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Prophetes Et Rois

Le livre 'Prophètes et Rois' d'Ellen G. White explore l'histoire d'Israël, de sa gloire à sa captivité, en soulignant les leçons morales à tirer de ses triomphes et échecs. Il met en lumière le rôle d'Israël en tant que dépositaire de la vérité divine et la mission sacrée qui lui était confiée pour bénir l'humanité. À travers les récits des rois et des prophètes, l'ouvrage illustre la fidélité de Dieu envers son peuple malgré leurs infidélités.

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Prophetes Et Rois

Le livre 'Prophètes et Rois' d'Ellen G. White explore l'histoire d'Israël, de sa gloire à sa captivité, en soulignant les leçons morales à tirer de ses triomphes et échecs. Il met en lumière le rôle d'Israël en tant que dépositaire de la vérité divine et la mission sacrée qui lui était confiée pour bénir l'humanité. À travers les récits des rois et des prophètes, l'ouvrage illustre la fidélité de Dieu envers son peuple malgré leurs infidélités.

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PROPHÈTES ET ROIS

Ellen G. White

1
Préface

Toute l'histoire du peuple élu: les enfants


d'Abraham « selon la chair », est d'un intérêt vital,
en ce qu'elle révèle les différents aspects du
caractère de Dieu: sa compassion infinie, sa
parfaite justice, sa sagesse illimitée, sa puissance
insondable et son amour éternel.

Mais de toute cette histoire aucune partie n'est


plus intéressante que celle dont traite cet ouvrage,
c'est-à-dire l'époque où Israël a atteint le faîte des
honneurs, jusqu'à sa captivité et son retour en
Palestine.

Le but de ce livre n'est pas d'entrer dans les


détails de l'histoire de cette époque, ni d'en donner
un récit systématique. D'autres l'ont fait depuis
longtemps. Mais il s'agit là d'en faire ressortir de
plus grandes choses: tirer des leçons morales des
triomphes d'Israël, de ses défaites, ses apostasies,
sa captivité et ses réformes, de façon à venir en
aide d'une manière pratique à ceux qui passent par

2
l'épreuve, en leur montrant la profondeur de
l'amour de Dieu et sa grande miséricorde dans
tous ses agissements à l'égard d'un peuple obstiné.

L'ouvrage débute avec Israël, au moment où il


ne composait qu'un seul royaume, dans sa gloire,
avec son temple magnifique: centre mondial du
véritable culte. Puis vient la division en deux
royaumes: celui du nord composé de dix tribus qui,
à cause de leur infidélité, furent emmenées en
captivité pour toujours, et celui du sud, avec les
tribus de Juda et Benjamin, connu sous le nom de
royaume de Juda.

Juda, avec ses principaux rois, bons ou


mauvais, sa captivité, ses ressortissants qui
pleurent sur les rives de l'Euphrate, leurs harpes
suspendues aux saules, les regards tournés vers
Jérusalem dévastée — tout cela est passé en
revue.

Ensuite, c'est la vie des captifs à Babylone,


leurs saints hommes, leurs prophètes, leur
délivrance par suite de la promulgation d'un décret
3
par un puissant monarque, leur retour à
Jérusalem, la reconstruction du temple sous la
direction divine et le rétablissement des Juifs en
Palestine.

L'ouvrage s'arrête longuement sur la vie des


rois d'Israël: Salomon, que sa sagesse
extraordinaire n'empêche pas de se détourner de
Dieu; Jéroboam, qui provoqua la division du
royaume et les maux qui en résultèrent; le grand
prophète Élie, dont la mission fut si importante;
Élisée, son successeur, prophète de paix et de
guérison; Achaz, le roi faible et méchant; Ézéchias,
le roi timide et débonnaire; Daniel, le prophète «
bien-aimé » de Dieu; Jérémie, le prophète de la
tristesse; Aggée, Zacharie et Malachie, les
prophètes de la restauration. Et au-dessus de tous
ces personnages, dans une gloire surnaturelle,
vient le Roi des rois, l'« Agneau de Dieu », le Fils
unique du Père, en qui s'accomplissent tous les
types des cérémonies lévitiques.

Les desseins de Dieu sont immuables. Si le


peuple élu ne proclame pas l'Évangile, celui-ci fera
4
son chemin sans lui. Qu'arriva-t-il lorsque Israël
fut captif à Babylone? Grâce au témoignage d'une
poignée d'hommes fidèles, le puissant monarque de
cet empire fut amené à proclamer dans le monde
entier la connaissance du vrai Dieu. Puis, ce fut
Cyrus, roi de Perse, qui mit un terme à la captivité
du peuple élu. La richesse et la puissance des
nations sont à la disposition de ce dernier, si Dieu
le veut.

Ainsi, nous sommes amenés, dans


l'accomplissement des plans divins, du type à
l'antitype, des rois éphémères au Roi éternel, de la
gloire qui s'évanouit à la gloire qui demeure, du
peuple mortel qui pèche et disparaît au peuple
juste, immortel.

Puisse cet ouvrage, dont l'auteur est mort


lorsqu'il préparait les derniers chapitres, conduire
beaucoup d'âmes au seul vrai Dieu, c'est le vœu
sincère que forment

LES EDITEURS

5
Introduction

Le vignoble du Seigneur

C'était dans le dessein de procurer à tous les


peuples de la terre les meilleurs dons du ciel que
Dieu demanda à Abraham de quitter sa patrie et la
maison de son père pour aller habiter au pays de
Canaan. « Je ferai de toi une grande nation, lui dit-
il, et je te bénirai; je rendrai ton nom grand, et tu
seras une source de bénédiction. » (Genèse 12:2)
Dieu appelait Abraham à un grand honneur: celui
d'être le père du peuple qui, pendant des siècles,
devait être le dépositaire de la vérité, le peuple
grâce auquel toutes les nations de la terre seraient
bénies par la venue du Messie promis.

À cette époque, les hommes avaient presque


perdu la notion du vrai Dieu. L'idolâtrie
obscurcissait leur esprit. Ils s'efforçaient de
remplacer la loi divine « sainte, juste et bonne »
(Romains 7:12) par des lois selon leurs cœurs
cruels et égoïstes. Cependant, Dieu, dans sa

6
miséricorde, ne les anéantit pas. Il leur donna
l'occasion de le connaître par son Église. Il décida
que les principes révélés à son peuple
contribueraient à restaurer en eux son image.

La loi divine devait être exaltée, son autorité


maintenue, et une grande et noble tâche fut confiée
à Israël. Le Seigneur sépara celui-ci du monde, afin
de lui confier une mission sacrée. Il en fit le
dépositaire de sa loi pour qu'il fasse connaître le
vrai Dieu. Ainsi, la lumière céleste devait
resplendir sur un monde plongé dans les ténèbres.
La voix divine se ferait entendre de tous les
peuples pour qu'ils se détournent de l'idolâtrie et
servent le Dieu vivant.

« Par une grande puissance et par une main


forte » (Exode 32:11), le Seigneur fit sortir son
peuple du pays d'Égypte. « Il envoya Moïse, son
serviteur, et Aaron, qu'il avait choisi. Ils
accomplirent par son pouvoir des prodiges au
milieu d'eux, ils firent des miracles dans le pays de
Cham. » « Il menaça la mer Rouge, et elle se
dessécha; et il les fit marcher à travers les abîmes.
7
» (Psaumes 105:26, 27; 106:9) Il les délivra de
l'esclavage pour les conduire dans un bon pays, un
pays que, dans sa providence, il avait préparé pour
leur servir de refuge contre leurs ennemis. Il
voulait les amener à lui pour les entourer de son
bras protecteur. En retour de tant de bonté et de
miséricorde, les Israélites devaient exalter son nom
et le rendre glorieux.

« La portion de l'Éternel, c'est son peuple,


Jacob est la part de son héritage. Il l'a trouvé dans
une contrée déserte, dans une solitude aux
effroyables hurlements; il l'a entouré, il en a pris
soin, il l'a gardé comme la prunelle de son œil,
pareil à l'aigle qui éveille sa couvée, voltige sur ses
petits, déploie ses ailes, les prend, les porte sur ses
plumes. L'Éternel seul a conduit son peuple, et il
n'y avait avec lui aucun dieu étranger. »
(Deutéronome 32:9-12) C'est ainsi que Dieu attirait
à lui les Israélites pour qu'ils puissent se reposer à
l'ombre du Tout-Puissant. Préservés
miraculeusement des périls qui les menaçaient dans
leur pérégrination au désert, ils s'établirent enfin au
pays de la promesse, comme une nation favorisée.
8
Au moyen d'une parabole, le prophète Ésaïe a
parlé du rôle que devait jouer Israël en tant que
représentant de Jéhovah. « Je chanterai à mon bien-
aimé, dit-il, le cantique de mon bien-aimé sur sa
vigne. Mon bien-aimé avait une vigne, sur un
côteau fertile. Il en remua le sol, ôta les pierres, et
y mit un plant délicieux; il bâtit une tour au milieu
d'elle, et il y creusa aussi une cuve. Puis il espéra
qu'elle produirait de bons raisins. » (Ésaïe 5:1, 2)

Dieu se proposait donc par la nation israélite de


bénir toute l'humanité. « La vigne de l'Éternel des
armées, déclarait le prophète, c'est la maison
d'Israël, et les hommes de Juda, c'est le plant qu'il
chérissait. » (Ésaïe 5:7)

C'est à Israël qu'ont été confiés les oracles de


Dieu. Ceux-ci étaient comme entourés par les
préceptes de la loi divine, principe éternel de vérité
et de pureté. L'obéissance à ces préceptes devait
être leur sauvegarde, car ceux-ci les protégeraient
des pratiques destructrices du mal. Et comme tour
dans la vigne, il plaça au beau milieu du terrain son
9
saint temple.

Le Christ était leur pédagogue. Il les avait


guidés dans le désert; il resterait avec eux pour les
instruire et les conseiller. Sa gloire, la sainte
Schekinah, reposait sur le propitiatoire dans le
tabernacle, puis au temple. Il ne cessa de
manifester en leur faveur les richesses de son
amour et de sa patience.

Moïse exposa aux Israélites le dessein de Dieu


en des termes qui ne prêtaient à aucune équivoque.
« Tu es un peuple saint pour l'Éternel, ton Dieu,
dit-il; l'Éternel, ton Dieu, t'a choisi pour que tu
fusses un peuple qui lui appartînt entre tous les
peuples qui sont sur la face de la terre. »

« Aujourd'hui, tu as fait promettre à l'Éternel


qu'il sera ton Dieu, afin que tu marches dans ses
voies, que tu observes ses lois, ses
commandements et ses ordonnances, et que tu
obéisses à sa voix. Et aujourd'hui, l'Éternel t'a fait
promettre que tu seras un peuple qui lui
appartiendra, comme il te l'a dit, et que tu
10
observeras tous ses commandements, afin qu'il te
donne sur toutes les nations qu'il a créées la
supériorité en gloire, en renom et en magnificence,
et afin que tu sois un peuple saint pour l'Éternel,
ton Dieu, comme il te l'a dit. » (Deutéronome 7:6;
26:17-19)

Les enfants d'Israël devaient occuper tout le


territoire que le Seigneur leur avait assigné. Il
fallait déposséder les nations qui avaient rejeté le
culte du vrai Dieu. Mais le plan du Seigneur était
que par la révélation de son caractère à Israël les
hommes soient attirés à lui. L'Évangile était
adressé au monde entier. Par le service sacrificiel,
le Christ devait être exalté devant la nation, et tous
ceux qui le regardaient auraient la vie. Tous les
païens, tels que Rahab, la Cananéenne, ou Ruth, la
Moabite, étaient invités à s'unir au peuple élu. À
mesure qu'augmentaient les Israélites, ils devaient
élargir leurs frontières, jusqu'à ce que leur royaume
englobe le monde entier.

Mais Israël n'accomplit pas le dessein du


Seigneur. Dieu déclarait: « Je t'avais planté comme
11
une vigne excellente et du meilleur plant; comment
as-tu changé, dégénéré en une vigne étrangère? » «
Israël était une vigne féconde, qui rendait beaucoup
de fruits. » « Maintenant donc, habitants de
Jérusalem et hommes de Juda, soyez juges entre
moi et ma vigne! Qu'y avait-il encore à faire à ma
vigne, que je n'aie pas fait pour elle? Pourquoi,
quand j'ai espéré qu'elle produirait de bons raisins,
en a-t-elle produit de mauvais? Je vous dirai
maintenant ce que je vais faire à ma vigne. J'en
arracherai la haie, pour qu'elle soit broutée; j'en
abattrai la clôture, pour qu'elle soit foulée aux
pieds. Je la réduirai en ruine; elle ne sera plus
taillée, ni cultivée; les ronces et les épines y
croîtront; et je donnerai mes ordres aux nuées, afin
qu'elles ne laissent plus tomber la pluie sur elle. ...
Il avait espéré de la droiture, et voici du sang versé!
De la justice, et voici des cris de détresse! »
(Jérémie 2:21; Osée 10:1; Ésaïe 5:3-7)

Moïse avait décrit les résultats de l'infidélité.


En refusant d'observer les clauses de son alliance,
les Israélites se privaient eux-mêmes de la vie de
Dieu et de la bénédiction qui en découle. Parfois ils
12
écoutaient ses avertissements, et de riches
bénédictions s'ensuivaient, dont ils faisaient
profiter les nations voisines. Mais, la plupart du
temps, ils oubliaient Dieu et perdaient de vue le
grand privilège de le représenter ici-bas. Ils le
frustraient du service qu'il réclamait d'eux, et ils
frustraient en même temps leurs semblables
d'instructions religieuses et d'un saint exemple. Ils
désiraient s'approprier eux-mêmes les fruits de la
vigne dont ils avaient été faits les économes. Leur
convoitise et leur cupidité les firent mépriser des
païens. C'est ainsi que les Gentils furent amenés à
méconnaître le caractère de Dieu, ainsi que les lois
de son royaume.

Mais, avec son cœur de père, Dieu supporta son


peuple. Il usa envers lui de miséricorde. Avec
patience, il plaça devant les Israélites leurs péchés;
et, dans sa longanimité, il attendit qu'ils les
reconnaissent. Il leur envoya successivement des
prophètes et des messagers pour réclamer les fruits
de sa vigne; mais, au lieu de les recevoir avec
empressement, ils les traitèrent en ennemis. Ils les
maltraitèrent et les tuèrent. Alors il leur envoya
13
encore d'autres messagers, mais ceux-ci reçurent le
même accueil que les premiers; ils se montrèrent
même plus farouches encore à leur égard.

Le retrait de la faveur divine pendant l'exil en


amena plusieurs à la repentance. Cependant, après
le retour au pays de la promesse, le peuple juif
répéta les mêmes erreurs que les générations
précédentes, ce qui le mit en conflit avec les
nations qui l'entouraient. Les prophètes envoyés
par Dieu pour corriger les maux les plus frappants
furent reçus avec la même suspicion et les mêmes
moqueries que ceux d'autrefois; et ainsi, de siècle
en siècle, les vignerons aggravèrent leur
culpabilité.

Le plant délicieux que le divin propriétaire


avait mis sur les collines de la Palestine fut méprisé
par les hommes d'Israël, et finalement jeté par-
dessus la clôture, et foulé aux pieds, avec l'espoir
qu'il serait détruit pour toujours. Alors le
propriétaire le recueillit pour qu'on ne le voie plus.
Puis il le planta de l'autre côté de la clôture. Les
branches envahirent alors celle-ci, et purent ainsi
14
être greffées, mais les hommes n'avaient plus accès
à la souche pour lui nuire.

Les messages de conseil et d'exhortation


donnés par les prophètes pour faire comprendre le
dessein éternel de Dieu en faveur de l'humanité ont
une grande valeur pour l'Église, gardienne de la
vigne. Dans les enseignements des prophètes,
l'amour de Dieu en faveur du pécheur et son plan
pour le sauver sont clairement révélés. L'histoire de
l'appel d'Israël, ses succès et ses défaillances, son
retour à la faveur divine, son rejet par le maître de
la vigne et l'accomplissement du plan des âges par
un reste fidèle auquel sont faites toutes les
promesses divines — tout cela a constitué le
thème des messages de Dieu à son Église à mesure
que les siècles se sont écoulés. Et, de nos jours, le
message du Seigneur à son Église — à ceux qui
s'occupent de sa vigne, comme de fidèles vignerons
— n'est pas différent de celui que donnaient les
prophètes d'autrefois:

Chantez un cantique sur la vigne.


Moi l'Éternel, j'en suis le gardien,
15
Je l'arrose à chaque instant;
De peur qu'on ne l'attaque,
Nuit et jour je la garde.
(Ésaïe 27:2, 3)

Qu'Israël espère en Dieu! Le maître de la vigne


réunit aujourd'hui des hommes de toute nation et de
tout peuple, ces fruits précieux sur lesquels il a
compté depuis longtemps. Bientôt il viendra lui-
même. En ce jour heureux, son dessein éternel
envers la maison d'Israël sera enfin accompli. «
Dans les temps à venir, Jacob prendra racine, Israël
poussera des fleurs et des rejetons, et il remplira le
monde de ses fruits. » (Ésaïe 27:6)

16
Chapitre 1

Salomon

Sous le règne de David et de Salomon, Israël


devint une nation puissante qui eut souvent
l'occasion d'exercer une forte influence en faveur
de la justice et de la vérité. Le nom de Dieu y était
exalté et honoré, et le but pour lequel les Israélites
avaient été établis au pays de Canaan promettait de
se réaliser pleinement. Les barrières avaient été
renversées, et ceux qui venaient des pays païens
pour chercher la vérité en Israël n'en repartaient pas
déçus. Les conversions se multipliaient et l'Église
de Dieu sur la terre s'agrandissait et prospérait.

Salomon fut oint et proclamé roi à la fin du


règne de son père David, qui abdiqua en sa faveur.
Les premières années de sa vie s'annonçaient sous
de brillants auspices: il était dans les plans divins
que ce monarque, de force en force, de gloire en
gloire, reflétât toujours mieux le caractère de Dieu.
Il inspirait ainsi à son peuple le désir de remplir la

17
mission sacrée qu'il avait reçue comme dépositaire
de la vérité divine.

David savait que le but suprême de Dieu en


faveur d'Israël ne serait atteint que si les rois et le
peuple cherchaient avec une vigilance inlassable à
parvenir à l'idéal qui était placé devant eux. Il
savait que si son fils Salomon voulait être digne de
la confiance de Dieu, le jeune roi devait être non
seulement un guerrier, un homme d'Etat, mais aussi
un homme doué de force de caractère, de bonté, un
modèle de justice et de fidélité.

David invitait tendrement Salomon à faire


preuve de bravoure, de noblesse, de miséricorde et
de bonté envers ses sujets, à glorifier le nom de
Dieu et à rendre manifeste la beauté de sa sainteté
dans tous ses rapports avec les autres nations.

Les expériences douloureuses que David avait


faites, au cours de sa vie, lui avaient appris la
valeur des plus nobles vertus et l'avaient amené à
déclarer, en remettant ses pouvoirs à son fils: «
Celui qui règne parmi les hommes avec justice,
18
celui qui règne dans la crainte de Dieu, est pareil à
la lumière du matin, quand le soleil brille et que la
matinée est sans nuages; ses rayons après la pluie
font sortir de terre la verdure. » (2 Samuel 23:3, 4)

Quelle belle occasion s'offrait à Salomon! S'il


suivait les instructions divinement inspirées de son
père, son règne serait un règne de justice,
semblable à celui décrit au psaume 72:

O Dieu, donne tes jugements au roi,


Et ta justice au fils du roi!
Il jugera ton peuple avec justice,
Et tes malheureux avec équité. ...
Il sera comme une pluie qui tombe sur un
terrain fauché,
Comme des ondées qui arrosent la campagne.
En ses jours le juste fleurira,
Et la paix sera grande jusqu'à ce qu'il n'y ait
plus de lune.
Il dominera d'une terre à l'autre,
Et du fleuve aux extrémités de la terre. ...
Les rois de Tarsis et des îles paieront des
tributs,
19
Les rois de Séba et de Saba offriront des
présents.
Tous les rois se prosterneront devant lui,
Toutes les nations le serviront.
Car il délivrera le pauvre qui crie,
Et le malheureux qui n'a point d'aide. ...
Ils prieront pour lui sans cesse, ils le béniront
chaque jour. ...
Son nom subsistera toujours,
Aussi longtemps que le soleil son nom se
perpétuera;
Par lui on se bénira mutuellement,
Et toutes les nations le diront heureux. Béni soit
l'Éternel Dieu, le Dieu d'Israël,
Qui seul fait des prodiges!
Béni soit à jamais son nom glorieux!
Que toute la terre soit remplie de sa gloire!
Amen! Amen!

Dans sa jeunesse Salomon suivit la voie tracée


par son père; il marcha dans la justice pendant de
nombreuses années. Sa vie fut marquée par une
stricte obéissance aux commandements de Dieu.
Dès le début de son règne, il se rendit avec ses
20
conseillers à Gabaon où se trouvait encore le
tabernacle construit dans le désert. Là, avec les «
chefs de milliers et de centaines », les « juges », les
« princes de tout Israël », les « chefs des mai-sons
paternelles » (2 Chroniques 1:2), il offrit des
sacrifices à l'Éternel et se consacra au service du
Seigneur.

Se rendant compte de la solennité des devoirs


relatifs à la royauté, Salomon comprenait que ceux
qui assumaient de lourdes charges devaient
chercher à s'abreuver à la source de toute sagesse,
s'ils voulaient réussir dans leur tâche. Ceci le
poussa à inviter ses conseillers à s'unir à lui de tout
cœur pour rechercher la faveur divine.

Salomon désirait par-dessus tous les biens de ce


monde la sagesse et l'intelligence, afin de pouvoir
accomplir l'œuvre que le Seigneur lui avait
assignée. Il souhaitait ardemment posséder la
vivacité d'esprit, la largesse du cœur, la bonté
d'âme.

Une nuit, Dieu lui apparut en songe, et lui dit: «


21
Demande ce que tu veux que je te donne. » Le
jeune monarque, inexpérimenté, et se rendant
compte de sa faiblesse, répondit: « Tu as traité avec
une grande bienveillance ton serviteur David, mon
père, parce qu'il marchait en ta présence dans la
fidélité, dans la justice, et dans la droiture de cœur
envers toi, tu lui as conservé cette grande
bienveillance, et tu lui as donné un fils qui est assis
sur son trône, comme on le voit aujourd'hui.
Maintenant, Éternel mon Dieu, tu as fait régner ton
serviteur à la place de David, mon père; et moi je
ne suis qu'un jeune homme, je n'ai point
d'expérience. Ton serviteur est au milieu du peuple
que tu as choisi, peuple immense, qui ne peut être
compté, ni nombré, à cause de sa multitude.
Accorde donc à ton serviteur un cœur intelligent,
pour juger ton peuple, pour discerner le bien du
mal! Car qui pourrait juger ton peuple, ce peuple si
nombreux?

»Cette demande de Salomon plut au Seigneur.


Et Dieu lui dit: Puisque c'est là ce que tu
demandes, puisque tu ne demandes pour toi ni une
longue vie, ni les richesses, ni la mort de tes
22
ennemis, et que tu demandes de l'intelligence pour
exercer la justice, voici, j'agirai selon ta parole. Je
te donnerai un cœur sage et intelligent, de telle
sorte qu'il n'y aura eu personne avant toi et qu'on
ne verra jamais personne de semblable à toi. Je te
donnerai, en outre, ce que tu n'as pas demandé, des
richesses et de la gloire, de telle sorte qu'il n'y aura
pendant toute ta vie aucun roi qui soit ton pareil. Et
si tu marches dans mes voies, en observant mes
lois et mes commandements, comme l'a fait David,
ton père, je prolongerai tes jours. » (1 Rois 3:5-14;
2 Chroniques 1:7-12)

Ainsi Dieu promit d'être avec Salomon, comme


il l'avait été avec David. Si le roi marchait devant
Dieu dans la droiture, s'il obéissait aux
commandements, son trône serait affermi et son
règne exalterait Israël, ce peuple « absolument sage
et intelligent » (Deutéronome 4:6), lumière des
nations d'alentour.

Les paroles prononcées par Salomon, alors qu'il


priait devant l'autel de Gabaon, révèlent son
humilité et son grand désir d'honorer le Seigneur.
23
Le monarque se rendait compte que sans le secours
divin il était aussi faible qu'un petit enfant et ne
pouvait assumer les responsabilités qui lui
incombaient. Il savait qu'il manquait de
discernement, et c'est le sentiment de sa grande
faiblesse qui le conduisit à demander à Dieu la
sagesse. Il n'y avait nulle aspiration égoïste dans
son cœur; il ne désirait pas acquérir une
connaissance qui l'élèverait au-dessus de ses
semblables. Mais il avait à cœur de s'acquitter
fidèlement de ses devoirs. C'est pourquoi il choisit
le don qui pouvait attirer sur son règne la gloire de
Dieu. Salomon ne fut jamais ni si riche, ni si sage,
ni si grand que lorsqu'il fit cette confession: « Je ne
suis qu'un jeune homme, je n'ai point d'expérience.
»

Ceux qui, de nos jours, occupent des positions


de confiance devraient chercher à comprendre les
leçons qui se dégagent de la prière de Salomon.
Plus leur situation sera importante, plus grande sera
leur responsabilité; plus leur influence sera
étendue, plus aussi se rendront-ils compte de leurs
besoins et de leur dépendance de Dieu. Qu'ils ne
24
perdent jamais de vue que celui qui a reçu une
charge est appelé à se conduire d'une façon
exemplaire avec ses semblables, et doit se
comporter devant Dieu comme un homme qui a
besoin d'apprendre. La situation ne confère pas la
sainteté. C'est en honorant le Seigneur et en
obéissant à ses commandements que l'on devient
vraiment grand.

Le Dieu que nous servons ne fait point


acception de personnes. Celui qui donna à Salomon
un esprit de discernement désire accorder la même
bénédiction à ses enfants, aujourd'hui. « Si
quelqu'un d'entre vous, dit saint Jacques, manque
de sagesse, qu'il la demande à Dieu, qui donne à
tous simplement et sans reproche, et elle lui sera
donnée. » (Jacques 1:5)

Celui qui, fatigué et chargé, recherche la


sagesse plutôt que la richesse, la puissance ou la
renommée, ne sera pas déçu. Il apprendra du grand
Maître, non seulement ce qu'il doit faire, mais
comment le faire, de manière à obtenir son
approbation. Aussi longtemps qu'il reste consacré,
25
celui que le Seigneur a doué de discernement et de
talent ne convoitera ni position élevée, ni autorité
sur ses semblables. Sans doute est-il nécessaire que
certains hommes assument des responsabilités;
mais, au lieu de s'imposer, les vrais chefs
demanderont à Dieu l'intelligence et le
discernement entre le bien et le mal.

Le sentier des dirigeants n'est pas facile. C'est


pourquoi ils devraient chercher à résoudre leurs
difficultés par la prière. Ils ne seront jamais confus
s'ils ont recours à la source de toute sagesse.
Fortifiés et éclairés par le divin Maître, ils pourront
affronter avec succès les mauvaises influences, et
discerner entre le bien et le mal, entre le vrai et le
faux. Ils approuveront ce que Dieu peut approuver,
et lutteront farouchement contre les principes
erronés.

Le Seigneur accorda à Salomon la sagesse qu'il


désirait avant toute autre chose: la richesse, les
honneurs, et une longue vie. La prière qu'il fit
monter vers le ciel pour obtenir la vivacité d'esprit,
la grandeur d'âme, un cœur intelligent, fut exaucée.
26
« Dieu donna à Salomon de la sagesse, une très
grande intelligence, et des connaissances
multipliées comme le sable qui est au bord de la
mer. La sagesse de Salomon surpassait la sagesse
de tous les fils de l'Orient et toute la sagesse des
Egyptiens. Il était plus sage qu'aucun homme ... et
sa renommée était répandue parmi toutes les
nations d'alentour. » (1 Rois 4:29-31)

« Tout Israël ... craignit le roi, car on vit que la


sagesse de Dieu était en lui pour le diriger dans ses
jugements. » (1 Rois 3:28) Le cœur du peuple était
tourné vers Salomon, comme il l'avait été vers
David, et on lui obéit en toutes choses. « Salomon
... s'affermit dans son règne; l'Éternel, son Dieu, fut
avec lui, et l'éleva à un haut degré. » (2 Chroniques
1:1)

Pendant de nombreuses années, la vie de


Salomon fut caractérisée par la piété, la droiture, la
rigidité dans les principes et une stricte obéissance
aux commandements de Dieu. Il dirigeait toutes les
affaires importantes, et administrait avec sagesse
les intérêts du royaume. Sa prospérité, sa sagacité,
27
les magnifiques constructions élevées au cours des
premières années de son règne, l'énergie, la piété,
la justice et la magnanimité qu'il déploya en
paroles et en actes conquirent la fidélité de ses
sujets, ainsi que l'admiration et les hommages des
monarques de nombreux pays.

Le nom de Dieu fut exalté pendant la première


partie du règne de Salomon. La sagesse et la
droiture que possédait le roi rendirent témoignage à
toutes les nations de l'excellence des attributs du
Dieu qu'il servait. Pendant un certain temps, Israël
fut comme la lumière du monde, projetant au loin
la grandeur de Dieu. La véritable gloire des
premières années du règne de Salomon ne
provenait pas de son incomparable sagesse, de ses
richesses fabuleuses, de sa grande puissance, de sa
renommée universelle, mais de l'honneur dont il
entourait le nom du Dieu d'Israël, par l'emploi
judicieux des dons qu'il avait reçus du ciel.

A mesure que s'écoulaient les années, et que la


gloire de Salomon devenait plus grande, le
monarque cherchait à honorer Dieu en enrichissant
28
ses connaissances spirituelles et intellectuelles, tout
en faisant part à ses semblables des bénédictions
qu'il avait reçues. Nul ne savait mieux que lui que
sa sagesse et son intelligence, il les devait à Dieu,
et que ces dons lui avaient été accordés pour qu'il
puisse faire connaître au monde le Roi des rois.

Salomon s'intéressa vivement à l'étude de


l'histoire naturelle, mais ses recherches ne se
limitèrent pas à une branche spéciale des sciences.
En approfondissant tout ce qui concerne les choses
créées, animées ou inanimées, il acquit une
conception plus nette du Créateur. Dans les forces
de la nature, dans le règne animal et minéral, dans
chaque arbre ou chaque arbuste, dans chaque fleur,
il discernait la sagesse d'en haut. Et tandis qu'il
cherchait à augmenter sa science, sa connaissance
de Dieu grandissait sans cesse.

Divinement inspiré, Salomon exprima sa


sagesse par des chants de louange et de nombreux
proverbes. « Il a prononcé trois mille sentences, et
composé mille et cinq cantiques. Il a parlé sur les
arbres depuis le cèdre du Liban jusqu'à l'hysope qui
29
sort de la muraille; il a aussi parlé sur les animaux,
sur les oiseaux, sur les reptiles et sur les poissons. »
(1 Rois 4:32, 33)

Les proverbes de Salomon nous donnent un


aperçu des principes nécessaires pour obtenir une
vie pieuse et un idéal élevé — principes d'essence
divine qui conduisent à la sainteté et devraient
diriger tous les actes de notre existence. C'est grâce
à la diffusion de ces principes et au témoignage
rendu à Dieu, à qui appartiennent la louange et la
gloire, que le règne de Salomon débuta dans une
atmosphère si élevée, tant au point de vue moral
que matériel.

« Heureux l'homme qui a trouvé la sagesse, et


l'homme qui possède l'intelligence! écrivait
Salomon. Car le gain qu'elle procure est préférable
à celui de l'argent, et le profit qu'on en tire vaut
mieux que l'or; elle est plus précieuse que les
perles, elle a plus de valeur que tous les objets de
prix. Dans sa droite est une longue vie; dans sa
gauche, la richesse et la gloire. Ses voies sont des
voies agréables, et tous ses sentiers sont paisibles.
30
Elle est un arbre de vie pour ceux qui la saisissent,
et ceux qui la possèdent sont heureux. » (Proverbes
3:13-18)

« Voici le commencement de la sagesse:


acquiers la sagesse, et avec tout ce que tu possèdes
acquiers l'intelligence. » (Proverbes 4:7) « La
crainte de l'Éternel est le commencement de la
sagesse. » (Psaumes 111:10) « La crainte de
l'Éternel, c'est la haine du mal; l'arrogance et
l'orgueil, la voie du mal, et la bouche perverse,
voilà ce que je hais. » (Proverbes 8:13)

Oh! si seulement Salomon avait observé, dans


les dernières années de sa vie, ces paroles
admirables! Si seulement celui qui avait écrit: «
Les lèvres des sages répandent la science »
(Proverbes 15:7), et enseigné lui-même aux
monarques à rendre au Roi des rois la louange
qu'ils adressaient à un souverain terrestre; si
seulement il ne s'était pas attribué, avec une «
bouche perverse », « arrogance et orgueil », la
gloire qui n'était due qu'à Dieu!

31
Chapitre 2

Le temple et sa dédicace

Le projet caressé depuis longtemps par David,


d'élever un temple à l'Éternel, fut réalisé par
Salomon. Pendant sept ans, Jérusalem fut envahie
par une foule d'ouvriers qui s'activèrent à niveler
l'emplacement choisi, à construire des murs de
soutènement, à poser de solides fondements, avec
de « grandes et magnifiques pierres de taille » (1
Rois 5:17), à façonner de gros arbres apportés des
forêts du Liban, pour ériger le majestueux
sanctuaire.

Tandis que l'on travaillait le bois et la pierre —


tâche qui absorbait des milliers d'ouvriers — la
fabrication des ornements et de l'ameublement du
temple se poursuivait activement sous la direction
de Huram, de Tyr, « homme habile et intelligent, ...
habile pour les ouvrages en or, en argent, en airain
et en fer, en pierre et en bois, en étoffes teintes en
pourpre et en bleu, en étoffes de byssus et de

32
carmin » (2 Chroniques 2:13, 14).

Ainsi, la construction s'élevait sur le mont


Morija, silencieusement, avec des « pierres toutes
taillées, et ni marteau, ni hache, ni aucun
instrument de fer, ne furent entendus dans la
maison pendant qu'on la construisait » (1 Rois 6:7).
Les magnifiques ornements se perfectionnaient
selon les plans fournis par David à son fils
Salomon, ainsi que « tous les autres ustensiles pour
la maison de Dieu » (2 Chroniques 4:19). Ceux-ci
comprenaient l'autel des parfums, la table des pains
de proposition, le chandelier, ainsi que les coupes
et les ustensiles se rattachant au service des prêtres
dans le lieu saint, le tout « d'or très pur » (2
Chroniques 4:21). Les ustensiles d'airain: l'autel
des parfums, la mer de fonte posée sur douze
bœufs, les bassins de petites tailles et plusieurs
autres coupes furent fondus « dans la plaine du
Jourdain, dans un sol argileux, entre Succoth et
Tseréda » (2 Chroniques 4:17). Ces ustensiles
furent fabriqués en abondance, afin de n'en pas
manquer.

33
Ce temple, construit par Salomon et ses
collaborateurs, dédié au Seigneur et à son culte,
était d'une beauté incomparable, d'une splendeur
inégalée. Orné de pierres magnifiques, entouré de
spacieux parvis où l'on accédait par de belles
avenues, revêtu de cèdre sculpté et d'or poli, le
temple, avec ses tentures richement brodées, son
mobilier somptueux, était un emblème digne du
Dieu vivant, Église édifiée selon le plan divin, avec
des matériaux semblables à « de l'or, de l'argent,
des pierres précieuses », comme « l'ornement des
palais » (1 Corinthiens 3:12; Psaumes 144:12). Le
Christ est « la pierre angulaire. En lui tout l'édifice,
bien coordonné, s'élève pour être un temple saint
dans le Seigneur. » (Éphésiens 2:20, 21)

Le temple projeté par David et construit par


Salomon fut enfin achevé. Le jeune monarque «
réussit dans tout ce qu'il s'était proposé de faire
dans la maison de l'Éternel » (2 Chroniques 7:11).
Or, afin que le temple, dominant le mont Morija,
puisse être, comme David l'avait si ardemment
désiré, une demeure, non « pour un homme, mais
... pour l'Éternel Dieu » (1 Chroniques 29:1), il
34
restait à célébrer la cérémonie solennelle qui
consistait à le dédicacer à l'Éternel et à son culte.

L'emplacement où le temple avait été construit


était, depuis longtemps, considéré comme un lieu
sacré. C'est là qu'Abraham, le père des croyants,
avait manifesté sa volonté de sacrifier son fils
unique pour obéir à l'ordre de Dieu. C'est là que le
Seigneur lui avait renouvelé l'assurance de sa
bénédiction, qui comprenait la glorieuse promesse
de la délivrance de l'humanité par le sacrifice du
Fils du Très-Haut (Voir Genèse 22:9, 16-18). C'est
là que David avait offert des sacrifices d'actions de
grâces pour empêcher l'épée vengeresse de l'ange
destructeur de faire son œuvre, et où le Seigneur
avait répondu en faisant descendre le feu du ciel
(Voir 1 Chroniques 21). Or, maintenant encore les
adorateurs du vrai Dieu étaient réunis en ce lieu
pour le rencontrer et lui renouveler leurs vœux de
fidélité.

L'époque choisie pour la dédicace était des plus


favorables. Elle fut fixée au septième mois, où tous
les habitants du royaume avaient coutume de se
35
réunir à Jérusalem pour célébrer la fête des
tabernacles. Cette fête était réputée par ses
réjouissances. La moisson était achevée, et les
travaux de l'année nouvelle n'avaient pas encore
commencé. Les gens étaient donc libres de tout
souci, et pouvaient s'adonner aux joies sacrées du
moment.

Au temps fixé, les foules accourues de tous les


points du pays et les représentants des nations
voisines, richement vêtus, s'assemblèrent dans les
parvis du temple. Le spectacle était d'une splendeur
exceptionnelle. Salomon, les anciens d'Israël et les
principaux chefs du peuple transportèrent « de la
cité de David, qui est Sion, l'arche de l'alliance de
l'Éternel ». Du sanctuaire situé sur les hauteurs de
Gabaon, ils avaient amené « la tente d'assignation,
et tous les ustensiles sacrés qui étaient dans la tente
» (2 Chroniques 5:5). Ces souvenirs sacrés, qui
rappelaient les débuts de l'histoire d'Israël alors
qu'il errait dans le désert, à la conquête de Canaan,
avaient enfin trouvé une demeure permanente dans
le temple magnifique édifié pour remplacer la
construction portative.
36
Lorsque Salomon avait apporté au temple
l'arche sainte où se trouvaient les deux tables de
pierre sur lesquelles étaient écrits, par le doigt
même de Dieu, les préceptes du Décalogue, il avait
suivi l'exemple de son père David. Tous les six pas,
il offrit des sacrifices. Ce fut une grande
cérémonie, accompagnée de chants et de musique.
« Les sacrificateurs portèrent l'arche de l'alliance
de l'Éternel à sa place, dans le sanctuaire de la
maison, dans le lieu très saint. » (2 Chroniques 5:7)

Lorsqu'ils sortirent du sanctuaire, les


sacrificateurs s'installèrent à la place qui leur était
assignée. Les chantres — Lévites revêtus de
byssus — se tenaient à l'orient de l'autel, avec des
cymbales, des psaltérions et des harpes. Près d'eux
se trouvaient cent vingt prêtres qui sonnaient de la
trompette (Voir 2 Chroniques 5:12). « Et lorsque
ceux qui sonnaient des trompettes et ceux qui
chantaient, s'unissant d'un même accord pour
célébrer et louer l'Éternel, firent retentir les
trompettes, les cymbales et les autres instruments,
et célébrèrent l'Éternel par ces paroles: Car il est
37
bon, car sa miséricorde dure à toujours! en ce
moment, la maison, la maison de l'Éternel fut
remplie d'une nuée. Les sacrificateurs ne purent pas
y rester pour faire le service, à cause de la nuée; car
la gloire de l'Éternel remplissait la maison de Dieu.
» (2 Chroniques 5:13, 14)

Salomon comprit la signification de cette nuée,


et déclara: « L'Éternel veut habiter dans l'obscurité!
Et moi, j'ai bâti une maison qui sera ta demeure, un
lieu où tu résideras éternellement! » (2 Chroniques
6:1, 2)

L'Éternel règne: les peuples tremblent;


Il est assis sur les chérubins: la terre chancelle.
L'Éternel est grand dans Sion,
Il est élevé au-dessus de tous les peuples.
Qu'on célèbre ton nom grand et redoutable!
Il est saint! ...
Prosternez-vous devant son marchepied!
Il est saint!
(Psaumes 99:1-5)

« Au milieu des parvis » du temple, on avait


38
dressé une « tribune d'airain », sorte d'estrade «
longue de cinq coudées, large de cinq coudées, et
haute de trois coudées ». Salomon y monta, et les
mains levées vers le ciel, il bénit l'immense
assemblée qui se tenait devant lui. « Et toute
l'assemblée d'Israël était debout. » (2 Chroniques
6:13, 3)

« Béni soit l'Éternel, le Dieu d'Israël, s'écria


Salomon, qui a parlé de sa bouche à David, mon
père, et qui accomplit par sa puissance ce qu'il
avait déclaré en disant ...: J'ai choisi Jérusalem
pour que mon nom y résidât. » (2 Chroniques 6:4,
6)

Salomon s'agenouilla sur l'estrade, et fit monter


vers Dieu la prière de dédicace qu'entendit toute
l'assemblée. Tandis que la foule se prosternait le
visage contre terre, le roi, les mains levées vers le
ciel, invoqua le Seigneur, en ces termes: « O
Éternel, Dieu d'Israël! Il n'y a point de Dieu
semblable à toi, dans les cieux et sur la terre: tu
gardes l'alliance et la miséricorde envers tes
serviteurs qui marchent en ta présence de tout leur
39
cœur! ...

»Mais quoi! Dieu habiterait-il véritablement


avec l'homme sur la terre? Voici, les cieux et les
cieux des cieux ne peuvent te contenir: combien
moins cette maison que j'ai bâtie! Toutefois,
Éternel, mon Dieu, sois attentif à la prière de ton
serviteur et à sa supplication; écoute le cri et la
prière que t'adresse ton serviteur. Que tes yeux
soient jour et nuit ouverts sur cette maison, sur le
lieu dont tu as dit que là serait ton nom! Ecoute la
prière que ton serviteur fait en ce lieu. Daigne
exaucer les supplications de ton serviteur et de ton
peuple d'Israël, lorsqu'ils prieront en ce lieu!
Exauce du lieu de ta demeure, des cieux, exauce et
pardonne!...

»Quand ton peuple d'Israël sera battu par


l'ennemi, pour avoir péché contre toi; s'ils
reviennent à toi et rendent gloire à ton nom, s'ils
t'adressent des prières et des supplications dans
cette maison, — exauce-les des cieux, pardonne le
péché de ton peuple d'Israël, et ramène-les dans le
pays que tu as donné à eux et à leurs pères!
40
»Quand le ciel sera fermé et qu'il n'y aura point
de pluie, à cause de leurs péchés contre toi; s'ils
prient dans ce lieu et rendent gloire à ton nom, et
s'ils se détournent de leurs péchés, parce que tu les
auras châtiés, — exauce-les des cieux, pardonne
le péché de tes serviteurs et de ton peuple d'Israël, à
qui tu enseigneras la bonne voie dans laquelle ils
doivent marcher, et fais venir la pluie sur la terre
que tu as donnée pour héritage à ton peuple!

»Quand la famine, la peste, la rouille et la


nielle, les sauterelles d'une espèce ou d'une autre,
seront dans le pays, quand l'ennemi assiégera ton
peuple dans son pays, dans ses portes, quand il y
aura des fléaux ou des maladies quelconques; si un
homme, si tout ton peuple d'Israël fait entendre des
prières et des supplications, et que chacun
reconnaisse sa plaie et sa douleur et étende les
mains vers cette maison, — exauce-le des cieux,
du lieu de ta demeure, et pardonne; rends à chacun
selon ses voies, toi qui connais le cœur de chacun,
car seul tu connais le cœur des enfants des
hommes, et ils te craindront pour marcher dans tes
41
voies tout le temps qu'ils vivront dans le pays que
tu as donné à nos pères!

»Quand l'étranger, qui n'est pas de ton peuple


d'Israël, viendra d'un pays lointain, à cause de ton
grand nom, de ta main forte et de ton bras étendu,
quand il viendra prier dans cette maison, —
exauce-le des cieux, du lieu de ta demeure, et
accorde à cet étranger tout ce qu'il te demandera,
afin que tous les peuples de la terre connaissent ton
nom pour te craindre, comme ton peuple d'Israël, et
sachent que ton nom est invoqué sur cette maison
que j'ai bâtie!

»Quand ton peuple sortira pour combattre ses


ennemis, en suivant la voie que tu lui auras
prescrite; s'ils t'adressent des prières, les regards
tournés vers cette ville que tu as choisie et vers la
maison que j'ai bâtie en ton nom, — exauce des
cieux leurs prières et leurs supplications, et fais-
leur droit!

»Quand ils pécheront contre toi, car il n'y a


point d'homme qui ne pèche, quand tu seras irrité
42
contre eux et que tu les livreras à l'ennemi, qui les
emmènera captifs dans un pays lointain ou
rapproché; s'ils rentrent en eux-mêmes dans le pays
où ils seront captifs, s'ils reviennent à toi et
t'adressent des supplications dans le pays de leur
captivité, et qu'ils disent: Nous avons péché, nous
avons commis des iniquités, nous avons fait le mal!
s'ils reviennent à toi de tout leur cœur et de toute
leur âme, dans le pays de leur captivité où ils ont
été emmenés captifs, s'ils t'adressent des prières,
les regards tournés vers le pays que tu as donné à
leurs pères, vers la ville que tu as choisie et vers la
maison que j'ai bâtie en ton nom, exauce des cieux,
du lieu de ta demeure, leurs prières et leurs
supplications, et fais-leur droit; pardonne à ton
peuple ses péchés contre toi!

»Maintenant, ô mon Dieu, que tes yeux soient


ouverts, et que tes oreilles soient attentives à la
prière faite en ce lieu! Maintenant, Éternel Dieu,
lève-toi, viens à ton lieu de repos, toi et l'arche de
ta majesté. Que tes sacrificateurs, Éternel Dieu,
soient revêtus de salut, et que tes bien-aimés
jouissent du bonheur! Éternel Dieu, ne repousse
43
pas ton oint, souviens-toi des grâces accordées à
David, ton serviteur! » (2 Chroniques 6:14-42)

Lorsque Salomon eut achevé cette prière, « le


feu descendit du ciel et consuma l'holocauste et les
sacrifices ». Les prêtres ne pouvaient pénétrer dans
le temple, « car la gloire de l'Éternel remplit la
maison ». « Tous les enfants d'Israël virent
descendre le feu et la gloire de l'Éternel sur la
maison; ils s'inclinèrent le visage contre terre sur le
pavé, se prosternèrent et louèrent l'Éternel, en
disant: Car il est bon, car sa miséricorde dure à
toujours! »

Alors le roi et le peuple offrirent des sacrifices


devant l'Éternel. « Ainsi le roi et tout le peuple
firent la dédicace de la maison de Dieu. » (2
Chroniques 7:1-5) Pendant sept jours, une grande
multitude venue de toutes les parties du royaume, «
depuis les environs de Hamath jusqu'au torrent
d'Égypte », célébra la fête. La semaine qui suivit
fut consacrée à la joyeuse fête des tabernacles.
Lorsque se clôtura cette période de réjouissances et
de consécration, le peuple retourna « dans ses
44
tentes, joyeux et content pour le bien que l'Éternel
avait fait à David, à Salomon, et à Israël, son
peuple » (2 Chroniques 7:8, 10).

Le roi avait fait tout ce qu'il avait pu pour


encourager le peuple à se consacrer entièrement au
service de Dieu, et à magnifier son nom.

Or, une fois encore, comme au début de son


règne à Gabaon, le chef d'Israël reçut l'assurance de
l'approbation et de la faveur divines. Dieu lui
apparut « pendant la nuit, et lui dit: J'exauce ta
prière, et je choisis ce lieu comme la maison où
l'on devra m'offrir des sacrifices. Quand je fermerai
le ciel et qu'il n'y aura point de pluie, quand
j'ordonnerai aux sauterelles de consumer le pays,
quand j'enverrai la peste parmi mon peuple; si mon
peuple sur qui est invoqué mon nom s'humilie,
prie, et cherche ma face, et s'il se détourne de ses
mauvaises voies, — je l'exaucerai des cieux, je lui
pardonnerai son péché, et je guérirai son pays. Mes
yeux seront ouverts désormais, et mes oreilles
seront attentives à la prière faite en ce lieu.
Maintenant, je choisis et je sanctifie cette maison
45
pour que mon nom y réside à jamais, et j'aurai
toujours là mes yeux et mon cœur. » (2 Chroniques
7:12-16)

Si la nation israélite était restée fidèle à son


Dieu, ce temple merveilleux aurait été le signe
perpétuel de la faveur spéciale du Très-Haut envers
le peuple élu. « Les étrangers qui s'attachent à
l'Éternel, dit le prophète Ésaïe, pour le servir, pour
aimer le nom de l'Éternel, pour être ses serviteurs,
tous ceux qui garderont le sabbat, pour ne point le
profaner, et qui persévéreront dans mon alliance, je
les amènerai sur ma montagne sainte, et je les
réjouirai dans ma maison de prière; leurs
holocaustes et leurs sacrifices seront agréés sur
mon autel; car ma maison sera appelée une maison
de prière pour tous les peuples. » (Ésaïe 56:6, 7)

Tout en donnant à Salomon l'assurance de son


approbation, Dieu lui montra clairement le chemin
du devoir. « Et toi, lui dit-il, si tu marches en ma
présence comme a marché David, ton père, faisant
tout ce que je t'ai commandé, et si tu observes mes
lois et mes ordonnances, j'affermirai le trône de ton
46
royaume, comme je l'ai promis à David, ton père,
en disant: Tu ne manqueras jamais d'un successeur
qui règne en Israël. » (2 Chroniques 7:17, 18)

Si Salomon avait continué à servir le Seigneur


avec humilité, son règne aurait exercé une
profonde influence sur tous les peuples
environnants, qui avaient été favorablement
impressionnés par le règne de David, son père, par
ses paroles empreintes de sagesse et les œuvres
magnifiques des premières années de son accession
au trône. Dieu, qui prévoyait les terribles tentations
accompagnant toujours la réussite et la gloire
terrestres, mit en garde Salomon contre le danger
d'apostasie et les tristes conséquences du péché. Le
merveilleux temple, qui venait d'être dédicacé,
deviendrait lui-même « un sujet de sarcasme et de
raillerie parmi tous les peuples », si les Israélites
abandonnaient « le Dieu de leurs pères » et
persistaient dans l'idolâtrie (2 Chroniques 7:20,
22).

Fortifié et grandement encouragé par le


message qu'il avait reçu du ciel, lui prouvant que sa
47
requête en faveur d'Israël avait été entendue,
Salomon commença alors la période la plus
brillante de son règne. Dès ce moment « tous les
rois de la terre » cherchaient à le voir « pour
entendre la sagesse que Dieu avait mise dans son
cœur » (2 Chroniques 9:23). Beaucoup vinrent
s'inspirer des principes de son gouvernement, afin
de savoir comment diriger les affaires difficiles de
leur pays. Salomon leur apprenait que le Dieu qu'il
servait est le Créateur de toutes choses. Ces rois
retournaient alors chez eux avec une conception
plus nette du Dieu d'Israël, et de son amour pour
l'humanité. Ils pouvaient discerner dans la nature
l'expression de cet amour et une révélation de son
caractère. Plusieurs furent ainsi amenés à adorer le
vrai Dieu.

L'humilité témoignée par Salomon au début de


son règne, lorsqu'il reconnut devant Dieu n'être
qu'« un jeune homme » (1 Rois 3:7), son amour
manifeste pour l'Éternel, sa profonde vénération
pour les choses divines, la défiance qu'il éprouvait
envers lui-même, sa manière d'exalter le Créateur
de toutes choses — tous ces traits de caractère,
48
dignes d'admiration, se révélèrent dans les
cérémonies de la dédicace du temple, alors
qu'agenouillé il priait dans l'attitude d'un humble
suppliant.

De nos jours, les disciples du Christ feront bien


de se mettre en garde contre toute tendance à
manquer de révérence et de crainte envers le
Seigneur. Les saintes Ecritures nous enseignent
comment nous devons nous approcher de notre
Créateur: avec humilité et tremblement, par la foi
en un Médiateur divin. Le Psalmiste a déclaré:

L'Éternel est un grand Dieu,


Il est un grand roi au-dessus de tous les dieux ...
Venez, prosternons-nous et humilions-nous,
Fléchissons le genou devant l'Éternel, notre
Créateur!
(Psaumes 95:3, 6)

Que ce soit dans le culte public ou privé, c'est


notre privilège de nous agenouiller devant Dieu
pour lui adresser nos requêtes. Jésus, notre divin
modèle, « s'étant mis à genoux, ... pria » (Luc
49
22:41). Il est dit de l'apôtre Pierre: « Il se mit à
genoux, et pria. » (Actes des Apôtres 9:40) Paul
déclare: « Je fléchis les genoux devant le Père. »
(Éphésiens 3:14) Lorsqu'il confessa devant Dieu
les péchés d'Israël, Esdras s'agenouilla (Voir
Esdras 9:5). Daniel « trois fois le jour se mettait à
genoux; il priait, et il louait son Dieu » (Daniel
6:10).

La véritable révérence envers Dieu est inspirée


par le sentiment de son infinie grandeur et la
conscience de sa présence. Notre cœur devrait en
être profondément pénétré. L'heure et le lieu de la
prière sont sacrés, parce que nous sommes en
présence de Dieu. En manifestant de la révérence
dans notre attitude et notre maintien, le sentiment
qui inspire cette révérence gagne en profondeur. «
Son nom est saint et redoutable » (Psaumes 111:9),
déclare le Psalmiste. Lorsque les anges prononcent
ce nom, ils se voilent la face. Avec quelle
révérence ne devrions-nous donc pas, nous
pécheurs, articuler ce nom!

Il serait bon que jeunes et vieux méditent sur


50
les paroles de l'Ecriture qui indiquent comment
considérer le lieu où le Seigneur manifeste sa
présence. « Ote tes souliers de tes pieds, dit
l'Éternel à Moïse du milieu du buisson ardent, car
le lieu sur lequel tu te tiens est une terre sainte. »
(Exode 3:5) Après avoir contemplé la vision de
l'échelle qui reliait la terre au ciel, Jacob s'écria: «
L'Éternel est en ce lieu, et moi, je ne le savais pas!
... C'est ici la maison de Dieu, c'est ici la porte des
cieux! » (Genèse 28:16, 17)

Les paroles prononcées par Salomon lors de la


dédicace du temple étaient destinées à chasser de
l'esprit de ceux qui les écoutaient les superstitions
concernant le Créateur, qui obscurcissaient
l'entendement des païens. Le Dieu des cieux ne
ressemble pas aux dieux du paganisme, confinés
dans des temples faits de main d'homme.
Cependant, il serait par son Esprit avec son peuple
lorsqu'il se rassemblerait pour l'adorer, dans la
maison qui lui était consacrée.

Des siècles plus tard, Paul enseigne la même


vérité lorsqu'il prononce ces paroles: « Le Dieu qui
51
a fait le monde et tout ce qui s'y trouve, étant le
Seigneur du ciel et de la terre, n'habite point dans
des temples faits de main d'homme; il n'est point
servi par des mains humaines, comme s'il avait
besoin de quoi que ce soit, lui qui donne à tous la
vie, la respiration, et toutes choses. ... Il a voulu
qu'ils cherchassent le Seigneur, et qu'ils
s'efforçassent de le trouver en tâtonnant, bien qu'il
ne soit pas loin de chacun de nous, car en lui nous
avons la vie, le mouvement, et l'être. » (Actes des
Apôtres 17:24-28)

Le Psalmiste s'exprime en ces termes:

Heureuse la nation dont l'Éternel est le Dieu!


Heureux le peuple qu'il choisit pour son
héritage!
L'Éternel regarde du haut des cieux,
Il voit tous les fils de l'homme; Du lieu de sa
demeure il observe
Tous les habitants de la terre.

L'Éternel a établi son trône dans les cieux,


Et son règne domine sur toutes choses.
52
O Dieu! tes voies sont saintes;
Quel dieu est grand comme Dieu?
Tu es le Dieu qui fait des prodiges;
Tu as manifesté parmi les peuples ta puissance
(Psaumes 33:12-14; 103:19; 77:14, 15).

Mais bien que le Seigneur n'habite pas dans des


temples faits de main d'homme, il honore de sa
présence les assemblées de son peuple. Il a promis
d'être au milieu des siens par son Esprit chaque fois
qu'ils viendraient lui confesser leurs péchés et prier
les uns pour les autres. Toutefois, ceux qui
s'assemblent pour l'adorer doivent abandonner tout
mauvais sentiment. S'ils ne l'adorent en esprit et en
vérité, leur assemblée est sans valeur. Dieu a
déclaré à ce sujet: « Ce peuple m'honore des lèvres,
mais son cœur est éloigné de moi. C'est en vain
qu'ils m'honorent. » (Matthieu 15:8, 9) « Les vrais
adorateurs adoreront le Père en esprit et en vérité;
car ce sont là les adorateurs que le Père demande. »
(Jean 4:23)

L'Éternel est dans son saint temple.


53
Que toute la terre fasse silence devant lui
(Habakuk 2:20).

54
Chapitre 3

Orgueil dans la prospérité

Aussi longtemps que Salomon exalta la loi


divine, le Seigneur fut avec lui. La sagesse qu'il
avait reçue lui permit de gouverner Israël d'une
manière impartiale. Au début, alors que la
prospérité et les honneurs terrestres le favorisaient,
il resta humble, et grande fut son influence. «
Salomon dominait sur tous les royaumes depuis le
fleuve [l'Euphrate] jusqu'au pays des Philistins et
jusqu'à la frontière d'Égypte. ... Il avait la paix de
tous les côtés alentour. Juda et Israël ... habitèrent
en sécurité, chacun sous sa vigne et sous son
figuier, tout le temps de Salomon. » (1 Rois 4:21,
24, 25)

Mais après l'aube d'une vie riche en promesses,


ce monarque sombra dans l'apostasie. L'Ecriture
nous rapporte ce fait douloureux: celui qui avait
reçu « le nom de Jedidja » (2 Samuel 12:25) (bien-
aimé de l'Éternel), que le Seigneur honora de sa

55
faveur par la sagesse remarquable dont il l'avait
doté et qui lui valut une renommée mondiale; celui
qui enseigna aux autres à rendre honneur au Dieu
d'Israël; celui-là donc se détourna du culte de
l'Éternel pour adorer les idoles des païens.

