Chirurgie Palpébrale
Chirurgie Palpébrale
pathologique et esthétique
Chez le même éditeur
Du même auteur :
Les voies lacrymales, par M.-A. Ducassé, J.-P. Adenis, B. Fayet, J.-L George, J.-M. Ruban et collaborateurs. Rapport de la SFO 2006, 640 p.
Pathologie orbito-palpébrale, par J.-P. Adenis, S. Morax et collaborateurs. Rapport de la SFO 1998, 856 p.
Autres ouvrages :
Ophtalmologie pédiatrique, par D. Denis, Rapport de la SFO 2017, 944 p.
Déficiences visuelles, par P.-Y. Robert, Rapport de la SFO 2017, 304 p.
La DMLA exsudative, par F. Coscas, 2017, 136 p.
Uvéite, par B. Bodaghi, P. Le Hoang, 2017, 528 p.
Strabologie, par M.-A. Espinasse-Berrod, 3e édition, 2017, 424 p.
Manuel de strabologie, par N. Jeanrot, F. Jeanrot, 3e édition, 2017, 216 p.
Chirurgie des glaucomes, par J. Laloum, P.-Y. Santiago, 2017, 208 p.
Œdèmes maculaires, par C. Creuzot-Garcher, P. Massin, Rapport de la SFO 2016, 680 p.
Chirurgie du regard, par O. Galatoire, Rapport de la SFO 2016, 256 p.
Neuro-opthalmologie, par C. Vignal-Clermont, D. Miléa, C. Tilikete, 2e édition, 2016, 320 p.
Surface oculaire, par P.-J. Pisella, Rapport de la SFO 2015, 720 p.
A paraître :
Chirurgie de la cataracte, par T. Amzallag, P. Rozot. 2018, 304 p.
Techniques chirurgicales
Collection dirigée par Jean-Jacques Saragoussi
Chirurgie palpébrale –
pathologique et esthétique
Jean-Paul Adenis
2e édition
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propriété intellectuelle).
ADENIS Jean-Paul, professeur émérite, praticien hospitalier, ancien chef du service d'ophtalmologie, CHU Dupuytren
Limoges.
CAMEZIND Philippe, ancien chef de clinique assistant, ophtalmologiste libéral, Toulouse.
DELMAS Juliette, praticien hospitalier, CHU Dupuytren, et Polyclinique François Chénieux, Limoges.
GRIVET Damien, praticien hospitalier, service d'ophtalmologie, CHU Saint-Étienne.
LATHIÈRE Thomas, chef de clinique assistant, CHU Dupuytren Limoges.
MOURGUES Thierry, ancien chef de clinique assistant, ophtalmologiste libéral, Limoges.
ROBERT Pierre-Yves, professeur des universités, praticien hospitalier, chef du service d'ophtalmologie, CHU Dupuytren
Limoges.
SERVANTIE Rémi, ancien chef de clinique assistant, ophtalmologiste libéral, Brive-la-Gaillarde.
ZIKIC Zoran, ancien assistant CHU Dupuytren Limoges, ophtalmologiste libéral, Novi Sad, Serbie, Monténégro.
V
Chapitre 1
Anatomie des paupières
P.-Y. Robert, J.-P. Adenis
PLAN DU CHAPITRE
Anatomie de surface 6
Les paupières, émanation antérieure
des structures orbitaires 8
Architecture des paupières 10
Anatomie des angles palpébraux 15
Anatomie des glandes et des voies lacrymales 15
Vascularisation et innervation des paupières 18
Chirurgie palpébrale
© 2018, Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés
Chirurgie palpébrale
Les paupières sont des rideaux qui servent à protéger le globe Lorsque l'on examine les paupières après instillation de vert
oculaire. Elles permettent la vision par le mouvement actif d'ou- de Lissamine, une ligne se forme sur le bord libre. Cette ligne,
verture. Elles contiennent aussi toutes les glandes qui fabriquent appelée ligne de Marx, correspond à la zone de contact du
le film lacrymal, et participent activement au renouvellement, bord libre avec la surface oculaire, elle peut se situer soit en
à l'étalement et à l'excrétion des larmes à chaque clignement. avant soit en arrière des orifices des glandes de Meibomius [10].
Application
Une incision dans les lignes de Langer évite les cicatrices
rétractiles.
5
6
1
Figure 1.3
Région du pli palpébral supérieur.
Le septum rejoint à ce niveau l'aponévrose du releveur et le pli
marque la limite supérieure des insertions palpébrales du releveur.
Application
8
Le bistouri doit être mis parallèle à l'axe des cils lorsqu'on 9
7
réalise une incision près du sourcil, afin d'éviter de cou-
per leur racine.
Tubercule de Whitnall
Le rebord orbitaire externe est pourvu d'une saillie osseuse,
située en regard de la fente palpébrale 1 à 2 mm en arrière
du rebord antérieur, appelée tubercule de Whitnall. Il est
remarquable par les nombreux ligaments qui s'y insèrent,
du plus solide au plus lâche :
● le tendon canthal externe ;
● le ligament de Lockwood ;
● l'aileron latéral du releveur ;
● le septum orbitaire ;
● le ligament postérieur de l'orbiculaire ;
● le chef capsulopalpébral du droit externe.
Figure 1.5
Organisation fibreuse de l'orbite.
Ici la trochlée est reliée au corps du muscle releveur par un réseau
de fibres collagènes et de fibroblastes, qui réalisent comme un
Application «système locomoteur additionnel de l'œil».
Le tubercule de Whitnall est la zone d'amarrage incon-
tournable des canthoplasties externes. Orientation de l'orbite
L'orbite a grossièrement la forme d'un cône, dont l'axe est
horizontal, orienté en avant et en dehors de 23° sur l'axe
Organisation fibroligamentaire sagittal. De ce fait, la force élévatrice du releveur qui s'exerce
sur la paupière supérieure est dirigée en arrière et en dedans.
de l'orbite
Cette force est contrebalancée par la résistance élastique de
Les travaux de L. Koornneef, en 1977, sur des orbites dissé- la sangle constituée du tarse et des deux tendons canthaux.
quées avec leur cadre osseux ont montré une organisation La direction en arrière et en-dedans de la force élévatrice
de la graisse en lobules séparés par des septa. Ces septa sont explique que le tendon canthal latéral est beaucoup plus
faits de collagène et peuvent contenir des myofibroblastes développé et robuste que le tendon canthal médial. Elle
et parfois des vaisseaux sanguins. Ils sont répartis selon les explique également que la paupière supérieure soit plus
lignes de force des muscles oculomoteurs, définissant ainsi élevée en latéral dans la rétraction palpébrale.
un véritable «système locomoteur additionnel» de l'œil
(figure 1.5). Ainsi, l'on décrit une couronne liant les quatre
muscles droits, un réseau de fibres unissant le couple rele- Application
veur/droit supérieur au grand oblique et à sa poulie, et un
«hamac» pour la veine ophtalmique supérieure. L'orbite est orientée sur 23° en dehors de l'axe sagittal. De
Ce réseau de septa explique en particulier les troubles ce fait, les attaches latérales sont plus développées que
les attaches médiales.
de synergie oculopalpébrale ou certains troubles oculomo-
teurs dans la maladie de Basedow, les difficultés de drainage
des collections orbitaires (purulentes ou hémorragiques), et
les complications possibles des lipectomies pour exophtal-
mies (risques de saignement, troubles oculomoteurs pos- Septum orbitaire
topératoires, difficultés en cas de radiothérapie préalable). Le septum orbitaire limite en avant l'orbite, et en arrière
l'orbiculaire. Il est plus fin en médial, car perforé pour laisser
passer les vaisseaux et nerfs lacrymal, supraorbitaire, supra-
Application trochléaire, et infra-orbitaire. Il s'insère sur le rebord orbi-
L'orbite est constitué d'un réseau de fibres conjonctives taire le long de l'arcade marginale, qui marque également
qui organise les mouvements autour de la graisse orbi- l'insertion antérieure de la périorbite. L'arcade marginale est
taire de façon complexe. fermement attachée à l'os, en comparaison des attaches
osseuses très souples de la périorbite [2]. Le septum s'insère
9
Chirurgie palpébrale
Application
Application
Le septum orbitaire est une membrane imperméable
dont l'effraction transforme le pronostic de nombreuses Il y a cinq poches graisseuses dans les paupières, derrière
affections : infections, cancers, traumatismes. le septum : deux en paupière supérieure, trois en pau-
pière supérieure.
Application
Les greffes de paupière de pleine épaisseur ne sont plus
Figure 1.6
d'actualité. Pour une plastie correcte, on préfère interve-
Jonction septum-aponévrose.
À ce niveau, la graisse orbitaire est retenue en avant par le septum, en nir séparément sur la lamelle antérieure (greffe ou lam-
arrière par l'aponévrose. De ce fait, le pli palpébral est une voie d'abord beau) et sur la lamelle postérieure (greffe ou lambeau).
idéale pour la chirurgie du ptosis ou pour la lipectomie orbitaire.
10
1. Anatomie des paupières
Application
L'aponévrose transmet la force d'élévation du releveur. Le tarse
Une incision dans le pli palpébral permet de la repérer
facilement, soit pour la réparer (ptosis aponévrotique Le tarse est la charpente des paupières. Il est constitué
sénile) soit pour se guider. de collagène et est perforé en son centre par les glandes
de Meibomius. Il s'insère fermement sur la conjonctive,
11
Chirurgie palpébrale
Figure 1.9
Muscle de Müller. Figure 1.10
Présence de fibres musculaires lisses et striées au sein de la même Fibres élastiques entourant les glandes de Meibomius dans le
cellule musculaire. Il s'agit d'une exception anatomique, car les tarse.
parties lisse et striée du releveur appartiennent à deux systèmes Les fibres élastiques réparties le long des glandes suggèrent un
nerveux différents. Le muscle de Müller est responsable du caractère rôle particulier des fibres élastiques dans la sécrétion du Meibum
«sympathique» du regard. (coloration d'orcéine, grossissement × 50).
La conjonctive Application
Chez l'Asiatique, le pli palpébral est bas situé et la graisse
La conjonctive est un épithélium muqueux. Elle contient pré-aponévrotique descend loin en prétarsal. Avant
des cellules caliciformes responsables de la sécrétion de une blépharoplastie, il est utile de demander au patient
la phase muqueuse des larmes, et des cellules de l'immu- s'il escompte un résultat plutôt style «occidental» ou
nité formant le Tissu Lymphoïde Associé aux muqueuses «asiatique».
(MALT des Anglo-Saxons).
12
1. Anatomie des paupières
1
1 2
2
3
4 3
5 4
6
5
6
Figure 1.13
Morphologie de la paupière inférieure.
1 : muscle droit inférieur ; 2 : muscle orbiculaire pré-tarsal ; 3 : muscle
palpébral inférieur (équivalent du muscle de Müller) ; 4 : ligament
Figure 1.11 de Lockwood ; 5 : muscle oblique inférieur ; 6 : septum.
Morphologie de la paupière supérieure occidentale.
1 : graisse pré-aponévrotique ; 2 : septum orbitaire ; 3 : muscle
orbiculaire ; 4 : aponévrose ; 5 : point de jonction septum-
aponévrose ; 6 : pli palpébral supérieur. fascia capsulopalpébral. Ce fascia dérive du droit inférieur, mais
est dépourvu de toute cellule musculaire striée. Il contient
quelques fibres musculaires lisses dans son faisceau supé-
rieur, qui définissent le muscle tarsal inférieur (équivalent du
muscle de Müller en paupière supérieure) [14]. Ce fascia cap-
sulopalpébral se sépare en une partie supérieure dense et une
partie inférieure fine, autour du petit oblique, puis ces deux
1 parties fusionnent à nouveau en avant, formant le ligament de
2 Lockwood. Plus en avant, ce fascia vient s'insérer sur le septum
3
5 mm sous le rebord inférieur du tarse [2]. Il développe égale
ment des expansions au bord inférieur du tarse, et à l'orbi-
4
culaire prétarsal. Il contribue ainsi, comme l'aponévrose en
paupière supérieure, à la création du pli palpébral inférieur [11].
5
Application
6
Le pli palpébral inférieur est formé par le fascia capsulo-
palpébral, qui a des connections étroites avec les muscles
oculomoteurs.
Figure 1.12
Morphologie de la paupière supérieure orientale.
1 : graisse pré-aponévrotique ; 2 : septum orbitaire ; 3 : muscle
orbiculaire ; 4 : aponévrose ; 5 : point de jonction septum-
aponévrose ; 6 : pli palpébral supérieur. Structures fibreuses de contrôle
de la dynamique palpébrale
Particularités de la paupière Ligament de Whitnall (figure 1.14)
inférieure (figure 1.13)
Le ligament transverse supérieur, ou ligament de Whitnall,
La paupière inférieure contient une structure dérivée du droit est une structure fibreuse issue de la gaine superficielle
inférieur, analogue au releveur pour le droit supérieur, appelée du releveur et situé au niveau de l'équateur du globe.
13
Chirurgie palpébrale
Ligament de Lockwood
Le ligament de Lockwood est aussi appelé «ligament sus-
penseur du globe», ou «ligament inférieur transverse». Il est
formé de la confluence des fascias issues du droit inférieur, Figure 1.15
qui fusionnent après avoir entouré le petit oblique. Il reçoit Ligament suspenseur du fornix.
Développé aux dépens de la gaine du releveur et du droit supérieur,
également des fibres du septum intermusculaire, du muscle il s'insère au cul-de-sac supérieur par sa face antérieure, postérieure,
tarsal inférieur, et des «check-ligaments» latéral et médial [4]. ou apicale.
14
1. Anatomie des paupières
qui réalise une sorte d'amarrage latéral contrant la force Duverney-Horner sur la crête lacrymale postérieure. Le cul-
d'élévation du muscle. Pour des raisons d'orientation de de-sac conjonctival interne est maintenu en profondeur
l'orbite (voir « Orientation de l'orbite »), l'aileron latéral par l'expansion conjonctivale du droit interne [28].
est beaucoup plus développé. Il scinde en deux la glande
lacrymale principale en deux lobes par un faisceau appelé
rétinaculum, et vient rejoindre le tendon canthal externe
Anatomie dynamique
et le ligament de Lockwood au tubercule de Whitnall. des commissures
L'aileron médial est en revanche beaucoup moins déve-
On sait maintenant que les commissures sont des struc-
loppé, il s'insère sur la crête lacrymale postérieure avec le
tures dynamiques : lors des mouvements d'horizontalité du
muscle de Duverney.
globe, les commissures présentent des mouvements hori-
zontaux chez les patients qui n'ont pas eu de canthoplastie.
Ces mouvements sont variables d'un sujet à l'autre, et par-
Application fois d'un côté à l'autre chez un même sujet, et ne vont pas
toujours dans le sens du mouvement du globe [9].
L'aileron latéral, très développé, peut être utilisé dans la
chirurgie du prolapsus de la glande lacrymale.
Application
Lors des repositionnements chirurgicaux des commis-
Anatomie des angles palpébraux sures (blépharophimosis, télécanthus), il est capital
de respecter la convexité des paupières sur le globe :
insertion du canthus externe au tubercule de Whitnall,
Commissure externe insertion du canthus interne sur la crête lacrymale
Le tarse est attaché fermement au rebord orbitaire externe postérieure.
par le ligament canthal externe, bande nacrée facile à dis-
séquer qui s'insère sur le tubercule de Whitnall. Cependant,
les paupières sont également reliées au rebord orbitaire
externe plus antérieurement, par le septum orbitaire. Ces
Anatomie des glandes
attaches plus antérieures ont été parfois appelées «tendon et des voies lacrymales
canthal latéral superficiel» [22]. Le cul-de-sac conjonctival
externe est maintenu profond par l'expansion conjoncti- Glandes lacrymales
vale du droit externe [28].
Le fascia profond de l'orbiculaire est attaché au périoste Les paupières contiennent les glandes qui sécrètent les diffé-
de l'orbite par un ligament. Cette attache est plus dévelop- rentes phases du film lacrymal : la partie muqueuse, qui assure
pée au niveau du rebord inféro-externe et participe égale- l'accroche du film sur la surface oculaire, la partie aqueuse qui
ment aux connections entre le tarse et le rebord orbitaire représente la quasi-totalité du volume des larmes, et permet
externe. Ce ligament fusionne latéralement avec le SMAS, le larmoiement émotionnel, et la partie lipidique superficielle
et rejoint en particulier l'aponévrose temporale. Chez le (Meibum), de structure complexe, qui joue le rôle de surfac-
sujet âgé, ce ligament se relâche, et l'orbiculaire préseptal, tant et prévient l'évaporation prématurée du film.
libre de ses attaches, arrive à migrer en prétarsal, réalisant
ainsi l'entropion spasmodique [23].
Sécrétion lipidique : glandes sébacées
et sudoripares
Commissure interne
On compte trois types de glandes lipidiques : les glandes de
Le canthus interne est dominé par la présence de l'appareil Meibomius (glandes tarsales), les glandes de Zeiss et celles
excréteur lacrymal (voir plus loin). Il est amarré à la crête de Moll (associées aux follicules pileux des cils).
lacrymale antérieure par un tendon nacré facilement repé- Les glandes de Meibomius sont au nombre de 25 à 30
rable chirurgicalement, mais la convexité des paupières est [12]. Elles sont situées au centre du tarse, et sont mises
assurée par l'insertion de son chef postérieur le muscle de en tension à chaque clignement. L'élasticité du tarse
15
Chirurgie palpébrale
Application
Le muscle de Duverney s'insère sur la crête lacrymale
postérieure. Sa bonne position assure une esthétique cor-
recte et un bon fonctionnement de la pompe lacrymale.
Figure 1.17
Cryptes de Henle.
Concentration de cellules caliciformes au sein de la conjonctive
palpébrale, qui assurent la sécrétion de la couche mucineuse des
Voies d'excrétion hautes
larmes. Les larmes s'écoulent de dehors en dedans et s'accumulent
dans un triangle appelé lac lacrymal, défini entre la caroncule
regroupées parfois pour former des excroissances dans la et les deux points lacrymaux. Pour que la pompe lacrymale
muqueuse conjonctivale, appelées «cryptes de Henlé» fonctionne, les paupières doivent être suffisamment tendues,
(figure 1.17), principalement au fond des culs-de-sac. et maintenues en arrière (insérées sur la crête lacrymale posté-
rieure). Lorsqu'après un traumatisme, le muscle de Duverney
est repositionné incorrectement trop en avant, le lac lacrymal
devient creux, la pompe lacrymale ne fonctionne plus et les
Application
larmes stagnent, constituant le syndrome du Centurion, par
Les troubles de la surface oculaire ont un impact fort sur une antéroposition des paupières dans l'angle interne.
la sécrétion muqueuse des larmes. Les points lacrymaux sont les émonctoires des larmes.
Ils sont constitués d'un anneau fibreux, l'angustia, assurant
l'effet de ventouse à chaque clignement. Leur bon fonction-
nement implique leur ouverture (mais pas leur béance), et
Voies lacrymales leur orientation correcte en direction du lac lacrymal.
Pompe lacrymale, muscle Les canalicules sont habituellement décrits avec une
partie verticale, puis une partie horizontale, séparées par
de Duverney-Horner une petite valve. La partie horizontale présente ensuite une
L'excrétion des larmes fait appel à un mécanisme actif. À partie intramusculaire (dans le muscle de Riolan, puis dans
chaque clignement, les points lacrymaux sont attirés média- le muscle de Duverney), puis une partie extramusculaire.
lement dans le lac lacrymal, créant une pression positive dans Les canalicules s'abouchent ensuite dans le sac lacrymal de
le lac lacrymal et une pression négative dans la lumière cana- façon très variable : soit directement, soit par l'intermédiaire
liculaire ; les larmes sont ainsi aspirées dans l'appareil lacrymal. d'un canal d'union, soit par l'intermédiaire d'un renflement (le
Le muscle responsable de la pompe lacrymale est un sinus de Maier). À l'entrée du sac est décrite une autre valve : la
chef postérieur de l'orbiculaire pré-septal, qui s'insère sur valve de Rosenmüller. Ces valves sont des valves dynamiques,
la crête lacrymale postérieure et passe en pont devant le par mise en tension transitoire de la muqueuse lacrymale.
diaphragme lacrymal. Ce muscle a été mentionné pour la Les voies lacrymales hautes sont des structures relative-
première fois par le chirurgien français Jacques-François- ment fragiles et exposées aux traumatismes.
Marie Duverney. En 1730, son élève Johann Caspar Le sac lacrymal est situé dans la loge lacrymale, maintenu
Schobinger suggéra que ce muscle pourrait avoir un rôle en place par le diaphragme lacrymal, tendu entre la crête
dans le drainage des larmes. En 1745, Duverney a publié sa lacrymale antérieure et la crête lacrymale postérieure. Au
description anatomique pour la première fois. Plus tard, niveau de la loge lacrymale se trouvent les sutures de trois
d'autres anatomistes comme Johann Rosenmüller, William os : la branche montante du maxillaire supérieur, l'unguis
Horner, et d'autres ont repris ces descriptions et proposé (os lacrymal) et l'ethmoïde.
17
Chirurgie palpébrale
Vascularisation et innervation
Application
des paupières Les paupières ont une vascularisation riche et anastomo-
tique. Le risque ischémique est très faible.
Arcades vasculaires Les paupières sont un lieu d'anastomose entre les sys-
tèmes carotidiens interne et externe.
L'apport artériel à la paupière supérieure et au sourcil est assuré
en partie par le système carotidien interne, par les branches de
l'artère ophtalmique (artère lacrymale, supra-orbitaire, supra-
trochléaire, dorsonasale et palpébrale médiale). La paupière Innervation sensitive
inférieure est en revanche vascularisée par le système caroti- La sensibilité de la paupière supérieure et du tiers externe de la
dien externe, à partir des artères faciale, maxillaire et temporale paupière inférieure est véhiculée par le V-1 (nerf ophtalmique
superficielle. Les paupières forment ainsi un système anasto- de Willis) par ses trois branches terminales : nerf lacrymal, nerf
motique entre les systèmes carotidiens interne et externe. frontal et nerf nasociliaire. Les deux tiers internes de la paupière
La paupière supérieure contient deux arcades vascu- inférieure sont innervés par le V-2 (nerf maxillaire inférieur).
laires, issues des deux artères palpébrales médiales : l'arcade Au-delà du rebord orbitaire, le nerf supra-orbitaire se
marginale supérieure court sous l'orbiculaire à 4 mm du divise en une partie superficielle au-dessus du muscle fron-
bord libre, et l'arcade périphérique 1 mm au-dessus du tal qui innerve le front et la partie antérieure du scalp, et
bord libre, au bord supérieur du tarse. Une artère septo- une partie profonde (latérale) pour le scalp frontopariétal
aponévrotique latérale a également été décrite à ce niveau : [21]. Ces structures sont très souvent lésées lors des abords
elle nait avec les arcades marginale et périphérique, elle per- chirurgicaux par voie coronale.
fore l'aponévrose et le septum au bord supérieur du tarse et
s'anastomose ensuite avec les vaisseaux du bord supérieur
de l'orbite. Cette artère serait particulièrement dangereuse Application
au cours des blépharoplasties [17].
Une analyse fine des paresthésies péri-orbitaires permet
La vascularisation de l'angle interne, du sac lacrymal et de localiser une atteinte nerveuse.
de la glabelle est assurée par l'artère angulaire, lieu d'anas-
tomose entre l'artère dorsonasale (carotide interne) et
l'artère faciale (carotide externe). La partie supérieure de la
paupière supérieure est vascularisée par les artères supra-
Innervation motrice
orbitaire, supratrochléaire et lacrymale. L'orbiculaire est innervé par les filets nerveux terminaux de
En paupière inférieure, il existe également une arcade la branche temporale du nerf facial. Celle-ci pénètre à l'inté-
marginale, située à 4 mm bord libre, issue des artères pal- rieur du muscle au niveau de la commissure externe, de
pébrales médiales (carotide interne), de l'artère superficielle façon variable. Les filets pénètrent ensuite dans le muscle
temporale et de l'artère infra-orbitaire (carotide externe). selon une direction horizontale, sans atteindre le rebord
L'architecture vasculaire fine des paupières est distri- orbitaire [15]. Hwang désigne ainsi une zone dangereuse où
buée par les arcades marginale, périphérique, orbitaire le nerf peut être lésé chirurgicalement, selon un cercle de
superficielle, et orbitaire profonde. Ces arcades donnent 1 cm de diamètre situé en dessous et en dehors du canthus
des branches verticales qui courent de part et d'autre de externe, à 7,5 cm sur une ligne à 15° [15].
l'orbiculaire, et de part et d'autre du tarse. À partir de ces Les fibres nerveuses destinées au nerf facial sont issues
branches, de fins vaisseaux de refend se distribuent ensuite du cortex frontal, et les noyaux du nerf facial dans le tronc
à la peau, aux muscles et au tarse [20]. cérébral reçoivent des fibres motrices venues des deux
18
1. Anatomie des paupières
[29] Santini J. Anatomie chirurgicale des structures superficielles de la [31] Wolfram-Gabel R, Sick H. Microvascularization of the mucocuta-
face appliquée à la chirurgie des tumeurs cutanées. In : Beauvillain neous junctions of the head in fetuses and neonates. Cells Tissues
de Montreuil C, Bessède JP, editors. Chirurgie des tumeurs cutanées Organs 2002 ; 171 : 250–9.
de la face. Paris : Société Française d'ORL et de chirurgie de la face [32] Wulc AE, Dryden RM, Khatchaturian T. Where is the gray line ?
et du cou ; 2002. p. 61–75. Arch Ophthalmol 1987 ; 105 : 1092–8.
[30] Stoeckelhuber M, Stoeckelhuber BM, Welsch U. Human glands [33] Yuzuriha S, Matsuo K, Kushima H. An anatomical structure which
of Moll : histochemical and ultrastructural characterization of the results in puffiness of the upper eyelid and a narrow palpebral fis-
glands of Moll in the human eyelid. J Invest Dermatol 2003 ; 121 : sure in the Mongoloid eye. Br J Plast Surg 2000 ; 53 : 466–72.
28–36.
20
Chapitre 2
Troubles de la statique
palpébrale
J.-P. Adenis, J. Delmas, T. Lathière
P L AN D U CHA PI T RE
Ectropions 22 Classification 44
Pathogénie des ectropions 22 Examen clinique 45
Formes cliniques des ectropions 23 Traitement 46
Principes thérapeutiques 24 Entropion cicatriciel 51
Indications en fonction des variétés cliniques 31 Entropion congénital 56
Paralysie faciale 34 Trichiasis 56
Formes cliniques 34 Distichiasis 57
Formes topographiques 36 Ptosis 57
Traitement 36 Examen des ptosis 58
Syndrome de flaccidité palpébrale 40 Principaux types de ptosis et physiopathologie 58
Physiopathologie du floppy eyelid syndrome 40 Techniques chirurgicales 61
Affections associées au syndrome Correction de l'épicanthus et du télécanthus 76
de flaccidité palpébrale 41 Indications de la chirurgie du ptosis 77
Entropions et trichiasis 43
Chirurgie palpébrale
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Chirurgie palpébrale
Ectropions
22
2. Troubles de la statique palpébrale
Le muscle de Horner ou chef postérieur du tendon Elles constituent les rétracteurs de la paupière
canthal interne. C'est l'élément essentiel de la statique inférieure.
palpébrale au niveau du canthus (commissure) interne Selon la prédominance de l'atteinte, on oppose :
(médial) et du drainage canaliculaire. En tractant la pau- ● les faisceaux palpébraux antérieurs qui ont une
pière inférieure vers la crête lacrymale postérieure, ce action éversante. Une tension excessive (surdosage
muscle contribue à bien positionner le point lacrymal d'une plicature lors de la chirurgie d'un entropion
au contact du globe oculaire. par exemple) pourrait favoriser l'apparition d'un
ectropion ;
● les faisceaux tarso-conjonctivo-postérieurs qui ont une
Il prolonge l'orbiculaire prétarsal par le chef postérieur action inversante. Dans des ectropions sévères, ils peuvent
du tendon canthal interne qui intervient beaucoup dans se distendre avec la conjonctive qui forment ensemble la
la statique canthale. D'ailleurs en chirurgie lacrymale, sa lamelle palpébrale postérieure. Dans ces cas, la lamelle pos-
section n'entraîne pas d'ectropion. térieure devra être raccourcie.
Ils sont secondaires à une rétraction verticale qui peut Figure 2.1
être linéaire (bride) ou intéresser une plus large surface. Présentation générale des techniques d'ectropions.
1 : résection pentagonale de la lamelle postérieure ; 2 : canthoplastie
Les causes sont multiples : ectropion des brûlés, ectro- latérale : technique de la bande tarsale de Anderson ; 3 :
pions post-traumatiques, ectropions dermatologiques, canthoplastie interne par plicature du muscle de Duverney
ectropions postopératoires (après blépharoplastie Horner ; 4 : réinsertion des rétracteurs ; 5 : allongement de la lamelle
antérieure. Plastie en Z ; 6 : greffe de peau ; 7 : allongement de la
esthétique, après chirurgie de l'entropion, après chirur- lamelle postérieure ; 8 : punctoplastie ; 9 : technique du colimaçon ;
gie du ptosis). 10 : technique pour la paupière supérieure.
24
2. Troubles de la statique palpébrale
Ectropions avec hyperlaxité horizontale zontale sans relâchement des angles (figure 2.2 et voir
figure 2.11).
Raccourcissement horizontal de la paupière
Canthoplasties externes ou latérales (technique 2)
Résection pentagonale toute épaisseur
La canthoplastie externe est une technique de choix pour
Le principe de cette technique est de réséquer au niveau de les ectropions combinant une hyperlaxité de la paupière à
laxité palpébrale maximale un segment monobloc de pau- celle de l'angle externe.
pière incluant le bord palpébral, la peau, l'orbiculaire et le tarse. La technique de la bande tarsale d'Anderson[3] (figure 2.3
En outre, dans certains ectropions mécaniques, associés à et voir figures 2.12 à 2.15) :
une lésion du bord palpébral nécessitant une exérèse, cette 1. On réalise une infiltration d'un anesthésique local
technique être utilisée. (alphacaïne par exemple) dans la partie externe de la pau-
pière supérieure et inférieure puis en direction des plis de la
Résection pentagonale de la lamelle postérieure
patte d'oie.
(technique 1)
2. Puis, on réalise une incision cutanéomusculaire à la lame du
On réalise une incision de type blépharoplastie inférieure pro- bistouri le long du bord libre de la paupière inférieure, qui se
longée latéralement dans une ride de la patte d'oie, en évitant prolonge dans le pli médian de la patte d'oie sur 8 à 10 mm.
de dépasser la projection du rebord latéro-orbitaire en dehors. 3. Après cela, au bistouri électrique, on sépare la lamelle
On pratique une résection profonde de forme pen- antérieure myocutanée du tarse et du septum en-dedans,
tagonale et située près de l'angle palpébral latéral. Cette puis plus en profondeur et en dehors du rebord orbitaire.
résection sera adaptée à la laxité horizontale, sans toute- Pour cela, des crochets sont placés sur le lambeau myo-
fois être excessive pour éviter un raccourcissement de la cutané et sur la paupière supérieure et inférieure à 10 mm
fente palpébrale ou une trop grande amputation du capital de l'angle externe. Leur traction simultanée facilite grande-
tarsoconjonctival. ment la dissection et aide à trouver le plan de clivage.
Après suture tarsoconjonctivale et du bord libre de la 4. À l'aide du ciseau, on réalise une canthotomie
paupière, le plan myocutané est ajusté au plan profond et médiane jusqu'au rebord orbitaire qui permettra de
son excès réséqué. découvrir en profondeur une petite logette graisseuse
Ces techniques s'adressent à des ectropions de toutes qui sépare les deux chefs d'insertion du tendon canthal
origines mais peu sévères résultant d'une hyperlaxité hori- externe (TCE).
Figure 2.2
Résection pentagonale de la lamelle postérieure.
25
Chirurgie palpébrale
2
3
Figure 2.3
Technique de la bande tarsale d'Anderson.
5. On sectionne l'attache sur le tarse du chef inférieur au Canthoplasties internes (ou médiales)
TCE et enlève ce petit fragment.
Ces techniques s'adressent à des ectropions sévères avec une
6. On réalise la bande tarsale sur la partie externe (8 à
importante laxité du canthus interne : leurs indications sont
10 mm) de paupière inférieure mise à nue en enlevant aux
surtout représentées pour les séquelles de paralysie faciale.
ciseaux la bordure ciliaire, l'orbiculaire et la conjonctive
Différents procédés ont été décrits pour la remise en ten-
vers l'arrière. La conjonctive adhérente au tarse vers l'arrière
sion au niveau de l'insertion médio-orbitaire de la paupière.
est doucement nécrosée par coagulation. Une suture de
résorbable 5 à 6/0 est placée sur le chef interne du TCE qui
Renforcement superficiel du tendon canthal médial
apparaît comme une lame blanchâtre verticale, en arrière ● Incision sous-canaliculaire inférieure exposant le tarse et
du rebord orbitaire. Puis, un fil en double U est passé à plu-
le tendon canthal.
sieurs reprises dans l'extrémité externe de la bande tarsale. ● Plicature du tendon par une suture non résorbable.
7. Deux ou trois sutures sont placées entre le chef supérieur
Cette technique qui s'adresse aux laxités légères présente
et le nouveau chef inférieur, c'est-à-dire la bande tarsale.
des inconvénients :
8. Enfin, la peau est suturée avec un premier point médian ● une faible efficacité dans mon expérience ;
qui prendra le plan orbiculaire et le tissu situé en avant du ● une plicature du canalicule lorsqu'il est détendu ;
rebord orbitaire de façon à ré-amarrer le futur pli médian de ● un risque de diastasis oculopalpébral par changement
la patte d'oie.
d'orientation palpébrale (surtout en cas d'énophtalmie).
Il existe une variante avec amarrage supérieur : technique
d'œil en amande qui a pour but de tracter la paupière infé- Raccourcissement palpébral sans canthopexie orbitaire
rieure encore plus vers le haut dans l'angle externe pour La technique décrite par Crawford et Collin [5], s'adressant
donner au mieux un aspect d'œil en amande. aux laxités avec distension canaliculaire comprend :
Pour cela, on réalise au cours de l'intervention une bou- ● une résection palpébrale inférieure toute épaisseur
tonnière entre le chef supérieur du tendon canthal externe englobant le point lacrymal et intéressant le canalicule ;
et le rebord orbitaire. On fera coulisser la bande tarsale à ● une intubation bicanaliculaire ;
ce niveau pour la fixer un peu plus bas sur la partie haute ● une suture du tarse sur le muscle de Horner.
sectionnée du chef inférieur du TCE.
Canthoplastie avec canthopexie orbitaire
Plusieurs auteurs [1, 9, 10] proposent de réaliser une can-
C'est une technique utilisée en blépharoplastie esthétique thopexie du muscle de Horner qui respecte davantage les
pour donner l'aspect plus caucasien d'œil en amande. bases anatomiques que les canthopexies antérieures clas-
siques (canthopexie interne transnasale) [12, 14].
26
2. Troubles de la statique palpébrale
Différentes techniques de canthopexies internes sont des ciseaux dans l'incision et on se dirige oblique en dedans
possibles : et vers l'arrière vers la crête lacrymale postérieure. On place
● la voie d'abord transconjonctivale (dans le repli semi- une suture en U à double passage dans l'extrémité du tarse
lunaire) ou canthale médiale ; soit en Goretex® 5/0 ou résorbable 5/0.
● la résection palpébrale et/ou canaliculaire ; 2. On réalise une incision cutanée de DCR, on libère la
● la canthopexie proprement dite selon le niveau de fixa- loge lacrymale par voie sous-périostée jusqu'à la crête
tion : muscle de Horner, périoste orbitaire ou sur matériel lacrymale postérieure dont on libère les adhérences avec
d'ostéosynthèse, fixé sur la paroi médiale de l'orbite (vis ou le périoste.
plaque dont il existe différents modèles) ou fixé sur l'orbite 3. On passe les sutures en U depuis l'incision conjonc-
controlatérale (canthopexie interne transnasale). tivale vers la crête lacrymale postérieure. Pour cela, l'ai-
guille est dirigée en-dedans et vers l'arrière. Ces sutures
Canthoplastie par plicature du muscle supérieures sont dirigées un peu vers le bas pour se
de Horner par voie de dacryocystorhinostomie croiser avec les sutures inférieures dirigées vers le haut.
(DCR) (technique 3) [1] Une fois la perforation du périoste effectuée au bon
Elle présente l'avantage de contrôler le niveau de fixation endroit, on tourne la direction de l'aiguille vers l'avant
postérieure des sutures sur la crête lacrymale postérieure et on la fait ressortir avec le porte-aiguille par la loge
(figure 2.4). lacrymale.
1. On réalise deux petites incisions verticales en arrière du 4. Les sutures sont ensuite serrées entre elles avec soit le
point lacrymal sur la conjonctive, à l'aplomb de la fin du périoste, soit un petit carré de tissu intermédiaire pour évi-
tarse. Puis, on sépare aux ciseaux les adhérences entre la ter l'effet de fil «à couper le beurre» sur le périoste. On peut
conjonctive et les fibres du muscle de Riolan se transfor- alors voir les points lacrymaux s'approcher de la caroncule
mant en muscle de Horner. Pour cela, on introduit la pointe tout en s'entropionnant.
Figure 2.4
Canthoplastie par plicature du muscle de Horner par voie de dacryocystorhinostomie.
27
Chirurgie palpébrale
Figure 2.5
Réinsertion des rétracteurs par voie
postérieure.
