supérieur (figure 10.3).
Marion [15], à partir d'études cliniques comparatives, 1. L'incision est faite en forme de double S allongé dans le
établit un ratio d'équivalence d'un sur trois entre Botox® et pli palpébral supérieur. Les deux incisions se prolongent et
Dysport®. se rejoignent en-dehors, dans le pli supérieur de la patte
Après les injections, le patient doit garder une position d'oie sans dépasser pour des raisons cosmétiques le rebord
d'orthostatisme pendant 8 à 12 heures. L'effet de l'injec- osseux orbitaire externe.
tion ne sera perceptible que 2 à 3 jours au minimum après, 2. La résection de la peau et de l'orbiculaire entre les deux
et elle sera maximale au 20e jour, et durera environ 13 à incisions cutanées permet de corriger le dermachalasis fré-
15 semaines selon les patients. L'efficacité serait plus longue quent et gênant chez ces patients. La résection d'orbiculaire
en cas de spasme hémifacial que dans le blépharospasme. est effectuée d'abord en séparant l'orbiculaire de la peau en
De nombreux travaux sont venus confirmer l'intérêt de ce avant, soit aux ciseaux soit au bistouri électrique, puis en
type de traitement [1, 2–4, 15, 17]. arrière du septum en haut et du tarse en bas, en respectant
si possible dans le fond de l'incision l'artère de l'arcade mar-
ginale puis la base des cils. La hauteur d'orbiculaire réséqué
La diminution d'efficacité à long terme peut être liée est d'environ 15 à 18 mm en haut et 10 mm en bas.
à la production d'autoanticorps contre la toxine. Ces 3. On évitera d'aller trop loin en dedans car on risque, si l'on
anticorps sont produits d'autant plus facilement que les dépasse une ligne verticale passant par le point lacrymal,
doses injectées sont fortes. une bride épicanthale. Vers le haut, on peut essayer d'at-
teindre la base du sourcil reposant sur son organe graisseux
218
10. Traitement chirurgical du blépharospasme

Figure 10.3
Résection de l'orbiculaire prétarsal et préseptal.

Figure 10.4
Résection de l'orbiculaire prétarsal et préseptal.
A. Après ablation de l'orbiculaire on observe le tarse, le septum et la graisse de l'organe en rouleau. B. Après ablation de l'orbiculaire, on
observe, à plus fort grandissement, l'artère de l'arcade marginale.

ou graisse de Charpy dont la couleur est légèrement plus Technique dite de full myectomy
foncée que celle de la poche palpébrale médiane ou organe
en rouleau. d'Anderson [2, 8]
En 1981, Gillum et Anderson proposent une intervention
Technique 1 bis : résection élective combinant une excision de l'orbiculaire préseptal et une exci-
sion des muscles supra- et inter-ciliaires, procerus et corruga-
de l'orbiculaire prétarsal teurs. Par deux incisions curvilignes au-dessus des sourcils, on
Elle a été proposée comme un traitement plus efficace excise la peau et les muscles (muscle frontal et corrugateur).
que la résection préseptale [5]. Pour cela, on pratique une Par un tunnel sous-cutané médian entre les deux incisions,
incision cutanée dans le pli palpébral, puis on sépare les le muscle procerus peut être excisé. Puis, en descendant en
adhérences de l'orbiculaire avec la peau jusqu'à la racine des sous-cutané vers le sourcil, on excise le muscle orbiculaire
cils que l'on respecte soigneusement. L'orbiculaire est alors préseptal puis éventuellement prétarsal. Anderson associe
facilement séparé du tarse en arrière et la presque totalité une fixation des sourcils au périoste permettant leur éléva-
de l'orbiculaire prétarsal peut ainsi être enlevée (figure 10.4). tion pour éviter un ptosis post-opératoire.
219
Chirurgie palpébrale