Des siècles avant que Salomon monte sur le


trône, le Seigneur, prévoyant les dangers qui
assailliraient les rois d'Israël, avait donné à Moïse
des instructions pour leur servir de guide. Des
ordres prescrivaient que celui qui s'assiérait sur le
trône devait « écrire pour lui, dans un livre, une
copie de cette loi », qu'il prendrait « auprès des
sacrificateurs, les Lévites. Il devrait l'avoir avec lui
et y lire tous les jours de sa vie, afin qu'il apprenne
à craindre l'Éternel, son Dieu, à observer et à
mettre en pratique toutes les paroles de cette loi et
toutes ces ordonnances; afin que son cœur ne
s'élève point au-dessus de ses frères, et qu'il ne se
détourne de ces commandements ni à droite ni à
gauche; afin qu'il prolonge ses jours dans son
royaume, lui et ses enfants, au milieu d'Israël. »
(Deutéronome 17:18-20)

56
En rapport avec ces instructions, le Seigneur
avertit tout particulièrement celui qui recevrait
l'onction royale de ne pas avoir « un grand nombre
de femmes, afin que son cœur ne se détourne point;
et qu'il ne fasse pas de grands amas d'argent et d'or
». (Deutéronome 17:17)

Salomon connaissait bien ces instructions, et il


en tint compte pendant un certain temps. Son plus
grand désir était de vivre et de gouverner selon les
préceptes donnés au Sinaï. La manière dont il
dirigea les affaires de son royaume contrastait
vivement avec les coutumes des nations de cette
époque, qui ne craignaient pas Dieu et dont les
chefs foulaient aux pieds sa sainte loi.

Lorsque Salomon chercha à consolider ses


rapports avec les puissants royaumes du sud
d'Israël, il s'aventura sur un terrain défendu. Satan
connaissait les résultats de l'obéissance. C'est
pourquoi au début du règne de Salomon, glorieux à
cause de sa sagesse, de sa bonté et de sa droiture,
ce grand ennemi s'efforça de faire jouer des
influences qui mineraient insidieusement la loyauté
57
du monarque, et l'amèneraient à se séparer de Dieu.
L'Ecriture nous rapporte comment il réussit à
atteindre son but: « Salomon s'allia par mariage
avec Pharaon, roi d'Égypte. Il prit pour femme la
fille de Pharaon, et il l'amena dans la ville de
David. » (1 Rois 3:1)

A vues humaines, ce mariage, bien que


contraire aux enseignements de la loi divine,
semblait être une bénédiction, car la femme
païenne de Salomon se convertit et se joignit à lui
pour adorer le vrai Dieu. De plus, Pharaon rendit
un service important à Israël en s'emparant de
Guézer, en tuant « les Cananéens qui habitaient
dans la ville », et en la donnant « pour dot à sa fille,
femme de Salomon » (1 Rois 9:16). Celui-ci rebâtit
cette ville, et fortifia apparemment son royaume
sur la côte méditerranéenne. Mais en contractant
une alliance avec une nation païenne et un mariage
avec une princesse idolâtre, Salomon méprisa
imprudemment les sages conseils de Dieu pour
maintenir la pureté de son peuple. L'espoir que sa
femme, d'origine égyptienne, pourrait se convertir
n'était qu'une faible excuse pour son péché.
58
Pendant un certain temps, Dieu, dans sa
miséricorde infinie, limita les conséquences de
cette terrible faute. Le roi, par sa conduite
irréprochable, aurait du moins pu mettre un frein
aux forces du mal déchaînées par son imprudence.
Mais Salomon avait commencé à perdre de vue la
source d'où lui venaient sa puissance et sa gloire.
Alors que ses penchants triomphaient de sa raison,
sa confiance en lui-même grandissait, et il
cherchait à accomplir les desseins de Dieu selon
ses propres vues. Il pensait que, par des traités
politiques et commerciaux avec les pays voisins, il
ferait connaître à ceux-ci le vrai Dieu. Il contracta
donc des alliances avec plusieurs nations. Ces
alliances étaient souvent scellées par des mariages
avec des princesses païennes. Il ne tenait aucun
compte des commandements divins relatifs aux
coutumes des peuples étrangers.

Salomon se flattait de pouvoir, par sa sagesse et


son exemple, détourner ses femmes de l'idolâtrie,
et les amener au culte du Très-Haut. Il pensait aussi
que les alliances contractées avec les pays voisins
59
rapprocheraient ceux-ci d'Israël. Mais quel vain
espoir! L'erreur commise par Salomon, en se
jugeant assez fort pour résister aux influences
païennes de ses alliés, lui fut fatale. Fatale aussi
l'illusion lui faisant croire que les étrangers
révéreraient les préceptes sacrés et les suivraient
alors qu'il les méprisait lui-même.

Les alliances et les traités commerciaux


contractés par le roi avec les nations païennes lui
valurent la gloire, l'honneur et les richesses de ce
monde. Il put se procurer ainsi en très grande
quantité de l'or d'Ophir et de l'argent de Tarsis. «
Le roi rendit l'argent et l'or aussi communs à
Jérusalem que les pierres, et les cèdres aussi
communs que les sycomores qui croissent dans la
plaine. » (2 Chroniques 1:15) La richesse, et avec
elle son cortège de tentations, grandissait parmi le
peuple, mais l'or pur du caractère était terni et
altéré.

L'apostasie de Salomon fut si graduelle


qu'avant qu'il ait pu s'en rendre compte il s'était
déjà éloigné de Dieu. Insensiblement, il perdit
60
confiance dans la direction divine et les
bénédictions qui en découlent pour ne compter que
sur lui-même. Il refusa peu à peu d'accorder au
Seigneur cette obéissance fidèle qui devait faire
d'Israël un peuple particulier, et il se conforma de
plus en plus aux coutumes des nations voisines. Il
céda aux tentations inhérentes à ses succès et à son
rang élevé, et il oublia la source de sa prospérité. Il
mit son ambition à surpasser en puissance et en
grandeur les autres pays, ce qui l'incita à employer
pour des buts égoïstes les dons du ciel qu'il avait
jusqu'alors mis au service de Dieu. L'argent qui
aurait dû être consacré aux indigents, ou à la
diffusion des principes d'une vie sainte dans le
monde, fut englouti par des projets égoïstes et
ambitieux.

Hanté par le désir de surpasser les autres


nations par le faste de sa cour, le roi ne vit plus la
nécessité de cultiver la beauté et la perfection du
caractère. En cherchant à faire valoir sa propre
gloire aux yeux du monde, il vendit son honneur et
son intégrité. Les sommes énormes acquises par le
commerce avec de nombreux pays furent majorées
61
de lourdes taxes. Ainsi l'orgueil, l'ambition, la
prodigalité et le plaisir amenèrent la cruauté et
l'exaction. La conscience, la modération qui
avaient caractérisé les rapports du roi avec son
peuple, pendant la première partie de son règne,
avaient maintenant disparu. Celui qui avait été le
plus généreux et le plus avisé des monarques s'était
transformé en tyran.

Ce roi, jadis compatissant, qui faisait régner la


crainte de Dieu parmi son peuple, devint un
despote, un potentat. Il leva impôts sur impôts, afin
de pouvoir entretenir le luxe de sa maison. Le
peuple commença à murmurer. Le respect et
l'admiration qu'on lui avait témoignés se
transformèrent en mépris et en aversion. Pour les
mettre en garde contre la tentation de placer leur
confiance dans le bras de la chair, le Seigneur avait
averti ceux qui étaient appelés à régner sur Israël
de ne pas avoir une trop grande quantité de
chevaux. Mais Salomon ne tint aucun compte de
cette recommandation. Le récit sacré nous dit: «
C'était de l'Égypte que Salomon tirait ses chevaux;
une caravane de marchands du roi les allait
62
chercher par troupes à un prix fixe. » C'était de «
l'Égypte et de tous les pays que l'on tirait des
chevaux pour Salomon ». « Salomon rassembla des
chars et de la cavalerie; il avait quatorze cents
chars et douze mille cavaliers, qu'il plaça dans les
villes où il tenait ses chars et à Jérusalem près du
roi. » (2 Chroniques 1:16; 9:28; 1 Rois 10:26)

Salomon considérait de plus en plus le faste, le


plaisir et les les faveurs du monde comme des
signes de grandeur. Des femmes séduisantes et
belles furent amenées d'Égypte, de Phénicie,
d'Edom, de Moab et d'ailleurs. Elles se comptaient
par centaines. Leur religion consistait à adorer des
idoles, et on leur avait enseigné à pratiquer des
rites cruels et dégradants. Grisé par leur beauté, le
roi négligea ses devoirs envers Dieu et envers son
royaume.

Ces femmes exerçaient sur lui une influence si


profonde qu'il en arriva petit à petit à s'unir à elles
dans le culte des idoles. Il avait méprisé les
instructions que Dieu lui avait données pour servir
de barrière contre l'apostasie, ce qui le conduisit à
63
adorer les faux dieux. « A l'époque de la vieillesse
de Salomon, lisons-nous dans l'Ecriture, ses
femmes inclinèrent son cœur vers d'autres dieux; et
son cœur ne fut point tout entier à l'Éternel, son
Dieu, comme l'avait été le cœur de David, son père.
Salomon alla après Astarté, divinité des Sidoniens,
et après Milcom, l'abomination des Ammonites. »
(1 Rois 11:4, 5)

Sur la hauteur méridionale du mont des


Oliviers, en face du mont Morija, où se dressait le
magnifique temple de l'Éternel, Salomon érigea
une série de bâtiments imposants qui servaient de
sanctuaires païens. Pour faire plaisir à ses femmes,
il fit placer d'immenses statues de bois et de pierre
parmi des massifs de myrtes et d'oliviers. Là,
devant les autels des divinités païennes, «
Kemosch, l'abomination de Moab », et « Moloc,
l'abomination des fils d'Ammon » (1 Rois 11:7), se
pratiquaient les rites les plus dégradants du
paganisme.

La conduite de Salomon ne manqua pas de


recevoir son châtiment. Il courut à sa perte en se
64
séparant de Dieu pour être en communion avec les
idolâtres. En désobéissant au Seigneur, il perdit la
maîtrise de lui-même, sa moralité disparut, sa
sensibilité s'émoussa, sa conscience se cautérisa.
Celui qui, au début de son règne, avait déployé tant
de sagesse et de sympathie envers une mère
malheureuse en lui restituant son petit enfant (Voir
1 Rois 3:16-28), s'abaissa jusqu'à consentir qu'on
élevât une idole à laquelle on offrait en sacrifice
des enfants vivants. Celui qui manifesta tant de
modestie et de jugement dans sa jeunesse et qui
écrivit lors de sa maturité ces lignes inspirées: «
Telle voie paraît droite à un homme, mais son
issue, c'est la voie de la mort » (Proverbes 14:12),
se détourna de la pureté, au point qu'il en vint à
encourager la licence et les rites révoltants du culte
de Kemosch et d'Astarté. Celui qui avait déclaré au
peuple lors de la dédicace du temple: « Que votre
cœur soit tout à l'Éternel, notre Dieu » (1 Rois
8:61), devint lui-même un renégat qui désavouait,
par sa conduite et ses sentiments, ses propres
paroles. Il confondit la licence et la liberté. Il
essaya — mais à quel prix! — d'unir la lumière
aux ténèbres, le bien au mal, la pureté à l'impureté,
65
le Christ à Bélial.

Le roi, qui fut l'un des plus grands à porter un


sceptre, tomba dans la débauche, et fut le jouet et
l'esclave des autres. Son caractère si noble, si viril,
s'avilit et s'effémina. Sa foi au Dieu vivant fut
supplantée par les doutes de l'athéisme. Le
scepticisme assombrit son bonheur, affaiblit ses
principes, et dégrada sa vie. La justice et la
magnanimité qui avaient caractérisé le début de son
règne dégénérèrent en despotisme et en tyrannie.
Pauvres et frêles créatures que nous sommes! Le
Seigneur ne peut faire grand-chose pour des
hommes qui perdent le sentiment de leur
dépendance à son égard.

Pendant ces années d'apostasie, le déclin


spirituel d'Israël s'aggrava rapidement. Comment
aurait-il pu en être autrement, quand son roi
unissait ses intérêts à ceux des suppôts de Satan?
Par l'intermédiaire de ces derniers, l'ennemi
chercha à troubler les esprits concernant le vrai
culte et celui des faux dieux. Les Israélites
devinrent ainsi une proie facile. Le commerce entre
66
les pays étrangers les mit en contact avec des gens
qui ne connaissaient pas le vrai Dieu, ce qui les
amena à se détacher de plus en plus de l'Éternel.
Leur sens profond du caractère sublime et saint du
Seigneur s'évanouit. Ils refusèrent de suivre le
sentier de l'obéissance, et portèrent leur affection
sur l'ennemi de toute justice. L'habitude de
contracter des mariages avec des païens se
répandit, et les Israélites perdirent rapidement leur
aversion pour l'idolâtrie. La polygamie fut
encouragée. Les mères apprirent à leurs enfants à
observer les rites païens. Le service religieux
institué par Dieu fut remplacé chez certains par la
plus noire des idolâtries.

Les croyants doivent se distinguer du monde, et


s'en séparer, éviter ses influences, son esprit. Dieu
est parfaitement à même de nous garder dans le
monde, mais nous ne devons pas être du monde.
L'amour du Seigneur n'est ni inconstant, ni
incertain. Le Père céleste veille sans cesse sur ses
enfants avec une sollicitude extrême. Mais il leur
demande, en retour, une soumission totale. « Nul
ne peut servir deux maîtres, a dit le Christ. Car ou
67
il haïra l'un, et aimera l'autre; ou il s'attachera à
l'un, et méprisera l'autre. Vous ne pouvez servir
Dieu et Mammon. » (Matthieu 6:24)

Salomon était doué d'une sagesse remarquable,


mais le monde le détacha de Dieu. De nos jours, les
hommes ne sont pas plus forts que lui. Ils sont tout
aussi enclins à céder aux influences qui
déterminèrent sa perte. De même que le Seigneur
mit en garde Salomon contre le danger qu'il
encourait, de même aujourd'hui il avertit les
croyants de ne pas s'allier avec le monde de peur
qu'ils ne perdent leur âme. « Sortez du milieu
d'eux, et séparez-vous, dit le Seigneur; ne touchez
pas à ce qui est impur, et je vous accueillerai. Je
serai pour vous un père, et vous serez pour moi des
fils et des filles. » (2 Corinthiens 6:17, 18)

Le danger se cache dans la prospérité. A travers


tous les siècles, la richesse et la gloire ont toujours
fait courir un grand péril à l'humilité et à la foi. Il
n'est pas difficile de porter une coupe vide, c'est la
coupe pleine jusqu'au bord qu'on a de la peine à
tenir en équilibre. L'affliction et l'adversité peuvent
68
faire naître la douleur, mais c'est la prospérité qui
menace le plus la vie spirituelle. Si le chrétien n'est
pas constamment soumis à la volonté divine, s'il
n'est pas sanctifié par la vérité, la prospérité le
poussera irrésistiblement à la présomption.

Dans la vallée de l'humiliation, où l'homme


dépend de Dieu pour être guidé à chaque pas, règne
une sécurité relative. Mais ceux qui occupent de
hautes situations, qui semblent leur conférer une
grande sagesse, courent le plus grand danger. S'ils
ne se placent pas sous la dépendance de Dieu, ils
tomberont fatalement.

Partout où règnent l'orgueil et l'ambition, la vie


est faussée, car ces péchés ferment le cœur aux
bénédictions infinies du ciel. Celui qui fait de la
glorification du moi son but principal, sera privé de
la grâce divine, par laquelle s'acquièrent les plus
nobles richesses et les joies les plus profondes.
Mais celui qui s'abandonne entièrement au Christ,
et qui fait tout pour lui, verra l'accomplissement de
cette promesse: « C'est la bénédiction de l'Éternel
qui enrichit, et il ne la fait suivre d'aucun chagrin. »
69
(Proverbes 10:22) Par la douce action de la grâce,
le Sauveur bannit de l'âme toute agitation et toute
ambition profane, changeant l'inimitié en amour et
l'incrédulité en confiance. Lorsque Jésus nous dit: «
Suis-moi », le charme des séductions terrestres est
rompu. Au son de sa voix, l'esprit de cupidité et
d'ambition disparaît du cœur, et, ainsi libérés, les
hommes peuvent suivre le Christ.

70
Chapitre 4

Conséquences de la
transgression

Parmi les causes principales qui conduisirent


Salomon à la prodigalité et à la tyrannie, il faut
citer son abandon de l'esprit de sacrifice.

Lorsque, au pied du Sinaï, Moïse fit part aux


Israélites de l'ordre divin: « Ils me feront un
sanctuaire, et j'habiterai au milieu d'eux », ils
répondirent par des dons appropriés. « Tous ceux
qui furent entraînés par le cœur et animés de bonne
volonté vinrent et apportèrent une offrande. »
(Exode 25:8; 35:21) La construction du sanctuaire
exigeait des préparatifs considérables, des
matériaux coûteux; mais le Seigneur n'acceptait
que les offrandes volontaires: « Qu'ils m'apportent
une offrande; vous la recevrez pour moi de tout
homme qui la fera de bon cœur. » (Exode 25:2) Ce
fut là l'ordre rapporté par Moïse à l'assemblée. La
piété et le sacrifice étaient avant tout les qualités
71
requises pour l'érection du sanctuaire, où devait
demeurer le Très-Haut.

David fit un appel semblable lorsqu'il chargea


Salomon de la responsabilité d'ériger le temple. «
Qui veut encore, avait-il dit, présenter
volontairement aujourd'hui ses offrandes à
l'Éternel? » (1 Chroniques 29:5) Cet appel à la
consécration et au sacrifice volontaire ne devait
jamais être perdu de vue par ceux qui
contribueraient à l'érection du temple.

En ce qui concerne la construction du


tabernacle dans le désert, Dieu avait doté des
hommes d'une habileté et d'une sagesse spéciales. «
Moïse dit aux enfants d'Israël: Sachez que l'Éternel
a choisi Betsaleel, ... de la tribu de Juda. Il l'a
rempli de l'Esprit de Dieu, de sagesse,
d'intelligence, et de savoir pour toutes sortes
d'ouvrages. ... Il lui a accordé aussi le don
d'enseigner, de même qu'à Oholiab, ... de la tribu
de Dan. Il les a remplis d'intelligence, pour
exécuter tous les ouvrages de sculpture et d'art,
pour broder et tisser; ... pour faire toute espèce de
72
travaux et d'inventions. Betsaleel, Oholiab, et tous
les hommes habiles, en qui l'Éternel avait mis de la
sagesse et de l'intelligence pour savoir et pour
faire, exécutèrent les ouvrages destinés au service
du sanctuaire. » (Exode 35:30-35; 36:1) Les
intelligences célestes collaboraient avec les
ouvriers que Dieu avait choisis.

Les descendants de ces hommes habiles


héritèrent dans une grande mesure des talents de
leurs ancêtres. Pendant un certain temps, ces
Israélites, des tribus de Juda et de Dan, restèrent
humbles et charitables; mais graduellement,
presque imperceptiblement, ils s'éloignèrent de
Dieu et perdirent le désir de le servir d'une manière
désintéressée. Ils exigèrent alors des salaires plus
élevés pour le travail qu'ils exécutaient comme
spécialistes. Il leur arrivait parfois d'obtenir
satisfaction, mais le plus souvent ils allaient
chercher du travail chez les nations voisines. Ainsi,
au lieu de faire preuve de générosité, comme leurs
glorieux ancêtres, ils se complurent dans la
cupidité, dans le désir d'obtenir toujours davantage.
Pour satisfaire leurs penchants égoïstes, ils mirent
73
les talents que Dieu leur avait accordés au service
des monarques païens, et employèrent leur habileté
à perfectionner des œuvres qui déshonoraient leur
Maître.

Ce fut parmi ces hommes que Salomon chercha


un artisan habile pour diriger la construction du
temple sur le mont Morija. Des détails minutieux
avaient été donnés par écrit au roi pour chaque
partie de l'édifice sacré. Il aurait pu compter sur le
Seigneur pour trouver les ouvriers consacrés et
habiles, afin de pouvoir exécuter avec précision le
travail en question. Mais Salomon ne profita pas de
cette occasion pour exercer sa foi en Dieu. Il fit
dire au roi de Tyr de lui envoyer « un homme
habile pour les ouvrages en or, en argent, en airain
et en fer, en étoffes teintes en pourpre, en cramoisi
et en bleu, et connaissant la sculpture, afin qu'il
travaille avec les hommes habiles qui sont auprès
de moi en Juda et à Jérusalem » (2 Chroniques
2:7).

Le roi phénicien lui répondit en envoyant


Huram, « fils d'une femme d'entre les filles de Dan,
74
et d'un père Tyrien » (2 Chroniques 2:14). Huram
descendait, par sa mère, d'Oholiab, à qui, des
centaines d'années auparavant, le Seigneur avait
accordé une sagesse spéciale pour construire le
tabernacle.

Ainsi se trouvait placé, à la tête des ouvriers de


Salomon, un homme dont le travail n'était pas
inspiré par le désir de servir le Seigneur. Il servait
le dieu de ce monde — Mammon. Chaque fibre
de son être était entachée d'égoïsme.

L'adresse exceptionnelle d'Huram lui permit


d'exiger un salaire élevé, et les mauvais principes
qui l'animaient furent peu à peu adoptés par ses
compagnons. En se livrant au même travail, ceux-
ci avaient des tendances à comparer leurs salaires
avec le sien, perdant ainsi de vue le caractère sacré
de leur œuvre. L'esprit de renoncement disparut de
leur cœur et fut remplacé par celui de la convoitise.
Il s'ensuivit une réclamation pour une
augmentation de salaire, qui leur fut accordée.

Les mauvaises influences qui en résultèrent se


75
firent sentir dans toutes les branches de l'œuvre de
Dieu, et pénétrèrent un peu partout dans le
royaume. Un certain nombre de ceux qui avaient
réussi à obtenir des salaires élevés en profitèrent
pour se laisser aller au luxe et à la prodigalité, et
l'esprit de sacrifice disparut presque complètement.
Il est triste de constater que l'apostasie de celui qui
avait été considéré comme le plus sage des mortels
était à l'origine de ces influences néfastes.

Comme l'esprit et les mobiles qui animaient les


Israélites dans la construction du tabernacle
contrastaient avec ceux des hommes qui édifièrent
le temple de Salomon! Il y a là une grande leçon
pour nous. L'égoïsme qui caractérisait les ouvriers
du temple se retrouve aujourd'hui dans celui qui
domine le monde. La cupidité, la recherche des
positions en vue et des salaires élevés règnent
partout. Le service volontaire, le désintéressement
des ouvriers du tabernacle ne se rencontrent que
bien rarement. C'est pourtant le seul esprit qui
devrait animer les disciples de Jésus. Notre divin
Maître en a donné un exemple frappant. A ceux à
qui il a dit: « Suivez-moi, et je vous ferai pêcheurs
76
d'hommes » (Matthieu 4:19), il n'offrit pas de
salaire déterminé en échange de leurs services. Ils
devaient participer à son renoncement, à ses
sacrifices.

Nous ne devons pas travailler uniquement pour


recevoir un salaire. Au service du Seigneur,
l'intérêt personnel ne compte pas. Le renoncement
et l'esprit de sacrifice ont toujours été et resteront
toujours les premières qualités requises pour
accomplir un service agréable à Dieu. Notre
Seigneur et Maître ne conçoit pas qu'un seul
filament d'égoïsme soit tissé dans son ouvrage.
Déployons dans notre travail le tact, l'habileté, la
précision et la sagesse que le Dieu de perfection
exigea des constructeurs du tabernacle. Il faut se
souvenir cependant que les plus grands talents, les
services les plus brillants ne sont agréables au
Seigneur que si notre moi est déposé sur l'autel du
sacrifice.

Salomon fit une autre entorse aux principes de


la justice, et c'est ce qui précipita sa ruine: il céda à
la tentation de s'attribuer la gloire qui n'appartient
77
qu'à Dieu seul. Du jour où la construction du
temple lui fut confiée, jusqu'à son achèvement, il
affirma son intention de « bâtir une maison au nom
de l'Éternel, le Dieu d'Israël » (2 Chroniques 6:7).
Cette intention fut clairement exposée en présence
des enfants d'Israël rassemblés lors de la dédicace
du temple. Dans sa prière, le roi reconnaissait que
l'Éternel avait dit: « Là sera mon nom! » (1 Rois
8:29) L'un des passages les plus touchants de la
prière de dédicace est la supplication adressée à
Dieu par Salomon en faveur des étrangers qui
viendraient des pays lointains pour mieux connaître
celui dont la gloire s'était répandue parmi les
nations. « On saura, déclarait le roi, que ton nom
est grand, ta main forte, et ton bras étendu. »
Salomon avait demandé au Seigneur pour chacun
des étrangers qui viendraient l'adorer: « Exauce-le
des cieux, du lieu de ta demeure, et accorde à cet
étranger tout ce qu'il te demandera, afin que tous
les peuples de la terre connaissent ton nom pour te
craindre, comme ton peuple d'Israël, et sachent que
ton nom est invoqué sur cette maison que j'ai bâtie.
» (1 Rois 8:42, 43)

78
En terminant le service de la dédicace,
Salomon exhorta Israël à demeurer fidèle au vrai
Dieu, « afin que tous les peuples de la terre
reconnaissent que l'Éternel est Dieu, qu'il n'y en a
point d'autre » (1 Rois 8:60).

Quelqu'un de plus grand que Salomon avait


conçu le modèle du temple; la sagesse et la gloire
divine se révélaient dans sa construction. Ceux qui
l'ignoraient admiraient et louaient Salomon qu'ils
croyaient être l'architecte et le constructeur; mais le
roi déclinait cet honneur.

Ainsi en était-il lorsque la reine de Séba vint


rendre visite à Salomon. Ayant entendu parler de sa
sagesse et du temple merveilleux qu'il avait fait
construire, elle résolut de « l'éprouver par des
énigmes » et voir de ses propres yeux ses
constructions célèbres. Accompagnée d'une suite
nombreuse et de chameaux portant « des aromates,
de l'or en très grande quantité, et des pierres
précieuses », elle fit le long voyage de son pays à
Jérusalem. « Elle se rendit auprès de Salomon, et
elle lui dit tout ce qu'elle avait dans le cœur. » Elle
79
s'entretint avec lui des mystères de la nature.
Salomon lui apprit que le Dieu de la nature, le
grand Créateur, habite dans les cieux et dirige
toutes choses. Il « répondit à toutes ses questions,
et il n'y eut rien que Salomon ne sût lui expliquer »
(1 Rois 10:1-3; 2 Chroniques 9:1, 2).

« La reine de Séba vit toute la sagesse de


Salomon, et la maison qu'il avait bâtie, et les mets
de sa table, et la demeure de ses serviteurs, et les
fonctions et les vêtements de ceux qui le servaient,
et ses échansons, et ses holocaustes qu'il offrait
dans la maison de l'Éternel. Hors d'elle-même, elle
dit au roi: C'était donc vrai ce que j'ai appris dans
mon pays au sujet de ta position et de ta sagesse! Je
ne le croyais pas, avant d'être venue et d'avoir vu
de mes yeux. Et voici, on ne m'en a pas dit la
moitié. Tu as plus de sagesse et de prospérité que la
renommée ne me l'a fait connaître. Heureux tes
gens, heureux tes serviteurs qui sont
continuellement devant toi, qui entendent ta
sagesse! » (1 Rois 10:4-8; 2 Chroniques 9:3-7)

Salomon avait si bien indiqué à la reine de Séba


80
la source de sa sagesse et de sa prospérité qu'elle
fut obligée, en le quittant, non pas d'encenser
l'homme, mais de s'exclamer: « Béni soit l'Éternel,
ton Dieu, qui t'a accordé la faveur de te placer sur
le trône d'Israël! C'est parce que l'Éternel aime à
toujours Israël, qu'il t'a établi roi pour que tu fasses
droit et justice. » (1 Rois 10:9) Voilà l'impression
que Dieu désirait produire sur tous les peuples.
Alors que « tous les rois de la terre cherchaient à
voir Salomon, pour entendre la sagesse que Dieu
avait mise dans son cœur » (2 Chroniques 9:23), ce
monarque honorait l'Éternel en leur assurant que
c'est le Créateur des cieux et de la terre, le Maître
de l'univers, qui possède la toute-sagesse.

Si Salomon avait continué, en toute humilité, à


reporter l'intérêt qu'on lui manifestait sur celui qui
lui avait donné la sagesse, la richesse et la gloire,
quelle merveilleuse histoire aurait été la sienne!
Mais si la plume inspirée nous fait le récit de ses
vertus, elle nous décrit aussi sa chute. Parvenu au
faîte de sa gloire, comblé de richesses et
d'honneurs, Salomon fut ébloui; il perdit l'équilibre
et tomba. Encensé sans cesse par les hommes du
81
monde, il fut incapable, finalement, de résister à la
flatterie. La sagesse qu'il avait reçue pour glorifier
l'auteur de tous les dons, le remplit d'orgueil. Il
finit par permettre aux hommes de le considérer
comme celui qui méritait tous les honneurs à cause
de l'incomparable magnificence du temple qu'il
avait conçu et érigé pour célébrer « le nom de
l'Éternel, le Dieu d'Israël ».

C'est ainsi que le temple de Jérusalem finit par


être connu de toutes les nations, comme étant « le
temple de Salomon ». Celui qui n'avait été qu'un
instrument dans cette construction s'arrogeait la
gloire qui appartient à celui qui est « plus élevé
encore » (Ecclésiaste 5:7). Même de nos jours, on
parle souvent du temple, dont Salomon disait: «
Cette maison que j'ai bâtie » (2 Chroniques 6:33),
non comme de celui de l'Éternel, mais de Salomon.

Il ne saurait y avoir de plus grande faiblesse


que de tirer vanité des dons reçus du ciel. Le vrai
chrétien placera Dieu dans sa vie avant et après
toutes choses et lui accordera la meilleure place.
Nul mobile ambitieux ne doit refroidir son amour
82
pour lui. Il fera rejaillir tous les honneurs sur son
Père céleste. C'est lorsque nous glorifions
fidèlement le nom de Dieu et que nos sentiments
sont placés sous le contrôle céleste que nous
pouvons développer nos facultés intellectuelles et
spirituelles.

Jésus, le divin Maître, exaltait toujours le nom


de son Père céleste. Il enseignait à ses disciples à
prier ainsi: « Notre Père qui es aux cieux! Que ton
nom soit sanctifié. » (Matthieu 6:9) Et ils ne
devaient pas oublier de confesser: « Car c'est à toi
qu'appartiennent, dans tous les siècles, le règne, la
puissance et la gloire. » (Matthieu 6:13) Le
Médecin suprême s'appliquait tellement à
détourner l'attention de lui-même pour la diriger
vers la source de sa puissance que la multitude, «
dans l'admiration de voir que les muets parlaient,
que les estropiés étaient guéris, que les boiteux
marchaient, que les aveugles voyaient », ne
glorifiait pas Jésus, mais « le Dieu d'Israël »
(Matthieu 15:31).

Dans la magnifique prière prononcée par le


83
Sauveur peu avant sa crucifixion, il déclara: « Je
t'ai glorifié sur la terre. ... Glorifie ton Fils, afin que
ton Fils te glorifie. ... Père juste, le monde ne t'a
point connu; mais moi je t'ai connu, et ceux-ci ont
connu que tu m'as envoyé. Je leur ai fait connaître
ton nom, et je le leur ferai connaître, afin que
l'amour dont tu m'as aimé soit en eux, et que je sois
en eux. » (Jean 17:1, 4, 25, 26)

« Ainsi parle l'Éternel: Que le sage ne se


glorifie pas de sa sagesse, que le fort ne se glorifie
pas de sa force, que le riche ne se glorifie pas de sa
richesse. Mais que celui qui veut se glorifier se
glorifie d'avoir de l'intelligence et de me connaître,
de savoir que je suis l'Éternel, qui exerce la bonté,
le droit et la justice sur la terre; car c'est à cela que
je prends plaisir, dit l'Éternel. » (Jérémie 9:23, 24)
« Je célébrerai le nom de Dieu par des cantiques, je
l'exalterai par des louanges. » « Tu es digne, notre
Seigneur et notre Dieu, de recevoir la gloire et
l'honneur et la puissance. » « Je te louerai de tout
mon cœur, Seigneur, mon Dieu! Et je glorifierai
ton nom à perpétuité. » « Exaltez avec moi
l'Éternel! Célébrons tous son nom! » (Psaumes
84
69:31; Apocalypse 4:11; Psaumes 86:12; 34:4)

L'introduction de principes qui détournaient de


l'esprit de sacrifice, et favorisaient la glorification
du moi, faussait de plus en plus le plan de Dieu
envers Israël. Le Seigneur avait destiné son peuple
à être la lumière du monde. Ce peuple devait faire
resplendir la gloire de sa loi, telle qu'elle se révèle
dans la vie pratique. Pour exécuter ce dessein, Dieu
lui avait fait occuper une situation stratégique
importante dans le monde.

A l'époque de Salomon, le royaume d'Israël


s'étendait de Hamath, au nord, jusqu'en Égypte, au
sud, et de la Méditerranée à l'Euphrate. Ce
territoire était traversé par des voies naturelles
ouvertes au commerce du monde, et que des
caravanes, venues des pays lointains, empruntaient
sans cesse. Ainsi était offerte à Salomon et à son
peuple l'occasion de faire connaître aux hommes de
maintes contrées le caractère du Roi des rois, et de
leur enseigner à le révérer et à lui obéir. Cette
connaissance devait être donnée au monde entier.
Par le symbole des offrandes sacrificielles, le
85
Christ pouvait être élevé aux yeux de toutes les
nations, afin que tous ceux qui le désiraient fussent
sauvés.

Placé à la tête d'une nation devant servir de


phare aux pays voisins, Salomon aurait dû
employer sa grande influence et la sagesse que
Dieu lui avait conférée. Il aurait dû organiser et
diriger un vaste mouvement pour éclairer ceux qui
ne connaissaient pas Dieu et la vérité. Des
multitudes auraient ainsi été amenées à obéir aux
préceptes divins. Israël aurait été protégé contre les
pratiques dégradantes des païens, et le Seigneur de
gloire aurait été grandement honoré. Mais Salomon
perdit de vue ce but élevé; il n'exploita pas les
occasions magnifiques qui lui étaient offertes pour
éclairer ceux qui traversaient continuellement son
territoire ou s'arrêtaient dans les villes principales
du royaume.

L'esprit missionnaire que Dieu avait implanté


dans le cœur de Salomon et dans celui de tout
véritable Israélite fut supplanté par l'esprit de lucre.
Ce roi rebâtit Guézer, près de Joppé, sur la route
86
qui va d'Égypte en Syrie; Beth-Horon, à l'ouest de
Jérusalem, ville forte placée sur la route qui
conduit du cœur de la Judée à Guézer et à la côte;
Meguiddo, située sur la route des caravanes allant
de Damas en Égypte et de Jérusalem vers le nord. «
Il bâtit Thadmor au désert » (2 Chroniques 8:4), sur
la route des caravanes venant de l'orient. Toutes ces
villes étaient puissamment fortifiées. Il développa
les avantages commerciaux qu'il retirait d'un
débouché sur la mer Rouge, par la construction
d'une marine marchande « à Etsjon-Guéber, ... sur
les bords de la mer Rouge, dans le pays d'Edom ».
Des matelots entraînés furent envoyés de Tyr «
auprès des serviteurs de Salomon » pour équiper
ces vaisseaux qui « allèrent à Ophir, et ils y prirent
de l'or ... et une grande quantité de bois de sandal et
des pierres précieuses » (2 Chroniques 8:18; 1 Rois
9:26, 28; 10:11).

Les ressources du roi, ainsi que celles d'un


grand nombre de ses sujets, s'accroissaient, mais à
quel prix! Par la cupidité et l'étroitesse de vue de
ceux à qui étaient confiés les oracles de Dieu, les
foules innombrables qui parcouraient les voies de
87
passages d'Israël demeuraient dans l'ignorance du
vrai Dieu.

Quel contraste entre l'attitude de Salomon et


celle du Christ! Lorsqu'il était sur la terre, le
Sauveur qui détenait cependant « tout pouvoir » ne
l'employa jamais pour son profit personnel. Aucun
rêve de conquête ou de grandeur terrestre ne vint
entacher la perfection de son service en faveur de
l'humanité. « Les renards ont des tanières, disait-il,
et les oiseaux du ciel ont des nids; mais le Fils de
l'homme n'a pas où reposer sa tête. » (Matthieu
8:20) Ceux qui répondent à l'appel du Maître
doivent bien connaître ses méthodes. Le Seigneur
profitait de toutes les occasions qui se présentaient
sur les grandes routes fréquentées par les
voyageurs.

Entre ses allées et venues, Jésus demeurait à


Capernaüm, qui était connue comme « sa ville »
(Matthieu 9:1). Située sur la route de Damas à
Jérusalem, vers l'Égypte, et sur la voie de la
Méditerranée, cette ville était au centre du travail
du Seigneur. Des gens de tous les pays passaient à
88
Capernaüm, où ils s'attardaient quelque temps.
Jésus avait ainsi l'occasion de rencontrer des
voyageurs de toutes les nationalités et de tous les
milieux; il les faisait profiter de ses leçons qui se
propageaient dans de nombreux foyers d'autres
pays. Les prophéties se rapportant à sa venue
suscitaient de l'intérêt, et l'attention était attirée sur
le Sauveur, ainsi que sur sa mission dans le monde.

De nos jours, les occasions pour entrer en


contact avec les hommes et les femmes de toutes
classes et de toutes nationalités sont plus fréquentes
encore qu'au temps d'Israël. Les voies de
communications sont multipliées au centuple.

A l'instar du Christ, les messagers du Très-Haut


devraient se placer sur les grandes voies de
communications pour rencontrer les foules venant
de toutes les parties du globe. Avec l'aide d'en haut,
ils répandraient ainsi la semence divine en faisant
connaître les vérités de l'Évangile. Cette semence
prendrait racine dans les esprits et dans les cœurs;
elle lèverait et s'épanouirait ensuite pour la vie
éternelle.
89
Quelles leçons solennelles nous offre la chute
d'Israël, à l'époque où son souverain faillit à la
noble mission qui lui avait été confiée! Là où Israël
se montra faible, jusqu'à provoquer sa propre
chute, le peuple de Dieu aujourd'hui doit se
montrer fort, car il est la véritable Église du Christ.
C'est à lui qu'incombe la tâche d'achever l'œuvre de
Dieu, et de hâter le jour des décisions finales.

Les mauvaises influences qui se faisaient sentir


en Israël à l'époque de Salomon s'exercent encore
aujourd'hui. Les forces de l'ennemi de toute justice
sont solidement retranchées, et ce n'est que par la
puissance divine que la victoire peut être
remportée. Le conflit qui s'annonce exige un esprit
de renoncement, de défiance de soi-même et de foi
en Dieu seul; il exige aussi un meilleur emploi de
toutes les occasions qui se présentent pour sauver
des âmes. La bénédiction divine sera accordée à
son Église lorsque ses membres s'uniront pour
révéler à un monde de ténèbres et d'erreur les
beautés de la sainteté, telles qu'elles se manifestent
dans l'esprit de sacrifice, dans la glorification du
90
divin au lieu de l'humain, et dans l'inlassable
charité en faveur de ceux qui ont tant besoin des
bienfaits de l'Évangile.

91
Chapitre 5

Repentance de Salomon

Dieu apparut deux fois à Salomon au cours de


son règne pour lui adresser des paroles
d'encouragement et d'exhortation: à Gabaon,
pendant la nuit, alors qu'il lui promit la sagesse, la
richesse et la gloire et lui recommanda de rester
humble et obéissant; après la dédicace du temple,
pour le supplier de lui demeurer fidèle. Les
exhortations du Seigneur avaient été nettes, ses
promesses, merveilleuses. Cependant, l'Ecriture
sainte nous rapporte que le roi dont la position, le
caractère et la vie semblaient richement dotés pour
répondre aux exigences de sa charge et aux
espérances du ciel, « n'observa point les ordres de
l'Éternel ». Il détourna « son cœur de l'Éternel, le
Dieu d'Israël, qui lui était apparu deux fois. Il lui
avait à cet égard défendu d'aller après d'autres
dieux. » (1 Rois 11:9, 10) L'apostasie de Salomon
alla si loin, son cœur s'endurcit tellement dans la
transgression, que son cas sembla désespéré. Il se

92
détourna de la communion divine pour se livrer
aux plaisirs des sens. Le récit sacré nous rapporte
ses propres paroles à ce sujet: « J'exécutai de
grands ouvrages: je me bâtis des maisons; je me
plantai des vignes; je me fis des jardins et des
vergers. ... J'achetai des serviteurs et des servantes.
... Je m'amassai de l'argent et de l'or, et les
richesses des rois et des provinces. Je me procurai
des chanteurs et des chanteuses, et les délices des
fils de l'homme, des femmes en grand nombre. Je
devins grand, plus grand que tous ceux qui étaient
avant moi dans Jérusalem. ...

»Tout ce que mes yeux avaient désiré, je ne les


en ai point privés; je n'ai refusé à mon cœur aucune
joie; car mon cœur prenait plaisir à tout mon
travail. ... Puis, j'ai considéré tous les ouvrages que
mes mains avaient faits, et la peine que j'avais prise
à les exécuter; et voici, tout est vanité et poursuite
du vent, et il n'y a aucun avantage à tirer de ce
qu'on fait sous le soleil.

»Alors j'ai tourné mes regards vers la sagesse,


et vers la sottise et la folie. — Car que fera
93
l'homme qui succédera au roi? Ce qu'on a déjà fait.
... Et j'ai haï la vie. ... J'ai haï tout le travail que j'ai
fait sous le soleil. » (Ecclésiaste 2:4-18)

Salomon fit la triste expérience du néant auquel


aboutit celui qui place son idéal dans les choses
terrestres. Les autels aux dieux païens ne cessèrent
de lui rappeler que le repos d'esprit promis par ces
fausses divinités n'est qu'un leurre. Des idées tristes
et obsédantes le tourmentèrent alors nuit et jour. Il
n'y avait plus pour lui de joie, ni de repos d'esprit;
l'avenir lui paraissait désormais sombre et
désespéré.

Cependant le Seigneur ne l'oubliait pas. Par des


reproches sévères, il chercha à faire comprendre au
roi les conséquences de sa conduite pécheresse. Il
lui retira sa protection, et permit à ses ennemis de
harceler et d'affaiblir son royaume. « L'Éternel
suscita un ennemi à Salomon: Hadad, l'Edomite. ...
Dieu suscita un autre ennemi à Salomon: Rezon, ...
chef de bande », qui « avait Israël en aversion. Il
régna sur la Syrie. Jéroboam aussi, serviteur de
Salomon, ... fort et vaillant. ... Il leva la main
94
contre le roi. » (1 Rois 11:14-28)

Le Seigneur finit par envoyer, par


l'intermédiaire d'un prophète, ce message effrayant
à Salomon: « Puisque tu as agi de la sorte, et que tu
n'as point observé mon alliance et mes lois que je
t'avais prescrites, je déchirerai le royaume de
dessus toi et je le donnerai à ton serviteur.
Seulement, je ne le ferai point pendant ta vie, à
cause de David, ton père. C'est de la main de ton
fils que je l'arracherai. » (1 Rois 11:11, 12)

Comme s'il était tiré d'un songe par ce


jugement prononcé contre lui et sa maison,
Salomon, dont la conscience se réveillait
brusquement, commença à se rendre compte de sa
folie. Repris dans son âme, lassé de corps et
d'esprit, il se détourna des citernes crevassées de ce
monde pour se désaltérer à nouveau à la source de
la vie. L'école de la souffrance avait enfin accompli
son œuvre. Longtemps obsédé par la crainte d'une
ruine totale provoquée par son incapacité de se
détourner de sa folie, il découvrait un rayon
d'espoir dans le message qui lui était adressé. Dieu
95
ne l'avait pas tout à fait rejeté; il était prêt à le
délivrer d'une servitude plus cruelle que la tombe,
et dont il ne pouvait lui-même s'affranchir.

Salomon fut heureux de reconnaître la


puissance et la miséricorde de celui qui est au-
dessus des « hommes les plus élevés » (Ecclésiaste
5:7). Repentant, il commença à revenir sur ses pas
pour s'élever sur les sommets de la pureté et de la
sainteté d'où il était tombé. Il ne pouvait espérer
échapper aux conséquences désastreuses du péché,
ni libérer son esprit du souvenir de sa vie dissipée;
mais il s'efforcerait de dissuader les autres de
suivre leur propre folie. Il confessa humblement
ses erreurs passées, et il avertit ses semblables pour
qu'ils ne soient pas irrémédiablement perdus par
suite du mauvais exemple qu'il leur avait donné.

Celui qui se repent vraiment n'oublie pas son


passé, dès qu'il a obtenu le pardon de ses fautes. Il
pense à ceux que sa conduite a poussés au mal, et il
s'efforce, par tous les moyens possibles, de les
ramener dans le droit sentier. Plus brillante est la
lumière qu'il reçoit, plus fort est son désir de guider
96
ses semblables dans la bonne voie. Il ne dissimule
pas ses mauvaises actions, mais il avertit les autres
du danger qu'ils courent.

Salomon reconnaissait que « le cœur des fils de


l'homme est plein de méchanceté, et la folie est
dans leur cœur pendant leur vie » (Ecclésiaste 9:3).
Et il déclarait aussi: « Parce qu'une sentence contre
les mauvaises actions ne s'exécute pas
promptement, le cœur des fils de l'homme se
remplit en eux du désir de faire le mal. Cependant,
quoique le pécheur fasse cent fois le mal et qu'il y
persévère longtemps, je sais aussi que le bonheur
est pour ceux qui craignent Dieu, parce qu'ils ont
de la crainte devant lui. Mais le bonheur n'est pas
pour le méchant, et il ne prolongera point ses jours,
pas plus que l'ombre, parce qu'il n'a pas de la
crainte devant Dieu. » (Ecclésiaste 8:11-13)

Inspiré par le Seigneur, Salomon écrivit pour


les générations qui lui succéderaient l'histoire de
ses années perdues, ainsi que les leçons qu'elles
comportaient; de sorte que si la semence qu'il avait
jetée fut récoltée par son peuple en gerbe de mal,
97
l'œuvre de sa vie ne s'avéra pas totalement stérile.
Au déclin de ses jours, avec douceur et humilité,
Salomon « a encore enseigné la science au peuple,
et il a examiné, sondé, mis en ordre un grand
nombre de sentences ». Il « s'est efforcé de trouver
des paroles agréables; et ce qui a été écrit avec
droiture, ce sont des paroles de vérité. Les paroles
des sages sont comme des aiguillons; et,
rassemblées en un recueil, elles sont comme des
clous plantés, données par un seul maître. Du reste,
mon fils, tire instruction de ces choses. »
(Ecclésiaste 12:11-14)

« Ecoutons la fin du discours, écrivait-il


encore: crains Dieu et observe ses
commandements. C'est là ce que doit tout homme.
Car Dieu amènera toute œuvre en jugement, au
sujet de tout ce qui est caché, soit bien, soit mal. »
(Ecclésiaste 12:15, 16)

Il ressort des derniers écrits de Salomon que


plus il se rendait compte de la perversité de sa
conduite, plus il s'efforçait de mettre en garde la
jeunesse contre les erreurs qui lui avaient fait
98
gaspiller les dons inestimables prodigués par le
ciel. Il confessait avec tristesse et confusion qu'au
moment où il aurait dû trouver en Dieu son soutien,
sa vie, son réconfort, il s'était détourné de la
lumière céleste et de la sagesse divine pour
s'adonner à l'idolâtrie. Or, ayant appris par
expérience la folie d'une telle vie, son désir le plus
ardent était de mettre les autres à l'abri de la cruelle
épreuve qui avait été la sienne.

Avec des accents pathétiques, il s'adressait aux


jeunes, en leur indiquant les privilèges et les
responsabilités qu'ils rencontreraient au service de
Dieu.

« La lumière est douce, disait-il, et il est


agréable aux yeux de voir le soleil. Si donc un
homme vit beaucoup d'années, qu'il se réjouisse
pendant toutes ces années, et qu'il pense aux jours
de ténèbres qui seront nombreux; tout ce qui
arrivera est vanité. Jeune homme, réjouis-toi dans
ta jeunesse, livre ton cœur à la joie pendant les
jours de ta jeunesse, marche dans les voies de ton
cœur et selon les regards de tes yeux; mais sache
99
que pour tout cela Dieu t'appellera en jugement.
Bannis de ton cœur le chagrin, et éloigne le mal de
ton corps; car la jeunesse et l'aurore sont vanité. »
(Ecclésiaste 11:7 à 12:2)

« Souviens-toi de ton Créateur pendant les


jours de ta jeunesse, avant que les jours mauvais
arrivent et que les années s'approchent où tu diras:
Je n'y prends point de plaisir; avant que
s'obscurcissent le soleil et la lumière, la lune et les
étoiles, et que les nuages reviennent après la pluie,
temps où les gardiens de la maison tremblent, où
les hommes forts se courbent, où celles qui
moulent s'arrêtent parce qu'elles sont diminuées, où
ceux qui regardent par les fenêtres sont obscurcis,
où les deux battants de la porte se ferment sur la
rue quand s'abaisse le bruit de la meule, où l'on se
lève au chant de l'oiseau, où s'affaiblissent toutes
les filles du chant, où l'on redoute ce qui est élevé,
où l'on a des terreurs en chemin, où l'amandier
fleurit, où la sauterelle devient pesante, et où la
câpre n'a plus d'effet, car l'homme s'en va vers sa
demeure éternelle, et les pleureurs parcourent les
rues; avant que le cordon d'argent se détache, que
100
le vase d'or se brise, que le seau se rompe sur la
source, et que la roue se casse sur la citerne; avant
que la poussière retourne à la terre, comme elle y
était, et que l'esprit retourne à Dieu qui l'a donné. »
(Ecclésiaste 12:3-9)

La vie de Salomon est riche d'avertissements,


non seulement pour la jeunesse, mais aussi pour les
gens d'âge mûr, qui descendent la colline et font
face au soleil couchant. Nous entendons dire, et
nous le constatons par nous-mêmes, que les jeunes
sont instables; ils hésitent entre le bien et le mal; le
courant des mauvaises passions est trop fort pour
eux. Nous ne nous attendons pas à trouver chez les
personnes âgées cette instabilité et cette faiblesse.
Nous aimons à croire qu'à leur âge leur caractère
est fermement établi et leurs principes
profondément enracinés. Mais il n'en est pas
toujours ainsi. C'est alors que Salomon aurait dû
affirmer un caractère inébranlable, qu'il trébucha et
succomba à la tentation. C'est au moment où sa foi
devait être le mieux assise qu'elle fut le plus
branlante.

101
Tout ceci nous enseigne que le seul moyen de
salut pour les jeunes comme pour les vieux réside
dans la prière et la vigilance. La sécurité ne se
trouve ni dans la position élevée, ni dans les
privilèges exceptionnels. On peut avoir joui
pendant de longues années d'une véritable
expérience religieuse, et ne pas être à l'abri des
assauts de Satan. Dans la lutte contre le péché, qu'il
vienne de l'intérieur ou de l'extérieur, le puissant et
sage Salomon fut vaincu. Sa chute nous enseigne
que les qualités intellectuelles, quelque belles
qu'elles puissent être chez un homme, et pour si
fidèle qu'il soit, ne lui permettent jamais de se
confier en sa propre sagesse et son intégrité.

Le véritable fondement et le modèle sur


lesquels on peut former un caractère ont toujours
été les mêmes pour toutes les générations et tous
les pays. Le divin commandement: « Tu aimeras le
Seigneur, ton Dieu, de tout ton cœur, de toute ton
âme, de toute ta force, et de toute ta pensée; et ton
prochain comme toi-même » (Luc 10:27), fut le
principe suivi par le Sauveur. C'est le seul
fondement solide, le seul guide infaillible. « Tes
102
jours seront en sûreté; la sagesse et l'intelligence
sont une source de salut. » (Ésaïe 33:6) Seule la
Parole de Dieu peut nous procurer cette sagesse et
cette intelligence.

De nos jours, ce principe a la même importance


qu'à l'époque où il fut ordonné au peuple d'Israël: «
Vous les observerez (les commandements) et vous
les mettrez en pratique; car ce sera là votre sagesse
et votre intelligence aux yeux des peuples. »
(Deutéronome 4:6) C'est là le seul moyen de
sauvegarder l'intégrité individuelle, la pureté du
foyer, le bien-être de la société et la stabilité d'une
nation. Dans notre vie de difficultés, de dangers, de
luttes, la seule règle infaillible à suivre est celle que
le Seigneur nous donne: « Les ordonnances de
l'Éternel sont droites. » (Psaumes 19:9) « Celui qui
se conduit ainsi ne chancelle jamais. » (Psaumes
15:5)

Ceux qui savent reconnaître l'avertissement que


nous donne l'apostasie de Salomon feront bien de
repousser dès l'abord les tentations qui perdirent ce
monarque. Seule l'obéissance aux commandements
103
de Dieu préservera l'homme de l'apostasie. Le
Seigneur nous a accordé de grandes lumières et de
riches bénédictions; mais si nous ne savons pas les
apprécier, elles ne sauraient nous préserver de la
désobéissance et de l'apostasie. Lorsque ceux que
le Seigneur a élevés à un rang social supérieur se
détournent de lui pour se confier dans la sagesse
des hommes, leur lumière se change en ténèbres.
Les dons qu'il leur avait conférés deviennent pour
eux un piège.

Il y aura jusqu'à la fin des hommes qui se


détourneront de Dieu. Satan profitera de toutes les
occasions pour nous faire tomber, si bien que, si
nous ne sommes pas gardés par la puissance divine,
les bastions de notre âme chancelleront à notre
insu. Nous devons nous demander constamment:
Est-ce que je suis dans la bonne voie? Tant que
nous vivrons, il faudra nous défendre résolument
contre nos penchants et nos passions. A moins que
nous ne mettions notre confiance en Dieu, nous ne
serons jamais en sûreté. C'est en veillant et en
priant que nous pouvons conserver notre intégrité.

104
La repentance de Salomon fut sincère, mais le
mal causé par sa mauvaise conduite subsista.
Pendant son apostasie, il y eut dans le royaume des
hommes qui restèrent fidèles, maintinrent leur
intégrité et leur loyauté. Toutefois, beaucoup
suivirent son exemple. Les forces du mal
déchaînées par suite de l'idolâtrie et des plaisirs du
monde furent si puissantes que la repentance du roi
ne réussit pas à les maîtriser facilement. Son
influence pour le bien s'était considérablement
affaiblie. Un grand nombre de ses sujets hésitaient
à lui donner toute leur confiance.

Bien que le roi ait confessé son péché, et relaté


pour le profit des générations à venir l'histoire de
sa folie et de sa repentance, il ne pouvait s'attendre
à neutraliser l'influence de sa mauvaise conduite.
Encouragés par son apostasie, beaucoup
continuèrent à pratiquer le mal, et le mal
seulement. On peut même retrouver cette mauvaise
influence dans la pente suivie par les successeurs
de Salomon: ils firent un usage dégradant des dons
que Dieu leur avait accordés.

105
Plongé dans les douloureuses réflexions que lui
inspirait sa conduite, Salomon fut amené à
déclarer: « La sagesse vaut mieux que les
instruments de guerre, mais un seul pécheur détruit
beaucoup de bien. ... Il est un mal que j'ai vu sous
le soleil, comme une erreur provenant de celui qui
gouverne: la folie occupe des postes très élevés. ...
Les mouches mortes infectent et font fermenter
l'huile du parfumeur; un peu de folie l'emporte sur
la sagesse et sur la gloire. » (Ecclésiaste 9:18; 10:5,
6, 1)

Parmi les innombrables leçons que nous


enseigne la vie de Salomon, aucune ne saurait être
plus éloquente que celle de l'influence profonde
qu'il exerça, soit en faveur du bien, soit en faveur
du mal.

Pour si réduite que soit notre sphère d'action,


nous exerçons une influence ou salutaire ou
pernicieuse. Cette influence se fait sentir en dehors
de notre connaissance ou de notre pouvoir. Elle
peut être chargée de rancœur et d'égoïsme, ou
entachée par la souillure mortelle d'un péché
106
caressé; mais elle peut aussi être accompagnée du
pouvoir vivifiant de la foi, du courage, de
l'espérance et du parfum délicat de l'amour.
N'oublions jamais qu'elle agira toujours, soit en
bien, soit en mal, sur notre semblable.

La pensée que cette influence peut apporter «


une odeur de mort donnant la mort » paraît une
chose effroyable, et cependant cela est possible.
Comment imaginer qu'une âme soit induite en
erreur et privée de l'éternité? Cependant, un acte
inconsidéré, une parole irréfléchie de notre part
peuvent exercer une influence si profonde dans la
vie de notre prochain qu'ils risquent de contribuer à
perdre son âme. Une défaillance de caractère suffit
parfois pour détourner du Christ.

C'est la semence qui produit la moisson. La


nouvelle graine, à son tour, est semée à nouveau,
de sorte que le rendement s'en trouve multiplié.
Cette loi s'applique aussi dans nos rapports avec
nos semblables. Chacune de nos actions, chacune
de nos paroles sont autant de graines qui porteront
du fruit. Tout acte de bonté, d'obéissance, de
107
désintéressement, se reproduira chez d'autres, et
par eux chez d'autres encore. De même tout acte de
jalousie, de malice, de dissension, est une semence
qui croîtra, et produira des « racines d'amertume »
(Hébreux 12:15), faisant du mal au prochain. C'est
ainsi que la bonne et la mauvaise semence se
perpétuent dans le temps et l'éternité.