28
2. Troubles de la statique palpébrale
60° 60°
B
2
A
60° 1
A
B
C
D
Figure 2.6
Allongement de la lamelle palpébrale antérieure. Plastie en Z.
29
Chirurgie palpébrale
Figure 2.7
Greffe de peau prélevée en paupière supérieure.
Figure 2.10
Plastie du point lacrymal selon le technique du colimaçon.
● des troubles de la statique palpébrale liés à une pression niveau. Les trois fils en U peuvent être suturés à la peau ou
exagérée de la prothèse ; passer à ce niveau sur un nouveau bourdonnet pour éviter
● une bascule de la prothèse vers l'arrière et en haut ; l'effet «fil à couper le beurre» à ce niveau.
● une énophtalmie ;
● une brièveté anormale du cul-de-sac inférieur.
Le traitement de l'énophtalmie comporte de nom-
Ectropions congénitaux
breuses techniques : Le traitement chirurgical est indiqué en cas d'ectropion
● soit implantation dans l'orbite de fragments d'hydroxya- palpébral supérieur avec menace cornéenne, de larmoie-
patite en arrière dans le cône orbitaire ; ment ou de préjudice esthétique trop marqué. Si les quatre
● soit implantation au même endroit de lobules de graisse paupières sont concernées, les paupières supérieures seront
selon la technique de Coleman ; prioritaires.
● soit implantation de matériaux variés sur le plancher La brièveté cutanée sera traitée par un allongement
orbitaire, toutefois le périoste limitera ici l'effet escompté. cutané :
Lorsque le problème de l'enophtalmie est réglé ou si ● greffe de peau rétro-auriculaire en évitant de greffer
celui-ci n'est pas majeur, on rétablira la position de la pau- simultanément la paupière supérieure et l'inférieure du
pière inférieure soit : même coté ;
● par une canthoplastie externe selon la technique de la ● lambeau préseptal supérieur transposé à la paupière
bande tarsale avec ou sans mise en tension supérieure vers inférieure en cas d'ectropion temporal.
le haut du chef inférieur du tendon canthal externe (œil
d'amande) (figure 2.11) ;
● par une augmentation de profondeur du cul-de-sac par Ectropions postopératoires
une greffe de muqueuse conjonctivale ou de membrane
amniotique, avec ou sans fixation au rebord orbitaire. Après blépharoplastie esthétique
Dans ce dernier cas, l'essentiel est de fixer le futur
Moyens préventifs
cul-de-sac sur un bourdonnet ou sur une éponge pour
décollement de la rétine et de placer sur cet indentateur Dans une blépharoplastie esthétique, il faut penser à ne pas
à cul-de-sac, trois fils en U en avant et en arrière vers le vouloir trop en faire et donc plutôt sous-doser :
cul-de-sac puis les diriger vers le bas et l'avant dans la zone ● toujours préférer la voie postérieure sauf en cas d'excès
du rebord orbitaire inférieur pour ressortir à la peau à ce cutané manifeste ;
Figure 2.11
Technique d'œil en amande.
33
Chirurgie palpébrale
● dépister une laxité palpébrale ou une exposition sclérale Après chirurgie du ptosis
inférieure (œil rond) avant l'intervention qui représente une
Du fait d'une réinsertion trop basse du releveur sur le
contre-indication majeure à une voie antérieure et à une
tarse.
résection cutanée ;
Par traction excessive du lambeau myocutané inférieur
● hémostase soigneuse et si hématome, évacuation des
sur le bord ciliaire, procéder au relâchement du lambeau et
caillots sources de rétraction secondaire ;
à son repositionnement vers le bas.
● éviter les coagulations du septum et les résections myo-
cutanées excessives ;
● dans les suites postopératoires immédiates, les massages
des paupières inférieures vers le haut favorisent l'assouplis- Références
sement palpébral. Les corticostéroïdes, soit en pommade
[1] Adenis JP, Robert PY. Plication of Duverney's muscle : a surgical
soit en injections locales, permettent parfois d'atténuer les approach of lagophthalmos. First results on 27 patients. Orbit
rétractions postopératoires au stade inflammatoire. 1995 ; 14 : 207–12.
[2] Adenis JP, Grivet D. Ectropion of the lacrimal point : the shoe lace
Moyens chirurgicaux technique Europ. J Ophthalmol 2005 ; 15(2) : 267–70.
[3] Anderson RL, Gordy DD. The tarsal strip procedure. Arch
Il faut, dans la mesure du possible, respecter la règle des 6 mois Ophthalmol 1979 ; 97 : 2192–6.
d'intervalle libre avant d'envisager une chirurgie réparatrice qui [4] Bernard JA. L'ectropion lacrymal spasmodique. Communication
devra tenir compte de la demande esthétique initiale : personnelle ; 1989.
[5] JRO Collin. A Manual of Systematic Eyelid Surgery. Edinburgh :
● canthoplastie externe si la rétraction n'est pas trop Churchill Livingstone ; 1989. p. 27–40.
sévère (le lambeau myocutané sera suspendu au périoste [6] Hatt M. Treatment of the paradoxic inversion of the lashes
externe du rebord latéro-orbitaire) ; in ectropion. Ophthalmic Plast Reconstruct Surg 1992 ; 8 :
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dans les cas plus importants. ectropion in the same lid. Plast Reconstr Surg 1988 ; 81 :
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Après chirurgie de l'entropion involutionnel [8] Jordan DR. Ectropion following entropion surgery : an unhappy
patient. Ophthalmic Plast Reconstruct Surg 1992 ; 8(1) : 41–6.
Les causes sont variées mais nécessitent toutes de respecter [9] Morax S, Gatinel DL. L'ectropion congénital primitif. À propos de 2
la règle d'un examen postopératoire précoce systématique : cas. J Fr Ophtalmol 1996 ; 19 : 415–22.
[10] Ritleng P. Ectropions. 21100 B10, In : Séméiologie et traitement
● la tension excessive des sutures éversantes qu'il faudra
chirurgical. Encycl Med Chir Ophtalmologie ; 1990. p. 14. Paris.
enlever rapidement ; [11] Ritleng P. Medial Canthoplasty for treatment of severe lacrimal
● la méconnaissance d'une laxité horizontale est la cause la ectropions. Orbit 1989 ; 8 : 49–56.
plus fréquente. Une remise en tension de la paupière infé- [12] Stricker M, Gola R. In : Chirurgie plastique et réparatrice des pau-
rieure par canthoplastie externe suffira en général ; pières et de leurs annexes. Paris : Masson ; 1990. p. 147–65.
[13] Tyers AG, Collin JRO. Orbital implant and postenucleation socket
● du fait d'une résection cutanée excessive, l'ablation syndrome. Trans Ophthalmol Soc Uk 1982 ; 102 : 90–2.
rapide des points cutanés peut permettre de réduire la [14] Van Der Meulen JC, Gruss JS. In : Ocular Plastic Surgery. London :
traction du lambeau antérieur. Mosby ; 1996. p. 114–415.
Paralysie faciale
La lagophtalmie est un déficit plus ou moins complet de fer- Formes cliniques
meture de la fente palpébrale. L'étymologie de ce terme est
lagos signifiant lièvre en grec, lequel, selon la légende, dort
les yeux ouverts. La lagophtalmie est, le plus souvent, due à
Paralysie faciale périphérique
la paralysie de l'orbiculaire mais s'observe également en cas complète unilatérale
de rétraction palpébrale dans l'orbitopathie dysthyroïdienne.
Elle risque d'entraîner une kératite grave par le défaut de L'atteinte motrice des muscles de la mimique confère au
protection qu'elle occasionne. malade un faciès caractéristique : toute l'hémiface semble
34
2. Troubles de la statique palpébrale
Conséquences lacrymales
La paralysie faciale totale a des conséquences qui peuvent
être graves :
Figure 2.12 ● une absence d'étalement du film lacrymal par la
Paralysie faciale périphérique, état statique. paupière supérieure, une rareté du clignement source
35
Chirurgie palpébrale
Traitement chirurgical
On distingue deux catégories de traitements, les procédés
statiques et les procédés dynamiques. De très nombreuses
techniques médicales et chirurgicales ont été décrites pour
rétablir une statique et une fonction palpébrale normale.
En fait, leur multiplicité témoigne qu'aucune n'est pleine-
ment efficace.
Tarsorraphies partielles
La tarsorraphie médiane ou externe simple (figure 2.14)
consiste en un accolement des extrémités latérales des
paupières après avivement des bords libres. Les sutures sont
ensuite serrées sur un bourdonnet comme une éponge à
décollement de rétine par exemple. Elle est facile à réaliser
mais peu esthétique.
La tarsorraphie externe de MacLaughlin [13] consiste à
imbriquer les deux paupières l'une dans l'autre en désépi-
thélialisant un triangle externe de la paupière inférieure et
en excisant un triangle de conjonctive correspondant de la Figure 2.15
paupière supérieure. Tarsorraphie médio-interne de Terson.
La tarsorraphie médio-interne de Terson [20] (figure 2.15).
Elle permet la suspension de la paupière inférieure par un entre les deux feuillets de la paupière légèrement en dehors
pont fibreux l'unissant à la paupière supérieure ou à l'inverse du point lacrymal. Elle est indiquée en cas d'éversion du
en créant un rectangle tarsoconjonctival dans la paupière point lacrymal et d'épiphora important, mais elle limite le
supérieure, rectangle qui une fois retourné vient s'imbriquer champ visuel interne, et l'aspect cosmétique est imparfait.
37
Chirurgie palpébrale
Figure 2.17
L'alourdissement de la paupière supérieure par des poids en or ou
en titane.
Indications
Une paralysie faciale complète nécessite toujours un traite-
Procédés biologiques ment médical dans un premier temps.
Le transfert du temporal de Gillies est surtout utilisé chez Le traitement chirurgical palliatif est proposé dans les
les lépreux [4]. circonstances suivantes :
Le transfert musculaire vers la commissure labiale : ● s'il n'existe que peu de possibilités de récupération
le poids de la joue est un facteur aggravant des ectro- spontanée ;
pions paralytiques. La suspension de la commissure ● s'il existe une grave lésion cornéenne :
labiale par transfert du muscle temporal, associée à une – dans les formes totales, les neurochirurgiens préfèrent
canthoplastie interne et externe, a été proposée dans les techniques dynamiques, en particulier l'anastomose
les ectropions paralytiques sévères. La suspension de hypoglossofaciale ;
la commissure labiale au rebord orbitaire externe et à – dans les formes modérées ou en cas d'échecs ou d'im-
l'arcade zygomatique est possible avec des matériaux possibilité des méthodes dynamiques, les ophtalmolo-
synthétiques comme le Goretex® [12]. gistes s'adressent volontiers aux techniques statiques, en
Les réparations nerveuses. Elles représentent le meilleur particulier celles associant une remise en tension can-
moyen de récupération de la fonction du nerf facial mais thale et une résection palpébrale. Ces techniques seront
ne régénèrent que dans un faible pourcentage de cas. Elles souvent associées et réalisées en plusieurs interventions.
sont d'autant plus efficaces qu'elles sont réalisées avant Celles-ci sont faciles à réaliser sous anesthésie locale
l'apparition de l'atrophie musculaire et que le sujet est potentialisée.
39
Chirurgie palpébrale
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40
2. Troubles de la statique palpébrale
● Les anomalies de l'interface paupière/film lacrymal/cor- quantité du film lacrymal sont modifiées, avec un temps de
née sont en relation avec le relâchement palpébral. rupture du film lacrymal accéléré.
● L'obésité est en fait le facteur physique le plus souvent rencon- L'atteinte cornéenne. Il s'agit, le plus souvent, d'une kéra-
tré dans les cas rapportés de la littérature. Cependant, une perte tite ponctuée superficielle, dans certains cas d'un pannus
de poids importante n'améliore en rien la symptomatologie. limbique, ou d'une néovascularisation cornéenne, ou voire
Le syndrome de flaccidité palpébrale et le blépharochalasis même d'une kératinisation conjonctivale ou cornéenne par
seraient deux entités d'un même mécanisme inflammatoire effet Dellen.
aboutissant à des signes cliniques oculaires communs [2].
L'étude histologique du tarse montre une diminution
des fibres d'élastine dans le tarse et l'orbiculaire prétarsal des
Affections associées au syndrome
patients opérés de syndrome de flaccidité palpébrale, grâce de flaccidité palpébrale
à une coloration de Verhoeff modifiée et grâce à des colo-
rations immunohistochimiques. Cette diminution n'est pas Le kératocône est probablement lié au frottement exagéré
retrouvée dans un groupe de patients témoins. Cette dimi- des paupières libérant des métalloprotéinases.
nution est maximale autour des glandes de Meibomius. Le syndrome d'apnée du sommeil est lié à un collapsus
pharyngé expiratoire en raison de l'hyperlaxité du tissu oro-
pharyngé comparable à l'hyperlaxité tarsale (tableau 2.1).
En conclusion, l'hyperlaxité palpébrale est l'élément fon-
damental du syndrome et serait liée à une diminution
des fibres d'élastine dans le tarse entre les glandes de
Traitement médical
Meibomius. Un traitement médical adapté doit commencer, en l'ab-
sence de complication, par l'arrêt de toute thérapeutique
locale. L'utilisation de lubrifiants oculaires, de préférence
sans conservateurs, est nécessaire lors d'anomalies du film
Histoire de la maladie lacrymal, ces lubrifiants devront être instillés avant le coucher.
Le sujet souffre d'une conjonctivite chronique, plutôt de
type papillaire, siégeant au niveau de la paupière supé- Traitement chirurgical
rieure (mais des atteintes de la paupière inférieure ont été
décrites), avec injection et irritation oculaire. Par ordre d'efficacité décroissante, on peut réaliser les gestes
Le patient se plaint de sensation de corps étranger sous- suivants.
palpébral, associée à des sécrétions muqueuses abondantes
et à une baisse plus ou moins constante et importante de Tableau 2.1. Principaux signes cliniques du syndrome de
l'acuité visuelle. flaccidité palpébrale en fonction de l'histoire de la maladie.
La symptomatologie est majeure au réveil et le patient Histoire Signes cliniques
ou son entourage décrivent des épisodes d'éversions de la
Conjonctive chronique et Laxité, tarse facilement
ou des paupières supérieures la nuit, pouvant persister le irritation oculaire éversable à la traction
matin au réveil.
L'interrogatoire révèle une utilisation accrue de collyres Atteinte unilatérale du côté Conjonctivite papillaire sur la
où dort le patient paupière atteinte
variés avec ou sans amélioration.
Sensation de corps étranger, Habituellement bilatérale,
sécrétions muqueuses l'atteinte peut être seulement
Examen clinique abondantes, baisse plus ou moins unilatérale
marquée de l'acuité visuelle
Le tarse de la paupière supérieure apparaît lâche, hyper-
laxe, «caoutchouteux», facilement éversable à la traction. Aggravation de la L'affection peut toucher
L'atteinte palpébrale est habituellement bilatérale. symptomatologie au matin, la paupière supérieure et
au réveil inférieure
La paupière inférieure peut être le siège d'un entropion
ou d'un ectropion. Utilisation accrue de Kératite ponctuée superficielle
La conjonctivite chronique est de type papillaire. Les collyre sans amélioration et néovascularisation
sécrétions sont abondantes, riches en mucus et peuvent conséquente de la cornéenne
symptomatologie
donner lieu à une surinfection bactérienne. La qualité et la
41
Chirurgie palpébrale
Figure 2.19
A–C. Suspension du canthus
externe selon la technique de
Tenzel. D. Le tarse supérieur
ayant une hauteur maximale
en temporal de la cornée, il
est utile dans ce syndrome
de faire une résection tarsale
complémentaire.
42
2. Troubles de la statique palpébrale
Entropions et trichiasis
L'entropion se définit comme étant un retournement en ligament de Lockwood. Il s'insère avec le septum orbitaire
dedans du bord libre de la paupière. Le trichiasis est défini au bord antéro-inférieur du tarse, avec une expansion cuta-
comme un trouble de la direction des cils qui se dirigent née dessinant le sillon palpébral inférieur.
dans toutes les directions et en particulier vers l'arrière, vers Ce «muscle» palpébral inférieur, équivalent de l'ensemble
le globe oculaire. aponévrose/muscle de Müller en paupière supérieure, est
Le muscle orbiculaire est divisé en une portion prétarsale très mince et ressemble plutôt à une superposition de fibres
et préseptale. Il partage, avec le releveur et les rétracteurs, aponévrotiques. La couche aponévrotique postérieure part du
l'équilibre nécessaire à la statique palpébrale entre les forces ligament de Lockwood et s'attache à la conjonctive du cul-de-
verticales et horizontales. sac pour constituer le ligament suspenseur du fornix inférieur.
Au niveau de la paupière supérieure, on trouve, en arrière Les forces s'exerçant sur les paupières se décomposent en
du plan de l'orbiculaire, le releveur de la paupière supérieure vecteurs horizontaux et verticaux : de l'équilibre harmonieux
composé de fibres musculaires striées, qui perfore le sep- de ces vecteurs dépendra la bonne position des bords libres.
tum au centre et s'insère à la face antérieure du tarse vers Vecteurs horizontaux : la peau et l'orbiculaire ; le tarse et
le bas, et s'insère vers l'avant dans le pli cutané palpébral à ses connections avec les parois de l'orbite par l'intermé-
travers l'orbiculaire. Le muscle de Müller est composé de diaire du septum orbitaire et des ligaments latéraux.
fibres lisses qui se détachent de la face inférieure du releveur Vecteurs verticaux : ce sont les éléments musculo-
et s'insèrent sur le bord supérieur du tarse juste en arrière aponévrotiques s'insérant sur les bords tarsaux, rétracteur
du septum. de la paupière inférieure lié au septum, releveur de la
Certaines structures de la paupière inférieure sont super- paupière supérieure, muscle de Müller.
posables à cette organisation anatomique : en arrière de
l'orbiculaire se trouve l'expansion capsulopalpébrale du
petit oblique, provenant de la gaine du petit oblique et du Le tarse de la paupière inférieure est étroit et peut faci-
droit inférieur ; c'est le rétracteur de la paupière inférieure, lement se retourner dans l'entropion sénile, tandis que
équivalent de l'aponévrose du releveur de la paupière supé- celui de la paupière supérieure, large, peut se rétracter
rieure. Il débute en profondeur par un renforcement anté- dans l'entropion cicatriciel.
rieur de la gaine du petit oblique et de droit inférieur appelé
43
Chirurgie palpébrale
Laxité horizontale
Laxité verticale
Enophtalmie
Entropion
Spasme de l’orbiculaire
Figure 2.20
Cercle vicieux de l'entropion.
44
2. Troubles de la statique palpébrale
7 9
5 4
10 1 2
6 1 6
5
7 9
Figure 2.21 8
Mécanisme de l'entropion.
45
Chirurgie palpébrale
Traitement
La plupart des interventions décrites ici peuvent être réali-
sées sous anesthésie locale, ce qui facilite le contrôle pero-
pératoire de la position du bord libre.
Entropion spasmodique
Deux traitements sont possibles.
46
2. Troubles de la statique palpébrale
Figure 2.24
Excision cutanéomusculaire simple, technique de Celse.
Figure 2.25
Plicature des rétracteurs.
47
Chirurgie palpébrale
Figure 2.26
Incision transverse avec sutures éversantes ou technique de Wies.
48
2. Troubles de la statique palpébrale
Figure 2.27
Technique de Quickert.
49
Chirurgie palpébrale
Les deux lambeaux horizontaux externe et presque pour la dissection. Deux sutures perpendiculaires
interne sont placés l'un sur l'autre pour évaluer la quan- entre elles de Nylon 6/0 sont placées sur le bord libre et
tité de tissu à réséquer. Cette quantité en excès est résé- une suture de fil résorbable dans le cul-de-sac. La suture,
quée sur la partie externe du lambeau médian. Elle a la par l'effet éversant du rapprochement du trapèze, favorise
forme d'un trapèze plus large à la base que sur le bord la disparition de l'entropion.
libre. Il faut évaluer auparavant l'ampleur de la résection
en faisant se recouvrir les deux bords de la section ver- En cas d'hyperlaxité canthale externe
ticale. Si l'excision doit déplacer excessivement le point Une des composantes de la laxité horizontale de
lacrymal, il faut modérer la résection et le tendon can- l'entropion sénile est le relâchement des insertions
thal interne doit être plicaturé dans le même temps ou du ligament latéral externe au périoste orbitaire. Les
ultérieurement. Les deux lambeaux horizontaux sont techniques de raccourcissement horizontal pur ont
ensuite suturés. un effet aggravant sur cette composante, en accen-
Si cette suture entraine un excès cutanéomusculaire tuant les tractions du ligament sur ses insertions par
sous l'incision horizontale, celui-ci est pincé puis résé- la remise en tension du bord libre. Ainsi s'explique le
qué dans le pli inférieur de la patte d'oie dans la zone pourcentage de récidives, jusqu'à 30 % après ce type
inférolatérale de cette incision, et le plan cutanéomus- de techniques.
culaire est suturé. Les sutures éversantes sont ensuite
placées sur l'incision horizontale comme dans la tech- Canthopexie externe toute épaisseur
nique de Wies et leur tension ajustée en fonction de
l'effet à obtenir. La zone à réséquer, de forme triangulaire, dans l'angle
externe est d'abord dessinée en évaluant son impor-
Technique personnelle de résection élective de la tance par recouvrement à l'aide de pinces. Les bords
lamelle postérieure avec résection trapézoïdale de la zone ainsi délimitée sont ensuite clampés sur
(technique 5) toute l'épaisseur palpébrale avant de pratiquer les
On sépare la lamelle antérieure myocutanée de la incisions transfixiantes, et de réséquer le fragment de
lamelle postérieure tarsoconjonctivale et on pratique paupière.
une résection trapézoïdale de la lamelle tarsocon- L'extrémité du tarse est alors amarrée solidement au liga-
jonctivale à base étroite au niveau du bord libre et ment latéral externe avec une suture non résorbable de 5/0.
plus large au niveau du cul-de-sac (figure 2.28). Pour Le septum orbitaire et l'orbiculaire, puis la peau sont suturés
cela, on réalise une incision cutanée à un ou deux avec des points séparés.
millimètres du bord libre, et au bistouri électrique on
sépare la lamelle antérieure myocutanée de la lamelle
tarsoconjonctivale. L'incision doit se perdre dans les plis de la patte d'oie.
L'utilisation de crochets de Gillies, effectuant une trac- Les sutures marginales sont laissées longues et fixées à la
tion sur la lamelle myocutanée, facilite la manœuvre, l'idéal peau pour éviter le contact avec le globe oculaire. Cette
étant de cheminer dans l'espace de dissection d'aspect technique de Bick ou de Poulard [2, 8] est peu réalisée.
trabéculaire entre les deux lamelles où la traction suffit
D C
D C
A B
A B
A B
C D
Figure 2.28
Résection trapézoïdale de la lamelle postérieure – technique personnelle.
50
2. Troubles de la statique palpébrale
Figure 2.29
Technique de la bande tarsale de R. Anderson.
51
Chirurgie palpébrale
On commence par une incision cutanée à 4 mm en vention en modifiant la tension des sutures. Celles-ci sont
arrière du bord libre sur toute la longueur de la paupière. laissées en place cinq à six jours.
Puis, on sépare la lamelle antérieure myocutanée du sep- Cette technique permet de transposer les forces de trac-
tum sous-jacent. Pour favoriser l'effet éversant on prendra tion verticale, importantes au niveau de la lamelle posté-
soin de dessiner la base du pentagone un peu moins large rieure, au niveau de la marge ciliaire antérieure.
que la zone du sommet.
Ainsi sur le schéma A-B est inférieur à C-D. Cette tech- Fracture du tarse sans ou avec sutures
nique est donc inspirée de la technique de Fox pour les éversantes (technique 7bis)
entropions séniles, mais avec une résection pentagonale.
Cette technique est proposée pour les entropions peu
importants avec rétraction n'entraînant pas le bord libre
La résection est effectuée là où la cicatrice tarsale est la au-delà du limbe supérieur ou inférieur.
plus importante, soit le plus souvent en région médiane. L'incision est faite en transconjonctivale sur toute la largeur
Ceci l'oppose aux résections toute épaisseur de l'entro- du tarse, à travers les rétracteurs sans atteindre l'orbiculaire.
pion sénile, le plus souvent effectuées dans l'angle Trois sutures éversantes de Wies, résorbables 5/0 double-
externe pour masquer la cicatrice. ment serties, sont ensuite passées de la partie inférieure du
fragment inférieur du tarse pour la paupière inférieure ou du
cul-de-sac et ressortent à la peau vers l'avant sous la bordure
ciliaire. Elles sont retirées au bout de dix jours.
Incision transverse avec sutures
éversantes ou technique de Wies Greffe lamellaire postérieure (technique 8)
modifiée (technique 7)
Elle est indiquée pour un entropion cicatriciel important,
Décrite pour l'entropion sénile sans relâchement horizontal, ou une récidive après une des techniques précédentes
cette technique modifiée peut également être proposée en (figure 2.31).
cas d'entropion cicatriciel modéré, aussi bien en paupière Le tarse est incisé sur toute sa longueur selon une ligne
supérieure qu'inférieure (figure 2.30). horizontale par voie transconjonctivale, et sa partie infé-
Dans cette indication, l'incision doit traverser le tarse rieure ainsi que le septum et les rétracteurs sont libérés de
et non la zone des rétracteurs comme dans la technique l'orbiculaire. Un greffon est ensuite inséré entre les bords
décrite plus haut. Trois sutures résorbables de 5/0 dou-
blement serties sont ensuite passées à travers le tarse et la
conjonctive du fragment proximal, puis à la face antérieure
du fragment distal du tarse, et enfin à travers l'orbiculaire
prétarsal et la peau du fragment distal.
Les deux fragments de tarse sont ainsi articulés pour
réaliser une véritable «charnière» réglable en fin d'inter-
52
2. Troubles de la statique palpébrale
sectionnés du tarse et suturé avec du fil résorbable 6/0. Les L'incision cutanée est faite à 3 mm de la ligne ciliaire.
sutures en U sont placées de façon transfixiante, un brin Après avoir disséqué le plan entre l'orbiculaire prétarsal et
pour le greffon et un brin pour le tarse du patient, et elles le tarse, des sutures éversantes sont placées : elles pénètrent
sont serrées sur le versant cutané. obliquement la peau juste au-dessus de la ligne ciliaire,
jusqu'au tarse.
L'effet éversant est accentué en augmentant l'obli-
Différents matériaux peuvent être utilisés : tarse quité des sutures avec un amarrage au tarse plus haut
controlatéral de paupière supérieure, cartilage rétro- situé. Si l'éversion obtenue reste insuffisante, une inci-
auriculaire. sion marginale est pratiquée en avant de l'orifice des
glandes de Meibomius pour faciliter la rotation de la
lamelle antérieure.
Des sutures supplémentaires transpalpébrales serrées sur On laissera cette incision se combler par du tissu de
des bourdonnets cutanés maintiennent le bord libre éversé granulation. L'excès cutanéo-orbiculaire est ensuite résé-
et le greffon appliqué. Celles-ci sont retirées au bout d'une qué au niveau de l'incision, permettant ainsi de raccourcir
dizaine de jours. la lamelle antérieure, et la peau est suturée en chargeant
l'aponévrose du releveur pour recréer le pli palpébral. Les
Excision du tarse sutures éversantes de fils résorbables disparaissent en 3 à
4 semaines environ.
Dans les cas sévères, on peut pratiquer une excision com-
plète du tarse.
Greffe marginale associée à un affaiblissement
de l'orbiculaire prétarsal
Paupière supérieure
Technique de Van Milligen (technique 9) [13]
Les indications dépendent de cinq facteurs qui font la gra- Cette technique est réalisable aussi bien en paupière supé-
vité de l'entropion selon R. Collin [3] : rieure qu'inférieure. Un greffon de muqueuse buccale est
● importance de la rétraction de la lamelle postérieure ; placé au niveau d'une incision intermarginale pratiquée le
● épaisseur du tarse, augmentée dans le trachome, dimi- long de la ligne grise (figure 2.32).
nuée dans d'autres pathologies comme le syndrome de L'incision est faite sur toute la longueur de la ligne grise
Stevens-Johnson ; jusqu'à quelques millimètres du point lacrymal, et vertica-
● état de la bordure ciliaire : trichiasis, distichiasis ; lisée sur 3 à 5 mm. Elle est ensuite approfondie en fonc-
● kératinisation marginale postérieure ; tion de la sévérité de l'entropion ; on vérifie l'absence de
● possibilité de fermeture palpébrale. cils restant sur la berge postérieure, puis les zones de tarse
dystrophique sont réséquées pour ne pas léser la fonction
Entropion modéré de ceux-ci.
Reposition simple de la lamelle antérieure avec sutures Le greffon muqueux (conjonctive, muqueuse buccale
éversantes, avec ou sans incision intermarginale ou membrane amniotique) est placé dans l'incision, ses
extrémités reposant dans les parties verticalisées de celle-
Cette technique est indiquée pour les entropions modérés ci afin de prévenir la cicatrisation des fibres d'orbiculaire
sans trichiasis, ni raccourcissement de la lamelle postérieure. sectionnées.
Figure 2.32
Technique de Van Milligen.
53
Chirurgie palpébrale
Figure 2.33
Marginoplastie avec greffe de muqueuse.
54
2. Troubles de la statique palpébrale
Figure 2.34
Entropion sévère avec importante Technique de Trabut.
rétraction tarsale, fermeture palpébrale
impossible
On peut aussi faire une incision transconjonctivale le
C'est alors l'état cornéen qui guidera les indications : si long du bord supérieur du tarse, puis séparer par cette
une kératoplastie est envisagée, et si la pathologie inflam- incision le tarse de l'aponévrose du releveur, jusqu'à son
matoire causale n'est pas en phase évolutive, on peut insertion à la face antérieure du tarse.
pratiquer une greffe au niveau de la lamelle postérieure. Le tarse est alors réséqué, en respectant sa partie infé-
Dans le cas contraire, une résection tarsale simple est rieure de cette insertion. La conjonctive et le muscle de
possible. Müller sont enfin suturés à l'aponévrose du releveur.
55
Chirurgie palpébrale
fragment de cartilage auriculaire ou chondromuqueux libre en place. Les sutures cutanées résorbables devront
nasal, ou de la muqueuse palatine. Le greffon doit être de charger la face antérieure du tarse. Une légère surcorrection
4 à 5 mm de large, mais être assez épais. On peut réaliser un devra être obtenue en fin d'intervention.
surjet intramuqueux de Nylon 6/0 dont les extrémités ne sont
pas nouées, mais transfixient la paupière en nasal et temporal,
puis sont fixés à la peau ; ou plus simplement, 3 ou 4 fils en U Une analyse clinique préopératoire précise détermine
dont les deux brins transfixent le greffon en arrière et la peau le mécanisme exact de l'entropion pour un choix opti-
vers l'avant. Ils sont ensuite serrés sur la peau, sous le pli palpé- mal de la technique. Les principales techniques ont été
bral. L'ablation du surjet est pratiquée au bout de quinze jours. décrites à partir d'indications simplifiées.
Comme il a été décrit plus haut pour la paupière infé- Certaines peuvent être associées, le principe étant pour
l'entropion sénile, survenant presque toujours en pau-
rieure, des sutures supplémentaires transpalpébrales serrées
pière inférieure, un renforcement des rétracteurs, avec
sur des bourdonnets cutanés peuvent aider à maintenir le ou sans antéroposition, une myectomie partielle pour
bord libre en bonne position et le greffon appliqué. empêcher la migration de l'orbiculaire, une remise en
En postopératoire, tout hématome doit être rapidement tension du bord libre par résection ou de l'angle externe.
évacué pour éviter la nécrose du greffon. En cas de récidive Pour l'entropion cicatriciel, le principe est de ne pas faire
de l'entropion, une autre greffe n'est pas conseillée immé- de résection ou, si on la fait, de compenser pour mainte-
diatement en raison du risque de fibrose excessive. Seule nir un bord libre de longueur constante. On fera donc un
la technique de Wies[14] est alors envisageable en posto- allongement de la lamelle postérieure ou sa résection à
pératoire immédiat ou une nouvelle greffe, en respectant longueur constante du bord libre par glissement externe.
un intervalle de plusieurs mois après la greffe initiale. Si une
kératoplastie est envisagée, elle ne sera pratiquée qu'après
correction complète de l'entropion-trichiasis.
Trichiasis
Il est défini par l'existence de cils partant en direction variées
Cette technique qui permet de doubler, voire tripler la et entrant en contact avec le globe oculaire, avec un bord
longueur verticale de la paupière, peut être pratiquée en libre en position normale lorsqu'il s'agit d'un trichiasis pur.
cas de rétraction palpébrale associée, ou dans les cas de
Toutefois, celui ci est très souvent associé à un entropion.
récidives.
Elle laisse des anomalies lacrymales définitives par sec-
tion des glandes Meibomius, et rarement une inter- Traitement des formes localisées
ruption des voies d'excrétion de la glande lacrymale, ce
qui peut être un inconvénient en cas de kératoplastie Lorsque l'atteinte porte sur un quart de paupière, c'est l'indi-
ultérieure. cation d'une résection pentagonale de la lamelle postérieure,
après avoir séparé les deux lamelles à deux ou trois milli-
mètres du bord libre si la laxité est suffisante. On associera
une plastie de glissement relaxation de Tenzel au niveau
Entropion congénital de l'angle externe si la laxité est insuffisante ou si l'atteinte
porte sur un tiers de longueur du bord libre de la paupière.
Chez l'enfant, les cils anormaux, qui sont généralement très On peut également pratiquer l'exérèse sous microscope
fins, sont très bien tolérés par la cornée. Par ailleurs, lors de opératoire de la zone ciliaire pathologique en contrôlant
la croissance, l'excès cutanéo-orbiculaire se résorbe presque l'ablation des bulbes pileux. La reconstruction est ensuite
toujours et une intervention est rarement nécessaire. La faite par greffe de muqueuse labiale. Pour les atteintes plus
plupart des auteurs n'opèrent donc qu'en cas de signes étendues, une résection plus large de la lamelle postérieure
fonctionnels gênants, ou à partir de l'âge de un an si l'entro- est également possible, avec reconstruction par technique
pion n'a pas régressé. On commencera en général par trois de Hübner ou autre.
sutures éversantes de Wies avec des fils résorbables. La cryothérapie contrôlée est une technique peu prati-
En cas d'échec, on choisira soit une résection cutanéo- quée car elle nécessite une cryode spéciale avec un ther-
orbiculaire prétarsale, soit une association de cette résec- mocouple dont la température doit descendre à – 20 °C.
tion avec des sutures éversantes. On apprécie la quantité Une température plus haute peut ne pas détruire les fol-
de tissu à réséquer en pinçant celui-ci pour remettre le bord licules pileux, et plus basse risque d'entraîner des nécroses
56
2. Troubles de la statique palpébrale
palpébrales localisées. Un double cycle de congélation/ On peut aussi enlever un fragment de lamelle postérieure
décongélation doit être utilisé ; l'idéal étant une congélation et le remplacer par un greffon tarsoconjonctival prélevé en
rapide suivie d'un dégel lent. Les cils seront ensuite facile- paupière supérieure.
ment épilés une à deux semaines après le traitement. Elle
entraîne une dépigmentation chez le sujet de race noire ; les
récidives sont par ailleurs fréquentes. Références
[1] Anderson RL, Gordy DD. The tarsal strip procedure. Arch
Autres techniques Ophthalmol 1979 ; 97 : 2192–6.
[2] Bick MW. Surgical management of orbital tarsal disparity. Arch
Ce sont celles de l'entropion cicatriciel déjà décrites ou Ophthalmol 1966 ; 75 : 386.
parfois plus spécifiques comme les techniques de résection [3] Collin JRO. Entropion and Trichiasis. In : A Manuel of Systematic
élective de la lamelle postérieure qui est utilisée en cas de Eyelid Surgery. Edinburgh, London, Melbourne, New York :
forme majeure. Churchill Livingstone ; 1983. p. 7–27.
[4] Cuenod R, Nataf. Le redressement des angles dans le trichiasis.
Ligue contre le trachome. Paris, ; 1930.
[5] Feldstein M. A method of surgical correction of entropion in aged
Distichiasis persons. Eye, Ear, Nose, Throat 1960 ; 39 : 730.
[6] Jones LT, Reeh MJ, Tsujimura JK. Senile entropion. Am J Ophthalmol
1963 ; 55 : 463–9.
Le distichiasis est une anomalie congénitale plus rare, où il [7] Jones LT, Reeh MJ, Wobig JL. Senile entropion : a new concept for
existe une deuxième rangée de cils anormale postérieure, correction. Am J Ophthalmol 1972 ; 74 : 327–9.
en contact avec le globe. [8] Poulard A. Entropions d'origine angulaire externe : traitement
Une cryothérapie est parfois suffisante en paupière chirurgical. Ann Ocul 1935 ; 172 : 97–105.
[9] Quickert MH, Rathbun E. Suture repair of entropion. Arch
inférieure. Pour la paupière supérieure, il est préférable de Ophthalmol 1971 ; 85 : 304.
pratiquer une incision intermarginale suivie soit d'une cryo- [10] Rodallec A, Krastinova D. La greffe chondromuqueuse. Son intérêt
thérapie de la lamelle postérieure au contact des bulbes dans la correction de l'entropion par cicatrice tarsoconjonctivale,
pileux pathologiques, soit d'une excision de la zone ciliaire du trichisiasis et du distichiasis. J Fr Ophtalmol 1983 ; 6 : 87–93.