3. Elle peut être réalisée soit avec du fascia lata, de l'aponé-


L'intérêt de cette technique est l'importance de la résec- vrose temporale, ou à défaut à l'aide de biomatériaux que
tion musculaire mais les cicatrices frontales peuvent se nous utilisons peu en raison du risque plus élevé d'infection
voir. Elle a été abandonnée par son auteur, Anderson. par rapport au matériel autologue.
Le traitement du spasme hémifacial vise par des tech-
niques neurochirurgicales à éloigner le conflit «artère-nerf»
Voie coronale dès 1977 [12], par un abord rétromastoïdien. Ainsi, on pra-
tique la mise à distance de la boucle vasculaire anormale de
Cette voie permet une excision encore plus large des l'émergence du nerf facial par interposition d'un matériel
muscles protracteurs des sourcils et peut être associé à un non résorbable sous microscope opératoire.
lifting à visée esthétique. Les complications du scalp sont
rares : la nécrose du lambeau, l'infection, l'alopécie linéaire.
Cette méthode est désormais abandonnée, en particulier
depuis l'étude de Frueh [7] démontrant la perte d'efficacité
dans le temps par rapport à une myectomie classique.

Technique 2 : la suspension
palpébrale
Elle a été proposée depuis longtemps dans le traitement du
blépharospasme en particulier de la dystonie de l'orbicu-
laire prétarsal (figures 10.5 à 10.10).
1. Sur le plan technique, on débute par la technique 1 avec
résection de l'orbiculaire prétarsal et ou septal.
2. On poursuit par une suspension palpébrale classique Figure 10.5
décrite au chapitre consacré au ptosis. Suspension palpébrale : prélèvement de fascia lata.

Figure 10.6 Figure 10.7 Figure 10.8


Suspension palpébrale : prélèvement Suspension palpébrale à l'aide de Suspension palpébrale : fixation de la
d'aponévrose temporale. bandelette de Goretex®. bandelette au Vicryl au bord supérieur du tarse.

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10. Traitement chirurgical du blépharospasme

Les effets secondaires sont un risque de parésie ou de


paralysie faciale, une surdité homolatérale partielle ou
totale. Mais les résultats sont excellents, de l'ordre de
90 % d'amélioration selon Janetta [12] et Iwakuma [11].
L'utilisation des potentiels évoqués, auditifs, peropéra-
toires diminue de façon notable le risque de surdité.

Indications thérapeutiques
Le traitement symptomatique s'adresse surtout aux blé-
pharospasmes dits essentiels. Pour les blépharospasmes
secondaires, on traite avant tout la cause (locale ou
générale).
Dans la grande majorité des cas, on utilisera d'emblée
comme premier traitement les injections de toxine
botulique.
En cas d'échec, après plusieurs séances d'injections, seule
Figure 10.9
la chirurgie est de mise :
Suspension palpébrale : passage des bandelettes de fascia lata.
● soit par résection de l'orbiculaire par voie palpébrale.
La tendance actuelle est de réaliser une résection de l'orbi-
culaire prétarsal et préseptal, chaque fois que les contrac-
tions palpébrales sont intenses et que le sourcil est abaissé
(signe de Charcot). La présence d'un dermachalasis en excès
est une bonne indication de cette technique en première
intention ;
● soit par suspension palpébrale au frontal par du fascia
lata ou, à défaut, en cas d'impossibilité, par des bandelettes
de PTFE ou de Mersilène®.
La principale indication concerne les formes avec apraxie
palpébrale. Dans ce cas, le patient décrit une impossibilité
de soulever ses paupières avec des sourcils surélevés et rela-
tivement peu de contractions palpébrales.

Toutefois, dans une étude [10], nous avons pu montrer


que la suspension donnait de bons résultats dans les dif-
férents groupes de patient atteints de blépharospasmes
et qu'elle pouvait donc être utilisée en première inten-
tion dans les différentes variétés de blépharospasmes
Figure 10.10 essentiels (tableau 10.1).
Suspension palpébrale : passage des bandelettes de fascia lata.

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Chirurgie palpébrale

Tableau 10.1. Diagramme de traitement. [7] Frueh BR, Musch DC, Bersani TA. Effects of eyelid protractor exci-
sion for the treatment of benign essential blepharospasm. Am
1. Pour presque tous, en première intention : J Ophthalmol 1992 ; 113 : 681–6.
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– spasme hémifacial : décompression neurochirurgicale,
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– blépharospasme essentiel et syndrome d'apraxie J Neurosurg 1982 ; 57 : 753–6.
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