108
Chapitre 6

Division du royaume

« Salomon se coucha avec ses pères, et il fut


enterré dans la ville de David, son père. Roboam,
son fils, régna à sa place. » (1 Rois 11:43)

Peu de temps après être monté sur le trône,


Roboam se rendit à Sichem, où il s'attendait à être
proclamé roi par toutes les tribus d'Israël. Le récit
sacré nous dit: « Roboam se rendit à Sichem, car
tout Israël était venu à Sichem pour le faire roi. »
(2 Chroniques 10:1)

Or, parmi l'assemblée se trouvait Jéroboam, fils


de Nébath — ce même Jéroboam connu sous le
règne de Salomon comme « un homme fort et
vaillant », et à qui le prophète Achija, de Silo, avait
fait cette impressionnante prédiction: « Voici, je
vais arracher le royaume de la main de Salomon, et
je te donnerai dix tribus. » (1 Rois 11:28, 31)

109
Par son messager, le Seigneur avait montré
clairement à Jéroboam la nécessité de partager le
royaume. Ce partage devait avoir lieu, avait-il
déclaré, « parce qu'ils m'ont abandonné, et se sont
prosternés devant Astarté, divinité des Sidoniens,
devant Kemosch, dieu de Moab, et devant Milcom,
dieu des fils d'Ammon, et parce qu'ils n'ont point
marché dans mes voies pour faire ce qui est droit à
mes yeux et pour observer mes lois et mes
ordonnances, comme l'a fait David, père de
Salomon. » (1 Rois 11:33)

Plus tard, Jéroboam reçut des instructions lui


indiquant que le royaume ne serait pas divisé avant
la fin du règne de Salomon. « Je n'ôterai pas de sa
main tout le royaume, car je le maintiendrai prince
tout le temps de sa vie, à cause de David, mon
serviteur, que j'ai choisi, et qui a observé mes
commandements et mes lois. Mais j'ôterai le
royaume de la main de son fils, et je t'en donnerai
dix tribus. » (1 Rois 11:34, 35)

Bien que Salomon ait vivement souhaité


préparer Roboam, son successeur légitime, à se
110
montrer sage au cours de la crise prédite par le
prophète, il ne put réussir à exercer une influence
assez profonde sur lui pour tourner sa pensée vers
le bien. Il faut dire que l'éducation première de ce
fils avait été gravement négligée. Sa mère, une
Ammonite, l'avait doté d'un caractère indécis.
Parfois il s'efforçait de servir Dieu, qui lui
accordait alors une certaine prospérité; mais il
n'était pas stable, et il finissait par céder aux
mauvaises influences de ceux qui l'entouraient
depuis sa plus tendre enfance. Les fautes qu'il
commit pendant son règne, son apostasie finale,
nous montrent à quels terribles résultats aboutit
Salomon en s'alliant à des femmes idolâtres.

Les tribus d'Israël avaient longtemps subi de


cruelles injustices de la part de leur ancien
monarque. Les prodigalités auxquelles Salomon se
livra au cours de son apostasie l'avaient amené à
accabler le peuple de lourds impôts, et à le plonger
dans une rude servitude. Avant de couronner un
nouveau roi, les chefs des tribus voulurent s'assurer
si le fils de Salomon était décidé à alléger leurs
lourdes charges. « Alors Jéroboam et tout Israël
111
vinrent à Roboam et lui parlèrent ainsi: Ton père a
rendu notre joug dur: maintenant allège cette rude
servitude et le joug pesant que nous a imposé ton
père. Et nous te servirons. »

Roboam voulut consulter ses conseillers avant


de se prononcer. Il répondit: « Revenez vers moi
dans trois jours. Et le peuple s'en alla. »

« Le roi Roboam consulta les vieillards qui


avaient été auprès de Salomon, son père, pendant
sa vie, et il dit: Que conseillez-vous de répondre à
ce peuple? Et voici ce qu'ils lui dirent: Si tu es bon
envers ce peuple, si tu les reçois favorablement, et
si tu leur parles avec bienveillance, ils seront pour
toujours tes serviteurs. » (2 Chroniques 10:3-7)

Mécontent de cette réponse, Roboam se tourna


vers les jeunes gens qui avaient grandi avec lui et
qui l'entouraient. Il leur dit: « Que conseillez-vous
de répondre à ce peuple qui me tient ce langage:
Allège le joug que nous a imposé ton père? » (1
Rois 12:9) Les jeunes gens lui suggérèrent d'user
de rigueur avec ses sujets, et de leur dire
112
ouvertement de ne pas s'ingérer dans ses affaires
personnelles.

Grisé par la perspective d'exercer le pouvoir


suprême, Roboam résolut de mépriser les avis des
vieillards de son royaume pour ne suivre que ceux
de ses jeunes conseillers. Il arriva donc qu'au jour
convenu, lorsque « Jéroboam et tout le peuple
vinrent à Roboam » pour être fixés sur les
intentions du nouveau monarque, celui-ci « leur
répondit durement ... et il leur parla ainsi: Mon
père a rendu votre joug pesant, et moi je vous le
rendrai plus pesant; mon père vous a châtiés avec
des fouets, et moi je vous châtierai avec des
scorpions. » (1 Rois 12:12-14)

Si Roboam et ses conseillers inexpérimentés


avaient compris le dessein de Dieu au sujet d'Israël,
ils auraient tenu compte des revendications du
peuple, exigeant des réformes énergiques dans
l'administration royale. Mais lors de l'assemblée de
Sichem, ils ne comprirent pas la cause profonde de
ces revendications et affaiblirent ainsi leur
influence auprès de la majorité du peuple. Leur
113
détermination de perpétuer et d'alourdir le joug
imposé par Salomon s'opposait formellement au
dessein de Dieu, et fit naître chez les Israélites de
sérieux doutes sur la sincérité de leurs mobiles. En
voulant exercer le pouvoir d'une manière si
insensée, le roi et ses conseillers firent preuve
d'orgueil et de despotisme.

Mais le Seigneur ne permit pas à Roboam de


réaliser le programme politique qu'il s'était tracé.
Des milliers de sujets des tribus d'Israël, indignés
de l'oppression que leur avait fait subir Salomon,
étaient maintenant décidés à se révolter contre la
maison de David. « Lorsque tout Israël vit que le
roi ne l'écoutait pas, dit le récit sacré, le peuple
répondit au roi: Quelle part avons-nous avec
David? Nous n'avons point d'héritage avec le fils
d'Isaï! A tes tentes, Israël! Maintenant, pourvois à
ta maison, David! Et Israël alla dans ses tentes. » (1
Rois 12:16)

La rupture provoquée par les paroles violentes


de Roboam s'avérait irréparable. Il s'ensuivit une
scission: les tribus de Juda et de Benjamin
114
formèrent la partie méridionale du royaume de
Juda, sous la domination de Roboam, tandis que les
dix tribus du nord constituèrent un gouvernement à
part, connu sous le nom de royaume d'Israël, dont
Jéroboam fut le roi. Ainsi s'accomplit « la parole
que l'Éternel avait dite par Achija. ... Cela fut
dirigé par l'Éternel. » (1 Rois 12:15)

Lorsque Roboam vit que dix tribus refusaient


de lui obéir, il tenta l'impossible pour arranger les
choses. Il chargea un homme influent du royaume,
« Adoram, qui était préposé sur les impôts »,
d'intervenir auprès des rebelles. Mais ses tentatives
de réconciliation reçurent un accueil qui montrait
bien les véritables sentiments des révoltés. «
Adoram fut lapidé par tout Israël, et il mourut. »
Epouvanté par l'ampleur de la révolte, « le roi
Roboam se hâta de monter sur un char, pour
s'enfuir à Jérusalem » (1 Rois 12:18). Là, il «
rassembla toute la maison de Juda et la tribu de
Benjamin, cent quatre-vingt mille hommes d'élite
propres à la guerre, pour qu'ils combattissent contre
la maison d'Israël afin de la ramener sous la
domination de Roboam, fils de Salomon. Mais la
115
parole de Dieu fut ainsi adressée à Schemaeja,
homme de Dieu: Parle à Roboam, fils de Salomon,
roi de Juda, et à toute la maison de Juda et de
Benjamin, et au reste du peuple. Et dis-leur: Ainsi
parle l'Éternel: Ne montez point, et ne faites pas la
guerre à vos frères, les enfants d'Israël! Que chacun
de vous retourne dans sa maison, car c'est de par
moi que cette chose est arrivée. Ils obéirent à la
parole de l'Éternel. » (1 Rois 12:21-24)

Pendant trois ans, Roboam s'efforça de tirer


profit de la douloureuse expérience qu'il avait faite
en montant sur le trône, et son règne fut prospère. «
Il bâtit des villes fortes en Juda », et « il les fortifia,
et y établit des commandants, et des magasins de
vivres, d'huile et de vin ». Il s'appliqua à rendre ces
villes « très fortes » (2 Chroniques 11:5, 11, 12).
Mais le secret de la prospérité de Juda pendant les
premières années du règne de Roboam ne résidait
pas dans ces mesures. C'était grâce au fait que les
tribus de Juda et Benjamin reconnurent Dieu
comme chef suprême qu'elles furent ainsi
favorisées. Les hommes des tribus du nord qui
craignaient Dieu vinrent grossir leurs rangs. « Ceux
116
de toutes les tribus d'Israël, nous rapporte
l'Ecriture, qui avaient à cœur de chercher l'Éternel,
le Dieu d'Israël, suivirent les Lévites à Jérusalem.
... Ils donnèrent ainsi de la force au royaume de
Juda, et affermirent Roboam, fils de Salomon,
pendant trois ans; car ils marchèrent pendant trois
ans dans la voie de David et de Salomon. » (2
Chroniques 11:16, 17)

S'il avait persévéré dans cette voie, Roboam


aurait eu l'occasion de se racheter en grande partie
des erreurs de son passé, et de redonner à ses sujets
confiance en ses dons de chef. Mais la plume
inspirée nous a fait le récit douloureux du
successeur de Salomon. Bien qu'entêté,
orgueilleux, volontaire et porté à l'idolâtrie, si
Roboam avait mis toute sa confiance en Dieu, il
aurait affermi son caractère et sa foi, répondu aux
exigences divines. Mais, à mesure que le temps
s'écoulait, il se glorifiait de sa puissance et des
forteresses qu'il avait fait construire. Il
s'abandonnait petit à petit à ses penchants
héréditaires jusqu'à tomber tout à fait dans
l'idolâtrie. « Lorsque Roboam se fut affermi dans
117
son royaume et qu'il eut acquis de la force, il
abandonna la loi de l'Éternel, et tout Israël
l'abandonna avec lui. » (2 Chroniques 12:1)

Comme ces paroles: « Et tout Israël avec lui »,


nous semblent lourdes de signification! Le peuple
que le Seigneur avait choisi pour servir de lumière
aux nations voisines se détournait de la source de
sa puissance pour imiter les pays qu'il aurait dû
éclairer. Ce qui arriva à Salomon se reproduisit
chez Roboam: leur mauvais exemple égara une
multitude d'âmes. Il en est encore ainsi de nos
jours, à un degré plus ou moins grand, avec celui
qui se laisse conduire par Satan. Malheureusement,
l'influence du mal ne se limite pas à celui qui s'y
adonne. Nul ne vit pour lui-même, nul ne souffre
seul de son iniquité. Toute vie répand autour d'elle,
soit une lumière qui projette ses rayons bienfaisants
sur le sentier du prochain, soit une influence
sombre et déprimante qui pousse au désespoir et à
la mort. Nous conduisons nos semblables vers le
bonheur et la vie éternelle, ou vers les abîmes de la
tristesse et de la mort éternelle. Et si par nos actes
nous aggravons les forces du mal chez ceux qui
118
nous entourent, nous participons à leurs péchés.

Dieu ne permit pas que l'apostasie du roi de


Juda demeurât impunie. « La cinquième année du
règne de Roboam, Schischak, roi d'Égypte, monta
contre Jérusalem, parce qu'ils avaient péché contre
l'Éternel. Il avait mille deux cents chars et soixante
mille cavaliers; et il vint d'Égypte avec lui un
peuple innombrable. ... Il prit les villes fortes qui
appartenaient à Juda, et arriva jusqu'à Jérusalem.

»Alors Schemaeja, le prophète, se rendit


auprès de Roboam et des chefs de Juda qui s'étaient
retirés dans Jérusalem à l'approche de Schischak, et
il leur dit: Ainsi parle l'Éternel: Vous m'avez
abandonné; je vous abandonne aussi, et je vous
livre entre les mains de Schischak. » (2 Chroniques
12:2-5)

Le peuple ne s'était pas encore adonné à


l'apostasie au point de mépriser les jugements de
Dieu. Dans les pertes subies au cours de l'invasion
de Schischak, il reconnut la main de Dieu, et
pendant un certain temps il s'humilia, et dit: «
119
L'Éternel est juste! »

»Schischak, roi d'Égypte, monta contre


Jérusalem. Il prit les trésors de la maison de
l'Éternel et les trésors de la maison du roi, il prit
tout. Il prit les boucliers d'or que Salomon avait
faits. Le roi Roboam fit à leur place des boucliers
d'airain, et il les remit aux soins des chefs des
coureurs, qui gardaient l'entrée de la maison du roi.
... Comme Roboam s'était humilié, l'Éternel
détourna de lui sa colère et ne le détruisit pas
entièrement. Et il y avait encore de bonnes choses
en Juda. » (2 Chroniques 12:6-12)

Mais quand l'affliction eut disparu, et que la


nation redevint prospère, un grand nombre
oublièrent leurs craintes et retournèrent à l'idolâtrie.
Le roi lui-même était de ceux-là. Bien qu'il ait été
humilié par l'épreuve, il ne sut pas profiter de ce
tournant décisif de sa vie. Il oublia la leçon que le
Seigneur avait voulu lui donner, et il retomba dans
les péchés qui avaient attiré les jugements divins
sur la nation. Après quelques années ignominieuses
au cours desquelles le monarque « fit le mal, parce
120
qu'il n'appliqua pas son cœur à chercher l'Éternel,
... Roboam se coucha avec ses pères, et il fut
enterré dans la ville de David. Et Abija, son fils,
régna à sa place. » (2 Chroniques 12:14, 16)

Avec le partage du royaume, au début du règne


de Roboam, la gloire d'Israël commença à décliner
pour ne plus jamais se révéler entièrement. Au
cours des siècles qui suivirent, le trône de David
fut parfois occupé par des hommes doués d'une
haute valeur morale et d'un jugement pénétrant.
Les bénédictions dont furent alors l'objet les
habitants de Juda s'étendirent jusque sur les nations
voisines. Parfois, le nom de Dieu fut exalté au-
dessus de tous les faux dieux, et sa loi fut honorée.
Parfois aussi, de puissants prophètes furent suscités
pour affermir ces rois et encourager le peuple à
demeurer fidèle au Seigneur. Mais la racine du mal
qui avait commencé à croître du temps de Roboam
ne fut jamais totalement extirpée, si bien que le
peuple de Dieu tombait si bas qu'il était la risée des
païens.

Cependant, en dépit de la perversité de ceux qui


121
retournaient aux pratiques idolâtres, Dieu, dans sa
miséricorde, faisait tout pour sauver ce royaume
divisé. Alors que les années s'écoulaient, et que les
plans divins envers Israël semblaient sérieusement
contrecarrés par les machinations des hommes
inspirés par Satan, le Seigneur continuait
néanmoins à manifester sa bienveillance à l'égard
de la nation par la captivité et la restauration.

Le partage du royaume n'était que le


commencement d'une merveilleuse histoire, où
s'inscrivaient à la fois la longue souffrance et la
miséricorde divine. Le peuple d'Israël dut passer
par l'affliction à cause de ses tendances au mal,
héréditaires ou acquises. C'est ainsi que le Seigneur
cherchait à le purifier pour en faire une nation
particulière, zélée pour les bonnes œuvres. Ce
peuple devait finalement reconnaître que « nul n'est
semblable à toi, ô Éternel! Tu es grand, et ton nom
est grand par ta puissance. Qui ne te craindrait, roi
des nations? C'est à toi que la crainte est due; car,
parmi tous les sages des nations et dans tous leurs
royaumes, nul n'est semblable à toi. ... L'Éternel est
Dieu en vérité, il est un Dieu vivant et un roi
122
éternel. » (Jérémie 10:6, 7, 10) Les idolâtres durent
enfin apprendre que les faux dieux sont incapables
d'élever et de sauver. « Les dieux qui n'ont point
fait les cieux et la terre disparaîtront de la terre et
de dessous les cieux. » (Jérémie 10:11) Seuls ceux
qui restent fidèles au Dieu vivant, Créateur et
Maître de toutes choses, trouveront le repos et la
paix.

D'un commun accord Juda et Israël, meurtris et


repentants, renouvelèrent enfin leurs vœux de
fidélité envers le Seigneur, le Dieu de leurs pères,
et ils proclamèrent alors:

[Dieu] a créé la terre par sa puissance,


Il a fondé le monde par sa sagesse,
Il a étendu les cieux par son intelligence.
A sa voix, les eaux mugissent dans les cieux;
Il fait monter les nuages des extrémités de la
terre,
Il produit les éclairs et la pluie,
Il tire le vent de ses trésors.
Tout homme devient stupide par sa science,
Tout orfèvre est honteux de son image taillée;
123
Car ses idoles ne sont que mensonge,
Il n'y a point en elles de souffle,
Elles sont une chose de néant, une œuvre de
tromperie;
Elles périront, quand viendra le châtiment.
Celui qui est la part de Jacob n'est pas comme
elles;
Car c'est lui qui a tout formé,
Et Israël est la tribu de son héritage.
L'Éternel des armées est son nom.
(Jérémie 10:12-16)

124
Chapitre 7

Jéroboam

Élevé sur le trône par les dix tribus révoltées


contre la maison de David, Jéroboam, ancien
serviteur de Salomon, aurait pu apporter de sages
réformes dans les affaires civiles et religieuses de
l'Etat. Il avait fait preuve, sous le règne de
Salomon, d'une grande habileté et d'un jugement
solide. Les connaissances acquises au cours de son
fidèle service lui avaient permis de gouverner avec
sagesse. Mais il ne mit pas en Dieu sa confiance.

Ce que Jéroboam redoutait par-dessus tout,


c'était que ses sujets ne fussent gagnés par le roi
qui occupait le trône de David à Jérusalem. Il se
disait que si les dix tribus étaient libres de se rendre
fréquemment dans l'ancienne capitale de la
monarchie juive, où les services religieux
continuaient à se dérouler dans le temple, comme
au temps de Salomon, un grand nombre d'Israélites
renouvelleraient leur allégeance au gouvernement

125
de Jérusalem. Encouragé par ses conseillers,
Jéroboam décida par un coup d'audace de diminuer
le plus possible les chances de révolte contre son
gouvernement. Il créa à Béthel et à Dan deux
centres de culte. Là, les dix tribus seraient invitées
à se rassembler pour y adorer Dieu, plutôt qu'à
Jérusalem.

Tout en organisant ce changement, Jéroboam


chercha à frapper l'imagination des Israélites en
plaçant devant eux une représentation symbolique
du Dieu invisible. Il fit donc deux veaux d'or qu'il
plaça l'un à Béthel, l'autre à Dan. Mais en voulant
représenter la divinité, le roi violait le
commandement formel de Dieu: « Tu ne te feras
point d'image taillée. ... Tu ne te prosterneras point
devant elles, et tu ne les serviras point. » (Exode
20:4, 5)

Jéroboam avait un tel désir d'empêcher les dix


tribus de se rendre à Jérusalem qu'il ne s'aperçut
pas de la faiblesse fondamentale de ses
agissements. Il ne vit pas le grand danger auquel il
exposait les Israélites en plaçant devant eux un
126
symbole idolâtre de la divinité, symbole si familier
à leurs ancêtres pendant les siècles que dura leur
servitude en Égypte. Son récent séjour dans ce pays
aurait dû cependant lui faire comprendre combien
il était imprudent de placer devant le peuple de
telles idoles. Mais son intention arrêtée d'empêcher
les tribus du nord de se rendre à la ville sainte
l'amena à prendre ces mesures. « Assez longtemps
vous êtes montés à Jérusalem, dit-il au peuple;
Israël! voici ton Dieu, qui t'a fait sortir du pays
d'Égypte. » (1 Rois 12:28) Les Israélites étaient
ainsi invités à se prosterner devant des idoles, ce
qui constituait une étrange manière d'adoration.

Le roi essaya de persuader les Lévites qui


vivaient dans son royaume de servir comme prêtres
dans les nouveaux sanctuaires de Béthel et de Dan.
Mais il se heurta à leur refus. Il fut donc obligé
d'élever à la prêtrise des hommes « pris parmi tout
le peuple » (1 Rois 12:31). Effrayés par la
perspective qui se présentait devant eux, tous ceux
qui étaient restés fidèle au Seigneur, y compris un
grand nombre de Lévites, s'enfuirent à Jérusalem
pour y adorer selon la volonté divine.
127
« Jéroboam établit une fête au huitième mois, le
quinzième jour du mois, comme la fête qui se
célébrait en Juda, et il offrit des sacrifices sur
l'autel. Voici ce qu'il fit à Béthel, afin que l'on
sacrifiât aux veaux qu'il avait faits. Il plaça à
Béthel les prêtres des hauts lieux qu'il avait élevés.
» (1 Rois 12:32)

Mais ce défi lancé au Seigneur en rejetant les


institutions sacrées ne devait pas rester impuni. Au
moment même où Jéroboam officiait et brûlait des
parfums sur l'autel qu'il avait élevé et qu'il
dédicaçait, un homme de Dieu lui apparut. Il
arrivait de Juda pour l'accuser d'introduire une
nouvelle forme de culte. Le prophète « cria contre
l'autel ... et dit: Autel! autel! ainsi parle l'Éternel:
Voici, il naîtra un fils à la maison de David; son
nom sera Josias; il immolera sur toi les prêtres des
hauts lieux qui brûlent sur toi des parfums, et l'on
brûlera sur toi des ossements d'hommes!

»Et le même jour il donna un signe, en disant:


C'est ici le signe que l'Éternel a parlé: Voici, l'autel
128
se fendra, et la cendre qui est dessus sera répandue.
» Aussitôt l'autel « se fendit, et la cendre qui était
dessus fut répandue, selon le signe qu'avait donné
l'homme de Dieu, par la parole de l'Éternel » (1
Rois 13:2, 3, 5).

Devant ce spectacle, Jéroboam défia le


Seigneur, et essaya de s'opposer à celui qui avait
prononcé ces paroles. Furieux, « il avança la main
de dessus l'autel, en disant: Saisissez-le! » Ce geste
impétueux fut suivi d'un rapide châtiment. La main
qu'il étendait encore contre le messager de Dieu «
devint sèche, et il ne put la ramener à soi ».

Frappé de terreur, le roi supplia alors le


prophète d'intercéder pour lui auprès du Seigneur.
« Implore l'Éternel, ton Dieu, lui dit-il, et prie pour
moi, afin que je puisse retirer ma main. L'homme
de Dieu implora l'Éternel, et le roi put retirer sa
main, qui fut comme auparavant. » (1 Rois 13:4, 6)

C'était donc en vain que Jéroboam essayait de


faire solennellement la dédicace de cet autel,
destiné à détourner les fidèles du culte de l'Éternel
129
célébré dans le temple de Jérusalem. Le message
du prophète aurait dû pousser le roi à se repentir, et
à abandonner ses mauvais penchants qui
détournaient le peuple du culte du vrai Dieu. Mais
il endurcit son cœur, et il décida de suivre sa propre
voie.

Au moment où fut célébrée la fête de Béthel,


les Israélites nourrissaient encore de bons
sentiments. Beaucoup étaient susceptibles d'être
influencés par le Saint-Esprit. C'est alors que le
Seigneur résolut de mettre un terme, avant qu'il soit
trop tard, aux rapides progrès de l'apostasie chez
les Israélites. Il envoya son messager pour
interrompre leurs pratiques idolâtres, et montrer au
roi et au peuple à quels résultats aboutirait cette
idolâtrie. Lorsque l'autel se fendit, le Seigneur
manifestait son mécontentement à l'égard des
abominations qui se commettaient en Israël.

Dieu cherche à sauver les hommes, non à les


perdre. Il se plaît à secourir les pécheurs. « Je suis
vivant! dit le Seigneur, l'Éternel, ce que je désire,
ce n'est pas que le méchant meure. » (Ézéchiel
130
33:11) Par des supplications et des avertissements,
il exhorte le pécheur à abandonner le mal pour
retourner à lui et vivre. Il donne à ses messagers
une sainte assurance, qui fait naître chez ceux qui
l'entendent des sentiments de crainte et de
repentance. Avec quel courage le prophète de Dieu
réprimanda le roi! Or, ce courage devait se
manifester. Le péché qui régnait en Israël n'aurait
pu être censuré autrement. Dieu donna à son
serviteur de l'audace, afin que ceux qui
l'entendraient puissent en conserver une impression
durable. Les messagers du Seigneur doivent se
tenir résolument du côté du bien, et ne jamais avoir
peur d'affronter les hommes. Aussi longtemps
qu'ils mettent leur confiance en Dieu, ils n'ont rien
à craindre, car celui qui leur a confié une mission
les assure aussi de sa protection.

Son message délivré, le prophète se disposait à


prendre le chemin du retour lorsque Jéroboam lui
dit: « Entre avec moi dans la maison, tu prendras
quelque nourriture, et je te donnerai un présent. » «
Quand tu me donnerais la moitié de ta maison, lui
répondit le prophète, je n'entrerais pas avec toi. Je
131
ne mangerai point de pain, et je ne boirai point
d'eau dans ce lieu-ci; car cet ordre m'a été donné,
par la parole de l'Éternel: Tu ne mangeras point de
pain et tu ne boiras point d'eau, et tu ne prendras
pas à ton retour le chemin par lequel tu seras allé. »
(1 Rois 13:7-9)

Tout se serait bien passé pour le prophète, s'il


s'en était tenu à son intention de retourner en Juda
sans délai. Mais alors qu'il revenait chez lui par un
autre chemin, il fut rejoint par un vieillard se disant
prophète, et qui lui fit ce faux rapport: « Moi aussi,
je suis prophète comme toi; et un ange m'a parlé de
la part de l'Éternel, et m'a dit: Ramène-le avec toi
dans ta maison, et qu'il mange du pain et boive de
l'eau. » Il répéta plusieurs fois cette invitation
mensongère; il se montra si pressant qu'il réussit à
persuader le prophète, et celui-ci se rendit chez lui.
Mais puisqu'il se permettait de suivre une voie
contraire à celle qui lui avait été tracée, Dieu allait
lui faire subir le châtiment que méritait sa
transgression.

Tandis qu'il était à table avec celui qui l'avait


132
invité à revenir à Béthel, la parole de l'Éternel fut
adressée au faux prophète, et il « cria à l'homme de
Dieu qui était venu de Juda: Ainsi parle l'Éternel:
Parce que tu as été rebelle à l'ordre de l'Éternel, et
que tu n'as pas observé le commandement que
l'Éternel, ton Dieu, t'avait donné, ... ton cadavre
n'entrera pas dans le sépulcre de tes pères. » (1
Rois 13:18-22)

Cette sinistre prophétie ne tarda pas à se


réaliser. « Quand le prophète qu'il avait ramené eut
mangé du pain et qu'il eut bu de l'eau, il sella l'âne
pour lui. ... Et il fut rencontré dans le chemin par
un lion qui le tua. Son cadavre était étendu dans le
chemin; l'âne resta auprès de lui, et le lion se tint à
côté du cadavre. Et voici, des gens qui passaient
virent le cadavre étendu dans le chemin et le lion se
tenant à côté du cadavre; et ils en parlèrent à leur
arrivée dans la ville où demeurait le vieux
prophète. Lorsque le prophète qui avait ramené du
chemin l'homme de Dieu l'eut appris, il dit: C'est
l'homme de Dieu qui a été rebelle à l'ordre de
l'Éternel. » (1 Rois 13:23-26)

133
Le châtiment infligé au messager infidèle
donnait encore plus de force à la prophétie
prononcée sur l'autel de Béthel. Si, après avoir
désobéi à l'ordre du Seigneur, le prophète avait pu
continuer son chemin sans être inquiété, le roi
aurait exploité ce fait pour essayer de justifier sa
propre désobéissance. Lorsque l'autel se fendit, que
sa main sécha et qu'il vit le sort terrible réservé au
prophète qui avait osé enfreindre l'ordre de Dieu,
Jéroboam aurait dû comprendre avec quelle
promptitude le Seigneur punit ceux qui l'offensent,
et les jugements divins, l'avertir de ne pas persister
dans le mal. Mais, loin de se repentir, le roi « créa
de nouveau des prêtres des hauts lieux parmi tout le
peuple; quiconque en avait le désir, il le consacrait
prêtre des hauts lieux ». Non seulement il
commettait lui-même un grave péché, mais « ce fut
là une occasion de péché pour la maison de
Jéroboam, et c'est pour cela qu'elle a été
exterminée et détruite de dessus la face de la terre »
(1 Rois 13:33, 34; 14:16).

Vers la fin de son règne, qui dura vingt-deux


ans et connut beaucoup d'agitations, Jéroboam
134
subit une défaite sanglante en guerroyant contre
Abija, successeur de Roboam. « Jéroboam n'eut
plus de force du temps d'Abija; et l'Éternel le
frappa, et il mourut. » (2 Chroniques 13:20)

L'apostasie introduite en Israël sous le règne de


Salomon se répandit de plus en plus, si bien qu'elle
conduisit le royaume à une ruine totale. Avant la
mort de Jéroboam, Achija, le vieux prophète de
Silo qui avait prédit longtemps à l'avance son
accession au trône, déclara: « L'Éternel frappera
Israël, et il en sera de lui comme du roseau qui est
agité dans les eaux; il arrachera Israël de ce bon
pays qu'il avait donné à leurs pères, et il les
dispersera de l'autre côté du fleuve, parce qu'ils se
sont fait des idoles, irritant l'Éternel. Il livrera
Israël à cause des péchés que Jéroboam a commis
et qu'il a fait commettre à Israël. » (1 Rois 14:15,
16)

Cependant le Seigneur ne se détourna pas du


peuple d'Israël sans avoir tout fait pour le ramener
à lui. Pendant de longues et sombres périodes, alors
que rois après rois se dressaient pleins d'arrogance
135
contre le ciel, et précipitaient de plus en plus Israël
dans l'idolâtrie, Dieu envoyait à son peuple
message sur message. Il lui donnait ainsi
l'occasion, par ses prophètes, d'endiguer la marée
de l'apostasie, et de revenir à lui. Pendant les
années qui suivirent le partage du royaume, Elie et
Elisée exercèrent leur ministère, tandis que les
tendres appels d'Osée, d'Amos et d'Abdias
trouvaient un écho dans le pays d'Israël. Il y eut
encore là de nobles témoins de la puissance divine
pour sauver le peuple de ses péchés. Aux heures les
plus sombres, au sein même de l'idolâtrie, un
certain nombre d'hommes restèrent fidèles, et
furent irrépréhensibles aux yeux du Dieu saint. Ils
faisaient partie de ce reste précieux par lequel
devait s'accomplir le dessein éternel du Seigneur.

136
Chapitre 8

L'apostasie nationale

De la mort de Jéroboam au moment où Elie se


présenta devant Achab, le peuple d'Israël, gouverné
par des hommes qui ne craignaient pas Dieu et
encourageaient d'étranges formes de culte, subit un
sérieux déclin spirituel. Le plus grand nombre
perdit rapidement de vue son devoir de servir le
Dieu vivant, et adopta de multiples pratiques
idolâtres.

Nadab, fils de Jéroboam, ne régna que deux


ans. Une conspiration menée par Baescha, un de
ses généraux qui voulait prendre en main le
gouvernement du royaume, mit fin brusquement à
sa vie de péché. Il fut tué, ainsi que tous les siens
qui auraient pu lui succéder, « selon la parole que
l'Éternel avait dite par son serviteur Achija de Silo,
à cause des péchés que Jéroboam avait commis et
qu'il avait fait commettre à Israël » (1 Rois 15:29,
30).

137
Ainsi périt la maison de Jéroboam. Le culte
idolâtre introduit par le roi avait attiré sur les
coupables le châtiment de Dieu, ce qui n'empêcha
pas les rois qui lui succédèrent: Baescha, Ela,
Zimri et Omri, de suivre pendant près de quarante
ans la même pente fatale du mal.

Pendant la plus grande partie du temps où


l'apostasie triompha dans le royaume d'Israël, Asa
occupa le trône du royaume de Juda. Durant de
nombreuses années, « Asa fit ce qui est bien et
droit aux yeux de l'Éternel, son Dieu. Il fit
disparaître les autels de l'étranger et les hauts lieux,
il brisa les statues et abattit les idoles. Il ordonna à
Juda de rechercher l'Éternel, le Dieu de ses pères,
et de pratiquer la loi et les commandements. Il fit
disparaître de toutes les villes de Juda les hauts
lieux et les statues consacrés au soleil. Et le
royaume fut en repos devant lui. » (2 Chroniques
14:1-4)

Mais la foi d'Asa fut mise à rude épreuve


lorsque « Zérach, l'Ethiopien, sortit contre eux avec
138
une armée d'un million d'hommes et trois cents
chars » (2 Chroniques 14:8), et envahit le royaume.
Devant ce danger, Asa ne mit sa confiance ni dans
les « villes fortes de Juda », qu'il avait bâties avec «
des murs, des tours, des portes et des barres », ni
dans « les hommes vaillants » (2 Chroniques 14:5-
7) de son armée bien entraînée, mais dans les
armées de l'Éternel, au nom duquel avaient été
opérées autrefois de si merveilleuses délivrances. Il
rangea ses forces pour la bataille, et il implora le
secours d'en haut.

Les deux armées se trouvèrent alors en face


l'une de l'autre. Ce fut un moment de rude épreuve
pour ceux qui servaient le Seigneur. Tous avaient-
ils confessé leurs péchés? Plaçaient-ils toute leur
confiance en Dieu pour triompher? Telles étaient
les pensées qui agitaient l'esprit des chefs. A vues
humaines, l'armée redoutable d'Égypte anéantirait
tout devant elle. Mais en temps de paix, Asa ne
s'était pas livré aux plaisirs et aux divertissements;
il s'était préparé à toute éventualité. Son armée était
prête au combat. Il avait fait l'impossible pour
amener son peuple à faire la paix avec Dieu. Et
139
maintenant, bien que ses forces fussent inférieures
en nombre à celles de l'ennemi, sa foi en celui en
qui il avait placé toute sa confiance ne faiblissait
pas.

Au temps de la prospérité, le roi avait recherché


le Seigneur; maintenant qu'il était dans l'adversité,
il pouvait se reposer sur lui. Ses prières montraient
que la force merveilleuse de Dieu ne lui était pas
étrangère. « Éternel, disait-il, toi seul peux venir en
aide au faible comme au fort: viens à notre aide,
Éternel, notre Dieu! car c'est sur toi que nous nous
appuyons, et nous sommes venus en ton nom
contre cette multitude. Éternel, tu es notre Dieu:
que ce ne soit pas l'homme qui l'emporte sur toi! »
(2 Chroniques 14:10)

La prière d'Asa est celle que tout chrétien doit


adresser à Dieu dans n'importe quelle circonstance.
Nous livrons un combat, non « contre la chair et le
sang, mais contre les dominations, contre les
autorités, contre les princes de ce monde de
ténèbres, contre les esprits méchants dans les lieux
célestes » (Voir Éphésiens 6:12). Dans ce combat
140
de la vie, nous devons faire face aux forces du mal
liguées contre le bien. Il faut alors que notre
espérance soit placée, non dans les hommes, mais
dans le Dieu vivant. Avec la parfaite assurance de
la foi, nous pouvons espérer que le Seigneur unira
sa toute-puissance aux forces des hommes pour
glorifier son nom. Revêtus de l'armure de la justice,
nous remporterons la victoire sur tous les ennemis.

La foi d'Asa fut récompensée d'une manière


éclatante. « L'Éternel frappa les Ethiopiens devant
Asa et devant Juda, et les Ethiopiens prirent la
fuite. Asa et le peuple qui était avec lui les
poursuivirent jusqu'à Guérar, et les Ethiopiens
tombèrent sans pouvoir sauver leur vie, car ils
furent détruits par l'Éternel et par son armée. » (2
Chroniques 14:11, 12)

Alors que les armées victorieuses de Juda et de


Benjamin revenaient à Jérusalem, « l'Esprit de
Dieu fut sur Azaria, fils d'Obed, et Azaria alla au-
devant d'Asa et lui dit: Ecoutez-moi, Asa, et tout
Juda et Benjamin! L'Éternel est avec vous quand
vous êtes avec lui; si vous le cherchez, vous le
141
trouverez: mais si vous l'abandonnez, il vous
abandonnera. » « Vous donc, fortifiez-vous, et ne
laissez pas vos mains s'affaiblir, car il y aura un
salaire pour vos œuvres. » (2 Chroniques 15:1, 2,
7)

Grandement encouragé par ces paroles, Asa


entreprit tôt après une seconde réforme dans le
royaume de Juda. Il « fit disparaître les
abominations de tout le pays de Juda et de
Benjamin et des villes qu'il avait prises dans la
montagne d'Ephraïm, et il restaura l'autel de
l'Éternel qui était devant le portique de l'Éternel. Il
rassembla tout Juda et Benjamin, et ceux
d'Ephraïm et Manassé et de Siméon qui habitaient
parmi eux, car un grand nombre de gens d'Israël se
joignirent à lui lorsqu'ils virent que l'Éternel, son
Dieu, était avec lui. Ils s'assemblèrent à Jérusalem
le troisième mois de la quinzième année du règne
d'Asa. Ce jour-là, ils sacrifièrent à l'Éternel, sur le
butin qu'ils avaient amené, sept cents bœufs et sept
mille brebis. Ils prirent l'engagement de chercher
l'Éternel, le Dieu de leurs pères, de tout leur cœur
et de toute leur âme. ... Et ils l'avaient trouvé, et
142
l'Éternel leur donna du repos de tous côtés. » (2
Chroniques 15:8-12, 15)

La longue histoire de la fidélité d'Asa fut


cependant entachée par certaines fautes commises
parfois lorsqu'il ne mettait pas toute sa confiance
en Dieu. Par exemple, quand le roi d'Israël envahit
le royaume de Juda et s'empara de Rama, ville forte
située à huit kilomètres de Jérusalem, Asa
contracta une alliance avec Ben-Hadad, roi de
Syrie. Cette absence de confiance en Dieu dans
l'adversité fut sévèrement réprimandée par le
prophète Hanani, qui vint trouver Asa, et lui dit: «
Parce que tu t'es appuyé sur le roi de Syrie et que tu
ne t'es pas appuyé sur l'Éternel, ton Dieu, l'armée
du roi de Syrie s'est échappée de tes mains. Les
Ethiopiens et les Libyens ne formaient-ils pas une
grande armée, avec des chars et une multitude de
cavaliers? Et cependant l'Éternel les a livrés entre
tes mains, parce que tu t'étais appuyé sur lui. Car
l'Éternel étend ses regards sur toute la terre, pour
soutenir ceux dont le cœur est tout entier à lui. Tu
as agi en insensé dans cette affaire, car dès à
présent tu auras des guerres. » (2 Chroniques 16:7-
143
9)

Après avoir entendu ces paroles, Asa aurait dû


s'humilier devant Dieu; mais il « fut irrité contre le
voyant, et il le fit mettre en prison, parce qu'il était
en colère contre lui. Et dans le même temps Asa
opprima aussi quelques-uns du peuple. » (2
Chroniques 16:10)

« La trente-neuvième année de son règne, Asa


eut les pieds malades au point d'éprouver de
grandes douleurs; même pendant sa maladie, il ne
chercha pas l'Éternel, mais il consulta les
médecins. » (2 Chroniques 16:12) Le roi mourut la
quarante et unième année de son règne, et son fils
Josaphat lui succéda.

Deux ans avant la mort d'Asa, Achab monta sur


le trône d'Israël. Dès son avènement, il fit preuve
d'une apostasie effrayante. Son père Omri,
fondateur de Samarie, « fit ce qui est mal aux yeux
de l'Éternel, et il agit plus mal que tous ceux qui
avaient été avant lui » (1 Rois 16:25). Mais Achab
alla plus loin dans le péché. Il « fit plus encore que
144
tous les rois d'Israël qui avaient été avant lui, pour
irriter l'Éternel, le Dieu d'Israël », en agissant «
comme si c'eût été peu de chose de se livrer aux
péchés de Jéroboam, fils de Nebath » (1 Rois
16:33, 31). Non content d'encourager les formes
d'idolâtrie de Béthel et de Dan, il précipita le
peuple dans le paganisme le plus grossier en
remplaçant le culte de l'Éternel par celui de Baal. Il
prit pour femme Jézabel, « fille d'Ethbaal, roi des
Sidoniens », et grand prêtre de Baal. Achab « servit
Baal, et se prosterna devant lui. Il éleva un autel à
Baal dans la maison de Baal qu'il bâtit à Samarie. »
(1 Rois 16:31, 32)

Achab ne se contenta pas d'introduire le culte


de Baal dans la capitale du royaume. A l'instigation
de Jézabel, il fit aussi élever des autels dans les «
hauts lieux ». Là, sous des berceaux de verdure, les
prêtres et ceux qui étaient attachés à ce culte
envoûtant exerçaient leur influence maléfique; si
bien que presque tout Israël suivit Baal. « Il n'y a
eu personne qui se soit vendu comme Achab pour
faire ce qui est mal aux yeux de l'Éternel, et
Jézabel, sa femme, l'y excitait. Il a agi de la
145
manière la plus abominable, en allant après les
idoles, comme le faisaient les Amoréens, que
l'Éternel chassa devant les enfants d'Israël. » (1
Rois 21:25, 26)

Achab était faible de caractère. Son mariage


avec une femme idolâtre, autoritaire et obstinée, le
fit courir au désastre, lui et la nation. Dépourvu de
tout principe, de tout noble idéal, il fut facilement
influencé par l'esprit volontaire de Jézabel. Sa
nature égoïste le rendit incapable d'apprécier les
grâces du Dieu d'Israël, et de remplir ses devoirs de
chef et de gardien du peuple élu.

Sous l'influence néfaste du règne d'Achab, les


enfants d'Israël s'éloignèrent du Dieu vivant et
péchèrent devant sa face. Depuis de longues années
déjà, ils avaient perdu le respect des choses
divines; et il semblait maintenant que nul n'oserait
risquer sa vie en s'opposant ouvertement à
l'idolâtrie qui régnait partout. Les ténèbres de
l'apostasie couvraient tout le pays; on y voyait à
chaque pas des statues de Baal et d'Astarté. Les
temples païens, les bosquets consacrés, où l'on
146
adorait les œuvres faites de main d'homme, se
multipliaient. L'air même était pollué par l'encens
des sacrifices offerts aux faux dieux. Collines et
vallées retentissaient des cris discordants des
prêtres païens qui sacrifiaient au soleil, à la lune et
aux étoiles.

Sous l'influence de Jézabel et de ses prêtres


impies, on faisait accroire au peuple que les statues
érigées comme idoles étaient des divinités régissant
par leur pouvoir mystique les éléments: la terre, le
feu et l'eau. Les dons du ciel — les ruisseaux
bondissants, les fleuves à l'eau vivifiante, la rosée
bienfaisante, les ondées rafraîchissantes et
fertilisantes — toutes ces richesses étaient dues à
l'obligeance de Baal et d'Astarté, au lieu d'être
attribuées à l'auteur de tout bien et de tout don
parfait. Le peuple oublia que les collines et les
vallées, les rivières et les sources étaient dans la
main du Dieu vivant, et que c'est lui qui dirige le
soleil, les nuages et toutes les forces de la nature.

Le Seigneur envoya au roi et au peuple, par ses


fidèles messagers, des avertissements répétés; mais
147
ces paroles de reproches demeurèrent sans effet.
C'est en vain que ces messagers proclamaient que
l'Éternel était le seul Dieu d'Israël, en vain qu'ils
exaltaient les lois qu'il leur avait confiées. Fasciné
par le spectacle grandiose qu'offrait le culte des
idoles, séduit par ses rites, le peuple suivait
l'exemple du roi et de sa cour. Il se laissait aller aux
plaisirs enivrants et avilissants d'un culte qui
s'adressait aux sens. Dans leur fol aveuglement, les
Israélites préférèrent rejeter Dieu et son culte pour
adorer les idoles. La lumière dispensée si
généreusement s'était changée en ténèbres. L'or fin
s'était terni.

Hélas! comme la gloire d'Israël avait disparu!


Jamais auparavant, le peuple élu n'était tombé à ce
point dans l'apostasie. Il y avait « quatre cent
cinquante prophètes de Baal » et « quatre cents
prophètes d'Astarté » (1 Rois 18:19). Seule la
puissance miraculeuse de Dieu pouvait préserver la
nation d'une destruction totale. Israël s'était
volontairement séparé de Dieu, qui, malgré tout, ne
cessait de s'intéresser à tous ceux qui s'étaient
égarés dans le péché. Il allait leur envoyer l'un de
148
ses plus puissants prophètes, grâce auquel de
nombreux rétrogrades reviendraient au Dieu de
leurs pères.

149
Chapitre 9

Élie, le Thischbite

Ce chapitre est basé sur 1 Rois 17:1-7.

Dans les montagnes de Galaad, à l'est du


Jourdain, vivait sous le règne d'Achab un homme
de foi et de prière qui devait, par son ministère
intrépide, mettre un frein aux rapides progrès de
l'apostasie en Israël. Bien qu'éloigné de toute ville
célèbre, et ne jouissant pas d'une situation élevée,
Elie le Thischbite accepta sa mission, confiant dans
le Seigneur qui lui préparerait la voie et le bénirait
abondamment. Ses paroles étaient empreintes de
foi et de puissance, et sa vie tout entière consacrée
à une œuvre de réforme. Sa voix était la voix de
celui qui crie dans le désert pour censurer le péché
et s'opposer à la marée du mal qui déferlait sur le
pays. Et tout en se présentant au peuple comme un
réprobateur du péché, il apportait par son message
le baume de Galaad aux âmes pécheresses qui
désiraient être soulagées.

150
Tandis qu'il voyait le peuple d'Israël sombrer
de plus en plus dans l'idolâtrie, il éprouvait à la fois
une grande détresse et une profonde indignation.
Dieu avait fait des choses merveilleuses pour son
peuple; il l'avait délivré de l'esclavage et lui avait
donné « les terres des nations ... afin qu'ils
gardassent ses ordonnances et qu'ils observassent
ses lois » (Psaumes 105:44, 45). Mais les bienfaits
du Seigneur étaient maintenant à peu près oubliés.
L'incrédulité séparait profondément le peuple élu
de la source de sa force. Elie, qui considérait cette
apostasie du fond de sa retraite montagnarde, était
accablé de douleur. L'âme en détresse, il suppliait
Dieu de mettre un terme à la méchanceté de ce
peuple, jadis honoré par lui, et de le châtier si
c'était nécessaire, afin de l'amener à voir sous son
vrai jour son éloignement des choses célestes.
L'homme de Dieu désirait ardemment que les
rétrogrades se repentent avant de s'enfoncer trop
profondément dans le péché, ce qui inciterait le
Seigneur à les détruire complètement.

La prière d'Elie fut exaucée. Les appels répétés,


151
les remontrances, les avertissements adressés au
peuple d'Israël n'ayant pas réussi à l'amener à la
repentance, le moment était venu où Dieu devait lui
parler par le moyen du châtiment. Tant que les
adorateurs de Baal déclareraient que les richesses
du ciel: la rosée et la pluie, ne provenaient pas de
Dieu, mais des forces de la nature, et que c'était
grâce à l'énergie créatrice du soleil que la terre était
fertilisée et rendue productive, la malédiction du
Seigneur s'appesantirait lourdement sur le sol
maudit. Les tribus apostates d'Israël devaient
apprendre combien il était insensé de faire
confiance à Baal en ce qui concernait les
bénédictions matérielles. Si les Israélites ne
revenaient pas à Dieu et ne se repentaient pas, s'ils
ne reconnaissaient pas qu'il était l'auteur de toute
bénédiction, alors la terre ne recevrait plus ni pluie
ni rosée.

Elie reçut l'ordre d'annoncer à Achab le


châtiment qui l'attendait. La « parole de l'Éternel
lui fut adressée ». Jaloux de l'honneur qu'il
éprouvait pour la cause de Dieu, il n'hésita pas à
obéir à l'appel divin, bien qu'il risquât sa vie de la
152
main même du roi. Le prophète partit sur-le-
champ, et dut marcher jour et nuit pour atteindre
Samarie. Arrivé au palais royal, il ne sollicita pas
une audience particulière; il n'attendit pas non plus
d'être introduit selon le protocole. Revêtu d'une
tenue grossière, portée généralement par les
prophètes de cette époque, il passa devant les
gardes sans être remarqué, et se tint debout pendant
un moment devant le roi interdit.

Elie ne s'excusa pas pour sa brusque apparition.


Un roi plus puissant que celui d'Israël l'avait chargé
d'un message. Il leva la main vers le ciel, et déclara
par le Dieu vivant que les jugements du Tout-
Puissant allaient fondre sur Israël. « L'Éternel est
vivant! affirma-t-il, ... il n'y aura ces années-ci ni
rosée ni pluie, sinon à ma parole. »

Seule une foi puissante dans la Parole


infaillible de Dieu pouvait permettre à Elie de
délivrer son message. S'il n'avait eu une confiance
absolue en celui qu'il servait, il n'aurait jamais osé
paraître devant Achab. En se rendant à Samarie,
Elie avait longé des ruisseaux intarissables, gravi
153
des collines verdoyantes et traversé des forêts
majestueuses qui semblaient défier la sécheresse.
Tout ce que l'œil embrassait était revêtu de beauté.
Le prophète aurait pu se demander comment les
cours d'eau qui n'avaient jamais cessé de couler
pourraient être taris, et comment les collines et les
vallées verdoyantes seraient brûlées par la
sécheresse. Mais le doute ne l'effleura même pas. Il
était profondément convaincu que Dieu avait
décidé d'humilier le royaume d'Israël apostat, et
que c'était par le châtiment qu'il serait amené à la
repentance. L'ordre divin avait été donné; la parole
de Dieu ne pouvait faillir, et au péril de sa vie Elie
s'acquitta de sa mission.

La nouvelle du châtiment prêt à fondre sur


Israël frappa les oreilles du monarque comme un
coup de tonnerre dans un ciel sans nuages. Mais
avant qu'il fût revenu de sa stupeur ou ait pu
formuler une réponse, Elie avait disparu aussi
précipitamment qu'il avait fait son apparition, sans
attendre l'effet produit par son message. Dieu le
précédait pour lui faciliter le chemin. « Dirige-toi
vers l'orient, ordonna-t-il au prophète, et cache-toi
154
près du torrent de Kérith, qui est en face du
Jourdain. Tu boiras de l'eau du torrent, et j'ai
ordonné aux corbeaux de te nourrir là. »

Le roi donna aussitôt des ordres pour découvrir


le prophète, mais ce fut en vain. La reine Jézabel,
irritée par la nouvelle que les richesses du ciel
allaient être supprimées, s'empressa d'en informer
les prêtres de Baal, qui maudirent avec elle le
prophète et défièrent la colère du Seigneur. Mais
tous leurs efforts pour découvrir celui qui avait
prononcé des paroles de malédiction furent inutiles.
Ils ne purent cacher aux Israélites l'annonce de ce
châtiment provoqué par leur idolâtrie manifeste. La
nouvelle se répandit rapidement dans tout le pays.
Ce message divin éveilla les craintes de certains;
mais, en général, il fut accueilli par des railleries ou
avec mépris.

Les paroles du prophète eurent un effet


immédiat. Ceux qui tout d'abord s'étaient gaussés à
l'annonce de ce malheur eurent bientôt l'occasion
de s'en repentir; car quelques mois plus tard, la
terre ne recevant ni rosée, ni pluie, se dessécha, et
155
la végétation se flétrit. A mesure que le temps
s'écoulait, les cours d'eau qu'on n'avait jamais vus à
sec commencèrent à baisser sérieusement et les
sources à tarir. Malgré tout, le peuple fut exhorté
par ses chefs à mettre toute sa confiance dans le
pouvoir de Baal, et à considérer comme des paroles
sans importance la prédiction d'Elie. Les prêtres
insistèrent encore sur le fait que la pluie tombait
par le pouvoir de Baal. « Ne redoutez pas le Dieu
d'Elie, disaient-ils au peuple, ne tremblez pas à ses
paroles. C'est Baal qui produit les moissons en leur
temps et pourvoit aux besoins des hommes et des
animaux. »

Le message divin adressé à Achab donna à


Jézabel, à ses prêtres et à tous les adorateurs de
Baal et d'Astarté l'occasion de montrer le pouvoir
de leurs dieux, et en même temps de prouver, si
possible, que les paroles d'Elie étaient fausses. Des
centaines de prêtres allaient s'y employer. Si,
malgré la déclaration du prophète, Baal pouvait
encore envoyer la rosée et la pluie, permettre aux
cours d'eau de continuer à couler pour produire la
végétation, alors le roi ferait bien de l'adorer et le
156
peuple de le proclamer Dieu.

Décidés à maintenir les gens dans l'erreur, les


prêtres de Baal continuèrent à offrir des sacrifices à
leurs dieux et à les supplier jour et nuit de
rafraîchir la terre. Ils s'efforcèrent d'apaiser la
colère de ces dieux en leur offrant des sacrifices
coûteux. Avec un zèle et une persévérance dignes
d'une meilleure cause, ils assiégeaient les autels
païens, et priaient ardemment pour qu'il pleuve. On
entendait jour et nuit leurs cris et leurs
supplications. Mais aucun nuage n'apparaissait à
l'horizon pendant le jour pour tempérer les ardeurs
d'un soleil brûlant. Pas de rosée, pas de pluie pour
rafraîchir la terre desséchée. La parole de Dieu ne
se modifiait pas en dépit de tout ce que tentaient les
prêtres de Baal.

Une année passe, et toujours pas de pluie. La


terre est desséchée comme par le feu. Les rayons
ardents d'un soleil implacable font disparaître les
dernières traces de végétation. Les cours d'eau
tarissent, les troupeaux se lamentent et errent çà et
là en détresse. Les champs, jadis prospères, sont
157
devenus comme des déserts. C'est une vaste
désolation. Les bosquets dédiés au culte des idoles
ont perdu leur feuillage; les arbres de la forêt,
squelettes décharnés, n'offrent plus leurs ombrages.
L'air est desséché et suffocant; des tempêtes de
sable aveuglent, et coupent la respiration. Les villes
et les villages sont devenus des lieux désolés. La
faim et la soif frappent hommes et bêtes d'une
mortalité effroyable. La famine, avec son cortège
d'horreurs, se répand de plus en plus.

Cependant, malgré toutes ces preuves de la


puissance divine, les Israélites ne se repentirent pas
et ne purent profiter des leçons que Dieu leur
donnait. Ils ne comprirent pas que celui qui a créé
la nature préside à ses lois et peut les utiliser pour
en faire des instruments de bénédiction ou de
destruction. Le cœur rempli d'orgueil, et fortement
épris de leur faux culte, ils ne voulurent pas
s'humilier sous la puissante main de Dieu; mais ils
cherchèrent à attribuer à une autre cause la raison
de leur affliction.

Jézabel refusa catégoriquement de reconnaître


158
dans la sécheresse un châtiment de Dieu. Dans son
entêtement à défier le ciel, elle entraîna presque
toute la nation à rendre responsable Elie des
souffrances qui l'accablaient. N'avait-il pas
désapprouvé leurs formes de culte? Si seulement
on pouvait arriver à se débarrasser de lui, disait-
elle, la colère des dieux s'apaiserait, et les maux
dont souffrait Israël prendraient fin.

Poussé par la reine, Achab fit entreprendre les


plus actives recherches pour découvrir le lieu où se
cachait le prophète. Il envoya des émissaires de
tous côtés, même à l'étranger, afin de trouver celui
qu'il abhorrait et redoutait en même temps. Dans
son acharnement à poursuivre l'homme de Dieu, il
fit attester par serment à ces royaumes qu'ils ne
savaient rien sur la demeure du prophète. Mais
toutes les recherches d'Achab demeurèrent vaines.
Elie était à l'abri des méchancetés du roi dont les
péchés avaient attiré sur le pays le châtiment d'un
Dieu offensé.

Ne réussissant pas à découvrir Elie, Jézabel


résolut de se venger en faisant mettre à mort tous
159
les prophètes du Dieu vivant. Aucun ne devait être
épargné. Ainsi périrent de nombreux serviteurs de
l'Éternel. Cependant, quelques-uns échappèrent au
massacre. Abdias, chef de la maison d'Achab, resté
fidèle au Seigneur, « prit cent prophètes », et, au
péril de sa vie, il les « cacha cinquante par
cinquante dans une caverne », et il les nourrit « de
pain et d'eau » (1 Rois 18:4).

Deux années s'écoulèrent. Aucun signe de pluie


n'étant apparu dans le ciel implacable, la sécheresse
et la famine continuaient à dévaster le royaume.
Pères et mères, incapables de soulager les
souffrances de leurs enfants, assistaient
impuissants à leur agonie. Et malgré tout, la nation
apostate refusait toujours de s'humilier devant
Dieu, et ne cessait de murmurer contre le prophète
dont les paroles avaient amené une calamité
semblable. Les gens se montraient incapables de
discerner dans leur détresse et leur souffrance un
appel à la repentance, une intervention divine pour
les empêcher de franchir la limite qui les priverait
du pardon divin.

160
L'apostasie d'Israël s'avérait plus effroyable
encore que la famine sous ses formes les plus
horribles. Dieu cherchait à débarrasser les Israélites
de leurs erreurs tout en les amenant à reconnaître
celui auquel ils devaient la vie et toutes choses. Il
essayait de les aider à retrouver leur foi perdue, et
cela au prix d'une grande affliction.

« Ce que je désire, est-ce que le méchant


meure? dit le Seigneur, l'Éternel. N'est-ce pas qu'il
change de conduite et qu'il vive? ... Rejetez loin de
vous toutes les transgressions par lesquelles vous
avez péché; faites-vous un cœur nouveau et un
esprit nouveau. Pourquoi mourriez-vous, maison
d'Israël? Car je ne désire pas la mort de celui qui
meurt, dit le Seigneur, l'Éternel. Convertissez-vous
donc, et vivez. ... Revenez, revenez de votre
mauvaise voie; et pourquoi mourriez-vous, maison
d'Israël? » (Ézéchiel 18:23, 31, 32; 33:11)

Le Seigneur avait envoyé ses messagers aux


Israélites pour les supplier de revenir à lui. S'ils
avaient écouté ces appels, s'ils s'étaient détournés
du culte de Baal pour retourner au Dieu vivant, le
161
message d'Elie n'aurait jamais été délivré. Mais les
avertissements qui auraient dû leur apporter une «
odeur de vie donnant la vie », ne produisirent
qu'une « odeur de mort donnant la mort ». Blessés
dans leur orgueil, irrités contre les prophètes, les
Israélites nourrissaient maintenant une haine
farouche contre Elie. S'il avait pu tomber entre
leurs mains, avec quelle joie ils l'auraient livré à la
reine Jézabel! Comme si, imposant silence à sa
voix, ils pouvaient empêcher l'accomplissement de
la prophétie! En présence de la calamité, ils
persévéraient dans leur endurcissement. Ils
aggravaient ainsi le mal qui avait attiré sur la
nation le châtiment de Dieu.