[11] Smith BC, Nesi FA. Entropion repair. In : Practical technique in oph-
anormale avec greffe de muqueuse buccale (technique de
thalmic plastic surgery. St Louis, Toronto, London : Mosby ; 1981. p.
Van Milligen). 103–21.
On peut aussi pratiquer l'exérèse chirurgicale élective [12] Trabut G. Entropion-trichiasis en Afrique du Nord (son opération
après le même abord par une incision intermarginale. La par voie conjonctivale). Arch Ophthalmol 1949 ; 9 : 701–7.
résection est effectuée sous microscope au niveau de la [13] Van Milligen E. The tarsocheilloplastic operation for the cure of
trichiasis. Ophthalmol Rev 1887 ; 6 : 309.
lamelle postérieure dans la zone du tarse contenant les [14] Wies FA. Spastic entropion. Trans Am Acad Ophthalmol
cils anormaux, en contrôlant bien l'ablation du follicule. Otolaryngol 1954 ; 59 : 503.
Ptosis
Le ptosis est défini comme une chute de la paupière supé- La chirurgie s'est beaucoup améliorée ces der-
rieure liée à un déficit d'action de l'une des composantes ou nières années. Toutefois, malgré l'apparition de tech-
de l'ensemble du muscle releveur [1]. niques nouvelles, il reste de nombreuses difficultés et
Les mécanismes sont variés : neurogène, myogène, apo- des résultats imparfaits. Le patient doit être prévenu de
névrotique, mécanique. Les étiologies sont parfois intri- ces imperfections et de la possibilité de reprise chirur-
quées et l'exemple le plus caractéristique est représenté par gicale à court, moyen ou à long terme, en raison d'une
le ptosis traumatique qui peut correspondre à chacune de sous- ou d'une surcorrection inesthétique qui peut per-
ces étiologies. sister a minima.
57
Chirurgie palpébrale
Examen des ptosis ter avec une position anormale en hauteur du globe. Ceci
montre les dangers d'évaluer l'importance d'un ptosis par
la seule analyse de la position de la paupière par rapport
Importance du ptosis à la pupille, et l'intérêt de la mesure de la taille de la fente
La mesure de la distance séparant la position du bord pal- palpébrale.
pébral supérieur du milieu de la pupille suppose que celle- L'élévation du globe lors de l'occlusion forcée des pau-
ci soit en position normale. La paupière supérieure recouvre pières réalise le signe de Charles Bell.
ainsi la cornée d'environ 1 à 2 mm. C'est une mesure facile On recherchera une découverture cornéenne anormale
mais sujette à caution. dans le regard vers le bas ou «lid-lag» pouvant témoigner
d'un raccourcissement anormal de la lamelle antérieure
ou du releveur en cas de rétraction palpébrale unilatérale
La mesure de la fente palpébrale en position médiane est sur l'autre œil, le plus souvent au cours de l'orbitopathie
plus fiable. Elle doit être bilatérale et comparative. dysthyroïdienne.
La mesure de la distance entre le reflet d'une lumière sur
la cornée et le bord palpébral supérieur, MRD des Anglo-
Saxons, est utile, sauf en cas de pseudoptosis. État cutané
L'état cutané est une évaluation d'un dermatochalasis en
paupière supérieure, d'un amincissement cutanéomus-
culaire localisé en cas de désinsertion aponévrotique, ou
Mesure de la fonction du releveur d'une brièveté du revêtement cutané palpébral externe en
La mesure de la fonction du muscle se fait en mesurant cas de syndrome de blépharophimosis.
la distance parcourue par le bord palpébral inférieur de
la paupière supérieure entre le regard en haut et le regard Signes associés
vers le bas, l'examinateur ayant pris soin de bloquer avec
son pouce l'action du muscle frontal. La valeur normale de Les signes associés : l'étude de la position des canthi, le test
l'excursion du releveur est de 14 à 18 mm. à la néosynéphrine en cas de syndrome de Claude Bernard-
On en profite pour étudier la position de la paupière Horner, la recherche de syncinésies, l'étude du fond d'œil
dans le regard vers le bas. Le mauvais déroulement vers le à la recherche d'une dégénérescence tapétorétinienne
bas traduit une fibrose du releveur qui ne peut se décon- comme la rétinopathie pigmentaire.
tracter dans cette position. Enfin, il faut compléter avec des photographies de face
et dans le regard en haut et en bas.
58
2. Troubles de la statique palpébrale
Tableau 2.2. Les différents types de ptosis. Syndrome de Marcus Gunn [17]
Ptosis myogène Ce ptosis neurogène est lié à une syncinésie mandibulo-
Ptosis congénital simple ou complexe : palpébrale avec disparition du ptosis survenant lors de
– syndromes malformatifs héréditaires ou congénitaux l'ouverture buccale ou de la diduction mandibulaire. Il pro-
associant une dystrophie musculaire du releveur (par vient d'une innervation erratique du muscle releveur par
exemple blépharophimosis) des fibres nerveuses provenant du trijumeau. Il est presque
– fibrose congénitale des muscles extra-oculaires
toujours unilatéral. À l'opposé, la disparition du ptosis à la
– Ptosis myogène de l'adulte :
– ophtalmoplégie externe progressive fermeture de la bouche réalise le syndrome de Marin-Amat.
– syndrome oculopharyngé
– dystrophie musculaire progressive
– myasthénie Il faut sectionner le releveur au bord supérieur du tarse
Ptosis aponévrotiques pour supprimer ou affaiblir la syncinésie et faire une sus-
pension bilatérale ; en effet, une suspension unilatérale
Ptosis sénile
laisserait un «lid lag» très inesthétique dans le regard vers
Ptosis par traumatisme de l'aponévrose
le bas.
Ptosis après chirurgie du globe oculaire
Ptosis neurogènes
Ptosis liés à une lésion de la IIIe paire crânienne Fibrose congénitale des muscles
Ophtalmoplégie post-traumatique
Syndrome de Marcus Gunn extra-oculaires
Syndrome de Claude Bernard-Horner La fibrose congénitale [28] des muscles extra-oculaires est
Sclérose en plaques une entité rare, sporadique ou familiale. Elle associe un pto-
Ptosis post-inflammatoires sis bilatéral à une fixité du regard vers le bas dans l'axe de
Syndrome de blépharochalasis 10 à 20°, parfois même une fixité presque totale et un torti-
Ptosis de l'orbitopathie dysthyroïdienne colis tête rejetée en arrière. La fonction du muscle releveur
est quasi absente. Elle impose une grande prudence dans
la résection du releveur en raison du risque d'exposition
bas peu gênant dans ce cas. C'est la présence des signes cornéenne.
suivants : anisométropie, strabisme convergent, voire un
ptosis majeur unilatéral avec pupille non dégagée qui sont
Syndrome de blépharophimosis
responsables de l'amblyopie retrouvée dans un cas sur six. Il
relève de la résection ou de la plicature du releveur. Il associe un ptosis bilatéral majeur, le plus souvent
Il est bilatéral dans un quart des cas, son importance symétrique, accompagné d'un épicanthus inversus, d'un
est variable. Lorsqu'il est important l'enfant compense télécanthus, une hypertrichose des sourcils, parfois d'un
la déficience musculaire par la contraction du muscle ectropion du segment temporal des paupières inférieures
frontal avec sourcils surélevés et par une position parti- avec obliquité antimongoloïde de la partie externe des
culière de la tête rejetée en arrière pour mieux dégager paupières liée à une dystopie canthale externe par agéné-
l'axe visuel : torticolis d'origine oculaire. Il relève de la sie de partie inféro-externe de l'orbite. Plus rarement, des
résection bilatérale du releveur ou plutôt de la suspen- paupières supérieures brèves, une agénésie des rebords
sion palpébrale. supra-orbitaires.
On commencera par la cure de l'épicanthus et du télé-
Ptosis congénital associé à des anomalies canthus vers l'âge de 3 ans, ce qui commence à ouvrir un
oculomotrices peu la fente palpébrale, puis 6 mois après, on réalisera la
chirurgie du ptosis.
On rencontre le plus souvent l'insuffisance d'action du
muscle droit supérieur soit par paralysie congénitale de la
troisième paire, soit par fibrose. De ce fait, le risque d'expo- On peut commencer par une plicature du releveur avec
sition cornéenne postopératoire augmente par absence de reformation du pli palpébral puis, si nécessaire, complé-
signe de Charles Bell ; ceci incite à la prudence car une sur- ter par une suspension palpébrale ultérieurement.
correction peut-être dangereuse pour la cornée.
59
Chirurgie palpébrale
Ophtalmoplégie externe progressive Elle peut être responsable d'un ptosis unilatéral souvent
associé à une rétraction palpébrale controlatérale, parfois
Cette myopathie mitochondriale est héréditaire dans 50 % bilatéral après une longue évolution.
des cas et débute à un âge variable (parfois à partir de 20 La fibrose du releveur expose au risque de
ans) ; l'évolution est lentement progressive. Le ptosis est surcorrection.
bilatéral et s'accompagne d'ophtalmoplégie subtotale avec
des globes oculaires bloqués en position primaire ou en
hypotropie par des muscles fibro-adipeux non fonction- Ptosis aponévrotique
nels, comme dans le syndrome de fibrose congénitale. Les Décrit par Jones et Quickert en 1975 [22], il correspond
sourcils sont surélevés car le muscle frontal n'est pas touché à une déhiscence et/ou une désinsertion du faisceau
par la maladie. musculo-aponévrotique du releveur de la paupière
supérieure dont les fibres striées restent normales,
mais dont la contraction est moins bien transmise du
Elle impose une grande prudence dans la résection du fait de la rupture de l'aponévrose au-dessus du tarse.
releveur ou l'éventuelle suspension, en raison du risque Ils représentent la deuxième cause la plus fréquente
d'exposition cornéenne.
de ptosis.
Il survient sur un muscle en général âgé dont l'aponé-
vrose s'est amincie. Les téguments sont en général très fins.
Ptosis de la myasthénie
Il peut être lié à un frottement exagéré des paupières, pour
Le ptosis est souvent asymétrique, variable (il augmente le porteur de lentilles de contact par exemple, ou survenir
en fin de journée, disparaît avec le repos) et représente après un traumatisme plus important (plaie ou contusion
fréquemment le premier symptôme de cette maladie ou traumatisme chirurgical).
auto-immune. Il est souvent associé à des troubles oculo- Sur le plan clinique, il est très caractéristique : un pli
moteurs (diplopie, paralysie oculomotrice). Le ptosis dis- palpébral haut situé, une excellente fonction du muscle
paraît ou diminue après application sur la paupière d'une releveur, une paupière amincie au-dessus du tarse lais-
poche d'eau glacée ou contenant des glaçons (signe du sant parfois voir par transparence le globe oculaire lors de
glaçon). l'occlusion.
60
2. Troubles de la statique palpébrale
Faux ptosis
Technique 1 : voie d'abord
Ils sont dus à un manque de support de la paupière par antérieure (figure 2.35)
microphtalmie, énophtalmie, phtysie du globe, à une
hypotropie ou encore à un dermatochalasis. Ils sont donc 1. Le marquage de l'incision est faite au feutre marqueur
fréquents sur prothèses oculaires et au cours du syndrome avant l'anesthésie en étudiant la position du pli palpébral.
de l'orbite énuclée ou éviscérée. Ces ptosis s'accompagnent 2. Injection sous-cutanée dans le pli palpébral supérieur
d'une fonction du releveur normale. d'une solution de 1 à 1,5 ml d'Alphacaïne®, en essayant de
rester préseptal.
3. L'incision cutanéomusculaire est faite à la lame froide
dans le pli palpébral supérieur sur une longueur limitée à 15
Techniques chirurgicales à 18 mm : c'est la mini-incision de Lucarelli. Elle est rarement
étendue à 26–28 mm, sauf si l'on envisage de faire une sec-
Résection du muscle releveur tion des ailerons.
de la paupière supérieure 4. Résection, si nécessaire, d'une languette de peau et d'or-
biculaire préseptal.
Elle peut être réalisée par voie antérieure, cutanée ou pos- 5. On sépare ensuite la lamelle antérieure de la face anté-
térieure conjonctivale. rieure du tarse en soulevant, à l'aide de crochets, la peau et
l'orbiculaire prétarsal vers le bas pour séparer les a dhérences
Tableau 2.4. Réglage peropératoire de la hauteur du bord libre (d'après Berke) [8].
Force du releveur 10–11 mm 8–9 mm 6–7 mm 4–5 mm 2–3 mm
Modification + 4 à 5 mm + 2 à 3 mm + 0 à –1 mm 0 à 1 mm 2 à 3 mm
postopératoire
(ascension/rechute)
Réglage du bord 6 mm sous le limbe 3 à 4 mm sous le 2 à3 mm sous le 1 à 2 mm sous le Tangent au limbe
libre peropératoire limbe limbe limbe
61
Chirurgie palpébrale
Figure 2.35
Voie d'abord antérieure.
de l'orbiculaire d'avec le tarse, soit aux ciseaux soit à la Lorsqu'on est perdu dans ses repères, on peut appuyer
pointe du bistouri électrique, sur 4 à 5 mm de hauteur en sur le globe pour aider à faire apparaître la saillie de
essayant de ne pas atteindre la racine des cils. l'organe en rouleau, ou demander au patient de regarder
6. Puis, on sépare vers le haut la lamelle antérieure d'avec le en haut et en bas en éloignant la lumière du scialytique.
septum jusqu'à ce que l'organe en rouleau, ou poche pal- 8. On réalise, de part et d'autre du releveur, deux incisions
pébrale médiane supérieure, fasse saillir le septum en relief verticales de l'aponévrose sur 5 à 6 mm de haut sous le
vers l'avant. niveau des ailerons. On trouvera facilement un plan de cli-
7. Le septum orbitaire est ouvert horizontalement dans la vage à tunelliser horizontalement entre l'aponévrose et le
zone où la graisse orbitaire médiane fait saillie. On peut alors Müller et/ou la conjonctive, selon l'épaisseur donnée à la
la récliner vers le haut à l'aide d'un écarteur de Desmarres. résection.
Ainsi on découvrira sous la graisse, l'aponévrose grise en 9. Section du muscle releveur 2 mm au-dessus du tarse et
bas, puis blanchâtre, et plus haut les fibres rouges striées du libération des ailerons qui seront sectionnés si la résection
releveur plus et encore plus, haut le ligament de Whitnall. doit être importante. Il faut éviter en profondeur le muscle
La graisse de l'organe en rouleau est le repère essentiel grand oblique et la glande lacrymale en dehors.
dans la chirurgie du releveur : retenir l'aphorisme «tout 10. Dissection de la face profonde du bloc, le plus loin pos-
ce qui est situé sous l'organe en rouleau soulèvera la pau- sible vers le haut, en s'arrêtant au niveau du ligament du
pière supérieure». fornix supérieur.
62
2. Troubles de la statique palpébrale
11. Mise en place d'une suture horizontale sur le releveur, 2. Mise en place de deux fils de soie noire 5/0 sortant dans
sur la partie haute du tarse, pour évaluer sur table la quantité la bordure ciliaire à l'aplomb des bords latéraux de la cornée
à réséquer, qui varie aussi en fonction de l'action du muscle pour éverser la paupière supérieure sur une plaque placée
et du degré de la ptose, soit entre 12 et 25 mm de résection. dans le pli palpébral supérieur.
12. Suture du bord inférieur du muscle au bord supérieur 3. Incision de la conjonctive à 1 à 2 mm au-dessus du
du tarse par 3 à 4 points horizontaux et donc perpendicu- bord supérieur du tarse, puis on sépare la conjonctive
laires aux glandes de Meibomius de Vicryl 6/0, en vérifiant : du muscle de Müller jusqu'au ligament suspenseur du
● que le bord libre est au niveau recherché ; cul-de-sac.
● qu'il présente une courbure régulière sans encoche ; 4. Coagulation en dehors et en dedans de l'artère de l'ar-
● que la traction autorise l'abaissement passif de la cade marginale supérieure, section du muscle de Müller au
paupière ; bord supérieur du tarse, on tombe sur un plan de clivage
● que les ductions forcées du globe sont possibles. simple trabéculaire, entre le Müller et l'aponévrose blan-
13. Fermeture cutanée (monofil 6/0, soie 6/0, fil 6/0 à châtre du muscle.
résorption rapide) en refaisant le pli palpébral à l'aide de 5. Section de l'aponévrose au bord supérieur du tarse ; sur
trois points passant dans la peau supérieure, l'orbiculaire, le la face antérieure de l'aponévrose, on ouvre le septum et
releveur, l'orbiculaire et la peau. apparaît le repère majeur : la graisse pré-aponévrotique.
6. Section latérale des ailerons.
7. Résection musculaire, soit aponévrose et Müller soit
En cas de risque d'inocclusion, mise en place d'un fil de aponévrose seule, suivant les données cliniques et les don-
traction sur le bord libre de la paupière inférieure (suture nées peropératoires.
de Frost) permettant une bonne occlusion palpébrale en
8. Réinsertion au tarse : pose de trois sutures en U ressor-
postopératoire immédiat.
tant à la face postérieure du releveur ; ces fils chargent la
lèvre inférieure de la conjonctive, le peu de Müller restant,
l'aponévrose du releveur, la lèvre tarsoconjonctivale supé-
Technique 2 : voie d'abord conjonctivale rieure, le plan orbiculaire et transpercent la peau à la hau-
Elle comprend les temps suivants (figure 2.36) : teur du futur pli où ils sont noués.
1. Marquage bilatéral et symétrique du pli palpébral au 9. Mise en place d'une suture de traction vers le haut en
feutre marqueur. paupière inférieure : suture de Frost.
Figure 2.36
Voie d'abord postérieure conjonctivale.
63
Chirurgie palpébrale
Figure 2.37
Technique de Mustardé modifiée.
64
2. Troubles de la statique palpébrale
Figure 2.38
Technique de Fasanella et Servat.
● passage horizontal solide dans l'aponévrose adhérente à 2. Marquage du pli palpébral supérieur au feutre ainsi que
la face antérieure du tarse au bord inférieur de l'incision enfin des bords latéraux de la cornée dans la bordure ciliaire.
sortie à travers l'orbiculaire et la peau dans le pli palpébral. 3. Mise en place, au niveau de la paupière supérieure, de
5. Serrage des trois sutures en U dans le pli palpébral en deux fils de soie noire au niveau de la bordure ciliaire à
observant la position de la paupière par rapport au limbe l'aplomb des bords latéraux de la cornée pour retourner la
supérieur. paupière supérieure sur une plaque, dont l'arrondi est placé
plus haut que le pli palpébral pour obtenir une éversion
plus haute que le bord supérieur du tarse.
4. L'incision est faite à la lame froide combinée au bis-
Il s'agit d'une intervention fiable, dont les résultats sont touri électrique sur une ligne horizontale et grossière-
constants dans les petits ptosis, mais dont le principal ment parallèle au bord supérieur du tarse. Coagulation
inconvénient est la mutilation partielle du cul-de-sac et de l'artère de l'arcade marginale supérieure sur les bords
des glandes de Meibomius. Elle est très utile en cas de latéraux de la future incision conjonctivale. Incision
réintervention. conjonctivale 2 à 4 mm au-dessus du bord supérieur
du tarse en respectant le muscle de Müller en profon-
deur. Puis, on sépare la conjonctive du muscle de Müller
Technique 5 : technique de résection jusqu'au ligament du cul-de-sac supérieur. Incision du
muscle de Müller au bord supérieur du tarse, en res-
conjonctivo-müllérienne (figure 2.39)
pectant l'aponévrose en profondeur qui apparaît après
Cette technique décrite par Puttermann et Urist en 1976 un espace d'allure trabéculaire lorsqu'on tire sur le
[34] comporte une résection conjonctivo-müllérienne lambeau du muscle de Müller vers le haut. Section du
monobloc de 8 mm à 12 mm de muscle. muscle près du cul-de-sac. Petite résection conjoncti-
1. L'intervention peut se faire sous anesthésie locale simple vale limitée.
chez l'adulte. L'injection d'alphacaïne ou de xylocaïne adré- 5. Trois sutures en U de Vicryl 6/0 sont placées sur la ligne
nalinée est pratiquée au niveau du bord libre palpébral et médiane et sur les verticales à l'aplomb des bords latéraux
au bord supérieur du tarse, en évitant d'infiltrer entre plan de la cornée, de la façon suivante : entrée d'une aiguille
conjonctival et muscle de Müller sous-jacent pour utiliser dans le pli palpébral par voie cutanée, puis passage dans le
plutôt l'espace trabéculaire entre le Müller et l'aponévrose. Müller restant supérieur, puis dans l'incision conjonctivale
66
2. Troubles de la statique palpébrale
Figure 2.39
Technique de résection élective conjonctivo-
müllérienne par voie conjonctivale.
Figure 2.40
Plicature-résection aponévrotique par voie cutanée.
68
2. Troubles de la statique palpébrale
Figure 2.41
Plicature-résection aponévrotique par voie conjonctivale.
2. Mise place au niveau de la paupière supérieure de deux restant, le bord supérieur du tarse, l'orbiculaire et la peau en
fils de soie noire au niveau de la bordure ciliaire à l'aplomb ressortant au niveau du pli. Les sutures tomberont toutes
des bords latéraux de la cornée, pour retourner la paupière seules en trois semaines.
supérieure sur une plaque dont l'arrondi supérieur est placé 5. Le niveau doit être identique à la paupière controlatérale,
plus haut que le pli palpébral afin d'obtenir une éversion ou un peu plus haut, du fait de l'anesthésie de l'orbiculaire
plus haute que le bord supérieur du tarse. qui disparaîtra.
3. Incision horizontale de la conjonctive 1 mm au-dessus 6. On peut, dans une variante, ouvrir l'aponévrose vers
du bord tarsal supérieur, l'incision est poursuivie en profon- l'avant, puis passer devant celle-ci, ouvrir le septum et pla-
deur à travers le muscle de Müller, jusqu'à trouver le plan cer les sutures sur la face antérieure de l'aponévrose.
de clivage trabéculaire entre Müller et aponévrose. On
peut s'aider du mouvement de l'aponévrose blanchâtre en Technique 8 : technique inter-faisceau
demandant au patient de regarder en haut et en bas. Une
du releveur de Frueh [15] (figure 2.42)
fois l'aponévrose identifiée, on libère sa face postérieure
jusque vers sa jonction avec les fibres rouges striées du C'est une technique d'usage très courant actuellement. Elle
muscle. a été décrite assez récemment et elle a l'avantage d'être peu
4. Mise en place des sutures en U (5/0 ou 6/0 résorbable) traumatique et rapide.
pour créer le pli palpébral dans la peau, puis l'aponévrose 1. Anesthésie locale par Alphacaïne® (articaïne, épi-
au-dessus de sa déhiscence, le plan conjonctivo-müllérien néphrine) dans le pli palpébral : 0,5 à 0,75 ml suffisent.
69
Chirurgie palpébrale
Figure 2.43
Technique de suspension au
ligament de Whitnall par voie
postérieure.
70
2. Troubles de la statique palpébrale
être associée à une résection d'une bandelette de tarse trapèze avec un seul brin, nous n'utilisons que celle de
supérieur dans les formes majeures de ptosis [20]. Fox (figure 2.44).
De plus, nous utilisons une ouverture dans le pli de
20 mm selon la description faite par Morax [29] et non
pas la technique de passage sous-cutané palpébral décrite
Indication
initialement. En effet, l'abord palpébral direct permet une
Elle est indiquée dans le traitement des ptosis sévères fixation plus sûre et un meilleur contrôle du pli palpébral.
avec absence ou faible de fonction du releveur. Il s'agit En alternative à la suspension, Lemagne [26] a proposé,
d'une chirurgie purement statique avec un risque d'ex- dans le syndrome de Marcus Gunn, de faire une suspension
position du globe oculaire non négligeable, d'où l'intérêt
à l'aide du muscle frontal.
de la suture de Frost.
Suspension de la paupière
On retrouve sur le plan technique une partie des étapes
supérieure au muscle frontal
de la chirurgie aponévrotique par voie postérieure décrite Elle suppose un muscle frontal actif et capable de surélever
au paragraphe précédent de la technique 7 de 1 à 3. Puis le sourcil.
ensuite :
4. On remonte encore plus haut la séparation entre l'apo-
névrose et le Müller et on finit par tomber sur une bande Indications
blanchâtre solide qui entoure le releveur et sur laquelle on
Ce sont les ptosis bilatéraux avec faible ou très faible
place trois sutures en U qui vont sortir plus bas en avant
fonction du muscle releveur, le syndrome de Marcus
dans le pli, après avoir pris l'insertion aponévrotique sur le Gunn, le syndrome de blépharophimosis pour les indica-
tarse sur 1 à 2 mm horizontal. tions les plus courantes.
5. Très souvent, on combine la suspension au Whitnall par
une résection, de 1 à 2 mm de haut, du tarse supérieur et de
la conjonctive et Müller adjacent afin, d'une part, de diminuer Introduction
le risque de prolapsus du cul-de-sac et d'augmenter l'effet sur
ces ptosis avec faible fonction du releveur difficiles à traiter. Deux variétés de matériaux peuvent être utilisés : il s'agit de
matériaux synthétiques ou de greffes autogènes.
Figure 2.44
Suspension palpébrale selon la technique de Crawford.
71
Chirurgie palpébrale
Depuis de nombreuses années maintenant, les bioma- de nos prélèvements sur le bord externe de la crête iliaque.
tériaux ont fait leur apparition en chirurgie notamment En distal, il est prolongé par le fascia profond de la jambe.
orbitopalpébrale, ouvrant ainsi le débat les opposant aux Il est épais et enserre le membre, empêchant les muscles
greffes autologues ou autogènes. de la cuisse de faire protrusion lors de leur contraction, ren-
Les biomatériaux actuels combinent une facilité d'uti- dant celle-ci plus efficace, et plus efficace le phénomène de
lisation avec une réduction du temps opératoire (pas de pompe musculaire aidant au retour veineux.
temps de prélèvement d'un site donneur) et une bonne
Techniques de prélèvement
tolérance au niveau du site receveur. Cette dernière reste
Le prélèvement du fascia lata autologue se réalise au
évidemment inférieure à celle des tissus autologues avec
niveau de la cuisse par incision cutanée au-dessus du
un risque majoré d'infection, d'extrusion, de fibrose. Le sili-
genou sur une ligne allant de la tête de la fibula à l'épine
cone et le poly-tétra-fluoro-éthylène expansé (PTFE) com-
iliaque antérosupérieure(figure 2.45), et d'une longueur
posent les bandelettes synthétiques utilisables pour réaliser
relativement importante, de 9 à 10 cm. Ce temps est
les suspensions palpébrales. Le fascia lata et l'aponévrose
suivi d'une dissection sous hypodermique permettant
temporale constituent deux types d'autogreffes dans cette
de dégager le fascia lata. Une languette de 10 à 11 cm
chirurgie. Le prélèvement de ces deux tissus est relative-
de long sur 0,8 à 1 cm de large est nécessaire. En soule-
ment simple et rapide car ils sont superficiels, mais peut
vant l'extrémité de l'incision, on en diminue la taille. Une
aboutir à une cicatrice inesthétique au niveau de la jambe
suture soigneuse des berges restantes est indispensable
ou à une alopécie localisée au niveau du cuir chevelu. Ces
pour conserver le rôle de hauban qu'il joue pour la cuisse
deux matériaux autologues garantissent un résultat durable
et éviter les hernies musculaires parfois douloureuses et
dans le temps avec des risques d'extrusion nuls et infectieux
inesthétiques (figure 2.46).
très réduits.
Si une suspension palpébrale bilatérale se révèle néces-
Fascia lata autologue [29] saire, on augmente un peu la largeur de la languette que
Un fascia est une aponévrose fibroconjonctive et qui l'on divisera en deux, ce qui augmente le risque de tension
recouvre la face superficielle des muscles, ceux de la cuisse à la suture du fascia restant, et donc de hernie musculaire
dans le cas plus spécifique du fascia lata, également nommé et de douleur. Un prélèvement sur la cuisse controlatérale
fascia profond de la cuisse. est difficile à proposer, entraînant une augmentation non
Ce dernier s'insère en proximal sur le ligament inguinal, le négligeable du temps opératoire, de la morbidité postopé-
pubis, la face externe du sacrum et du coccyx, et dans l'axe ratoire et du préjudice esthétique.
Figure 2.45
Technique de prélèvement de fascia lata sur la cuisse et d'aponévrose temporale sur la tempe.
72
2. Troubles de la statique palpébrale
Figure 2.46
Suspension palpébrale selon la technique de Fox.
Les prélèvements du fascia lata par stripper[21] per- Aponévrose temporale [31]
mettent de réduire les ouvertures cutanées, et ainsi les L'aponévrose est un tissu conjonctif fibreux formé de plu-
risques de complications mécaniques, infectieuses et esthé- sieurs plans de fibres collagènes, parallèles entre elles au sein
tiques. En revanche, il n'est pas possible de réaliser dans d'un même plan, mais d'orientations différentes entre deux
ces cas-là de suture du fascia. Il existe un risque de hernie plans. Cela crée une trame élastique, souple, mais résistante.
musculaire pouvant entraîner une gêne fonctionnelle et L'aponévrose temporale constitue néanmoins un tissu
esthétique. moins résistant que le fascia lata. Son prélèvement reste
Il est à noter qu'avant l'âge de 3 ans le fascia lata est peu assez simple et aboutit à une cicatrice discrète dissimulée
mature et son prélèvement délicat, réservé à un ophtalmo- dans le cuir chevelu.
logue expérimenté voire à un orthopédiste ; cela peut aboutir Son prélèvement passe par une incision au sein du cuir
à des séquelles neurologiques, avec hématome ou cicatrice chevelu, de 5 cm de haut, verticale, à l'aplomb du tragus
hypertrophique. L'obtention d'une longueur suffisante de pour dégager une bandelette aponévrotique de 5 à 6 cm
bandelette, et d'autant plus en cas de suspension bilatérale, sur 8 mm (figure 2.47). Cette dernière est dédoublée afin
est rendue difficile par la brièveté de la cuisse à cet âge. d'obtenir une languette de 10 cm de long, longueur requise
Le fascia lata autologue est préconisé pour les sus- pour la suspension. En cas de suspension bilatérale, la réali-
pensions palpébrales à partir de l'âge de 3 ans [2, 19] et sation d'un deuxième prélèvement est nécessaire. Le chirur-
demeure le gold standard de cette chirurgie combinant les gien peut s'organiser en préparant son intervention pour
meilleurs résultats fonctionnels et les plus faibles taux de que les deux sites d'intérêt (cuir chevelu et paupière) se
complications. Cet âge de 3 ans permet d'avoir une crois- trouvent dans le même champ opératoire. Il est à noter que
sance de la cuisse, une maturation faciale et une coopéra- ce site de prélèvement contient un réseau vasculaire dense
tion de l'enfant lors de l'examen clinique plus favorables à issu en grande partie de l'artère temporale superficielle qui
de bons résultats. court sous le derme soulevé avec des crochets. Il convient
73
Chirurgie palpébrale
Figure 2.47
Cicatrice de prélèvement de fascia lata sur une cuisse gauche.
Figure 2.48
Prélèvement d'aponévrose temporale.
néanmoins d'éviter une coagulation du cuir chevelu pour
préserver les bulbes capillaires et prévenir une alopécie. La L'avantage des ces matériaux est qu'ils sont disponibles
dissection devra également prendre garde à ne pas léser en quantité non limitée, permettent un temps opératoire
la branche frontale du nerf facial, qui peut se trouver en raccourci, limité au temps palpébral et évitent la morbidité
regard de la zone incisée, si celle-ci est trop antérieure. Enfin, au niveau du site prélevé.
on informera le patient des risques d'alopécie en bande et
Polytétra-fluoro-éthylène expansé (PTFE, Goretex®)
du trouble sensitif du site donneur qui sont également
Le PTFE est biocompatible, inextensible et non hydro-
deux complications possibles en cas de lésion des follicules
phobe (figure 2.48). De plus, son caractère microporeux
pileux ou de petits rameaux nerveux, mais plutôt décrits
garantit une bonne stabilité par colonisation tissulaire. Il est
dans les cas de lambeau de fascia temporalis pédiculé [40].
largement utilisé en chirurgie vasculaire, mais il est condi-
L'aponévrose temporale est un tissu polyvalent. Elle
tionné en bandelettes de 15 cm de long pour s'adapter au
peut être utile dans les cavités orbitaires pour recouvrir
domaine ophtalmologique.
une exposition de bille ou habiller un implant orbitaire. En
En 2005, Ben Simon et al. [7] notaient 15 % de réci-
chirurgie reconstructrice palpébrale, elle permet une sus-
dive du ptosis et 1,8 % d'infection du site opératoire
pension palpébrale pour les ptosis à mauvaise fonction du
avec ce matériau. La même année, Junceda et al. [24] ont
muscle releveur, un allongement du muscle releveur en cas
retrouvé un taux de complications bien plus élevé lors de
de rétraction très importante (paralysie faciale rarement,
suspensions palpébrales par PTFE (40 %) que par fascia
orbitopathie dysthyroïdienne). En effet, en cas de rétraction
lata (5 %). Ces complications étaient à type de récidive
modérée, une section du Müller et/ou de l'aponévrose suffit.
du ptosis et de granulome. En revanche, en 2013, pour
Pour refermer la discussion concernant les autogreffes, il
Hayashi et al. [18], le taux de complications était faible
est à noter que les allogreffes (banques de tissus, banques
avec ce matériau (7,1 %). Il était également de 7 % de
de fascias lata) ont été abandonnées pour ces indications
granulomes et d'extrusion de matériel pour Wabbels [37]
en raison du risque de transmission de prions.
sur une série de 252 suspensions pour blépharospasmes
Les matériaux synthétiques (avec 238 yeux traités par PTFE et 14 opérés avec de la
Les matériaux synthétiques [7, 39] pouvant être utilisés soie). Karapantzou et al. [25], chez 15 patients opérés
pour réaliser la suspension palpébrale sont divers (PTFE, fil pour apraxie des paupières, retrouvaient 9,1 % d'extru-
de silicone, nylon, polyester, propylène). Le PTFE [35] et le sion des sutures, 6,1 % de granulomes et 7,5 % d'infections
polyester (Mersilène Mesh® ) ont été les matériaux les plus locales. Ce taux de complications est diminué par l'utili-
utilisés [13, 30]. sation de matériaux adaptés tels que l'ePTFE, proche du
74
2. Troubles de la statique palpébrale
Goretex®, mais présentant une porosité supérieure (plus Il existe ainsi une intéressante diversité de matériaux
de 90 %) et une très haute biocompatibilité. Ruban et al. utilisables pour constituer les bandelettes de suspension
[35] n'ont retrouvé aucune complication significative ni palpébrale au muscle frontal. Le fascia lata autologue reste
infection, extrusion ou migration en suivant 60 suspen- le gold standard de cette chirurgie en raison de sa parfaite
sions palpébrales par ePTFE pendant 30 mois. intégration au niveau du site receveur, de son efficacité
L'extrusion de la bande de Goretex® ne contre-indique durable et des taux d'infection ou de réaction tissulaire
pas d'en utiliser une nouvelle pour la reprise chirurgicale, quasi nuls. Son prélèvement reste néanmoins délicat chez
à condition de patienter quelques semaines [25] après le de très jeunes enfants, cas pour lesquels les biomatériaux
retrait de la première. offrent leurs disponibilité, résistance et intégration tissulaire
intéressantes.
Sondes d'intubation en gomme de silicone
De faibles diamètres (0,94 mm), ces sondes se révèlent de
bons atouts, élastiques, non allergisants, mais non coloni-
Technique 10 : technique de Fox
sables. Certains chirurgiens utilisent l'aiguille de Reverdin, avec incision dans le pli (figure 2.49)
instrument à bout pointu qui a l'avantage de permettre la 1. Marquage au feutre de l'incision palpébrale à 9 mm du
tunnellisation de la sonde et d'éviter la grande incision pré- bord libre et sur une longueur de 20 mm. Marquage de la
tarsale. Le fil de silicone est surtout utilisé chez le tout petit projection des bords latéraux de la cornée dans la bordure
en cas de ptosis majeur avant une chirurgie plus stable. ciliaire supérieure. Marquage des deux incisions situées sur
la bordure supérieure du sourcil sur une ligne qui unit les
Fil de polypropylène 3.0 deux points marqués dans la bordure ciliaire et un point
La suspension au muscle frontal à l'aide de ce matériau est situé dans le pli palpébral inférieur à l'aplomb de la pupille.
davantage réservée aux enfants de moins de 3 ans chez qui Enfin, un point est marqué sur la ligne passant par l'aplomb
la brièveté de la cuisse ne permet pas de récupérer une lon- de la pupille sur le front à 20 mm au-dessus du sourcil.
gueur satisfaisante de fascia lata et pour lesquels une chirur- 2. Incision cutanée au bistouri, mise en place de crochets
gie urgente s'impose en cas de risque d'amblyopie. pour attirer l'orbiculaire inférieur vers le haut et libération
Les fils de polypropylène (Prolène® 3.0 ou 4.0) sont donc de l'orbiculaire prétarsal du tarse. Puis, les crochets sont
utilisables chez l'enfant et ont pour certains auteurs un placés dans l'orbiculaire supérieur et on sépare au bistouri
profil de tolérance et des taux de complications semblables électrique l'espace entre l'orbiculaire et le septum jusque
aux autres biomatériaux [10]. vers le rebord orbitaire.
Il s'agit d'un matériau synthétique très peu coûteux. Il 3. Fixation de la bandelette de fascia au bord supérieur
n'entraîne pas de réaction inflammatoire ni de fibrose réac- du tarse par 3 points : l'un central en regard de la pupille,
tionnelle importante, ce qui permet des reprises chirurgi- les deux autres latéraux à l'aplomb du limbe de 3 h et
cales simplifiées en cas de nécessité de réviser la hauteur
de suspension ou de réaliser une suspension secondaire
par fascia lata. Son caractère non résorbable par résistance
aux enzymes tissulaires assure une révision facilitée à court
terme et l'absence de perte de résistance à plus long terme.
Bouazza et al. [9] ont réalisé des suspensions frontales
par technique de Fox (boucle pentagonale) et Prolène®
3.0 chez 21 enfants avec fonction médiocre ou nulle du
releveur de la paupière supérieure. Le résultat postopéra-
toire était jugé satisfaisant dans 82,8 % des cas, et il a été
noté 14,3 % de récidive du ptosis et 2,9 % de granulome et
d'infection.
Un minimum de quatre nœuds entre les deux brins est
conseillé pour assurer une bonne tenue.
Fil de nylon
Le fil de nylon est associé à un taux élevé de récidive du
ptosis. Ce taux varie selon les séries entre 40,5 % [38] et Figure 2.49
100 % [27]. Suspension palpébrale par bandelette de PTFE.
75
Chirurgie palpébrale
Indications
de la chirurgie du ptosis
Règles de base
Elles ont été bien définies dans un livre [1] et elles sont au
nombre de trois.
Qui opérer
En matière de ptosis, les indications peuvent être d'ordre fonc-
tionnel (risque d'amblyopie fonctionnelle des ptosis congé-
nitaux majeurs accompagnés de strabisme, ou dans certains
cas de blépharophimosis sévères), ou d'ordre cosmétique. Il
Figure 2.50
existe des contre-indications relatives ou absolues. On doit
Canthopexie transnasale.
en particulier se méfier de ptosis mineurs dont la demande
est essentiellement esthétique, et parfois disproportionnée,
et en haut la crête lacrymale antérieure. On dégage à la
et dont le résultat chirurgical incertain peut entraîner des
rugine toute la région sous-périostée du sac au-delà de la
complications psychologiques non négligeables qu'il faut
crête lacrymale postérieure, jusque vers la lame papyracée
savoir reporter à un stade où l'adulte aura bien réfléchi.
de l'ethmoïde et en haut la région du dôme du sac.
En outre, il est indispensable de prévenir le patient
3. À l'aide d'une fraise diamantée de diamètre suffisant,
d'éventuelles retouches chirurgicales dans la mesure où le
on réduit l'épaisseur de la crête lacrymale antérieure, de la
résultat ne peut être garanti en un seul temps opératoire.
branche montante de l'ethmoïde en regard, puis on fraise
Il est des contre-indications absolues :
en profondeur dans le région médiane du sac jusqu'à trou- ● un ptosis relevant d'un traitement médical (myasthénie),
ver la muqueuse nasale sans la percer. On réalise la même
des ptosis post-traumatiques neurogènes ou myopathiques ;
opération de l'autre côté. ● l'existence d'une ophtalmoplégie totale ;
4. On utilise alors une aiguille semi-circulaire de Nylon 3 ou ● une absence de Charles Bell ;
4/0 dont on a redressé l'extrémité pour être plus rectiligne ● une anesthésie cornéenne, une paralysie de l'orbiculaire
pour traverser le septum nasal. Pour cela, on introduit l'ai-
risquant d'entraîner des complications oculaires graves
guille dans la peau de la région caronculaire et on se dirige
lorsqu'on essaye chirurgicalement de soulever une pau-
vers l'arrière et en-dedans pour ressortir en arrière du sac au
pière qui reste le seul élément de défense du globe oculaire.
niveau de la crête lacrymale postérieure. On fait le même
trajet un peu plus inférieur avec l'autre aiguille.
5. Pour réaliser la canthopexie transnasale, on introduit
Quand opérer
l'une des aiguilles dans l'un des orifices créé dans la loge En ce qui concerne les ptosis congénitaux, en dehors des
lacrymale ; on la dirige perpendiculairement vers l'autre ori- rares cas où il existe un risque d'amblyopie (essentiellement
fice à travers le septum nasal, en faisant attention à ne pas ptosis unilatéral majeur avec pupille non dégagée souvent
l'attirer trop près du globe oculaire. On la retire, et on la associé à un trouble de la réfraction et/ou un strabisme),
passe de la région postérieure du sac vers la région cutanée obligeant à intervenir dans les premiers mois de la vie, la
proche de la caroncule. plupart des auteurs sont d'accord pour opérer ces enfants
6. On utilise soit le chemin inverse, soit l'autre aiguille pour à l'entrée à l'école maternelle, c'est-à-dire vers l'âge de 3 ans,
faire un chemin analogue 5 mm plus bas. date à laquelle il est possible de faire un bilan orthoptique.
7. On se retrouve avec une anse double qui ressort à l'inté- Pour les ptosis acquis neurogènes et post-traumatiques,
rieur du V créé lors de la plastie cutanée précédente. Pour il est préférable d'attendre au moins 6 mois. En effet, cer-
assurer le rapprochement des deux angles internes, il suffit tains régressent, ce qui permet de surseoir à l'intervention,
de serrer l'anse en prenant la précaution indispensable de et d'autres s'améliorent nécessitant un geste plus restreint.
placer un bourdonnet de chaque côté sur la région cutanée Les autres ptosis acquis seront opérés dès qu'ils seront
qui va subir la pression de la double boucle lors du serrage. devenus suffisamment gênants dans le champ visuel ou
Il ne reste plus qu'à suturer les lambeaux. inesthétiques.
77
Chirurgie palpébrale
79
Chirurgie palpébrale
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80
Chapitre 3
Tumeurs palpébrales
J.-P. Adenis, R. Servantie, Z. Zikic
P L AN D U CHA PI T RE
Principes d'exérèse carcinologique 82 Lambeau d'avancement-rotation temporojugal
de Mustardé 94
Diagnostic 82
Lambeau bipédiculé de Tripier 95
Collaboration chirurgien-anatomopathologiste 82
Lambeau de Kollner-Hughes 97
Les lambeaux en chirurgie oculopalpébrale 84
Lambeau frontoglabellaire ou frontal médian 97
Rappel historique 84
Lambeau de glissement frontal 100
Généralités 84
Lambeau de glissement bipalpébral 100
Lambeau rectangulaire de Knappe 87
Lambeau d'avancement transnasal 101
Lambeau de Mac Gregor 87
Lambeau de périoste 102
Lambeau de glissement trapézoïdal 88
Greffon tarsomarginal de Hübner 102
Lambeau de Cutler-Beard 89
Lambeau de fascia temporal 103
Lambeau semi-circulaire de Tenzel 90
Conclusion 104
Lambeau de rotation de type Abbé 91
Principes thérapeutiques et indications
Lambeau palpébral supérieur unipédiculé 91 de technique de réparation palpébrale 105
Lambeau nasogénien de Tessier 93 Principes de reconstruction 105
Drapement palpébral type blépharoplastie Indications de techniques
inférieure 93 de réparation palpébrale 107
Chirurgie palpébrale
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Chirurgie palpébrale
Quel que soit le degré de suspicion clinique, le traitement des tions utiles, comme l'âge et le sexe du patient, l'évolution
tumeurs palpébrales doit satisfaire aux principes généraux de la tumeur, l'existence d'une précédente intervention, la
de la chirurgie carcinologique. Il convient d'abord d'évaluer concomitance d'une pathologie générale, et surtout l'hypo-
soigneusement la tumeur et son degré d'infiltration clinique. thèse diagnostique clinique, à l'anatomopathologiste.
Plus particulièrement, il faut orienter la pièce opératoire,
avant tout grâce à un dessin clair ou par un fil de Nylon
Diagnostic (qui peut même être coupé avec la pièce, au contraire de
la soie), ou une photographie (Polaroid®). En cas de doute,
Lorsque le diagnostic semble à peu près certain, d'après les il ne faut pas hésiter à inviter l'anatomopathologiste à venir
critères cliniques, on envisagera d'emblée la chirurgie et les personnellement en salle d'opération où il pourra par
conditions d'exérèse en fonction de la nature de la tumeur : exemple indiquer le meilleur endroit pour une biopsie ou
● pour un basocellulaire, on préférera un contrôle par exa- se rendre compte du champ opératoire.
men extemporané ; En ce qui concerne la fixation, la meilleure solution est
● pour un spinocellulaire ou un carcinome glandulaire de d'envoyer sur le champ la pièce fraîche, c'est-à-dire non fixée,
grande taille, on pourra discuter une fixation rapide suivie au laboratoire. Toutefois, les petits fragments se dessèchent
d'une technique de ganglion sentinelle ; très vite, et il est préférable de les fixer instantanément, plu-
● pour un mélanome, une analyse histologique appro- tôt que d'attendre la fin de l'intervention. En général, il faut
priée associée à une technique du ganglion sentinelle. prévoir un volume de fixateur environ égal à dix fois celui
En cas de doute sur le diagnostic, ou de suspicion de de la pièce à fixer (par exemple un globe lors d'une énucléa-
franche malignité (carcinome sébacé, carcinome spinocellu- tion). Le liquide de Bouin ou le formaldéhyde à 10 % sont
laire, mélanome malin, etc.), on choisira d'établir d'abord la les fixateurs les plus courants. Si l'on choisit de réfrigérer la
nature de la tumeur grâce à une biopsie diagnostique (incisio- pièce, il faut la mettre à 4 °C, et ne surtout pas la congeler.
nal biopsy) et de poursuivre l'exérèse dans un second temps. Dans la grande majorité des cas, il est correct de fixer
Pour une lésion étendue, plusieurs biopsies sont pratiquées la biopsie d'emblée si la fixation de la pièce doit attendre.
et identifiées. En cas de lésion ulcérée, il est préférable de biop- Toutefois, dans les lésions lymphomateuses ou métasta-
sier la périphérie de la lésion en incluant du tissu normal. tiques, certaines techniques d'immunohistochimie ou de
recherche de récepteurs hormonaux requièrent du tissu
frais non fixé. De même, si l'on suspecte un carcinome
Le prélèvement doit être suffisamment profond pour sébacé, il vaut mieux soumettre le tissu frais, car le proces-
éviter de ne prendre que du tissu réactionnel périlésion- sus de préparation histologique dissout les vésicules intra-
nel. Tous les fragments obtenus doivent être soumis, cellulaires de graisse dont l'identification est indispensable
car il arrive que seul le plus petit soit révélateur. Dans la au diagnostic. Dans tous les cas de figure, le plus simple est
mesure du possible, il faut éviter les artéfacts comme la d'envoyer la pièce fraîche et de laisser le choix à l'anatomo-
coagulation ou l'écrasement.
pathologiste le choix de la fixation.
L'évaluation des marges de résection a fait couler beau-
coup d'encre. L'examen extemporané est souvent adé-
Dans les tumeurs de petite taille, on procède d'emblée à quat pour s'assurer de la qualité de l'exérèse. Néanmoins,
son exérèse (excisional biopsy). l'évaluation extemporanée est peu fiable dans le cas de
certaines tumeurs comme le carcinome basocellulaire
Collaboration sclérodermiforme, le carcinome sébacé, les tumeurs sclé-
rosantes et les lésions pigmentées. Même l'examen de
chirurgien-anatomopathologiste tissu correctement fixé a ses limites, par exemple en cas de
tumeurs qui peuvent donner lieu à des foyers d'extension
Afin d'optimaliser l'examen anatomopathologique, le locale séparés de la lésion principale par des zones de tissu
chirurgien se doit de communiquer toutes les informa- sain (skip areas).
82
3. Tumeurs palpébrales
Remarquons que cette technique, dans sa forme actuelle, Temps 1 : cela nécessite une première opération pour
diffère quelque peu de la technique originale, où les tissus biopsie ou exérèse pour diagnostic. Cette étape peut
étaient fixés sur le vivant, ce qui retardait les reprises des marges être réalisée séparément pour des raisons de commo-
de parfois plusieurs jours. Malgré sa lourdeur en équipement et dité de bloc opératoire (en effet, l'ablation de la tumeur
en temps, et son coût en terme de compétences nécessaires, quelques jours avant ne semble pas perturber l'injection
cette technique reste aujourd'hui une méthode d'excellence. de Technicium périlésionnel quelques jours après) ou
Les études montrent qu'en l'absence d'examen extemporané, groupée avec le temps suivant si le diagnostic de mali-
environ 50 % des exérèses sont incomplètes [24]. Malgré cela, gnité paraît évident.
le taux de récidive reste relativement bas. Avec examen extem- Temps 2 : repérage du ganglion. Après anesthésie locale,
porané, le taux de récidive est très bas (= 1 %). une injection de Technicium TC 99m soufre colloïdal est réa-
lisée autour de la zone tumorale par un ophtalmologiste.
Technique de la biopsie À l'aide d'une gamma caméra de basse énergie munie d'un
collimateur de haute résolution, on repère la projection
du ganglion sentinelle cutanée du territoire de drainage lymphatique et donc
Initialisée en ophtalmologie par B. Ismaeli [3, 4], cette tech- du ganglion sentinelle. Cette étape n'est pas indispensable
nique est récente dans notre discipline. Elle vise à améliorer mais permet un premier repérage.
le pronostic vital des patients en pratiquant une biopsie Temps 3 : biopsie du ganglion. Le jour de la chirurgie sous
orientée du ganglion de drainage de la zone tumorale et en anesthésie générale, on injecte à nouveau du Technicium
réalisant un curage ganglionnaire en cas d'envahissement. TC 99m soufre colloïdal associé à 0,2 ml d'isosulfan blue ou
Elle s'adresse principalement aux tumeurs les plus bleu de méthylène. Puis, à l'aide d'une caméra à main, on
malignes ayant un fort potentiel de métastases : repère à nouveau le ganglion sentinelle et l'on effectue la
● mélanomes palpébraux et ou conjonctivaux ayant un biopsie. L'anatomopathologiste doit être prévenu afin d'uti-
indice de Breslow supérieur à 1 ; liser les techniques de coloration appropriées.
● carcinomes spinocellulaires moyen ou volumineux ; Temps 4 : en fonction des résultats de l'analyse du gan-
● carcinomes glandulaires ; glion, on pratiquera l'exérèse de la chaîne ganglionnaire
● tumeurs à cellules de Merkel. correspondante.
Les multiples possibilités de lambeaux doivent être adap- ● lambeau d'avancement temporal (Fricke, 1829) ;
tées en fonction de la pathologie causale. En effet, la prise ● lambeau cutané de région jugale (Dieffenbach, 1845)
en charge d'une paupière traumatisée ou d'une paupière [14, 15] ;
tumorale répond à des exigences différentes. La connais- ● lambeau bipédiculé (Tripier, 1889) [42] ;
sance de plusieurs attitudes chirurgicales possibles est ● lambeau vascularisé en îlot sur l'artère temporale
indispensable de façon à adapter au mieux le geste à réaliser (Monks, 1898) ;
pour obtenir un résultat esthétique et fonctionnel correct. ● lambeau unipédiculé (Dupuy-Dutemps, 1901 puis 1927) [13] ;
● lambeau nasogénien (Tessier, 1960) [9] ;
● lambeau temporojugal de rotation (Mustardé, 1971) [33].
Rappel historique
Différents lambeaux (figure 3.1) dont certains sont encore Généralités
largement utilisés de nos jours ont été décrits et modifiés
par la suite. Ils seront effectués dans les lignes de Langer : Il existe différents types de lambeaux selon l'origine :
● lambeau d'avancement jugal de la paupière inférieure ● les lambeaux prélevés à distance présentent différents
(Graeffe, 1818) [28] ; inconvénients. Ils posent le problème de leur coloration,
84
3. Tumeurs palpébrales
LEM
B LRM
C
Figure 3.1
Plasties historiques palpébrales.
A. Lambeau de Dieffenbach, de Bürow, de Imré. B. Résection tumorale orientée dans les lignes du visage de relaxation maximale (relaxed skin
tension line [RSTL]), opposées aux lignes d'extensibilité maximale (LEM) ou line of maximum extensiblity. C. Lambeaux «alphabétiques» : il
s'agit de la plastie VY et de la plastie en W, bilobée en O, de la plastie «O to Z» (rhomboïdale ou losangique) et de la plastie en LLL.
85
Chirurgie palpébrale
de texture mais également de sensibilité. Par ailleurs, les ● les lambeaux de rotation : lambeau de Fricke par
lambeaux prélevés à distance sont plus épais, ce qui réduit exemple ;
leur mobilité et donc le résultat esthétique. Ils gardent ● les lambeaux de transposition-inversion.
néanmoins un intérêt non négligeable dans certains cas de Différentes règles doivent être appliquées dans la chirur-
grande mutilation où l'emploi des lambeaux de voisinage est gie des lambeaux péri-oculaires.
contre-indiqué ou bien très risqué pour la survie de ces derniers ; ● Le respect de l'identité [1, 3] est un élément essentiel ;
● les lambeaux locaux (dits de voisinage) présentent des en effet, il est préférable d'utiliser des structures identiques
avantages sur le plan cutané (coloration et textures proches ou, tout du moins, dont l'architecture est la plus proche
du tissu à remplacer) mais sont limités par leurs dimensions. possible de la structure à remplacer.
On distingue aussi, selon le mécanisme : ● La sécurité vasculaire doit être maximale pour espérer
● les lambeaux «alphabétiques» : il s'agit de la plastie VY des suites favorables sans risque de nécrose. La vasculari-
et de la plastie en en W, bilobée en O, de la plastie «O to sation des éléments employés doit être toujours préser-
Z», de la plastie en LLL de Dufourmentel, la plastie en Z vée pendant la réalisation du geste chirurgical. Différentes
(voire W dans les cas complexe) (figure 3.2) ; elle permet de associations sont possibles, par exemple l'association
traiter, sur le plan esthétique, des cicatrices rétractiles mais greffe et lambeau, lambeau et lambeau (même s'il existe
également certains épicanthus (voir figure 3.1) ; un risque de lymphœdème plus important que dans le
● le lambeau rhomboïdal [6] (voir figure 3.1) ; cas précédent). En revanche, l'association de deux greffes
● les lambeaux de glissement (qui correspondent au est à contre-indiquer pour des raisons de sécurité vascu-
décollement musculocutané des berges du déficit pour laire évidentes.
faciliter la fermeture). On en distingue plusieurs types : ● Le résultat fonctionnel est essentiel pour respecter les
– triangulaires ; structures de voisinage et en particulier l'œil. Ceci est parti-
– quadrilatères unipédiculés ou rectangulaires de culièrement vrai avec la paupière supérieure, dont on doit
Knappe (figure 3.3) ; toujours conserver le rôle d'élément protecteur indispen-
– quadrilatères bipédiculés. sable de la cornée.
60°
60°
B
Figure 3.2
Lambeau d'échange en Z.
A. La ligne centrale du Z est placée dans la cicatrice et deux contre-incisions sont réalisées à 60° de cette ligne. B. Plastie en Z multiple.
86
3. Tumeurs palpébrales
Figure 3.3
Lambeau de glissement rectangulaire de Knappe.
● En dernier lieu, la qualité de la suture reste un point pri- Lambeau rectangulaire de Knappe
mordial pour le résultat final. Cette dernière doit être soi-
gneuse et réalisée bien évidemment plan par plan. Le lambeau rectangulaire de Knappe [2, 7, 28] est utile dans
Les facteurs influençant la survie du lambeau sont : les déficits inférieurs (jusqu'à 75 % de la longueur palpé-
● la taille dont dépend la vascularisation ; brale) et limités à une atteinte de la lamelle antérieure.
● le terrain (sujet jeune, patient diabétique, etc.) ;
● la pression dans les vaisseaux assurant la nutrition du
lambeau ; La lamelle postérieure peut être comblée par un gref-
● le lieu de prélèvement (la région péri-orbitaire est une fon tarsoconjonctival prélevé en paupière supérieure
région propice à l'utilisation des lambeaux en raison de sa homolatérale.
grande vascularisation) ;
● la suppléance sanguine ; en effet, une suture sous trop
grande tension compromet la vascularisation et favorise le
risque d'infection et d'hématome ; Technique (voir figure 3.2)
● la biomécanique cutanée avec le respect des lignes de
Langer [6] et d'expression (voir figure 3.1b). La première incision est réalisée, après une canthotomie, en
La cicatrisation comporte différents phénomènes. direction du sommet de l'oreille sur une longueur de 3 cm.
Initialement, il existe une vasoconstriction avec apparition La seconde part de la partie inférieure du déficit en
d'un tissu de granulation. direction du lobe de l'oreille.
On note ensuite une contraction des berges vers le Le lambeau est clivé puis suturé au déficit.
centre due à des fibroblastes possédant des propriétés D'autres sutures ancrent le lambeau au périoste du
voisines de celles des cellules musculaires lisses (ceci a rebord latéral orbitaire.
permis la technique du « laissez-faire » pour des pertes
de substance n'excédant pas 1 cm2 au niveau de l'angle
interne). Lambeau de Mac Gregor
Par la suite, se produisent une épithélialisation (grâce
aux cellules épithéliales des berges et aux follicules) et une Technique (figure 3.4) [43]
maturation de la cicatrice pendant plusieurs mois.
Des sutures de traction palpébrale de Frost peuvent être Voici les différents temps opératoires :
mise en place en fin d'intervention afin de recouvrir la cor- ● on dessine une ligne semi-circulaire dans le pli supérieur
née et d'éviter des phénomènes rétractiles cicatriciels. de la patte d'oie ;
87
Chirurgie palpébrale
60°
60°
Figure 3.4
Lambeau de Mac Gregor inspiré de la plastie en Z et localisé à l'angle externe de l'œil.
● sur cette ligne, on dessine deux branches d'un Z à 60°, en Technique (figure 3.5)
prenant soin de laisser environ un centimètre entre l'angle
externe et la branche verticale du Z afin de permettre le Il consiste à réaliser l'exérèse de la lésion sous la forme de
glissement du lambeau ; deux triangles équilatéraux qui ont leurs bases en commun :
● on libère les adhérences de la paupière inférieure dans ● une incision après le marquage cutané au crayon dermo-
l'angle externe ; graphique est réalisée dans le prolongement de la base des
● on échange les deux lambeaux du Z et on peut prati- deux triangles en direction du nez. Sa longueur est égale à
quer le glissement, puis la suture de la partie restante de celle de la base des triangles ;
paupière inférieure. ● la deuxième incision part de l'extrémité de la précédente
avec un angle de 60°, sa longueur est le même que celle de
la première l'incision. Les incisions auront ainsi la même lon-
Avantages gueur que celle du déficit, et seront parallèles à ses bords ;
Il s'agit d'une technique simple directement issue de la plas-
● le lambeau est ensuite disséqué grâce à la laxité de la
tie en Z. peau nasale supérieure. Le lambeau sera dans son plus
Elle permet de combler des déficits de l'angle externe ou grand axe parallèle aux lignes de maximum extensibilité
de la paupière inférieure. permettant une suture du lambeau sans tension.
Inconvénients
Elle ne permet pas de combler un déficit supérieur à la moi-
tié de la paupière inférieure.
60°
Lambeau de glissement
trapézoïdal
Figure 3.5
Il a été décrit par Limberg en 1946 [27]. Lambeau de glissement trapézoïdal.
88
3. Tumeurs palpébrales
Figure 3.6
Lambeau toute épaisseur de paupière inférieure de Cutler-Beard.
89
Chirurgie palpébrale
Figure 3.7
Plastie de glissement de Tenzel.
90
3. Tumeurs palpébrales
Inconvénients
Technique (figure 3.8)
Il est réalisé en deux temps opératoires.
La longueur du lambeau est égale à celle du déficit palpé- Sa réalisation est plus délicate car elle nécessite de pré-
bral supérieur, moins un quart comblé par laxité. server de façon rigoureuse l'arcade vasculaire marginale.
Le lambeau doit être tracé du coté interne par rapport au Si la perte de substance est importante, un vaste lam-
pédicule pour permettre une rotation côté externe. Le point beau de rotation temporo-jugal doit être associé.
lacrymal et le canalicule doivent être préservés si possible.
Incision curviligne de la paupière inférieure partant du
bord libre descendant dans le fornix et remontant jusqu'à
3 mm du bord libre. Lambeau palpébral supérieur
Rotation du lambeau à 180° vers le bord libre non incisé, unipédiculé [2, 7–10, 28]
après avoir réalisé un lambeau jugal de taille variable sur la
partie externe de la paupière inférieure. On l'appelle lambeau de Fricke lorsque le lambeau est
Sutures du lambeau au déficit. dessiné sur la partie externe du front (figure 3.9) ; il peut,
Section du pont vasculaire, 3 semaines plus tard. de façon plus simple, être dessiné en paupière supérieure
(figure 3.10). Il correspond à l'équivalent externe du lam-
beau orbito-naso-génien de Tessier.
Avantages
Il permet de combler un déficit de plus de 30 % à la totalité Technique
de la paupière supérieure, tout en préservant le canalicule
lacrymal inférieur. Il s'agit d'un lambeau pédiculé rectangulaire de rotation.
Il est un des rares à permettre de reconstituer une bor- Le pédicule est supérieur, en dehors du canthus externe, à
dure ciliaire et remplace les éléments palpébraux par des hauteur de la perte de substance.
Figure 3.8
Lambeau de rotation d'Abbé-Mustardé.
91
Chirurgie palpébrale
Figure 3.9
Lambeau de rotation temporal de Fricke.
Figure 3.10
Lambeau de rotation à partir de la paupière supérieure, pour un déficit de paupière inférieure.
La zone de prélèvement doit être superficielle pour ne Son principal avantage est d'éviter l'apparition d'un ectro-
pas léser les filets du nerf facial. pion de la paupière inférieure après l'exérèse d'un processus
Dessin du lambeau de forme rectangulaire sur le front tumoral grâce à son rôle architectural de traction supérieure.
ou en paupière supérieure. Le lambeau est ensuite avancé Sa réalisation est souvent facilitée chez le sujet âgé par l'exis-
en paupière inférieure au niveau du déficit. tence d'un excès cutané au niveau de la paupière supérieure.
Sutures cutanées par points séparés. De même, un lambeau frontotemporal peut être trans-
posé en paupière supérieure.
Avantages
Inconvénients
Sa réalisation est simple et le risque de nécrose est faible.
Le résultat esthétique est souvent bon avec une cicatrice Seul, il ne permet de combler que des pertes de substance
localisée au niveau du pli palpébral supérieur. de la paupière inférieure limitées en épaisseur et en hauteur.
92
3. Tumeurs palpébrales
Sur le plan esthétique, le résultat est limité par le fait que 3. Association possible avec un greffon chondromuqueux
les cicatrices ne sont pas masquées dans les plis naturels du de muqueuse palatine ou tarsomarginal, ou tarsal pur pour
visage. recréer la lamelle postérieure palpébrale.
Avantages
Lambeau nasogénien de Tessier
Il s'agit d'un lambeau bien vascularisé avec un risque de
Il était utilisé initialement pour les pertes de substances nécrose réduit. Sa réalisation est simple.
nasales. Par la suite, il a été modifié par Tessier en 1960 [41] La cicatrice de prélèvement est peu visible puisqu'elle est
avec une base supérieure pour les pertes de substance pal- située dans un pli naturel, le pli nasogénien.
pébrale [5]. C'est un excellent lambeau pour les pertes de substance
interne de la paupière inférieure avec une très bonne stabi-
lité de la zone de déficit. En effet, il crée, par son épaisseur,
Technique (figure 3.11) un «hamac cutanéomusculaire» stabilisant l'angle interne.
Il est possible de l'associer à d'autres lambeaux dont le
1. Dissection d'un lambeau cutané à base supérieure pédi- lambeau temporojugal.
culé depuis l'angle interne jusqu'à l'aile du nez. Il entraîne moins de complications qu'un lambeau de type
2. Transposition du lambeau par rotation. Mustardé avec, entre autre, un affaissement palpébral moindre
mais également un décollement musculocutané moins étendu.
Inconvénients
Les éléments constitutifs de ce lambeau sont plus épais que
l'ensemble des éléments formant une paupière (malgré cela
le résultat esthétique est souvent bon).
Il présente un pédicule étroit qui peut être à l'origine
d'un bourrelet cutanéograisseux disgracieux nécessitant un
geste chirurgical secondaire à visée esthétique.
S'il est utilisé pour reconstruire la lamelle antérieure, il pré-
sente l'inconvénient de ne pas recréer une bordure ciliaire.
Avantages
Figure 3.11 Il permet de combler des pertes de substance horizontales
Lambeau nasogénien de Tessier. de 8 à 10 mm de haut.
93
Chirurgie palpébrale
Figure 3.12
Lambeau de drapement palpébral de type blépharoplastie.
Figure 3.13
Lambeau de rotation temporojugal de Mustardé.
Figure 3.15
Lambeau bipédiculé de paupière inférieure selon Tripier.
96
3. Tumeurs palpébrales
Figure 3.16
Lambeau d'abaissement du bloc conjonctivo-müllérien de Kollner-Hughes.
Figure 3.17
Lambeau de Kollner-Hughes oblique.
98
3. Tumeurs palpébrales
Figure 3.18
Lambeau frontoglabellaire médian de rotation.
4. Descente du lambeau au niveau de la zone de déficit. La cicatrice médiane de prélèvement sera située dans
5. Décollement des berges frontales pour faciliter la suture les plis de froncement des muscles corrugateurs présents
et fermeture par points séparés. naturellement à partir d'un certain âge ; cette dernière sera
Deux ou trois semaines plus tard, plastie éventuelle à la base donc peu visible.
du lambeau pour supprimer le bourrelet créé par la rotation, sans
oublier de vérifier auparavant la vascularisation de ce dernier.
Inconvénients
Avantages La cicatrice médiane peut être inesthétique devant une
grande perte de substance imposant la réalisation du lam-
Ce lambeau est idéal pour les pertes de substance localisées beau jusqu'à la racine des cheveux.
au niveau du canthus interne et de la racine du nez. Il nécessite une dissection prudente afin de respecter la
Il est bien vascularisé (les différents éléments de ce lam- richesse vasculaire de cette région, et en particulier les vais-
beau sont nourris par les vaisseaux glabellaires), le risque de seaux glabellaires ; la lésion de ces derniers peut être respon-
nécrose est donc limité. sable de saignements peropératoires gênant la réalisation
Ce lambeau est relativement simple dans sa réalisation du geste chirurgical d'une part, et pouvant entraîner un
en raison de la laxité des téguments de la région inter-sour- hématome postopératoire source d'infection potentielle
cilliaire, permettant une bonne mobilité. d'autre part.
99
Chirurgie palpébrale
Figure 3.19
Lambeau frontal V-Y de glissement.
100
3. Tumeurs palpébrales
Figure 3.20
A. Lambeau de glissement bipalpébral associé à une greffe cutanée. B. Lambeau pédiculé temporal.
Il permet de combler des pertes de substance de tailles tale du lambeau, la topographie et la profondeur du déficit.
variées. Dans les grandes pertes de substance, il peut être asso- Le déficit idéal est de forme ronde ou ovale pour permettre
cié à une greffe cutanée ou bien à un lambeau frontoglabellaire. une bonne apposition :
Le résultat esthétique est en général bon puisque les ● la longueur verticale du déficit, avec un angle de
tissus utilisés ont une texture proche de celle du tissu à 45°, permettra de déterminer le centre de rotation du
remplacer. lambeau ;
Il peut être utile en cas de radiothérapie où les greffes ● à partir de la longueur horizontale du déficit et du centre
larges présentent un risque considérable de nécrose. de rotation, un arc de cercle sera tracé au marqueur (selon
Il n'utilise pas les paupières controlatérales et le tarse un arc de cercle au-dessus du nez) ;
(peu de risques d'instabilité palpébrale). ● l'incision du lambeau se fera au bistouri et n'intéressera
Le risque de nécrose est faible. que le derme. Elle débutera au bord supérolatéral du défi-
Les cicatrices sont peu visibles. cit, puis sera poursuivie selon l'arc de cercle. Il sera ensuite
disséqué aux ciseaux, son épaisseur dépendra de celle du
déficit ;
Inconvénient
● il sera suturé aux berges du déficit après avoir été ancré
par deux points au lit du déficit ;
Un repli peut apparaître au niveau de la suture des deux ● un pansement compressif sera mis en place pendant
lambeaux ; celui-ci sera prévenu par un léger évidem-
24 heures.
ment sur le bord inférieur du lambeau supérieur qui ne
devra pas être excessif (risque de tension).
Avantages
Sa réalisation est simple.
Il évite les cicatrices verticales dans les plis naturels du
Lambeau d'avancement massif nasal. On n'observe pas de bourrelet cutanéograis-
transnasal [11, 31, 35, 36] seux disgracieux à la base du nez comme dans les lambeaux
frontoglabellaires.
Technique (figure 3.21) On n'obtient pas de déplacement médial des sour-
cils.
Plusieurs paramètres importants sont à prendre en compte, Une contre-incision controlatérale d'Imré permet d'ac-
en particulier la longueur verticale et la longueur horizon- croître la longueur du lambeau.
101
Chirurgie palpébrale
Figure 3.21
Lambeau d'avancement rotation transnasal.
Inconvénients
Il peut être utilisé uniquement pour un déficit de l'angle
interne de taille minime à modérée.
Le port des lunettes est déconseillé pendant la période
de la cicatrisation [36].
Lambeau de périoste
Il a été décrit par Weinstein [46].
Figure 3.23
Technique du greffon tarsomarginal de Hübner appliquée à un déficit de plus de la moitié de la paupière supérieure.
● dissection du fascia temporal au-dessus du muscle tem- Il s'agit d'un lambeau de voisinage, évitant le recours à
poral avec son pédicule vasculaire ; d'autres lambeaux plus éloignés et donc de réalisation plus
● mise en place du lambeau avec sa vascularisation au délicate.
niveau du déficit par passage sous-cutané. Il est rendu possible par la richesse et la constance du
Second temps : réseau artériel temporal mais également veineux.
● le lambeau, après avoir été mis en nourrice, sera recouvert
d'une greffe de peau totale (prélevée au niveau du creux
sus-claviculaire) ou de peau mince (prélevée au niveau des Inconvénients
membres inférieurs sur la cuisse) ; Sa réalisation est difficile, elle nécessite de respecter, lors de la
● ce second temps sera réalisé si le lambeau doit être fendu dissection, le réseau temporal superficiel au risque de com-
secondairement pour reconstruire les deux paupières et promettre la vitalité du lambeau et donc la réparation palpé-
que le réseau nourricier ne le permet pas durant le premier brale ; en effet, le réseau de drainage veineux est très fragile.
temps de la procédure ; Du fait de cette difficulté, la réalisation est longue.
● une variante consiste à utiliser l'artère temporale comme Il nécessite une greffe cutanée ce qui n'est pas le cas avec
support d'une «pastille» cutanée pouvant remplacer le un lambeau frontal par exemple.
sourcil (figure 3.24). Lorsqu'une radiothérapie est utile en cas de pathologie
tumorale, sa vitalité peut être compromise.
Avantages
Il apporte une grande quantité de tissu pour combler des
pertes de substances palpébrales supérieure et inférieure,
Conclusion
mais également des pertes de substances plus importantes Il existe de nombreuses possibilités chirurgicales permet-
de la région péri-orbitaire (joue, front et sourcils). tant de traiter les pertes de substance palpébrale variées.
Les résultats esthétique et fonctionnel sont souvent Chaque praticien doit connaître les différentes possibilités
bons, une fois la greffe cutanée réalisée. qui s'offrent à lui pour pouvoir choisir la technique chirur-
Outre la quantité de tissu apportée, la texture du fascia gicale en fonction des avantages et des inconvénients de
temporalis permet aux paupières de retrouver une texture chacune.
et une souplesse impossibles avec un lambeau frontal par
exemple.
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3. Tumeurs palpébrales
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105
Chirurgie palpébrale
108
Chapitre 4
Traumatologie palpébrale
J.-P. Adenis, P. Camezind
PLAN DU C HAPITRE
Réparations palpébrales
dans les traumatismes palpébraux 110
Principes généraux de réparation palpébrale 110
Différents traumatismes et leurs réparations 110
Conclusion 116
Traumatologie des canalicules 116
Clinique et indications thérapeutiques 116
Réparation des canalicules lacrymaux 120
Conclusion 128
Chirurgie palpébrale
© 2018, Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés
Chirurgie palpébrale
110
4. Traumatologie palpébrale
1
2
3
4
Vicryl 6/0
Prolène 6/0
Figure 4.2
Variante avec nœuds enfouis.
A 5.0
8/0
5/0
B C
4
4
Figure 4.3
3 Suture au monofilament d'une plaie canaliculaire.
3 2 A. Mise en place d'une suture de Vicryl 5/0 entre le chef
profond du muscle de Duverney-Horner et la partie externe
1 du tarse. B. Mise en place d'une suture de monofilament 8/0
2 à la partie la plus profonde de la section canaliculaire. C. Mise
en place des sutures 8/0 aux points cardinaux de la section.
0 D. Mise en place de Stéri-Strips™ sur les sutures de 8/0 dans
un ordre précis de la profondeur vers la superficie. E. Serrage
D 1 E définitif des sutures.
c analiculaire «minimonoK» que l'on met en place à partir La suture du releveur peut s'accompagner d'un ptosis si
du point lacrymal, puis vers le sac lacrymal et qui sera lais- on laisse persister une déhiscence, ou d'une rétraction, voire
sée en place 2 à 3 semaines. d'une simple lagophtalmie vers le bas, si on a trop plicaturé
4. Le point de rapprochement résorbable type Vicryl 5/0, le muscle ou l'aponévrose, ou par fibrose secondaire.
mis en place avant le serrage des points de monofilament, La paupière sera suturée au moignon canthal interne par
est alors serré permettant de serrer ensuite les sutures cana- du fil résorbable. En cas de plaie canaliculaire supérieure,
liculaires sans risque de section et avec la tension minimale elle sera suturée de façon identique à une plaie canaliculaire
(figure 4.3). inférieure. Comme toujours, chaque plan sera suturé sépa-
rément en commençant bien entendu par le plan profond
Avulsion de la paupière supérieure et en évitant les sutures à nœuds postérieurs.