Le seul remède à la situation était de se


détourner des péchés qui avaient provoqué le
châtiment du Tout-Puissant, et de revenir à lui de
tout son cœur. Car cette assurance leur avait été
donnée: « Quand je fermerai le ciel et qu'il n'y aura
point de pluie, quand j'ordonnerai aux sauterelles
de consumer le pays, quand j'enverrai la peste
parmi mon peuple; si mon peuple sur qui est
invoqué mon nom s'humilie, prie, et cherche ma
162
face, et s'il se détourne de ses mauvaises voies, je
l'exaucerai des cieux, je lui pardonnerai son péché,
et je guérirai son pays. » (2 Chroniques 7:13, 14)
C'était pour aboutir à cette victoire triomphale que
le Seigneur persistait à retenir la rosée et la pluie
jusqu'à ce qu'une réforme radicale s'opérât en
Israël.

163
Chapitre 10

Sévères paroles de reproche

Ce chapitre est basé sur 1 Rois 17:8-24; 18:1-


19.

Élie demeura caché pendant un certain temps


dans les montagnes, près du torrent de Kérith, et il
y fut miraculeusement nourri. Puis, comme la
sécheresse persistait et que le torrent était à sec, le
Seigneur ordonna à son serviteur de se retirer dans
un pays païen. « Lève-toi, lui dit-il, va à Sarepta,
qui appartient à Sidon, et demeure là. Voici, j'y ai
ordonné à une femme veuve de te nourrir. »

Cette femme n'était pas Israélite. Elle n'avait


jamais joui des privilèges et des bénédictions du
peuple élu; mais elle croyait au vrai Dieu, et
marchait dans la lumière qui avait éclairé son
chemin. Or, maintenant que le prophète n'était plus
en sécurité en Israël, le Seigneur l'envoyait vers
elle afin qu'il trouvât un asile sous son toit. « Il se

164
leva, et il alla à Sarepta. Comme il arrivait à
l'entrée de la ville, voici, il y avait là une femme
veuve qui ramassait du bois. Il l'appela, et dit: Va
me chercher, je te prie, un peu d'eau dans un vase,
afin que je boive. Et elle alla en chercher. Il
l'appela de nouveau, et dit: Apporte-moi, je te prie,
un morceau de pain dans ta main. »

Dans ce foyer en proie au dénuement, la famine


se faisait sentir cruellement, et la maigre pitance de
la veuve semblait être sur le point de s'achever. La
venue d'Elie, le jour même où elle se demandait
avec anxiété si elle ne devait pas abandonner la
lutte, fit subir une très grande épreuve à la foi de
cette pauvre femme, qui comptait sur la puissance
du Dieu vivant pour subvenir à ses besoins. Mais
même dans sa cruelle misère, elle manifesta sa foi
en accédant à la requête de l'étranger qui lui
demandait de partager son dernier morceau de pain
avec lui.

A la demande d'Elie pour obtenir de la


nourriture et de la boisson, la veuve répondit: «
L'Éternel, ton Dieu, est vivant! Je n'ai rien de cuit,
165
je n'ai qu'une poignée de farine dans un pot et un
peu d'huile dans une cruche. Et voici, je ramasse
deux morceaux de bois, puis je rentrerai et je
préparerai cela pour moi et pour mon fils; nous
mangerons, après quoi nous mourrons. » Elie lui
dit: « Ne crains point, rentre, fais comme tu as dit.
Seulement, prépare-moi d'abord avec cela un petit
gâteau, et tu me l'apporteras; tu en feras ensuite
pour toi et pour ton fils. Car ainsi parle l'Éternel, le
Dieu d'Israël: La farine qui est dans le pot ne
manquera point et l'huile qui est dans la cruche ne
diminuera point, jusqu'au jour où l'Éternel fera
tomber de la pluie sur la face du sol. »

Aucune foi ne pouvait être mise à pareille


épreuve. Jusqu'alors la veuve avait traité les
étrangers avec bonté et largesse; maintenant, sans
se soucier de la souffrance que ce geste va
entraîner pour elle-même et pour son fils, elle se
confie au Dieu d'Israël qui subvient à tous les
besoins, et elle exerce généreusement l'hospitalité
en agissant « selon la parole que l'Éternel avait
prononcée par Elie ».

166
Quelle merveilleuse hospitalité, en effet,
manifesta au prophète la femme phénicienne, et
comme sa foi et sa générosité furent récompensées!
« Pendant longtemps elle eut de quoi manger, elle
et sa famille, aussi bien qu'Elie. La farine qui était
dans le pot ne manqua point, et l'huile qui était
dans la cruche ne diminua point, selon la parole
que l'Éternel avait prononcée par Elie. »

« Après ces choses, le fils de la femme,


maîtresse de la maison, devint malade, et sa
maladie fut si violente qu'il ne resta plus en lui de
respiration. Cette femme dit alors à Elie: Qu'y a-t-il
entre moi et toi, homme de Dieu? Es-tu venu chez
moi pour rappeler le souvenir de mon iniquité, et
pour faire mourir mon fils?

»Il lui répondit: Donne-moi ton fils. Et il le prit


du sein de la femme, le monta dans la chambre
haute où il demeurait, et le coucha sur son lit. ...
L'Éternel écouta la voix d'Elie, et l'âme de l'enfant
revint au-dedans de lui, et il fut rendu à la vie.

»Elie prit l'enfant, le descendit de la chambre


167
haute dans la maison et le donna à sa mère. ... Et la
femme dit à Elie: Je reconnais maintenant que tu es
un homme de Dieu, et que la parole de l'Éternel
dans ta bouche est vérité. »

La veuve de Sarepta partagea son morceau de


pain avec Elie; en retour, sa vie et celle de son fils
furent épargnées. Le Seigneur a promis de riches
bénédictions à tous ceux qui, au moment de
l'épreuve et de l'affliction, offrent leur sympathie et
leur soutien à plus défavorisés qu'eux. Or, il n'a pas
changé; sa puissance n'est pas moins forte
aujourd'hui qu'aux jours d'Elie. La promesse du
Sauveur: « Celui qui reçoit un prophète en qualité
de prophète recevra une récompense de prophète »
(Matthieu 10:41), est aussi certaine que lorsqu'elle
fut faite.

« N'oubliez pas l'hospitalité; car, en l'exerçant,


quelques-uns ont logé des anges, sans le savoir. »
(Hébreux 13:2) Ces paroles n'ont nullement perdu
de leur force au cours des siècles. Notre divin Père
continue à placer sur la route de ses enfants des
occasions qui sont des bénédictions déguisées.
168
Ceux qui en profitent se réservent de grandes joies.
« Si tu donnes ta propre subsistance à celui qui a
faim, si tu rassasies l'âme indigente, ta lumière se
lèvera sur l'obscurité. Et tes ténèbres seront comme
le midi. L'Éternel sera toujours ton guide, il
rassasiera ton âme dans les lieux arides, et il
redonnera de la vigueur à tes membres; tu seras
comme un jardin arrosé, comme une source dont
les eaux ne tarissent pas. » (Ésaïe 58:10, 11)

Le Christ dit aujourd'hui à ses fidèles


serviteurs: « Celui qui vous reçoit me reçoit, et
celui qui me reçoit, reçoit celui qui m'a envoyé. »
(Matthieu 10:40, 42) Tout acte de bonté manifesté
en son nom ne perdra pas sa récompense. Le
Seigneur comprendra dans une même
reconnaissance les plus humbles et les plus faibles
de la famille de Dieu. « Quiconque, a-t-il dit,
donnera seulement un verre d'eau froide à l'un de
ces petits (à tous ceux qui sont comme des enfants
dans la foi et la connaissance du Christ) parce qu'il
est mon disciple, je vous le dis en vérité, il ne
perdra point sa récompense4Matthieu 10:40, 42. »

169
Pendant les longues années de sécheresse et de
famine, Elie priait ardemment pour que les
Israélites se détournent de l'idolâtrie et reviennent
au Dieu vivant. Et alors que la main du Seigneur
s'appesantissait sur la terre, le prophète attendait
avec impatience ce revirement. En pensant aux
souffrances et au dénuement de ses compatriotes, il
éprouvait une vive douleur, et il aurait voulu
pouvoir opérer une réforme rapide parmi les
idolâtres. Mais Dieu réalisait lui-même son plan, et
son serviteur n'avait rien d'autre à faire que de
persévérer avec foi dans la prière, et à attendre le
moment où il entrerait résolument en action.

L'apostasie qui sévissait à l'époque d'Achab


était le résultat de nombreuses années de péché.
Peu à peu, Israël s'était détourné du droit sentier.
Générations après générations refusaient de suivre
la voie du bien, et la grande majorité du peuple se
livrait aux puissances des ténèbres.

Un siècle environ s'était écoulé depuis que,


sous le règne de David, les Israélites avaient chanté
des hymnes de louange au Très-Haut, en
170
reconnaissance de leur dépendance totale envers
celui qui les comblait de ses grâces jour après jour.
Notez les paroles d'adoration qu'ils faisaient alors
monter vers le ciel:

Dieu de notre salut ...


Tu remplis d'allégresse l'orient et l'occident. Tu
visites la terre et tu lui donnes l'abondance,
Tu la combles de richesses;
Le ruisseau de Dieu est plein d'eau;
Tu prépares le blé, quand tu la fertilises ainsi.
En arrosant ses sillons, en aplanissant ses
mottes,
Tu la détrempes par des pluies, tu bénis son
germe.
Tu couronnes l'année de tes biens,
Et tes pas versent l'abondance;
Les plaines du désert sont abreuvées,
Et les collines sont ceintes d'allégresse;
Les pâturages se couvrent de brebis,
Et les vallées se revêtent de froment.
Les cris de joie et les chants retentissent.
(Psaumes 65:6, 9-14)

171
Les Israélites avaient alors reconnu que
l'Éternel est celui qui a « posé la terre sur ses
fondements ». Ils avaient exprimé leur foi par ce
chant:

Tu l'avais couverte [la terre] de l'abîme comme


d'un vêtement,
Les eaux s'arrêtaient sur les montagnes;
Elles ont fui devant ta menace,
Elles se sont précipitées à la voix de ton
tonnerre.
Des montagnes se sont élevées, des vallées se
sont abaissées,
Au lieu que tu leur avais fixé.
Tu as posé une limite que les eaux ne doivent
point franchir,
Afin qu'elles ne reviennent plus couvrir la terre.
(Psaumes 104:6-9)

C'est par la souveraine puissance de l'Éternel


que les éléments de la nature sur la terre, dans la
mer et dans le ciel sont maintenus dans leurs
limites. Ces éléments, Dieu les emploie pour le
bonheur de ses créatures. « Son bon trésor » est
172
généreusement utilisé « pour envoyer la pluie en
son temps et pour bénir tout le travail des mains
des hommes » (Deutéronome 28:12).

[Dieu] conduit les sources dans des torrents,


Qui coulent entre les montagnes.
Elles abreuvent tous les animaux des champs;
Les ânes sauvages y étanchent leur soif.
Les oiseaux du ciel habitent sur leurs bords,
Et font résonner leur voix parmi les rameaux.
De sa haute demeure, il arrose les montagnes;
La terre est rassasiée du fruit de tes œuvres.
Il fait germer l'herbe pour le bétail,
Et les plantes pour les besoins de l'homme,
Afin que la terre produise de la nourriture,
*4 P. et R.
Le vin qui réjouit le cœur de l'homme,
Et fait plus que l'huile resplendir son visage,
Et le pain qui soutient le cœur de l'homme. ...

Que tes œuvres sont en grand nombre, ô


Éternel!
Tu les as toutes faites avec sagesse.
La terre est remplie de tes biens.
173
Voici la grande et vaste mer:
Là se meuvent sans nombre
Des animaux petits et grands. ...
Tous ces animaux espèrent en toi,
Pour que tu leur donnes la nourriture en son
temps.
Tu la leur donnes, et ils la recueillent;
Tu ouvres ta main, et ils se rassasient de biens.
(Psaumes 104:10-14, 24-28)

Les Israélites avaient eu d'innombrables


occasions de se réjouir. Dieu leur avait donné en
partage une terre où coulaient le lait et le miel.
Alors qu'ils erraient dans le désert, le Seigneur leur
avait promis de les conduire dans un pays où ils ne
souffriraient jamais de la sécheresse.

« Le pays dont tu vas entrer en possession,


avait-il dit à Israël, n'est pas comme le pays
d'Égypte, d'où vous êtes sortis, où tu jetais dans les
champs ta semence et les arrosais avec ton pied
comme un jardin potager. Le pays que vous allez
posséder est un pays de montagnes et de vallées, et
qui boit les eaux de la pluie du ciel; c'est un pays
174
dont l'Éternel, ton Dieu, prend soin, et sur lequel
l'Éternel, ton Dieu, a continuellement les yeux, du
commencement à la fin de l'année. »

Cette promesse d'une abondante pluie avait été


donnée à condition qu'il y ait obéissance. « Si vous
obéissez à mes commandements que je vous
prescris aujourd'hui, si vous aimez l'Éternel, votre
Dieu, avait déclaré le Seigneur, et si vous le servez
de tout votre cœur et de toute votre âme, je
donnerai à votre pays la pluie en son temps, la
pluie de la première et de l'arrière-saison, et tu
recueilleras ton blé, ton moût et ton huile; je
mettrai aussi dans tes champs de l'herbe pour ton
bétail, et tu mangeras et te rassasieras. »

Dieu avait donné à son peuple cet


avertissement: « Gardez-vous de laisser séduire
votre cœur, de vous détourner, de servir d'autres
dieux et de vous prosterner devant eux. La colère
de l'Éternel s'enflammerait alors contre vous; il
fermerait les cieux, et il n'y aurait point de pluie; la
terre ne donnerait plus ses produits, et vous péririez
promptement dans le bon pays que l'Éternel vous
175
donne. » (Deutéronome 11:10-17)

« Mais si tu n'obéis point à la voix de l'Éternel,


ton Dieu, si tu n'observes pas et ne mets pas en
pratique tous ses commandements et toutes ses lois
que je te prescris aujourd'hui, voici toutes les
malédictions qui viendront sur toi et qui seront ton
partage: ... Le ciel sur ta tête sera d'airain, et la terre
sous toi sera de fer. L'Éternel enverra pour pluie à
ton pays de la poussière et de la poudre; il en
descendra du ciel sur toi jusqu'à ce que tu sois
détruit. » (Deutéronome 28:15, 23, 24)

Dieu donnait, entre autres, à Israël ce conseil


précieux: « Mettez dans votre cœur et dans votre
âme ces paroles que je vous dis. » Et il lui
ordonnait: « Vous les lierez comme un signe sur
vos mains, et elles seront comme des fronteaux
entre vos yeux. Vous les enseignerez à vos enfants,
et vous leur en parlerez quand tu seras dans ta
maison, quand tu iras en voyage, quand tu te
coucheras et quand tu te lèveras. » (Deutéronome
11:18, 19) Ces commandements étaient clairs. Et
cependant, alors que les siècles s'écoulaient, que
176
les générations se succédaient et perdaient de vue
les richesses accordées pour leur bien spirituel, les
influences désastreuses de l'apostasie menaçaient
de renverser rapidement toutes les barrières
dressées par la grâce divine.

Dieu dut alors envoyer à son peuple le plus


terrible des châtiments. La prédiction d'Elie se
réalisait dans toute son horreur. Pendant trois ans,
le messager de malheur fut recherché dans toutes
les villes, dans tous les pays. A l'enquête d'Achab,
certains rois jurèrent sur leur honneur que l'étrange
prophète n'avait pu être découvert dans leur
royaume. Et cependant les recherches se
poursuivaient, car Jézabel et les prophètes de Baal
vouaient à Elie une haine mortelle, et ils étaient
bien décidés à ne s'épargner aucune peine pour le
faire tomber en leur pouvoir. Et la pluie faisait
toujours défaut.

« Bien des jours s'écoulèrent », et la parole de


l'Éternel fut adressée à Elie: « Va, lui fut-il dit,
présente-toi devant Achab, et je ferai tomber de la
pluie sur la face du sol. » Obéissant à cet ordre, «
177
Elie alla, pour se présenter devant Achab ». Au
moment où le prophète se mettait en route pour
Samarie, le roi avait proposé à Abdias, chef de sa
maison, de faire rechercher toutes les sources et
tous les torrents pour y trouver de l'herbe, afin de
sauver les animaux. Les effets de la sécheresse se
faisaient cruellement sentir, même à la cour royale.
Achab, sérieusement inquiet au sujet de l'avenir de
sa maison, décida de se joindre en personne à son
serviteur pour découvrir quelque endroit favorisé
où se trouverait de l'herbe. « Ils se partagèrent le
pays pour le parcourir; Achab alla seul par un
chemin, et Abdias alla seul par un autre chemin. »

« Comme Abdias était en route, voici, Elie le


rencontra. Abdias, l'ayant reconnu, tomba sur son
visage, et dit: Est-ce toi, mon seigneur Elie? »

Malgré l'apostasie qui l'entourait de toute part,


Abdias était toujours resté fidèle au Seigneur. Son
maître, le roi, avait été incapable de le détourner du
Dieu vivant. Elie allait maintenant l'honorer d'une
mission. « Va, lui dit-il, dis à ton maître: Voici
Elie! »
178
Epouvanté, Abdias s'écria: « Quel péché ai-je
commis, pour que tu livres ton serviteur entre les
mains d'Achab, qui me fera mourir? » Aller
rapporter les paroles d'Elie à Achab, c'était aller au-
devant, en effet, d'une mort certaine. « L'Éternel est
vivant! dit-il au prophète, il n'est ni nation ni
royaume où mon maître n'ait envoyé pour te
chercher; et quand on disait que tu n'y étais pas, il
faisait jurer le royaume et la nation que l'on ne
t'avait pas trouvé. Et maintenant tu dis: Va, dis à
ton maître: Voici Elie! Puis, lorsque je t'aurai
quitté, l'esprit de l'Éternel te transportera je ne sais
où; et j'irai informer Achab, qui ne te trouvera pas,
et qui me tuera. »

Abdias supplia le prophète de ne pas insister. «


Cependant, dit-il, ton serviteur craint l'Éternel dès
sa jeunesse. N'a-t-on pas dit à mon seigneur ce que
j'ai fait quand Jézabel tua les prophètes de
l'Éternel? J'ai caché cent prophètes de l'Éternel,
cinquante par cinquante dans une caverne, et je les
ai nourris de pain et d'eau. Et maintenant tu dis:
Va, dis à ton maître: Voici Elie! Il me tuera. »
179
Elie jura solennellement qu'il ne parlait pas en
vain. Il lui dit: « L'Éternel est vivant! Aujourd'hui
je me présenterai devant Achab. » Ainsi rassuré, «
Abdias, étant allé à la rencontre d'Achab, l'informa
de la chose ».

Etonné et terrorisé, le roi écouta ce que lui


faisait dire l'homme qu'il redoutait et haïssait, et
qu'il avait fait rechercher sans relâche. Il savait
bien que le prophète ne mettrait pas sa vie en
danger pour le seul plaisir de le rencontrer. Se
pourrait-il qu'Elie profère une autre malédiction
contre Israël? Les craintes du roi redoublèrent. Il se
souvenait de la main sèche de Jéroboam. Il ne
pouvait se dispenser de rencontrer l'homme de
Dieu, ni lever la main contre lui. Accompagné d'un
corps de garde, il alla donc tout tremblant au-
devant du prophète.

Les voici tous les deux en face l'un de l'autre.


Bien que nourrissant envers Elie une haine
farouche, en sa présence Achab semble anéanti,
désarmé. Aux premières paroles qu'il balbutie: «
180
Est-ce toi, qui jettes le trouble en Israël? » il
montre inconsciemment les sentiments réels de son
cœur. Achab n'ignore pas que c'est par la parole de
l'Éternel que le ciel est devenu comme de l'airain,
et cependant il cherche à lancer un blâme au
prophète pour le lourd châtiment qui pèse sur le
pays.

Il est propre à la nature du méchant de rendre


les messagers de Dieu responsables des calamités
qui résultent de la transgression des lois divines.
Ceux qui se placent sous le pouvoir de Satan sont
incapables de voir les choses comme Dieu les voit.
Lorsque la vérité leur est présentée, ils s'indignent
à la pensée que l'on puisse leur adresser un
reproche. Aveuglés par le péché, ils refusent de se
repentir; ils sont persuadés que les serviteurs de
Dieu se sont tournés contre eux et sont passibles
des pires châtiments.

Parfaitement conscient de son innocence, Elie


se dresse devant Achab. Il n'essaie ni de s'excuser,
ni de flatter le roi, pas plus que de se soustraire à la
colère du monarque en lui annonçant la bonne
181
nouvelle que la sécheresse va prendre fin. Il n'a à se
défendre de quoi que ce soit. A la fois indigné et
jaloux de l'honneur de Dieu, il rejette l'accusation
sur Achab, et déclare courageusement au roi que ce
sont ses péchés qui ont attiré sur Israël cette terrible
calamité. « Je ne trouble point Israël, affirme-t-il;
c'est toi, au contraire, et la maison de ton père,
puisque vous avez abandonné les commandements
de l'Éternel et que tu es allé après les Baals. »

Si certains chrétiens de profession exprimaient


ouvertement leurs véritables sentiments, ils
diraient: Est-il vraiment nécessaire de parler si
franchement? Ils pourraient tout aussi bien
demander: Etait-il nécessaire que Jean-Baptiste
dise aux pharisiens: « Races de vipères, qui vous a
appris à fuir la colère à venir? » (Luc 3:7) Pourquoi
donc provoquer le courroux d'Hérodiade en
déclarant à Hérode qu'il ne lui est pas permis de
vivre avec la femme de son frère? Le précurseur du
Christ risqua sa vie pour avoir parlé trop
franchement. Pourquoi ne pas avoir atermoyé
plutôt que de s'attirer la colère de ceux qui vivaient
dans le péché?
182
Ainsi ont raisonné tous ceux qui auraient dû se
dresser comme gardiens de la loi divine, à partir du
moment où la prudence a remplacé la fidélité et où
le péché a été toléré. Quand entendrons-nous à
nouveau dans l'Église résonner les messages de
reproches?

« Tu es cet homme-là! » (2 Samuel 12:7) Ces


paroles sur lesquelles on ne pouvait se méprendre
furent prononcées par Nathan lorsqu'il s'adressait à
David. On les entend bien rarement aujourd'hui du
haut de la chaire; rarement aussi les lit-on dans les
journaux. Si elles étaient répétées plus
fréquemment, nous verrions alors la puissance de
Dieu se manifester parmi les hommes. Les
serviteurs de l'Éternel ne se plaindraient plus de
travailler en vain, s'ils se repentaient de leur
tendance à approuver le mal et de leur désir de
plaire aux hommes, attitude qui conduit à la
suppression de la vérité.

Les messagers du Seigneur qui cherchent à


plaire aux hommes, et s'écrient: « Paix, paix, alors
183
qu'il n'y a point de paix », devraient humilier leurs
cœurs devant Dieu. Qu'ils demandent pardon pour
leur hypocrisie et leur lâcheté. Ce n'est pas l'amour
du prochain qui leur fait édulcorer leur message,
mais plutôt leur propre satisfaction et leur
tranquillité personnelle. Le véritable amour
cherche d'abord à honorer le Seigneur, puis à
sauver les âmes. Ceux qui possèdent cet amour
n'éluderont pas la vérité pour éviter les
conséquences désagréables des paroles trop
franches qu'ils ont prononcées. En face des âmes
qui se perdent, les ministres de la Parole ne doivent
pas penser à eux-mêmes, mais faire connaître aux
pécheurs le message qui leur a été confié, se
refusant à excuser ou à amoindrir le mal.

Si seulement tous les serviteurs de Dieu se


rendaient compte du caractère sacré de leur tâche!
Comme Elie, ils feraient alors preuve de courage.
En tant que messagers du ciel, ils assument de
terribles responsabilités. Il leur faut « reprendre,
censurer, exhorter, avec toute douceur » (2
Timothée 4:2). A la place du Christ, qu'ils gèrent
comme de bons dispensateurs les mystères d'en
184
haut, encouragent ceux qui sont fidèles, avertissent
les infidèles. Les convenances mondaines ne
sauraient les influencer. Qu'ils ne se détournent
jamais du chemin tracé par Jésus. Qu'ils avancent
avec foi, et se souviennent qu'ils sont environnés
d'une nuée de témoins. Qu'ils ne parlent pas de leur
propre chef, mais délivrent le message que leur a
confié celui dont la puissance est supérieure à celle
de tous les potentats de la terre. Ce message doit
toujours être: « Ainsi a dit l'Éternel! »

Dieu réclame des hommes comme Elie,


Nathan, Jean-Baptiste — des hommes qui
proclament son message sans tenir compte des
conséquences qui en résultent — des hommes qui
répandent courageusement la vérité, bien que cela
entraîne le sacrifice de tout ce qu'ils possèdent.

Dieu ne peut employer des hommes qui, au


moment du danger, alors que leur influence, leur
force, leur courage sont indispensables, craignent
de prendre position pour ce qui est juste. Il réclame
des hommes qui luttent fidèlement contre le mal, «
contre les principautés et les puissances, contre les
185
princes des ténèbres de ce monde, contre les esprits
malins qui sont dans les lieux célestes ». C'est à
ceux-là qu'il adressera un jour ces paroles: « C'est
bien, bon et fidèle serviteur; ... entre dans la joie de
ton maître. » (Matthieu 25:23)

186
Chapitre 11

Le mont Carmel

Ce chapitre est basé sur 1 Rois 18:19-40.

Debout devant le roi Achab, Elie commanda


qu'on fît rassembler autour de lui, sur le mont
Carmel, tous les prophètes de Baal et d'Astarté. «
Fais maintenant rassembler, ordonna-t-il au
monarque, tout Israël auprès de moi, à la montagne
du Carmel, et aussi les quatre cent cinquante
prophètes de Baal et les quatre cents prophètes
d'Astarté qui mangent à la table de Jézabel. »

L'ordre était donné par quelqu'un qui semblait


être en présence de Dieu; c'est pourquoi Achab
obéit sur-le-champ, comme si le prophète était le
monarque et le roi son sujet. Des messagers rapides
furent envoyés dans toutes les parties du royaume
pour inviter le peuple à se réunir auprès d'Elie et
des prophètes de Baal et d'Astarté. Dans chaque
ville, chaque village, on se prépara à cette

187
rencontre dont le moment était fixé. En
s'approchant du lieu du rendez-vous, d'aucuns
sentaient d'étranges sentiments envahir leur cœur.
Quelque chose d'extraordinaire était sur le point de
se produire, sinon on ne les aurait pas convoqués
sur le Carmel. Quel nouveau malheur allait
s'abattre encore sur le pays?

Avant la sécheresse, le mont Carmel offrait un


spectacle de toute beauté. Des cours d'eau,
alimentés par des sources intarissables, dévalaient
ses pentes fertiles, rehaussées de fleurs éclatantes
et de bosquets verdoyants. Mais maintenant ce
spectacle magnifique n'offre plus que langueur
sous le poids accablant de la malédiction. Les
autels élevés à Baal et à Astarté se dressent dans
des bosquets effeuillés. Mais sur l'un des points
culminants de la chaîne des crêtes, se trouve l'autel
renversé de l'Éternel.

La chaîne du Carmel dominait une immense


plaine. Ses hauteurs se découvraient d'une grande
partie du royaume d'Israël. Au pied du Carmel, des
points favorables permettaient d'apercevoir tout ce
188
qui se passait au sommet. C'est là que le Seigneur
avait été déshonoré d'une manière si frappante par
le culte idolâtre célébré à l'abri des pentes boisées
du mont. C'est ce lieu que choisit Elie comme étant
le plus en évidence pour faire éclater la puissance
de Dieu et venger l'honneur de son nom.

De bonne heure, le matin du jour convenu, les


foules apostates d'Israël s'assemblèrent près du
sommet du Carmel, dans une attente fébrile. Les
prophètes de Jézabel avançaient en grande pompe.
Le monarque apparut alors dans son faste royal,
marchant en tête des prêtres, et tous les idolâtres le
saluèrent de leurs cris. Mais un sentiment de
crainte oppressait le cœur des prophètes en pensant
à la parole d'Elie qui avait prédit la sécheresse
pendant trois ans et demi. Ils sont certains qu'une
crise redoutable va se produire. Les dieux qu'ils
servent ont été incapables de prouver qu'Elie était
un faux prophète. Ils sont restés étrangement
indifférents à leurs cris frénétiques, à leurs prières,
à leurs larmes, à leur humiliation, à leurs
cérémonies révoltantes, à leurs sacrifices coûteux
et continuels.
189
Face au roi, aux faux prophètes, et entouré par
une foule d'Israélites, Elie apparaît alors. C'est le
seul de sa nation qui ose se dresser pour venger
l'honneur de son Dieu. Celui que tout le royaume a
accablé du poids de la malédiction se trouve
maintenant devant cette assemblée, sans défense
apparente, en présence du monarque d'Israël, des
prophètes de Baal, des hommes de guerre. Mais il
n'est pas seul. Au-dessus et autour de lui se
déploient les armées protectrices du ciel — les
anges qui excellent en force.

Sans honte, sans frayeur, le prophète se tient


devant la foule, pleinement conscient de la
grandeur de la mission qui lui a été confiée pour
exécuter l'ordre divin. Son visage est illuminé d'une
solennité imposante. Le peuple attend
impatiemment qu'il parle. Les regards d'Elie se
portent d'abord vers l'autel renversé de l'Éternel;
puis d'une voix claire, dont les accents résonnent
comme une trompette, il s'adresse à la multitude, et
s'écrie: « Jusques à quand clocherez-vous des deux
côtés? Si l'Éternel est Dieu, allez après lui; si c'est
190
Baal, allez après lui! »

Le peuple ne répondit pas un mot. Pas une


seule personne de cette vaste assemblée n'osa
affirmer son attachement au Seigneur. L'ignorance
et l'erreur s'étaient étendues sur Israël, tel un
sombre nuage. Cette apostasie n'a pas fondu d'un
seul coup sur le peuple, mais graduellement, alors
qu'il s'obstinait à rester rebelle aux paroles
d'avertissement et de reproche que le Seigneur lui
adressait. Tout écart du droit sentier, tout refus à la
repentance avait encore accru la culpabilité d'Israël
et l'avait éloigné du ciel. Maintenant même, dans la
crise que traverse la nation, le peuple s'obstine à
refuser de prendre position pour Dieu.

Le Seigneur a de l'aversion pour l'indifférence


et l'infidélité manifestées au cours des crises que
traverse son œuvre. Tout l'univers s'intéresse d'une
manière inexprimable aux dernières scènes de la
grande lutte entre le bien et le mal. Le peuple de
Dieu approche des rivages du monde éternel; que
peut-il y avoir de plus important pour lui que de
rester fidèle au Très-Haut? A travers tous les âges,
191
le Seigneur a eu ses héros spirituels, et il en
possède encore aujourd'hui — des héros qui, tels
Joseph, Elie, Daniel, ne craignent pas de dire qu'ils
font partie du peuple élu. Des bénédictions
spéciales sont accordées aux hommes d'action, qui
ne dévient jamais du sentier du devoir, et qui
s'écrient avec une énergie toute divine: « A moi
ceux qui sont pour l'Éternel! » (Exode 32:26) Ces
hommes ne se contentent pas de prononcer ces
paroles; ils exigent aussi de ceux qui veulent
s'identifier au peuple de Dieu qu'ils avancent
résolument et montrent clairement leur attachement
au Roi des rois et au Seigneur des seigneurs. De
tels hommes subordonnent leur volonté et leurs
plans à la loi divine. Par amour pour le Seigneur,
ils ne font aucun cas de leur vie. Tout ce qu'ils
désirent, c'est de saisir la lumière de la Parole de
Dieu et de la faire resplendir dans le monde.
Fidèles à Dieu, telle est leur devise.

Tandis que sur le Carmel Israël doute et hésite,


la voix d'Elie rompt à nouveau le silence: « Je suis
resté seul des prophètes de l'Éternel, et il y a quatre
cent cinquante prophètes de Baal. Que l'on nous
192
donne deux taureaux; qu'ils choisissent pour eux
l'un des taureaux, qu'ils le coupent par morceaux, et
qu'ils le placent sur le bois, sans y mettre le feu; et
moi, je préparerai l'autre taureau, et je le placerai
sur le bois, sans y mettre le feu. Puis invoquez le
nom de votre dieu; et moi, j'invoquerai le nom de
l'Éternel. Le dieu qui répondra par le feu, c'est
celui-là qui sera Dieu. »

La proposition d'Elie est si raisonnable que


personne ne peut la refuser. Le peuple entier a
même le courage de répondre: « C'est bien! » Les
prophètes de Baal n'osent pas protester. S'adressant
à eux, Elie leur dit: « Choisissez pour vous l'un des
taureaux, préparez-le les premiers, car vous êtes les
plus nombreux, et invoquez le nom de votre dieu;
mais ne mettez pas le feu. »

L'air cynique et arrogant, les faux prophètes


dont le cœur souillé déborde d'effroi préparent leur
autel, et placent leur victime sur le bois. Puis ils
s'adonnent à leurs incantations. Leurs cris perçants
retentissent à travers les forêts et les collines
environnantes, tandis qu'ils invoquent le nom de
193
leur dieu, et s'écrient: « Baal, réponds-nous! » Ils
s'assemblent autour de leur autel, se mettent à
sauter, à gesticuler, à hurler; ils s'arrachent les
cheveux, se font des incisions, et implorent leur
dieu de leur venir en aide.

La matinée s'écoule, l'heure de midi arrive, et


aucun signe évident ne se produit montrant que
Baal entend les cris de ses prophètes abusés. Nulle
voix ne se fait entendre en réponse à leurs prières
frénétiques. Le sacrifice n'est pas consumé.

Et tandis qu'ils se livrent à leurs dévotions


extravagantes, les plus astucieux essaient
d'imaginer un stratagème pour allumer le feu sur
l'autel, afin de faire croire au peuple que ce feu
vient directement de Baal. Mais Elie épie chacun
de leurs gestes; et les prêtres, espérant contre toute
espérance, continuent à se livrer à leurs pratiques
insensées.

« A midi, Elie se moqua d'eux, et dit: Criez à


haute voix, puisqu'il est dieu; il pense à quelque
chose, ou il est occupé, ou il est en voyage; peut-
194
être qu'il dort, et il se réveillera. Et ils crièrent à
haute voix, et ils se firent, selon leur coutume, des
incisions avec des épées et avec des lances, jusqu'à
ce que le sang coulât sur eux. Lorsque midi fut
passé, ils prophétisèrent jusqu'au moment de la
présentation de l'offrande. Mais il n'y eut ni voix,
ni réponse, ni signe d'attention. »

Avec quelle joie Satan ne serait-il pas venu au


secours de ceux qu'il trompait et qui se
consacraient à son service! Avec quelle joie
n'aurait-il pas fait jaillir l'éclair qui aurait consumé
le sacrifice! Mais Dieu a prescrit des limites à
l'ennemi de nos âmes; il a restreint son pouvoir, et
tous ses desseins ne sauraient communiquer une
seule étincelle sur l'autel de Baal.

La voix éraillée pour avoir trop crié, les habits


souillés du sang des blessures qu'ils s'étaient
infligées, les prophètes entrent alors dans un
violent désespoir. Avec une frénésie accrue, ils
entremêlent maintenant leurs prières aux terribles
imprécations qu'ils adressent au dieu solaire. Et
Elie continue à les épier attentivement, car il sait
195
que si par quelque subterfuge les prêtres
réussissaient à allumer le bois de l'autel, il serait
immédiatement déchiqueté.

Le soir approche. Les prophètes de Baal sont


exténués, défaillants, déconcertés. L'un suggère
une chose, l'autre une chose différente, jusqu'à ce
qu'enfin ils abandonnent la partie. Leurs cris
perçants, leurs malédictions ne résonnent plus sur
le Carmel. Désespérés, ils se retirent du combat.

Tout au long du jour, le peuple avait assisté aux


démonstrations des prêtres bafoués. Il les avait vus
sauter sauvagement autour de l'autel, comme s'ils
avaient voulu saisir les rayons du soleil pour servir
leur dessein. Il avait regardé, horrifié, les
mutilations que ces prêtres s'étaient infligées, et il
avait eu l'occasion de réfléchir sur les folies de
l'idolâtrie. Nombreux étaient ceux qui, parmi
l'assistance, étaient fatigués des exhibitions
démoniaques dont ils avaient été témoins, et ils
attendaient maintenant avec un intérêt croissant les
agissements d'Elie.

196
A l'heure du sacrifice du soir, Elie dit au
peuple: « Approchez-vous de moi! » Et, tandis
qu'on s'approche de lui en tremblant, l'homme de
Dieu rétablit l'autel où jadis les hommes venaient
adorer le Seigneur. Pour le prophète, ce monceau
de ruines a plus de prix que tous les autels
somptueux du paganisme.

En relevant cet autel, Elie manifestait le respect


qu'il éprouvait pour l'alliance contractée par Dieu
avec Israël, lorsque celui-ci avait traversé le
Jourdain pour entrer dans le pays de la promesse. «
Il prit douze pierres, d'après le nombre des tribus
des fils de Jacob ... et il bâtit avec ces pierres un
autel au nom de l'Éternel. »

Une fois l'autel reconstruit, le prophète creuse


tout autour un fossé; puis il arrange le bois, prépare
le taureau et le place sur l'autel. Il demande alors au
peuple de verser de l'eau sur l'holocauste et sur le
bois. « Remplissez d'eau quatre cruches, et versez-
les sur l'holocauste et sur le bois. Il dit: Faites-le
une seconde fois. Et ils le firent une seconde fois. Il
dit: Faites-le une troisième fois. Et ils le firent une
197
troisième fois. L'eau coula autour de l'autel, et l'on
remplit aussi d'eau le fossé. »

Elie rappelle alors aux Israélites que leur


apostasie persistante a provoqué la colère de
l'Éternel; il leur demande d'humilier leurs cœurs et
de revenir au Dieu de leurs pères, afin d'ôter la
malédiction qui pèse sur le pays. Puis, s'inclinant
avec révérence devant le Dieu invisible, il lève les
mains vers le ciel, et formule une simple prière.
Les prophètes de Baal avaient hurlé, écumé de rage
et sauté de l'aube à une heure avancée de l'après-
midi. Elie, lui, ne fait entendre aucun son
discordant tandis qu'il est en prière. Il intercède
auprès de Dieu comme s'il savait qu'il assiste à
cette scène et entend son appel. Les prophètes de
Baal avaient prié d'une manière farouche,
incohérente. Elie prie simplement, avec ferveur; il
demande à Dieu de faire éclater sa supériorité sur
Baal, afin qu'Israël puisse revenir à lui.

« Éternel, Dieu d'Abraham, d'Isaac et d'Israël!


implore le prophète, que l'on sache aujourd'hui que
tu es Dieu en Israël, que je suis ton serviteur, et que
198
j'ai fait toutes ces choses par ta parole! Réponds-
moi, Éternel, réponds-moi, afin que ce peuple
reconnaisse que c'est toi, Éternel, qui es Dieu, et
que c'est toi qui ramènes leur cœur! »

Un silence solennel plane alors sur tous. Les


prophètes de Baal tremblent d'épouvante.
Conscients de leur culpabilité, ils s'attendent à un
châtiment rapide.

A peine la prière d'Elie est-elle achevée que des


flammes de feu semblables à des éclairs fulgurants
descendant du ciel sur l'autel consument
l'holocauste, absorbent l'eau du fossé et dévorent
jusqu'aux pierres de l'autel. L'éclat de la flamme
illumine le mont Carmel et éblouit les yeux de la
foule. Dans les vallées, en contre-bas, les curieux
qui suivent avec un scepticisme impatient les
mouvements des prophètes voient très nettement le
feu descendre sur l'autel et en restent interdits. Cela
leur rappelle la colonne de feu qui, dans la mer
Rouge, séparait les enfants d'Israël des armées
égyptiennes.

199
Sur le Carmel, le peuple se prosterne avec
crainte devant le Dieu invisible. Il n'ose pas
continuer à regarder le feu venu du ciel. Il redoute
d'être lui-même consumé. Convaincus qu'ils
doivent maintenant reconnaître le Dieu d'Elie
comme le Dieu de leurs pères, les Israélites
s'écrient tous ensemble: « C'est l'Éternel qui est
Dieu! C'est l'Éternel qui est Dieu! » Avec une
netteté saisissante, ce cri retentit sur la montagne et
se répercute dans la plaine. Israël est enfin réveillé,
éclairé, repentant. Il voit à quel point il a déshonoré
le Seigneur. Le caractère du culte de Baal offrant
un contraste frappant avec le service raisonnable de
celui du vrai Dieu apparaît alors nettement. Le
peuple reconnaît la justice et la miséricorde du
Seigneur qui a retenu la rosée et la pluie jusqu'au
moment où les pécheurs confesseraient son nom. Il
est prêt maintenant à admettre que le Dieu d'Elie
est au-dessus de toutes les idoles.

Les prophètes de Baal assistent avec


consternation à la merveilleuse démonstration de la
puissance de l'Éternel. Et cependant, dans leur
défaite, et en présence de la gloire divine, ils
200
refusent de se repentir de leur mauvaise conduite.
Ils veulent continuer à servir Baal. Ils se montrent
ainsi prêts pour le châtiment. Dieu ordonne alors à
Elie de détruire ces faux docteurs, afin de préserver
Israël repentant des séductions de ces adorateurs de
Baal. La colère du peuple s'est déjà déchaînée
contre les chefs de la transgression, et lorsqu'Elie
ordonne: « Saisissez les prophètes de Baal;
qu'aucun d'eux n'échappe! » tous sont prêts à lui
obéir. Ils saisissent les prophètes et les font
descendre au torrent de Kison. Là, avant la fin du
jour qui devait marquer le début d'une réforme
décisive, les prêtres de Baal furent égorgés. Pas un
seul n'échappa.

201
Chapitre 12

De Jizreel à Horeb

Ce chapitre est basé sur 1 Rois 18:41-46; 19:1-


8.

Le massacre des prophètes de Baal avait ouvert


la voie à une importante réforme spirituelle au sein
des dix tribus du royaume d'Israël. Elie avait
dénoncé leur apostasie, tout en les suppliant de
s'humilier et de revenir au vrai Dieu. Les
jugements du ciel avaient été exécutés, les
Israélites avaient confessé leurs péchés et reconnu
le Dieu de leurs pères comme le Dieu vivant. La
malédiction céleste cessa donc de les atteindre, et
ils furent comblés à nouveau de bénédictions
matérielles. La terre serait enfin rafraîchie par une
pluie abondante.

« Monte, mange et bois, dit Elie à Achab, car il


se fait un bruit qui annonce la pluie. » Quant à lui,
il gravit le sommet du Carmel pour prier.

202
Ce n'est pas parce qu'il y avait des signes
apparents d'ondée sur le point de tomber que le
prophète ordonna à Achab avec tant d'assurance de
se préparer à la pluie. Elie n'avait aperçu aucun
nuage dans le ciel, et encore moins entendu le
grondement du tonnerre. Il prononçait simplement
les paroles que l'Esprit de Dieu le poussait à dire,
en réponse à sa grande foi. Pendant toute la journée
il avait accompli avec une fermeté inébranlable la
volonté divine, et manifesté sa confiance implicite
dans les prophéties des saintes Ecritures.
Maintenant qu'il avait fait tout ce qui était en son
pouvoir, il savait que Dieu lui accorderait avec
abondance les bénédictions promises. Celui qui
avait envoyé la sécheresse était le même qui avait
promis une abondante pluie à tous ceux qui
pratiqueraient le bien. Elie attendait donc que cette
pluie tombât. Dans l'attitude de l'humilité, « le
visage entre les genoux », il intercédait auprès de
Dieu en faveur d'Israël repentant.

Le prophète envoya plusieurs fois de suite son


serviteur vers un point qui dominait la
203
Méditerranée, pour voir s'il discernait un signe à
l'horizon prouvant que le Seigneur avait entendu sa
prière. Mais chaque fois le serviteur revenait en
disant: « Il n'y a rien. » Toutefois le prophète ne
perdit ni sa patience, ni sa foi; il continua à prier
avec ferveur. Six fois de suite, le serviteur revint en
disant qu'il n'y avait aucun signe de pluie dans un
ciel d'airain.

Elie, inflexible, envoya encore son serviteur


regarder à l'horizon. Cette fois, ce dernier revint
avec ces paroles: « Voici un petit nuage qui s'élève
de la mer, et qui est comme la paume de la main
d'un homme. » C'était suffisant. L'homme de Dieu
n'attendit pas que le ciel s'assombrît. Dans le petit
nuage qui montait de la mer, il entrevit, par la foi,
une abondante chute de pluie. Il envoya alors
immédiatement son serviteur dire à Achab: «
Attelle et descends, afin que la pluie ne t'arrête pas.
»

C'est parce qu'Elie était un homme de foi que


Dieu se servit de lui dans la grave crise que
traversait Israël. Alors qu'il priait, sa foi parvenait
204
jusqu'au ciel et saisissait ses promesses. Elie
persista à croire jusqu'à ce qu'il fût exaucé. Il
n'attendit pas d'avoir la confirmation totale que
Dieu l'avait entendu, mais il saisit jusqu'aux plus
petits témoignages de la faveur divine.

Ce que le prophète fit, tous les hommes


peuvent le faire dans leur travail au service du
Maître. N'est-il pas écrit: « Elie était un homme de
la même nature que nous: il pria avec instance pour
qu'il ne plût point, et il ne tomba point de pluie sur
la terre pendant trois ans et six mois » (Jacques
5:17)?

De nos jours, une foi semblable à celle du


prophète est nécessaire aux hommes — une foi
qui saisira les promesses divines et persistera à
implorer le ciel jusqu'à ce qu'il ait entendu. Cette
foi nous unit plus étroitement au Seigneur et nous
procure les forces nécessaires dans la lutte contre
les puissances des ténèbres. Par la foi les enfants de
Dieu « vainquirent des royaumes, exercèrent la
justice, obtinrent des promesses, fermèrent la
gueule des lions, éteignirent la puissance du feu,
205
échappèrent au tranchant de l'épée, guérirent de
leurs maladies, furent vaillants à la guerre, mirent
en fuite des armées étrangères » (Hébreux 11:33,
34). Par la foi nous pouvons atteindre les sommets
que Dieu nous propose. « Tout est possible à celui
qui croit. » (Marc 9:23)

La foi est un élément essentiel de la prière


efficace. « Il faut que celui qui s'approche de Dieu
croie que Dieu existe et qu'il est le rémunérateur de
ceux qui le cherchent. » « Nous avons auprès de lui
cette assurance, que si nous demandons quelque
chose selon sa volonté, il nous écoute. Et si nous
savons qu'il nous écoute, quelque chose que nous
demandions, nous savons que nous possédons la
chose que nous lui avons demandée. » (Hébreux
11:6; 1 Jean 5:14, 15) Avec la foi persévérante de
Jacob, la persistance inébranlable d'Elie, nous
pouvons adresser des prières au Père, en nous
réclamant de toutes ses promesses. L'honneur de
son trône dépend de l'accomplissement de sa
parole.

Les ombres de la nuit s'amoncelaient sur le


206
Carmel lorsque le roi Achab se prépara à
descendre. « En peu d'instants, le ciel s'obscurcit
par les nuages, le vent s'établit, et il y eut une forte
pluie. Achab monta sur son char, et partit pour
Jizreel. » Tandis qu'il s'acheminait vers la cité
royale, il n'arrivait pas à discerner le chemin qu'il
suivait tant les ténèbres étaient denses et la pluie
abondante. Elie, qui l'avait humilié devant ses
sujets, qui avait fait massacrer ses prêtres idolâtres,
ne cessait cependant de le reconnaître comme roi
d'Israël. En signe d'hommage, et fortifié par la
puissance divine, il courut devant le char royal,
guidant ainsi le roi jusqu'à l'entrée de la ville.

De cet acte généreux du messager de Dieu en


faveur d'un mauvais roi, découle une leçon pour
tous ceux qui se disent ouvriers du Seigneur, et qui
ont une trop haute opinion d'euxmêmes. D'aucuns
se croient au-dessus de certaines tâches qui leur
paraissent humiliantes. Ils hésitent à rendre un
service, de peur de faire le travail d'un domestique.
Comme ils feraient bien de profiter de l'exemple
d'Elie! Par la parole du prophète, les richesses du
ciel avaient été retirées de la terre pendant trois ans
207
et demi. Dieu l'avait honoré tout particulièrement
lorsque, sur le Carmel, le feu était descendu du ciel
pour consumer son holocauste. Il avait exécuté les
jugements de Dieu en faisant massacrer les
prophètes idolâtres; sa prière qui réclamait la pluie
avait été exaucée. Et malgré ces triomphes
éclatants qui avaient honoré son ministère, Elie se
plut à remplir le rôle de serviteur.

Elie et Achab se séparèrent aux portes de


Jizreel. Le prophète préféra demeurer hors des
murs de la ville. Il s'enveloppa de son manteau et
s'étendit sur le sol dénudé pour dormir. Le roi entra
dans la ville et atteignit rapidement le toit
protecteur de son palais. Là, il raconta à la reine les
merveilleux événements qui s'étaient déroulés dans
la journée et la magnifique révélation de la
puissance divine qui avait convaincu Israël que
l'Éternel est le vrai Dieu et Elie le messager
désigné par le ciel. Mais, lorsque Jézabel,
impénitente et endurcie, entendit le récit du
massacre des prophètes idolâtres, elle entra dans
une violente colère. Refusant de reconnaître dans
les événements du Carmel la souveraine
208
providence de Dieu, et toujours provocante, elle
déclara délibérément qu'Elie serait mis à mort.

Cette nuit-là, un messager de la reine réveilla le


prophète harassé de fatigue, et lui remit ce message
de Jézabel: « Que les dieux me traitent dans toute
leur rigueur, si demain, à cette heure, je ne fais de
ta vie ce que tu as fait de la vie de chacun d'eux! »

On aurait pu croire qu'après avoir montré un si


grand courage et obtenu une si éclatante victoire
sur le roi, les prêtres et le peuple, le prophète ne
pourrait plus jamais connaître le découragement,
pas plus qu'il ne se laisserait intimider par qui que
ce soit. Cependant, celui qui avait été l'objet d'une
manière si manifeste de la tendre sollicitude de
Dieu n'était pas à l'abri des faiblesses humaines. A
cette heure sombre, sa foi et son courage
l'abandonnèrent. Tout décontenancé, il se leva. La
pluie continuait à se déverser du ciel, les ténèbres
enveloppaient toutes choses. Le prophète oubliait
que trois ans auparavant Dieu l'avait conduit en
lieu sûr pour échapper à la haine de Jézabel et aux
recherches d'Achab. Maintenant il fuyait pour sa
209
vie. Il arriva à Beer-Schéba, « et il y laissa son
serviteur. Pour lui, il alla dans le désert ... après une
journée de marche ».

Elie n'aurait jamais dû abandonner le lieu où le


devoir l'appelait. Il aurait dû affronter la colère de
Jézabel, en faisant appel à la protection de celui qui
l'avait envoyé pour venger l'honneur de son nom. Il
aurait dû dire au messager de la reine que le Dieu
en qui il se confiait le protégerait. Quelques heures
seulement s'étaient écoulées depuis qu'il avait
assisté à la merveilleuse manifestation de la
puissance divine. Cela aurait dû lui donner
l'assurance qu'il ne serait pas abandonné. En restant
où il était, et en faisant de Dieu son refuge et sa
force, il aurait été préservé de tout mal. Le
Seigneur lui aurait donné une autre victoire, tout
aussi éclatante, en envoyant à Jézabel un châtiment
terrible. L'impression produite alors sur le roi et sur
le peuple aurait opéré une grande réforme.

Elie avait beaucoup espéré du miracle du


Carmel. Il avait cru qu'après cette manifestation de
la puissance divine, Jézabel n'aurait plus
210
d'influence sur l'esprit d'Achab, et qu'une prompte
réforme gagnerait tout Israël. Tout le long du jour,
sur le Carmel, il avait peiné et jeûné. Et cependant,
lorsqu'il conduisit le char d'Achab aux portes de
Jizreel, son courage était indomptable en dépit de
l'effort physique fourni pendant la journée.

Mais une réaction, telle qu'il s'en produit


fréquemment après les périodes de foi ardente et de
victoires spirituelles, menaçait Elie. Il redoutait que
la réforme commencée sur le Carmel ne fût pas
durable, et le découragement l'envahit. Il s'était
élevé sur le sommet du Pisga; maintenant il était
redescendu dans la vallée. Animé par l'inspiration
divine, sa foi avait résisté à la plus terrible épreuve;
mais à cette heure sombre, alors que retentissaient
encore à ses oreilles les menaces de Jézabel et que
Satan semblait favoriser le projet de la reine
colérique, le prophète perdit sa confiance en Dieu.
Il avait été élevé au-dessus de toute imagination, et
la réaction qui s'ensuivit fut terrible. Il oublia son
Dieu, et il marcha longtemps, jusqu'à ce qu'il se
trouvât dans un lieu solitaire. Harassé de fatigue, il
s'assit sous un genêt, et demanda la mort. « C'est
211
assez, dit-il. Maintenant, Éternel, prends mon âme,
car je ne suis pas meilleur que mes pères. » Fugitif,
solitaire, éloigné de toute agglomération, l'esprit
accablé par un cruel désappointement, Elie ne
désirait plus revoir un visage humain. Brisé de
fatigue, il s'endormit profondément.

Dans la vie de tout homme, il est des périodes


de profonde dépression, de découragement total,
des jours où la tristesse nous envahit, et il nous
semble impossible de croire que le Seigneur est
encore le bienfaiteur de ses enfants, des jours où
les tourments nous accablent, si bien que la mort
nous semble préférable à la vie. C'est alors que
beaucoup perdent leur confiance en Dieu, et
sombrent dans le doute et l'incrédulité. Si, à de tels
moments, nous pouvions discerner la signification
des voies de la providence, nous verrions alors des
anges s'efforcer de nous délivrer de nous-mêmes et
essayer d'affermir nos pieds sur un fondement
inébranlable, plus solide que les collines éternelles;
une foi et une ardeur nouvelles animeraient alors
tout notre être.

212
En ses jours d'épreuve et d'adversité, Job
déclarait:

Périsse le jour où je suis né. ...


Oh! s'il était possible de peser ma douleur,
Et si toutes mes calamités étaient sur la
balance. ...
Puisse mon vœu s'accomplir,
Et Dieu veuille réaliser mon espérance!
Qu'il plaise à Dieu de m'écraser,
Qu'il étende sa main et qu'il m'achève!
Il me restera du moins une consolation,
Une joie dans les maux dont il m'accable. ...
C'est pourquoi je ne retiendrai point ma
bouche, Je parlerai dans l'angoisse de mon cœur,
Je me plaindrai dans l'amertume de mon âme.
...
Ah! je voudrais être étranglé!
Je voudrais la mort plutôt que ces os!
Je les méprise! ... je ne vivrai pas toujours...
Laisse-moi, car ma vie n'est qu'un souffle.
(Job 3:3; 6:2, 8-10; 7:11, 15, 16)

Mais, bien que Job ait été fatigué de la vie, il ne


213
lui fut pas permis de mourir. Un avenir meilleur lui
était réservé, et il reçut ce message d'espérance:

Alors tu lèveras ton front sans tache,


Tu seras ferme et sans crainte;
Tu oublieras tes souffrances,
Tu t'en souviendras comme des eaux écoulées.
Tes eaux auront plus d'éclat que le soleil à son
midi,
Tes ténèbres seront comme la lumière du
matin,
Tu seras plein de confiance, et ton attente ne
sera pas vaine;
Tu regarderas autour de toi, et tu reposeras en
sûreté.
Tu te coucheras sans que personne te trouble,
Et plusieurs caresseront ton visage.
Mais les yeux des méchants seront consumés;
Pour eux point de refuge;
La mort, voilà leur espérance.
(Job 11:15-20)

Des profondeurs du découragement et de


l'abattement, Job s'élevait vers les sommets avec
214
une confiance totale dans la miséricorde et la
puissance salvatrice de Dieu. Il s'écriait
triomphalement:

Voici, il me tuera; je n'ai rien à espérer. ...


Cela même peut servir à mon salut. ...
Mais je sais que mon Rédempteur est vivant,
Et qu'il se lèvera le dernier sur la terre.
Quand ma peau sera détruite, il se lèvera;
Quand je n'aurai plus de chair, je verrai Dieu.
Je le verrai, et il me sera favorable;
Mes yeux le verront, et non ceux d'un autre.
(Job 13:15, 16; 19:25-27)

« L'Éternel répondit à Job du milieu de la


tempête » (Job 38:1), et fit connaître à son serviteur
la souveraineté de sa puissance. Lorsque Job eut la
révélation de son Créateur, il eut horreur de lui-
même, et se repentit dans la poussière et la cendre.
Alors le Seigneur put le bénir abondamment, et
faire de ses dernières années les meilleures de sa
vie.

L'espoir et le courage sont essentiels dans un


215
service agréable à Dieu. Ce sont les fruits de la foi.
Le découragement est coupable et déraisonnable.
Dieu peut et désire « montrer avec plus d'évidence
» (Hébreux 6:17) la force dont ont besoin ses
serviteurs dans les difficultés. Les plans des
ennemis de sa cause peuvent sembler solidement
établis; mais le Seigneur est capable de renverser
les mieux assurés. Il le fait en son temps, lorsqu'il
voit que la foi de ses enfants a été suffisamment
mise à l'épreuve.

Il existe un remède infaillible pour ceux qui ont


le cœur abattu: la foi, la prière, le travail. La foi et
l'activité donnent une assurance et une satisfaction
sans cesse accrues. Etes-vous tentés de vous laisser
aller à de sombres pressentiments ou à un profond
découragement? Aux jours les plus ténébreux, alors
que les apparences semblent être contre vous, ne
craignez rien. Ayez foi en Dieu; il connaît vos
besoins. Il est tout-puissant; son amour et sa
compassion infinis ne se lassent jamais. Ne
craignez pas qu'il manque à sa promesse; il est la
vérité éternelle; il ne rompra jamais le pacte
contracté avec ceux qui l'aiment. Il accordera à ses
216
fidèles serviteurs ce dont ils ont besoin. L'apôtre
Paul a dit: « Ma grâce te suffit, car ma puissance
s'accomplit dans la faiblesse. ... C'est pourquoi je
me plais dans les faiblesses, dans les outrages, dans
les calamités, dans les persécutions, dans les
détresses pour Christ; car, quand je suis faible, c'est
alors que je suis fort. » (2 Corinthiens 12:9, 10)

Le Seigneur avait-il abandonné Elie au moment


de l'épreuve? Certes non. Il aimait tout autant son
serviteur lorsque celui-ci se crut délaissé de Dieu et
des hommes qu'au moment où il répondit à sa
prière en lui envoyant le feu du ciel qui embrasa le
sommet du Carmel.

Et voici, alors qu'Elie dormait, une main légère


et une voix caressante le réveillèrent. Il tressaillit
de peur, et il voulut s'enfuir, craignant que l'ennemi
ne l'ait découvert. Cependant, le visage
compatissant qui se penchait sur lui n'était pas celui
d'un ennemi, mais d'un ami. Dieu avait envoyé un
ange chargé de nourriture à l'intention de son
serviteur. « Lève-toi, lui dit-il, mange. » Elie «
regarda, et il y avait à son chevet un gâteau cuit sur
217
des pierres chauffées et une cruche d'eau ».

Après avoir pris la collation qui lui avait été


préparée, Elie s'endormit à nouveau. Mais l'ange
revint une deuxième fois, toucha l'homme harassé
de fatigue, et lui dit avec une tendresse
compatissante: « Lève-toi, mange, car le chemin
est trop long pour toi. Il se leva, mangea et but; et
avec la force que lui donna cette nourriture, il
marcha quarante jours et quarante nuits jusqu'à la
montagne de Dieu, à Horeb. Et là, il entra dans la
caverne. »

218
Chapitre 13

Que fais-tu ici?

Ce chapitre est basé sur 1 Rois 19:9-18.

Si le refuge d'Elie, sur le mont Horeb, était


caché aux hommes, il n'était pas inconnu du
Seigneur. Lassé, découragé, le prophète n'était
donc pas seul pour lutter contre les puissances des
ténèbres. Dieu vint s'entretenir avec lui par le
moyen d'un ange majestueux, à l'entrée de la
caverne où il s'était retiré. Ce messager du ciel
s'enquit de ses besoins, et lui fit comprendre
clairement quels étaient les desseins de la
Providence à l'égard d'Israël.

L'œuvre qu'Elie avait entreprise auprès des


adorateurs de Baal ne pouvait s'achever tant que le
prophète n'avait pas appris à mettre toute sa
confiance en Dieu. Le triomphe éclatant remporté
sur les hauteurs du Carmel avait ouvert la voie à
des victoires plus glorieuses encore. Les

219
perspectives merveilleuses qui s'ouvraient devant
lui s'étaient estompées par la menace de Jézabel. Il
fallait donc que l'homme de Dieu soit amené à
comprendre la faiblesse de sa situation présente par
rapport à la haute position qu'il devait occuper.

Dans l'état où se trouvait le prophète, le


Seigneur lui posa cette question: « Que fais-tu ici?
» Je t'ai envoyé près du torrent de Kérith, puis chez
la veuve de Sarepta. Je t'ai ensuite chargé de
retourner en Israël pour te dresser contre les prêtres
idolâtres sur le Carmel. Je t'ai revêtu de force pour
conduire le char du roi jusqu'aux portes de Jizréel.
Mais qui t'a poussé à t'enfuir précipitamment dans
le désert? Qu'as-tu à faire ici?

L'âme pleine d'amertume, Elie exhala sa triste


plainte. « J'ai déployé, dit-il, mon zèle pour
l'Éternel, le Dieu des armées; car les enfants
d'Israël ont abandonné ton alliance, ils ont renversé
tes autels, et ils ont tué par l'épée tes prophètes; je
suis resté, moi seul, et ils cherchent à m'ôter la vie.
»

220
L'ange invita alors le prophète à sortir de la
caverne, à se tenir sur la montagne devant Dieu et à
prêter l'oreille à ses paroles. « Et voici, l'Éternel
passa. Et devant l'Éternel, il y eut un vent fort et
violent qui déchirait les montagnes et brisait les
rochers: l'Éternel n'était pas dans le vent. Et après
le vent, ce fut un tremblement de terre: l'Éternel
n'était pas dans le tremblement de terre. Et après le
tremblement de terre, un feu: l'Éternel n'était pas
dans le feu. Et après le feu, un murmure doux et
léger. Quand Elie l'entendit, il s'enveloppa le
visage de son manteau, il sortit et se tint à l'entrée
de la caverne. »

Dieu se révéla à son serviteur, non pas dans de


violentes manifestations de sa puissance, mais dans
« un murmure doux et léger ». Il désirait apprendre
ainsi à Elie que ce n'est pas toujours le travail
exécuté dans les plus brillantes conditions qui a le
plus d'importance pour l'accomplissement de ses
desseins. Alors que le prophète attendait que Dieu
se révélât à lui, une violente tempête se déchaîna;
les éclairs sillonnèrent la nue, et un feu dévorant
passa soudain. Mais Dieu n'était pas dans ces
221
éléments déchaînés. Ensuite, on entendit un
murmure doux et léger. Elie se couvrit le visage en
présence de l'Éternel; il se calma, son esprit
s'apaisa et se soumit. Il comprenait maintenant
qu'une confiance tranquille, une ferme assurance en
Dieu lui assureraient un secours efficace au
moment du besoin.

Ce n'est pas toujours une présentation savante


des vérités divines qui convainc et convertit les
âmes. On n'atteint le cœur des hommes ni par la
logique, ni par l'éloquence, mais par les douces
influences du Saint-Esprit qui se font sentir
silencieusement, mais sûrement, dans la
transformation et le développement du caractère.
Seul le murmure doux et léger de l'Esprit de Dieu
peut changer les cœurs.

« Que fais-tu ici, Elie? » demanda encore la


voix, et le prophète répondit à nouveau: « J'ai
déployé mon zèle pour l'Éternel, le Dieu des
armées; car les enfants d'Israël ont abandonné ton
alliance, ils ont renversé tes autels, et ils ont tué par
l'épée tes prophètes; je suis resté, moi seul, et ils
222
cherchent à m'ôter la vie. »

Dieu répondit à Elie que les enfants d'Israël qui


s'étaient livrés au mal ne resteraient pas impunis.
Des hommes seraient spécialement choisis pour
accomplir le dessein du ciel, qui allait châtier le
royaume idolâtre. Une œuvre ardue restait à faire;
il fallait donner à tous l'occasion de revenir au vrai
Dieu. Elie devait retourner en Israël et s'unir à
d'autres pour opérer une réforme.

« Va, lui dit le Seigneur, reprends ton chemin


par le désert jusqu'à Damas; et quand tu seras
arrivé, tu oindras Hazaël pour roi de Syrie. Tu
oindras aussi Jéhu, fils de Nimschi, pour roi
d'Israël; et tu oindras Elisée, fils de Schaphath,
d'Abel-Mehola, pour prophète à ta place. Et il
arrivera que celui qui échappera à l'épée de Hazaël,
Jéhu le fera mourir, et celui qui échappera à l'épée
de Jéhu, Elisée le fera mourir. »

Elie avait cru être resté seul en Israël à adorer


le vrai Dieu. Mais celui qui lit dans le cœur de tous
les hommes lui révéla que beaucoup d'autres
223
Israélites, au cours des siècles d'apostasie, lui
étaient restés fidèles. « Je laisserai en Israël, dit le
Seigneur, sept mille hommes, tous ceux qui n'ont
point fléchi les genoux devant Baal, et dont la
bouche ne l'a point baisé. »

Que de leçons recèle l'expérience d'Elie


pendant ces jours de découragement et de défaite
apparente! Puissent tous les serviteurs de Dieu de
notre époque s'en inspirer! L'apostasie qui règne de
nos jours ressemble étrangement à celle qui
florissait au temps d'Elie. Des foules aujourd'hui
suivent encore Baal en élevant l'humain au-dessus
du divin, en glorifiant les chefs populaires, en
adorant Mammon, le dieu de la richesse, en plaçant
la science au-dessus des vérités des saintes
Ecritures. Le doute et l'incrédulité exercent leur
funeste influence sur l'esprit et le cœur, et l'on
substitue aux vérités divines les théories humaines.
Il est communément enseigné que nous avons
atteint une période où la raison doit être placée au-
dessus des enseignements des Ecritures. La loi
divine, modèle de justice, est mise de côté.
L'ennemi de toute vérité s'ingénie, avec son
224
pouvoir trompeur, à amener les hommes à mettre
les institutions terrestres à la place de Dieu, et à
oublier ce qui devrait faire le bonheur et le salut de
l'humanité.

Et cependant, pour si répandue qu'elle soit,


cette apostasie n'est pas universelle. Tous les
hommes ne vivent pas sans loi et ne sont pas des
pécheurs endurcis. Tous ne se rangent pas du côté
de l'ennemi. Dieu possède des milliers de fidèles
qui n'ont point fléchi le genou devant Baal, et qui
désirent mieux comprendre les vérités concernant
le Christ et sa loi. Ils espèrent contre toute
espérance que Jésus reviendra bientôt pour mettre
un terme au règne du péché et de la mort. Il en est
un grand nombre qui ont adoré Baal par ignorance,
mais chez lesquels l'Esprit de Dieu lutte toujours.
Ces hommes ont besoin du secours de ceux qui ont
appris à connaître le Seigneur et la puissance de sa
Parole. De nos jours, tout enfant de Dieu devrait
s'employer activement à venir en aide à son
prochain.

Les anges accompagneront tous ceux qui,


225
connaissant les vérités bibliques, s'efforceront de
rechercher les hommes et les femmes avides de
lumière. Et partout où se rendent les anges on peut
avancer sans crainte. Ce travail, accompli avec
fidélité, amènera de nombreux pécheurs à se
détourner de l'idolâtrie pour adorer le Dieu vivant.
Ils cesseront alors de glorifier les institutions
humaines pour se ranger résolument du côté de
Dieu et de sa loi.

Comme ces résultats dépendent en grande


partie de l'activité incessante des ouvriers du
Seigneur fidèles et sincères, Satan fait l'impossible
pour les pousser à la désobéissance, afin de faire
échouer les desseins de Dieu. A certains d'entre
eux, il fait perdre de vue la noble et sainte mission
à laquelle ils ont été appelés, et il les rend sensibles
aux plaisirs de cette vie. Il les pousse à s'installer
dans des demeures confortables, ou à changer de
résidence si les avantages matériels leur paraissent
plus intéressants ailleurs. C'est ainsi qu'ils
abandonnent des endroits où ils auraient pu exercer
une heureuse influence. Satan pousse encore
d'autres serviteurs de Dieu à quitter leur travail
226
lorsque le découragement s'empare d'eux à la suite
de l'opposition ou de la persécution. Et cependant,
pour tous ces hommes, le Seigneur éprouve la plus
touchante pitié.

A tout enfant de Dieu dont la voix a été réduite


au silence par l'ennemi de nos âmes, Dieu pose
cette question: « Que fais-tu ici? » Je t'ai ordonné
d'aller dans le monde entier prêcher l'Évangile et
préparer un peuple pour le jour du Seigneur,
pourquoi es-tu ici? Et qui t'y a envoyé?

La joie qui soutenait le Christ, au cours de son


sacrifice et de ses souffrances, résidait dans le salut
des âmes. Ce devrait être aussi celle de tous ses
vrais disciples pour stimuler leur ambition. Ceux
qui se rendent compte, même à une échelle réduite,
de ce que signifie pour eux et leur prochain la
rédemption, comprendront dans une certaine
mesure les immenses besoins de l'humanité. Leurs
cœurs seront émus de compassion en voyant la
déchéance morale et spirituelle de milliers de
pécheurs plongés dans les ténèbres, et dont la
souffrance physique n'est rien en comparaison de
227
leur souffrance morale.

Aux familles comme aux individus, cette


question est posée: « Que fais-tu ici? » Dans de
nombreuses églises se trouvent des familles très
éclairées sur les vérités évangéliques. Elles
pourraient élargir leur sphère d'influence en se
rendant dans des lieux privés de ministres de la
Parole et qu'elles seraient capables de remplacer.
Dieu appelle ces familles à se rendre là où règnent
les ténèbres; il les engage à travailler avec sagesse
et persévérance en faveur de ceux qui vivent dans
la nuit spirituelle. Mais pour répondre à cet appel,
il faut consentir à faire des sacrifices. Des âmes se
meurent sans espoir et sans Dieu, alors que ceux
qui hésitent à répondre à l'appel divin attendent
pour se décider que s'aplanissent les obstacles.
Séduits par les avantages qu'offre le monde, par la
recherche scientifique, les hommes veulent bien se
risquer dans des régions pestilentielles et subir des
privations et des souffrances. Mais où sont ceux
qui désirent en faire autant pour la joie de parler du
Sauveur à leurs semblables?

228
S'il arrive, à la suite de circonstances pénibles,
que des hommes de grande spiritualité, éprouvés à
l'extrême, se laissent aller au découragement et au
désespoir, et s'ils ne trouvent plus rien dans la vie
qui les attire ou les attache, il ne faut pas s'en
étonner; cela n'a rien d'étrange, ni de nouveau.
Qu'ils se rappellent que le plus grand des prophètes
s'enfuit pour sa vie devant la colère d'une femme
exaspérée. Brisé de fatigue, exténué par les
rigueurs de la route, en proie au plus cruel
désespoir, le fugitif demanda de mourir. Mais c'est
alors qu'il désespérait et que son œuvre semblait
menacée d'insuccès qu'il reçut la plus précieuse
leçon de sa vie. Il apprit au moment de son extrême
faiblesse qu'il est nécessaire et toujours possible de
se confier en Dieu dans des circonstances
paraissant insurmontables.

S'il arrive à ceux qui ont mis toutes leurs


énergies au service d'une cause exigeant des
sacrifices de tomber dans le doute et le
découragement, qu'ils pensent à Elie et retrempent
leur courage dans l'exemple donné par le prophète.
La sollicitude incessante de Dieu, son amour, sa
229
puissance se manifestent plus particulièrement
envers ses serviteurs dont le zèle est mal compris
ou inapprécié, dont les conseils et les reproches
sont méprisés, et dont tout essai de réforme se
heurte à la haine et à la résistance.

C'est alors que nous sommes le plus faibles que


Satan nous fait subir les plus cruelles tentations.
C'est ainsi qu'il avait espéré triompher du Fils de
Dieu, car il avait réussi de cette manière à
remporter bien des victoires sur les hommes.
Chaque fois que leur volonté s'affaiblissait, que
leur foi chancelait, ceux qui avaient vaillamment et
pendant longtemps lutté pour la justice finissaient
par céder à la tentation.

Fatigué par quarante ans de pérégrinations dans


le désert, par ses luttes contre l'incrédulité, Moïse
perdit pendant un certain temps le contact avec
Dieu. Il faiblit juste au moment où il allait franchir
les frontières de la terre promise. Il en fut de même
avec Elie, qui avait été si confiant pendant les
années de sécheresse et de famine. Il s'était
présenté sans crainte devant Achab, levé en
230
présence de tout Israël comme le seul et véritable
témoin du Seigneur. Puis, dans un moment de
lassitude, les menaces de Jézabel triomphèrent de
sa foi.

Il en est de même aujourd'hui. Lorsque nous


sommes assiégés par le doute, rendus perplexes par
les circonstances; lorsque nous sommes éprouvés
par la pauvreté ou l'affliction, alors Satan s'efforce
d'ébranler notre confiance en Dieu. C'est à ce
moment-là qu'il étale devant nous toutes nos fautes
et nous incite à douter du Seigneur et de son
amour. Il espère ainsi plonger notre âme dans le
découragement, tout en nous faisant perdre contact
avec Dieu.

Ceux que le Saint-Esprit a chargés d'accomplir


une tâche particulière, et qui occupent la pointe du
combat, subissent fréquemment une certaine
réaction lorsque la calamité s'estompe. Le
découragement peut ébranler la foi la plus solide,
affaiblir la volonté la plus ferme. Mais le Seigneur
comprend tout, et il ne cesse d'aimer et d'avoir pitié
de ses enfants. Il lit dans leurs cœurs les intentions
231
et les desseins qui les animent. Attendre avec
patience et confiance lorsque tout paraît sombre,
voilà ce que tous ceux qui ont la charge de l'œuvre
de Dieu devraient apprendre. Le ciel n'abandonne
jamais les siens dans l'adversité. Aucune situation
n'est apparemment plus désespérée, et cependant
plus triomphante, que celle de l'homme conscient
de son néant et pleinement confiant en Dieu.

Ce ne sont pas seulement ceux qui assument


des tâches importantes qui devront encore profiter,
lorsque viendra l'épreuve, de l'exemple d'Elie.
Quelle que soit sa faiblesse, l'enfant de Dieu peut
avoir confiance en celui qui faisait la force du
prophète. Le Seigneur compte sur la fidélité de tous
ceux auxquels il accorde le secours nécessaire. Par
lui-même l'homme est impuissant; mais, avec Dieu,
il est capable de vaincre le mal et d'aider ses
semblables à le surmonter. Impossible à Satan de
triompher sur celui qui prend le Seigneur pour
défenseur. « En l'Éternel seul ... résident la justice
et la force. » (Ésaïe 45:24)

Ami chrétien, le diable connaît ta faiblesse.


232
Appuie-toi donc sur Jésus. Si tu demeures dans
l'amour de Dieu, tu pourras supporter l'épreuve.
Seule la justice du Christ te donnera le pouvoir de
résister à la marée montante du mal qui déferle sur
le monde. Que ta vie déborde de foi. La foi allège
tous les fardeaux, soulage toutes les fatigues. La
Providence t'envoie des contrariétés qui te
semblent mystérieuses aujourd'hui; tu en
triompheras en te confiant continuellement en
Dieu. Marche par la foi dans le sentier qu'il t'a
tracé. Les épreuves surviendront, mais continue
d'avancer. Elles serviront à fortifier ta foi et à te
rendre apte au service du Maître. Le récit sacré n'a
pas été écrit simplement pour que nous le lisions et
en soyons émerveillés, mais pour que nous
arrivions à avoir une foi semblable à celle que
possédaient jadis les serviteurs de Dieu. Le
Seigneur agit de nos jours d'une manière aussi
frappante qu'alors. Partout il trouve des cœurs
débordants de foi pour servir de canal à sa toute-
puissance.

A nous, comme à Pierre autrefois, le Seigneur


dit: « Satan vous a réclamés, pour vous cribler
233
comme le froment. Mais j'ai prié pour toi, afin que
ta foi ne défaille point. » (Luc 22:31, 32) Le Christ
n'abandonnera jamais ceux pour lesquels il a donné
sa vie. Nous pouvons l'oublier, être vaincus par la
tentation; mais il ne se détournera jamais de celui
qu'il est venu racheter au prix de son sang.

Si notre vision spirituelle pouvait être


renforcée, nous verrions des âmes ployant sous le
poids de la tentation et de la douleur, et sur le point
de mourir de découragement. Nous verrions des
anges voler rapidement au secours de ceux qui sont
tentés, repoussant les armées du mal qui les
assiègent, et les aidant à poser les pieds sur le
rocher des siècles. Les batailles qui se livrent entre
les deux armées sont tout aussi réelles que celles
des armées d'ici-bas, et les destinées éternelles
dépendent de l'issue du conflit spirituel.

Dans la célèbre vision du prophète Ezéchiel,


une main apparaît sous les ailes des chérubins.
Cette vision a pour but d'enseigner aux serviteurs
de Dieu que c'est grâce à la puissance divine que
l'on peut réussir. Ceux que le Seigneur emploie
234
comme messagers ne doivent pas croire que la
cause de Dieu dépend d'eux-mêmes. Des êtres
limités ne sauraient assumer cette responsabilité.
Celui qui ne sommeille ni ne dort est constamment
à l'œuvre pour accomplir ses desseins; c'est lui qui
achèvera la tâche. Il fera échouer les plans des
méchants, et jettera la confusion dans les conseils
de tous ceux qui machinent le mal contre son
peuple. Celui qui est Roi et Seigneur des armées
est assis entre les chérubins; et dans les combats et
le tumulte des nations, il tranquillise ses enfants.
Lorsque les forteresses des rois de ce monde seront
renversées, quand les flèches de la colère divine
frapperont le cœur des ennemis de Dieu, alors son
peuple sera en sûreté.

235
Chapitre 14

Avec l'esprit et la puissance


d'Élie

Au cours des longs siècles qui se sont écoulés


depuis Elie, le récit de son ministère a inspiré et
encouragé tous ceux qui ont été appelés à lutter
contre l'apostasie. Pour nous, qui « sommes
parvenus à la fin des siècles » (1 Corinthiens
10:11), ce récit a une signification toute
particulière. L'histoire se répète. Notre époque a ses
Achabs et ses Jézabels; elle ressemble étrangement
à celle du grand prophète. Les autels des idoles
peuvent ne pas être visibles, les statues non
apparentes; il n'en reste pas moins que des milliers
de personnes adorent les dieux de ce monde: les
richesses, la gloire, les plaisirs, les fables agréables
qui permettent aux hommes de suivre les penchants
de leurs cœurs irrégénérés. Des multitudes ont une
conception erronée de Dieu et de ses attributs, et
elles servent ainsi un faux dieu comme les
adorateurs de Baal. Beaucoup de ceux qui se disent
236
chrétiens ont subi des influences diamétralement
opposées à Dieu et à sa vérité. Ils se détournent du
divin pour exalter ce qui est humain.

L'esprit qui prédomine à notre époque est un


esprit d'incrédulité et d'apostasie. Les hommes
prétendent posséder des lumières parce qu'ils
connaissent la vérité; mais, en réalité, ils font
preuve de la suffisance la plus aveugle. Ils exaltent
les théories humaines, et les substituent à Dieu et à
sa loi. Satan incite les hommes à la désobéissance;
il leur assure qu'ils trouveront ainsi la liberté et
l'indépendance, ce qui les rendra semblables à des
dieux. On constate de plus en plus un esprit
d'opposition à la Parole infaillible de Dieu, et une
sorte d'idolâtrie de la sagesse humaine que l'on
place au-dessus de la révélation divine.

En se conformant aux coutumes et aux


influences du monde, les hommes ont laissé
envahir leur esprit par les ténèbres et la confusion,
si bien qu'ils semblent avoir perdu toute possibilité
de discerner la lumière des ténèbres, la vérité de
l'erreur. Ils se sont éloignés du droit chemin au
237
point de considérer l'opinion de quelques
philosophes comme étant plus importante que les
vérités de la Bible. Les promesses de la Parole de
Dieu, ses menaces contre la désobéissance et
l'idolâtrie paraissent impuissantes à toucher les
cœurs. Une foi semblable à celle de Paul, Pierre et
Jean leur paraît périmée, mystique et indigne de
l'intelligence des penseurs modernes.

Aux origines, Dieu donna sa loi à l'humanité


pour lui permettre d'acquérir le bonheur et la vie
éternelle. Or, le seul espoir de Satan pour arriver à
faire obstacle aux desseins de Dieu était d'amener
hommes et femmes à désobéir à cette loi. Il s'est
donc appliqué à dénaturer ce qu'elle enseignait, et à
minimiser son importance. Il a essayé par un coup
de maître de changer la loi elle-même, de façon à
persuader les hommes à violer ses préceptes tout en
prétendant l'observer.

Un écrivain a comparé la tentative faite pour


changer la loi de Dieu à une malicieuse habitude
d'autrefois, consistant à tourner dans une fausse
direction la flèche d'un poteau indicateur placé au
238
croisement de deux routes importantes. On peut
imaginer la confusion et les complications qui en
résultaient.

Dieu avait aussi placé un poteau indicateur sur


la route des voyageurs de notre globe. Une flèche
indiquait l'obéissance volontaire au Créateur,
obéissance conduisant au chemin de la félicité et de
la vie; l'autre indiquait la désobéissance menant au
chemin de la misère et de la mort. La voie qui
aboutissait au bonheur était aussi nettement
délimitée que celle conduisant à la cité de refuge de
la dispensation juive. Mais, à une heure fatale pour
nous, l'ennemi de tout bien retourna les flèches du
poteau indicateur, et des multitudes furent
fourvoyées.

Par l'intermédiaire de Moïse, Dieu avait donné


aux Israélites les instructions suivantes: « Vous ne
manquerez pas d'observer mes sabbats, car ce sera
entre moi et vous, et parmi vos descendants, un
signe auquel on connaîtra que je suis l'Éternel qui
vous sanctifie. Vous observerez le sabbat, car il
sera pour vous une chose sainte. Celui qui le
239
profanera sera puni de mort; celui qui fera quelque
ouvrage ce jour-là ... sera puni de mort. Les enfants
d'Israël observeront le sabbat, en le célébrant, eux
et leurs descendants, comme une alliance
perpétuelle. Ce sera entre moi et les enfants d'Israël
un signe qui devra durer à perpétuité; car en six
jours l'Éternel a fait les cieux et la terre, et le
septième jour il a cessé son œuvre et il s'est reposé.
» (Exode 31:13-17)

Par ces paroles, le Seigneur indiquait nettement


que l'obéissance est le chemin qui conduit à la cité
céleste. Mais l'homme de péché a tourné les flèches
du poteau indicateur; il a instauré un faux sabbat et
fait croire aux hommes qu'en se reposant ce jour-là,
ils observaient le commandement du Créateur.
Dieu a déclaré que le septième jour est le jour de
repos de l'Éternel. Quand « furent achevés les cieux
et la terre », il glorifia ce jour en en faisant le
mémorial de son œuvre créatrice. « Il se reposa au
septième jour de toute son œuvre, qu'il avait faite.
Dieu bénit le septième jour, et il le sanctifia. »
(Genèse 2:1-3)

240
A la sortie d'Égypte, le peuple élu fut
clairement instruit à ce sujet. Alors qu'ils étaient en
esclavage, les Israélites durent subir le joug de
leurs oppresseurs, qui essayèrent de les forcer à
travailler le jour du sabbat en augmentant la
somme de travail qu'ils exigeaient d'eux chaque
semaine. Les conditions dans lesquelles ils se
trouvaient devinrent de plus en plus difficiles et de
plus en plus contraignantes. Mais ils furent délivrés
de l'esclavage, et établis dans un pays où ils
pouvaient observer librement les préceptes du
Seigneur. La loi fut proclamée sur le Sinaï, inscrite
sur deux tables de pierre, par le doigt même de
Dieu (Voir Exode 31:18), et donnée à Moïse.
Pendant les quarante ans passés au désert, les
Israélites se souvinrent du jour de repos. La manne
ne tombait pas le septième jour, le vendredi il en
tombait deux fois plus, et elle se conservait
miraculeusement deux jours, ce qui n'était pas le
cas les autres jours.

Avant d'entrer dans le pays de la promesse, les


Israélites furent exhortés par Moïse « à observer le
jour du repos, pour le sanctifier » (Deutéronome
241
5:12). Dieu voulait que, par une observance fidèle
du sabbat, Israël se souvienne de son Créateur et
Rédempteur. S'il observait ce jour dans l'esprit
voulu, il ne connaîtrait pas l'idolâtrie. Mais si les
préceptes du Décalogue étaient mis de côté, le
Créateur serait vite oublié, et les hommes
adoreraient de faux dieux. « Je leur donnai aussi
mes sabbats, dit le Seigneur, comme un signe entre
moi et eux, pour qu'ils connussent que je suis
l'Éternel qui les sanctifie. » Et cependant, « ils
rejetèrent mes ordonnances et ne suivirent point
mes lois, et ... ils profanèrent mes sabbats, car leur
cœur ne s'éloigna pas de leurs idoles », ajoutait le
Seigneur. En les invitant à retourner à lui, Dieu
insistait à nouveau sur l'importance de sanctifier le
sabbat. « Je suis l'Éternel, votre Dieu, dit-il. Suivez
mes préceptes, observez mes ordonnances, et
mettez-les en pratique. Sanctifiez mes sabbats, et
qu'ils soient entre moi et vous un signe, auquel on
connaisse que je suis l'Éternel, votre Dieu. »
(Ézéchiel 20:12, 16, 19, 20)

En attirant l'attention de Juda sur les péchés qui


lui valurent finalement la captivité babylonienne, le
242
Seigneur déclarait: « Tu profanes mes sabbats. ...
Je répandrai sur eux ma fureur, je les consumerai
par le feu de ma colère, je ferai retomber leurs
œuvres sur leur tête. » (Ézéchiel 22:8, 31)

Aux jours de Néhémie, pendant la restauration


de Jérusalem, la profanation du sabbat attira sur les
Israélites ces reproches sévères: « N'est-ce pas ainsi
qu'ont agi vos pères, et n'est-ce pas à cause de cela
que notre Dieu a fait venir tous ces malheurs sur
nous et sur cette ville? Et vous, vous attirez de
nouveau sa colère contre Israël, en profanant le
sabbat. » (Néhémie 13:18)

Au cours de son ministère terrestre, le Christ


insista sur les exigences du sabbat. Dans tous ses
enseignements, il manifesta de la vénération pour
cette institution qu'il avait lui-même créée. De son
temps, le sabbat était si peu respecté que son
observance reflétait le caractère égoïste et
despotique de l'homme, plutôt que celui de Dieu.
Jésus rejeta la fausse doctrine enseignée par ceux
qui prétendaient connaître le Seigneur et l'avaient
dénaturé. Bien qu'il fût impitoyablement poursuivi
243
par la haine des rabbins, il continua résolument à
observer le sabbat selon la loi de Dieu, sans même
paraître se conformer à leurs exigences.

Dans un langage clair, le Christ déclara au sujet


de la loi divine: « Ne croyez pas que je sois venu
pour abolir la loi ou les prophètes; je suis venu non
pour abolir, mais pour accomplir. Car, je vous le
dis en vérité, tant que le ciel et la terre ne passeront
point, il ne disparaîtra pas de la loi un seul iota ou
un seul trait de lettre, jusqu'à ce que tout soit arrivé.
Celui donc qui supprimera l'un de ces plus petits
commandements, et qui enseignera aux hommes à
faire de même, sera appelé le plus petit dans le
royaume des cieux; mais celui qui les observera, et
qui enseignera à les observer, celui-là sera appelé
grand dans le royaume des cieux. » (Matthieu 5:17-
19)

Pendant la dispensation chrétienne, le grand


ennemi du bonheur de l'homme a fait du quatrième
commandement un sujet spécial d'attaque. Satan
déclare: « Je m'opposerai aux desseins de Dieu.
J'aiderai mes sujets à ne pas tenir compte du
244
mémorial du Seigneur, le septième jour de la
semaine. Je montrerai ainsi au monde que le jour
béni et sanctifié par l'Éternel a été changé. Le
souvenir de ce jour ne survivra pas dans la pensée
des hommes; je l'effacerai de leur mémoire.
J'instaurerai à sa place un jour qui ne porte pas les
empreintes de Dieu, un jour qui ne soit pas un
signe entre l'Éternel et son peuple. J'inciterai ceux
qui acceptent ce jour à lui conférer la sainteté
attribuée au septième jour.

» Par l'intermédiaire de mon substitut, je me


glorifierai moimême. On célébrera ce jour de la
semaine, et le monde religieux acceptera cette
contrefaçon du septième jour. Ce sera pour lui le
vrai sabbat. Par la violation du sabbat institué par
Dieu, j'arriverai à jeter le discrédit sur la loi divine.
Ces paroles: « Un signe entre moi et vous et vos
descendants », je les appliquerai au jour de repos
que j'instituerai. Ainsi, l'univers m'appartiendra; je
serai le chef de la terre, le prince de ce monde.
J'aurai une telle emprise sur les esprits que le
sabbat deviendra un sujet de mépris tout
particulier.
245
» Un signe? Je ferai de l'observation du
septième jour un signe de désobéissance envers les
autorités de ce monde. Les lois humaines seront si
draconiennes que l'on n'osera pas observer le
sabbat, de peur de manquer de nourriture et de
vêtements. Les croyants s'uniront au monde en
transgressant la loi divine. Toute la terre sera sous
ma domination. »

En instituant ainsi un faux sabbat, l'ennemi


pensa « changer les temps et la loi ». Mais a-t-il
bien réussi à changer la loi de Dieu? Les paroles du
chapitre trente et un de l'Exode nous en donnent la
réponse. Celui qui est le même hier, aujourd'hui et
demain a déclaré au sujet du septième jour: « Vous
ne manquerez pas d'observer mes sabbats, car ce
sera entre moi et vous, et parmi vos descendants,
un signe ... qui devra durer à perpétuité. » (Exode
31:13, 17) La flèche du poteau indicateur a été
retournée et elle indique une fausse direction; mais
Dieu, lui, n'a pas changé; il est toujours le Dieu
puissant d'Israël. « Voici, dit-il, les nations sont
comme une goutte d'un seau, elles sont comme de
246
la poussière sur une balance; voici, les îles sont
comme une fine poussière qui s'envole. Le Liban
ne suffit pas pour le feu. Et ses animaux ne
suffisent pas pour l'holocauste. Toutes les nations
sont devant lui comme un rien, elles ne sont pour
lui que néant et vanité. » (Ésaïe 40:15-17) Dieu est
aussi juste et aussi jaloux maintenant à l'égard de
sa loi qu'à l'époque d'Elie et d'Achab.

Comme cette loi est bafouée de nos jours! Le


monde est en rébellion ouverte contre Dieu. Notre
génération est en réalité faite de mécontents
remplis d'ingratitude, de formalisme, de fausseté,
d'orgueil et d'apostasie. Les hommes négligent la
Bible et haïssent la vérité. Jésus voit sa loi rejetée,
son amour méprisé, ses ambassadeurs traités avec
indifférence. Il a parlé par ses bénédictions, mais
on ne les a pas reconnues; il a parlé par ses
avertissements, mais on n'en a pas tenu compte. Le
temple de l'âme a été profané par le péché:
l'égoïsme, l'envie, l'orgueil, la malice y sont
entretenus.

Un grand nombre n'hésitent pas à se moquer de


247
la Parole de Dieu. On ridiculise ceux qui y croient
encore; on méprise de plus en plus la loi et l'ordre
parce qu'on transgresse les commandements divins.
La violence et le crime en sont les résultats
visibles. Qu'il est triste de constater la pauvreté et
la misère des multitudes qui se courbent devant les
idoles, cherchant en vain le bonheur et la paix! Le
mépris du commandement relatif au sabbat est
presque universel. On voit avec quelle cynique
impiété certains hommes promulguent des décrets
pour sauvegarder la prétendue sainteté du premier
jour de la semaine, et en même temps en émettent
d'autres permettant le trafic de l'alcool! Plaçant leur
sagesse au-dessus des Ecritures, ils essaient de
contraindre les consciences, alors qu'ils favorisent
un vice qui dégrade et avilit les êtres créés à
l'image de Dieu. C'est Satan lui-même qui inspire
de telles lois. Il sait bien que la colère céleste
atteindra ceux qui mettent les décrets humains au-
dessus des lois divines, et il fait l'impossible pour
égarer les hommes sur la voie spacieuse qui mène à
la mort.

On s'est si longtemps passionné pour les idées


248
et les institutions humaines que presque tout
l'univers se courbe devant les idoles. Celui qui a
essayé de changer la loi de Dieu emploie tous les
moyens pour tromper les hommes et les pousser à
se soulever contre le Seigneur et le signe qui
permet de reconnaître le juste. Mais le ciel ne
souffrira pas toujours que sa loi soit foulée aux
pieds. Le moment approche où « l'homme au
regard hautain sera abaissé, et où l'orgueil sera
humilié: L'Éternel seul sera élevé ce jour-là. »
(Ésaïe 2:11)

Le scepticisme peut traiter les exigences de la


loi divine par la raillerie, la dérision ou la négation;
l'esprit du monde peut contaminer la majeure partie
des hommes et en dominer la minorité; la cause de
Dieu peut demander de grands efforts et des
sacrifices continuels; il n'en est pas moins certain
que la vérité finira par triompher d'une manière
éclatante.

Lorsque le Seigneur achèvera son œuvre ici-


bas, la loi divine sera de nouveau exaltée. La fausse
religion peut devenir universelle, l'iniquité
249
abonder, l'amour du plus grand nombre se refroidir,
la croix du Calvaire être ignorée et les ténèbres
recouvrir la surface de la terre comme un suaire; le
courant populaire peut se déchaîner violemment
contre la vérité; des complots répétés peuvent se
tramer pour anéantir le peuple de Dieu; à l'heure du
péril extrême, le Dieu d'Elie suscitera des
instruments' humains dont la voix ne pourra être
réduite au silence.

Dans les grandes agglomérations, dans les lieux


où les hommes ont blasphémé contre le Tout-
Puissant, de sévères répréhensions se feront
entendre. Des hommes envoyés par Dieu
dénonceront courageusement l'union de l'Église et
du monde. Ils supplieront hommes et femmes de se
détourner de l'observance du jour de repos
d'institution humaine pour observer le vrai sabbat.
« Craignez Dieu, et donnez-lui gloire,
proclameront-ils à toutes les nations, car l'heure de
son jugement est venue; et adorez celui qui a fait le
ciel, et la terre, et la mer, et les sources d'eaux. ... Si
quelqu'un adore la bête et son image, et reçoit une
marque sur son front ou sur sa main, il boira, lui
250
aussi, du vin de la fureur de Dieu, versé sans
mélange dans la coupe de sa colère. » (Apocalypse
14:7-10)

Dieu ne violera pas son alliance; il ne changera


pas les paroles qui sont sorties de sa bouche; elles
sont éternelles, aussi immuables que son trône. Au
jour du jugement, les commandements seront mis
en plein jour, tels qu'ils ont été écrits par le doigt
même de Dieu. Les hommes passeront devant le
tribunal de la justice suprême pour recevoir leur
rétribution.

De nos jours, comme au temps d'Elie, la ligne


de démarcation entre ceux qui observent les
commandements de Dieu et ceux qui adorent des
idoles est nettement tracée. « Jusques à quand
clocherez-vous des deux côtés? s'écriait Elie. Si
l'Éternel est Dieu, allez après lui; si c'est Baal, allez
après lui! » (1 Rois 18:21) Et voici le message pour
notre époque: « Elle est tombée, elle est tombée,
Babylone la grande! ... Sortez du milieu d'elle, mon
peuple, afin que vous ne participiez point à ses
péchés, et que vous n'ayez point de part à ses
251
fléaux. Car ses péchés se sont accumulés jusqu'au
ciel, et Dieu s'est souvenu de ses iniquités. »
(Apocalypse 18:2, 4, 5)

L'heure où chacun de nous sera mis à l'épreuve


va bientôt sonner. Le faux sabbat sera imposé; il y
aura contestation entre les commandements de
Dieu et les commandements des hommes. Ceux qui
ont cédé peu à peu aux coutumes du monde,
s'inclineront devant les autorités plutôt que de
s'exposer aux moqueries, à l'insulte, aux menaces
d'emprisonnement et de mort. A ce moment-là, l'or
se séparera de la gangue, la vraie piété se
distinguera nettement de la piété apparente et
fausse. Les étoiles que nous avons admirées pour
leur éblouissante clarté s'obscurciront. Ceux qui
ont porté des vêtements sacerdotaux, mais qui n'ont
pas revêtu la justice du Christ apparaîtront alors
dans la honte de leur nudité.

Parmi les habitants de la terre, répandus dans


toutes les nations, se trouvent des hommes qui
n'ont pas fléchi les genoux devant Baal.
Semblables aux étoiles qui n'apparaissent qu'à la
252
nuit, ils brilleront lorsque les ténèbres couvriront la
terre et l'obscurité les peuples. Dans l'Afrique
païenne, dans les pays catholiques d'Europe et de
l'Amérique du Sud, en Chine, aux Indes, dans les
îles lointaines et dans les lieux les plus reculés du
globe, le Seigneur possède un firmament d'âmes
d'élite qui apparaîtront dans tout leur éclat au sein
des ténèbres, révélant nettement au monde apostat
le pouvoir transformateur de sa loi. Déjà
aujourd'hui, nous les voyons apparaître dans toute
nation, tout peuple, toute tribu et toute langue. A
l'heure de la grande apostasie, quand Satan tentera
un suprême effort pour que « tous, petits et grands,
riches et pauvres, libres et esclaves » (Apocalypse
13:16) reçoivent, sous peine de mort, le sceau de
l'obéissance à un faux jour de repos, ces fidèles, «
sans tache, ni ride, ni rien de semblable »,
brilleront « comme des flambeaux dans le monde »
(Philippiens 2:15). Plus la nuit sera sombre, plus
vif sera leur éclat.

Comme il semblait étrange qu'Elie dénombrât


les fidèles d'Israël au moment où les jugements de
Dieu allaient fondre sur la nation apostate! Il
253
n'avait pu compter, en effet, qu'un seul homme du
côté de l'Éternel. Mais lorsqu'il dit: « Je suis resté
moi seul, et ils cherchent à m'ôter la vie », et que
Dieu lui répondit: « Je laisserai en Israël sept mille
hommes, tous ceux qui n'ont point fléchi les
genoux devant Baal » (1 Rois 19:14, 18), alors le
prophète éprouva un grand étonnement.

Que nul n'essaie donc, de nos jours, de compter


les fidèles d'Israël; mais que chacun possède un
cœur rempli d'amour, comme celui du Christ, pour
sauver les âmes qui se perdent.

254
Chapitre 15

Josaphat

Jusqu'à son accession au trône de Juda, à l'âge


de trentecinq ans, Josaphat avait eu sous les yeux
l'exemple du bon roi Asa qui, dans presque toutes
les crises, avait fait « ce qui est droit aux yeux de
l'Éternel » (1 Rois 15:11). Pendant vingt-cinq ans
d'un règne prospère, Josaphat chercha « à marcher
dans toute la voie d'Asa, son père, et ne s'en
détourna point » (1 Rois 22:43, 44). Tout en
s'efforçant de gouverner avec sagesse, il fit
l'impossible pour amener ses sujets à résister
fermement aux pratiques idolâtres. De nombreuses
personnes dans son royaume « offraient encore des
sacrifices et des parfums sur les hauts lieux » (1
Rois 22:43, 44). Le roi ne fit pas démolir tout de
suite ces autels; mais, dès le début de son règne, il
essaya de protéger Juda contre les péchés qui
caractérisaient Israël. Ce royaume était alors
gouverné par Achab dont Josaphat fut le
contemporain un certain nombre d'années.

255
Josaphat fut fidèle au Seigneur; « il ne
rechercha point les Baals; car il eut recours au Dieu
de son père, et il suivit ses commandements, sans
imiter ce que faisait Israël » (2 Chroniques 17:3-5).
L'Éternel eut égard à son intégrité, et fut avec lui. Il
« affermit la royauté entre ses mains32 Chroniques
17:3-5 ».

« Tout Juda apportait des présents » à Josaphat,


« qui eut en abondance des richesses et de la gloire.
Son cœur grandit dans les voies de l'Éternel. » (2
Chroniques 17:5, 6) A mesure que s'écoulaient les
années, et que des réformes s'opéraient, le roi
faisait « disparaître de Juda les hauts lieux et les
idoles » (2 Chroniques 17:6). « Il ôta du pays le
reste des prostitutions qui s'y trouvaient encore
depuis le temps d'Asa, son père. » (1 Rois 22:46)
C'est ainsi que peu à peu les habitants du royaume
furent délivrés du danger qui les menaçait et qui
aurait retardé sérieusement leur croissance
spirituelle.

Tous les sujets du royaume avaient besoin


256
d'être instruits sur la loi de Dieu. Leur sécurité en
dépendait. En conformant leur vie à ses exigences,
ils manifesteraient leur loyauté envers Dieu et leurs
semblables. Josaphat, qui savait cela, s'efforça
d'inculquer à son peuple une connaissance
approfondie des saintes Ecritures. Les princes qui
gouvernaient les différentes régions du royaume
furent chargés d'organiser le fidèle ministère des
prêtres pour enseigner le peuple. Ces prêtres
exerçaient donc leurs fonctions sous la surveillance
directe des princes; ils se rendaient dans « toutes
les villes de Juda », et ils enseignaient « parmi le
peuple » (2 Chroniques 17:7-9). Et alors qu'un
grand nombre s'efforçaient de comprendre les
exigences de Dieu, un réveil se manifestait.

C'est aux richesses spirituelles dont il fit


profiter ses sujets que le règne de Josaphat dut sa
prospérité. L'obéissance à la loi divine est, en effet,
d'une grande efficacité. Lorsqu'on se conforme à
ses exigences, une transformation merveilleuse
s'opère qui procure la paix aux hommes de bonne
volonté. Si les enseignements de la Parole de Dieu
dirigeaient la vie de tout homme et de toute femme,
257
si leur esprit et leur cœur étaient contrôlés par sa
puissance bienfaisante, les maux dont souffrent la
vie nationale et la vie sociale disparaîtraient. De
chaque foyer se dégagerait une influence qui
fortifierait les individus dans leur vie spirituelle et
morale, de sorte que les nations seraient dans les
meilleures conditions possible.

Josaphat vécut en paix pendant de longues


années, sans être inquiété par les nations voisines.
« La terreur de l'Éternel s'empara de tous les
royaumes des pays qui environnaient Juda. » (2
Chroniques 17:10) Les Philistins offrirent à
Josaphat des présents et un tribut en argent; les
Arabes lui amenèrent de grands troupeaux de
moutons et de chèvres. « Josaphat s'élevait au plus
haut degré de grandeur. Il bâtit en Juda des
châteaux et des villes pour servir de magasins ... et
il avait à Jérusalem de vaillants hommes pour
soldats ... qui étaient au service du roi, outre ceux
que le roi avait placés dans toutes les villes fortes
de Juda. » (2 Chroniques 17:12-19) Comblé de «
richesses et de gloire » (2 Chroniques 18:1),
Josaphat put exercer une puissante influence en
258
faveur de la justice et de la vérité.

Quelques années après son accession au trône,


Josaphat, qui avait alors atteint l'apogée de la
prospérité, consentit que son fils Joram épousât
Athalie, fille d'Achab et de Jézabel. Par cette union,
les royaumes d'Israël et de Juda formèrent une
alliance que le Seigneur désapprouva; elle fut la
cause, en effet, dans les périodes de crises, des
malheurs qui s'abattirent sur le roi et un grand
nombre de ses sujets.

A une certaine occasion, Josaphat rendit visite


au roi d'Israël, à Samarie. On lui fit de grands
honneurs, et, avant de repartir, il était gagné à l'idée
qu'il devait s'unir au roi d'Israël pour lutter contre
les Syriens, avec lesquels celui-ci était en guerre.
Achab espérait qu'en unissant ses forces à celles de
Juda, il pourrait reconquérir Ramoth, ancienne ville
de refuge qui, prétendait-il avec juste raison,
appartenait aux Israélites.

Mais bien que Josaphat, dans un moment de


faiblesse, se fût imprudemment engagé à s'allier au
259
roi d'Israël, il jugea plus sûr de connaître la volonté
du Seigneur à cet égard. « Consulte maintenant, je
te prie, la parole de l'Éternel », suggéra-t-il à
Achab. Celui-ci accéda à son désir, en rassemblant
quatre cents faux prophètes de Samarie, auxquels il
dit: « Ironsnous attaquer Ramoth en Galaad, ou
dois-je y renoncer? Et ils répondirent: Monte, et
Dieu la livrera entre les mains du roi. » (2
Chroniques 18:4, 5)

Josaphat, que cette réponse ne satisfaisait pas,


chercha à connaître la volonté réelle du Seigneur. «
N'y a-t-il plus ici aucun prophète de l'Éternel, par
qui nous puissions le consulter? » (2 Chroniques
18:6) demanda-t-il à Achab. « Il y a encore un
homme par qui l'on pourrait consulter l'Éternel,
répondit celui-ci; mais je le hais, car il ne me
prophétise rien de bon, il ne prophétise que du mal:
c'est Michée, fils de Jimla. » (1 Rois 22:8) Josaphat
s'obstina à demander qu'on fît venir l'homme de
Dieu, et lorsqu'il se présenta devant les monarques
et qu'Achab l'eut fait « jurer de ne dire que la vérité
au nom de l'Éternel », le prophète dit: « Je vois tout
Israël dispersé sur les montagnes, comme des
260
brebis qui n'ont point de berger; et l'Éternel dit: Ces
gens n'ont point de maître, que chacun retourne en
paix dans sa maison! » (1 Rois 22:16, 17)

Ces paroles auraient dû suffire aux monarques


pour qu'ils comprissent que leur projet n'était pas
agréé par Dieu; mais ni l'un ni l'autre ne voulut
tenir compte de l'avertissement qui leur était donné.
Achab avait manifesté son intention, et il était
résolu à la poursuivre. Josaphat, lui, avait donné sa
parole d'honneur: « Nous irons l'attaquer (la Syrie)
avec toi. » (2 Chroniques 18:3) Après avoir fait une
telle promesse, il lui répugnait de reprendre sa
parole. « Le roi d'Israël et Josaphat, roi de Juda,
montèrent » donc « à Ramoth en Galaad » (1 Rois
22:29).

Au cours de la bataille qui s'ensuivit, Achab fut


tué par une flèche, et il mourut le soir. « Au
coucher du soleil, on cria par tout le camp: Chacun
à sa ville et chacun dans son pays! » (1 Rois 22:36)
Ainsi s'accomplit la prophétie de Michée.

Josaphat sortit de ce combat désastreux pour


261
retourner à Jérusalem. Comme il approchait de la
ville, il rencontra Jéhu qui lui fit ce reproche: «
Doit-on secourir le méchant, et aimes-tu ceux qui
haïssent l'Éternel? A cause de cela, l'Éternel est
irrité contre toi. Mais il s'est trouvé de bonnes
choses en toi, car tu as fait disparaître du pays les
idoles, et tu as appliqué ton cœur à chercher Dieu.
» (2 Chroniques 19:2, 3)

Josaphat consacra les dernières années de son


règne à fortifier les défenses nationales et
spirituelles de Juda. Il « fit une tournée parmi le
peuple, depuis Beer-Schéba jusquà la montagne
d'Ephraïm, et il les ramena à l'Éternel, le Dieu de
leurs pères » (2 Chroniques 19:4).

Parmi les plus importantes initiatives que prit


Josaphat, il faut signaler l'établissement et le
maintien de cours de justice. « Il établit des juges
dans toutes les villes fortes du pays de Juda, dans
chaque ville. » Et il dit aux juges qu'il nommait: «
Prenez garde à ce que vous ferez, car ce n'est pas
pour les hommes que vous prononcerez des
jugements; c'est pour l'Éternel, qui sera près de
262
vous quand vous les prononcerez. Maintenant, que
la crainte de l'Éternel soit sur vous; veillez sur vos
actes, car il n'y a chez l'Éternel, notre Dieu, ni
iniquité, ni égards pour l'apparence des personnes,
ni acceptation de présents. » (2 Chroniques 19:5-7)
L'administration judiciaire fut perfectionnée par la
création d'une cour d'appel à Jérusalem, où
Josaphat « établit des Lévites, des sacrificateurs et
des chefs de maisons paternelles d'Israël ... pour les
jugements de l'Éternel et pour les contestations. »
(2 Chroniques 19:8)

Le roi exhorta les juges à demeurer fidèles au


Seigneur. Il leur fit ces recommandations: « Vous
agirez de la manière suivante dans la crainte de
l'Éternel, avec fidélité et avec intégrité de cœur.
Dans toute contestation qui vous sera soumise par
vos frères, établis dans leurs villes, relativement à
un meurtre, à une loi, à un commandement, à des
préceptes et à des ordonnances, vous les éclairerez,
afin qu'ils ne se rendent pas coupables envers
l'Éternel, et que sa colère n'éclate pas sur vous et
sur vos frères. C'est ainsi que vous agirez, et vous
ne serez point coupables.
263
»Et voici, vous avez à votre tête Amaria, le
souverain sacrificateur, pour toutes les affaires de
l'Éternel, et Zebadia, fils d'Ismaël, chef de la
maison de Juda, pour toutes les affaires du roi, et
vous avez devant vous des Lévites comme
magistrats. Fortifiez-vous et agissez, et que
l'Éternel soit avec celui qui fera le bien! » (2
Chroniques 19:9-11)

Dans le soin qu'il apportait à la sauvegarde des


droits et des libertés de ses sujets, Josaphat insistait
sur la sollicitude dont le Dieu de justice qui règne
sur l'univers entoure chaque membre de la famille
humaine. « Dieu se tient dans l'assemblée de Dieu;
il juge au milieu des dieux. » Ceux qui remplissent
les fonctions de juges au-dessous de lui, doivent
rendre « justice au faible et à l'orphelin »; ils feront
« droit au malheureux et au pauvre » et les
délivreront « de la main des méchants » (Psaumes
82:1, 3, 4).

Vers la fin du règne de Josaphat, le royaume de


Juda fut envahi par une armée qui fit, avec raison,
264
trembler les habitants de ce pays. « Les fils de
Moab et les fils d'Ammon, et avec eux des
Maonites, marchèrent contre Josaphat pour lui faire
la guerre. » La nouvelle de cette invasion parvint
au roi par l'intermédiaire d'un messager. « Une
multitude nombreuse s'avance contre toi, lui dit-il,
depuis l'autre côté de la mer, depuis la Syrie, et ils
seront à Hatsatson-Thamar, qui est En-Guédi. » (2
Chroniques 20:1, 2)

Josaphat était un homme courageux. Pendant


de longues années, il avait renforcé ses troupes et
fortifié ses villes. Il était donc bien préparé pour
faire face à n'importe quel ennemi. Et pourtant,
devant le danger, il ne plaçait pas sa confiance en
luimême. Ses armées bien disciplinées, ses villes
fortes ne pouvaient à elles seules lui assurer la
victoire. C'est sur le Dieu d'Israël qu'il comptait.
C'est ainsi qu'il vaincrait les païens qui se
promettaient d'infliger une défaite au royaume de
Juda aux yeux de toutes les nations.

« Dans sa frayeur, Josaphat se disposa à


chercher l'Éternel, et il publia un jeûne pour tout
265
Juda. Juda s'assembla pour invoquer l'Éternel, et
l'on vint de toutes les villes de Juda pour chercher
l'Éternel. »

Debout au parvis du temple, devant son peuple,


Josaphat se livra à la prière. Il se réclama des
promesses de Dieu tout en confessant la faiblesse
d'Israël. « Éternel, Dieu de nos pères, s'écria-t-il,
n'es-tu pas Dieu dans les cieux, et n'est-ce pas toi
qui domines sur tous les royaumes des nations?
N'est-ce pas toi qui as en main la force et la
puissance, et à qui nul ne peut résister? N'est-ce pas
toi, ô notre Dieu, qui as chassé les habitants de ce
pays devant ton peuple d'Israël, et qui l'as donné
pour toujours à la postérité d'Abraham qui t'aimait?
Ils l'ont habité, et ils t'y ont bâti un sanctuaire pour
ton nom, en disant: S'il nous survient quelque
calamité, l'épée, le jugement, la peste ou la famine,
nous nous présenterons devant cette maison et
devant toi, car ton nom est dans cette maison, nous
crierons à toi du sein de notre détresse, et tu
exauceras et tu sauveras!

» Maintenant voici, les fils d'Ammon et de


266
Moab et ceux de la montagne de Séir, chez lesquels
tu n'as pas permis à Israël d'entrer quand il venait
du pays d'Égypte — car il s'est détourné d'eux et
ne les a pas détruits — les voici qui nous
récompensent en venant nous chasser de ton
héritage, dont tu nous as mis en possession. O notre
Dieu, n'exerceras-tu pas tes jugements sur eux? Car
nous sommes sans force devant cette multitude
nombreuse qui s'avance contre nous, et nous ne
savons que faire, mais nos yeux sont sur toi. » (2
Chroniques 20:3-12)

Josaphat pouvait dire avec confiance au


Seigneur: « Nos yeux sont sur toi. » Pendant des
années il avait appris à son peuple à se confier en
celui qui était si souvent intervenu dans le passé
pour sauver ses élus d'une destruction totale.
Devant le péril, il ne se sentait donc pas seul. «
Tout Juda se tenait debout devant l'Éternel, avec
leurs petits enfants, leurs femmes et leurs fils. » (2
Chroniques 20:13) Ensemble ils jeûnèrent et
prièrent. Ils supplièrent le Seigneur de mettre les
ennemis en déroute, afin que son nom soit glorifié.

267
Avec le Psalmiste ils pouvaient dire:

O Dieu, ne reste pas dans le silence!


Ne te tais pas, et ne te repose pas, ô Dieu!
Car voici, tes ennemis s'agitent,
Ceux qui te haïssent lèvent la tête.
Ils forment contre ton peuple des projets pleins
de ruse,
Et ils délibèrent contre ceux que tu protèges.
Venez, disent-ils, exterminons-les du milieu
des nations,
Et qu'on ne se souvienne plus du nom d'Israël!

Ils se concertent tous d'un même cœur,


Ils font une alliance contre toi;
Les tentes d'Edom et les Ismaélites,
Moab et les Hagaréniens,
Guebal, Ammon, Amalek ...
Traite-les comme Madian,
Comme Sisera, comme Jabin au torrent de
Kison! ...
Qu'ils soient confus et épouvantés pour
toujours,
Qu'ils soient honteux et qu'ils périssent!
268
Qu'ils sachent que toi seul, dont le nom est
l'Éternel,
Tu es le Très-Haut sur toute la terre! (Psaumes
83)

Et alors que le peuple se joignait au roi pour


s'humilier devant le Seigneur, et lui demander son
secours, l'Esprit d'en haut descendit sur Jachaziel, «
Lévite, d'entre les fils d'Asaph », et il dit: « Soyez
attentifs, tout Juda et habitants de Jérusalem, et toi,
roi Josaphat! Ainsi vous parle l'Éternel: Ne
craignez point et ne vous effrayez point devant
cette multitude nombreuse, car ce ne sera pas vous
qui combattrez, ce sera Dieu. Demain, descendez
contre eux; ils vont monter par la colline de Tsits,
et vous les trouverez à l'extrémité de la vallée, en
face du désert de Jeruel. Vous n'aurez point à
combattre en cette affaire: présentez-vous, tenez-
vous là, et vous verrez la délivrance que l'Éternel
vous accordera. Juda et Jérusalem, ne craignez
point et ne vous effrayez point, demain, sortez à
leur rencontre, et l'Éternel sera avec vous!