La rupture se fait au niveau de l'angle interne et du tarse [3]
ou dans le cul-de-sac au niveau du pli palpébral supérieur.
On doit toujours vérifier l'intégrité du muscle releveur de la
Avulsion de l'angle interne
paupière supérieure et de son aponévrose ; en cas de plaie Elle est rare et s'associe souvent à une fracture orbitaire
de celle-ci, elle sera suturée au Vicryl 6/0 et ramarrée au interne ; le signe caractéristique est la dystopie canthale.
bord supérieur du tarse (figures 4.4 et 4.5). Numéro entouré. Après vérification de l'intégrité du système lacrymal
112
4. Traumatologie palpébrale
Figure 4.4
Plaie de la paupière supérieure complexe comportant une plaie
du releveur.
Figure 4.6
Différents lambeaux en pathologie traumatique palpébrale.
Réparation secondaire
de pertes de substance palpébrale
Figure 4.5 Relativement rare en traumatologie, leurs réparations
Après suture du releveur, présence d'une légère lagophtalmie nécessitent l'utilisation de lambeaux et de greffes. Lorsque
dans le regard vers le bas.
ce traitement ne peut être réalisé en urgence, il convient
de protéger le globe oculaire soit par traction de la pau-
e xcréteur (suivie de leurs réparations éventuelles en cas pière saine par un fil de traction passé dans le bord libre et
de lésion) et un bilan radiologique complet (tomodensi- maintenu à la peau au moyen de Stéri-strip™, soit par un
tométrie), il convient de réaliser une canthopexie interne recouvrement conjonctival en cas de déficit majeur palpé-
transnasale par l'intermédiaire de fils d'acier sertis. bral supérieur et inférieur.
● les lambeaux de glissement correspondant au décolle- ou bien dans la région sus-claviculaire. Maintenue en
ment myocutané des berges d'une perte de substance ; place par des points séparés de fils non résorbables 6/0,
● les lambeaux d'avancement correspondant soit au lam- elle peut être trouée en plusieurs endroits (ce qui permet
beau rectangulaire de Knappe, soit à une plastie en YV, soit son allongement ainsi que l'évacuation d'un éventuel
à une plastie en losange ; hématome). On doit toujours assurer sa contention au
● les lambeaux de transposition et de rotation : le lambeau moyen d'un bourdonnet sur lequel des chefs longs de
temporofrontal, temporojugal à pédicule supérieur, pal- suture sont noués et enlevés à J5, permettant l'applica-
pébral supérieur à pédicule externe, palpébral supérieur à tion parfaite de la greffe.
pédicule interne, nasogénien, frontal médian ; Les greffes muqueuses : la conjonctive représente le
● la plastie en Z tenant une place toute particulière en meilleur tissu. À défaut, on utilisera la greffe de membrane
chirurgie reconstructrice, permettant d'inverser de 90° l'axe amniotique ou la greffe labiale supérieure ou inférieure
d'une cicatrice verticale dans le but d'éviter une éventuelle (rétraction postopératoire d'un tiers environ).
cicatrice rétractile verticale. Selon la longueur de la cicatrice, Les greffes de cartilage : elles sont prélevées le plus sou-
l'on peut associer plusieurs Z [1] ; vent dans la région rétro-auriculaire. À défaut, l'utilisation
● le lambeau tarsoconjonctival supérieur ou inférieur per- du cartilage allaire est possible [3, 7].
mettant de reconstituer une lamelle postérieure ; son prin-
cipal inconvénient réside dans la nécessité d'une chirurgie
reconstructrice en deux temps distante de trois à quatre
semaines environ.
Greffes
Elles sont utilisées de façon courante en chirurgie recons-
tructrice et se distinguent en greffes cutanées, greffes
muqueuses, greffes cartilagineuses et greffes composées
comme les greffes mucopalatines.
Les greffes cutanées (figures 4.7 à 4.13) : on préfère de
loin les greffes de peau totale aux greffes dermo-épider-
miques (ayant pour principaux inconvénients les pigmen-
tations secondaires ainsi que les cicatrices rétractiles). Ces
greffes de peau totale sont prélevées au mieux en pau- Figure 4.8
pière supérieure, à défaut dans la région rétro-auriculaire Ectropion palpébral supérieur et inférieur après brûlure de la
région orbitofaciale.
Reconstruction de la paupière par greffe.
Figure 4.7
Perte de substance post-traumatique de la paupière inférieure :
comblement en urgence par différents lambeaux dont le lambeau Figure 4.9
de rotation temporofacial de Mustardé. Cure de l'ectropion palpébral supérieur par greffe de peau.
114
4. Traumatologie palpébrale
Figure 4.12
Comblement de l'ectropion cicatriciel par une greffe de peau
prélevée en paupière supérieure.
Figure 4.10
Cure de l'ectropion palpébral inférieur par une large greffe de
peau (même patient que figure 4.9).
Figure 4.13
Aspect postopératoire. Disparition de l'ectropion.
Indications opératoires
Lorsque le déficit est faible, un simple décollement des
berges suivi d'une suture bord à bord est réalisable.
Lorsqu'il est plus étendu, un lambeau de glissement
Figure 4.11 suturé sans tension est souhaitable. Lorsque le déficit est
Ectropion de la paupière inférieure après brûlure palpébrale. de toute épaisseur mais ne dépasse pas un quart de lon-
gueur palpébrale et qu'il atteint le bord libre, une excision
pleine épaisseur des berges suivie d'une suture en deux
Les greffes composées : préférées en cas de reconstruction plans est réalisable.
de l'intégralité de la lamelle postérieure, la greffe composée En cas de perte de substance isolée du plan profond (éven-
tarsoconjonctivale prélevée en paupière supérieure homo- tualité très rare), selon l'importance du déficit, une suture
ou controlatérale donne d'excellents résultats. À défaut, on simple bord à bord ou bien une greffe tarsoconjonctivale
peut utiliser la greffe de muqueuse palatine, en étant pru- peut être envisagée.
dent, vers l'arrière lors du prélèvement en raison du risque En cas de perte de substance de pleine épaisseur, diffé-
hémorragique. rentes réparations peuvent être envisagées :
115
Chirurgie palpébrale
● lorsque le déficit est égal à un quart voire un tiers de la greffes et de lambeaux. L'examen complet de l'œil et des
paupière (supérieure ou inférieure), une suture bord à bord voies lacrymales doit être systématique devant tout trau-
précédée d'une canthotomie externe, selon la technique de matisme orbitopalpébral.
Tenzel associée, permet une suture sans tension (section du
chef supérieur ou inférieur du tendon canthal externe selon
la localisation palpébrale supérieure ou inférieure du déficit) ; Références
● lorsque le déficit est supérieur au tiers de la paupière,
[1] Adenis JP, Dourlhes N. Les cicatrices palpébrales. Ophtalmologie
un recouvrement conjonctival est pratiqué en urgence si 1994 ; 8 : 304–6.
l'opérateur n'est pas habitué à la chirurgie palpébrale et [2] Adenis JP, Morax S. Pathologie orbito-palpébrale. Société française
que la cornée est exposée, puis différentes reconstructions d'ophtalmologie. Paris : Masson ; 1998. p. 133–64.
associant greffe de lamelle postérieure/lambeau de lamelle [3] Adenis JP, Morax S. Chirurgie palpébrale. Paris : Doin ; 1991. p. 61–95.
[4] Collin JR, Rose GE, Spalton DJ. The eyelids. In : Spalton DJ,
antérieure [8], lambeau de lamelle postérieure/greffe de Hitchings RA, Hunter PA, editors. Atlas of clinical ophthalmology.
lamelle antérieure, ou bien association de deux lambeaux London : Wolfe ; 1994. p. 61–95.
sont envisageables. Elles sont décrites au chapitre consacré [5] Ducasse A, Segal A, Thelliez E, et al. Les plaies de paupières. In :
aux tumeurs palpébrales. Il est toutefois important de sou- Étude rétrospective sur 6 ans. Bull Soc Ophtalmol Fr94 ; 1994.
p. 727–32.
ligner que les déficits complets palpébraux secondaires à
[6] Morax S, Benia L. Traumatismes et chirurgie plastique des paupières.
un traumatisme sont rares. In : Encycl Méd Chir. Ophtalmologie. Paris : Elsevier ; 1985. p. 1–18.
21-100-D-10.
[7] Morax S, Ameline-Audelan V, Benia L. Traumatismes et chirurgie
plastique des paupières. In : Encycl Méd Chir. Ophtalmologie. Paris :
Conclusion Elsevier ; 1998. p. 1–18. 21-100-D10.
[8] Tripier L. Lambeau musculocutané en forme de pont. In : Gazette
La reconstruction palpébrale post-traumatique nécessite Hop Civils et Milit ; 1889. p. 62.
une connaissance parfaite des différentes techniques de
116
4. Traumatologie palpébrale
Lésions associées
Atteinte du globe oculaire (figure 4.16)
L'atteinte oculaire est relativement peu fréquente, de 16,6
à 18,7 % environ [3]. Elle est retrouvée plus souvent en cas
d'accident de la voie publique, et en cas de lésion canalicu-
Figure 4.14
Plaie du canalicule lacrymal par section siégeant près du point Figure 4.16
lacrymal. Plaie du canalicule supérieur associé à une plaie.
117
Chirurgie palpébrale
Dans des cas particuliers (patient pusillanime ou agité), Tableau 4.1. Étiologies des plaies canaliculaires
cette recherche pourra être réalisée au bloc opératoire sous en pourcentage selon plusieurs études.
anesthésie générale et avant la mise en place des champs Royer et al. Fayet et al. Hugues Ducasse
stériles. Il est évident qu'en cas de traumatisme oculaire [37] [21] [27] [19]
perforant, celui-ci doit être traité en priorité avant toute (1982) (1988) (1989) (1994)
réparation canaliculaire ou palpébrale autre. % (262 cas) (84 cas) (54 cas)
Pour Kennedy et al. [29], les lésions le plus souvent asso- % % %
ciées sont les lésions rétiniennes contusives maculaires ou Rixes 10 21,3 22,6 23 inf
rétiniennes (12,2 %), des lésions diverses incluant les éro- AVP 31 18,7 16,6 6 inf/9 sup
sions cornéennes (10,8 %), les hyphémas (6,8 %).
Morsures 11 16,7 27,3 34 inf/16
Autres lésions associées sup
Elles peuvent être locorégionales (lésions orbitaires, frac- Chutes 11,2 20,2 19 inf
tures de l'orbite, atteinte de la poulie du grand oblique, Divers 29 24,4 10,7
traumatisme crâniofacial, éventuellement associées à des
lésions neurologiques) ou générales, s'intégrant alors dans Inconnue 3 6,4
le cadre d'un polytraumatisme.
Mécanismes physiopathologiques Ceci a très bien été démontré par Fayet [20] qui, sur une
étude rétrospective de 295 cas sur 6 années, constate une
Quatre mécanismes peuvent être individualisés [37] : nette régression des accidents de la voie publique comme
● les plaies par section directe et franche, causées le plus première étiologie de traumatisme canaliculaire, alors qu'ils
souvent au cours d'une rixe (coup de poing, couteau), mais représentaient avant 1980 la cause la plus fréquente [37].
aussi par les accidents de la circulation, les éclats de verre. Ces résultats s'expliquent certes en grande partie par la
Elles atteignent le plus souvent la partie proximale. Elles fréquence croissante des rixes, mais aussi et surtout par les
sont de bon pronostic à condition qu'elles ne siègent pas mesures de prévention routière mises en place depuis plu-
trop en dedans prés du sac lacrymal ; sieurs années.
● les plaies par arrachement de la paupière, d'étiologies très Il est cependant important de souligner que cet ordre de
variées : morsure de chien, coup de patte d'animal, coup fréquence est à moduler selon l'âge des patients : avant 10
de crochet. Le siège de l'arrachement palpébral se situe ans, les morsures animales sont de loin les plus fréquentes ;
alors au niveau de sa zone d'attache la plus fragile : le can- à la trentaine, les rixes puis les accidents de la voie publique ;
thus interne, entraînant une rupture canaliculaire souvent après 60 ans, les chutes [9].
très interne, proche du sac lacrymal, de pronostic souvent En ce qui concerne les traumatismes lacrymaux de l'en-
moins favorable que lors d'un traumatisme direct ; fant par morsures canines (de loin les plus fréquentes avant
● les plaies contuses, résultent de dégâts causés par des la première décade), la fréquence est de l'ordre de 1 cas
explosifs ou bien par enfoncement direct d'un agent pour 1000 sujets [8]. Le plus souvent, il s'agit d'un animal
contendant. Elles s'accompagnent d'emblée d'une perte de proche de la famille [8, 13], et selon la race des chiens, la
substance canaliculaire, musculaire, et cutanée, source d'un taille de sa gueule peut englober complètement la face de
pronostic très médiocre ; l'enfant, à l'origine de dégâts autres se rajoutant aux lésions
● les traumatismes causés par des brûlures chimiques, ther- lacrymales.
miques ou par des radiations atteignent souvent les méats
lacrymaux, à l'origine de séquelles à type d'oblitération
méatiques ou canaliculaires externes.
Diagnostic
L'inspection suffit à elle seule, le plus souvent, en retrou-
Étiologies vant une plaie palpébrale transfixiante du bord libre située
en-dedans du point lacrymal inférieur et/ou supérieur.
L'ordre de fréquence actuellement établi retrouve comme L'examen direct à l'œil nu à l'aide de cotons tiges permet
cause principale [3] les rixes, devant les accidents de la voie même de visualiser, dans les cas simples, les deux extrémi-
publique, puis les morsures de chiens et enfin les chutes tés canaliculaires sectionnées sous la forme de formations
(tableau 4.1). annulaires blanchâtres caractéristiques.
118
4. Traumatologie palpébrale
Parfois, le diagnostic est plus difficile, surtout lorsqu'il En l'absence de ces situations défavorables, la majorité
s'agit d'un enfant en bas âge d'examen difficile ou d'une des auteurs s'accordent à reconnaître qu'une interven-
plaie ancienne avec un orbiculaire rétracté (on peut alors tion retardée aux 24 ou 48 premières heures n'aggravent
être amené à pratiquer un examen sous anesthésie générale pas le pronostic, surtout lorsque ce délai a été mis à
devant l'existence d'une plaie profonde suspecte du bord profit pour réunir les meilleures conditions opératoires
libre palpébral située en-dedans des méats lacrymaux, avec possibles [9, 12, 20].
réparation canaliculaire dans le même temps). Passé ce délai, les conditions locales se dégradent,
Rarement, la statique palpébrale peut être globalement augmentant la difficulté opératoire, et donc le pronostic
préservée, masquant le diagnostic, d'où l'intérêt d'un exa- final [16].
men très soigneux devant toute plaie palpébrale située
en dedans des méats lacrymaux. Dans de tels cas, l'ins- Mesures associées
pection recherchera un décalage anormal entre les méats
La prévention antitétanique doit être contrôlée. La préven-
homolatéraux, au besoin complétée par une exploration
tion antirabique doit être réalisée en cas de plaie par chien
douce (cathétérisme direct à la sonde de Bowman 00 à la
non connu ou suspect, auquel cas un contact rapide avec
recherche de la lésion canaliculaire et du contact osseux au
les services sanitaires doit être assuré.
lit du malade, lavage doux des voies lacrymales au sérum
fluoréscéiné).
Au bloc opératoire, sous microscope (et sous anesthé- Type d'anesthésie
sie adaptée au tableau clinique), le diagnostic deviendra Il dépend essentiellement de l'âge du patient, de la sévérité
évident et confirmera la plaie canaliculaire en visualisant les de l'atteinte canaliculaire, et des lésions associées.
deux extrémités sectionnées. L'anesthésie locale ne nous semble indiquée qu'en cas
de section canaliculaire des deux tiers externes, franche,
chez un sujet adulte coopérant sans autre lésion associée.
Indications thérapeutiques Dans ce cas, la réparation est réalisée sous anesthésie locale
Elles dépendent essentiellement du nombre de canalicules (Xylocaïne® éventuellement adrénalinée) [30, 31, 37], et on
atteints, ainsi que du siège de la plaie. se limitera alors à une suture simple, associée ou non à une
Bien entendu, l'exploration de l'ensemble des voies intubation canaliculaire.
excrétrices du système lacrymal est indispensable, et ce des Le plus souvent, l'anesthésie générale est préférable,
deux côtés. pour le confort du patient mais aussi du chirurgien, surtout
lorsque la réparation s'annonce complexe et que le siège de
la lésion est très interne.
De plus, un examen clinique général complet doit tou- Chez l'enfant, l'anesthésie générale est indispensable
jours être réalisé, et la recherche d'une plaie oculaire doit quelque soit le type de lésion canaliculaire retrouvée.
être une priorité. En cas d'atteinte oculaire, celle-ci doit
toujours être traitée en premier et précocement. Nombre de canalicules sectionnés
L'atteinte la plus fréquente se situe sur le canalicule
inférieur. Dans ce cas, le traitement fait appel aux tech-
Délai de prise en charge niques de réparation de suture simple bout à bout sous
Le traitement doit être réalisé rapidement : microscope opératoire au monofilament 8 ou 9/0 [1, 37],
● lorsqu'il existe un critère de gravité tel qu'une plaie ocu- associée ou non à une intubation monocanaliculaire à
laire associée, un délabrement cutané important rendant fixation méatique autostable, ou bien à une intubation
impossible un recouvrement cornéen satisfaisant ; bicanaliculonasale.
● en cas de plaie par morsure canine, Gonnering [23]
qui a montré que le risque infectieux n'était pas plus Lorsque la plaie siège sur les deux canalicules homo-
important en cas de suture précoce dans les 8 premières latéraux, nous préconisons une réparation des deux
heures, à condition de respecter certains principes, canalicules dans le même temps opératoire avec, une
notamment de laver abondamment la plaie et d'utiliser intubation systématique soit par deux sondes monoK ou
une antibiothérapie locale et générale de couverture à par une sonde bicanaliculonasale.
large spectre.
119
Chirurgie palpébrale
Réparation
des canalicules lacrymaux
Généralités
Dans tous les cas, une exploration peropératoire initiale
minutieuse sous microscope opératoire est un temps capi-
tal dans la prise en charge chirurgicale d'une plaie canalicu- Figure 4.18
laire [2, 10]. Anesthésie locale par carpules d'Alphacaïne®.
120
4. Traumatologie palpébrale
Installation du patient peuvent être utiles. Leur passage toujours possible dans les
voies aériennes impose l'emploi systématique d'un packing
Elle conditionne le confort du chirurgien et la réussite
oropharyngé ;
de l'opération. Après désinfection de toute la face à la ● la position des canalicules étant symétrique par rap-
Bétadine® (ou à défaut par l'Amukine®) et séchage, des
port à la ligne intercanthale, le sondage du canalicule sain
champs stériles sont placés de façon à dégager tout le
controlatéral jusqu'au contact osseux permet de deviner la
visage, et en particulier en particulier la bouche et le nez,
position éventuelle de la tranche de section.
pour permettre la respiration et le dialogue. L'opérateur
se place à la tête du patient pour une plaie externe, ou à
90 degrés pour une plaie profonde.
Réparation palpébrale
La réparation canaliculaire passe par la solidité de la répa-
Exploration de la plaie canaliculaire ration des tissus adjacents : paupière, tendon et canthal
interne permettant un bon affrontement des berges, et de
La qualité de l'exposition et l'emploi du microscope opé-
fait, une suture canaliculaire sans tension évitant ainsi les
ratoire conditionnent le repérage du canalicule sectionné.
désunions secondaires.
La compréhension du mécanisme (section par corps
La canthopexie médiale est la clef de voûte du montage :
étranger ou par arrachement) et de l'anatomie guide le
grâce à un fil résorbable (4 ou 5/0) positionné entre le tarse
chirurgien dans la recherche des fragments sectionnés :
latéralement et le chef profond du tendon canthal médial
proche du point lacrymal en cas de plaie par section,
(ou muscle de Duverney-Horner) [34] (figure 4.20).
proche du sac lacrymal en cas de plaie par arrachement.
Devant une plaie franche, relativement externe, les frag-
ments proximaux et distaux sont facilement retrouvés sous
forme d'un anneau blanchâtre laissant une lumière bien
Moyens et différentes
visible (figure 4.19). techniques chirurgicales
Lorsque la plaie est contuse, interne ou ancienne,
diverses modalités opératoires facilitent le repérage sans Suture canaliculaire isolée (figure 4.21)
aggraver les lésions : 1. Dissection des berges du canalicule de leur adhérence
● des tampons rigides ou des pinces sans griffe permettant avec l'orbiculaire sur 1 à 2 mm de chaque coté [2, 6, 10, 37],
de récliner les tissus de manière atraumatique ; en prenant bien garde de ne pas léser le canalicule, afin de
● une pince bipolaire assure l'hémostase ; positionner les sutures de façon correcte.
● les colorants mélangés à du sérum, tels que la Rifamycine®, 2. Un fil résorbable, 4 ou 5/0, positionné entre le tarse laté-
la fluorescéine ou l'Healonid® [7, 20, 34], injectés dans le ralement et le chef profond du tendon canthal médial (ou
canalicule homolatéral sain ou directement dans le sac, muscle de Duverney-Horner).
Figure 4.19
Plaie du canalicule apparaissant sous microscope opératoire Figure 4.20
comme un anneau blanchâtre sur lequel seront placées les Mise en place sous le canalicule sectionné d'une suture
sutures canaliculaires. résorbable 4/0 unissant le tarse au muscle de Duverney-Horner.
121
Chirurgie palpébrale
A 5/0
8/0
5/0
B C
4
4
Figure 4.22
Mise en place d'une suture au monofilament
3 noir 8/0 sur la berge du canalicule sectionné.
3 A. Mise en place d'une suture ou deux de Vicryl 5/0 entre
2
le chef profond du muscle de Duverney-Horner et la
1 partie externe du tarse. B. Mise en place d'une suture de
2 monofilament 8/0 à la partie la plus profonde de la section
canaliculaire. C. Mise en place de sutures de 8/0 aux points
0 cardinaux de la section. D. Mise en place de Stéri-Strips™ sur les
sutures de 8/0 dans un ordre précis, de la profondeur vers la
D 1 E superficie. E. Serrage définitif des sutures.
122
4. Traumatologie palpébrale
Figure 4.25
Mise en place d'une sonde monoK dans le canalicule.
Figure 4.23
Aspect histologique d'une plaie du canalicule entouré de tissu
Figure 4.26
conjonctif puis d'orbiculaire.
Utilisation d'une sonde creuse pour faire coulisser le fil de
Prolène permettant d'attirer la sonde monoK vers la narine.
Intubations
Intubation bicanaliculonasale (IBCN)
Sonde bicanaliculaire (figures 4.26 et 4.27)
La sonde bicanaliculonasale [2, 15, 18] est constituée par
une sonde en silicone sertie à chacune des ses deux extré-
mités à deux mandrins métalliques mousses et malléables.
Le sondage s'effectue suivant les règles du sondage des
voies lacrymales. La tige métallique apparaît dans la fosse
nasale sous le cornet inférieur.
Elle est ensuite récupérée au moyen d'une pince fine,
droite et à griffe, après avoir réalisé au moyen de la pince un
mouvement en battant de cloche permettant la libération
de la sonde de la paroi latérale de la fosse nasale et du cor-
Figure 4.24
net. Ce mouvement est primordial et représente un temps
Mise en place de Stéri-Strips™ sur les sutures canaliculaires
pour les placer dans un ordre précis, de la profondeur vers la capital de l'intubation bicanaliculonasale. La récupération
superficie. des tiges métalliques se fait l'une après l'autre.
123
Chirurgie palpébrale
Figure 4.27
Utilisation d'une sonde creuse pour faire coulisser le fil de Prolène Figure 4.28
permettant d'attirer la sonde monoK vers la narine (vue de profil). Sonde creuse de Ritleng.
124
4. Traumatologie palpébrale
Une sonde creuse est introduite par cathétérisme La mise en place du matériel doit être effectuée sans
direct « classique » dans chaque canalicule successive- tension, le bouchon étant introduit dans le méat lacrymal
ment. Deux solutions sont proposées pour faire passer au moyen d'un «pose-clou» après dilatation du point
l'intubation : lacrymal.
● la technique initiale qui consiste à faire coulisser un fil de Deux types d'intubation sont possibles, selon la lon-
nylon (Prolène 4/0) dans la sonde, à récupérer le fil dans la gueur du tube de silicone.
narine directement en cas d'extériorisation spontanée, ou
Intubation monocanaliculonasale (IMCN)
bien à l'aide d'un crochet. La sonde creuse est alors retirée,
La sonde présente un mandrin métallique unique, sa mise
et la traction sur le fil de nylon permet l'introduction du
en place étant comparable à celle d'une sonde bicanali-
tuteur en silicone dans la voie lacrymale.
culonasale. Après récupération du mandrin dans la fosse
● L'emploi de tuteur rigide [21] a longtemps limité leur
nasale (technique du « battant de cloche ») au moyen
utilisation, du fait d'une tolérance locale insuffisante pour
d'une pince de Kelly droite, la traction douce sur la sonde
obtenir une cicatrisation de bonne qualité [2, 11, 37]. Les
de silicone permet sa mise en place, et elle est sectionnée
tuteurs souples sont souvent suturés à la peau [10, 36].
au niveau du plancher des fosses nasales où elle reste libre
● la technique de P. Ritleng [35] : le Prolène comporte deux
sans contention [20].
zones, l'une fine pouvant sortir par la fente, l'autre permet-
Une variante à cette technique est représentée par la
tant le passage initial ; le tuteur en silicone étant solidarisé
sonde de Ritleng dans sa variante monocanaliculonasale :
au Prolène de façon solide par le constructeur.
à la place du mandrin métallique, un tuteur en silicone est
La sonde creuse présente une fente longitudinale de
solidarisé au fil de nylon par le constructeur, l'utilisation de
0,3 mm de large qui permet son retrait après mise en place
la même sonde creuse que celle décrite dans la sonde bica-
du fil de Prolène. On fait coulisser le fil de Prolène de dia-
naliculonasale permettant l'introduction du fil de nylon
mètre variable jusqu'à l'orifice de la sonde.
dans la fosse nasale. La sonde est ensuite sectionnée de
Le sondage est effectué avec la sonde munie de son fil de
la même façon et reste libre sans contention dans la fosse
Prolène, jusqu'au contact de la sonde avec le plancher des
nasale.
fosses nasales. On se retire alors de 1 ou 2 mm.
Elle est indiquée pour les plaies canaliculaires internes ou
On recommande d'orienter son ouverture inférieure
les plaies doubles [20].
vers l'avant et vers la cloison nasale.
On pousse sur le fil de Prolène avec un porte-aiguille Intubation monocanaliculaire
par l'orifice supérieur. On peut alors récupérer le fil dans vraie ou «minimonoK» (IMCV)
la narine directement, en cas d'extériorisation spontanée La sonde monocanaliculaire ne présente pas de mandrin
visible dans la narine sous microscope, ou bien à l'aide d'un métallique. Contrairement à l'IMCN, l'IMCV est comblée
crochet. avec du silicone, sa rigidité se trouve augmentée, et faci-
Puis, on sépare l'ensemble Prolène-Silastic de la sonde lite le passage direct du tube. De plus, l'absence de lumière
métallique, grâce à la fente longitudinale présente sur cette dans la sonde limite les risques de prolifération bactérienne.
dernière, en utilisant la partie fine du tube qui peut sortir La portion proximale du canalicule est intubée et la sonde
par la fente après avoir extériorisé la partie large. La solidari- est fixée dans le méat grâce à un adaptateur comme dans
sation du fil de Silastic au fil de nylon simplifie grandement l'IMCN. La portion distale du canalicule est intubée après
le passage du tuteur dans les voies lacrymales. section du silicone 2 à 3 mm au-delà de la plaie canalicu-
laire, permettant une adaptation du moyen de contention
Intubation monocanaliculaire monoK à chaque cas de figure.
L'apparition de la sonde monocanaliculaire à fixation méa- Elle est indiquée pour les plaies externes d'un seul cana-
tique autostable maintenue par son bouchon lacrymal licule [20]. Elle nous semble peu indiquée dans les plaies
dans le point lacrymal [38] autorise l'intubation monoca- doubles (supérieure et inférieure).
naliculaire et le maintien du tuteur in situ pendant tout le
Intubation bicanaliculaire annulaire
temps nécessaire.
La sonde est constituée par deux éléments : d'une part Actuellement, la plupart des auteurs se détournent de
une tête identique à un bouchon de Freeman, d'autre part cette technique jugée trop traumatisante pour les voies
une sonde en silicone de longueur variable fixée avec un lacrymales [2, 15, 16, 20, 21, 37, 40], aussi nous ne la décri-
angle de 90° par rapport au bouchon. rons pas.
125
Chirurgie palpébrale
Complications
Complications peropératoires
Elles sont essentiellement représentées par les fausses
routes et l'impossibilité de récupérer la sonde dans le nez.
126
4. Traumatologie palpébrale
Spécifiques
Complications liées au silicone
Bien supporté, le silicone n'est responsable que de rares
complications à type de canaliculites [2] et de granu-
lomes réactionnels ou botryomycomes, survenant sur-
tout au niveau des aspérités présentes sur un bouchon
lacrymal mal « fini » (figure 4.32). La réaction à des corps
étrangers dans le sac lacrymal est liée à la persistance
anormale de nœuds ou morceaux sectionnés de tube
dans le sac [17].
127
Chirurgie palpébrale
● Disparition de la sonde : soit par rupture de la sonde [20, [13] Billson FA, Taylor H, Hoyt H. Trauma to the lacrimal system in child-
21] ou par désunion du nœud d'arrêt, la survenue précoce ren. Am J Ophthalmol 1978 ; 86 : 834–9.
[14] Canavan YM, Archer DB. Long term review of injuries to the lacrymal
après le traumatisme est d'autant plus péjorative que la drainage apparutus. Trans Ophthalmol Soc UK 1979 ; 99 : 201–4.
plaie canaliculaire n'a pas été suturée. [15] Crawford JS. Intubation of obstruction in the lacrimal system. Can
● Extériorisation de la sonde : elle est l'apanage de l'IBCN J Ophthalmol 1977 ; 12 : 289–92.
[2, 20], et survient dans 7,1 % des cas en moyenne [20]. La [16] Dortzbach RK, Angrist RC. Silicone intubation for lacerated canali-
culi. Ophthalmic Surg 1985 ; 16 : 639–42.
boucle fait une saillie anormale dans l'aire de la fente palpé-
[17] Dresner SC, Codere F, Brownstein S, et al. Lacrimal drainage sys-
brale et les nœuds d'arrêt remontent dans le canal lacrymo- tem inflammatory masses from retained silicone tubing. Am
nasal. La suture des tubes de Silastic dans les fosses nasales J Ophthalmol 1984 ; 98 : 609–13.
prévient cette ascension. [18] Dryden MD, Beyer TL. Repair of canalicular lacerations with silicone
intubation. In : Levine MR, editor. Manual of oculoplastic surgery.
New York : Churchill Livingstone ; 1988. p. 21–5.
[19] Ducasse A, Segal A, Thelliez E, et al. Les plaies de paupières. Étude
Conclusion rétrospective sur 6 ans. Bull Soc Ophtalmol Fr 1994 ; 94 : 727–32.
[20] Fayet B. Traumatologie des canalicules lacrymaux. J Fr Ophtalmol
1990 ; 13(4) : 227–43.
En pratique nous utilisons :
[21] Fayet B, Bernard JA, Ammar J, et al. Contribution à l'étude des plaies
● des sutures canaliculaires au monofilament sous micros- récentes des voies lacrymales. A propos de 262 cas. J Fr Ophthalmol
cope opératoire dans tous les cas ; 1988 ; 11 : 627–37.
● associées à une intubation sous forme de monoK mise [22] Fayet B, Bernard JA, Pouliquen Y. Une sonde monocanaliculaire à
en place grâce à la sonde de Ritleng, dans les cas où la plaie fixation méatique autostable dans la réparation des plaies des voies
lacrymales. Bull Soc Oph Fr 1989 ; 6-7 : 819–25.
siège prés du sac ou si elle est complexe. [23] Gonnering RS. Ocular adnexal injury and complication in orbital
dog bites. Ophthal Plast Reconst Surg 1987 ; 3(4) : 231–5.
[24] Hawes MJ, Segrest DR. Effectiveness of bi-canalicular silicone intu-
bation in the repair of canalicular lacerations. Ophthalmic Plast
Références Reconstruct Surg 1985 ; 1 : 185–90.
[25] Hiebel F. Études des plaies récentes des voies lacrymales chez l'en-
[1] Adenis JP. Management of canalicular trauma. Eye 1988 ; 2 : 223–5. fant comparées à celles de l'adulte : à propos de 93 cas traités en
[2] Adenis JP, Longueville E. Plaies des voies lacrymales. In : Adenis JP, urgence. Paris-Val de Marne : Thèse médecine ; 1989.
Morax S, editors. Chirurgie palpébrale. Paris : Doin ; 1992. p. 265–75. [26] Hing SJ. A retrospective study of the lacrimal canaliculus injuries in
[3] Adenis JP, Longueville E. Traumatismes des voies lacrymales. In : Auckland. Trans Ophthalmol Soc NZ 1984 ; 36 : 72–3.
Adenis JP, Morax S, editors. Pathologie orbito-palpébrale. Rapport de [27] Hugues P. Traumatismes des canalicules lacrymaux. In : À propos de
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129
Chapitre 5
Chirurgie des cavités
et du sac conjonctival
J.-P. Adenis, T. Mourgues
PLAN DU C HAPITRE
Énucléation, éviscération et recouvrement
conjonctival 132
Implants macroporeux 137
Syndrome de l'orbite après énucléation
ou éviscération 139
Rétraction du sac conjonctival 143
Conclusion 147
Chirurgie palpébrale
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Chirurgie palpébrale
Figure 5.1
Technique d'énucléation avec recouvrement de la bille de céramique par un fragment d'aponévrose où sont fixés les muscles.
133
Chirurgie palpébrale
Figure 5.2
Utilisation d'un calibreur puis d'une pince à sucre avant l'introduction d'une bille dans une cavité d'éviscération.
134
5. Chirurgie des cavités et du sac conjonctival
6. La fermeture de la sclère en avant, qui doit se faire sans ten- Éviscération dite conservatrice
sion, nécessite une augmentation du volume scléral. La capsule
L'abord uvéal postérieur permet de garder un volume plus
de Tenon et la conjonctive seront fermées en deux plans séparés.
grand d'implantation puisque la cornée et l'ensemble de la
7. De nombreuses techniques ont été décrites pour per-
coque oculaire sont préservés. Nous utilisons deux tech-
mettre à la sphère amputée du dôme cornéen de se fer-
niques [3].
mer sans difficultés avec un implant de diamètre de 20 à
22 mm : incisions arciformes postérieures, transposition
d'un patch scléral suturé à la place de la cornée. Technique de la poupée russe
On réalise une incision conjonctivale au limbe sur
Une variante consiste à créer, sur l'insertion des muscles 360° et on coagule les vaisseaux périlimbiques. Puis,
droits, quatre rectangles de sclère, puis à enlever le reste on dégage les adhérences de la capsule de Tenon
du globe et à suturer en avant de l'implant ces quatre d'avec les muscles oculomoteurs loin vers l'arrière, de
rectangles. façon à permettre une mobilisation de la conjonctive
(figure 5.3).
Figure 5.3
Technique de la poupée russe.
135
Chirurgie palpébrale
On pratique ensuite l'ablation de la partie superficielle Ainsi, la bille est fixée entre les muscles comme un cor-
de la cornée et du limbe adjacent. Pour cela, on utilise un dage et sous l'auvent de la cornée et de la sclère restante,
couteau diamant réglé sur 200 microns qui permet d'effec- comme un parachute.
tuer 4 incisions sur des diamètres inclinés à 60° entre eux. À
l'aide d'un scarificateur, il est alors facile d'enlever les lamelles Éviscération sur table
superficielles de cornée à sommet central et dont la base
Elle a été décrite aussi sous le nom d'éviscération sur table
enlève les cellules germinales limbiques sur 1 à 2 mm.
par P. Barraco [4].
Dans un troisième temps, on incise la sclère en arrière
La surface rugueuse des implants en hydroxyapatite
de l'insertion des muscles oculomoteurs, d'abord au sca-
rend difficile leur introduction dans la sclère. Pour éviter ce
rificateur puis aux ciseaux, et ceci sur 360°. On essaie, au
problème, on peut pratiquer, selon la technique de Barraco
moins au début, de faire une incision non perforante pour
[4], d'abord une énucléation, puis vider sur la table d'opéra-
la choroïde sous-jacente, ce qui évite de vider trop le globe.
tion le contenu du globe.
Ensuite, à l'aide d'une large curette, on pratique l'ablation
On peut alors habiller facilement l'implant avec la sclère
du contenu du globe en prenant soin d'enlever la totalité
ainsi mise à nue sur table avec un implant de taille autour
de la choroïde et du corps ciliaire, même dans les zones res-
de 22 mm. Puis, on introduit aisément l'ensemble dans la
tant encore adhérentes.
cavité orbitaire pour fixer les muscles oculomoteurs sur la
Dès lors, à l'aide d'une pince à sucre, on introduit la bille
sclère.
derrière le segment antérieur restant, en passant de préfé-
rence par le quadrant temporal supérieur.