» Josaphat s'inclina le visage contre terre, et


269
tout Juda et les habitants de Jérusalem tombèrent
devant l'Éternel pour se prosterner en sa présence.
Les Lévites d'entre les fils des Kéhathites et d'entre
les fils des Koréites se levèrent pour célébrer d'une
voix forte et haute l'Éternel, le Dieu d'Israël. »

Le lendemain, de très bonne heure, ils se mirent


en marche pour se rendre au désert de Tékoa. Et
comme ils se disposaient à combattre, Josaphat leur
dit: « Ecoutez-moi, Juda et habitants de Jérusalem!
Confiez-vous en l'Éternel, votre Dieu, et vous serez
affermis; confiez-vous en ses prophètes, et vous
réussirez. Puis, d'accord avec le peuple, il nomma
des chantres qui ... célébraient l'Éternel. » (2
Chroniques 20:14-21) Ces chantres précédaient
l'armée, et il louaient le Seigneur pour la victoire
promise.

Quelle étrange façon d'affronter une armée


ennemie! Des chants de louange pour glorifier le
Dieu d'Israël, c'était le cri de guerre de ces hommes
de foi. Ils possédaient la « sainte magnificence ».
Si, de nos jours, on adressait davantage de
louanges au Seigneur, la foi, le courage et l'espoir
270
s'accroîtraient grandement. C'est ainsi que seraient
fortifiés les vaillants défenseurs de la vérité.

« L'Éternel plaça une embuscade contre les fils


d'Ammon et de Moab et ceux de la montagne de
Séir, qui étaient venus contre Juda. Et ils furent
battus. Les fils d'Ammon et de Moab se jetèrent sur
les habitants de la montagne de Séir pour les
dévouer par interdit et les exterminer; et quand ils
en eurent fini avec les habitants de Séir, ils
s'aidèrent les uns les autres à se détruire,

» Lorsque Juda fut arrivé sur la hauteur d'où


l'on aperçoit le désert, ils regardèrent du côté de la
multitude, et voici, c'étaient des cadavres étendus à
terre, et personne n'avait échappé. » (2 Chroniques
20:22-24)

En temps de crise, le Seigneur était la force de


Juda, comme il l'est aujourd'hui encore de son
peuple. Ne nous confions donc ni dans les
monarques ni dans les hommes que nous serions
tentés de mettre à la place de Dieu. Souvenons-
nous que les êtres humains que nous sommes sont
271
faillibles et répréhensibles. Celui qui possède la
toute-puissance est notre haute retraite. Rappelons-
nous que, dans n'importe quelle circonstance, c'est
lui qui combat. Ses possibilités sont illimitées, et
plus les apparences nous semblent contraires, plus
éclatante est la victoire.

Le Psalmiste chantait:

Sauve-nous, Dieu de notre salut,


Rassemble-nous, et retire-nous du milieu des
nations,
Afin que nous célébrions ton saint nom
Et que nous mettions notre gloire à te louer!
(1 Chroniques 16:35)

Chargés des dépouilles de l'ennemi, les soldats


de Juda revinrent à Jérusalem « joyeux ... car
l'Éternel les avait remplis de joie en les délivrant de
leurs ennemis. Ils entrèrent à Jérusalem et dans la
maison de l'Éternel, au son des luths, des harpes et
des trompettes. » (2 Chroniques 20:27, 28) Grandes
furent leurs réjouissances. En obéissant à ce
commandement: « Tenez-vous là, et vous verrez la
272
délivrance que l'Éternel vous accordera ... ne
craignez point et ne vous effrayez point » (2
Chroniques 20:17), ils avaient mis toute leur
confiance en Dieu, qui s'était manifesté à leur égard
comme une forteresse libératrice.

Ils comprenaient bien alors les hymnes inspirés


de David:

Dieu est pour nous un refuge et un appui,


Un secours qui ne manque jamais dans la
détresse. ...
Il a brisé l'arc, et il a rompu la lance,
Il a consumé par le feu les chars de guerre.
Arrêtez, et sachez que je suis Dieu:
Je domine sur les nations, je domine sur la
terre.
L'Éternel des armées est avec nous,
Le Dieu de Jacob est pour nous une haute
retraite.
(Psaumes 46)

Comme ton nom, ô Dieu!


Ta louange retentit jusqu'aux extrémités de la
273
terre;
Ta droite est pleine de justice.
La montagne de Sion se réjouit,
Les filles de Juda sont dans l'allégresse,
A cause de tes jugements. ...

Voilà le Dieu qui est notre Dieu éternellement


et à jamais;
Il sera notre guide jusqu'à la mort.
(Psaumes 48:11, 12, 15)

Grâce à la foi du roi de Juda et de ses armées, «


la terreur de l'Éternel s'empara de tous les
royaumes des autres pays, lorsqu'ils apprirent que
l'Éternel avait combattu contre les ennemis d'Israël.
Et le royaume de Josaphat fut tranquille, et son
Dieu lui donna du repos de tous côtés. » (2
Chroniques 20:29, 30)

274
Chapitre 16

Ruine de la maison d'Achab

Ce chapitre est basé sur 1 Rois 21; 2 Rois 1.

L'influence néfaste exercée par Jézabel sur


Achab, dès le début de leur mariage, continua à se
faire sentir jusqu'à la fin de la vie du monarque. Il
en résulta des actes de violence et d'infamie tels
qu'on en trouve rarement dans le récit sacré. « Il n'y
a eu personne qui se soit vendu comme Achab pour
faire ce qui est mal aux yeux de l'Éternel, et
Jézabel, sa femme, l'y excitait. »

Ambitieux de nature, et encouragé par Jézabel,


Achab suivit ses mauvais penchants, et l'égoïsme le
domina entièrement. Il ne pouvait admettre qu'on
s'opposât à ses désirs; il pensait que tout ce qui lui
faisait plaisir devait lui appartenir de droit.

Ce trait déplorable qui eut une influence si


désastreuse sur le sort du royaume, sous le règne

275
des successeurs d'Achab, se révéla dans un incident
qui eut lieu alors qu'Elie était encore prophète en
Israël. A côté du palais royal se trouvait une vigne
appartenant à Naboth de Jizreel. Achab décida de
s'en emparer. Il lui proposa de l'acheter, ou de lui
donner en échange une autre vigne. « Cède-moi ta
vigne, dit-il à Naboth, pour que j'en fasse un jardin
potager, car elle est tout près de ma maison. Je te
donnerai à la place une vigne meilleure; ou, si cela
te convient, je te paierai la valeur en argent. »

Mais Naboth considérait que sa vigne avait un


prix inestimable, car elle avait appartenu à ses
pères. Il refusa donc de s'en défaire. « Que
l'Éternel, dit-il, me garde de te donner l'héritage de
mes pères! » Selon le code lévitique, on ne pouvait
se défaire d'une terre à perpétuité ni par vente, ni
par échange. Les enfants d'Israël devaient
conserver « l'héritage de la tribu de leurs pères »
(Nombres 36:7).

Le refus de Naboth rendit malade l'égoïste


monarque. « Achab rentra dans sa maison, triste et
irrité, à cause de cette parole que lui avait dite
276
Naboth de Jizreel. ... Il se coucha sur son lit,
détourna le visage, et ne mangea rien. »

Jézabel connut bientôt les détails de cet


incident. Courroucée d'apprendre que quelqu'un
avait pu refuser d'accéder à la demande du roi, elle
assura Achab que sa tristesse n'était pas justifiée. «
Est-ce bien toi maintenant, lui dit-elle, qui exerces
la souveraineté sur Israël? Lève-toi, prends de la
nourriture, et que ton cœur se réjouisse; moi, je te
donnerai la vigne de Naboth de Jizreel. »

Achab ne se soucia pas de la manière


qu'emploierait sa femme pour obtenir l'objet de sa
convoitise. Jézabel, elle, mit aussitôt ses noirs
desseins à exécution. Elle écrivit des lettres au nom
du roi, qu'elle scella de son sceau; puis, elle les
envoya aux anciens et aux magistrats de la ville où
demeurait Naboth. « Publiez un jeûne, leur disait-
elle; placez Naboth à la tête du peuple, et mettez en
face de lui deux méchants hommes qui déposeront
ainsi contre lui: Tu as maudit Dieu et le roi! Puis
menez-le dehors, lapidez-le, et qu'il meure. »

277
Cet ordre fut exécuté. « Les gens de la ville de
Naboth, les anciens et les magistrats ... agirent
comme Jézabel le leur avait ... écrit dans les lettres
qu'elle leur avait envoyées. » Alors Jézabel se
rendit auprès du roi, et lui ordonna de se lever pour
prendre possession de la vigne en question. Achab
suivit ce conseil aveuglément, sans s'inquiéter des
conséquences qui s'ensuivraient. Il alla donc
s'emparer de la propriété convoitée.

Mais il ne fut pas permis au roi, sans être


repris, de jouir d'un bien acquis par la fraude et le
crime. « La parole de l'Éternel fut adressée à Elie,
le Thischbite, en ces mots: Lève-toi, descends au-
devant d'Achab, roi d'Israël à Samarie; le voilà
dans la vigne de Naboth, où il est descendu pour en
prendre possession. Tu lui diras: Ainsi parle
l'Éternel: N'es-tu pas un assassin et un voleur? » Et
le Seigneur continua à révéler au prophète qu'il
devait prononcer contre le roi un châtiment terrible.

Elie s'empressa de délivrer le message divin à


Achab. Le monarque coupable et le messager
sévère de l'Éternel se trouvèrent à nouveau face à
278
face, cette fois dans la vigne extorquée. Effrayé,
Achab s'écria: « M'as-tu trouvé, mon ennemi? » Le
prophète répondit sans hésiter: « Je t'ai trouvé,
parce que tu t'es vendu pour faire ce qui est mal
aux yeux de l'Éternel. Voici, je vais faire venir le
malheur sur toi; je te balaierai, j'exterminerai
quiconque appartient à Achab. » Aucune
indulgence ne devait être accordée. La maison
d'Achab serait totalement détruite. « Je rendrai ta
maison semblable à la maison de Jéroboam, fils de
Nebath, et à la maison de Baescha, fils d'Achija, dit
l'Éternel par la bouche de son serviteur, parce que
tu m'as irrité et que tu as fait pécher Israël. »

Et le Seigneur ajouta au sujet de Jézabel: « Les


chiens mangeront Jézabel près du rempart de
Jizreel. Celui de la maison d'Achab qui mourra
dans la ville sera mangé par les chiens, et celui qui
mourra dans les champs sera mangé par les oiseaux
du ciel. »

Après avoir entendu ce message épouvantable,


le roi « déchira ses vêtements, il mit un sac sur son
corps, et il jeûna; il couchait avec ce sac, et il
279
marchait lentement ».

« La parole de l'Éternel fut adressée à Elie, le


Thischbite, en ces mots: As-tu vu comment Achab
s'est humilié devant moi? Parce qu'il s'est humilié
devant moi, je ne ferai pas venir le malheur
pendant sa vie; ce sera pendant la vie de son fils
que je ferai venir le malheur sur sa maison. »

Moins de trois ans plus tard, le roi Achab


trouva la mort dans la guerre contre les Syriens.
Achazia, son successeur, « fit ce qui est mal aux
yeux de l'Éternel, et il marcha dans la voie de son
père et dans la voie de sa mère, et dans la voie de
Jéroboam. ... Il servit Baal et se prosterna devant
lui, et il irrita l'Éternel, le Dieu d'Israël, comme
avait fait son père. » (1 Rois 22:52, 53) Mais le
châtiment ne tarda pas à atteindre le roi rebelle.
Une guerre désastreuse contre Moab, puis un
accident qui faillit lui coûter la vie témoignèrent de
la colère de Dieu à son égard.

Achazia tomba « par le treillis de sa chambre


haute », et il se blessa grièvement. Comme il
280
éprouvait de sérieuses inquiétudes sur son sort, il
envoya quelques-uns de ses serviteurs demander à
Baal-Zebub, dieu d'Ekron, s'il guérirait. Le dieu
d'Ekron était réputé pour sa connaissance de
l'avenir, qu'il révélait par l'intermédiaire de ses
prêtres. Des foules de gens venaient l'interroger au
sujet des événements futurs. Mais ces prédictions
provenaient du prince des ténèbres.

Les serviteurs d'Achazia rencontrèrent un


homme de Dieu qui leur ordonna de retourner vers
le roi, et de lui dire: « Est-ce parce qu'il n'y a point
de Dieu en Israël que tu envoies consulter Baal-
Zebub, dieu d'Ekron? C'est pourquoi tu ne
descendras pas du lit sur lequel tu es monté, car tu
mourras. » Et après avoir délivré son message, le
prophète disparut.

Les serviteurs tout décontenancés se hâtèrent


de retourner vers le roi, et ils lui rapportèrent les
paroles de l'homme de Dieu. Achazia leur
demanda: « Quel air avait cet homme? » Ils
répondirent: « C'était un homme vêtu de poil et
ayant une ceinture de cuir autour des reins. » Et le
281
roi s'écria: « C'est Elie, le Thischbite. » Il savait
que si celui que ses messagers avaient rencontré
était bien Elie, la sentence se réaliserait sûrement.
Désireux de détourner de lui, si possible, le
châtiment qui le menaçait, il décida de faire
chercher le prophète.

Par deux fois Achazia envoya une compagnie


de soldats pour intimider Elie; par deux fois aussi
la colère de Dieu tomba sur eux et les châtia.

Une troisième compagnie s'humilia devant le


Seigneur. En s'approchant du prophète, le capitaine
« fléchit les genoux devant Elie, et il lui dit en
suppliant: Homme de Dieu, que ma vie, je te prie,
et que la vie de ces cinquante hommes, tes
serviteurs, soit précieuse à tes yeux! »

« L'ange de l'Éternel dit à Elie: Descends avec


lui, n'aie aucune crainte de lui. Elie se leva et
descendit avec lui vers le roi. Il lui dit: Ainsi parle
l'Éternel: Parce que tu as envoyé des messagers
pour consulter Baal-Zebub, dieu d'Ekron, comme
s'il n'y avait en Israël point de Dieu dont on puisse
282
consulter la parole, tu ne descendras pas du lit sur
lequel tu es monté, car tu mourras. »

Pendant le règne de son père, Achazia avait été


témoin des œuvres merveilleuses du Très-Haut. Il
avait assisté aux terribles manifestations de la
puissance divine à l'égard du peuple apostat
d'Israël, et il s'était rendu compte de la manière
dont le Seigneur juge ceux qui refusent de se
soumettre aux exigences de sa loi. Mais il agissait
comme si ces vérités solennelles n'étaient que des
contes frivoles. Au lieu d'humilier son cœur devant
Dieu, il suivait Baal qu'il s'était finalement risqué à
consulter pendant sa maladie, se livrant ainsi au
plus audacieux des actes d'impiété. Révolté,
n'éprouvant aucun désir de se repentir, Achazia
mourut « selon la parole de l'Éternel prononcée par
Elie ».

Le récit du péché d'Achazia et de son châtiment


comporte un avertissement auquel nul ne devrait
rester indifférent. Aujourd'hui, les hommes peuvent
ne pas rendre hommage aux dieux païens, et
cependant des milliers d'entre eux adorent Satan
283
comme le fit le roi d'Israël. L'esprit d'idolâtrie
règne dans le monde, bien que sous l'influence de
la science il ait pris des formes plus raffinées et
plus séduisantes qu'à l'époque où Achazia
consultait le dieu d'Ekron. Chaque jour nous
fournit la triste preuve que la foi dans la parole
prophétique diminue, alors que la superstition et la
sorcellerie satanique captivent l'esprit des foules.

De nos jours, les mystères du culte païen sont


remplacés par des associations et des réunions
secrètes, par des séances de médiums spirites qui
ont lieu dans l'obscurité. Les révélations de ces
médiums sont reçues avec avidité par des milliers
de personnes qui refusent d'accepter la lumière de
la Parole de Dieu. Les adeptes du spiritisme
peuvent parler avec dérision des magiciens de
l'Antiquité, le grand séducteur triomphe lorsque
ceux-ci se livrent à ses artifices sous une forme
différente.

Il en est beaucoup qui frissonnent d'horreur à la


pensée de consulter des médiums spirites, alors
qu'ils sont fascinés par des formes plus agréables
284
du spiritisme. Ils se laissent séduire par les
enseignements de la science chrétienne, par le
mysticisme de la théosophie, ou d'autres religions
orientales.

Les disciples de la plupart des formes du


spiritisme prétendent posséder le pouvoir de la
guérison. Ils attribuent ce pouvoir à l'électricité, au
magnétisme, aux remèdes dits « sympathiques »,
ou aux forces latentes du cerveau de l'homme. Ils
sont nombreux ceux qui, à notre époque, vont
consulter ces guérisseurs, au lieu de mettre leur
confiance dans le Dieu vivant, ou dans l'habileté de
médecins qualifiés. La mère qui veille auprès du lit
de son enfant malade s'écrie: « Je ne puis plus rien
faire! N'y a-t-il aucun médecin qui soit capable de
le guérir? » On lui a parlé de cures merveilleuses
opérées par certains guérisseurs, certains
magnétiseurs, et elle confie son enfant bien-aimé
aux soins de l'un d'entre eux, le plaçant ainsi entre
les mains de Satan aussi sûrement que si cet
ennemi était auprès d'elle. Dans de nombreux cas,
il arrive que l'enfant continue à être sous le contrôle
d'une puissance satanique, qu'il ne semble pas
285
possible de vaincre.

Dieu avait des raisons pour être mécontent de


l'impiété d'Achazia. Que n'avait-il pas fait pour
gagner le peuple d'Israël, et l'engager à se confier
en lui? Pendant des années, il lui avait donné des
preuves de sa bonté et de son amour
incomparables. Dès les origines, il avait montré
qu'il trouvait son « bonheur parmi les fils de
l'homme » (Proverbes 8:31). Il avait été un secours
pour tous ceux qui le recherchaient sincèrement. Et
cependant, le roi d'Israël se détourna de l'Éternel
pour chercher un appui auprès du plus grand
ennemi de son peuple. Il déclara aux païens qu'il se
confiait davantage dans leurs idoles que dans le
Dieu du ciel. Aujourd'hui, les hommes déshonorent
le Seigneur de la même manière, en se détournant
de la source de la sagesse et de la puissance pour
demander aide et conseil aux forces ténébreuses. Si
la colère divine s'alluma par l'acte d'impiété
d'Achazia, à combien plus forte raison ne
s'allumera-t-elle pas contre nous, qui avons de plus
grandes lumières que ce roi et qui suivons
cependant une voie identique à la sienne.
286
Ceux qui s'adonnent à la sorcellerie diabolique,
peuvent se vanter d'en avoir reçu un grand bien;
mais est-ce la preuve que leur conduite est sage ou
sûre? Qu'importe si la vie est prolongée; qu'importe
si les biens temporels sont assurés. Quel profit en
tirera-t-on finalement si l'on méprise la volonté
divine? Tous ces avantages apparents s'avéreront
comme autant de pertes irréparables. Ce n'est pas
impunément que nous pouvons renverser l'unique
barrière que le Seigneur a dressée pour mettre son
peuple à l'abri des atteintes de Satan.

Achazia n'ayant pas de fils, ce fut Joram, son


frère, qui lui succéda. Il régna pendant douze ans
sur les dix tribus d'Israël. Sa mère, Jézabel, qui
vivait encore, continua d'exercer sa mauvaise
influence sur les affaires de la nation. De
nombreuses personnes pratiquaient toujours les
coutumes idolâtres. Joram lui-même « fit ce qui est
mal aux yeux de l'Éternel, non pas toutefois
comme son père et comme sa mère. Il renversa les
statues de Baal que son père avait faites; mais il se
livra aux péchés de Jéroboam, fils de Nebath, qui
287
avait fait pécher Israël, et il ne s'en détourna point.
» (2 Rois 3:2, 3)

C'est sous le règne de Joram que mourut


Josaphat. Son fils qui s'appelait aussi Joram monta
sur le trône de Juda. Par son mariage avec la fille
d'Achab et de Jézabel, il était apparenté au roi
d'Israël. Il pratiqua le culte de Baal « comme avait
fait la maison d'Achab. ... Joram fit même des
hauts lieux dans les montagnes de Juda; il poussa
les habitants de Jérusalem à la prostitution, et il
séduisit Juda. » (2 Chroniques 21:6, 11)

Mais l'apostasie de Juda ne devait pas se


prolonger sans recevoir son châtiment. Le prophète
Elie n'avait pas encore été enlevé. Comment aurait-
il pu garder le silence, alors que le royaume
s'adonnait aux pratiques mêmes qui avaient amené
la perte d'Israël? Il envoya donc un message
contenant de terribles menaces contre le roi et
contre son peuple.

« Ainsi parle l'Éternel, le Dieu de David, ton


père, disait-il. Parce que tu n'as pas marché dans
288
les voies de Josaphat, ton père, et dans les voies
d'Asa, roi de Juda, mais que tu as marché dans la
voie des rois d'Israël; parce que tu as entraîné à la
prostitution Juda et les habitants de Jérusalem,
comme l'a fait la maison d'Achab à l'égard d'Israël;
et parce que tu as fait mourir tes frères, meilleurs
que toi, la maison même de ton père; voici,
l'Éternel frappera ton peuple d'une grande plaie, tes
fils, tes femmes, et tout ce qui t'appartient; et toi, il
te frappera d'une maladie violente, d'une maladie
d'entrailles, qui augmentera de jour en jour jusqu'à
ce que tes entrailles sortent par la force du mal. »

Pour accomplir cette prophétie, « l'Éternel


excita contre Joram l'esprit des Philistins et des
Arabes qui sont dans le voisinage des Ethiopiens.
Ils montèrent contre Juda, y firent une invasion,
pillèrent toutes les richesses qui se trouvaient dans
la maison du roi, et emmenèrent ses fils et ses
femmes, de sorte qu'il ne lui resta d'autre fils que
Joachaz, le plus jeune de ses fils. Après tout cela,
l'Éternel le frappa d'une maladie d'entrailles qui
était sans remède; elle augmenta de jour en jour, et
sur la fin de la seconde année les entrailles de
289
Joram sortirent par la force de son mal. Il mourut
dans de violentes souffrances. ... Et Achazia, son
fils, régna à sa place. » (2 Chroniques 21:12-19; 2
Rois 8:24)

Joram, fils d'Achab, régnait encore sur Israël


quand son neveu Achazia monta sur le trône de
Juda. Achazia ne régna qu'une année, au cours de
laquelle il subit la néfaste influence de sa mère
Athalie, qui lui donnait « des conseils impies ». «
Et il marcha dans les voies de la maison d'Achab.
... Il fit ce qui est mal aux yeux de l'Éternel. » (2
Chroniques 22:3, 4; 2 Rois 8:27) Jézabel, sa grand-
mère, vivait encore. Mal conseillé, le roi s'allia
imprudemment avec Joram, roi d'Israël, son oncle.
Achazia allait, d'ailleurs, bientôt connaître une fin
tragique. Les survivants de la maison d'Achab
furent « de vrais conseillers pour sa perte » (2
Chroniques 22:3, 4). Au cours d'une visite
qu'Achazia rendait à son oncle à Jizreel, le
Seigneur ordonna au prophète Elisée d'envoyer l'un
des fils des prophètes à Ramoth en Galaad, pour
oindre Jéhu, roi d'Israël. Les armées alliées de Juda
et d'Israël combattaient à ce moment-là à Ramoth,
290
en Galaad. Le roi Joram fut blessé au cours d'une
bataille, et il retourna à Jizreel, abandonnant à Jéhu
la charge des armées.

En oignant Jéhu, le messager d'Elisée avait


déclaré: « Je t'oins roi d'Israël, du peuple de
l'Éternel. » Il avait ensuite solennellement confié à
Jéhu une mission de la part de Dieu: « Tu frapperas
la maison d'Achab, ton maître, et je vengerai sur
Jézabel le sang de mes serviteurs les prophètes et le
sang de tous les serviteurs de l'Éternel. Toute la
maison d'Achab périra. » (2 Rois 9:6-8)

Après avoir été proclamé roi par l'armée, Jéhu


se hâta de retourner à Jérusalem, où il commença à
exécuter les ordres qui lui avaient été donnés
concernant ceux qui s'étaient livrés au péché tout
en égarant le peuple. Joram, roi d'Israël, Achazia,
roi de Juda, et Jézabel, la reine-mère, et « tous ceux
qui restaient dans la maison d'Achab à Jizreel, tous
ses grands, ses familiers et ses ministres » furent
massacrés, « sans en laisser échapper un seul ». «
Tous les prophètes de Baal, tous ses serviteurs et
tous ses prêtres » qui demeuraient au centre du
291
culte de Baal, près de Samarie, furent exterminés.
Les statues et les idoles furent brisées et brûlées, le
temple démoli: « Ainsi Jéhu extermina Baal du
milieu d'Israël. » (2 Rois 10:11, 19, 28)

La nouvelle de cette extermination parvint aux


oreilles d'Athalie, fille de Jézabel, qui régnait
encore en souveraine dans le royaume de Juda.
Lorsqu'elle apprit que son fils était mort, « elle se
leva et fit périr toute la race royale ». Tous les
descendants de David, prétendants au trône,
moururent dans ce massacre, à l'exception d'un
bébé nommé Joas, que la femme du grand prêtre
Jéhojada cacha dans la maison de Dieu. L'enfant
resta ainsi caché pendant six ans, alors qu'Athalie «
régnait dans le pays » (2 Chroniques 22:10, 12).
Lorsqu'il eut sept ans, « les Lévites et tout Juda »
(2 Chroniques 23:8) s'entendirent avec Jehojada, le
grand prêtre, pour couronner et oindre Joas, qu'ils
proclamèrent roi. « Et frappant des mains, ils
dirent: Vive le roi! » (2 Rois 11:12)

« Athalie entendit le bruit du peuple accourant


et célébrant le roi, et elle vint vers le peuple à la
292
maison de l'Eterne. » (2 Chroniques 23:12) « Et
voici, le roi se tenait sur l'estrade, selon l'usage; les
chefs et les trompettes étaient près du roi: tout le
peuple du pays était dans la joie, et l'on sonnait des
trompettes. Athalie déchira ses vêtements, et cria:
Conspiration! Conspiration! » (2 Rois 11:14) Mais
Jehojada ordonna aux officiers de l'armée de se
saisir d'Athalie et de tous ceux qui la suivaient;
puis de les faire sortir du temple pour les conduire
au lieu d'exécution où ils furent massacrés.

Ainsi périt le dernier membre de la maison


d'Achab. Les terribles maux engendrés par
l'alliance d'Achab et de Jézabel sévirent jusqu'au
moment où disparut la dernière descendante de
cette maison. Athalie était arrivée en effet à
entraîner dans l'idolâtrie de nombreuses personnes,
même dans ce pays de Juda où le culte du vrai Dieu
n'avait jamais été rejeté d'une façon formelle.

Immédiatement après l'exécution de la reine


impénitente, « tout le peuple du pays entra dans la
maison de Baal, et ils la démolirent; ils brisèrent
entièrement ses autels et ses images, et ils tuèrent
293
devant les autels Matthan, prêtre de Baal » (2 Rois
11:18).

Une heureuse réforme s'ensuivit. Ceux qui


avaient participé à l'accession de Joas au trône
traitèrent une alliance solennelle, « par laquelle ils
devaient être le peuple de l'Éternel ». Et maintenant
que la néfaste influence de la fille de Jézabel ne se
faisait plus sentir en Juda, que les prêtres de Baal
avaient été massacrés et leur temple détruit, « tout
le peuple du pays se réjouissait, et la ville était
tranquille » (2 Chroniques 23:16, 21).

294
Chapitre 17

L'appel d'Élisée

Dieu avait ordonné à Elie d'oindre un autre


prophète à sa place. « Tu oindras, lui avait-il dit,
Elisée, fils de Schaphath ... pour prophète à ta
place. » (1 Rois 19:16) Obéissant à cette
injonction, le prophète partit à la recherche
d'Elisée. Et alors qu'il se dirigeait vers le nord, il
admirait le spectacle qui s'offrait à ses yeux.
Comme le paysage s'était transformé en peu de
temps! Le sol desséché, les champs incultes avaient
fait place à un site riant. La végétation s'étalait de
toute part comme pour se rattraper de la sécheresse
et de la famine qui avaient sévi au cours des trois
ans et demi où il n'était tombé ni rosée, ni pluie.

Le père d'Elisée était un riche propriétaire


terrien. Les gens de sa maison faisaient partie des
fidèles qui n'avaient pas fléchi le genou devant
Baal, au moment où l'apostasie régnait presque
universellement dans le pays. Là, on honorait le

295
Seigneur et on obéissait strictement aux préceptes
divins, préceptes qui servaient de règle à la vie
quotidienne. C'est dans cette atmosphère qu'Elisée
vécut ses premières années. Dans le calme de la vie
champêtre, il reçut les enseignements de Dieu et de
la nature, tout en étant soumis à la discipline du
travail. On l'habitua à observer la simplicité,
l'obéissance aux parents et au Seigneur, ce qui lui
permit d'assumer par la suite les plus grandes
responsabilités.

L'appel prophétique parvint à Elisée alors qu'il


labourait les champs avec les domestiques de son
père. Le futur prophète possédait à la fois les
capacités d'un chef et l'humilité d'un serviteur.
Doué d'un esprit de douceur et de paix, il savait
néanmoins être ferme et énergique. Il se
caractérisait par son intégrité, sa fidélité, son amour
et sa crainte de Dieu. Dans l'humble cadre de son
labeur quotidien, il acquit un caractère noble et
résolu, tandis qu'il croissait en grâce et en
connaissance. Tout en collaborant avec son père
aux travaux domestiques, il apprenait à collaborer
avec Dieu.
296
La fidélité témoignée par Elisée dans les petites
choses le préparait à de plus grandes. Chaque jour
il acquérait dans son travail l'expérience nécessaire
pour une œuvre plus vaste et plus noble. Il
apprenait à servir et, en servant, à instruire et à
conduire les hommes. Sa vie comporte pour nous
une leçon précieuse. Nul ne connaît les desseins de
Dieu dans la discipline qu'il nous impose. Mais
nous pouvons avoir l'assurance que la fidélité dans
les petites choses est la preuve que nous arriverons
à assumer de plus grandes responsabilités.

Le caractère se révèle dans tous les actes de la


vie quotidienne, et seul celui qui se montre « un
ouvrier qui n'a point à rougir » (2 Timothée 2:15),
sera honoré par le Seigneur dans l'accomplissement
d'une noble tâche. L'homme qui croit que
l'exécution des devoirs de moindre importance ne
tire pas à conséquence ne se montre pas digne
d'occuper une situation plus honorable. Il peut
s'estimer très compétent pour assumer de grandes
tâches, mais Dieu en juge autrement; il voit au fond
des choses et non superficiellement. Après l'avoir
297
éprouvé, il lui adresse cette sentence: « Tu as été
pesé dans la balance et tu as été trouvé trop léger. »
Son infidélité se retourne contre lui; il ne reçoit ni
la grâce, ni la force, ni la fermeté que le Seigneur
accorde à ceux qui se soumettent entièrement à sa
volonté.

D'aucuns qui ne sont pas engagés dans l'œuvre


du Maître s'imaginent que leur vie est inutile, qu'ils
ne font rien pour l'avancement du règne de Dieu.
Avec quelle joie ils se chargeraient d'une tâche
importante! Et parce qu'ils ne sont utiles que dans
des travaux secondaires, ils se croient autorisés à
ne rien faire. Ils font complètement fausse route en
agissant de la sorte. Un homme est actif au service
de Dieu lorsqu'il accomplit sa tâche de tous les
jours: soit qu'il abatte un arbre, qu'il défriche son
champ ou suive sa charrue. La mère de famille qui
élève son enfant pour le Christ fait un travail pour
le Seigneur tout aussi important que celui du
pasteur.

Certains chrétiens voudraient posséder des dons


spéciaux pour accomplir un travail remarquable. Ils
298
en arrivent ainsi à perdre de vue les devoirs de la
vie quotidienne, devoirs qui offriraient une saveur
charmante s'ils étaient accomplis fidèlement. Que
ces chrétiens-là fassent le travail placé sur leur
chemin. Le succès d'une entreprise dépend
beaucoup moins du talent que de l'énergie et de la
volonté. Pour faire un travail profitable, il n'est pas
nécessaire d'avoir des dons exceptionnels; il suffit
d'accomplir consciencieusement la tâche de chaque
jour. Il faut en outre posséder un esprit de
contentement et s'intéresser sincèrement au bien du
prochain. On peut trouver la perfection dans la
destinée la plus humble. Les besognes les plus
banales dont on s'acquitte avec amour sont belles
aux yeux du Seigneur.

Alors qu'il cherchait son successeur, Elie, guidé


par l'Esprit, traversa le champ où labourait Elisée,
et il jeta sur les épaules du jeune homme son
manteau de prophète. Pendant la famine, la famille
de Schaphath avait été au courant de l'œuvre et de
la mission d'Elie. Or, maintenant, l'Esprit de Dieu
pénétrait le cœur d'Elisée et lui montrait la
signification du geste d'Elie. C'était pour lui le
299
signe que le Seigneur l'appelait à succéder au
prophète. Il quitta ses bœufs, « courut après Elie, et
dit: Laisse-moi embrasser mon père et ma mère, et
je te suivrai. Elie lui répondit: Va, et reviens; car
pense à ce que je t'ai fait. » (1 Rois 19:20, 21)

Elisée ne repoussait pas l'appel d'Elie; mais sa


foi était mise à l'épreuve. Il devait réfléchir à ce
que cela lui coûterait, et décider s'il accepterait ou
refuserait cet appel. S'il désirait rester attaché à la
maison paternelle et aux avantages qu'elle lui
offrait, il était libre de le faire. Mais Elisée comprit
ce que lui demandait Elie; il savait que c'était Dieu
qui l'avait dicté, aussi n'hésita-t-il pas un seul
instant à obéir. Aucun avantage au monde n'aurait
pu l'empêcher de saisir l'occasion de devenir un
messager du Seigneur ou de jouir du privilège de
collaborer avec le prophète. Il revint « prendre une
paire de bœufs, qu'il offrit en sacrifice; avec
l'attelage des bœufs, il fit cuire leur chair, et la
donna à manger au peuple. Puis, il se leva, suivit
Elie, et fut à son service31 Rois 19:20, 21. » Ainsi,
sans hésitation, le jeune homme quitta le foyer où il
était tendrement aimé pour suivre le prophète dans
300
sa vie mouvementée.

Si Elisée avait demandé à Elie ce qu'il attendait


de lui — quel serait son travail — le prophète lui
aurait répondu: « Dieu le sait. Il te le fera
connaître. Si tu te confies en lui, il répondra à
toutes tes questions. Si tu as la preuve qu'il t'a
appelé, tu peux me suivre. Mais sache que le
Maître se tient derrière moi et que c'est sa voix que
tu as entendue. Si, pour gagner la faveur du ciel, tu
considères tout comme de la boue, alors viens! »

L'appel adressé à Elisée ressemblait à la


réponse du Christ au jeune homme riche, lorsque
celui-ci lui posa cette question: « Maître, que dois-
je faire de bon pour avoir la vie éternelle? » « Si tu
veux être parfait, lui répondit le Christ, va, vends
ce que tu possèdes, donne-le aux pauvres, et tu
auras un trésor dans le ciel. Puis viens, et suis-moi.
» (Matthieu 19:16, 21, 22)

Elisée accepta donc l'appel qui le conviait à


servir le Maître. Il le fit sans jeter un regard en
arrière sur les plaisirs ou le bienêtre qu'il quittait.
301
Le jeune homme riche, lui, après avoir entendu les
paroles du Sauveur, « s'en alla tout triste, car il
avait de grands biens4Matthieu 19:16, 21, 22 ». Il
refusait de faire les sacrifices nécessaires; l'amour
qu'il éprouvait pour ses richesses dépassait celui
qu'il avait pour le Seigneur. En ne voulant pas tout
quitter pour le Christ, il se révélait indigne de le
servir.

Cet appel qui nous invite à tout placer sur


l'autel du service s'adresse à chacun de nous. Il ne
nous est pas demandé de servir comme Elisée, ni
de vendre tous nos biens, mais d'offrir au Seigneur
la première place dans nos vies, et par conséquent
de ne laisser passer aucune journée sans faire
quelque chose pour l'avancement de son règne.
Nous ne sommes pas tous appelés au même travail.
L'un devra peut-être partir en pays étranger, l'autre
sera appelé à soutenir financièrement l'œuvre
évangélique. Mais le Seigneur accepte le don de
chacun. Ce qui compte, c'est la consécration de nos
vies et de tout ce qui s'y rattache. Ceux qui y
parviennent entendront l'appel divin et lui obéiront.

302
A tous ceux qui deviennent participants de sa
grâce, Dieu assigne une tâche en faveur des autres.
Où que nous soyons, nous devons dire au Seigneur:
« Me voici, envoie-moi! » Ministre de l'Évangile,
médecin, commerçant, agriculteur, fonctionnaire,
ouvrier, chacun a une responsabilité à assumer,
chacun doit communiquer aux autres le message du
salut. Quelle que soit la tâche qui nous est dévolue,
elle est un moyen pour atteindre ce but.

Au début de son ministère, Elisée n'eut pas à


faire une grande œuvre. Il devait s'occuper de
travaux ordinaires. Il est dit qu'il versait de l'eau sur
les mains de son maître, Elie. Mais il était prêt à
accomplir tout ce que le Seigneur lui demandait, et
il apprenait jour après jour à servir dans l'humilité.
Serviteur du prophète, il s'appliquait à être fidèle
dans les petites choses tout en se préparant à la
grande mission que le Seigneur lui confiait.

Après s'être joint à Elie, Elisée ne fut pas


exempt de tentations. Les épreuves ne lui
manquèrent pas; mais il ne cessait de se confier en
Dieu. Il pensait tout naturellement à ce qu'il avait
303
quitté en partant de la maison, mais cette tentation
ne le retenait pas. Il avait mis la main à la charrue,
il ne reviendrait pas en arrière. Il se montra donc
fidèle à sa mission, malgré les épreuves et les
difficultés.

Le ministère évangélique ne se limite pas à la


prédication de la Parole de Dieu. Il comprend
l'éducation des jeunes, comme celle qu'Elie donna
à Elisée. Il faut arracher ces jeunes à leur tâche
ordinaire pour leur confier des responsabilités dans
l'œuvre de Dieu. Ces responsabilités, d'abord
légères, grandiront à mesure qu'ils acquerront des
forces spirituelles et de l'expérience.

Il est, dans le ministère évangélique, des


hommes de foi et de prière, qui peuvent dire: « Ce
qui était dès le commencement, ce que nous avons
entendu, ce que nous avons vu de nos yeux, ce que
nous avons contemplé et que nos mains ont touché,
concernant la parole de vie ... ce que nous avons vu
et entendu, nous vous l'annonçons. » (1 Jean 1:1, 3)
Les jeunes serviteurs de Dieu inexpérimentés
doivent être entraînés à collaborer avec ces
304
hommes-là. Ils apprendront alors comment
s'acquitter de leurs responsabilités.

Ceux qui se chargent de former ces jeunes au


service du Maître ont une noble tâche. Le Seigneur
lui-même collabore avec eux. Il faut que ceux qui
ont le privilège d'être associés avec de fidèles
ouvriers du Maître, en tirent le plus grand profit.
Qu'ils n'oublient pas que Dieu les a honorés en les
choisissant pour ses messagers et en les plaçant
dans les conditions voulues pour être formés en
vue de leur tâche. Qu'ils fassent preuve d'humilité,
de fidélité, d'obéissance et d'esprit de sacrifice. S'ils
se soumettent à la discipline du Seigneur, s'ils
suivent ses directives, s'ils profitent des conseils
qui leur sont donnés, ils deviendront des hommes
aux principes fermes et nobles. Dieu pourra alors
leur confier des charges importantes.

Si l'Évangile est prêché dans sa pureté, on verra


des hommes quitter leurs champs ou les affaires
commerciales qui les accaparent. Formés par des
hommes de Dieu expérimentés, ils apprendront à
travailler pour le Maître avec efficacité, et ils
305
prêcheront la vérité avec puissance. Grâce à la
merveilleuse intervention de la Providence, les
montagnes de difficultés qui se dressent devant eux
seront jetées dans la mer. Le message divin dont
l'importance est grande pour l'humanité sera
entendu et compris par les hommes. Ceux-ci
connaîtront la vérité. L'œuvre de Dieu progressera
sans cesse jusqu'à ce que le monde entier ait
entendu l'Évangile. Alors viendra la fin.

Après son appel, Elisée suivit pendant plusieurs


années le prophète Elie. C'est ainsi que le jeune
homme se préparait pour l'œuvre qui l'attendait.
Elie avait été l'instrument employé par le Seigneur
pour supprimer de terribles fléaux. L'idolâtrie
favorisée par Achab et Jézabel, cette reine païenne,
avait gagné toute la nation. Elie réussit à lui porter
un coup décisif. Les prophètes de Baal avaient été
massacrés, les habitants d'Israël profondément
remués. La plupart revenaient au vrai Dieu.
Comme successeur d'Elie, Elisée devait, par son
enseignement patient et méthodique, essayer de
guider la nation israélite dans de sûrs sentiers. En
collaborant avec Elie, le plus grand des prophètes
306
depuis Moïse, il se préparait à la tâche qu'il serait
bientôt seul à assumer.

Au cours de ces années de collaboration étroite,


Elie fut parfois appelé à réprouver le péché. Quand
Achab s'empara de la vigne de Naboth, ce fut la
voix d'Elie qui prophétisa la ruine du roi et de sa
maison. Et quand Achazia, après la mort de son
père Achab, se détourna du Dieu vivant pour suivre
Baal-Zebub, dieu d'Ekron, ce fut encore la voix
d'Elie qui se fit entendre pour protester
énergiquement.

Les écoles des prophètes créées par Samuel


avaient disparu au cours des années d'apostasie qui
sévirent en Israël. Elie rétablit ces écoles, qui
permettaient aux jeunes gens de se former pour
magnifier la loi et la faire honorer. Le récit sacré
mentionne trois de ces écoles, une à Guilgal, une
deuxième à Béthel et une troisième à Jéricho.
Immédiatement avant son enlèvement au ciel, Elie
visita avec Elisée un de ces centres d'éducation. Il
répéta à ces jeunes serviteurs du Maître les leçons
qu'il leur avait enseignées au cours de ses visites
307
précédentes. Il les entretint tout particulièrement de
l'immense privilège qu'ils possédaient en restant
fidèles au Seigneur. Il leur parla de l'importance de
la simplicité qui devait caractériser chaque détail
de leur éducation. Ce n'était qu'ainsi qu'ils
pourraient être façonnés sur le modèle divin et
seraient prêts à travailler pour le Seigneur.

Elie se réjouissait de constater les résultats


obtenus par ces écoles. La réforme entreprise
n'était pas encore complète, mais il pouvait vérifier
dans tout le royaume l'accomplissement de la
parole du Seigneur: « Je laisserai en Israël sept
mille hommes, tous ceux qui n'ont point fléchi les
genoux devant Baal. » (1 Rois 19:18)

Alors qu'Elisée accompagnait le prophète dans


ses visites d'école en école, sa foi et son courage
furent mis à rude épreuve. A Guilgal, à Béthel, à
Jéricho, il fut invité par le prophète à ne plus
l'accompagner. « Reste ici, je te prie, lui dit Elie,
car l'Éternel m'envoie jusqu'à Béthel. » Mais,
lorsqu'il apprenait à labourer, Elisée ne se laissait
pas aller au découragement. Maintenant qu'il s'était
308
engagé dans une autre voie, il poursuivrait
résolument le but qu'il s'était tracé. Il ne se
séparerait pas de son maître aussi longtemps qu'il
pourrait se perfectionner auprès de lui en vue de
son travail. Elie ignorait que son enlèvement avait
été révélé aux élèves des écoles de prophètes, et en
particulier à Elisée. Accablé de tristesse, le
serviteur de l'homme de Dieu se tenait maintenant
tout près de lui. Chaque fois qu'il l'invitait à le
quitter, il répondait: « L'Éternel est vivant et ton
âme est vivante! Je ne te quitterai point. »

« Et ils poursuivirent tous deux leur chemin ...


et ils s'arrêtèrent au bord du Jourdain. Alors Elie
prit son manteau, le roula, et en frappa les eaux qui
se partagèrent çà et là, et ils passèrent tous deux à
sec. Lorsqu'ils eurent passé, Elie dit à Elisée:
Demande ce que tu veux que je fasse pour toi,
avant que je sois enlevé d'avec toi. »

Elisée ne demanda ni les honneurs de ce


monde, ni une place de choix parmi les grands. Ce
qu'il désirait par-dessus tout, c'était une abondante
mesure de l'Esprit que le Seigneur avait répandu si
309
largement sur le prophète qui allait le quitter. Il
savait que seul l'Esprit qui reposait sur Elie pourrait
le préparer à s'acquitter de la tâche qui lui était
confiée. Il demanda donc à Elie: « Qu'il y ait sur
moi, je te prie, une double portion de ton esprit! »
Elie répondit: « Tu demandes une chose difficile.
Mais si tu me vois pendant que je serai enlevé
d'avec toi, cela t'arrivera ainsi; sinon, cela
n'arrivera pas. Comme ils continuaient à marcher
en parlant, voici, un char de feu et des chevaux de
feu les séparèrent l'un de l'autre, et Elie monta au
ciel dans un tourbillon. » (2 Rois 2:1-11)

Elie est un type des saints qui vivront à la


seconde venue du Christ, et seront « changés, en un
instant, en un clin d'œil, à la dernière trompette » (1
Corinthiens 15:51, 52), sans connaître la mort.
C'est comme représentant de ceux qui seront
enlevés au dernier jour que, vers la fin du ministère
du Sauveur, il se tint avec Moïse près de lui sur la
montagne de la transfiguration. Dans ces deux
hommes de Dieu glorifiés, les disciples virent en
miniature le royaume des rachetés. Ils
contemplèrent Jésus revêtu de la lumière céleste, et
310
ils entendirent la « voix qui sortait de la nuée »
(Luc 9:35) le proclamant Fils de Dieu. Ils virent
Moïse représentant ceux qui ressusciteront à la
seconde venue du Christ. Ils virent Elie
représentant ceux qui, à la fin de l'histoire de ce
monde, revêtiront l'immortalité et seront enlevés au
ciel sans passer par la mort.

Au désert, en proie à la solitude et au


découragement, Elie en avait assez de la vie, et il
désirait mourir. Mais le Seigneur, dans sa
miséricorde, ne l'écouta pas. Il restait encore au
prophète une grande œuvre à accomplir. Cette
œuvre achevée, le prophète ne devait pas mourir
dans l'abandon. Il ne devait même pas connaître la
descente dans la tombe, mais l'ascension avec les
anges dans la gloire céleste.

« Elisée regardait et criait: Mon père! mon


père! Char d'Israël et sa cavalerie! Et il ne le vit
plus. Saisissant alors ses vêtements, il les déchira
en deux morceaux, et il releva le manteau qu'Elie
avait laissé tomber. Puis il retourna, et s'arrêta au
bord du Jourdain; il prit le manteau qu'Elie avait
311
laissé tomber, et il en frappa les eaux, et dit: Où est
l'Éternel, le Dieu d'Elie? Lui aussi, il frappa les
eaux, qui se partagèrent çà et là, et Elisée passa.
Les fils des prophètes qui étaient à Jéricho, vis-à-
vis, l'ayant vu, dirent: L'esprit d'Elie repose sur
Elisée! Et ils allèrent à sa rencontre, et se
prosternèrent contre terre devant lui. » (2 Rois
2:12-15)

Lorsque le Seigneur juge que le temps est venu


de relever de leurs fonctions les serviteurs à qui il a
accordé la sagesse, il soutient et fortifie leurs
successeurs, à condition toutefois qu'ils lui
demandent son aide et marchent dans ses voies. Ils
peuvent faire preuve de plus de sagesse encore que
leurs prédécesseurs, car ils sont en mesure de
profiter de leur expérience et de leurs erreurs.

Désormais Elisée remplacera Elie. Celui qui


avait été fidèle dans les petites choses allait aussi
faire preuve de fidélité dans les grandes.

312
Chapitre 18

Élisée assainit les eaux du


Jourdain

À l'époque des patriarches, la plaine du


Jourdain était « entièrement arrosée. ... C'était ...
comme un jardin de l'Éternel. » C'est là que Lot «
dressa ses tentes jusqu'à Sodome » (Genèse 13:10,
12).

Lorsque les villes de la plaine furent détruites,


toute la région environnante fut transformée en un
lieu désolé, qui confine depuis au désert de Judée.

Une partie de cette plaine riante subsiste


cependant, avec ses sources et ses cours d'eau
vivifiants, pour réjouir le cœur de l'homme. C'est
dans cette plaine où abondaient les champs de
céréales, les palmeraies, les vergers plantureux, que
campèrent les armées d'Israël après avoir traversé
le Jourdain. C'est là que, pour la première fois, les
Israélites mangèrent les fruits de la terre promise.
313
Devant eux se dressaient alors les murailles de
Jéricho, forteresse païenne, centre du culte
d'Astarté, qui revêtait les formes les plus abjectes
et les plus dégradantes de l'idolâtrie cananéenne.
Les murailles de cette ville furent bientôt
renversées, et les habitants massacrés. C'est alors
que fut faite en présence de tout Israël cette
déclaration solennelle: « Maudit soit devant
l'Éternel l'homme qui se lèvera pour rebâtir cette
ville de Jéricho! Il en jettera les fondements au prix
de son premier-né, et il en posera les portes au prix
de son plus jeune fils. » (Josué 6:26)

Cinq siècles plus tard, ce lieu était toujours


désolé, maudit par le Seigneur. Les cours d'eau
même, qui prenaient leurs sources dans cette partie
de la plaine, et dont les effets étaient si désirés,
souffraient de cette malédiction. Mais à l'époque de
l'apostasie d'Achab, lorsque fut ranimé le culte
d'Astarté, sous l'influence de Jézabel, Jéricho,
ancien centre de ce culte, fut rebâtie malgré le prix
effroyable que dut y mettre le constructeur. Le récit
sacré nous dit: « Hiel de Béthel bâtit Jéricho; il en
jeta les fondements au prix d'Abiram, son premier-
314
né, et il en posa les portes au prix de Segub, son
plus jeune fils, selon la parole que l'Éternel avait
dite par Josué. » (1 Rois 16:34)

Non loin de Jéricho, blottie dans les vergers


ombragés, se trouvait une école de prophètes. C'est
là que se rendit Elisée après l'enlèvement d'Elie.
Pendant le séjour du prophète dans cette école, les
gens de Jéricho vinrent lui dire: « Voici, le séjour
de la ville est bon, comme le voit mon seigneur;
mais les eaux sont mauvaises, et le pays est stérile.
» La source qui jadis donnait une eau pure et
vivifiante, et qui suffisait amplement à alimenter la
ville et ses environs, était maintenant impropre à la
consommation.

Elisée répondit à la requête de ces gens: «


Apportez-moi un plat neuf, et mettez-y du sel. » Et
lorsqu'on le lui eut apporté, « il alla vers la source
des eaux, et il y jeta du sel, et dit: Ainsi parle
l'Éternel: J'assainis ces eaux; il n'en proviendra plus
ni mort, ni stérilité. » (2 Rois 2:19-21)

L'assainissement des eaux de Jéricho ne fut pas


315
opéré par la sagesse d'un homme, mais par la
miraculeuse intervention du Seigneur. Ceux qui
avaient rebâti cette ville n'étaient pas dignes de la
faveur divine; cependant, celui qui « fait lever son
soleil sur les méchants et sur les bons, et fait
pleuvoir sur les justes et sur les injustes »
(Matthieu 5:45), jugea propice de révéler par ce
miracle, témoignage de sa compassion, son désir de
guérir Israël de ses maladies spirituelles.

Cette purification fut définitive. « Les eaux


furent assainies, jusqu'à ce jour, selon la parole
qu'Elisée avait prononcée. » (2 Rois 2:22) Elles
n'ont cessé, en effet, de couler depuis des siècles,
transformant ainsi cette partie de la plaine de Judée
en une merveilleuse oasis.

Le récit de l'assainissement des eaux de Jéricho


comporte de nombreux enseignements spirituels.
Le plat neuf, le sel, la source, tout cela a un sens
symbolique de haute valeur.

En jetant du sel dans la source impure, Elisée


donnait aux hommes une leçon semblable à celle
316
du Sauveur, lorsqu'il disait à ses disciples: « Vous
êtes le sel de la terre. » (Matthieu 5:13) Le sel
mélangé aux eaux polluées les purifia, et celles-ci
dispensèrent désormais vie et bénédiction là où ne
se trouvaient que mort et désolation. Lorsque le
Seigneur compare ses enfants au sel, il veut dire
qu'en en faisant les objets de sa grâce, ils
contribueront au salut de leur prochain.

Le but de Dieu en choisissant un peuple entre


tous n'était pas seulement d'adopter des fils et des
filles, mais de se servir d'eux pour communiquer au
monde la grâce qui apporte le salut. Lorsque le
Seigneur choisit Abraham, ce n'était pas
simplement pour en faire un ami particulier, mais
pour que, par son moyen, les privilèges qu'il
destinait aux nations leur fussent accordés. Ce que
le monde réclame, ce sont des preuves d'un
christianisme authentique. Le poison du péché
exerce ses ravages au sein de la société. Les villes
et les villages sont submergés par le vice et
l'immoralité. La maladie, la souffrance, l'iniquité
abondent partout. De toute part, on voit des
hommes harcelés par la misère et la détresse,
317
accablés par le sentiment de leur culpabilité et
courant à leur perte, faute d'une influence
salvatrice. Ils connaissent l'Évangile, et cependant
ils périssent parce que l'exemple de ceux qui
devraient leur communiquer « une odeur de vie
donnant la vie » ne leur apporte que la mort. Leur
âme s'abreuve d'amertume, car les sources qui
devraient jaillir pour produire les eaux de la vie
éternelle sont des fontaines empoisonnées.

Le sel doit être mélangé à la substance à


laquelle on l'incorpore; il faut qu'il la pénètre,
l'imbibe pour en garantir la conservation. De
même, un contact personnel est indispensable, pour
que les hommes puissent être atteints par la
puissance salvatrice de l'Évangile. On n'est pas
sauvé collectivement, mais individuellement.
L'influence personnelle est une force; l'exercer à
bon escient, c'est collaborer avec le Christ, c'est
relever les âmes que le Christ relève, c'est
inculquer de nobles principes, endiguer les progrès
de l'immoralité. C'est répandre la grâce que le
Christ seul confère, épurer et affiner la vie et le
caractère du prochain, lui offrir un exemple
318
irrépréhensible: une foi et un amour sincères.

Le Seigneur déclara au sujet des eaux impures


de Jéricho: « J'assainis ces eaux; il n'en proviendra
plus ni mort, ni stérilité. » La source souillée
représente l'âme séparée du ciel. Le péché éloigne
non seulement de Dieu, mais il enlève de l'âme le
désir et le pouvoir de le connaître. Il jette le
désordre dans l'organisme, l'esprit est troublé,
l'imagination pervertie, l'âme avilie. La religion
pure et sans tache, la sainteté du cœur font alors
totalement défaut; la puissance transformatrice d'en
haut n'a pas opéré de changement dans le caractère;
l'âme est affaiblie, dépourvue de force morale pour
lutter contre le mal. Elle se pervertit et s'avilit.

Mais pour le cœur régénéré tout est changé. La


transformation du caractère est pour le monde un
témoignage de la présence du Christ en nous.
L'Esprit de Dieu crée dans l'âme une vie nouvelle
qui harmonise les pensées et les désirs avec la
volonté du Christ. L'homme intérieur retrouve
l'image de Dieu. Les faibles et les égarés montrent
alors au monde que la puissance régénératrice de la
319
grâce divine peut développer harmonieusement un
caractère imparfait et le rendre exemplaire.

Le cœur qui reçoit la Parole de Dieu n'est pas


comme un étang qui se dessèche, ni comme une
citerne crevassée qui laisse échapper ses eaux
précieuses. Il est comme un cours d'eau qui
descend de la montagne, alimenté par des sources
intarissables, et dont les flots rafraîchissants roulent
en cascade de rocher en rocher, désaltérant ceux
qui ont soif, ceux qui sont fatigués et chargés. Il est
comme un fleuve qui coule sans cesse, s'élargit et
s'approfondit à mesure qu'il avance, jusqu'à
fertiliser la terre de ses eaux vivifiantes. Le
ruisseau qui serpente en gazouillant laisse derrière
lui la fraîcheur et la fertilité. Sur ses rives l'herbe
est d'un vert plus éclatant, les arbres d'un feuillage
plus luxuriant, et les fleurs abondent. Quand le
soleil brûlant de l'été dessèche et parchemine le sol,
une ligne de verdure marque le cours des eaux.

Ainsi en est-il avec l'enfant de Dieu. La


religion du Christ agit comme un principe vivifiant
et pénétrant; c'est une force spirituelle active,
320
réelle. Lorsque le cœur s'ouvre à l'influence divine
de la vérité et de l'amour, ce principe s'affirme,
comme des ruisseaux dans le désert, fertilisant les
lieux arides et désolés.

Ceux qui sont purifiés et sanctifiés par la


connaissance de la Parole de Dieu travaillent avec
zèle au salut des âmes. En se désaltérant à la source
intarissable de la grâce, ils se rendent compte que
leur propre cœur est rempli de l'Esprit du Maître et
que, grâce à leur ministère désintéressé, un grand
nombre d'hommes et de femmes ont été bénis
physiquement, mentalement et spirituellement.
Ceux qui étaient fatigués ont été soulagés, les
malades guéris, les pécheurs délivrés. Et jusque
dans les pays lointains des actions de grâces
s'échappent des lèvres de ceux qui ont abandonné
le péché pour se mettre au service de la justice.

« Donnez, et il vous sera donné. » (Luc 6:38)


La Parole de Dieu est

Une fontaine des jardins,


Une source d'eaux vives,
321
Des ruisseaux du Liban.
(Cantique des cantiques 4:15)

322
Chapitre 19

Un prophète de paix

Ce chapitre est basé sur 2 Rois 4.