Implantation secondaire (figure 5.5)
On pousse la bille entre la coque sclérale postérieure
et la coque cornéosclérale antérieure à l'aide d'une pince Indication
à sucre. Les indications sont les suivantes :
● en cas d'infection nécessitant une période d'une quin-
Technique du parachute (figure 5.4)
zaine de jours d'élimination des germes après la mise à plat
La technique est la même jusqu'à l'étape 4 de la technique de la cavité ;
précédente. Dans cette technique, on sectionne ensuite le ● en présence d'un implant trop petit ou en l'absence
nerf optique et on enlève la coque sclérale postérieure et le d'implantation disponible lors de la chirurgie primaire ;
nerf optique attenant. ● pour d'autres raisons la sclère et son contenu ont été
On reprend ensuite, selon le même procédé la mise en enlevés et les muscles oculomoteurs laissés en place dans
place de la bille, en sachant que celle-ci devra être relati- l'orbite.
vement un peu plus volumineuse (prévoir d'augmenter le
diamètre de 1 à 2 mm), soit au total 21 à 22 mm. Technique
1. On réalise une incision conjonctivale horizontale dans la
cavité et on sépare le plan conjonctival de celui de la cap-
sule de Tenon jusque vers les culs-de-sac.
2. Le plus difficile est de retrouver les muscles oculomo-
teurs s'ils n'ont pas été marqués auparavant. Une fois l'extré-
mité antérieure repérée, on place une suture de Vicryl 5 ou
6/0 à ce niveau.
3. À l'aide de ciseaux, on crée un espace dans la graisse de
l'orbite postérieure.
4. Mise en place d'une bille de 20 mm environ, en évi-
tant de créer une tension excessive. La bille est entou-
rée d'aponévrose temporale, de fascia ou d'un treillis de
Vicryl.
5. Sutures des muscles oculomoteurs sur la face antérieure
de la bille.
Figure 5.4 6. Suture de la conjonctive et la capsule de Tenon en deux
Technique du parachute. plans superposés.
136
5. Chirurgie des cavités et du sac conjonctival
Figure 5.5
Implantation secondaire d'une bille recouverte d'aponévrose et fixée par les muscles oculomoteurs.
Clinique et physiopathologie
L'orbite anophtalme est différente de l'orbite normale.
Les modifications postopératoires sont esthétiques,
mais aussi anatomiques, physiologiques et fonction-
nelles. C'est en 1976 que Vitnes introduit la notion de
« syndrome de l'orbite anophtalme » [30], repris en
1982 par Tyers et Collin sous le terme anglais de post-
enucleation socket syndrome [28], dans la description des
symptômes inesthétiques rencontrés chez les patients
anophtalmes (figure 5.7A).
Figure 5.6
Lambeau conjonctivo-müllérien pour combler un déficit en
Ces symptômes, généralement plus marqués après
regard d'une bille en céramique (A). les énucléations qu'après les éviscérations, se défi-
B. À charnière inférieure. C, D. À charnière supérieure. nissent par :
● une énophtalmie ;
● une bascule postérieure de la prothèse ;
2. On retourne la paupière supérieure sur une plaque ● un approfondissement du creux sus-palpébral ;
en prenant un point d'appui 3 à 4 mm au-dessus du pli ● un ptosis ou une rétraction de la paupière supérieure ;
palpébral. ● un affaissement de la paupière inférieure Il peut s'y asso-
3. Au bistouri électrique monopolaire, on incise le plan cier un entropion ou un ectropion ;
conjonctivo-müllérien, 8 à 10 mm au-dessus du bord ● une dépression du creux sus-palpébral qui peut être
supérieur du tarse, puis on clive l'espace entre ce plan et évaluée selon la méthode de Smerdon [25]. Sur une photo-
l'aponévrose vers le bas, et on réalise deux traits de refend graphie de face du patient, on mesure, sur l'œil sain, la dis-
latéraux jusque vers le bord supérieur du tarse que l'on tance entre le bord libre de la paupière supérieure et le pli
peut inciser de 1 à 2 mm pour avoir un lambeau plus palpébral supérieur, et on la compare à la distance mesurée
grand. sur le côté opposé.
4. On se retrouve ainsi avec un lambeau à charnière infé- Plusieurs mécanismes physiopathologiques ont été
rieure que l'on va suturer dans le bord inférieur du déficit proposés :
pour avoir la conjonctive vers l'avant. ● la perte du volume liée à la suppression du globe, partiel-
5. On laisse le lambeau se vasculariser pendant 5 à lement compensée par l'implant ;
6 semaines, puis on sectionne son bord supérieur que ● une atrophie de la graisse orbitaire liée au traumatisme
l'on réattache sur la face postérieure de la paupière chirurgical ;
supérieure par des points en U de Vicryl 6/0 ; l'autre ● une rétraction tissulaire responsable de la perte de
bord sectionné est suturé dans la partie supérieure du volume, liée à la présence active de myofibroblastes dans
déficit. les cavités anophtalmes ;
Il existe des variantes avec un lambeau à charnière infé- ● une rotation du contenu orbitaire vers l'arrière pouvant
rieure et un lambeau torsadé sur 180°. expliquer les principaux signes du SOEE [22–26].
139
Chirurgie palpébrale
Reconstruction de l'orbite
anophtalme
Le premier traitement du SOEE est sa prévention.
L'énophtalmie est liée à la perte de volume du globe et
de quelques tissus environnants d'environ 7 à 10 ml, mal
compensée par le volume de l'implant et de la prothèse
(5 ml). Le volume de l'implant est une fonction directe de
son diamètre et varie en moyenne de 3 à 5,5 ml (tableau 5.1).
La prothèse a un volume de 1 à 1,5 ml. L'importance
du creux sus-tarsal accentue souvent l'énophtalmie. Leur
prévention est obtenue en augmentant le volume intra-
orbitaire de l'implant [13]. Lorsqu'aucun implant n'a été
placé auparavant, l'implantation secondaire est indiquée,
utilisant des billes sphériques en hydroxyapatite, silicone,
polyéthylène poreux Medpor® [6], ou Proplast® [12].
De même, les greffes dermograisseuses apportent de
bons résultats dans les reconstructions de seconde inten-
tion [11]. S'il existe déjà un implant, on augmente le volume
en introduisant des implants en position sous-périostée sur
le plancher, ce qui a pour effet de propulser en haut et en
avant le contenu orbitaire.
Implantation sous-périostée
Indications : enophtalmie modérée, pathologie orbitaire et
palpébrale secondaire à un déficit du plancher orbitaire.
140
5. Chirurgie des cavités et du sac conjonctival
3. Incision du périoste un peu en-dessous du rebord orbi- 4. Après une mini-ouverture septale la graisse est injectée
taire selon une ligne horizontale d'environ 30 à 35 mm. dans les trois poches précédemment utilisées, de la zone
4. On sépare l'espace entre le périoste et le plancher orbi- intraconique profonde vers la superficie. On utilise pour
taire le plus loin possible sur les côtés et en arrière, ce qui cela une aiguille mousse et une seringue de 1 ml afin d'être
créé un espace nécessaire à l'implantation. plus précis dans la répartition de la graisse injectée.
5. On peut utiliser pour l'implantation de l'hydroxyapatite
de synthèse, du silicone [14, 17], des blocs de Silastic® [18], Autres éléments
du Teflon® [19] ou du Proplast® [24].
de la pathologie palpébrale
Implantation intraconique Une hyperlaxité de la paupière inférieure est retrouvée dans
d'HA-TCP (figure 5.7C) 40 à 50 % des cas [29]. Le poids et la pression constante
exercés par la prothèse sont responsables de l'affaissement,
Nous avons modifié cette technique [1, 32] et obtenu ce qui augmente sa bascule, le risque d'expulsion et le creu-
de bons résultats en insérant dans la graisse orbitaire des sement sus-tarsal. Placer une prothèse plus grande accen-
implants d'Hydroxyapatite-Tricalcium-Phosphate ou de la tue les signes. Le traitement consiste à retendre la paupière
graisse orbitaire selon la technique de Coleman. inférieure, en suspendant le tendon canthal externe par un
Technique «tarsal strip» d'Anderson ou «bande tarsale». Lorsque le
cul-de-sac conjonctival inférieur est insuffisant pour main-
1. Incision cutanée bipalpébrale le long de la bordure tenir la prothèse, on l'approfondit en suturant le fornix au
ciliaire en paupière inférieure et dans le pli palpébral en périoste du plancher orbitaire [19] ; si la rétraction est plus
paupière supérieure. importante, une greffe de muqueuse buccale est souvent
2. Abord du septum orbitaire sur les deux paupières après nécessaire.
avoir séparé la lamelle antérieure myocutané du septum au Le développement postopératoire d'un ectropion en
bistouri électrique. paupière inférieure peut résulter d'une mauvaise adap-
3. Mise en évidence des cinq poches palpébrales : trois en tation de la prothèse, mais aussi de l'hyperlaxité pal-
paupière inférieure (médiale, médiane, latérale), deux en pébrale ou de la rétraction du cul-de-sac, responsables
paupière supérieure ; la poche latérale étant remplacée par également d'un entropion. Le traitement des ectropions
la glande lacrymale. consiste à retendre la paupière par canthoplastie ou
4. Le comblement s'effectue après ouverture du septum en à pratiquer une greffe cutanée s'ils sont cicatriciels. Les
regard des poches supéromédiale, inféromédiane et inférolatérale. entropions peuvent être traités par la technique « de la
5. Lorsqu'on utilise l'hydroxyapatite on ouvre le septum bande tarsale » ; lorsqu'ils sont cicatriciels, une greffe de
sur 10 mm et on introduit de petits fragments, larges cartilage rétro-auriculaire est souvent utile, parfois cou-
d'environ 6 mm de diamètre, à l'aide d'une pince longue plée à une greffe de muqueuse buccale afin d'approfon-
entre un rétracteur plat repoussant la graisse en dedans dir le cul-de-sac.
et le périoste orbitaire de l'autre côté. Le septum n'est pas Après une énucléation, un ptosis survient dans 14 % à
refermé, seule le plan myocutané est suturé au Nylon 6/0. 18 % des cas [24, 28]. Les rapports différents du muscle
releveur et du fornix supérieur avec la prothèse, ainsi
Implantation intraconique qu'une mauvaise adaptation de celle-ci en sont en par-
selon la technique de Coleman [6] tie responsables. Même s'il s'agit souvent d'un pseudo-
ptosis, on l'explique par une altération du releveur ou
Dans la technique de Coleman (figure 5.8A-H), on utilise un allongement fonctionnel de celui-ci, secondaire à un
des tubules de graisse d'environ 1 mm de diamètre : affaissement du complexe musculaire droit supérieur/
1. Ils sont prélevés par aspiration forte à l'aide d'une canule releveur.
creuse et d'une grosse seringue de 20 ml dans la région de
la graisse abdominale, de la fesse ou de la cuisse.
2. La graisse prélevée est ensuite soumise à une ultracen- Le traitement du ptosis ne se conçoit qu'après avoir
tifugation qui permet de séparer la graisse en tubules au adapté la prothèse, ce qui est parfois suffisant. Dans les
milieu, en sang en bas et en graisse liquide en haut. cas contraires, on pratique un traitement chirurgical par
3. Grâce à un robinet à trois voies, la séparation est résection du releveur ou suspension frontale.
effectuée.
141
Chirurgie palpébrale
Figure 5.8
Technique de Coleman.
A. Aiguille d'aspiration de la graisse. B. Prélèvement de graisse sur la cuisse par aspiration. C. Seringues remplies de graisse placées dans des
tubes noirs avant la centrifugation. D. Centrifugeuse. E. Trois niveaux dans la seringue : sang, graisse, huile. F. Séparation de l'huile. G. Robinet à
trois voies. H. Injection de graisse dans l'orbite.
142
5. Chirurgie des cavités et du sac conjonctival
143
Chirurgie palpébrale
Figure 5.9
Greffe de muqueuse fixée dans la cavité puis au rebord orbitaire.
A-C. En paupière inférieure. D. En paupière supérieure. E, F. Fixation sur paupière supérieure et inférieure.
Après large infiltration d'une solution de Xylocaïne®, le Cavités totalement rétractées, 3e degré
prélèvement se fait au bistouri. Le greffon obtenu est débar-
Indication : le processus de fibrose atteint la conjonc-
rassé des lobules graisseux.
tive, recouvre le tarse palpébral, et il ne subsiste plus
La zone de prélèvement de la greffe est coagulée, et
qu'une petite fente palpébrale, derrière laquelle on dis-
l'hémostase est faite secondairement par la mise en place
tingue une conjonctive fibreuse blanche et rétractée
d'un Surgicel® . Aucune suture n'est placée et l'épithélisation
[5, 16, 23].
est spontanée, entre 8 et 15 jours.
144
5. Chirurgie des cavités et du sac conjonctival
Figure 5.11
Prélèvement de membrane amniotique.
Figure 5.10
Prélèvement de muqueuse buccale.
et la reconstruction du sac conjonctival dans le même un lambeau de muscle temporal [30] et la reconstruction
temps, voire dans un deuxième temps. du sac conjonctival par un lambeau en îlot supra-sourcilier
On peut aussi combiner la mise en place d'un matériel de transposition [27]. Ce lambeau aura pour but de per-
hétérologue, sous forme d'implant ou de biomatériau (bille mettre l'expansion du sac conjonctival et de contenir dans
d'hydroxyapatite) pour corriger le déficit intraténonien par le même temps le biomatériau intraténonien.
Figure 5.16
Voie hémicoronale et séparation du muscle temporal de la fosse temporale osseuse.
146
5. Chirurgie des cavités et du sac conjonctival
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148
Chapitre 6
Troubles de la protection
cornéenne et conjonctivale
J.-P. Adenis, R. Servantie, P.-Y. Robert
PLAN DU C HAPITRE
Tarsorraphies 150
Règles générales 150
Techniques 150
Anomalies palpébrales et ophtalmopathie
dysthyroïdienne 151
Pathogénie de l'ophtalmopathie
dysthyroïdienne 151
Signes cliniques 152
Traitement 154
Symblépharons 163
Étiologies 164
Remaniements cicatriciels sous-épithéliaux 164
Clinique 164
Traitement 165
Chirurgie palpébrale
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Chirurgie palpébrale
Tarsorraphies
J.-P. Adenis, R. Servantie
Règles générales
La pathologie causale doit être bien connue dans son
pronostic afin de décider d'une technique provisoire ou
définitive.
La technique doit respecter au mieux l'anatomie pal-
pébrale et ses différents constituants afin de retrouver
une paupière presque ad integrum après l'ouverture de la
tarsorraphie. Ainsi, on évitera d'endommager la bordure
ciliaire, qui est un élément essentiel sur le plan cosmétique,
ainsi qu'une repousse irrégulière, source de dystichiasis ou
de trichiasis post opératoire.
On limitera au maximum la zone d'excision et on ne fera
une tarsorraphie totale que dans les formes majeures.
Figure 6.2
Trois méthodes d'avivement du bord libre.
Techniques (figures 6.1 et 6.2)
Les sutures sont ensuite serrées sur un bourdonnet de
Technique d'Elschnig coton ou sur un tube de silicone, l'essentiel étant de ne pas
provoquer de nécrose lors du serrage permanent des fils.
On réalise une incision intermarginale du bord libre sur une
longueur variable fonction de la gravité de la pathologie initiale.
Plusieurs sutures de soie noire 5/0 ou 6/0 sont mises en
place sous forme de sutures en U. Celles-ci entrent à 4 mm Il est nécessaire d'attendre un délai supérieur à dix jours
sur la paupière inférieure, cheminent dans le tarse, sortent et pour l'ablation des fils, de façon à obtenir un pont de
entrent dans l'incision intermarginale et ressortent à la peau qualité solide entre les deux paupières.
sur la paupière supérieure à 4 mm de la bordure ciliaire.
150
6. Troubles de la protection cornéenne et conjonctivale
Pathogénie de l'ophtalmopathie tibial). Ce deuxième antigène est porté par des fibroblastes,
mais il est encore impossible de savoir s'il est strictement
dysthyroïdienne identique et s'il est fonctionnel sur ces cellules.
Il en résulte une infiltration de l'orbite et des téguments
L'atteinte oculaire survient en association avec un trouble prétibiaux par des lymphocytes T. L'interaction entre les
hormonal thyroïdien et avec un trouble de l'auto-immunité lymphocytes T et les fibroblastes provoque la libération
thyroïdienne [3, 40, 41]. L'hyperthyroïdie est le trouble thy- de cytokines qui stimulent alors l'activité de certaines pro-
roïdien le plus fréquemment rencontré (90 à 95 % des cas), téines immunomodulatrices des fibroblastes orbitaires,
l'hypothyroïdie est peu fréquente (5 %). Le nombre des perpétuant ainsi la réponse auto-immunitaire dans le tissu
patients euthyroïdiens (5 %) se raréfie d'autant plus que l'on orbitaire. Certaines de ces cytokines, telles que l'interféron,
considère une longue période d'évolution de la maladie. l'interleukine, le facteur B de croissance, peuvent aussi sti-
Le mécanisme pathogénique actuellement admis de muler la prolifération des fibroblastes et l'accumulation
l'OD [11, 28, 56] repose sur l'existence d'un trouble auto- de glycosaminoglycanes par ces derniers au niveau des
immunitaire. L'antigène visé par les anticorps circulants au muscles oculomoteurs et des tissus conjonctivaux orbi-
niveau de la thyroïde est le récepteur de l'hormone TSH taires [40, 41, 57].
[3, 4]. L'étroite relation entre le début de l'hyperthyroïdie et Des facteurs non immunitaires, génétiques et/ou liés à
les manifestations non thyroïdiennes de la maladie sont le l'environnement sont susceptibles en outre d'influencer
meilleur argument actuel pour penser qu'il existe une com- l'apparition et la sévérité des signes et symptômes de l'oph-
munauté antigénique entre le récepteur de la TSH et un talmopathie thyroïdienne.
antigène orbitaire et cutané (responsable de l'œdème pré- Parmi eux, on retrouve les suivants.
151
Chirurgie palpébrale
154
6. Troubles de la protection cornéenne et conjonctivale
Figure 6.5
Traitement médical Type III.
Le traitement préférentiel de la phase aiguë comprend les
corticoïdes par voie systémique à la dose de 1 mg par kilo de Traitement chirurgical
prednisone pendant une durée de un mois (soit en moyenne
60 à 100 mg de prednisone par jour). Il peut être précédé Ainsi, durant la phase séquellaire, l'ordre des procédures
d'un traitement sur trois jours par bolus de Solumédrol®. chirurgicales comprend en premier la décompression orbi-
En cas d'échec, un relai peut être pris par la radiothérapie taire si elle est justifiée, afin de réduire avant tout l'exoph-
rétro-orbitaire avec des doses de l'ordre de 20 Gy. Celle-ci est talmie. La décompression agit de façon très modérée sur
surtout efficace dans les formes œdémateuses et se trouve les autres signes associés, dans la mesure où ils sont causés
particulièrement indiquée dans le syndrome de compres- ou accentués par l'exophtalmie, comme la neuropathie, la
sion du nerf optique à l'apex. La réponse à ces traitements rétraction palpébrale et la restriction de la motilité.
est obtenue pour la majorité dans les six semaines, faute de La deuxième étape comprend en général la correction
quoi une indication de décompression orbitaire peut être de la motilité oculaire, puis la correction de la rétraction
posée. La radiothérapie est efficace sur l'inflammation, mais palpébrale, pour laisser la dernière place à la blépharoplastie
peu sur l'exophtalmie et la rétraction palpébrale. esthétique. Cet ordre des indications en quatre étapes chro-
nologiques a été bien décrit par Shorr [52] ou dans l'arbre
thérapeutique proposé par Mourits [38] (tableau 6.1).
Traitement chirurgical
des anomalies palpébrales
Techniques d'allongement
En paupière supérieure
pour une rétraction primaire
Myotomie du muscle de Müller
par voie postérieure conjonctivale [6] (figure 6.6)
C'est une technique simple sans risque de déséquilibre pal-
pébral qui permet de corriger 1 à 1,5 mm de rétraction.
Technique 1
1. Mise en place de sutures de soie noire 6/0 sur le bord
Figure 6.4 libre de la paupière supérieure à l'aplomb des bords laté-
Type II. raux de la cornée.
155
Chirurgie palpébrale
Dysthyroïdie
Euthyroïdie
OT discrète 2ab, 3a OT sévère 2c, 3bc, 4 abc, 5a, 6a OT très sévère 5bc, 6bc
décompression orbitaire
en urgence
surveillance
TTT/ radiothérapie
corticothérapie
exophtalmie
défigurante ?
oui non
décompression
orbitaire
diplopie corrigée
par prismes ?
non oui
rétraction palpébrale ?
oui non
oui non
blépharoplasties, surveillance
poches
156
6. Troubles de la protection cornéenne et conjonctivale
Figure 6.6
Allongement palpébral par myotomie du muscle de Müller.
2. On retourne la paupière supérieure sur une plaque en 3. On réalise ensuite deux incisions latérales horizontales
tirant sur les fils de soie noire vers le haut pour mettre en sur la partie restante de l'aponévrose du releveur.
évidence la jonction conjonctive/Müller/tarse.
Chirurgie du releveur par voie cutanée [6, 32].
3. À l'aide d'un bistouri électrique, on réalise deux incisions
Recul du releveur avec sections des ailerons par voie
verticales d'environ 5 mm au-dessus du bord supérieur du
d'abord cutanée antérieure (figure 6.8)
tarse. Ceci permettra de visualiser, dans le fond, l'artère de
Technique 3
l'arcade marginale supérieure que l'on coagulera en dedans
Elle permet d'allonger la paupière supérieure de 2 à 3 mm.
et en dehors.
1. Incision cutanée longue de 18 mm dans le pli palpébral
4. Puis, on incise le bloc conjonctive muscle de Müller à
supérieur.
2 mm au-dessus du bord supérieur du tarse, en prenant
2. On sépare la lamelle antérieure myocutanée de ses adhé-
soin de ne pas inciser l'aponévrose du releveur sous-jacente.
rences d'avec le tarse vers le bas et d'avec le septum vers le haut.
5. On soulève, à l'aide d'une pince, le bloc conjonctive/
3. L'aponévrose et le muscle de Müller sont sectionnés à
muscle de Müller vers le haut pour libérer les adhérences
2 mm au-dessus du bord supérieur du tarse et les adhé-
trabéculaires qui relient le muscle de Müller à l'aponévrose
rences postérieures avec la conjonctive sont libérées. Deux
du releveur. On referme sans suturer.
incisions verticales latérales sont réalisées pour sectionner
Myotomies horizontale du Müller et combinées les ailerons latéraux et pour mieux mobiliser l'ensemble.
horizontale et latérales de l'aponévrose du releveur 4. Le muscle releveur est réinséré sur la conjonctive, mise
par voie postérieure conjonctivale [21] (figure 6.7) à nue 8 à 10 mm au-dessus de la zone de section par trois
Elles permettent d'allonger la paupière supérieure de 2 à points de Vicryl 6/0.
3 mm.
Technique 2
C'est une technique simple avec un peu plus de compli-
1. On réalise les cinq étapes précédentes en libérant au cations sur la stabilité du bord libre de la paupière supé-
maximum l'espace entre le Müller et l'aponévrose rieure que la voie postérieure. Plus simple est la section
2. On sectionne au bistouri électrique, par deux traits ver- isolée des ailerons du releveur [27] qui équivaut à une
ticaux, les ailerons du releveur. L'aileron latéral est plus large correction d'environ 2 mm de rétraction.
et plus épais.
157
Chirurgie palpébrale
Figure 6.7
Allongement palpébral par myotomies combinée muscle de Müller et aponévrose du releveur par voie postérieure.
Figure 6.8
Allongement palpébral par myotomies combinée muscle de Müller et aponévrose du releveur par voie antérieure.
Figure 6.9
Allongement palpébral supérieur avec interposition d'un greffon d'aponévrose temporale par voie antérieure.
● greffes synthétiques : Goretex® par exemple. Il convient 5. L'aponévrose et le muscle de Müller sont sectionnés à
mieux à la paupière supérieure où la mise en place est 2 mm au-dessus du bord supérieur du tarse et les adhé-
profonde qu'à la paupière inférieure où le risque d'exposi- rences postérieures avec la conjonctive sont libérées. Deux
tion est plus grand. Le risque d'exposition étant plus grand incisions verticales latérales sont réalisées pour sectionner
qu'avec les matériaux autogènes fait que nous les utilisons les ailerons latéraux et pour mieux mobiliser l'ensemble. On
très peu maintenant. peut aussi ne libérer que l'aponévrose et laisser le Müller en
place.
Technique avec un greffon temporal
6. On place le fragment d'aponévrose verticalement en
Technique 4 :
suturant le coté de 12 mm au bord supérieur du tarse et le
1. Dans un premier temps, on effectue le prélèvement de
bord supérieur au bord inférieur du releveur à une distance
l'aponévrose temporale, grâce à une incision verticale cuta-
variable dépendant de la rétraction d'origine et permettant
née partant un peu au-dessus du tragus et se terminant
à la paupière supérieure de recouvrir le limbe supérieur de
au niveau de la ligne semi-circulaire courbe d'insertion du
2 mm au moins sur table opératoire.
muscle temporal.
2. On libère les adhérences du plan dermique profond En paupière supérieure
d'avec l'aponévrose temporale en essayant de respecter pour une rétraction secondaire
l'artère temporale et ses branches. Il est alors facile de pré-
lever un morceau rectangulaire d'aponévrose temporale de Dans ce cas, on pratique un recul anatomique du ou des
1,2 par 2 cm que l'on ajustera à la hauteur voulue ensuite en droits inférieurs par voie conjonctivale, associée fréquem-
paupière supérieure. ment à un recul de la conjonctive qui participe au proces-
3. Incision cutanée dans le pli palpébral supérieur longue sus de fibrose. Le muscle droit inférieur sera réinséré là où
de 18 mm. il se positionne quand le globe est placé en position de
4. On sépare la lamelle antérieure myocutanée de ses repos droit vers l'avant. Le recul peut parfois atteindre 15
adhérences d'avec le tarse vers le bas et d'avec l'aponévrose, à 16 mm le muscle droit étant réinséré à la hauteur des
puis le septum vers le haut. vortiqueuses.
159
Chirurgie palpébrale
En paupière inférieure pour une rétraction primaire Technique par voie cutanée
(figure 6.10) Technique 5
1. Dans un premier temps, on effectue le prélèvement de
La résection simple des rétracteurs par voie conjonctivale est
cartilage rétro-auriculaire, la mise en place de deux crochets
peu efficace, 1 mm maximum, et il est préférable de la faire
sur le bord libre du pavillon auriculaire qui est basculé sur
aux ciseaux [23].
une compresse pour exposer sa face interne.
L'allongement palpébral par interposition de greffe
2. Incision cutanée 2 à 3 mm en dedans du bord libre du
de cartilage auriculaire [37] : la hauteur du greffon étant
pavillon sur environ 3 cm. On libère les adhérences du
de 2 à 4 mm pour 1 mm d'exposition sclérale selon le
plan myocutané d'avec le cartilage rétro-auriculaire. Des
degré d'exophtalmie associée [1, 37], la voie d'abord peut
coagulations multiples sont nécessaires, et on devra s'atta-
être cutanée ou conjonctivale, surtout si une blépharoplas-
cher à exposer la partie plate du pavillon. Un fragment
tie doit être associée.
Figure 6.10
Allongement palpébral inférieur avec interposition d'un greffon de cartilage rétroauriculaire par voie antérieure.
160
6. Troubles de la protection cornéenne et conjonctivale
droits inférieurs, en particulier dans les cas où l'élévation du [3] Bahn RS. A possible role for the thyrotropin receptor in thyroid
globe est très limitée. associated ophthalmopathy. Orbit 1996 ; 15 : 119–28.
[4] Bahn RS, Heufelder AE. Pathogenesis of Graves'ophthalmopathy.
Ainsi, il faut moduler cette hiérarchie opératoire selon N Engl J Med 1993 ; 329 : 1468–75.
l'importance de la rétraction palpébrale et en particulier [5] Bartalena L, Martino E, Marocci C, et al. More on smoking habits
par rapport au degré de l'exophtalmie [25, 47, 52] : and Graves'ophthalmopathy. J Endocrinol Invest 1989 ; 12 : 733–7.
● si l'exophtalmie est modérée (< 21 mm) et la rétraction [6] Baylis HI, Cies WA, Kamin DF. Correction of upper eyelid retraction.
Am J Ophthalmol 1976 ; 82 : 790–4.
importante, la chirurgie d'allongement palpébral peut être
[7] Baylis HI, Nelson ER, Goldberg RA. Lower eyelid retraction following
suffisante à elle seule ; blepharoplasty. Ophthalmic Plastic Reconst Surg 1992 ; 8 : 170–5.
● si l'exophtalmie est importante et la rétraction modérée [8] Baylis HI, Shorr W. Anterior tarsectomy reoperation for upper
(< 3 mm), l'orbitotomie décompressive, en premier geste, rend eyelid blepharoptosis or contour abnormalities. Am J Ophthalmol
souvent inutile un allongement palpébral supplémentaire, sur- 1977 ; 84 : 67–71.
[9] Bonavolonta G. Surgical treatment of Graves'ophthalmopathy :
tout si elle est combinée à une section des ailerons du releveur ; a logical approach. Ital J Ophthalmol 1988 ; 2 : 29–33.
● en cas d'exophtalmie et de rétraction sévères, les chirur- [10] Boniuk K. Surgical management of eye changes in Graves disease,
gies d'allongement et de décompression peuvent être com- with special emphasis on eyelid retraction. Symposium on diseases
binées, ainsi que la chirurgie des muscles oculomoteurs. and surgery of the lids, lacrimal apparutus, and orbit. St Louis :
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Elle sera réalisée en dernier lieu après la chirurgie décompres- [12] Bosniak SL. Cosmetic blepharoplasty. New York : Raven 1990 ; .
[13] Burch HB, Wartofsky L. Grave's ophthalmopathy : current concepts
sive, palpébrale ou oculomotrice. Elle présente quelques par- regarding pathogenesis and management. Endocrinol Rev 1993 ;
ticularités par rapport à la technique classique [12, 19, 39] : 14 : 747–93.
● l'excision de peau doit être la plus économe possible en [14] Dominguez M. Traitement chirurgical des rétractions palpébrales
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[15] Doxanas MT. Minimally invasive lower eyelid blepharoplasty.
le septum, en raison de sa consistance particulière. Il faut Ophthalmology 1994 ; 101 : 1327–32.
pratiquer une exérèse «à ciel ouvert» qui expose de façon [16] Doxanas MT, Dryden RM. The use of sclera in the treatment of
large la graisse rétroseptale infiltrée ; dysthyroid eyelid retraction. Ophthalmology 1981 ; 8 : 887–94.
● la voie conjonctivale [15] pour la paupière inférieure [17] Flanagan JC. Retraction of the eyelids secondary to thyroid oph-
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paraît plus limiter les gestes que la voie cutanée. Le risque graft. Perspectives Ophthalmol 1981 ; 5 : 155–202.
de rétraction est toutefois moindre avec la voie conjoncti- [18] Frueh BR, Musch DC, Garber FW. Lid retraction and levator apo-
vale qu'avec la voie cutanée [7], et nous préférons l'utiliser neurosis defects in Graves'eye disease. Ophthalmic Surg 1986 ; 17 :
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[19] George JL, Lesure P, Angioi-Duprez K, et al. Poches symptômes.
● la réfection du pli palpébral sera systématique à la fin
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d'une chirurgie d'allongement ou d'une blépharoplastie ; [20] Gladstone GJ, Putterman AM. Internal vertical shortening for the
● elle est plus difficile et sujette à des saignements en cas correction of diffuse or segmental postoperative blepharoptosis.
de radiothérapie préalable ; Am J Ophthalmol 1985 ; 99 : 429–36.
● la chute du sourcil est assez fréquente en raison de l'aug- [21] Grove AS. Levator lenghthening by marginal myotomy. Arch
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mentation de volume de la graisse de l'organe de Charpy [22] Hamilton HE, Slultz RO, Degowin EL. The endocrine eye lesion in
située en arrière du sourcil. Elle peut être corrigée par hyperthyroidism. Arch Intern Med 1960 ; 105 : 675–85.
voie cutanée subsourcillière, mais le risque de cicatrice est [23] Harvey JT, Anderson R. The aponeurotic approach to eyelid retrac-
gênant. Elle peut être réalisée par voie de blépharoplastie en tion. Ophthalmology 1981 ; 88 : 513–24.
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J Ophthalmol 1974 ; 77 : 358–66. Hedges TR, Scherer HG. Visual field defects in exopththalmos with thy-
[45] Putterman AM, Urist M. Müller muscle conjunctival recession. roid disease. Arch Ophthalmol 1955 ; 54 : 885–92.
Technique for treatment of blepharoptosis. Arch Ophthalmol
1975 ; 93 : 619–23.
Symblépharons
P.-Y. Robert, J.-P. Adenis
Les symblépharons sont des brides qui se forment entre tissu sous-épithélial, ou une altération de composants spé-
la conjonctive bulbaire et la conjonctive palpébrale. Ils cifiques du tissu conjonctival. Nous exposons ici les prin-
sont liés à une altération de la cicatrisation conjonctivale, cipaux mécanismes d'apparition des symblépharons et les
et peuvent faire suite à une altération de la jonction épi- modalités de leur prise en charge.
thélium-membrane basale, un remaniement cicatriciel du
163
Chirurgie palpébrale
Figure 6.11
Classification de Tauber.
A. Stade II de Tauber. B. Stade III de Tauber. C. Stade IV de Tauber.
Figure 6.12
Cas n°1.
A. Bulbe, 8 jours après l'intervention. B. Paupière, 8 jours après l'intervention.
et d'immunosuppresseurs (mycophénolate mofétyl, pharon, ce n'est pas la conjonctive qui est malade mais sa
cyclophosphamide, azathioprine, inhibiteurs de la calci- membrane basale ;
neurine, anticorps monoclonaux, immunoglobulines). ● suturer la conjonctive sur un support permettant la
Des essais de photochimiothérapie ont été rapportés meilleure cicatrisation possible.
dans un cas de symblépharons associés à une épidermolyse
bulleuse acquise [3].
Techniques possibles
Recul de la conjonctive
Traitement chirurgical
Le traitement le plus simple des symblépharons consiste à
Indications chirurgicales sectionner la bride, exciser le tissu de soutien et reculer la
conjonctive à la sclère. La conjonctive cicatrise sur la sclère,
Outre les indications d'ordre esthétique, les indications
et une néocapsule de tenon se crée. C'est ce que les Anglo-
chirurgicales des symblépharons sont les suivantes :
Saxons appellent «laisser-faire technique».
● entropion cicatriciel avec ou sans trichiasis ;
● raccourcissement des culs-de-sac avec impossibilité
d'adapter une prothèse ;
● diplopie. Cette technique a d'excellentes indications, il faut juste éva-
Cependant, avant toute décision chirurgicale et avant luer précisément les capacités de la conjonctive à cicatriser
correctement. Elle est à proscrire dans les épidermolyses
de décider de la technique à employer, il faut évaluer pré-
bulleuses, mais elle a été rapportée avec succès dans 40 yeux
cisément les possibilités de cicatrisation conjonctivale : le
de 38 patients atteints de brides post-traumatiques [8].
pronostic est très différent entre un symblépharon post-
traumatique ancien (pronostic excellent) et une pemphi-
goïde oculaire active (récidive pratiquement obligatoire)
qui a peu d'indication chirurgicale. Greffe de muqueuse buccale
Avant l'avènement de la membrane amniotique ou sa
Objectifs du traitement redécouverte dans la chirurgie de la surface oculaire, la
Le traitement chirurgical d'un symblépharon doit avoir greffe de muqueuse buccale [15] était la plus couramment
trois objectifs : employée. À la différence de la membrane amniotique, il
● libérer la bride : après section, il apparaît automatique- s'agit d'une greffe muqueuse de toute épaisseur, qui vient
ment une perte de substance ; remplacer la conjonctive et son tissu de soutien. Ses com-
● libérer la conjonctive de ses attaches sous-jacentes, et plications les plus fréquentes sont la nécrose et l'hypertro-
exciser le tissu de soutien pathologique : dans le symblé- phie cicatricielle (bourgeon charnu).
166
6. Troubles de la protection cornéenne et conjonctivale
Figure 6.13
Cas n° 2.
A. Cul-de-sac inférieur, vue postopératoire. B. 8 jours après l'intervention. C. 15 jours après l'intervention. D. Un mois après l'intervention.
E. Cul-de-sac supérieur, vue postopératoire. F. 8 jours après l'intervention. G. 15 jours après l'intervention. H. Un mois après l'intervention.
167
Chirurgie palpébrale
Greffe de membrane amniotique préventive [2] Barabino S, Rolando M, Bentivoglio G, et al. Role of amniotic mem-
brane transplantation for conjunctival reconstruction in ocular-
Lors des brûlures par bases, la membrane amniotique peut cicatricial pemphigoid. Ophthalmology 2003 ; 110 : 474–80.
être utilisée en patch pour favoriser la cicatrisation d'un [3] Camara A, Becherel PA, Bussel A, et al. Resistant acquired bullous
épithélium conjonctival ou cornéen. La membrane est epidermolysis with severe ocular involvement : the success of extra-
corporeal photochemotherapy. Ann Dermatol Venereol 1999 ;
alors appliquée par dessus l'épithélium, et lorsque celui-ci 126 : 612–5.
cicatrise, la membrane est physiologiquement évacuée. [4] Chen SD, Patel CK. Symblepharon as the only external sign of an
La greffe permet alors d'éviter la formation des symblé- occult intraocular foreign body. Arch Ophthalmol 2004 ; 122 :
pharons et protège également les cellules limbiques. 1562.
[5] El-Ghatit AM, El-Deriny SM, Mahmoud AA, et al. Presumed perior-
bital lupus vulgaris with ocular extension. Ophthalmology 1999 ;
106 : 1990–3.
Prothèses et épiprothèses [6] Figuera LE, Ramirez-Duenas ML, Davalos IP, et al. Guadalajara camp-
todactyly type III : a new probably autosomal dominant syndrome.
La contention des culs-de-sac est obligatoire en postopé- Clin Dysmorphol 2002 ; 11 : 243–7.
ratoire pour éviter une cicatrisation intempestive et une [7] Honavar SG, Bansal AK, Sangwan VS, et al. Amniotic membrane
rétraction rapide. transplantation for ocular surface reconstruction in Stevens-
Johnson syndrome. Ophthalmology 2000 ; 107 : 975–9.
Un premier moyen est de suturer les culs-de-sac à la
[8] Huang FM, Dong BS, Zhao JF, et al. A conjunctival pulling-back
paupière par des points transfixiants, ramenés dans le pli technique for treatment of serious symblepharon. Zhonghua
palpébral supérieur en paupière supérieure, et en sous- Zheng Xing Wai Ke Za Zhi 2003 ; 19 : 118–9.
ciliaire en paupière inférieure. [9] Ishiba Y, Goto S, Takigawa M, et al. Evaluation of the conjunctiva of
Si l'on souhaite une meilleure contention, il faut mettre leprosy patients using impression cytology. Nippon Ganka Gakkai
Zasshi 2001 ; 105 : 406–10.
en place un dispositif dans le cul-de-sac. Le plus simple est [10] Jain S, Rastogi A. Evaluation of the outcome of amniotic membrane
l'anneau de symblépharon. Sa mise en place est facile et il transplantation for ocular surface reconstruction in symblepharon.
est peu cher. Chez les patients avec une maladie très active Eye 2004 ; 18 : 1251–7.
(certaines formes de pemphigoïde oculaire très sévères par [11] Kobayashi A, Takahira M, Yamada A, et al. Fornix and conjunc-
tiva reconstruction by amniotic membrane in a patient with
exemple), il faut surveiller la tenue de cet anneau très réguliè-
conjunctival mucosa-associated lymphoid tissue lymphoma. Jpn
rement en postopératoire (tous les deux jours). Les anneaux J Ophthalmol 2002 ; 46 : 346–8.
pleins sont à préférer, car en cas de reprise rapide de la fibrose, [12] Kubo M, Sakuraba T, Arai Y, et al. A case of suspected drug-induced
ils seront expulsés et non emprisonnés dans la fibrose. ocular pemphigoid. Nippon Ganka Gakkai Zasshi 2001 ; 105 :
Certains patients sont déjà équipés d'une épiprothèse en 189–92.
[13] Magina S, Lisboa C, Leal V, et al. Dermatological and ophthalmolo-
préopératoire. Dans ce cas, celle ci devra, de toute façon, être gical sequels in toxic epidermal necrolysis. Dermatology 2003 ; 207 :
changée en postopératoire en fonction de la nouvelle taille 33–6.
des culs-de-sac. L'épiprothèse constitue en revanche un tuteur [14] Moore JE, Dua HS, Page AB, et al. Ocular surface reconstruction in
de choix pour les culs-de-sac en postopératoire immédiat. LOGIC syndrome by amniotic membrane transplantation. Cornea
2001 ; 20 : 753–6.
[15] Orth B, Press UP, Hubner H, et al. Transplantation of autologous oral
mucosa in the treatment of a symblepharon in Wegener's disease-a
Enfin, le développement des verres scléraux perméables case report. Klin Monatsbl Augenheilkd 2001 ; 218 : 514–7.
à l'oxygène constitue un espoir très grand pour tous les [16] Park AJ, Webster GF, Penne RB, et al. Porphyria cutanea tarda pre-
senting as cicatricial conjunctivitis. Am J Ophthalmol 2002 ; 134 :
patients atteints d'épidermolyses bulleuses avec compli-
619–21.
cations oculaires. [17] Seth RK, Su GW, Pflugfelder SC. Mucous membrane pemphigoid
Ils évitent le frottement des cils sur la cornée, permettent in a patient with chronic lymphocytic leukemia. Cornea 2004 ; 23 :
à celle-ci de respirer, retardant ainsi la néovascularisation, 740–3.
et préviennent la formation des brides. [18] Solomon A, Espana EM, Tseng SC. Amniotic membrane trans-
plantation for reconstruction of the conjunctival fornices.
Ophthalmology 2003 ; 110 : 93–100.
[19] Tauber J, Sainz de la Maza M, Foster CS. Systemic chemotherapy for
ocular cicatricial pemphigoid. Cornea 1991 ; 10 : 185–95.
Références [20] Uchiyama K, Yamamoto Y, Taniuchi K, et al. Remission of antie-
piligrin (laminin-5) cicatricial pemphigoid after excision of gastric
[1] Barabino S, Rolando M. Amniotic membrane transplantation elicits carcinoma. Cornea 2000 ; 19 : 564–6.
goblet cell repopulation after conjunctival reconstruction in a case [21] Zhou SY, Chen JQ, Chen LS, et al. Long-term results of amniotic
of severe ocular cicatricial pemphigoid. Acta Ophthalmol Scand membrane transplantation for conjunctival surface reconstruction.
2003 ; 81 : 68–71. Zhonghua Yan Ke Za Zhi 2004 ; 40 : 745–9.
169
Chapitre 7
Chirurgie cosmétique palpébrale
J.-P. Adenis
PLAN DU C HAPITRE
Suspension du sourcil 172
L'idéal anatomique et esthétique
de la sphère palpébrale 175
Blépharoplastie supérieure 180
Blépharoplastie inférieure 181
Blépharoplastie asiatique 185
Blépharoplastie malaire 186
Injections de toxine botulique
et produits de comblement,
en complément de la chirurgie 186
Anatomie de la paupière asiatique 194
Blépharoplastie esthétique
en paupière supérieure 196
Blépharoplastie esthétique
dans l'angle interne 196
Blépharoplastie esthétique
en paupière inférieure 197
Complications 197
Chirurgie palpébrale
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Chirurgie palpébrale
La chirurgie esthétique palpébrale est un élément très Suspension du sourcil par voie
important à connaître en chirurgie oculoplastique. La
demande est en augmentation croissante et les techniques interne de blépharoplastie
se multiplient. (figure 7.1)
Il est essentiel de bien retenir qu'il vaut mieux ici
sous-doser afin d'éviter les complications, à l'opposé de Indication
la chirurgie reconstructrice où l'on peut être plus large Ptose du sourcil médiane et interne de type modérée.
dans le geste.
De plus, la ou le patient(e) souhaite des modifications Technique
mais qui d'autre part ne changent pas trop son visage.
La sous-correction est donc imposée d'un côté en esthé- 1. Une incision classique de blépharoplastie est effectuée
tique par la crainte des complications, la surcorrection est en paupière supérieure.
souhaitée en reconstructeur par la crainte d'une fibrose 2. Une dissection du plan myocutané est poursuivie vers le
excessive. haut jusqu'au rebord orbitaire.
3. La dissection est encore poursuivie plus haut en pla-
çant, sur le lambeau myocutané antérieur, des écarteurs de
Duverger qui vont alors soulever l'organe de Charpy ou graisse
Suspension du sourcil rétrosourcillière et la séparer de l'os frontal et de son périoste,
puis de la galéa plus haut sur une hauteur de 10 à 15 mm.
Trois techniques peuvent être réalisées en ophtalmologie.
Parfois, l'organe de Charpy s'est progressivement étendu vers
Les indications sont précisées en fonction du siège de la
le bas du fait de la ptose en arrière du plan myocutané adhé-
ptose et de son importance.
rent à lui, et son extrémité inférieure mérite d'être réséquée.
Figure 7.1
Suspension du sourcil par voie interne de blépharoplastie.
172
7. Chirurgie cosmétique palpébrale
Figure 7.2
Suspension du sourcil par résection cutanée sus-sourcillière.
173
Chirurgie palpébrale
● mettre en place une ou deux sutures, loin près et près bas sur 3 à 4 cm qui correspondra à l'incision cutanée
loin, afin d'assurer un rapprochement de qualité qui évitera (figure 7.4).
une désunion qui pourrait laisser une cicatrice trop visible ; 3. Une seconde ligne parallèle à cette ligne est dessi-
● enlever les sutures au dixième jour et non au septième ; née vers l'avant devant la racine des cheveux à l'en-
● ne pas fixer en profondeur les sutures afin de laisser la droit de la future incision du fascia temporopariétal
mobilité vers le haut du sourcil. (figure 7.5).
4. L'incision est faite à la lame Parker de 4 cm dans le cuir
chevelu suivie d'une incision de 1 cm sur le périoste de la
Lift temporal par fascia pexy selon crête temporale, puis d'un détachement sous-périosté
A. Fogli [11–12, 27] jusque vers le rebord orbitaire (figure 7.6).
5. Une incision est faite dans le fascia temporofacial en
Technique suivant la ligne 2 sur 3 à 4 cm L'hémostase est faite sous le
1. En palpant la région temporale, on dessine au feutre la contrôle de la vue (figure 7.5).
ligne d'insertion semi-circulaire du fascia temporal jusque 6. Des sutures en U de Vicryl 3 ou 4/0 sont placées
vers la racine des cheveux (figure 7.3). sur la lèvre supérieure de l'incision du fascia temporal
2. Un centimètre en arrière de la racine des cheveux, et ramenées sur la zone profonde de l'incision cutanée
on dessine une ligne perpendiculaire à celle-ci vers le (figure 7.6).
Figure 7.3
Incision cutanée de quatre centimètres verticale en arrière de la ligne précapillaire de naissance du cuir chevelu.
174
7. Chirurgie cosmétique palpébrale
Figure 7.4
Technique de Fogli.
1. Ligne courbe semi-circulaire d'insertion du fascia temporal sur le crâne repérée à la palpation. 2. Zone de traction de la queue du sourcil.
7. Le serrage étagé des sutures de Vicryl 3/0 permet : ficielle du frontal, elle retend le sourcil en haut et en
● de remonter la queue du sourcil ; dehors, comme cela est prévu dans l'idéal esthétique
● de supprimer ou nettement diminuer les plis de la patte féminin.
d'oie ;
● de retendre la peau de la région malaire ;
● de faire éventuellement une résection cutanée complé- L'idéal anatomique et esthétique
mentaire en paupière inférieure.
de la sphère palpébrale
Avantages L'idéal palpébral est différent chez l'homme et chez
La technique est relativement simple, elle ne laisse pas la femme. Les éléments anatomiques sont également
de cicatrices visibles, elle préserve la branche super- différents.
175
Chirurgie palpébrale
Figure 7.5
Technique de Fogli.
1. Ligne courbe semi-circulaire d'insertion du fascia temporalis. 2. Incision cutanée de 4 cm dans le cuir chevelu. 3. Zone de libération de
l'aponévrose temporale.
Éléments anatomiques ment donner cette forme féminine à son sourcil. Ainsi, chez
de nombreux modèles féminins, le sommet du sourcil est
Sourcil plus haut en temporal que la racine du sourcil en nasal ;
● la distance entre la racine des deux sourcils est plus grande
Chez l'homme, le sourcil a une forme de «T», donc allongé
chez la femme que chez l'homme (c sur la figure 7.10A, B) ;
sur une ligne horizontale. Il est plus charnu que chez la ● le sourcil est en général plus fin, moins fourni chez la
femme et recouvre en temporal de ce fait le rebord orbi-
femme que chez l'homme, et donc le sourcil masculin
taire (figures 7.7 et 7.8).
est beaucoup plus charnu que chez la femme (d sur la
Chez la femme, le sourcil a une forme de «C» (figures 7.9
figure 7.10A, B) ;
à 7.11) : ● le pli palpébral est très haut situé profond chez les sujets
● la distance entre la bordure ciliaire et le sourcil est globa-
masculins et le plus souvent invisible car recouvert par le
lement plus importante chez la femme que chez l'homme
rebondi de la graisse de l'organe en rouleau. Chez la femme,
(a sur la figure 7.10A) ;
le pli est haut situé et un peu visible de face.
● mais, élément important, le sommet du sourcil est
situé à l'aplomb de la conjonctive temporale ou de l'angle
externe (b sur la figure 7.10A), ce qui dégage le rebord Pli palpébral caucasien
osseux orbitaire supérieur sur lequel la femme applique en Chez l'homme, le pli palpébral est haut situé, très profond
général un maquillage clair, ce qui attire le regard. La jeune et, de ce fait, mal visible, souvent recouvert par un début de
femme s'épile souvent sous la queue du sourcil pour juste- dermachalasis ou parfois presque recouvert par le sourcil.
176
7. Chirurgie cosmétique palpébrale
Figure 7.6
Technique de Fogli.
1. Incision cutanée de 4 cm dans le cuir chevelu. 2. Incision du périoste de 1 cm. 3. Ligne courbe semi-circulaire d'insertion du fascia temporalis.
4. Zone d'incision sous-cutanée du fascia temporalis. 5. Mise en tension cutanée de la queue du sourcil à l'aide de sutures Vicryl 4 ou 5/0 sur
l'aponévrose temporale.
Étude préopératoire
Il est important de faire un relevé des distances qui séparent
le sourcil d'une ligne horizontale passant par l'angle interne et
Figure 7.7
externe des paupières, et ce à l'aplomb vertical de l'angle interne,
Visage schématisé d'un homme avec un sourcil épais bas situé et
un pli palpébral très profond pratiquement invisible. de la pupille, de l'angle externe (voir les figures 7.8 et 7.10).
Cela peut être fait sur un schéma, mais encore mieux sur
Chez la femme, il est aussi haut situé mais moins pro- des photographies de face ou les deux.
fond, plus visible car la distance entre la bordure ciliaire On mesurera la distance de Smerdon qui sépare le pôle
et le sourcil est plus grande chez la femme que chez inférieur du rebondi palpébral et/ou du dermachalasis de la
l'homme. bordure ciliaire.
177
Chirurgie palpébrale
Figure 7.8
Éléments anatomiques de comparaison – homme (voir légende de la figure 7.10).
Conséquences thérapeutiques
et opératoires
● Lors des injections de toxine botulique sur le front, on
évitera d'injecter chez l'homme sous la queue du sourcil,
ce qui peut donner un aspect de «Méphisto» (ou regard
Figure 7.9
du diable) par surélévation de la partie externe du sourcil
Visage schématisé d'une femme avec un sourcil épais haut situé
surtout en temporal et un pli palpébral profond légèrement visible. (figure 7.14).
● Lors de la chirurgie palpébrale, il est important :
On mesurera la fente palpébrale et, en cas de doute sur – de respecter la forme du sourcil par rapport à la pau-
un léger ptosis asymétrique, on mesurera la fonction du pière selon les normes décrites plus haut ;
muscle releveur et l'action du muscle frontal. – de fixer de façon haut située le pli palpébral chez les
Il est aussi important d'étudier la position des canthi, Caucasiens en laissant un rebondi de l'organe en rouleau
en sachant que le cantus externe est idéalement plus notable chez le sujet masculin.
178
7. Chirurgie cosmétique palpébrale
Figure 7.10
Éléments anatomiques de comparaison homme – femme.
a. La distance entre la bordure ciliaire et le sourcil est globalement plus importante chez la femme que chez l'homme. b. Cette distance (entre
la bordure ciliaire et le sourcil) est maximale chez la femme à l'aplomb de l'angle externe ou de la conjonctive externe. Cela permet l'application
du maquillage sur le relief du rebord orbitaire externe. c. La distance entre la racine des deux sourcils est plus grande chez la femme que chez
l'homme. d. Le sourcil masculin est beaucoup plus charnu que chez la femme. Le pli palpébral est très haut situé, profond chez le sujet masculin
et, de ce fait, il est très peu visible ; il est souvent visible chez la femme dans le regard de face.
Figure 7.13
Visage d'une habitante de Bali avec le canthus externe plus haut
que l'interne.
Figure 7.11
Photographies de deux étudiantes, l'une avec un sourcil féminin
plus surélevé dans l'angle externe (A), l'autre avec un sourcil en
forme de C (B).
Figure 7.14
Homme avec un aspect de Méphisto lié à la surélévation externe
du sourcil.
Figure 7.12
Visage de Néfertiti avec le canthus externe plus haut que – de faire une balance équilibrée entre la surélévation
l'interne. du sourcil et la résection du dermachalasis ;
– en cas de chirurgie combinée sourcil-paupière, d'évi-
● Lors de la chirurgie du sourcil, il est important : ter des résections trop importantes qui seront trop
– de respecter la forme du sourcil par rapport à la pau- visibles au premier coup d'œil du monde extérieur en
pière selon le sexe et selon les normes décrites plus haut ; postopératoire.
179
Chirurgie palpébrale
Figure 7.15
Blépharoplastie supérieure sans résection de graisse et technique de réfection du pli.
Les flèches montrent la fixation des sections de l'aponévrose dans le futur pli.
180
7. Chirurgie cosmétique palpébrale
Blépharoplastie inférieure
Dangers
Blépharoplastie inférieure ■
Limiter la résection cutanée au strict minimum sur la
bordure palpébrale car la cicatrisation de la lamelle
par voie postérieure avec résection antérieure suffit à retendre celle-ci et peut très vite
de graisse (figure 7.16) entraîner un ectropion si la résection est trop généreuse.
■
Le petit oblique en dedans.
Indication ■
La veine sentinelle du ligament arqué en dehors.
Environ 90 % des indications de blépharoplasties infé-
rieures, et en particulier une paupière inférieure fine, légè-
rement cicatricielle sans plis justifient d'une voie d'abord Indication
postérieure.
Environ 10 % des blépharoplasties inférieures justifient
d'une voie d'abord cutanée principalement parce qu'il
Technique existe des plis cutanés sur la paupière inférieure et dans
1. Mise en place de deux fils de traction sur le bord libre de l'angle externe, témoignant d'un excès de lamelle anté-
la paupière inférieure. rieure manifeste. À l'opposé, une paupière inférieure fine,
2. Retournement de la paupière inférieure sur une plaque légèrement cicatricielle sans plis justifie d'une voie d'abord
métallique vers le bas. postérieure.
181
Chirurgie palpébrale
A B
Figure 7.16
Blépharoplastie inférieure par voie postérieure avec résection de graisse.
A. De face, on objective l'incision des rétracteurs un peu en dessous du tarse, puis la mise en évidence du septum, son ouverture et l'ablation de
graisse après usage de la bipolaire. B. Sur le profil, on objective le passage dans un premier temps en avant du septum pour aller jusqu'au rebord
orbitaire, l'ouverture du septum se réalisant avec l'ablation de graisse dans un deuxième temps.
182
7. Chirurgie cosmétique palpébrale
Figure 7.17
Blépharoplastie inférieure par voie cutanée antérieure avec résection de peau dans l'angle externe.
5. En utilisant un crochet de Gillies, on effectue une trac- pour limiter la saillie vers l'avant génératrice de poche pal-
tion forte sur la jonction bord libre-ligne médiane de la pébrale et pour soulever et faire saillir l'œil plutôt que de
patte d'oie du lambeau. On obtient ainsi un triangle obtus l'abaisser.
myocutané à base inféro-externe. On effectue une résection De même, la cerne palpébrale inférieure est liée à l'amin-
triangulaire modérée sur le bord interne et plus importante cissement du plan myocutané en regard du rebord orbi-
sur le bord externe. On peut éventuellement accentuer la taire ; elle peut être traitée par ouverture du septum et
résection en dessinant un trait de refend (voir figure 7.1). mobilisation d'un mince lambeau graisseux pour l'attacher
6. Sutures cutanée par points séparés de Nylon 6/0 ou de sur ce rebord orbitaire.
soie noire 6/0.
Technique a (figure 7.18A)
Blépharoplastie inférieure par voie 1. L'abord postérieur est identique que pour la blépha-
postérieure sans résection et par roplastie inférieure par voie postérieure avec résection de
graisse (ci-dessus).
mobilisation de la graisse orbitaire 2. Le septum est ouvert sur les trois poches à 3 mm au des-
sus du rebord orbitaire selon trois incisions horizontales.
Principe 3. La graisse est fixée sur son pole supérieur par un point
Afin d'éviter le syndrome de l'œil creux qui peut être engen- de Vicryl 5 ou 6/0 puis elle est attachée sur le plancher
dré par la résection de graisse, plusieurs auteurs conseillent quelques millimètres en arrière du rebord orbitaire.
de ne pas réséquer celle-ci et de la mobiliser vers l'arrière 4. Le septum n'est pas suturé.
183
Chirurgie palpébrale
B1
A1
B2
A2
B3
A3
B4
Figure 7.18
Blépharoplastie inférieure par voie postérieure sans résection et par mobilisation de la graisse orbitaire.
A. Blépharoplastie inférieure par voie postérieure sans résection et par mobilisation de la graisse orbitaire et fixation au périoste orbitaire
interne. B. Technique de Hamra : blépharoplastie inférieure par voie postérieure sans résection et par mobilisation de la graisse orbitaire et
fixation au périoste orbitaire externe. B1. Poches palpébrales inférieures. B2. Incisions des trois poches palpébrales. B3. Fixation de la graisse en
avant sur le rebord périosté orbitaire. B4. Fixation de la graisse vue de profil.
184
7. Chirurgie cosmétique palpébrale
Figure 7.19
Blépharoplastie asiatique.
Les éléments différents de la paupière asiatique sur trois schémas à gauche (de profil, de face et de trois quart) sont comparés à la caucasienne
à droite.
185
Chirurgie palpébrale
A B
Figure 7.20
Blépharoplastie malaire.
A. Après incision dans le pli palpébral inférieur par voie cutanée, la graisse prémalaire est mobilisée avec son périoste en dehors et vers le haut,
après avoir dessiné une deuxième incision relaxante du périoste en dedans et dehors du nerf infraorbitaire. B. Lifting cutané médiofacial.
Ces produits peuvent être utilisés en complément d'un L'aiguille utilisée est préférentiellement une aiguille de
traitement chirurgical apportant un résultat incomplète- 30 Gauges, avec une seringue de 1 ml Luer Lock ou non
ment satisfaisant en postopératoire. [22] (figures 7.21 et 7.22).
La toxine botulique est constituée par une neurotoxine L'efficacité de la toxine botulique se fait à partir du 5e jour
spécifique produite par la bactérie Clostridium botulinum, post-injection environ, est maximale vers un mois, et durera
avec 8 toxinotypes (A à H) et de nombreux sous-types (A1- jusqu'à 3 à 4 mois environ. Il faudra donc répéter les injec-
A5, B1-B4, etc.), et de nombreuses protéines associées non tions en fonction du rythme de réapparition de la sympto-
toxiques (ou NAP). Elles s'associent pour former la toxine matologie de façon personnalisée pour chaque patient.
botulique, complexe. Il y a une seule neurotoxine par com-
plexe, et elle seule bloque le relargage d'acétylcholine. Produits de comblement
Concernant les trois toxines botuliques actuellement
sur le marché, elles utilisent toutes le sous-type A1. Il existe Les fillers sont un peu plus délicats à injecter et demandent
la toxine américaine ou Botox®, la toxine allemande ou une certaine habitude.
Xeomin®, et la toxine anglaise ou Dysport®, qui sont leurs L'injection sera réalisée sur un patient allongé ou demi-
noms commerciaux en thérapeutique. assis, après marquage des zones à injecter avec un crayon
Les produits de comblement ou fillers sont constitués de dermique non permanent et une désinfection cutanée.
gels d'acide hyaluronique plus ou moins réticulés, souvent L'injection de filler est pratiquée soit à l'aiguille, soit avec une
associés à un produit anesthésique. canule à bout mousse dont l'orifice se situe à l'extrémité de
façon latérale. Cette dernière minimise le risque d'injection
intravasculaire. Le diamètre de la canule est donné par les
Techniques d'injections recommandations du produit utilisé, en fonction du type
de produit, de l'étendue de la zone à traiter, de l'épaisseur
Toxine botulique de la peau, etc. En général, sont utilisées des canules de 25
Sur un malade allongé ou demi-assis, après désinfection ou 27 Gauges. L'emploi de la canule nécessite la réalisation
cutanée, l'injection est réalisée au contact du muscle et ou préalable d'un pré-trou à l'aiguille (figures 7.23 et 7.24).
dans le muscle, qui est généralement un muscle peaucier. Le plan d'injection des fillers est fonction de la localisa-
En zone péri-oculaire, on évitera d'injecter en partie tion : soit à la jonction dermo-hypodermique, soit dans le
médiane de la paupière supérieure afin de prévenir une plan hypodermique pour traiter les rides profondes, soit en
éventuelle diffusion au muscle releveur ou au droit supé- sus-périosté pour donner du volume comme au niveau des
rieur (risque d'induire un ptosis ou une diplopie transitoire), pommettes ou du sulcus supérieur [18].
et de même à proximité du muscle oblique inférieur. L'injection est faite après avoir aspiré à la seringue afin de
La dose injectée est fonction de l'examen clinique, et vérifier que l'on n'est pas positionné en intravasculaire, et de
peut aller de 20 unités à 60 unités environ par côté (unités façon rétrograde ou rétrotraçante, en déposant le produit
de toxine américaine ou allemande). en retirant l'aiguille ou la canule.
187
Chirurgie palpébrale
Figure 7.23
Aiguilles 25 G, 26 G et 30 G.
Figure 7.21
Plateau de préparation d'injections de toxine botulique.
Figure 7.24
Kit d'injection de gel d'acide hyaluronique.
Seringue préremplie, canule-aiguille.
frontal, avec une bandelette de fascia lata autologue ou à De plus, les injections de toxine botulique des rides de
l'aide d'une bandelette de Goretex® ou Ptose-up®. la patte d'oie devront éviter la zone à proximité du muscle
En postopératoire, il est très fréquent de constater un grand zygomatique pour prévenir une ptose de la commis-
spasme orbiculaire résiduel qu'il s'avère nécessaire d'injecter sure labiale.
de nouveau avec de la toxine botulique, mais généralement Les rides glabellaires ou rides du lion sont également trai-
avec des doses plus faibles, et parfois une fréquence d'injec- tées par toxine botulique (figure 7.26).
tion moindre. Des précautions à l'injection sont nécessaires :
En cas de suspension palpébrale au muscle frontal, il est ● éviter d'injecter à proximité du releveur de la paupière
bien sûr interdit d'injecter le muscle frontal. supérieure ou dans la portion crânienne du muscle orbicu-
laire (risque de ptosis) ;
Paralysie faciale périphérique ● éviter les rapports vasculaires et nerveux de cette région :
Plusieurs cas de figures peuvent se présenter au décours artères frontale, angulaire, veine angulaire, branches du nerf
d'une paralysie faciale qui nécessiteront des injections de facial, nerf frontal externe et interne.
toxine botulique [3, 24] : Une approche minimale et naturelle est privilégiée [10].
● une paralysie faciale spastique, avec spasme hémifacial
homolatéral secondaire : dans ce cas, seules les injections Utilisation des produits de comblement
de toxine seront nécessaires, sans chirurgie, afin d'améliorer en complément de la chirurgie
le spasme hémifacial et les syncinésies ;
● une paralysie faciale flasque, avec le côté sain qui reste Syndrome de l'énucléé/éviscéré
très expressif voire hyperkinétique : dans ce cas, des injec-
Le syndrome post-énucléation ou post-éviscération (ou PESS
tions de toxine botulique pourront être proposées sur le
pour post-enucleation socket syndrome) est une complication
côté sain afin de symétriser le visage. Celles-ci pourront
fréquente des cavités, associant à divers degrés une énoph-
être complémentaires à de la chirurgie réalisée sur le côté
talmie, une bascule postérieure de la prothèse, un ptosis
pathologique : chirurgie d'ectropion postparalytique, blé-
aponévrotique, une laxité palpébrale inférieure. Ce syndrome
pharorraphie, résection suprasourcilière, notamment, et
résulte d'une rétraction tissulaire responsable de la perte de
toujours dans le but de symétriser les deux hémifaces [28].
volume et d'une redistribution de la graisse orbitaire, entraî-
Un schéma d'injection qui peut être proposé sur l'hémi-
nant une bascule vers l'arrière du contenu orbitaire [1].
face hyperkinétique est le suivant : 3 ou 4 points de 2,5 U
Il existe divers traitements chirurgicaux de ce syndrome
dans le muscle frontal, 3 ou 4 points de 5 unités dans l'orbicu-
pour corriger l'énophtalmie :
laire palpébral, 1 ou 2 points de 5 U dans le corrugateur, 10 U ● la mise en place d'implants d'hydroxyapatite-tricalcium-
en 1 point dans le grand zygomatique, 2 points superficiels
phosphate sous-périostés, avec un risque non négligeable
dans le risorius de 2,5 U, 1 point de 5 U dans le releveur de
de migration du matériel [1] ;
la lèvre, 1 point de 5 U dans le muscle dépresseur angulaire, ● la technique de Coleman ou lipostructure qui corres-
1 point de 5 U dans le carré du menton (figure 7.25).
pond à la greffe d'adipocytes autologues, nécessitant un
prélèvement de graisse [8] ;
Esthétique ● l'injection intra-orbitaire, en arrière de la bille, de «micro-
La toxine botulique est particulièrement utilisée en méde- pins» en hydrogels auto-expansifs, dont le volume est
cine esthétique, et fréquemment en complément d'un multiplié par dix en se gorgeant de liquide dans l'orbite par
geste chirurgical, comme une blépharoplastie supérieure phénomène osmotique [25] ;
et/ou inférieure, et souvent associée à des injections de ● une greffe dermograisseuse [13].
produits de comblement [4, 20]. Tous ces traitements invasifs peuvent être évités (ou com-
Une bonne connaissance de l'anatomie du visage et de plétés si insuffisants) par l'injection intraconique et/ou extra-
l'action des muscles peauciers de la face est primordiale. conique postérieure d'acide hyaluronique hautement réticulé,
Par exemple, une injection de toxine dans le muscle par voie transcutanée et/ou transconjonctivale. Son action est
orbiculaire à la queue du sourcil va permettre une légère prolongée plus de 12 à 18 mois. En effet, son action est plus
ascension de celui-ci, agrandissant et rajeunissant le regard. durable dans l'orbite que dans la peau car il n'y a pas de hyalu-
En revanche, il pourra se créer de façon réactionnelle une ronidase dans la graisse orbitaire. Empiriquement, on réalise une
ride suprasourcilière par action du muscle frontal, qui injection de 1 ml d'acide hyaluronique pour 1 mm d'énophtal-
pourra être corrigée par des injections dans ce muscle. mie environ, de type Restylane Sub-Q® par exemple [9, 29].
189
Chirurgie palpébrale
Figure 7.25
Schéma d'injection de toxine botulique sur l'hémiface droite hyperkinétique dans les suites d'une paralysie faciale périphérique gauche.
Point d'injection de 2,5 U de toxine botulique
Point d'injection de 5 U de toxine botulique
Point d'injection de 10 U de toxine botulique
190
7. Chirurgie cosmétique palpébrale
Figure 7.26
Schéma d'injection de toxine botulique dans les rides glabellaires et de la patte d'oie.
Point d'injection de toxine botulique
La localisation des points d'injection tiendra compte des variations anatomiques fréquentes dans ces zones (chefs profond et superficiel du
muscle corrugateur, et muscle orbiculaire des paupières)
191
Chirurgie palpébrale
L'effet secondaire principal peut être la persistance pro- ● la gamme Teosyal® de Teoxane, et notamment Teoxane
longée d'œdème. Redensity 2® qui est particulièrement intéressant pour
injecter les cernes, en petites quantités, sus-périostées.
Autres cas thérapeutiques
● L'acide hyaluronique peut être utilisé dans des cas de Complications
réhabilitation postparalysie faciale périphérique, en associa-
tion avec les injections de toxine botulique, afin de symétri- Toxine botulique
ser au mieux la face en comblant des rides profondes (sillon Les effets secondaires de la toxine botulique sont rares et
nasogénien par exemple) et en redonnant du volume réversibles en quelques semaines. Ils sont le plus souvent
(pommette, tempe par exemple) [28]. musculaires, liés à la diffusion du produit. Ainsi, on peut voir
● Les fillers ont été proposés dans certains cas d'orbitopathie apparaître un ptosis par diffusion de la toxine au muscle
dysthyroïdienne, avec rétraction palpébrale supérieure [16]. On releveur, ou une diplopie par diffusion aux muscles oculo-
s'expose cependant au risque d'œdème palpébral prolongé. moteurs, en particulier l'oblique inférieur. On conseille au
patient de ne pas se frotter en post-injection et de ne pas
Esthétique s'allonger avant plusieurs heures.
Un hématome sur un ou plusieurs points d'injection
L'acide hyaluronique est très fréquemment utilisé en peut également survenir et va disparaître en quelques jours.
médecine esthétique, seul ou en complément de gestes On décrit de très rares cas d'injections intravasculaires,
chirurgicaux tels que la blépharoplastie supérieure [23] ou en particulier dans la région médiane de la ride du lion,
inférieure, ou un lifting. Ce produit de comblement étant avec risque de nécrose cutanée voire embole vers une
résorbable, des injections itératives sont nécessaires, géné- artère [17].
ralement tous les 6 mois environ.
Voici un schéma d'injections pouvant être proposé
(figure 7.27) : Produits de comblement
● en région temporale : 1 point d'entrée ou 2 à la racine Les complications avec les fillers sont potentiellement plus
des cheveux. Injecter de façon rétrotraçante le produit fréquentes et plus sévères [17].
volumateur en profondeur, avec l'aiguille enfoncée jusqu'à
la garde ou presque, 1 ml = 1 ampoule. On conseille au Complications non ischémiques
patient de mastiquer pour faire répartir le produit ;
● cerne : cette zone fragile doit être traitée avec précaution Les complications les plus fréquentes sont : un œdème pro-
et parcimonie étant donné le risque d'effets secondaires longé, un effet Tyndall (sur les peaux fines), une irrégularité
importants, de type œdème prolongé – à la canule, ½ de contour, voire un granulome sous-cutané.
ampoule en nappage, 1 point d'entrée par la partie tempo-
rale du cerne. Une autre technique possible est l'injection Complications ischémiques
lente à l'aiguille 30 G, en microbolus. Il est impératif d'éviter Le risque d'injection intravasculaire est non négligeable ; il
le canthus interne et le pédicule angulaire ; est donc nécessaire d'aspirer avant d'injecter le filler, et de
● dans le sillon nasogénien : ½ ampoule, plutôt à l'aiguille. réaliser l'injection de façon rétrotraçante en préventif. Le
Attention à ne pas trop injecter de fillers dans la région du patient doit être informé de ce type de risque.
SOOF (suborbicularis oculi fat), soit moins de 5 ml car il Les régions les plus à risque sont la glabelle, le nez, la
existe un risque de créer une marche d'escalier par rapport tempe, les lèvres, le sillon nasogénien.
au rebord orbitaire et un risque de blocage lymphatique On décrit des cas d'injections dans la veine ou l'artère
avec œdème. faciale, dans la veine temporale et la veine angulaire [15].
Voici quelques exemples de produits pouvant être utilisés : La conséquence principale est la nécrose cutanée et des
● la gamme Belotero® de Merz : Soft®, Volume®, Intense tissus mous dans le territoire de l'artère embolisée.
ou Balance® en fonction du degré de réticulation de l'acide Une conséquence encore plus sévère est l'atteinte
hyaluronique, à utiliser en fonction des sites d'injection ; visuelle : baisse d'acuité visuelle, diminution de la motilité
● la gamme Juvederm® d'Allergan : Ultra® (2 à 4), Voluma®, oculaire, voire ophtalmoplégie, ptosis, et jusqu'à des cas
Volift®, en fonction des indications et sites d'injection ; d'accident vasculaire cérébral [17, 21].
192
7. Chirurgie cosmétique palpébrale
Figure 7.27
Schéma d'injection de gel d'acide hyaluronique au niveau du cerne, de la pommette, de la tempe, de la vallée des larmes et du sillon
nasogénien, selon plusieurs techniques possibles
Point d'insertion du filler
Injection rétrotraçante en nappage ou en «éventail» à la canule
Points d'injection à l'aiguille par microbolus adjacents
Le degré de réticulation de l'acide hyaluronique sera choisi en fonction de la zone injectée et des recommandations du fabricant.
193
Chirurgie palpébrale
Mesures post-injections
et recommandations au patient
Il est recommandé de :
● désinfecter de nouveau la zone traitée par l'injection ;
● masser et modeler après injection de filler pour unifor-
miser le produit ;
● réaliser des photographies pré- et post-injection selon
les mêmes conditions d'éclairage et selon les mêmes angles.
On conseille au patient :
● d'éviter de toucher ou manipuler la zone injectée ;
● d'éviter l'exposition solaire ou UV ;
● de surveiller l'apparition de rougeur, d'œdème, de pares-
thésies, de douleur ;
● de consulter en urgence en cas d'apparition d'effets
secondaires.
Anatomie de la paupière
asiatique
Les principales variations anatomiques de la paupière asia- Figure 7.28
tique par rapport à la paupière caucasienne (figures 7.28 et Paupière caucasienne normale vue en coupe sagittale avec un pli
palpébral haut situé au bord supérieur du tarse lié à l'insertion
7.29) sont les suivantes. profonde myocutanée de l'aponévrose temporale qui passera
ensuite en pont par-dessus le tarse.