L'œuvre accomplie par Elisée, en tant que


prophète, fut à certains égards très différente de
celle d'Elie. Celui-ci avait reçu la mission de
délivrer des messages de condamnation et de
châtiment. Ses accents étaient ceux de la
réprobation courageuse, appelant le roi et le peuple
d'Israël à se détourner de leur mauvaise voie. La
mission d'Elisée fut une mission de paix. Il devait
développer l'œuvre amorcée par Elie: enseigner la
voie du Seigneur. Le récit sacré nous le dépeint
tantôt entrant en contact personnel avec les
hommes, tantôt entouré par les fils des prophètes,
tantôt prodiguant par ses miracles et son ministère
guérison et réconfort.

Elisée était un homme bon et doux; mais il


savait aussi être sévère. Il le montra à Béthel, le

323
jour où de jeunes garnements impies se moquèrent
de lui. Ces garçons avaient appris qu'Elisée
gravissait la montée, ce qui les amusait. Ils vinrent
crier derrière lui: « Monte, chauve! Monte chauve!
» A l'ouïe de leurs sarcasmes, le prophète se
retourna et, inspiré par le Tout-Puissant, il les
maudit. Ils subirent alors un châtiment terrible: «
Deux ours sortirent de la forêt, et déchirèrent
quarante-deux de ces enfants. » (2 Rois 2:23, 24)

Si le prophète n'avait pas relevé ces railleries,


on aurait pu continuer à le ridiculiser et à l'injurier.
Or sa mission, qui consistait à instruire le peuple et
à le sauver à un moment de grave péril national,
risquait d'échouer. Cet acte d'extrême sévérité
suffit au prophète pour imposer le respect à tous
jusqu'à la fin de sa vie. Pendant cinquante ans, il
passa et repassa par la porte de Béthel, parcourant
le pays çà et là. Il se rendit de ville en ville,
traversa des groupes de garçons désœuvrés,
insolents, dépravés, sans jamais recevoir une seule
raillerie. Nul ne traita plus à la légère sa qualité de
prophète du Très-Haut.

324
La bonté même doit avoir des limites. Il faut
maintenir l'autorité par une ferme sévérité, sinon
elle risque d'être accueillie par la raillerie et les
sarcasmes. La prétendue tendresse, la cajolerie,
l'indulgence témoignées par les parents aux enfants
sont les plus grands maux dont souffre la jeunesse.
La fermeté, la rigueur, l'intransigeance dans les
principes sont des qualités essentielles dans la
famille.

L'irrévérence des jeunes — qui dégénéra en


raillerie envers Elisée — devrait être sévèrement
condamnée. Il faut apprendre aux enfants à
manifester une vénération profonde à l'égard de
Dieu. Que l'on ne prononce jamais son nom à la
légère ou d'une manière distraite. Lorsqu'ils le
prononcent, les anges se voilent la face. Avec
quelle prudence ne devrions-nous pas, nous,
pauvres pécheurs, avoir ce nom sacré sur les
lèvres!

On devrait témoigner aussi de la révérence pour


les représentants de Dieu: les pasteurs, les
professeurs, les parents qui sont appelés à parler et
325
à agir à la place du Maître. Dieu est honoré en
fonction du respect témoigné à ses représentants.

La politesse est aussi une des grâces de l'Esprit-


Saint. Elle devrait être cultivée par tous. Elle a le
pouvoir d'adoucir les natures qui, sans elle, seraient
rudes et grossières. Ceux qui se disent disciples du
Sauveur, et qui sont durs, brusques, impolis n'ont
rien compris du caractère du Christ. Leur sincérité
et leur intégrité peuvent être indéniables, mais ces
vertus ne sauraient suppléer au manque de bonté et
de politesse.

La bonté, qui permettait à Elisée d'exercer une


si profonde influence sur une foule de gens en
Israël, se révéla dans ses rapports avec une famille
de Sunem. Au cours de ses nombreux
déplacements, le prophète passa un jour « à Sunem.
Il y avait là une femme de distinction, qui le pressa
d'accepter à manger. Et toutes les fois qu'il passait,
il se rendait chez elle pour manger. » Cette femme
eut le sentiment qu'Elisée était « un saint homme
de Dieu », et elle dit à son mari: « Faisons une
petite chambre haute avec des murs, et mettons-y
326
pour lui un lit, une table, un siège et un chandelier,
afin qu'il s'y retire quand il viendra chez nous. » Le
prophète venait souvent dans cette chambre dont il
appréciait le calme reposant. Dieu ne fut pas
insensible aux marques de bonté de cette femme
dont le foyer était sans enfant. Il récompensa son
hospitalité en lui donnant un fils.

Des années s'écoulèrent. Ce fils avait grandi, et


il se rendait dans les champs avec les
moissonneurs. Or un jour, il fut frappé d'insolation,
et « il dit à son père: Ma tête! ma tête! » Celui-ci
demanda à l'un de ses serviteurs de porter l'enfant à
sa mère. « Et l'enfant resta sur les genoux de sa
mère jusqu'à midi, puis il mourut. Elle monta, le
coucha sur le lit de l'homme de Dieu, ferma la
porte sur lui, et sortit. »

Dans sa détresse, la Sunamite décida d'aller


trouver Elisée pour lui conter sa peine. Le prophète
étant alors sur la montagne du Carmel, c'est là que
se rendit immédiatement la femme, accompagnée
de son serviteur. « L'homme de Dieu, l'ayant
aperçue de loin, dit à Guéhazi, son serviteur: Voici
327
cette Sunamite! Maintenant, cours donc à sa
rencontre, et dis-lui: Te portes-tu bien? ton mari et
ton enfant se portent-ils bien? » Le serviteur fit ce
que lui demandait son maître. Mais la pauvre mère
ne révéla pas la cause de son chagrin avant d'avoir
vu Elisée. Lorsque le prophète apprit la mort de
l'enfant, il dit à Guéhazi: « Ceins tes reins, prends
mon bâton dans ta main, et pars. Si tu rencontres
quelqu'un, ne le salue pas; et si quelqu'un te salue,
ne lui réponds pas. Tu mettras mon bâton sur le
visage de l'enfant. »

Mais la mère ne pouvait être satisfaite tant que


le prophète ne consentirait pas à venir avec elle. «
L'Éternel est vivant, lui dit-elle, et ton âme est
vivante! je ne te quitterai point. » Alors il se leva et
la suivit. Guéhazi, les ayant devancés, mit le bâton
du prophète sur le visage de l'enfant, sans obtenir
de résultat. Il revint donc à la rencontre d'Elisée et
lui raconta ce qu'il avait fait. « L'enfant ne s'est pas
réveillé », lui dit-il.

Lorsqu'ils arrivèrent à la maison de la


Sunamite, Elisée se dirigea immédiatement vers la
328
chambre où reposait l'enfant. Il « entra et ferma la
porte sur eux deux, et il pria l'Éternel. Il monta, et
se coucha sur l'enfant; il mit sa bouche sur sa
bouche, ses yeux sur ses yeux, ses mains sur ses
mains, et il s'étendit sur lui. Et la chair de l'enfant
se réchauffa. Elisée s'éloigna, alla çà et là par la
maison, puis remonta et s'étendit sur l'enfant. Et
l'enfant éternua sept fois, et il ouvrit les yeux. »

Le prophète appela alors Guéhazi pour qu'il


aille chercher la mère. « Elle vint vers Elisée, qui
dit: Prends ton fils! Elle alla se jeter à ses pieds, et
se prosterna contre terre. Et elle prit son fils, et
sortit. »

Ainsi fut récompensée la foi de cette femme.


Le grand dispensateur de la vie avait ressuscité son
enfant. C'est ainsi que seront bénis tous ceux qui
resteront fidèles au Seigneur. Lorsqu'il reviendra
sur les nuées des cieux la mort aura perdu son
aiguillon, et le tombeau sa victoire. Il ressuscitera
alors tous les enfants que la mort avait ravis à ses
serviteurs.

329
Le prophète Jérémie a écrit ces paroles
consolantes:

Ainsi parle l'Éternel:


On entend des cris à Rama,
Des lamentations, des larmes amères;
Rachel pleure ses enfants;
Elle refuse d'être consolée sur ses enfants,
Car ils ne sont plus.
Ainsi parle l'Éternel: Retiens tes pleurs,
Retiens les larmes de tes yeux;
Car il y aura un salaire pour tes œuvres. ...
Ils reviendront du pays de l'ennemi.
Il y a de l'espérance pour ton avenir. ...
Tes enfants reviendront dans leur territoire.
(Jérémie 31:15-17)

Le Christ console tous ceux qui passent par le


deuil avec ces paroles d'espérance: « Je les
rachèterai de la puissance du séjour des morts, je
les délivrerai de la mort. O mort, où est ta peste?
Séjour des morts, où est ta destruction? » (Osée
13:14) « J'étais mort; et voici, je suis vivant aux
siècles des siècles. Je tiens les clefs de la mort et du
330
séjour des morts. » (Apocalypse 1:18) « Le
Seigneur luimême, à un signal donné, à la voix
d'un archange, et au son de la trompette de Dieu,
descendra du ciel, et les morts en Christ
ressusciteront premièrement. Ensuite, nous les
vivants, qui serons restés, nous serons tous
ensemble enlevés avec eux sur des nuées, à la
rencontre du Seigneur dans les airs, et ainsi nous
serons toujours avec le Seigneur. » (1
Thessaloniciens 4:16, 17)

Elisée, comme le Christ dont il était un type,


guérissait et enseignait. Animé d'une foi solide,
infatigable, il accomplissait un labeur fructueux,
tout en s'efforçant d'encourager et de développer
les écoles de prophètes. L'enseignement qu'il
donnait aux jeunes gens qui se groupaient autour
de lui était enrichi par la puissance du Saint-Esprit,
et quelquefois aussi par les preuves de son autorité
en tant que serviteur de Dieu.

C'est au cours de l'une de ses visites à l'école de


Guilgal que le prophète purifia le potage
empoisonné. « Il y avait une famine dans le pays.
331
Comme les fils des prophètes étaient assis devant
lui, il dit à son serviteur: Mets le grand pot, et fais
cuire un potage pour les fils des prophètes. L'un
d'eux sortit dans les champs pour cueillir des
herbes; il trouva de la vigne sauvage et il y cueillit
des coloquintes sauvages, plein son vêtement.
Quand il rentra, il les coupa en morceaux dans le
pot où était le potage, car on ne les connaissait pas.
On servit à manger à ces hommes; mais dès qu'ils
eurent mangé du potage, ils s'écrièrent: La mort est
dans le pot, homme de Dieu! Et ils ne purent
manger. Elisée dit: Prenez de la farine. Il en jeta
dans le pot, et dit: Sers à manger à ces gens, et
qu'ils mangent. Et il n'y avait plus rien de mauvais
dans le pot. »

C'est aussi à Guilgal, alors que la famine


sévissait encore dans le pays, qu'Elisée nourrit cent
personnes avec quelques provisions que lui apporta
un homme de Baal-Shalischa: « du pain des
prémices, vingt pains d'orge, et des épis nouveaux
». Ces gens étaient douloureusement éprouvés par
la faim. Le prophète dit à son serviteur quand on
lui remit ces provisions: « Donne à ces gens, et
332
qu'ils mangent. Son serviteur répondit: Comment
pourrais-je en donner à cent personnes? Mais
Elisée dit: Donne à ces gens, et qu'ils mangent; car
ainsi parle l'Éternel: On mangera, et on en aura de
reste. Il mit alors les pains devant eux; et ils
mangèrent et en eurent de reste, selon la parole de
l'Éternel. »

Quelle marque de commisération manifesta le


Seigneur en opérant, par l'intermédiaire de son
serviteur, ce miracle destiné à apaiser la faim de
ces personnes. Que de fois depuis lors, bien que
d'une manière moins spectaculaire, Dieu n'a-t-il pas
renouvelé ce geste! Si notre discernement était plus
vif, nous reconnaîtrions plus facilement avec quelle
compassion il prend soin de ses enfants.

C'est la grâce de Dieu qui peut faire de peu une


quantité suffisante. Sa main multiplie au centuple;
ses ressources sont infinies. Il est capable de
dresser une table dans le désert, de rendre de
maigres provisions suffisantes pour une foule de
gens, par une seule parole. C'est sa toute-puissance
qui multiplia pour les fils des prophètes les pains et
333
les épis.

Lorsque le Christ accomplit un miracle


semblable pour donner à manger à une foule de
gens, il rencontra la même incrédulité que celle
manifestée par les personnes que nourrit Elisée. «
Comment pourrais-je en donner à cent personnes?
» s'écria le serviteur du prophète. Lorsque le
Sauveur ordonna à ses disciples de distribuer les
pains et les poissons à la multitude rassemblée, ils
répondirent: « Nous n'avons que cinq pains et deux
poissons, à moins que nous n'allions nous-mêmes
acheter des vivres pour tout ce peuple. » (Luc 9:13)
Et qu'est cet exemple parmi tant d'autres?

Il y a là un enseignement pour les chrétiens de


tous les temps. Lorsque le Seigneur ordonne de
faire un certain travail, il ne faut pas discuter sur le
bien-fondé de cet ordre, ni sur les résultats
probables qui en découleront. Les ressources dont
nous disposons peuvent paraître dérisoires pour
répondre aux besoins auxquels nous devons faire
face; mais, entre les mains de Dieu, ces ressources
s'avéreront plus que suffisantes. Le serviteur
334
d'Elisée « mit les pains devant eux; et ils
mangèrent, et en eurent de reste, selon la parole de
l'Éternel ».

De nos jours, ceux qui ont été rachetés par le


don du Fils de Dieu, ont besoin de mieux
comprendre les rapports qui existent entre eux et le
ciel. Ils doivent avoir une foi plus grande pour faire
avancer le règne de Dieu. Qu'ils ne passent pas leur
temps à se lamenter sur l'insuffisance de leurs
ressources matérielles. Leur volonté, leur confiance
en Dieu multiplieront ces ressources.

Les dons que nous apportons au Seigneur, avec


des actions de grâces pour obtenir sa bénédiction, il
les multipliera, comme il multiplia les pains des fils
des prophètes et de la foule affamée.

335
Chapitre 20

Naaman

Ce chapitre est basé sur 2 Rois 5.

« Naaman, chef de l'armée du roi de Syrie,


jouissait de la faveur de son maître et d'une grande
considération; car c'était par lui que l'Éternel avait
délivré les Syriens. Mais cet homme fort et vaillant
était lépreux. »

Ben-Hadad, roi de Syrie, avait vaincu les


armées d'Israël dans la bataille où mourut Achab.
Depuis lors les Syriens ne cessaient de livrer une
guerre de frontière contre les Israélites. C'est au
cours d'une de leurs incursions qu'ils emmenèrent
une fillette. Celle-ci devint, au pays de sa captivité,
la servante de la femme de Naaman. Bien que
traitée en esclave, cette fillette continuait à rester
fidèle à son Dieu, contribuant ainsi
inconsciemment à accomplir le dessein du
Seigneur qui avait choisi Israël comme peuple.

336
Tandis qu'elle vaquait aux soins de ce foyer païen,
elle s'attacha à ses maîtres. Se souvenant des cures
miraculeuses opérées par Elisée, elle dit à sa
maîtresse: « Oh! si mon seigneur était auprès du
prophète qui est à Samarie, le prophète le guérirait
de sa lèpre! » Elle savait qu'Elisée possédait la
puissance divine, et elle croyait que par elle
Naaman pouvait être guéri.

La conduite de la jeune captive dans ce foyer


idolâtre est la démonstration frappante de
l'influence profonde qu'exerce l'éducation familiale
sur un enfant. Il n'est pas de tâche plus noble
confiée aux parents que celle de veiller sur la
formation de leurs petits. Ils édifient ainsi la base
même des habitudes et du caractère. Ce sont eux
qui, par leur exemple et leur enseignement,
décident en grande partie de leur avenir.

Heureux les parents dont la vie reflète si


parfaitement le divin que les promesses et les
commandements du Seigneur éveillent chez
l'enfant la gratitude et la vénération! Heureux ceux
qui représentent par leur tendresse, leur droiture,
337
leur patience, l'amour, la justice et la patience du
Christ! En apprenant à leurs enfants à les aimer, à
se confier en eux et à leur obéir, ils leur apprennent
à aimer le Père céleste, à se confier en lui et à lui
obéir. Les parents qui ont légué une telle richesse à
leurs petits les ont dotés d'un trésor plus précieux
que tous les biens de ce monde et qui durera
éternellement.

Nous ignorons la manière dont nos enfants


seront appelés à servir. Passeront-ils leur vie au
cercle familial, travailleront-ils en commun avec
des gens ayant la même vocation qu'eux, partiront-
ils proclamer l'Évangile aux peuples païens? Quoi
qu'il en soit, tous doivent être des missionnaires
pour Dieu, des ambassadeurs de miséricorde dans
le monde. Il faut qu'ils reçoivent une éducation qui
leur permettra de servir le Christ d'une manière
désintéressée.

Les parents de cette jeune Israélite ignoraient


quelle serait sa destinée, lorsqu'ils lui apprenaient à
aimer le Seigneur. Mais ils accomplissaient
fidèlement leur devoir; aussi, dans la maison du
338
capitaine des armées syriennes, cette enfant rendit
témoignage à son Dieu qu'on lui avait appris à
honorer.

Naaman fut mis au courant des propos que la


fillette avait tenus à sa maîtresse. Il demanda au roi
la permission de s'absenter, et il s'en alla chercher
la guérison, « prenant avec lui dix talents d'argent,
six mille sicles d'or et dix vêtements de rechange ».
Il portait aussi une lettre du roi de Syrie pour le roi
d'Israël, contenant ceci: « Je t'envoie Naaman, mon
serviteur, afin que tu le guérisses de sa lèpre. »
Quand le roi d'Israël lut cette lettre, « il déchira ses
vêtements, et dit: Suis-je un dieu, pour faire mourir
et pour faire vivre, qu'il s'adresse à moi afin que je
guérisse un homme de sa lèpre? Sachez donc et
comprenez qu'il cherche une occasion de dispute
avec moi. »

La nouvelle de cette histoire parvint à Elisée,


qui fit dire au roi: « Pourquoi as-tu déchiré tes
vêtements? Laisse-le venir à moi, et il saura qu'il y
a un prophète en Israël. »

339
« Naaman vint avec ses chevaux et son char, et
il s'arrêta à la porte de la maison d'Elisée. Elisée lui
fit dire par un messager: Va, et lave-toi sept fois
dans le Jourdain; ta chair redeviendra saine, et tu
seras pur. »

Naaman s'attendait à voir une manifestation


extraordinaire de la puissance divine. « Je me
disais, déclara-t-il, il sortira vers moi, il se
présentera lui-même, il invoquera le nom de
l'Éternel, son Dieu, il agitera sa main sur la place et
guérira le lépreux. » Lorsqu'il fut invité à se laver
dans le Jourdain, son orgueil fut blessé, et il
s'exclama, mortifié et désappointé: « Les fleuves de
Damas, l'Abana et le Parpar, ne valent-ils pas
mieux que toutes les eaux d'Israël? » « Et il s'en
retournait et partait avec fureur. »

L'orgueil de Naaman se révolta contre les


instructions du prophète. Les fleuves mentionnés
par le capitaine syrien étaient, en effet, rehaussés
par des rives ombragées que de nombreux idolâtres
recherchaient pour y adorer leurs dieux. Naaman
n'aurait pas éprouvé beaucoup d'humiliation d'aller
340
se plonger dans l'un de ces fleuves. Mais, pour être
guéri, il fallait suivre les indications du prophète.
Seule une obéissance volontaire pouvait apporter le
résultat désiré.

Les serviteurs de Naaman le supplièrent de


suivre les conseils d'Elisée. « Si le prophète, lui
dirent-ils, t'eût demandé quelque chose de difficile,
ne l'aurais-tu pas fait? Combien plus dois-tu faire
ce qu'il t'a dit: Lave-toi, et tu seras pur. » La foi de
Naaman était mise à rude épreuve, alors que son
orgueil le poussait à la révolte. Mais ce fut elle qui
finit par triompher. Le fier Syrien, dominant son
orgueil, se soumit à la volonté de Dieu. Il se
plongea sept fois dans le Jourdain, « selon la parole
de l'homme de Dieu ». Sa foi fut récompensée, «
car sa chair redevint comme la chair d'un jeune
enfant, et il fut pur ».

Plein de reconnaissance, Naaman « retourna


vers l'homme de Dieu avec toute sa suite »; et il
reconnut « qu'il n'y a point de Dieu sur toute la
terre, si ce n'est en Israël ».

341
Conformément à la coutume de cette époque,
Naaman pria Elisée d'accepter un riche présent de
sa part. Mais le prophète refusa. Ce n'était pas lui
qui devait recevoir une récompense pour la
bénédiction accordée à Naaman. « L'Éternel, dont
je suis le serviteur, est vivant! dit-il. Je n'accepterai
pas! » Le Syrien « le pressa d'accepter, mais il
refusa ».

« Alors Naaman dit: Puisque tu refuses,


permets que l'on donne de la terre à ton serviteur,
une charge de deux mulets; car ton serviteur ne
veut plus offrir à d'autres dieux ni holocauste, ni
sacrifice, il n'en offrira qu'à l'Éternel. Voici
toutefois ce que je prie l'Éternel de pardonner à ton
serviteur. Quand mon maître entre dans la maison
de Rimmon pour s'y prosterner et qu'il s'appuie sur
ma main, je me prosterne aussi dans la maison de
Rimmon: veuille l'Éternel pardonner à ton
serviteur. » « Elisée lui dit: Va en paix. » Alors
Naaman, prenant congé du prophète, s'éloigna « à
une certaine distance ».

Le serviteur d'Elisée, Guéhazi, avait eu


342
l'occasion, au cours des années écoulées, de
cultiver l'esprit de renoncement qui caractérisait
son maître. Il put jouir du privilège insigne d'être le
porte-bannière de l'armée de l'Éternel. Les dons les
plus précieux du ciel furent longtemps à sa portée.
Et pourtant il s'en détourna, préférant s'assurer des
richesses terrestres de mauvais aloi. Maintenant
donc, poussé par son amour inavoué du lucre, il
céda à une tentation qu'il ne put maîtriser. « Voici,
se dit-il, mon maître a ménagé Naaman, ce Syrien,
en n'acceptant pas de sa main ce qu'il avait apporté.
... Je vais courir après lui, et j'en obtiendrai quelque
chose. » Et « Guéhazi courut après Naaman », à
l'insu de son maître.

« Naaman le voyant courir après lui, descendit


de son char pour aller à sa rencontre, et dit: Tout
va-t-il bien? » Alors Guéhazi lui mentit
effrontément: « Mon maître m'envoie te dire:
Voici, il vient d'arriver chez moi deux jeunes gens
de la montagne d'Ephraïm, d'entre les fils des
prophètes; donne pour eux, je te prie, un talent
d'argent et deux vêtements de rechange. » Naaman
fut tout heureux d'accéder à cette requête; il insista
343
même auprès de Guéhazi pour qu'il accepte deux
talents au lieu d'un seul. Il lui « donna deux habits
de rechange », et ordonna à ses serviteurs de porter
tout cela au prophète.

Arrivé près de la maison de son maître,


Guéhazi renvoya les serviteurs de Naaman, et
cacha le trésor et les vêtements. Puis, il vint se
présenter à Elisée. Pour parer à toute critique, il
prononça un deuxième mensonge. « D'où viens-tu?
» lui demanda le prophète. Il répondit: « Ton
serviteur n'est allé ni d'un côté, ni d'un autre. »
Alors Elisée lui adressa ces paroles sévères: « Mon
esprit n'était pas absent, lorsque cet homme a quitté
son char pour venir à ta rencontre. Est-ce le temps
de prendre de l'argent et de prendre des vêtements,
puis des oliviers, des vignes, des brebis, des bœufs,
des serviteurs et des servantes? La lèpre de
Naaman s'attachera à toi et à ta postérité pour
toujours. » Le châtiment qui atteignit le coupable
fut instantané. « Guéhazi sortit de la présence
d'Elisée avec une lèpre comme la neige. »

Quelles leçons solennelles se dégagent de la


344
conduite de Guéhazi, cet homme à qui avaient été
accordés de si nobles privilèges! Il fut pour
Naaman comme une pierre d'achoppement sur son
chemin, alors que le Syrien avait été illuminé par
une merveilleuse clarté et qu'il était si bien disposé
envers la religion du Dieu vivant. Aucune excuse
ne pouvait justifier la tromperie de Guéhazi; aussi
fut-il lépreux jusqu'à la fin de ses jours, maudit par
le Seigneur et relégué loin de ses semblables. « Le
faux témoin ne restera pas impuni, et celui qui dit
des mensonges n'échappera pas. » (Proverbes 19:5)

Les hommes peuvent essayer de cacher leurs


mauvaises actions aux yeux des hommes; mais ils
ne sauraient tromper Dieu. « Nulle créature n'est
cachée devant lui, mais tout est nu et découvert aux
yeux de celui à qui nous devons rendre compte. »
(Hébreux 4:13) Guéhazi croyait tromper Elisée,
mais Dieu révéla au prophète les paroles que
Guéhazi avait adressées à Naaman, ainsi que tous
les détails de leur entrevue.

La vérité procède de Dieu; la tromperie sous


ses multiples formes vient de Satan. Quiconque se
345
détourne du droit sentier se place sous la puissance
du malin. Ceux qui suivent le Christ ne prennent «
point part aux œuvres infructueuses des ténèbres »
(Éphésiens 5:11). Dans leurs paroles comme dans
leur conduite, ils se comportent avec simplicité,
franchise et vérité; car ils se préparent à se joindre
à ceux dans la bouche desquels il ne s'est trouvé
aucun mensonge (Voir Apocalypse 14:5).

Des siècles après que Naaman eut regagné sa


demeure en Syrie, purifié de corps et d'esprit, le
Christ fit allusion à sa foi admirable, et il la donna
en exemple à ceux qui prétendaient servir Dieu. «
Il y avait aussi, dit-il, plusieurs lépreux en Israël du
temps d'Elisée, le prophète; et cependant aucun
d'eux ne fut purifié, si ce n'est Naaman le Syrien. »
(Luc 4:27) Le Seigneur ne fit aucun cas des
nombreux lépreux d'Israël à cause de leur
incrédulité, qui les privait de toute bénédiction. En
revanche, un païen de qualité, qui avait été fidèle à
ses convictions concernant la justice, et éprouvé le
besoin d'être secouru, paraissait aux yeux du
Seigneur plus digne de sa bénédiction que les
Israélites égarés qui méprisaient les privilèges dont
346
ils étaient les objets. Dieu opère en faveur de ceux
qui apprécient ses faveurs et se conforment à ses
lumières.

Aujourd'hui, dans tous les pays, il existe encore


des cœurs honnêtes que la lumière divine éclaire.
S'ils s'acquittent fidèlement de ce qu'ils considèrent
comme étant leur devoir, une lumière plus vive leur
sera accordée, jusqu'à ce qu'enfin, comme autrefois
Naaman, ils soient contraints de déclarer « qu'il n'y
a point de Dieu sur toute la terre » en dehors du
Dieu vivant, le Créateur de toutes choses.

A tout homme sincère, « qui marche dans


l'obscurité et manque de lumière », voici
l'invitation qui lui est adressée: « Qu'il se confie
dans le nom de l'Éternel, et qu'il s'appuie sur son
Dieu! » car « jamais on n'a appris ni entendu dire,
et jamais l'œil n'a vu qu'un autre dieu que toi fît de
telles choses pour ceux qui se confient en lui. Tu
vas au-devant de celui qui pratique avec joie la
justice, de ceux qui marchent dans tes voies et se
souviennent de toi. » (Ésaïe 50:10; 64:3, 4)

347
Chapitre 21

Fin du ministère d'Élisée

Appelé au ministère prophétique, alors que le


roi Achab régnait encore, Élisée assista à de
nombreux changements dans le royaume d'Israël.
Pendant le règne d'Hazaël, roi de Syrie, oint pour
châtier la nation apostate, les châtiments s'étaient
abattus les uns après les autres sur les Israélites.
Les réformes sévères de Jéhu avaient provoqué le
massacre de toute la maison d'Achab. Joachaz, le
successeur de Jéhu, par suite des guerres
continuelles avec les Syriens, avait perdu certaines
villes situées à l'est du Jourdain. A un moment
donné, on aurait pu croire que les Syriens allaient
dominer sur tout le royaume d'Israël. Mais la
réforme commencée par Elie et poursuivie par
Élisée avait amené de nombreuses personnes à
rechercher le vrai Dieu. Les autels de Baal avaient
été abandonnés et, lentement mais sûrement, les
desseins de la Providence se réalisaient dans la vie
de ceux qui avaient décidé de revenir au Seigneur

348
de tout leur cœur.

C'est par amour pour Israël que Dieu permit


aux Syriens de le châtier. Il avait compassion de
ceux qui ne savaient pas résister au péché, c'est
pourquoi il suscita Jéhu pour exterminer Jézabel et
toute la maison d'Achab. Une fois de plus, grâce à
une mystérieuse providence, les prêtres de Baal et
d'Astarté furent rejetés et leurs autels renversés.
Dans son infinie sagesse, Dieu prévoyait qu'en
supprimant la tentation, quelques pécheurs se
détourneraient de l'idolâtrie pour fixer leurs regards
vers le ciel. Il permit donc les calamités. Mais
celles-ci furent adoucies par sa miséricorde; et
quand ses desseins furent accomplis, il intervint en
faveur de ceux qui avaient appris à le rechercher.

Tandis que les influences du bien et du mal


luttaient pour s'assurer la suprématie, et que Satan
faisait l'impossible pour achever son œuvre de
perdition entreprise sous le règne d'Achab et de
Jézabel, Élisée continuait à rendre fidèlement son
témoignage. Il se heurtait à l'opposition, mais nul
ne pouvait réfuter ses paroles. Il était honoré,
349
vénéré dans tout le royaume, et on venait de loin
chercher conseil auprès de lui. Joram, roi d'Israël,
le consulta, alors que Jézabel vivait encore. Un jour
qu'il se trouvait à Damas, des messagers de Ben-
Hadad, roi de Syrie, vinrent lui demander si la
maladie dont souffrait le monarque aurait une issue
fatale. A cette époque où le mensonge triomphait
partout, et où régnait une rébellion ouverte contre
le ciel, le prophète demeurait un témoin fidèle de la
vérité.

Le Seigneur n'abandonna jamais son messager.


Au cours d'une invasion syrienne, le roi ennemi
cherchait à faire périr Élisée, parce que celui-ci
dévoilait tous ses plans contre Israël. Le roi de
Syrie tint un jour conseil avec ses serviteurs, et leur
dit: « Mon camp sera dans un tel lieu. » Mais le
prophète en eut connaissance par une révélation
divine. Il fit dire au roi d'Israël: « Garde-toi de
passer dans ce lieu, car les Syriens y descendent. Et
le roi d'Israël envoya des gens, pour s'y tenir en
observation, vers le lieu que lui avait mentionné et
signalé l'homme de Dieu. Cela arriva non pas une
fois ni deux fois. Le roi de Syrie en eut le cœur
350
agité; il appela ses serviteurs, et leur dit: Ne
voulez-vous pas me déclarer lequel de nous est
pour le roi d'Israël? L'un de ses serviteurs répondit:
Personne, ô roi, mon seigneur; mais Élisée, le
prophète, qui est en Israël, rapporte au roi d'Israël
les paroles que tu prononces dans ta chambre à
coucher. »

Décidé à se débarrasser du prophète, le roi de


Syrie dit à ses serviteurs: « Allez et voyez où il est,
et je le ferai prendre. » Élisée était à ce moment-là
à Dothan. Lorsque le roi de Syrie l'apprit, il «
envoya des chevaux, des chars et une forte troupe,
qui arrivèrent de nuit et cernèrent la ville. Le
serviteur de l'homme de Dieu se leva de bon matin
et sortit; et voici, une troupe entourait la ville, avec
des chevaux et des chars. » Effrayé, le serviteur
d'Élisée vint trouver le prophète, et lui dit: « Ah!
mon seigneur, comment ferons-nous? Il répondit:
Ne crains point, car ceux qui sont avec nous sont
en plus grand nombre que ceux qui sont avec eux.
» Et pour que son serviteur puisse s'en rendre
compte, « Élisée pria et dit: Éternel, ouvre ses yeux
pour qu'il voie. » Et Dieu ouvrit les yeux de cet
351
homme qui « vit la montagne pleine de chevaux et
de chars de feu autour d'Élisée ». Entre le serviteur
de Dieu et les armées ennemies se tenait une
cohorte d'anges, formant un cercle protecteur.

Ces êtres célestes étaient descendus en force


imposante, non pour exterminer, ni pour obtenir
des hommages, mais pour camper auprès des bien-
aimés du Seigneur, les aider dans leur faiblesse et
leur impuissance. Lorsque le peuple de Dieu se
trouve dans une impasse, d'où il semble ne pas
pouvoir sortir, qu'il se souvienne que seul Dieu
peut le délivrer.

Alors que les soldats syriens avançaient


courageusement, ignorant la présence des armées
invisibles du ciel, « Élisée pria, et dit: Daigne
frapper d'aveuglement cette nation! Et l'Éternel les
frappa d'aveuglement, selon la parole d'Élisée.
Élisée leur dit: Ce n'est pas ici le chemin, et ce n'est
pas ici la ville; suivez-moi, et je vous conduirai
vers l'homme que vous cherchez. Et il les conduisit
à Samarie.

352
»Lorsqu'ils furent entrés dans Samarie, Élisée
dit: Éternel, ouvre les yeux de ces gens, pour qu'ils
voient! Et l'Éternel ouvrit leurs yeux, et ils virent
qu'ils étaient au milieu de Samarie. Le roi d'Israël,
en les voyant, dit à Élisée: Frapperai-je, frapperai-
je, mon père? Tu ne frapperas point, répondit
Élisée; est-ce que tu frappes ceux que tu fais
prisonniers avec ton épée et avec ton arc? Donne-
leur du pain et de l'eau, afin qu'ils mangent et
boivent; et qu'ils s'en aillent ensuite vers leur
maître. Le roi d'Israël leur fit servir un grand repas,
et ils mangèrent et burent; puis il les renvoya, et ils
s'en allèrent vers leur maître. Et les troupes des
Syriens ne revinrent plus sur le territoire d'Israël. »
(Voir 2 Rois 6)

Pendant quelque temps, le royaume d'Israël fut


donc délivré des armées syriennes. Mais, plus tard,
sous la conduite de l'intrépide Hazaël. Jamais Israël
n'avait tant souffert qu'au cours de ce siège. Les
péchés des pères retombaient sur les enfants et sur
les petits enfants. Les horreurs de la famine se
prolongeaient, poussant le roi à prendre des
mesures désespérées; mais Élisée prédit la
353
délivrance du royaume pour le jour suivant.

Le lendemain, à l'aube, « le Seigneur avait fait


entendre dans le camp des Syriens un bruit de chars
et un bruit de chevaux, le bruit d'une grande armée
». Saisis d'effroi, « les Syriens se levèrent et prirent
la fuite au crépuscule, abandonnant leurs tentes,
leurs chevaux et leurs ânes, le camp tel qu'il était »,
avec ses réserves abondantes. « Et ils s'enfuirent
pour sauver leur vie. »

La nuit de cette fuite, quatre lépreux, que la


faim avaient réduits au désespoir, décidèrent de se
rendre dans le camp des Syriens et de se livrer à la
merci des assiégeants. Ils espéraient ainsi susciter
la pitié et obtenir quelque nourriture. Mais grand
fut leur étonnement de découvrir, en pénétrant dans
le camp des Syriens, « qu'il n'y avait personne ».

N'ayant à encourir aucune menace, aucune


punition, ces lépreux « mangèrent et burent, et en
emportèrent de l'argent, de l'or et des vêtements,
qu'ils allèrent cacher. Ils revinrent, pénétrèrent dans
une autre tente, et en emportèrent des objets qu'ils
354
allèrent cacher. Puis ils se dirent l'un à l'autre: Nous
n'agissons pas bien! Cette journée est une journée
de bonne nouvelle; si nous gardons le silence et si
nous attendons jusqu'à la lumière du matin, le
châtiment nous atteindra. » Ils se hâtèrent donc de
retourner à la ville pour y annoncer l'heureuse
nouvelle.

Le butin était immense. Il y avait de telles


réserves que ce jour-là on eut « une mesure de fleur
de farine pour un sicle et deux mesures d'orge pour
un sicle » (Voir 2 Rois 7:5-16), selon la prophétie
faite la veille par Élisée. Une fois de plus, le nom
de l'Éternel fut exalté aux yeux des païens.

C'est ainsi que l'homme de Dieu continuait,


d'année en année, à s'acquitter fidèlement de son
ministère auprès du peuple, et en temps de crise
auprès des rois dont il était le conseiller.

L'idolâtrie à laquelle s'adonnèrent les rois et le


peuple d'Israël, pendant de longues années, avait eu
une influence néfaste sur le pays. Les ténèbres
spirituelles subsistaient encore partout. Cependant,
355
il existait çà et là des âmes sincères qui n'avaient
pas fléchi le genou devant Baal.

Alors qu'Élisée poursuivait sa réforme, de


nombreuses personnes se détournaient du
paganisme pour savourer les joies que l'on éprouve
à servir le vrai Dieu. Le prophète était heureux de
constater ces miracles de la grâce divine, et il
désirait ardemment atteindre le cœur de tous ceux
qui étaient sincères. Partout où il portait ses pas, il
s'efforçait d'enseigner la vérité.

A vues humaines, la perspective d'une


régénération spirituelle de la nation était tout aussi
désespérée que celle devant laquelle se trouvent
aujourd'hui les serviteurs de Dieu appelés à
travailler dans les régions enténébrées. Mais
l'Église du Christ est le moyen que Dieu emploie
pour la proclamation de la vérité. Il l'a rendue
capable d'accomplir une œuvre spéciale. Si elle
demeure fidèle au Seigneur, si elle obéit à ses
commandements, alors la plénitude de la puissance
céleste reposera sur elle. Si elle est fidèle à sa
mission, aucun pouvoir ne saurait lui résister. Les
356
forces de l'ennemi ne pourront la vaincre, pas plus
que le fétu de paille ne triomphe de l'aquilon.

L'aube d'un jour éclatant et radieux resplendira


sur l'Église, si elle revêt la robe de justice du Christ
et se dégage de tous les liens qui pourraient
l'attacher à la terre.

Dieu fait appel à tous ses fidèles, afin qu'ils


aillent apporter des paroles de réconfort aux
incroyants et aux désespérés. Tournez-vous vers le
Seigneur, vous, pauvres pécheurs qui avez perdu
l'espérance. Cherchez votre force en lui. Montrez
une foi humble et inébranlable en sa puissance et
en son désir de vous sauver. Lorsque nous nous
emparons par la foi de la force d'en haut, les
perspectives les plus sombres, les plus
décourageantes se transforment merveilleusement.
Le Seigneur opère pour la gloire de son nom.

Aussi longtemps que le prophète Élisée put se


rendre de lieu en lieu dans le royaume, il continua à
jouer un rôle actif dans l'édification des écoles des
prophètes. Dieu l'accompagnait partout; il
357
l'inspirait dans ses paroles, lui donnait le pouvoir
de faire des miracles. Un jour, « les fils des
prophètes dirent à Élisée: Voici, le lieu où nous
sommes assis devant toi est trop étroit pour nous.
Allons jusqu'au Jourdain; nous prendrons là chacun
une poutre, et nous y ferons un lieu d'habitation. »
(2 Rois 6:1, 2) Élisée se rendit avec les fils des
prophètes jusqu'au Jourdain; il leur prodigua les
conseils nécessaires, et il accomplit même un
miracle pour faciliter leur tâche. « Comme l'un
d'eux abattait une poutre, le fer tomba dans l'eau. Il
s'écria: Ah! mon seigneur, il était emprunté!
L'homme de Dieu dit: Où est-il tombé? Et il lui
montra la place. Alors Élisée coupa un morceau de
bois, le jeta à la même place, et fit surnager le fer.
Puis il dit: Enlève-le! Et il avança la main, et le
prit. » (2 Rois 6:5-7)

L'influence du prophète fut si efficace, elle


s'étendit si loin, qu'au moment de sa mort le jeune
roi Joas, adonné à l'idolâtrie et peu respectueux
envers le Seigneur, s'approcha de son lit, et
reconnut en Élisée un père en Israël. Il déclara que
la présence du prophète avait été plus précieuse en
358
temps de guerre qu'une armée de chevaux et de
chars. Le récit sacré nous dit: « Élisée était atteint
de la maladie dont il mourut; et Joas, roi d'Israël,
descendit vers lui, pleura sur son visage, et dit:
Mon père, mon père! Char d'Israël et sa cavalerie!
» (2 Rois 13:14)

Le prophète avait été pour les âmes troublées,


en quête d'un appui, un père sage et aimant. Aussi
ne repoussa-t-il pas le jeune roi impie qui se
présentait devant lui, roi si peu digne de la charge
qu'il assumait, et qui aurait eu tant besoin de
conseils. Le Seigneur, dans sa providence, lui
offrait l'occasion de racheter ses défaillances et de
placer son royaume dans des conditions
avantageuses. Les Syriens occupaient alors la
région située à l'est du Jourdain, il fallait les en
chasser. La puissance de Dieu allait se manifester
une fois encore en faveur de ses enfants rebelles.

Avant de mourir, le prophète donna cet ordre


au roi: « Prends un arc et des flèches. » Et Joas
obéit. Alors Élisée dit: « Bande l'arc avec ta main.
» Joas banda l'arc, et le prophète mit ses mains sur
359
les mains du roi, en disant: « Ouvre la fenêtre à
l'orient », vers les villes au-delà du Jourdain,
tombées au pouvoir des Syriens. Le roi obéit à
Élisée, qui lui ordonna de tirer. Tandis que la
flèche fendait l'air, le prophète prononça ces
paroles inspirées: « C'est une flèche de délivrance
de la part de l'Éternel, une flèche de délivrance
contre les Syriens; tu battras les Syriens à Aphek
jusqu'à leur extermination. »

Élisée mit la foi du monarque à l'épreuve. Il lui


ordonna de prendre les flèches, puis il dit: « Frappe
contre terre! » Joas frappa trois fois, et s'arrêta. « Il
fallait frapper cinq ou six fois », s'écria le prophète
irrité, « alors tu aurais battu les Syriens jusqu'à leur
extermination; maintenant, tu les battras trois fois »
(2 Rois 13:15-19).

La leçon qui se dégage de ce récit est valable


pour tous ceux qui assument des charges
importantes. Lorsque le Seigneur ouvre la voie
pour accomplir une certaine tâche, il faut faire
l'impossible pour arriver au résultat escompté. Le
succès sera fonction de l'enthousiasme et de la
360
persévérance manifestés. Dieu opérera des miracles
en faveur de son peuple, à condition que celui-ci
joue un rôle actif dans son œuvre. Il fait appel à des
hommes de foi, courageux et aimant les âmes,
dévorés d'un zèle ardent pour sa cause. Nulle tâche
trop ingrate, nulle perspective ne paraîtra vouée à
l'échec aux yeux de tels hommes. Ils poursuivront
leur tâche avec ardeur, jusqu'à ce que leur insuccès
apparent se transforme en victoire éclatante. Rien
au monde, ni les murs de la prison, ni le bûcher ne
sauraient les faire dévier du but poursuivi en
collaboration avec le Seigneur, dans l'édification de
son royaume.

L'œuvre d'Élisée s'acheva avec le conseil et les


paroles d'encouragement qu'il donna à Joas. Celui
qui avait reçu une mesure abondante de l'Esprit-
Saint avait été fidèle jusqu'au bout. Jamais il ne
chancela, jamais il ne perdit confiance dans la
toute-puissance du Très-Haut. Lorsque le chemin
devant lui paraissait sans issue, il continuait sa
marche par la foi, et le Seigneur récompensait sa
confiance en ouvrant ce chemin devant lui.

361
Il ne fut pas donné à Élisée de suivre son maître
au ciel dans un char de feu. Dieu permit qu'une
longue maladie le consumât lentement. Pendant ces
heures interminables de souffrances et de faiblesses
physiques, la foi du prophète s'attacha aux
promesses divines. Il eut toujours devant les yeux
les êtres célestes, ces messagers de paix et
d'espérance. De même qu'il avait vu, sur les
hauteurs de Dothan, la cohorte des anges qui
l'environnaient, les chars de feu, les cavaliers, de
même il eut conscience au cours de sa maladie de
la présence des messagers protecteurs. C'est ce qui
fit sa force. Toute sa vie, il avait manifesté une
grande foi, et cette foi s'était affermie à mesure
qu'il apprenait à mieux connaître les bontés
providentielles du Seigneur. Sa confiance en Dieu
était devenue inébranlable. Aussi, lorsque la mort
l'appela, il était prêt à se reposer de ses travaux.

« Elle a du prix aux yeux de l'Éternel, la mort


de ceux qui l'aiment. » (Psaumes 116:15) « Le juste
trouve un refuge même en sa mort. » (Proverbes
14:32) En toute confiance, Élisée pouvait dire avec
le Psalmiste: « Mon Dieu sauvera mon âme du
362
séjour des morts, car il me prendra sous sa
protection. » (Psaumes 49:16) Et il pouvait ajouter
avec joie: « Je sais que mon Rédempteur est vivant,
et qu'il se lèvera le dernier sur la terre. » (Job
19:25) « Pour moi, dans mon innocence, je verrai
ta face; dès le réveil, je me rassasierai de ton
image. » (Psaumes 17:15)

363
Chapitre 22

Ninive, la grande ville

Aux jours de la division d'Israël, Ninive,


capitale du royaume d'Assyrie, comptait parmi les
plus grandes villes de l'antiquité. Bâtie sur les rives
fertiles du Tigre, peu après la dispersion de la tour
de Babel, elle avait prospéré au cours des siècles au
point de devenir une « très grande ville, de trois
jours de marche » (Jonas 3:3).

À l'époque de sa prospérité, Ninive était un


foyer de crime et de corruption. Le récit sacré nous
la dépeint comme une « ville sanguinaire, pleine de
mensonge et de rapine » (Nahoum 3:1). Dans un
langage imagé, le prophète Nahum la compare à un
lion cruel et dévorant. « Quel est celui que ta
méchanceté n'a pas atteint? » (Nahoum 3:19) dit-il.

Mais Ninive, bien que pervertie, n'était pas


totalement livrée au mal. Celui qui « voit tous les
fils des hommes » (Psaumes 33:13), et qui «

364
contemple ce qu'il y a de précieux » (Job 28:10),
savait que de nombreux Ninivites aspiraient à
quelque chose de plus élevé et de meilleur, et il
jugea que, si on leur offrait l'occasion de connaître
le Dieu vivant, ils renonceraient à leurs mauvaises
actions et l'adoreraient. Et c'est ainsi que, dans sa
sagesse, le Seigneur se révéla aux Ninivites d'une
manière manifeste, afin de les amener à la
repentance.

Pour cette œuvre, il se choisit comme


instrument Jonas, fils d'Amitthaï. La parole de
l'Éternel lui fut adressée en ces termes: « Lève-toi,
va à Ninive, la grande ville, et crie contre elle! car
sa méchanceté est montée jusqu'à moi. » (Jonas
1:1, 2)

En envisageant les difficultés et l'impossibilité


apparente d'une telle mission, Jonas fut tenté de
mettre en doute la sagesse de l'appel qui lui était
adressé. A vues humaines, en effet, il semblait
inutile de proclamer un message de ce genre dans
cette ville orgueilleuse. Le prophète oubliait en ce
moment que Dieu possède la toute-puissance et la
365
toute-sagesse. En proie au doute et à l'hésitation,
Jonas se laissa plonger dans le découragement par
Satan. Saisi de frayeur, il « se leva pour s'enfuir à
Tarsis ». Il descendit à Japho, et trouva un navire
qui appareillait pour Tarsis. « Il paya le prix du
transport, et s'embarqua ... avec les passagers. »
(Jonas 1:3)

La mission confiée à Jonas comportait une


lourde responsabilité; mais celui qui l'en avait
chargé était capable de le soutenir et de l'aider à
s'en acquitter fidèlement. S'il avait obéi sans
hésitation, il aurait évité bien des épreuves et reçu
d'abondantes bénédictions. Cependant, au moment
où le désespoir s'empara de Jonas, le Seigneur ne
l'abandonna pas. S'il subit une série de dures
épreuves, celles-ci furent suivies de bénédictions
extraordinaires. Sa confiance en Dieu et en sa
puissance salvatrice devait en être raffermie.

Si le prophète n'avait pas discuté froidement


l'appel qui lui avait été adressé, il aurait compris
combien toute tentative était vaine pour se dérober
à sa mission. Mais il ne lui fut pas permis de rester
366
longtemps en repos dans sa fuite insensée. «
L'Éternel fit souffler sur la mer un vent impétueux,
et il s'éleva sur la mer une grande tempête. Le
navire menaçait de faire naufrage. Les mariniers
eurent peur, ils implorèrent chacun leur dieu, et ils
jetèrent dans la mer les objets qui étaient sur le
navire, afin de le rendre plus léger. Jonas descendit
au fond du navire, se coucha, et s'endormit
profondément. » (Jonas 1:4, 5)

Tandis que les marins suppliaient leur dieu


païen de les secourir, le pilote en proie à un
désespoir farouche se mit à la recherche de Jonas,
et lui dit: « Pourquoi dors-tu? Lève-toi, invoque ton
Dieu! peut-être voudra-t-il penser à nous, et nous
ne périrons pas. » (Jonas 1:6)

Mais qu'auraient pu faire les prières d'un


homme qui s'était détourné du sentier du devoir?
Convaincus que l'extrême violence de la tempête
était due à la colère des dieux, les marins
décidèrent, en désespoir de cause, de tirer au sort «
pour savoir qui attirait ce malheur. Ils tirèrent au
sort, et le sort tomba sur Jonas. Alors ils dirent:
367
Dis-nous qui nous attire ce malheur? Quelles sont
tes affaires, et d'où viens-tu? Quel est ton pays, et
de quel peuple es-tu? Il leur répondit: Je suis
Hébreu, et je crains l'Éternel, le Dieu des cieux, qui
a fait la mer et la terre.

»Ces hommes eurent une grande frayeur, et ils


lui dirent: Pourquoi as-tu fais cela? Car ces
hommes savaient qu'il fuyait loin de la face de
l'Éternel, parce qu'il le leur avait déclaré. Ils lui
dirent: Que te ferons-nous, pour que la mer se
calme envers nous? Car la mer était de plus en plus
orageuse. Il leur répondit: Prenez-moi, et jetez-moi
dans la mer, et la mer se calmera envers vous; car
je sais que c'est moi qui attire sur vous cette grande
tempête. Ces hommes ramaient pour gagner la
terre, mais ils ne le purent, parce que la mer
s'agitait toujours plus contre eux.

»Alors ils invoquèrent l'Éternel, et dirent: O


Éternel, ne nous fais pas périr à cause de la vie de
cet homme, et ne nous charge pas du sang
innocent! Car toi, Éternel, tu fais ce que tu veux.
Puis ils prirent Jonas, et le jetèrent dans la mer. Et
368
la fureur de la mer s'apaisa. Ces hommes furent
saisis d'une grande crainte de l'Éternel, et ils
offrirent un sacrifice à l'Éternel, et firent des vœux.

»L'Éternel fit venir un grand poisson pour


engloutir Jonas, et Jonas fut dans le ventre du
poisson trois jours et trois nuits. Jonas, dans le
ventre du poisson, pria l'Éternel, son Dieu. Il dit:

Dans ma détresse, j'ai invoqué l'Éternel,


Et il m'a exaucé;
Du sein du séjour des morts j'ai crié,
Et tu as entendu ma voix.
Tu m'as jeté dans l'abîme, dans le cœur de la
mer,
Et les courants d'eau m'ont environné;
Toutes tes vagues et tous tes flots ont passé sur
moi.
Je disais: Je suis chassé loin de ton regard!
Mais je verrai encore ton saint temple.
Les eaux m'ont couvert jusqu'à m'ôter la vie,
L'abîme m'a enveloppé,
Les roseaux ont entouré ma tête.
Je suis descendu jusqu'aux racines des
369
montagnes,
Les barres de la terre m'enfermaient pour
toujours;
Mais tu m'as fait remonter vivant de la fosse,
Éternel, mon Dieu!
Quand mon âme était abattue au-dedans de
moi,
Je me suis souvenu de l'Éternel,
Et ma prière est parvenue jusqu'à toi,
Dans ton saint temple. ...
Pour moi, je t'offrirai des sacrifices avec un cri
d'actions de grâces,
J'accomplirai les vœux que j'ai faits:
Le salut vient de l'Éternel. »
(Jonas 1:7 à 2:9)

Jonas avait enfin compris que « le salut est


auprès de l'Éternel » (Psaumes 3:9). Et parce qu'il
s'était repenti, qu'il avait reconnu la grâce salvatrice
de Dieu, il avait la vie sauve. Echappant aux périls
des profondeurs de la mer, il était rejeté sur la terre
ferme.

Mais une fois de plus le serviteur de Dieu reçut


370
l'ordre d'avertir Ninive. « La parole de l'Éternel fut
adressée à Jonas une seconde fois, en ces mots:
Lève-toi, va à Ninive, la grande ville, et proclames-
y la publication que je t'ordonne! » Alors le
prophète ne tergiversa plus, il ne mit pas en doute
non plus l'ordre divin. Il obéit aveuglément. «
Jonas se leva, et alla à Ninive, selon la parole de
l'Éternel. » (Jonas 3:1-3)

Dès qu'il pénétra dans la ville, le prophète se


mit à « crier et à dire: Encore quarante jours, et
Ninive est détruite! » (Jonas 3:4) Il parcourut ainsi
toutes les rues, en faisant retentir son cri d'alarme.

Ce n'est pas en vain qu'il proclama ce message.


Le cri qui résonna dans les rues de la ville païenne
circula de bouche en bouche, jusqu'à ce que tous
les Ninivites eussent entendu l'effrayante nouvelle.
L'Esprit de Dieu fit pénétrer profondément les
paroles de Jonas dans le cœur de chacun, et des
foules frémirent à l'idée de leurs péchés, et se
repentirent en s'humiliant dans la poussière.

« Les gens de Ninive crurent à Dieu, ils


371
publièrent un jeûne, et se revêtirent de sacs, depuis
les plus grands jusqu'aux plus petits. La chose
parvint au roi de Ninive; il se leva de son trône, ôta
son manteau, se couvrit d'un sac, et s'assit sur la
cendre. Et il fit faire dans Ninive cette publication,
par ordre du roi et de ses grands: Que les hommes
et les bêtes, les bœufs et les brebis, ne goûtent de
rien, ne paissent point, et ne boivent point d'eau!
Que les hommes et les bêtes soient couverts de
sacs, qu'ils crient à Dieu avec force, et qu'ils
reviennent tous de leur mauvaise voie et des actes
de violence dont leurs mains sont coupables! Qui
sait si Dieu ne reviendra pas et ne se repentira pas,
et s'il ne renoncera pas à son ardente colère, en
sorte que nous ne périssions point? » (Jonas 3:5-9)

Le roi, les nobles, le peuple, les grands et les


petits, « se repentirent à la prédication de Jonas »
(Matthieu 12:41), et tous ensemble implorèrent le
Dieu des cieux, qui exerça envers eux sa
miséricorde. Il « vit qu'ils agissaient ainsi et qu'ils
revenaient de leur mauvaise voie. Alors Dieu se
repentit du mal qu'il avait résolu de leur faire, et il
ne le fit pas. » (Jonas 3:10) Ils furent donc
372
épargnés. Le Dieu d'Israël fut exalté et honoré dans
tout le monde païen, et sa loi révérée.
Malheureusement, peu de temps après cet
événement, Ninive devint la proie des nations
voisines, car elle avait oublié l'Éternel et s'était
laissé aller à l'orgueil.

Lorsque Jonas apprit que Dieu avait décidé


d'épargner la ville qui s'était repentie de ses péchés
en prenant le sac et la cendre, au lieu d'être le
premier à se réjouir de ce miracle de la grâce, il se
laissa gagner par l'idée qu'on le considérerait
comme un faux prophète. Jaloux de sa réputation,
il perdit de vue la valeur infiniment grande des
âmes de cette ville corrompue. La compassion
manifestée par le Seigneur envers Ninive
repentante « déplut fort à Jonas, et il fut irrité. ...
N'est-ce pas ce que je disais, s'écria-t-il en
s'adressant à l'Éternel, quand j'étais encore dans
mon pays? C'est ce que je voulais prévenir en
fuyant à Tarsis. Car je savais que tu es un Dieu
compatissant et miséricordieux, lent à la colère et
riche en bonté, et qui te repens du mal. » (Jonas
4:1, 2)
373
Une fois de plus le prophète se laissait aller à sa
tendance au doute, et une fois de plus il sombrait
dans le découragement. Il perdit de vue le bien de
ses semblables et, préférant mourir plutôt que de
voir Ninive épargnée, il s'écria, plein d'amertume:
« Maintenant, Éternel, prends-moi donc la vie, car
la mort m'est préférable à la vie. »

Mais Dieu lui répondit: « Fais-tu bien de


t'irriter? Et Jonas sortit de la ville, et s'assit à
l'orient de la ville. Là, il se fit une cabane, et s'y tint
à l'ombre, jusqu'à ce qu'il vît ce qui arriverait dans
la ville. L'Éternel Dieu fit croître un ricin, qui
s'éleva au-dessus de Jonas pour donner de l'ombre
sur sa tête et pour lui ôter son irritation. Jonas
éprouva une grande joie à cause de ce ricin. »
(Jonas 4:3-6)

Alors le Seigneur donna à Jonas une leçon


frappante. Il « fit venir un ver qui piqua le ricin, et
le ricin sécha. Au lever du soleil, Dieu fit souffler
un vent chaud d'orient, et le soleil frappa sur la tête
de Jonas, au point qu'il tomba en défaillance. Il
374
demanda la mort, et dit: La mort m'est préférable à
la vie. »

Dieu s'adressa encore à son prophète en ces


termes: « Fais-tu bien de t'irriter à cause du ricin? »
Jonas répondit: « Je fais bien de m'irriter jusqu'à la
mort. Et l'Éternel dit: Tu as pitié du ricin qui ne t'a
coûté aucune peine et que tu n'as pas fait croître,
qui est né dans une nuit et qui a péri dans une nuit.
Et moi, je n'aurais pas pitié de Ninive, la grande
ville, dans laquelle se trouvent plus de cent vingt
mille hommes qui ne savent pas distinguer leur
droite de leur gauche, et des animaux en grand
nombre! » (Jonas 4:7-11)

Confus, humilié, incapable de comprendre les


desseins de Dieu qui épargnait Ninive, Jonas avait
cependant accompli sa mission, consistant à avertir
cette grande ville. Et bien que l'événement prédit
ne se soit pas réalisé, le message du prophète n'en
émanait pas moins de Dieu, et il atteignait le but
souhaité: la puissance de la grâce divine fut connue
parmi les païens. Ceux qui, depuis longtemps, «
avaient pour demeure les ténèbres et l'ombre de la
375
mort, vivaient captifs dans la misère et dans les
chaînes », et « dans leur détresse, ils crièrent à
l'Éternel, et il les délivra de leurs angoisses; il les
fit sortir des ténèbres et de l'ombre de la mort, et il
rompit leurs liens ». « Il envoya sa parole et les
guérit, il les fit échapper de la fosse. » (Psaumes
107:10, 13, 14, 20)

Au cours de son ministère terrestre, le Christ fit


allusion au bien produit par la prédication de Jonas
à Ninive. Il compara les habitants de cette
agglomération païenne à ceux qui, de son temps,
prétendaient être le peuple élu du Seigneur. « Les
hommes de Ninive, disait-il, se lèveront, au jour du
jugement, avec cette génération et la
condamneront, parce qu'ils se repentirent à la
prédication de Jonas; et voici, il y a ici plus que
Jonas. » (Matthieu 12:41)

Lorsque le Christ vint ici-bas, les hommes


étaient agités, absorbés par les affaires et les
rivalités commerciales; ils ne pensaient qu'à leurs
propres intérêts. Alors la voix du Sauveur, telle la
trompette de Dieu, domina la confusion, et
376
proclama: « Que sert-il à un homme de gagner tout
le monde, s'il perd son âme? » Et « que donnerait
un homme en échange de son âme? » (Marc 8:36,
37)

De même que la prédication de Jonas fut un


signe pour les Ninivites, la prédication de Jésus en
était un autre pour les hommes de sa génération.
Mais comme ces avertissements furent reçus
différemment! Cependant, en dépit de
l'indifférence et du mépris qui lui furent
manifestés, le Sauveur continua son œuvre jusqu'au
bout.