1 : sinus frontal ; 2 : graisse ; 3 : orbiculaire ; 4 : Whitnall ; 5 : Müller ;
En paupière supérieure 6 : pli palpébral ; 7 : division du releveur ; 8 : artère ; 9 : tarse ; 10 :
artère ; 11 : ligament suspenseur du cul-de-sac ; 12 : aponévrose ;
● Il existe des différences anatomiques cutanées (hauteur, 13 : forte adhérence du Müller au tarse ; 14 : rétracteur de la
paupière inférieure.
forme, intensité, etc.) :
– le pli palpébral : 50 % des Asiatiques n'ont pas de pli
palpébral supérieur visible dans le regard de face (car ou à l'Occidental, comme on peut le voir aussi sur une
très bas situé et masqué par les cils ou nécessitant une représentation de Néfertiti ;
traction vers le haut pour en voir un minime) ; l'autre – la peau palpébrale et le tissu sous-cutané sont plus
moitié d'entre eux ont un pli palpébral visible bas situé épais chez l'Asiatique du fait de la migration de la
donnant l'impression d'une double paupière ou double graisse de l'organe de Charpy (graisse sous-sourcilière ;
eyelid (figures 7.30 et 7.31). Surtout, le pli palpébral est figures 7.30 et 7.31) ;
plus bas situé et plus on va vers l'est sur le globe terrestre, – l'épicanthus est plus fréquent de façon constitu-
plus il est bas situé, en particulier en Chine (si origine tionnelle chez l'Asiatique que chez l'Occidental. Il est
Han), au Japon et en Corée. Ainsi, sur la figure 7.31, le pli non pathologique en l'absence de blépharophimo-
est à 1 mm au-dessus de la bordure ciliaire, alors que sur sis. Les différents types d'épicanthus possibles sont
la figure 7.30, il est à 3 mm au-dessus ; décrits dans cet ouvrage dans le chapitre consacré
– plus accessoire, la concavité de la jonction paupière- à l'épicanthus : l'inversus, le supraciliaris, le tarsal, le
zone du sourcil est plus élevée en médiane chez le palpébral, les deux derniers étant les plus fréquents
Caucasien et plus médiale chez l'Asiatique ; chez l'Asiatique.
– le canthus externe est plus haut que le canthus ● Le tarse est plus petit, surtout en hauteur (6,5 à 8 mm
interne chez l'Asiatique comparativement au Caucasien contre 9 à 11 mm pour celui du Caucasien).
194
7. Chirurgie cosmétique palpébrale
Figure 7.31
Paupière asiatique avec une fusion très basse de l'aponévrose
Figure 7.29 avec le plan myocutané abaissant le pli palpébral à 1 mm et avec
une migration de la graisse de Charpy vers le bas, rendant la
Paupière caucasienne normale vue en coupe de trois quart avec
paupière plus épaisse et avec un tarse de hauteur plus faible que
un pli palpébral haut situé lié à l'insertion profonde myocutanée
chez le Caucasien.
de l'aponévrose temporale qui passera ensuite en pont de façon
plus fine par-dessus le tarse.
1 : releveur ; 2 : Müller ; 3 : Whitnall : 4 : os frontal ; 5 : aponévrose ;
6 : tarse ; 7 : conjonctivite ; 8 : cul-de-sac ; 9 : ligament suspenseur du ● De ce fait, la graisse orbitaire rétroseptale (ou organe en
cul-de-sac. rouleau) et le septum orbitaire descendent plus bas sur la face
antérieure du tarse. À noter le rôle de barrière de cette jonction.
● La graisse située en arrière du sourcil ou organe de Charpy
reste limitée à cette zone chez l'Occidental, alors qu'elle
s'amincit et s'étend nettement vers le bas se mêlant à la graisse
sous-cutanée jusque vers le pli palpébral chez l'Asiatique.
● Les cils sont très souvent dirigés vers le bas chez l'Asia-
tique (lash ptosis), pouvant augmenter l'impression d'un
ptosis, parfois entraîner une gêne pour le patient, surtout
s'il s'accompagne d'un dystichiasis. Cela peut expliquer
une position de la tête un peu penchée en arrière de 5 à
10 degrés par rapport à la verticale chez l'Asiatique.
Le tableau 7.1 résume les différences anatomiques.
En paupière inférieure
Il existe des similitudes avec la paupière supérieure :
Figure 7.30 ● le fascia capsulopalpébral s'insère plus haut sur la face
Paupière asiatique avec une fusion basse de l'aponévrose avec le plan antérieure du tarse ;
myocutané abaissant le pli palpébral à 3 mm et avec une migration ● la graisse sous-cutanée est plus épaisse.
de la graisse de Charpy vers le bas rendant la paupière plus épaisse et
avec un tarse de hauteur plus faible que chez le Caucasien. Il existe donc des risques :
● d'épiblépharon (jeune Asiatique, portion médiane de la
● Le releveur : la fusion de l'aponévrose du releveur avec paupière inférieure) – facile à traiter en cas d'irritation par
le tarse est beaucoup plus bas située que chez le Caucasien une simple résection myocutanée ;
et se fait 2 à 3 mm de la bordure ciliaire, parfois encore plus ● de bordure ciliaire dirigée plus vers l'arrière ou de
bas (figures 7.30 et 7.31). dystichiasis.
195
Chirurgie palpébrale
Tableau 7.1. Résumé des différences anatomiques entre 5. On réattache plus haut situé ce bloc d'insertion de l'apo-
Occidental et Asiatique. névrose et du septum sur la face antérieure du tarse 6 à
État anatomique Paupière Paupière asiatique 8 mm au-dessus des cils.
occidentale 6. On attache la face profonde de l'incision myocutanée à
ce niveau à l'aide de 3 points en U de Vicryl 6/0 à nœuds
Fusion releveur Sur aponévrose Face antérieure
enfouis (médiane et aplomb des bords latéraux de la
septum au-dessus du tarse du tarse
cornée).
Graisse rétroseptale Préseptale Préseptale 7. Quelques sutures complémentaires finiront de fermer le
et prétarsale
pli.
Hauteur du tarse 9–10,5 mm 6,5–8 mm À l'inverse, on peut rencontrer des Asiatiques qui ont
Hauteur maximale Médiane Médiane-médiale subi une première chirurgie esthétique et qui souhaitent
du pli pour des raisons culturelles diverses retourner au modèle
Pli palpébral visible 100 % 50 % esthétique asiatique dans un deuxième temps.
Blépharoplastie esthétique [4] Berros P, Tsrbas A, Garcia P, et al. Oculofacial contour asymetries :
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upper eyelid retraction in thyroid eye disease : functional and dyna-
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devra être évacué (chez les patients sous antiagrégants [18] Looi AL, Yong KL. “Walk the rim, Feel the bone” technique in supe-
ou anticoagulants, on allongera le pansement compressif rior sulcus filling. Plast Reconstr Surg Glob Open 2016 ; 3(12) : e592.
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197
Chirurgie palpébrale
198
Chapitre 8
Voies d'abord orbitaires
palpébroconjonctivales
rétrocaronculaires
J.-P. Adenis
PLAN DU C HAPITRE
Dacryocystorhinostomie par voie
palpébroconjonctivale 200
Indications générales 200
Technique 200
Conclusion 201
Décompression orbitaire par voie
palpébroconjonctivale rétrocaronculaire 203
Chirurgie palpébrale
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Chirurgie palpébrale
Technique
1. L'intervention est le plus souvent réalisée sous anesthé-
Figure 8.1
sie générale. Un tamponnement nasal d'une solution de
Une coque protectrice en titane est placée devant la cornée.
xylocaïne adrénalinée est le plus souvent effectué pour Une incision conjonctivale verticale est réalisée entre le repli semi-
diminuer le saignement d'origine nasal. lunaire et la caroncule.
200
8. Voies d'abord orbitaires palpébroconjonctivales rétrocaronculaires
Figure 8.4
Instruments utilisés pour cette technique : un écarteur de
Duverger modifié Adenis, un bistouri à lame retournée et une
Figure 8.2 pince de Kerisson de grande taille.
À l'aide d'un bistouri électrique en monopolaire, un plan de
dissection est créé en arrière du muscle de Duverney-Horner
jusque vers la crête lacrymale antérieure, le sac lacrymal
étant rétracté vers le haut à l'aide d'un écarteur cranté de
Duverger-Adenis.
Figure 8.5
Le sac lacrymal est récliné vers l'avant à l'aide de rétracteurs, puis
ouvert verticalement.
Figure 8.3
Le périoste orbitaire est incisé en arrière de la crête lacrymale l'anastomose lacrymale. Enfin, la conjonctive est suturée au
postérieure et récliné ensuite vers le haut jusqu'à la crête Vicryl 8/0 à nœuds enfouis entre le repli semi-lunaire et la
lacrymale antérieure à l'aide d'une rugine.
caroncule (figure 8.7).
Conclusion
7. La muqueuse nasale est incisée de façon semi-circulaire
en s'aidant de deux coton-tige introduits dans le nez, dont L'approche rétrocaronculaire est intéressante dans la
la pression permet d'appliquer la muqueuse dans l'orifice dacryocystorhinostomie pour des raisons cosmétiques car
osseux. Une suture de Goretex® 6/0 est réalisée entre les le risque de cicatrice cutanée est nul, toutefois elle n'amé-
lambeaux du sac et de la muqueuse nasale afin de réaliser liore pas le pronostic de la perméabilité lacrymale.
201
Chirurgie palpébrale
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202
8. Voies d'abord orbitaires palpébroconjonctivales rétrocaronculaires
203
Chapitre 9
Affections génétiques
et congénitales palpébrales
J.-P. Adenis
P L AN D U CHA PI T RE
Épicanthus 206 Épicanthus, télécanthus et ptosis
ou syndrome de blépharophimosis 211
Technique 1 : opération Y-V 207
Télécanthus congénital sans repli épicanthal
Technique 2 : technique des quatre lambeaux
(syndrome de Waardenburg) 212
de Mustardé 208
Syndrome du centurion
Technique 3 : technique des cinq lambeaux
(ou syndrome du sac lacrymal creux) 212
Anderson et Nowinski 208
Signes cliniques 212
Technique 4 : résection des tissus en excès 209
Pathogénie 213
Technique 5 : canthopexie interne transnasale 209
Traitement 213
Conclusion 209
Dystopie congénitale de l'angle interne :
syndromes de blépharophimosis
et de Waardenburg 211
Chirurgie palpébrale
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Chirurgie palpébrale
Épicanthus
Un repli épicanthal constitue un repli cutané et sous- ● epicanthus palpebralis (figure 9.1B) : il débute en paupière
cutané semi-lunaire, vertical ou oblique concave en dehors, supérieure au-dessus du tarse, et s'étend verticalement au
qui est situé dans l'angle interne. Il est en règle bilatéral, mais rebord orbitaire inférieur ;
peut être relativement asymétrique. L'étiologie de l'épican- ● epicanthus tarsalis (figure 9.1C) : il débute dans le pli pal-
thus n'est pas clairement établie mais est liée à un excès pébral, et se perd dans la peau proche du canthus interne.
de muscle orbiculaire et de tissu fibro-adipeux sous les L'épicanthus tarsalis est le repli oriental caractéristique ;
replis. Le terme de repli épicanthal a été introduit par Von ● epicanthus inversus(figure 9.1D) : il débute en paupière
Ammon [9] en 1880. Von Ammon a décrit trois formes inférieure, et remonte de façon progressive en oblique en
d'épicanthus : supraciliaris, palpebralis et tarsalis ; puis en haut et en dedans. Il régresse moins bien avec l'âge que les
1922, Braun fournit une description détaillée de l'épican- trois précédents. Il est une composante caractéristique du
thus inversus [2]. syndrome de blépharophimosis (ptosis, épicanthus inver-
La description classique en quatre types d'épicanthus est sus et télécanthus).
proposée par Duke Elder [3] (figure 9.1) : Dans toutes les races, la présence d'un épicanthus est
● epicanthus supraciliaris (figure 9.1A) : il débute dans une caractéristique normale de la morphologie faciale chez
la région du sourcil et traverse la région tendon canthal le fœtus entre 3 et 6 mois de gestation [3]. Chez les cauca-
interne vers le point lacrymal ; soïdes, les plis disparaissent avant la naissance ou régressent
A B
C D
Figure 9.1
Les quatre types d'épicanthus.
A. Supraciliaire. B. Palpébral. C. Tarsal. D. Inversus.
206
9. Affections génétiques et congénitales palpébrales
avec le développement facial. Un épicanthus persiste 1. On dessine un V dont la pointe se trouve en dedans du
cependant de façon permanente chez 2 à 5 % des sujets repli épicanthal et sur une ligne horizontale passant entre
[4]. Chez les Asiatiques, un repli épicanthal persiste comme les deux caroncules.
un aspect facial normal chez 70 à 90 % des sujets [5]. 2. Puis, on dessine le troisième segment sur cette ligne hori-
De nombreuses techniques chirurgicales ont été décrites zontale, dont le sommet se trouve un peu au-delà de la
pour la prise en charge de l'épicanthus. mi-distance caroncule/ligne médiane.
La déformation des tissus mous dans un repli épican- 3. La dissection en profondeur permet l'excision d'une
thal comprend un rétrécissement de la peau dans le plan petite quantité de tissu sous-cutané et de graisse
vertical, et un excès de peau et de tissu sous-cutané dans fibreuse afin de rendre au canthus interne un aspect
le plan horizontal. La correction de l'épicanthus doit donc postopératoire plus creusé et d'améliorer le résultat
impliquer un réarrangement des tissus par des plasties en cosmétique. Le tissu des deux côtés du Y se trouve
Z variées ou en Y-V et non une simple résection [6] afin de relâché.
réarranger les tissus mous tout en minimisant les cicatrices.
A A'
Figure 9.2
Opération Y-V.
207
Chirurgie palpébrale
Technique 2 : technique On incise le long des zones définies et des tissus sous-
jacents, puis on dégage tous les lambeaux pour pouvoir
des quatre lambeaux réséquer le tissu sous-cutané. Le site du nouveau canthus
de Mustardé [6–8] (figure 9.3) est libéré du tissu en excès jusqu'au périoste. S'il existe un
télécanthus, le tendon canthal interne peut être raccourci,
1. Le nouveau canthus interne, marqué par les points A et ou plicaturé et suturé, au périoste avec un fil non résor-
A′, dessine un segment AA′ égal à la moitié de la distance bable 4/0 ou 5/0.
inter-canthale. L'ancien canthus interne est marqué par le 5. Les lambeaux quadrangulaires sont alors ajustés et
point B. Les deux points sont joints. La distance entre les transposés. Ils sont suturés soit par du Nylon, Prolène 6/0
deux points est mesurée : tous les segments qu'il reste à par exemple, de la soie 6/0, soit par du fil résorbable chez
tracer seront de 2 mm inférieurs à AB. l'enfant turbulent (Vicryl à résorption rapide 6/0).
2. Au milieu de la ligne AB, on dessine la partie centrale de
deux Z avec deux segments à 60°par rapport à AB et qui Technique 3 : technique
seront dans l'axe du repli épicanthal.
3. Les deux autres branches du Z sont dessinées à l'extrémité des cinq lambeaux Anderson
du segment placé sur l'axe de l'épicanthus avec un angle de et Nowinski [1]
45° (toujours de 2 mm inférieurs à la ligne initiale AB).
4. À partir de B, deux autres lignes sont tracées parallèle- Le principe est simple et vise à combiner une plastie en Y-V
ment au bord libre de la portion lacrymale, puis du bord et une double plastie en Z placée sur le repli épicanthal
libre de la paupière. (figure 9.4).
A' A
60° 45°
A B 60°
60°
60° 45°
Figure 9.3
Technique des quatre lambeaux de Mustardé.
208
9. Affections génétiques et congénitales palpébrales
209
Chirurgie palpébrale
Figure 9.5
Canthopexie interne transnasale.
210
9. Affections génétiques et congénitales palpébrales
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On entend par dystopie congénitale de l'angle interne ● l'absence de pli palpébral supérieur : la brièveté des pau-
l'ensemble des malformations ou malpositions de la région pières supérieures avec une peau et un tissu sous-cutané
canthale interne. épais tombant verticalement à partir du sourcil entraîne
Ainsi on distingue plusieurs groupes : l'absence de pli palpébral supérieur ;
● l'épicanthus simple, isolé ; ● un ectropion congénital externe avec obliquité anti-
● les épicanthus associés au ptosis ; mongoloïde la paupière inférieure liée à l'absence de
● les épicanthus associés au télécanthus avec ptosis ou développement de la partie inféro-externe de l'orbite
syndrome de blépharophimosis ; osseuse ;
● les épicanthus rentrant dans le cadre d'un syndrome ● le déplacement des points lacrymaux, l'hypertrichose.
congénital, comme le syndrome de Down ou trisomie 21, Il peut rentrer dans le cadre de syndromes complexes [1] :
l'hypertélorisme ; ● syndrome d'Aberfeld : association avec un myosis et une
● le télécanthus congénital, sans épicanthus, caractéris- myotonie ;
tique du syndrome de Waardenburg. ● syndrome de De Lange : association avec une hypertro-
phie musculaire et un déficit mental ;
● syndrome de Young-Simpson : association avec une
Épicanthus, télécanthus hypothyroïdie, une anomalie cardiaque, un dysmorphisme
crâniofacial et un retard mental ;
et ptosis ou syndrome ● syndrome de Schwartz-Jampel : association avec une
de blépharophimosis dystrophie ostéochondromusculaire et une myotonie. Le
blépharophimosis coexiste souvent dans ce syndrome avec
Le syndrome du blépharophimosis est une malformation le blépharospasme. Curieusement, le blépharophimosis
orbitopalpébrale congénitale à transmission héréditaire apparaît tardivement vers 4–5 ans (forme acquise).
autosomique dominante. Il s'agit d'une translocation
entre les chromosomes 3 et 11 [46, XY, t (3 ; 4) (q 23 ;
p 15.2)]. Le site de localisation le plus probable d'un gêne
responsable de ce syndrome est 3q21-24 [7]. En règle générale, l'épicanthus et le télécanthus doivent
Le syndrome de blépharophimosis associe ptosis, épi- être traités en premier, avant le ptosis et l'ectropion pal-
pébral externe.
canthus, télécanthus, avec [2–6] :
Plusieurs techniques pour l'épicanthus sont possibles et
● un rétrécissement des fentes palpébrales ; déjà décrites au chapitre consacré à l'épicanthus.
● une brièveté des paupières, aussi bien dans le sens de la Le télécanthus se traite par meulage osseux et can-
longueur que dans le sens de la hauteur, la fente palpébrale thopexie transnasale.
est petite tant sur le plan horizontal que vertical ;
211
Chirurgie palpébrale
Traitement
Plusieurs techniques chirurgicales peuvent être utilisées.
La simple désinsertion du chef antérieur par voie
sous-périostée, associée à celle du chef postérieur, et sa
reposition sur la partie postérieure de la crête lacrymale
antérieure ont été proposées par Sullivan dans les formes
modérées [8].
Une action plus prononcée peut être réalisée en utili-
A sant la plicature du muscle de Duverney après un abord
classique de dacryocystorhinostomie, permettant par voie
sous-périostée de localiser les deux crêtes lacrymales. On
pourra ainsi faire passer un fil de tension depuis l'extrémité
du tarse jusque vers la crête lacrymale postérieure. La ten-
sion s'effectue alors en dedans et vers l'arrière appliquant
ainsi la paupière contre la conjonctive du globe [1].
Dans les cas post-traumatiques, on peut faciliter la
remise en tension vers l'arrière du tendon à l'aide d'une
canthopexie transnasale [5, 10] (voir figure 9.5). Toutefois,
B l'orifice de canthopexie doit être placé en arrière de la crête
lacrymale postérieure pour inciter au déplacement posté-
rieur de la région.
Plus récemment encore et pour les formes majeures,
Shore [9] a proposé de fixer des mini-plaques en titane en
forme de T sur la crête lacrymale antérieure (figure 9.6C).
L'extrémité du T se trouve ainsi très postérieure et permet
de tracter, à partir d'un orifice, les fils placés sur les branches
antérieures et postérieures du tendon canthal interne.
C
Références
Figure 9.6
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orbitaire [2] semble jouer un rôle mineur. La figure 9.6A tion of cantilevered miniplates. Ophthalmology 1992 ; 99 : 1133–8.
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portion lacrymale des deux paupières. cal basis for canthopexy. Ann Plast Surg 1983 ; 11 : 1–9.
213
Chirurgie palpébrale
214
Chapitre 10
Traitement chirurgical
du blépharospasme
J.-P. Adenis, D. Grivet
PLAN DU C HAPITRE
Description clinique 216
Formes cliniques 216
Étiologies 217
Traitement 217
Traitements chirurgicaux 218
Indications thérapeutiques 221
Chirurgie palpébrale
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Chirurgie palpébrale
Description clinique
● Âge : le début est le plus souvent entre 50 et 70 ans
pour la forme bilatérale, entre 30 et 50 ans pour le spasme
hémifacial.
● Sexe : les femmes seraient plus fréquemment touchées.
● Génétique : des formes familiales ont été décrites et en parti-
culier dans les cas de syndrome de Meige[16]. Une prédisposi-
tion génétique est notée dans un tiers des cas par Jankovic [13].
● Histoire clinique : le début est le plus souvent insidieux
(accentuation du clignement, difficulté à garder les yeux
ouverts), se prolongeant pendant plusieurs mois jusqu'à ce
que les spasmes soient évidents. Les spasmes se déclenchent
lors des situations de stress. Les patients sont soulagés par Figure 10.1
des manœuvres diverses apportant de façon inconstante et Blépharospasme essentiel.
Dystonie de l'orbiculaire prétarsal ou apraxie palpébrale.
temporaire une atténuation des spasmes.
L'intensité des contractions diminue avec les actes
suivants : en parlant, en chantant, lorsque le patient se
concentre sur un acte de pensée ou de parole, lorsque le
patient regarde vers le bas.
Enfin, le patient signale un soulagement lorsqu'il baille ou
qu'il tousse. Les contractions sont au contraire plus sévères
lorsqu'il écoute, marche, lorsqu'il se repose, se relaxe.
Elles s'accentuent lorsqu'il regarde vers le haut ou qu'il
veut fixer un objet. Les contractions sont variables au cours
de la journée ; peu intenses au réveil, elles trouvent une recru-
descence dans l'après-midi, et sont améliorées par le repos.
Formes cliniques
Limité au pourtour orbitopalpébral et bilatéral, il réalise le
blépharospasme dit essentiel dans la forme la plus courante.
C'est une dystonie faciale. Les contractions sont limitées
à l'orbiculaire, aux muscles protracteurs et corrugateurs
(muscles sourciliers et inter-sourciliers) et au muscle frontal
(figures 10.1 et 10.2).
Étendu aux muscles orbiculaires et aux muscles superfi-
ciels de la face et bilatéral, il réalise le syndrome de Meige[16]. Figure 10.2
Il s'agit d'une dystonie crâniocervicale débutant vers la Blépharospasme essentiel avec contractions cloniques des
cinquantaine. Le trouble est caractérisé par des contrac- paupières.
216
10. Traitement chirurgical du blépharospasme
tions involontaires de l'orbiculaire des paupières et par des ● Syndrome de Meige ou spasme facial médian : les spasmes
spasmes s'étendant aux muscles superficiels de la face, aux sont bilatéraux prédominant sur le ligne médiane, toniques
muscles de la mandibule, de la langue, du pharynx, du larynx, conduisant à la fermeture des yeux. Ils sont associés à des
de l'œsophage et des muscles du cou. Il peut être héréditaire contractures des muscles de la face, du palais et du cou.
selon un mode chromosomique dominant, autosomique L'étiologie serait-elle aussi dégénérative vasculaire ? La théo-
récessif ou parfois enfin récessif lié à l'X. Souvent dans une rie actuelle serait l'existence d'un déséquilibre entre le sys-
même famille, les atteintes sont variées, blépharospasme tème dopaminergique et le système cholinergique.
pour l'un, la dystonie généralisée pour l'autre, etc. [13].
Le syndrome de dystonie focale de l'orbiculaire prétarsal
(parfois aussi appelé syndrome d'apraxie palpébrale ou
Spasme hémifacial
d'akinésie palpébrale) est différent sur le plan séméiolo- Décrit par Meige en 1910 [16], il comporte des contractions
gique [4, 9, 14, 15]. L'orbiculaire d'abord prétarsal puis pré- spasmodiques intermittentes de l'orbiculaire qui s'étendent en
septal se contracte de façon progressive et lente, au lieu de quelques années à tous les muscles innervés par le facial sur
se décontracter lors de la contraction du releveur. Le patient une hémiface. De multiples travaux [11, 12, 14], ont démontré
présente une chute progressive et lente des paupières. Il lui la présence d'une boucle vasculaire anormale comprimant le
est alors impossible de soulever les paupières. Lors des ten- nerf facial lors de son émergence du tronc cérébral dans 85 %
tatives, le sourcil s'élève (signe du Charcot positif) alors que des cas (à partir de l'artère cérébelleuse dans ses branches
dans le blépharospasme le sourcil est plutôt abaissé. Après supérieure ou inférieure ou de l'artère auditive).
plusieurs tentatives apparaissent des contractions réflexes
de l'orbiculaire qui rendent parfois difficiles l'individualisa-
tion du syndrome d'avec le blépharospasme essentiel.
Le spasme hémifacial n'est pas une dystonie mais une série
Traitement
de contractions du muscle orbiculaire et des muscles superfi-
ciels de l'hémiface en rapport avec un conflit artère/nerf. Il s'agit Traitements médicamenteux
de contractures involontaires épisodiques des muscles inner- On admet que le blépharospasme est la conséquence d'un
vés par le nerf facial. Il débute en général par des contractions déséquilibre entre le système dopaminergique et le système
palpébrales, puis s'étend progressivement. Il peut persister des cholinergique, permettant une hyperactivité en faveur de l'un
contractions la nuit dans 10 % des cas. Dans presque la moitié ou de l'autre. Cela explique l'utilisation de produits très variés :
des cas, il existe un certain degré de parésie faciale ou des anté- ● agonistes dopaminergiques : les produits tels que la lisu-
cédents de paralysie faciale de ce côté-là. Bien qu'il débute le ride, la bromocriptine améliorent ou au contraire aggravent
plus souvent chez l'adulte jeune, il peut survenir chez l'enfant. l'état des patients ;
● antagonistes dopaminergiques : l'halopéridol ou Haldol® ;
● benzodiazépines : le clonazépam (Rivotril®) est efficace
Il peut s'étendre à l'ensemble de la musculature du squelette,
mais rarement au-delà de 3 mois de traitement ;
et rentre alors dans le cadre d'une dystonie généralisée, telle
qu'on l'observe au cours de la maladie de Wilson, des encé-
● le baclofène (Liorésal®) (acide alpha-aminobutyrique)
phalites, des myopathies, du syndrome d'Hallenvorden-Spatz. est aussi utilisé.
Parfois, il peut s'associer à un syndrome d'automutilation
agressif et violent : c'est le syndrome de Gilles de la Tourette.
Traitements médicaux
non médicamenteux
Étiologies Le principe de la psychothérapie est d'apprendre aux
patients à contrôler leurs contractions musculaires ou à
retrouver des activités variées qui peuvent stimuler d'autres
Blépharospasmes zones corticales.
● Blépharospasme essentiel : l'affection est bilatérale, les
spasmes sont toniques plutôt que cloniques. La cause est Toxine botulique
liée à une atteinte de certains noyaux gris centraux : partie
supérieure du colliculus, substance noire de la pars réticulée Scott [17, 18] propose depuis 1973 l'injection de toxine
[1], le noyau «raphé magnus». botulique en strabologie, puis, en 1987, dans l'orbiculaire
217
Chirurgie palpébrale
en cas de blépharospasme. La bactérie Clostridium botu- Les effets secondaires sont essentiellement :
linum produit une neurotoxine spécifique dont six types ● la diplopie par atteinte du droit supérieur, le plus sou-
différents sont individualisés de A à F. Ces protéines ont un vent, ou du petit oblique ;
poids moléculaire d'environ 900 000 daltons. Elles bloquent ● le ptosis par atteinte du releveur de la paupière
la transmission cholinergique synaptique en empêchant la supérieure.
formation de vésicules d'acétylcholine. La toxine botulique apparaît actuellement comme le
L'enregistrement des contractions de l'orbiculaire avant traitement de choix du blépharospasme et du spasme
et après injection de toxine botulique montre une dimi- hémifacial permettant de limiter les indications chirurgi-
nution importante des contractions apparaissant une cales et ne donnant lieu qu'à des complications modérées
semaine après l'injection de toxine et se prolongeant après et transitoires.
le retour des spasmes qui sont alors moins intenses.
L'examen anatomopathologique de fragments de
muscle orbiculaire ayant subi des injections de toxine botu- Traitements chirurgicaux
lique retrouve une atrophie, une dégénérescence graisseuse
et une fibrose [19]. L'atrophie est caractérisée par une dimi-
nution des fibres musculaires et une migration des noyaux.
Section du nerf facial
La toxine utilisée est la toxine A. C'est la plus stable. Il en Ce type d'intervention paraît être la première tentative
existe trois formes commerciales : la toxine américaine est chirurgicale. En 1931, Frazier [6] met au point la première
la toxine Wisconsin® ou Botox® ; la toxine d'origine anglaise technique de section sélective par stimulation électrique
ou Porton Down® a été largement utilisée par Elston [5] ; et de chaque filet nerveux exposé dans l'incision, évitant ainsi
la toxine allemande du Laboratoire Merz. La toxine botu- de sectionner les filets non concernés par le spasme. Le
lique B ou Neurobloc® est fournie par le laboratoire Elan. nombre de filets à sectionner est variable du fait des nom-
On utilise une dilution fixe de la préparation pour chaque breuses anastomoses possibles. La technique est depuis
type commercial. abandonnée en raison du risque élevé de récidives.
L'injection se pratique sur un malade allongé dont la
peau est désinfectée. L'injection est faite en sous-cutané
profond, en évitant les zones médianes des paupières, pour Technique 1 : résection
que le produit ne diffuse pas vers le muscle releveur ou les de l'orbiculaire prétarsal et préseptal
muscles oculomoteurs. On doit éviter l'injection en regard
du droit supérieur et du releveur de la paupière supérieure La technique la plus courante consiste à réaliser la résection
du petit oblique. La dose injectée est en moyenne de 25 de l'orbiculaire à partir d'une incision réalisée dans le pli pal-
Unités par œil pour la toxine américaine. pébral supérieur (figure 10.3).
Marion [15], à partir d'études cliniques comparatives, 1. L'incision est faite en forme de double S allongé dans le
établit un ratio d'équivalence d'un sur trois entre Botox® et pli palpébral supérieur. Les deux incisions se prolongent et
Dysport®. se rejoignent en-dehors, dans le pli supérieur de la patte
Après les injections, le patient doit garder une position d'oie sans dépasser pour des raisons cosmétiques le rebord
d'orthostatisme pendant 8 à 12 heures. L'effet de l'injec- osseux orbitaire externe.
tion ne sera perceptible que 2 à 3 jours au minimum après, 2. La résection de la peau et de l'orbiculaire entre les deux
et elle sera maximale au 20e jour, et durera environ 13 à incisions cutanées permet de corriger le dermachalasis fré-
15 semaines selon les patients. L'efficacité serait plus longue quent et gênant chez ces patients. La résection d'orbiculaire
en cas de spasme hémifacial que dans le blépharospasme. est effectuée d'abord en séparant l'orbiculaire de la peau en
De nombreux travaux sont venus confirmer l'intérêt de ce avant, soit aux ciseaux soit au bistouri électrique, puis en
type de traitement [1, 2–4, 15, 17]. arrière du septum en haut et du tarse en bas, en respectant
si possible dans le fond de l'incision l'artère de l'arcade mar-
ginale puis la base des cils. La hauteur d'orbiculaire réséqué
La diminution d'efficacité à long terme peut être liée est d'environ 15 à 18 mm en haut et 10 mm en bas.
à la production d'autoanticorps contre la toxine. Ces 3. On évitera d'aller trop loin en dedans car on risque, si l'on
anticorps sont produits d'autant plus facilement que les dépasse une ligne verticale passant par le point lacrymal,
doses injectées sont fortes. une bride épicanthale. Vers le haut, on peut essayer d'at-
teindre la base du sourcil reposant sur son organe graisseux
218
10. Traitement chirurgical du blépharospasme
Figure 10.3
Résection de l'orbiculaire prétarsal et préseptal.
Figure 10.4
Résection de l'orbiculaire prétarsal et préseptal.
A. Après ablation de l'orbiculaire on observe le tarse, le septum et la graisse de l'organe en rouleau. B. Après ablation de l'orbiculaire, on
observe, à plus fort grandissement, l'artère de l'arcade marginale.
ou graisse de Charpy dont la couleur est légèrement plus Technique dite de full myectomy
foncée que celle de la poche palpébrale médiane ou organe
en rouleau. d'Anderson [2, 8]
En 1981, Gillum et Anderson proposent une intervention
Technique 1 bis : résection élective combinant une excision de l'orbiculaire préseptal et une exci-
sion des muscles supra- et inter-ciliaires, procerus et corruga-
de l'orbiculaire prétarsal teurs. Par deux incisions curvilignes au-dessus des sourcils, on
Elle a été proposée comme un traitement plus efficace excise la peau et les muscles (muscle frontal et corrugateur).
que la résection préseptale [5]. Pour cela, on pratique une Par un tunnel sous-cutané médian entre les deux incisions,
incision cutanée dans le pli palpébral, puis on sépare les le muscle procerus peut être excisé. Puis, en descendant en
adhérences de l'orbiculaire avec la peau jusqu'à la racine des sous-cutané vers le sourcil, on excise le muscle orbiculaire
cils que l'on respecte soigneusement. L'orbiculaire est alors préseptal puis éventuellement prétarsal. Anderson associe
facilement séparé du tarse en arrière et la presque totalité une fixation des sourcils au périoste permettant leur éléva-
de l'orbiculaire prétarsal peut ainsi être enlevée (figure 10.4). tion pour éviter un ptosis post-opératoire.
219
Chirurgie palpébrale
Technique 2 : la suspension
palpébrale
Elle a été proposée depuis longtemps dans le traitement du
blépharospasme en particulier de la dystonie de l'orbicu-
laire prétarsal (figures 10.5 à 10.10).
1. Sur le plan technique, on débute par la technique 1 avec
résection de l'orbiculaire prétarsal et ou septal.
2. On poursuit par une suspension palpébrale classique Figure 10.5
décrite au chapitre consacré au ptosis. Suspension palpébrale : prélèvement de fascia lata.
220
10. Traitement chirurgical du blépharospasme
Indications thérapeutiques
Le traitement symptomatique s'adresse surtout aux blé-
pharospasmes dits essentiels. Pour les blépharospasmes
secondaires, on traite avant tout la cause (locale ou
générale).
Dans la grande majorité des cas, on utilisera d'emblée
comme premier traitement les injections de toxine
botulique.
En cas d'échec, après plusieurs séances d'injections, seule
Figure 10.9
la chirurgie est de mise :
Suspension palpébrale : passage des bandelettes de fascia lata.
● soit par résection de l'orbiculaire par voie palpébrale.
La tendance actuelle est de réaliser une résection de l'orbi-
culaire prétarsal et préseptal, chaque fois que les contrac-
tions palpébrales sont intenses et que le sourcil est abaissé
(signe de Charcot). La présence d'un dermachalasis en excès
est une bonne indication de cette technique en première
intention ;
● soit par suspension palpébrale au frontal par du fascia
lata ou, à défaut, en cas d'impossibilité, par des bandelettes
de PTFE ou de Mersilène®.
La principale indication concerne les formes avec apraxie
palpébrale. Dans ce cas, le patient décrit une impossibilité
de soulever ses paupières avec des sourcils surélevés et rela-
tivement peu de contractions palpébrales.
221
Chirurgie palpébrale
Tableau 10.1. Diagramme de traitement. [7] Frueh BR, Musch DC, Bersani TA. Effects of eyelid protractor exci-
sion for the treatment of benign essential blepharospasm. Am
1. Pour presque tous, en première intention : J Ophthalmol 1992 ; 113 : 681–6.
– injection de toxine botulique [8] Gillum WH, Anderson RL. Blepharospasm surgery. An anatomical
2. En cas d'échec de la toxine botulique et selon le type approach. Arch Ophthalmol 1981 ; 99 : 1056–62.
clinique : [9] Grivet D, Robert PY, Thuret G, et al. Assessment of blepharospasm
surgery using an improved disability scale : study of 138 cases.
– spasme hémifacial : décompression neurochirurgicale,
Ophthalmic Plast Reconstruct Surg 2005 ; 21(3) : 230–4.
artère, nerf facial [10] Goldstein JE, Cogan DG. Apraxia of lid opening. Arch Ophthalmol
– blépharospasme essentiel : résection de l'orbiculaire 1965 ; 73 : 155–9.
prétarsal et préseptal [11] Iwakuma T, Matsumoto A, Nakamura M. Hemifacial spasm.
– blépharospasme essentiel et syndrome d'apraxie J Neurosurg 1982 ; 57 : 753–6.
palpébrale : suspension frontale [12] Janetta PJ, Munir Abbasy M, Maroon JC, et al. Etiology and defini-
– formes résiduelles après la chirurgie : injections de toxine tive microsurgical treatment of hemifacial spasm. Operative tech-
botulique niques and results in 47 patients. J Neurosurg 1977 ; 47 : 321–8.
[13] Jankovik J, Ford J. Blepharospasm and orofacial dystonia : clinical
and pharmacologial finding in 100 patients. Ann Neurol 1983 ; 13 :
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