Il y a ici une leçon pour les messagers de Dieu


de nos jours. Les habitants des grandes villes ont
un besoin tout aussi impérieux de l'Évangile que
les Ninivites d'antan. Il faut que les ambassadeurs
du Christ attirent l'attention des hommes sur un
monde plus beau, que l'on a totalement perdu de
vue, sur la cité céleste « dont Dieu est l'architecte et
le constructeur ». Le croyant peut contempler, avec
les yeux de la foi, cette demeure d'en haut, toute
resplendissante de la gloire du Dieu vivant. Jésus-
377
Christ, par ses serviteurs, invite tous les hommes à
mettre leur ambition dans la recherche d'un
héritage éternel. Il les exhorte à s'amasser un trésor
dans les cieux.

L'augmentation constante et obstinée de la


méchanceté attirera promptement et inévitablement
sur les habitants des villes un châtiment presque
universel. La corruption qui règne actuellement est
indescriptible. Chaque jour apporte de nouvelles
révélations concernant les dissensions, la
malhonnêteté et la fraude. Chaque jour amène son
cortège douloureux de violences et d'infractions à
la loi, d'indifférence en face de la souffrance,
d'attentats brutaux et diaboliques à la vie humaine.
Chaque jour est témoin d'un accroissement de la
folie, du meurtre et du suicide.

Satan s'est efforcé, à travers les âges, de


maintenir les hommes dans l'ignorance des
desseins d'amour du Créateur. Il s'est appliqué à
leur faire perdre de vue les grands principes de la
loi de Dieu, principes de justice, de miséricorde et
d'amour. Les hommes se vantent des merveilleux
378
progrès scientifiques de l'heure; mais Dieu voit la
terre remplie d'iniquité et de violence. Les hommes
prétendent que la loi divine a été abrogée, que la
Bible n'est pas authentique. Il en est résulté une
vague de maux, tels qu'on n'en avait jamais vu de
semblables depuis les jours de Noé et de l'apostasie
d'Israël. La noblesse d'âme, la bonté, la piété ont
fait place à la convoitise des choses défendues. La
sombre liste des crimes commis pour l'amour du
lucre suffit à nous faire frissonner d'horreur.

Notre Dieu est un Dieu de miséricorde. Il traite


les transgresseurs de sa loi avec patience et
compassion. Toutefois, de nos jours, alors que les
hommes et les femmes ont tant d'occasions de se
familiariser avec la loi divine, telle qu'elle est
révélée dans la sainte Ecriture, le grand Maître de
l'univers ne peut considérer avec satisfaction les
villes corrompues, où règnent la violence et le
crime. Sa patience à l'égard de ceux qui s'obstinent
à lui désobéir arrive rapidement à son terme.

Les hommes doivent-ils s'étonner si le Maître


suprême change soudain d'attitude envers les
379
habitants d'un monde perdu? Doivent-ils être
surpris si le châtiment fait suite à la transgression et
au crime toujours croissants? Doivent-ils s'étonner
si Dieu amène la destruction et la mort sur ceux qui
ont acquis leurs biens par l'extorsion et la
tromperie? Bien que la lumière divine ait illuminé
leur sentier d'un vif éclat, le plus grand nombre
refuse de se soumettre aux exigences du Seigneur
et de le reconnaître comme leur Maître. Ils
préfèrent rester sous la sombre bannière de celui
qui est à l'origine de la révolte contre le ciel.

La patience de Dieu est très grande, au point


que lorsque nous considérons l'outrage continuel
réservé à ses saints commandements, nous sommes
émerveillés. Le Tout-Puissant n'a pas exercé son
pouvoir comme il aurait pu le faire, mais soyons
sûrs qu'il punira les méchants qui se moquent des
justes revendications du Décalogue.

La patience de Dieu est très grande, au point


que lorsque nous considérons l'outrage continuel
réservé à ses saints commandements, nous sommes
émerveillés. Le Tout-Puissant n'a pas exercé son
380
pouvoir comme il aurait pu le faire, mais soyons
sûrs qu'il punira les méchants qui se moquent des
justes revendications du Décalogue.

Le Seigneur accorde aux hommes un temps de


grâce; mais lorsqu'ils dépassent une certaine limite,
sa patience est à son terme, et ses châtiments ne se
font pas attendre. Il supporte longtemps la
méchanceté des hommes et des villes, mais il vient
un temps où sa clémence ne s'exerce plus. Ceux qui
persistent à refuser la lumière de la vérité seront un
jour rejetés, livrés à leur propre merci et à celle des
hommes qu'ils ont influencés.

Le temps est proche où le monde connaîtra une


douleur que nul ne sera capable de soulager.
L'Esprit de Dieu se retire de la terre. Les
cataclysmes se succèdent à une cadence accélérée.
Que de fois n'entendons-nous pas parler de
tremblements de terre, de cyclones, de ravages
causés par des incendies et des inondations, de
lourdes pertes de vies humaines et de biens
matériels! A vues humaines, ces calamités résultent
des déchaînements capricieux des forces de la
381
nature, désorganisées et déréglées, échappant au
contrôle de l'homme. Mais ce sont des moyens
employés par Dieu pour chercher à éveiller chez
tous le sentiment du danger qu'ils courent.

Les messagers du Seigneur, dans les grandes


villes, ne doivent pas se laisser aller au
découragement par la méchanceté, l'injustice, la
dépravation qu'ils rencontrent lorsqu'ils s'efforcent
de parler aux hommes de la bonne nouvelle du
salut. Dieu sera leur réconfort; il leur adressera le
message qu'il donna à l'apôtre Paul quand il se
trouvait dans la ville corrompue de Corinthe: « Ne
crains point; mais parle, et ne te tais point, car je
suis avec toi, et personne ne mettra la main sur toi
pour te faire du mal: parle, car j'ai un peuple
nombreux dans cette ville. » (Actes des Apôtres
18:9, 10)

Ceux qui s'occupent du salut de leurs


semblables doivent se souvenir que, si un grand
nombre de personnes refusent d'écouter la Parole
de Dieu, il en est d'autres qui ne se détourneront
pas de la vérité, ni des appels d'un Sauveur patient
382
et miséricordieux. Quels que puissent être le
nombre des crimes et la corruption que recèle une
ville, il s'y trouvera toujours des âmes prêtes à
devenir disciples de Jésus, si elles sont instruites
convenablement. Le message du salut peut amener
des milliers de personnes à recevoir le Christ
comme leur Sauveur personnel.

La parole que Dieu adresse aujourd'hui à tous


est celle-ci: « Vous aussi, tenez-vous prêts, car le
Fils de l'homme viendra à l'heure où vous n'y
penserez pas. » (Matthieu 24:44) L'état de choses
qui existe dans la société, et en particulier dans les
grandes villes, proclame avec force que l'heure du
jugement est venue, et que la fin de toutes choses
est proche. Nous sommes à la veille de la crise
finale, les jugements de Dieu se succèdent
rapidement: les incendies, les inondations, les
tremblements de terre, la guerre. Tout cela ne doit
pas nous surprendre, car l'ange de la miséricorde ne
saurait plus longtemps protéger les impénitents.

Le prophète Ésaïe a écrit ces paroles: « Voici,


l'Éternel sort de sa demeure, pour punir les crimes
383
des habitants de la terre; et la terre mettra le sang à
nu, elle ne couvrira plus les meurtres. » (Ésaïe
26:21) La tempête déchaînée par la colère divine se
prépare. Seuls y échapperont ceux qui acceptent la
grâce du ciel, comme le firent les Ninivites à la
prédication de Jonas, et ceux qui seront sanctifiés
par l'obéissance aux lois divines. Seul le juste sera
« caché avec le Christ en Dieu, jusqu'à ce que la
désolation soit passée ». Que les paroles de ce beau
cantique soient le cri de notre âme:

Seul Refuge de mon âme,


Je veux m'appuyer sur toi;
La paix que mon cœur réclame
Est à tes pieds, divin Roi!

A toi, Jésus, j'abandonne


Mon cœur, mon âme et mes jours!
Qu'en moi ton amour rayonne.
Je veux te servir toujours.

384
Chapitre 23

La captivité assyrienne

Les dernières années du malheureux royaume


d'Israël furent marquées par une violence et un
massacre tels qu'on n'en avait jamais vu de
semblables, même aux jours les plus sombres des
luttes et des guerres de la maison d'Achab. Pendant
plus de deux siècles, les rois des dix tribus avaient
semé le vent, ils allaient récolter la tempête. Ils
avaient été assassinés les uns après les autres pour
permettre à des intrigants de régner à leur place. «
Ils ont établi des rois sans mon ordre, déclarait le
Seigneur en parlant de ces usurpateurs impies, et ils
ont établi des chefs à mon insu. » (Osée 8:4)

Tous les principes de justice furent rejetés, et


les hommes qui auraient dû paraître aux yeux des
nations comme les dépositaires de la grâce divine
furent « infidèles à l'Éternel » (Osée 5:7) et à leurs
semblables. Par de sévères réprimandes, Dieu
s'efforça de faire naître chez la nation rebelle le

385
sentiment du danger qui la menaçait: sa ruine
imminente et totale. Par l'intermédiaire des
prophètes Osée et Amos, il envoya aux dix tribus
d'Israël des messages répétés, les invitant à se
repentir, et les menaçant de la destruction si elles
ne mettaient pas un terme à leurs transgressions
continuelles. « Vous avez cultivé le mal, disait
Osée, moissonné l'iniquité, mangé le fruit du
mensonge », et s'adressant à la nation rebelle il lui
déclarait: « Tu as eu confiance dans ta voie, dans le
nombre de tes vaillants hommes. Il s'élèvera un
tumulte parmi ton peuple, et toutes tes forteresses
seront détruites. ... Vienne l'aurore, et c'en est fait
du roi d'Israël. » (Osée 10:13-15)

Le prophète Osée parle ainsi au sujet


d'Ephraïm. Le prophète Osée parle souvent
d'Ephraïm, principale tribu apostate du royaume
d'Israël, comme d'un symbole de la nation idolâtre:
« Des étrangers consument sa force, et il ne s'en
doute pas; la vieillesse s'empare de lui, et il ne s'en
doute pas. ... Israël a rejeté le bien. ... Ephraïm est
opprimé, brisé par le jugement. » Incapables de
prévoir les conséquences de leur mauvaise
386
conduite, les Israélites allaient devenir un peuple «
errant parmi les nations » (Osée 7:9; 8:3; 5:11;
9:17).

Certains conducteurs d'Israël eurent le


sentiment très vif d'avoir perdu leur glorieux
prestige à l'égard des autres nations, et ils
souhaitèrent ardemment le retrouver. Mais au lieu
d'abandonner les pratiques qui avaient provoqué la
faiblesse du royaume, ils s'obstinèrent à commettre
l'iniquité. Ils se flattaient de renforcer leur pouvoir
en s'alliant, quand l'occasion s'en présentait, avec
des païens. « Ephraïm voit son mal, et Juda ses
plaies; Ephraïm se rend en Assyrie. ... Ephraïm est
comme une colombe stupide, sans intelligence; ils
implorent l'Égypte, ils vont en Assyrie. » Ephraïm
« fait alliance avec l'Assyrie » (Osée 5:13; 7:11;
12:1).

Par l'intermédiaire de l'homme de Dieu qui était


apparu devant l'autel de Béthel, par celui d'Elie,
d'Elisée, d'Amos et d'Osée, Dieu ne cessa d'avertir
les dix tribus d'Israël des malheurs qui allaient
fondre sur elles, par suite de leur désobéissance.
387
Mais en dépit des reproches et des supplications,
les Israélites ne firent que s'enfoncer dans
l'apostasie. « Israël se révolte comme une génisse
indomptable, déclarait le Seigneur, mon peuple est
enclin à s'éloigner de moi. » (Osée 4:16; 11:7)

Les châtiments divins s'abattaient parfois


lourdement sur les enfants d'Israël. « Je les
frapperai par les prophètes, déclarait le Seigneur, je
les tuerai par les paroles de ma bouche, et mes
jugements éclateront comme la lumière. Car j'aime
la piété et non les sacrifices, et la connaissance de
Dieu plus que les holocaustes. Ils ont, comme le
vulgaire, transgressé l'alliance; c'est alors qu'ils
m'ont été infidèles. » (Osée 6:5-7) Enfin, un
suprême message leur fut adressé: « Ecoutez la
parole de l'Éternel, enfants d'Israël! » Puis,
s'adressant à la nation rebelle, Osée s'écrie: «
Puisque tu as oublié la loi de ton Dieu, j'oublierai
aussi tes enfants. Plus ils se sont multipliés, plus ils
ont péché contre moi: je changerai leur gloire en
ignominie. ... Je les châtierai selon leurs voies, je
leur rendrai selon leurs œuvres. » (Osée 4:1, 6-9)

388
L'iniquité d'Israël, au cours de la dernière
moitié du siècle qui précéda la captivité assyrienne,
rappelle celle des jours de Noé. C'est celle de
toutes les périodes où les hommes rejettent le
Seigneur pour se livrer totalement au mal.
Lorsqu'on exalte la nature au-dessus de son auteur,
qu'on adore la créature au lieu du Créateur, on
aboutit toujours aux pires catastrophes. Ainsi,
quand le peuple d'Israël adora Baal et Astarté, il
rendit un culte suprême aux forces de la nature, et
il perdit contact avec tout ce qui est noble et élevé.
Il devint alors une proie facile pour la tentation.
Privée de défense, l'âme s'égare, elle est incapable
de lutter contre le péché, et les viles passions du
cœur humain se donnent libre cours.

Les prophètes élevèrent la voix contre


l'oppression excessive, l'injustice flagrante, le luxe
effréné et insensé qui régnaient de leur temps. Ils
blâmèrent les festins et l'ivresse, la licence
impudique et la débauche; mais c'est en vain qu'ils
adressaient leurs protestations au peuple idolâtre et
dénonçaient ses péchés. « Ils haïssent celui qui les
reprend à la porte, déclarait Amos, et ils ont en
389
horreur celui qui parle sincèrement. » Et,
s'adressant à eux, il s'écrie: « Vous opprimez le
juste, vous recevez des présents, et vous violez à la
porte le droit des pauvres. » (Amos 5:10, 12)

Telles furent certaines des conséquences de


l'instauration du culte du veau d'or de Jéroboam. La
première entorse faite aux formes du culte
conduisait aux pratiques les plus grossières de
l'idolâtrie, si bien que finalement presque tous les
habitants d'Israël s'adonnèrent à l'adoration
fascinante de la nature. Oubliant leur Maître, ils se
plongèrent « dans la corruption » (Osée 9:9).

Les prophètes ne cessèrent de s'élever contre


ces péchés, et d'exhorter le peuple au bien. « Semez
selon la justice, moissonnez selon la miséricorde,
s'écria Osée, défrichez-vous un champ nouveau! Il
est temps de chercher l'Éternel, jusqu'à ce qu'il
vienne, et répande pour vous la justice. ... Reviens
à ton Dieu, dit le prophète au peuple rebelle, garde
la piété et la justice, et espère toujours en ton Dieu.
... Car tu es tombé par ton iniquité. Apportez avec
vous des paroles, et revenez à l'Éternel. Dites-lui:
390
Pardonne toutes les iniquités, et reçois-nous
favorablement. » (Osée 10:12; 12:7; 14:1, 2)

De multiples occasions furent offertes aux


pécheurs pour se repentir. A l'heure la plus sombre
de l'apostasie, Dieu envoya à Israël un message de
pardon et d'espoir. « Ce qui cause ta ruine, Israël,
déclarait-il, c'est que tu as été contre moi, contre
celui qui pouvait te secourir. Où donc est ton roi?
Qu'il te délivre dans toutes tes villes! » (Osée 13:9,
10)

« Venez, retournons à l'Éternel, suppliait le


prophète, car il a déchiré, mais il nous guérira; il a
frappé, mais il bandera nos plaies. Il nous rendra la
vie dans deux jours; le troisième jour il nous
relèvera, et nous vivrons devant lui. Connaissons,
cherchons à connaître l'Éternel; sa venue est aussi
certaine que celle de l'aurore. Il viendra pour nous
comme la pluie, comme la pluie du printemps qui
arrose la terre. » (Osée 6:1-3)

Le Seigneur offrait la restauration et la paix à


ceux qui avaient perdu de vue ses desseins pour
391
sauver les pécheurs des pièges de Satan. « Je
réparerai leur infidélité, leur déclarait-il, j'aurai
pour eux un amour sincère; car ma colère s'est
détournée d'eux. Je serai comme la rosée pour
Israël, il fleurira comme le lis, et il poussera des
racines comme le Liban. Ses rameaux s'étendront;
il aura la magnificence de l'olivier, et les parfums
du Liban. Ils reviendront s'asseoir à son ombre, ils
redonneront la vie au froment, et ils fleuriront
comme la vigne; ils auront la renommée du vin du
Liban. Ephraïm, qu'ai-je à faire encore avec les
idoles? Je l'exaucerai, je le regarderai, je serai pour
lui comme un cyprès verdoyant. C'est de moi que
tu recevras ton fruit. Que celui qui est sage prenne
garde à ces choses! Que celui qui est intelligent les
comprenne! Car les voies de l'Éternel sont droites;
les justes y marcheront, mais les rebelles y
tomberont. » (Osée 14:4-9)

Dieu insistait sur les bénédictions réservées à


ceux qui le rechercheraient. « Cherchez-moi, et
vous vivrez! disait-il. Ne cherchez pas Béthel,
n'allez pas à Guilgal, ne passez pas à Beer-Schéba.
Car Guilgal sera captif, et Béthel anéanti. ...
392
»Recherchez le bien et non le mal, afin que
vous viviez, et qu'ainsi l'Éternel, le Dieu des
armées, soit avec vous, comme vous le dites.
Haïssez le mal et aimez le bien, faites régner à la
porte la justice; et peut-être l'Éternel, le Dieu des
armées, aura pitié des restes de Joseph. » (Amos
5:4, 5, 14, 15)

Mais la plupart de ceux qui entendirent ces


exhortations refusèrent d'en bénéficier. Les paroles
des messagers du Seigneur allaient tellement à
l'encontre de ces impénitents que le prêtre idolâtre
de Béthel fit dire au roi d'Israël: « Amos conspire
contre toi au milieu de la maison d'Israël; le pays
ne peut supporter toutes ses paroles. » (Amos 7:10)

Le Seigneur déclara par la bouche d'Osée: «


Lorsque je voulais guérir Israël, l'iniquité
d'Ephraïm et la méchanceté de Samarie se sont
révélées. ... L'orgueil d'Israël témoigne contre lui;
ils ne reviennent pas à l'Éternel, leur Dieu, et ils ne
le cherchent pas, malgré tout cela. » (Osée 7:1, 10)

393
De génération en génération, Dieu avait
supporté la méchanceté de ses enfants. Même alors,
devant leur rébellion pleine de défi, il désirait
ardemment leur salut. « Que te ferai-je, Ephraïm?
s'exclamait-il. Que te ferai-je Juda? Votre piété est
comme la nuée du matin, comme la rosée qui
bientôt se dissipe. » (Osée 6:4)

Les maux qui s'étaient abattus sur la nation


étaient devenus inguérissables, c'est pourquoi ce
terrible jugement fut prononcé: « Ephraïm est
attaché aux idoles: laisse-le! ... Ils arrivent, les
jours de châtiment, ils arrivent, les jours de la
rétribution: Israël va l'éprouver! » (Osée 4:17; 9:7)

Les dix tribus devaient récolter le fruit de


l'apostasie qui avait pris forme avec l'érection des
autels de Béthel et de Dan. Dieu leur adressa ce
message: « L'Éternel a rejeté ton veau, Samarie!
Ma colère s'est enflammée contre eux. Jusques à
quand refuseront-ils de se purifier? Il vient d'Israël,
un ouvrier l'a fabriqué, et ce n'est pas un dieu; c'est
pourquoi le veau de Samarie sera mis en pièces. ...
Les habitants de Samarie seront consternés au sujet
394
des veaux de Beth-Aven; le peuple mènera deuil
sur l'idole, et ses prêtres trembleront pour elle, pour
sa gloire, qui va disparaître du milieu d'eux. Elle
sera transportée en Assyrie, pour servir de présent
au roi Jareb (Sennacherib). » (Osée 8:5, 6; 10:5, 6)

« Voici, le Seigneur, l'Éternel, a les yeux sur le


royaume coupable. Je le détruirai de dessus la face
de la terre; toutefois, je ne détruirai pas entièrement
la maison de Jacob, dit l'Éternel. Car voici, je
donnerai mes ordres, et je secouerai la maison
d'Israël parmi toutes les nations, comme on secoue
avec le crible, sans qu'il tombe à terre un seul
grain. Tous les pécheurs de mon peuple mourront
par l'épée, ceux qui disent: Le malheur
n'approchera pas, ne nous atteindra pas. ...

»Les palais d'ivoire périront, les maisons des


grands disparaîtront, dit l'Éternel. ... Le Seigneur,
l'Éternel des armées, touche la terre, et elle tremble,
et tous ses habitants sont dans le deuil. ... Tes fils et
tes filles tomberont par l'épée, ton champ sera
partagé au cordeau; et toi, tu mourras sur une terre
impure, et Israël sera emmené captif loin de son
395
pays. ... Et puisque je te traiterai de la même
manière, prépare-toi à la rencontre de ton Dieu, ô
Israël! » (Amos 9:8-10; 3:15; 9:5; 7:17; 4:12)

Les châtiments prédits subirent un temps


d'arrêt, et pendant le long règne de Jéroboam II les
armées d'Israël remportèrent d'éclatantes victoires.
Toutefois ces succès éphémères n'apportèrent
aucun changement dans le cœur des impénitents, et
finalement Amos déclara: « Jéroboam mourra par
l'épée, et Israël sera emmené captif loin de son
pays. » (Amos 7:11)

Mais le roi et le peuple ne tinrent aucun compte


de cette déclaration catégorique, tant ils étaient
ancrés dans l'idolâtrie. Amatsia, l'un des chefs des
prêtres de Béthel, saisi par les paroles que le
prophète avait prononcées contre Israël et son roi,
dit à Amos: « Homme à visions, va-t'en, fuis dans
le pays de Juda; manges-y ton pain, et là tu
prophétiseras. Mais ne continue pas à prophétiser à
Béthel, car c'est un sanctuaire du roi, et c'est une
maison royale. » (Amos 7:12, 13) Ce à quoi le
prophète répondit: « Voici ce que dit l'Éternel. ...
396
Israël sera emmené captif loin de son pays. »
(Amos 7:17)

Ces paroles s'accomplirent littéralement. Mais


la destruction du royaume ne se produisit que
graduellement. Dans son jugement, le Seigneur fit
preuve de clémence, tout d'abord lorsque « Pul, roi
d'Assyrie, vint dans le pays ». Menahem, alors roi
d'Israël, ne fut pas fait prisonnier; le vainqueur lui
promit de le laisser sur le trône comme vassal du
roi d'Assyrie. « Menahem donna à Pul mille talents
d'argent, pour qu'il l'aidât à affermir la royauté
entre ses mains. Menahem leva cet argent sur tous
ceux d'Israël qui avaient de la richesse, afin de le
donner au roi d'Assyrie: il les taxa chacun à
cinquante sicles d'argent. » (2 Rois 15:19, 20)
Lorsque les Assyriens eurent soumis les dix tribus
d'Israël, ils s'en retournèrent dans leur pays pendant
un certain temps.

Loin de se repentir du mal qui avait provoqué


la ruine de son royaume, Menahem « ne se
détourna point des péchés de Jéroboam, fils de
Nebath, qui avait fait pécher Israël ». Ses
397
successeurs, Pekachia et Pékach, firent aussi « ce
qui est mal aux yeux de l'Éternel » (2 Rois 15:18,
24, 28). « Du temps de Pékach », qui régna vingt
ans sur Israël, Tiglath-Piléser, roi d'Assyrie,
envahit le royaume, et emmena en captivité, dans
son pays, de nombreux habitants des tribus de la
Galilée et de l'est du Jourdain, « les Rubénites, les
Gadites et la demi-tribu de Manassé », ainsi que les
habitants « de Galaad, de la Galilée, et de tout le
pays de Nephtali » (1 Chroniques 5:26; 2 Rois
15:29), qui furent dispersés parmi les païens, dans
des régions très éloignées de la Palestine.

Le royaume du nord ne devait jamais se


remettre de ce coup fatal. Le faible reste conserva
cependant les formes de son gouvernement, bien
qu'il ne possédât plus aucun pouvoir. Un roi
seulement allait succéder à Pékach, le roi Osée.
Mais le royaume d'Israël serait bientôt rayé de la
carte du monde. Cependant, au cours de ces années
de détresse, Dieu usa encore de miséricorde, et
offrit à son peuple une nouvelle occasion de se
détourner de l'idolâtrie. La troisième année du
règne d'Osée, le bon roi Ezéchias monta sur le
398
trône de Juda, et il s'empressa d'apporter
d'importantes réformes aux services du temple de
Jérusalem. Pendant la Pâque, on organisa une
cérémonie où furent conviées, non seulement les
tribus de Juda et de Benjamin sur lesquelles régnait
Ezéchias, mais aussi les tribus du royaume du nord.
Une publication fut faite « dans tout Israël, depuis
Beer-Schéba jusqu'à Dan, pour que l'on vînt à
Jérusalem célébrer la Pâque en l'honneur de
l'Éternel, le Dieu d'Israël. Car elle n'était plus
célébrée par la multitude comme il est écrit.

»Les coureurs allèrent avec les lettres du roi et


de ses chefs dans tout Israël et Juda. Et d'après
l'ordre du roi, ils dirent: Enfants d'Israël, revenez à
l'Éternel, le Dieu d'Abraham, d'Isaac et d'Israël,
afin qu'il revienne à vous, reste échappé de la main
des rois d'Assyrie. ... Ne raidissez donc pas votre
cou, comme vos pères; donnez la main à l'Éternel,
venez à son sanctuaire qu'il a sanctifié pour
toujours, et servez l'Éternel, votre Dieu, pour que
sa colère ardente se détourne de vous. Si vous
revenez à l'Éternel, vos frères et vos fils trouveront
miséricorde auprès de ceux qui les ont emmenés
399
captifs, et ils reviendront dans ce pays; car
l'Éternel, votre Dieu, est compatissant et
miséricordieux, et il ne détournera pas sa face de
vous, si vous revenez à lui. » (2 Chroniques 30:5-9)

« Les coureurs allèrent ainsi de ville en ville


dans le pays d'Ephraïm et de Manassé, et jusqu'à
Zabulon », publier le message dont Ezéchias les
avait chargés. Israël aurait dû reconnaître alors,
dans cette invitation, un appel à la repentance.
Mais le reste des dix tribus qui vivait encore dans
le territoire jadis prospère du royaume du nord
traita les messagers du roi avec indifférence, même
avec mépris. « On se riait et l'on se moquait d'eux.
» Quelques-uns cependant répondirent avec
empressement à l'invitation royale. « Quelques
hommes d'Aser, de Manassé et de Zabulon
s'humilièrent et vinrent à Jérusalem ... pour
célébrer la fête des pains sans levain. » (2
Chroniques 30:10-13)

Deux ans plus tard environ, les armées


assyriennes, conduites par Salmanasar, investirent
la ville de Samarie. Au cours de ce siège, une
400
grande partie de la population périt, autant par la
faim et la maladie que par les armes. La ville et la
nation capitulèrent, le malheureux reste des dix
tribus fut emmené en captivité en Assyrie et
dispersé dans les provinces de ce royaume.

La ruine qui fondit sur les tribus du royaume du


nord était l'effet du châtiment direct du ciel. Les
Assyriens ne furent que les instruments employés
par le Seigneur dans l'exécution de ses desseins.
Par la bouche d'Ésaïe, qui commença à prophétiser
peu de temps avant la chute de Samarie, Dieu disait
de l'armée assyrienne: Elle est la « verge de ma
colère », « la verge dans ma main », « l'instrument
de ma fureur » (Ésaïe 10:5).

Les enfants d'Israël avaient commis de graves


péchés « contre l'Éternel, leur Dieu ... et ils firent
des choses mauvaises. ... Ils n'écoutèrent point. ...
Ils rejetèrent ses lois, l'alliance qu'il avait faite avec
leurs pères, et les avertissements qu'il leur avait
adressés. » Tout cela arriva parce qu'« ils
abandonnèrent tous les commandements de
l'Éternel, leur Dieu; ils se firent deux veaux en
401
fonte, ils fabriquèrent des idoles d'Astarté, ils se
prosternèrent devant toute l'armée des cieux, et ils
servirent Baal ». Et parce qu'ils refusèrent
résolument de se repentir, « l'Éternel les a humiliés,
il les a livrés entre les mains des pillards, et il a fini
par les chasser loin de sa face », selon les
avertissements qu'il leur avait envoyés « par tous
ses serviteurs, les prophètes ».

Ainsi, « Israël a été emmené captif loin de son


pays, en Assyrie ... parce que les Israélites
n'avaient ni écouté ni mis en pratique tout ce
qu'avait ordonné Moïse, serviteur de l'Éternel » (2
Rois 17:7, 11, 14-16, 20, 23; 18:12).

En infligeant ces terribles châtiments aux dix


tribus d'Israël, Dieu avait un plan plein de sagesse
et de miséricorde. Ce qu'il ne pouvait plus faire par
les Israélites au pays de leurs pères, il allait
chercher à l'accomplir en les dispersant parmi les
païens. Ce plan consistait à sauver tous ceux qui
voudraient profiter du pardon offert par le Sauveur
de l'humanité. Dans les épreuves du peuple d'Israël,
Dieu révélerait sa gloire aux nations de la terre.
402
Tous les captifs ne furent pas impénitents.
Quelques-uns restèrent fidèles à l'Éternel, d'autres
s'humilièrent devant lui. C'est par « ces fils du Dieu
vivant » (Osée 2:1) que le Seigneur allait amener
des multitudes d'Assyriens à le connaître et à
bénéficier de sa loi.

403
Chapitre 24

Détruit par manque de


connaissance

La faveur divine à l'égard d'Israël a toujours été


fonction de son obéissance. Au pied du Sinaï, ce
peuple avait contracté une alliance avec le
Seigneur, qui avait déclaré: « Vous
m'appartiendrez entre tous les peuples. » Les
Israélites promirent solennellement de suivre la
voie de l'obéissance. « Nous ferons tout ce que
l'Éternel a dit » (Exode 19:5, 8), avaient-ils
affirmé. Et quelques jours plus tard, alors que la loi
était promulguée sur le Sinaï et que Moïse leur
faisait part des instructions relatives aux statuts et
aux ordonnances, ils déclarèrent à nouveau, d'une
seule voix: « Nous ferons tout ce que l'Éternel a
dit. » Ces mêmes paroles, ils les répétèrent encore
au moment où l'alliance fut ratifiée (Exode 24:3,
7). Dieu choisissait Israël pour en faire son peuple,
et Israël le choisissait comme son Roi.

404
Arrivé au terme de ses pérégrinations dans le
désert, Israël entendit encore répéter les conditions
de cette alliance. A Baal-Péor, situé à la frontière
de la terre promise, et où un si grand nombre furent
la proie facile de tentations insidieuses, ceux qui
restèrent fidèles renouvelèrent leur promesse
d'obéissance. Moïse les mit en garde contre les
tentations qui allaient les assaillir; il les suppliait de
ne rien avoir de commun avec les nations
étrangères, et d'adorer Dieu seul.

« Maintenant, Israël, avait-il dit, écoute les lois


et les ordonnances que je vous enseigne. Mettez-les
en pratique, afin que vous viviez, et que vous
entriez en possession du pays que vous donne
l'Éternel, le Dieu de vos pères. Vous n'ajouterez
rien à ce que je vous prescris, et vous n'en
retrancherez rien; mais vous observerez les
commandements de l'Éternel, votre Dieu, tels que
je vous les prescris. ... Vous les observerez et vous
les mettrez en pratique; car ce sera là votre sagesse
et votre intelligence aux yeux des peuples, qui
entendront parler de toutes ces lois et qui diront:
Cette grande nation est un peuple absolument sage
405
et intelligent! » (Deutéronome 4:1-6)

Il avait été spécialement recommandé aux


Israélites de ne pas perdre de vue les
commandements de Dieu. S'ils les observaient, la
force et la bénédiction seraient leur partage. «
Prends garde à toi et veille attentivement sur ton
âme, tous les jours de ta vie », avait dit le Seigneur
par la bouche de Moïse, « de peur que tu n'oublies
les choses que tes yeux ont vues, et qu'elles ne
sortent de ton cœur; enseigne-les à tes enfants et
aux enfants de tes enfants » (Deutéronome 4:9).

Les scènes terrifiantes qui se déroulèrent au


moment où la loi fut donnée sur le Sinaï ne
devaient jamais être oubliées. Les avertissements
prodigués aux Israélites au sujet des coutumes
idolâtres qui régnaient dans les nations étrangères
étaient clairs et formels: « Veillez attentivement sur
vos âmes, de peur que vous ne vous corrompiez et
que vous ne vous fassiez une image taillée, une
représentation de quelque idole. » Et encore: «
Veille sur ton âme, de peur que, levant les yeux
vers le ciel, et voyant le soleil, la lune et les étoiles,
406
toute l'armée des cieux, tu ne sois entraîné à te
prosterner en leur présence et à leur rendre un
culte: ce sont des choses que l'Éternel, ton Dieu, a
données en partage à tous les peuples, sous le ciel
tout entier. ... Veillez sur vous, afin de ne point
mettre en oubli l'alliance que l'Éternel, votre Dieu,
a traitée avec vous, et de ne point vous faire
d'image taillée, de représentation quelconque, que
l'Éternel, ton Dieu, t'ait défendue. » (Deutéronome
4:15, 16, 19, 23)

Moïse signalait les maux qui résulteraient de


l'abandon des statuts de l'Éternel. Prenant la terre et
le ciel à témoin, il déclarait que si, après avoir
habité longtemps le pays promis, le peuple ajoutait
à son culte des rites idolâtres, se prosternait devant
des images taillées, et refusait de revenir au vrai
Dieu, alors sa colère s'enflammerait contre les
Israélites, qui seraient emmenés en captivité et
dispersés parmi les païens. « Vous disparaîtrez par
une mort rapide du pays dont vous allez prendre
possession au-delà du Jourdain, leur avait dit le
prophète; vous n'y prolongerez pas vos jours, car
vous serez entièrement détruits. L'Éternel vous
407
dispersera parmi les peuples et vous ne resterez
qu'un petit nombre au milieu des nations où
l'Éternel vous emmènera. Et là, vous servirez des
dieux, ouvrage de mains d'homme, du bois, et de la
pierre, qui ne peuvent ni voir, ni entendre, ni
manger, ni sentir. » (Deutéronome 4:26-28)

Cette prophétie, qui se réalisa en partie au


temps des Juges, s'accomplit d'une façon plus
complète et plus littérale pendant la captivité
d'Israël en Assyrie et de Juda à Babylone.

L'apostasie avait été graduelle. De génération


en génération, Satan redoubla d'efforts pour faire
oublier au peuple élu « les commandements, les
lois et les ordonnances » (Deutéronome 6:1) qu'il
s'était engagé à observer perpétuellement. Le diable
savait que s'il arrivait à amener les Israélites à
oublier le Seigneur pour aller « après d'autres dieux
», ils périraient (Deutéronome 8:19).

Toutefois, l'ennemi de l'Église de Dieu avait


mésestimé la compassion de celui qui, bien que ne
tenant « point le coupable pour innocent », est «
408
miséricordieux et compatissant, lent à la colère,
riche en bonté et en fidélité, qui conserve son
amour jusqu'à mille générations, qui pardonne
l'iniquité, la rébellion et le péché » (Exode 34:6, 7).
Quoique Satan s'efforçât de contrecarrer les
desseins du Seigneur à l'égard de son peuple, bien
qu'il parût triompher aux heures les plus sombres
de l'histoire d'Israël, Dieu continuait à faire preuve
de miséricorde. Il montrait au peuple tout ce qui
pouvait contribuer au bien de la nation. J'ai écrit «
pour lui toutes les ordonnances de ma loi, déclarait-
il par la bouche du prophète Osée, elles sont
regardées comme quelque chose d'étranger. ... C'est
moi qui guidai les pas d'Ephraïm, le soutenant par
ses bras; et ils n'ont pas vu que je les guérissais. »
(Osée 8:12; 11:3) Dieu avait témoigné à l'égard
d'Israël une tendresse infinie; il l'avait instruit par
ses prophètes, « précepte sur précepte, règle sur
règle ».

Si les Israélites avaient tenu compte de ses


messages, l'humiliation leur eût été épargnée. Mais,
parce qu'ils persistèrent dans le mépris de sa loi,
Dieu fut contraint de les laisser aller en captivité. «
409
Mon peuple est détruit, lui fit-il dire par Osée,
parce qu'il lui manque la connaissance. Puisque tu
as rejeté la connaissance, je te rejetterai. ... Tu as
oublié la loi de ton Dieu. » (Osée 4:6)

Dans tous les siècles, la transgression de la loi


divine a été suivie des mêmes résultats. Aux jours
de Noé, alors que tous les principes du bien étaient
violés, que l'iniquité grandissait au point que Dieu
ne pouvait plus la supporter, il fut décrété: «
J'exterminerai de la face de la terre l'homme que
j'ai créé. » (Genèse 6:7) Au temps d'Abraham, les
habitants de Sodome défièrent ouvertement Dieu et
sa loi. Il s'ensuivit la même méchanceté, la même
corruption, la même licence effrénée qui
caractérisa le monde antédiluvien. Les Sodomites
dépassèrent les bornes de la patience divine, et le
feu de la vengeance céleste s'alluma contre eux.
L'époque qui précéda la captivité des dix tribus
d'Israël fut marquée par une désobéissance et une
méchanceté semblables. La loi divine fut
considérée comme une ordonnance sans valeur, ce
qui amena sur Israël un déluge d'iniquité.

410
« L'Éternel a un procès avec les habitants du
pays, s'écria Osée, parce qu'il n'y a point de vérité,
point de miséricorde, point de connaissance de
Dieu dans le pays. Il n'y a que parjures et
mensonges, assassinats, vols et adultères; on use de
violence, on commet meurtre sur meurtre. » (Osée
4:1, 2)

Les prophéties d'Amos et d'Osée concernant le


châtiment divin parlaient aussi de gloire future.
Mais pour les dix tribus, si longtemps rebelles et
impénitentes, il n'était fait aucune promesse de
retour en Palestine. Elles devaient, jusqu'à la fin
des temps, « errer parmi les nations ». Toutefois,
Osée prédit à Israël qu'il aurait le privilège de
participer à la restauration finale, à la fin des
temps, au moment où le Christ apparaîtra comme
Roi des rois et Seigneur des seigneurs. Le prophète
déclarait: « Les enfants d'Israël resteront longtemps
sans roi, sans chef, sans sacrifice, sans statue, sans
éphod, et sans théraphim. » « Après cela, ajoutait-
il, ils reviendront; ils chercheront l'Éternel, leur
Dieu, et David, leur roi; et ils tressailliront à la vue
de l'Éternel et de sa bonté, dans la suite des temps.
411
» (Osée 3:4, 5)

Dans un langage symbolique, Osée exposait


aux dix tribus le dessein de Dieu destiné à redonner
à toute âme repentante, qui voudrait se joindre à
son Église, les bénédictions réservées à Israël dans
la terre promise, aux jours où il avait manifesté sa
fidélité envers son Dieu. En parlant de cette nation
à laquelle il désirait si ardemment témoigner sa
miséricorde, le Seigneur disait: « Je veux l'attirer et
la conduire au désert, et je parlerai à son cœur. Là,
je lui donnerai ses vignes et la vallée d'Acor,
comme une porte d'espérance, et là, elle chantera
comme au temps de sa jeunesse, et comme au jour
où elle remonta du pays d'Égypte. En ce jour-là, dit
l'Éternel, tu m'appelleras: Mon mari! et tu ne
m'appelleras plus: Mon maître! J'ôterai de sa
bouche les noms des Baals, afin qu'on ne les
mentionne plus par leurs noms. » (Osée 2:16-19)

A la fin des temps, Dieu renouvellera son


alliance avec ceux qui observent ses
commandements. « En ce jour-là, dit-il, je traiterai
pour eux une alliance avec les bêtes des champs,
412
les oiseaux du ciel et les reptiles de la terre, je
briserai dans le pays l'arc, l'épée et la guerre, et je
les ferai reposer avec sécurité. Je serai ton fiancé
pour toujours; je serai ton fiancé par la justice, la
droiture, la grâce et la miséricorde; je serai ton
fiancé par la fidélité, et tu reconnaîtras l'Éternel.

»En ce jour-là, j'exaucerai, dit l'Éternel,


j'exaucerai les cieux, et ils exauceront la terre; la
terre exaucera le blé, le moût et l'huile, et ils
exauceront Jizreel. Je planterai pour moi Lo-
Ruchama dans le pays, et je lui ferai miséricorde;
je dirai à Lo-Ammi: Tu es mon peuple! et il
répondra: Mon Dieu! » (Osée 2:20-25)

« En ce jour-là, le reste d'Israël et les réchappés


de la maison de Jacob ... s'appuieront avec
confiance sur l'Éternel, le Saint d'Israël. » (Ésaïe
10:20) De « toute nation, de tout peuple »,
quelques-uns répondront avec empressement au
message: « Craignez Dieu, et donnez-lui gloire, car
l'heure de son jugement est venue. » Ils
abandonneront toutes leurs idoles qui les
attachaient à la terre pour adorer « celui qui a fait le
413
ciel, et la terre, et la mer, et les sources d'eaux ». Ils
se dégageront de tout ce qui les entravait pour être
devant ce monde comme des monuments de la
miséricorde divine. Obéissant à la loi de Dieu, ils
seront reconnus des anges et des hommes comme
ceux qui sont restés fidèles « aux commandements
de Dieu et à la foi de Jésus » (Apocalypse 14:6, 7,
12).

Voici, les jours viennent, dit l'Éternel,


Où le laboureur suivra de près le moissonneur,
Et celui qui foule le raisin celui qui répand la
semence,
Où le moût ruissellera des montagnes
Et coulera de toutes les collines.
Je ramènerai les captifs de mon peuple d'Israël;
Ils rebâtiront les villes dévastées et les
habiteront,
Ils planteront des vignes et en boiront le vin,
Ils établiront des jardins et en mangeront les
fruits.
Je les planterai dans leur pays,
Et ils ne seront plus arrachés du pays que je
leur ai donné,
414
Dit l'Éternel, ton Dieu.
(Amos 9:13-15)

415
Chapitre 25

L'appel d'Ésaïe

Le long règne d'Ozias (Connu aussi sous le


nom d'Azaria), au pays de Juda et de Benjamin, fut
caractérisé par une prospérité que n'avait connue
aucun monarque depuis la mort de Salomon, mort
qui remontait à près de deux siècles. Il gouverna
avec sagesse pendant longtemps. Grâce à la
bénédiction d'en haut, ses armées reconquirent
certains territoires perdus au cours des années
précédentes. Des villes furent reconstruites et
fortifiées; la position de la nation par rapport aux
peuples voisins fut solidement renforcée. Le
commerce refleurit, et les richesses des nations
affluèrent à Jérusalem. La renommée d'Ozias «
s'étendit au loin, car il fut merveilleusement
soutenu jusqu'à ce qu'il devînt puissant » (2
Chroniques 26:15).

Cette prospérité n'était cependant pas


accompagnée d'une renaissance spirituelle

416
correspondante. Les services du temple
continuaient à se faire comme auparavant, et des
multitudes s'assemblaient pour adorer le Dieu
vivant; mais peu à peu l'orgueil et le formalisme
succédèrent à l'humilité et à la sincérité. Il est dit
d'Ozias que, « lorsqu'il fut puissant, son cœur
s'éleva pour le perdre. Il pécha contre l'Éternel, son
Dieu. » (2 Chroniques 26:16) Ozias pécha donc par
orgueil, ce qui eut des conséquences désastreuses.
Il viola un commandement formel qui ne permettait
qu'aux descendants d'Aaron d'officier comme
prêtres. Il pénétra dans le sanctuaire « pour brûler
des parfums sur l'autel ». Azaria, le grand prêtre, et
les sacrificateurs le reprirent, et le supplièrent de ne
pas se livrer à cet acte. « Tu commets un péché, lui
dirent-ils, et cela ne tournera pas à ton honneur. »
(2 Chroniques 26:16, 18)

Ozias se mit dans une violente colère.


Comment osait-on le réprimander ainsi, lui, le roi?
Mais il ne put s'opposer aux protestations unanimes
de ceux qui représentaient l'autorité religieuse et
qui lui interdisaient de profaner le sanctuaire. Alors
qu'il était là, plein de rage, un châtiment divin
417
s'abattit sur lui. La lèpre « éclata sur son front ». Le
roi s'enfuit, terrifié; il ne devait jamais plus
pénétrer dans le temple. Il resta lépreux jusqu'à sa
mort, qui survint quelques années plus tard. Quel
exemple frappant de l'insensé qui se détourne d'un
commandement formel de l'Ecriture! Ni sa position
élevée, ni son long service ne pouvaient excuser le
péché d'orgueil qui ternit les dernières années de
son règne, et attira sur lui le châtiment du ciel.

Dieu ne fait acception de personne. « Si


quelqu'un, indigène ou étranger, agit la main levée,
il outrage l'Éternel; celui-là sera retranché du
milieu de son peuple. » (Nombres 15:30)

Le châtiment qui s'abattit sur Ozias semble


avoir eu sur son fils une heureuse influence.
Jotham assuma de lourdes responsabilités pendant
les dernières années du règne de son père, et à sa
mort il lui succéda. Il est dit de Jotham qu'« il fit ce
qui est droit aux yeux de l'Éternel; il agit
entièrement comme avait agi Ozias, son père.
Seulement, les hauts lieux ne disparurent point; le
peuple offrait encore des sacrifices et des parfums
418
sur les hauts lieux. » (2 Rois 15:34, 35)

Le règne d'Ozias touchait à sa fin, et Jotham


assumait déjà la plupart des charges de l'Etat,
lorsque Ésaïe, de lignée royale et tout jeune encore,
fut appelé à la vocation prophétique. La période au
cours de laquelle il devait exercer son ministère fut
particulièrement critique pour le peuple de Dieu.
Ésaïe assista à l'invasion de Juda par les armées
alliées du nord d'Israël et de la Syrie, ainsi qu'au
siège des principales villes du royaume par les
armées assyriennes. Il vit Samarie capituler et
emmener captives parmi les nations les dix tribus
d'Israël.

Il vit aussi Juda envahi maintes fois par les


Assyriens, et Jérusalem assiégée, prête à capituler,
n'eût été la miraculeuse intervention du Seigneur.
Le royaume du sud ne cessait d'être menacé de
graves dangers. La protection divine allait
disparaître, et les forces assyriennes déferler sur
tout le territoire de Juda.

Mais le danger extérieur, bien qu'insurmontable


419
en apparence, n'était rien comparé au danger
intérieur. C'est la perversité de Juda qui plongeait
Ésaïe dans la plus grande angoisse et le désespoir
le plus profond. L'apostasie et la révolte des
hommes qui auraient dû se dresser comme des
porte-bannières au milieu des peuples, attiraient sur
eux les châtiments divins. Les nombreux péchés
qui précipitaient la ruine du royaume du nord
avaient été signalés en termes très nets, peu de
temps auparavant, par Osée et Amos.

La situation sociale du peuple était


particulièrement défavorable. Poussés par l'appât
du gain, les hommes ajoutaient maison à maison,
champ à champ (Voir Ésaïe 5:8). La justice était
faussée, le pauvre extorqué. Dieu s'écriait au sujet
de ces procédés iniques: « La dépouille du pauvre
est dans vos maisons! De quel droit foulez-vous
mon peuple, et écrasez-vous la face des pauvres? »
(Ésaïe 3:14, 15) Les magistrats eux-mêmes, qui
auraient dû protéger les êtres sans défense,
restaient insensibles aux cris des pauvres, des
malheureux, des veuves et des orphelins (Voir
Ésaïe 10:1, 2).
420
Avec l'oppression et la richesse étaient apparus
l'orgueil, le désir de paraître (Voir Ésaïe 2:11, 12;
3:16, 18-23), l'ivrognerie et la luxure (Voir Ésaïe
5:22, 11, 12). Au temps d'Ésaïe, l'idolâtrie elle-
même ne provoquait plus d'étonnement (Voir Ésaïe
2:8, 9). L'iniquité régnait avec tant d'intensité
parmi toutes les classes de la population que les
rares fidèles étaient souvent tentés de se laisser
aller au découragement et au désespoir. Il semblait
que le dessein de Dieu à l'égard d'Israël était sur le
point d'échouer, et que la nation rebelle subirait un
sort semblable à celui de Sodome et de Gomorrhe.

On ne s'étonne donc pas qu'en présence d'une


telle situation Ésaïe se soit dérobé à l'appel qui lui
était adressé, sous le règne de Josias, de donner un
message d'avertissement et de reproche au royaume
de Juda. Il n'ignorait pas qu'il se heurterait à une
résistance opiniâtre. Aussi tandis qu'il se rendait
compte de son incapacité en face de la situation,
qu'il pensait à l'endurcissement et à l'incrédulité du
peuple pour lequel il était appelé à travailler, il lui
semblait que son œuvre serait vouée à l'échec.
421
Devait-il, dans son désespoir, renoncer à sa
mission, et abandonner Juda à son idolâtrie? Les
dieux de Ninive devaient-ils régner sur la terre et
défier le Dieu du ciel?

Telles étaient les pensées qui assaillaient


l'esprit d'Ésaïe, alors qu'il se tenait sous le portique
du temple. Mais soudain, il sembla que la porte
s'ouvrait et que le voile intérieur se soulevait. Alors
le prophète put contempler le Saint des Saints, le
lieu même où ses pieds ne devaient pas se poser.
Devant lui se déploya la vision du Seigneur assis
sur un trône très élevé et dont les pans de la robe
remplissaient le temple. De chaque côté du trône se
tenaient des séraphins, la face voilée en signe
d'adoration. Et alors qu'ils officiaient devant leur
Maître, et unissaient leurs voix dans ce chant
solennel: « Saint, saint, saint est l'Éternel des
armées! toute la terre est pleine de sa gloire! »
(Ésaïe 6:3) les colonnes, les piliers et les portes de
cèdre furent ébranlés par le son de leurs voix, et la
maison fut remplie de leurs louanges.

Tandis qu'il contemplait la gloire et la majesté


422
du Seigneur qui se révélait ainsi à ses yeux, Ésaïe
fut comme anéanti par le sentiment de la pureté et
de la sainteté de Dieu. Quel contraste entre
l'incomparable perfection de son Créateur et la vie
de péché de ceux qui, comme lui-même, faisaient
partie depuis si longtemps du peuple élu: Israël et
Juda! « Malheur à moi! s'écria-t-il, je suis perdu,
car je suis un homme dont les lèvres sont impures,
j'habite au milieu d'un peuple dont les lèvres sont
impures, et mes yeux ont vu le Roi, l'Éternel des
armées. » (Ésaïe 6:5)

Debout, dans la lumière éblouissante de la


présence divine du Saint des Saints, Ésaïe
comprenait que s'il était abandonné à son
imperfection et à sa déficience il ne pourrait jamais
s'acquitter de la mission à laquelle il était appelé.
Mais un séraphin fut envoyé pour le secourir; il prit
une pierre ardente sur l'autel et en toucha les lèvres
du prophète, en lui disant: « Ceci a touché tes
lèvres; ton iniquité est enlevée, et ton péché est
expié. » Alors on « entendit la voix du Seigneur,
disant: Qui enverrai-je, et qui marchera pour nous?
» Ésaïe répondit: « Me voici, envoie-moi. » (Ésaïe
423
6:7, 8)

Le céleste visiteur donna alors cet ordre au


prophète:

Va, et dis à ce peuple:


Vous entendrez, et vous ne comprendrez point;
Vous verrez, et vous ne saisirez point.
Rends insensible le cœur de ce peuple,
Endurcis ses oreilles, et bouche-lui les yeux,
Pour qu'il ne voie point de ses yeux, n'entende
point de ses oreilles,
Ne comprenne point de son cœur,
Ne se convertisse point et ne soit point guéri
(Ésaïe 6:9, 10).

La mission d'Ésaïe était claire; il devait élever


la voix pour protester contre les péchés d'Israël.
Mais il redoutait de commencer son œuvre sans
avoir reçu auparavant l'assurance de réussir. «
Jusques à quand, Seigneur? » (Ésaïe 6:11) s'écria-t-
il. N'y aura-t-il jamais parmi le peuple que tu t'es
choisi quelqu'un qui comprenne, qui se repente et
qui croie?
424
La charge d'âmes confiée à Ésaïe ne devait pas
être assumée en vain. Sa mission ne serait pas
entièrement infructueuse. Toutefois, les péchés qui
s'étaient multipliés au cours de tant de générations
ne pouvaient disparaître en un seul jour. Pendant
toute sa vie, le prophète devait instruire avec
patience, avec courage, à la fois comme messager
d'espérance et messager de malédiction. Lorsque le
dessein de Dieu serait enfin accompli, alors il
verrait le fruit de son travail, ainsi que celui de tous
les messagers fidèles du Seigneur. Un reste
seulement serait sauvé. Pour cela, il fallait que des
messages d'avertissement et d'exhortation soient
adressés à la nation rebelle. Dieu déclarait:

Jusqu'à ce que les villes soient dévastées


Et privées d'habitants;
Jusqu'à ce qu'il n'y ait personne dans les
maisons, Et que le pays soit ravagé par la solitude;
Jusqu'à ce que l'Éternel ait éloigné les hommes,
Et que le pays devienne un immense désert.
(Ésaïe 6:11, 12)

425
De terribles châtiments devaient s'abattre sur
les pécheurs: la guerre, l'exil, l'oppression, la perte
de la puissance et du prestige d'Israël à l'égard des
autres nations. Toutes ces calamités allaient se
produire, afin que ceux qui voudraient reconnaître
en elles la main d'un Dieu offensé soient amenés à
la repentance.

Les dix tribus qui composaient le royaume du


nord seraient bientôt dispersées parmi les nations,
et leurs villes abandonnées. Les armées
dévastatrices des ennemis déferleraient sans cesse
sur le pays: Jérusalem elle-même tomberait
finalement, et Juda serait emmené en captivité.
Cependant, la terre promise ne resterait pas
entièrement abandonnée à toujours. Le visiteur
céleste donna en effet à Ésaïe cette assurance:

S'il y reste encore un dixième des habitants.


Ils seront à leur tour anéantis.
Mais, comme le térébinthe et le chêne
Conservent leur tronc quand ils sont abattus,
Une sainte postérité renaîtra de ce peuple.
(Ésaïe 6:13)
426
Cette certitude de l'accomplissement des
desseins de Dieu ranima le courage d'Ésaïe. Que
lui importait maintenant que les forces terrestres se
déchaînent contre Juda? Que lui importait que le
messager du Seigneur se heurte à l'opposition et à
la résistance? Le prophète avait vu le Roi, l'Éternel
des armées; il avait entendu la voix des séraphins
s'écrier: « Toute la terre est pleine de sa gloire! »
(Ésaïe 6:3) Il était persuadé que les messages du
Seigneur, adressés au royaume égaré de Juda,
seraient accompagnés de la puissance convaincante
du Saint-Esprit. Cela suffisait à galvaniser son
énergie pour accomplir la tâche qui se présentait à
lui. Au cours de sa longue et pénible carrière, Ésaïe
garda le souvenir de cette vision. Pendant plus de
soixante ans, il se dressa devant les enfants de Juda
comme le prophète de l'espérance, et son courage
ne faisait que grandir alors qu'il annonçait le
triomphe futur de l'Église de Dieu.

427
Chapitre 26

Voici votre Dieu

Au temps d'Ésaïe, l'état spirituel de l'humanité


était obscurci par son incompréhension à l'égard de
Dieu. Pendant longtemps, Satan s'était efforcé de
faire croire aux hommes que leur Créateur était
l'auteur du péché, de la souffrance et de la mort.
Ceux qu'il avait ainsi trompés s'imaginaient que
Dieu était un Dieu cruel et exigeant, qu'il les
observait pour les accuser et les condamner, et ne
recevait pas les pécheurs qui venaient à lui. La loi
d'amour qui régit le royaume des cieux avait été
présentée par le grand séducteur comme une
atteinte à leur bonheur, comme un joug pesant
auquel ils devaient se soustraire avec joie. Satan
prétendait qu'on ne pouvait pas obéir aux préceptes
de cette loi, et que la pénalité attachée à sa
transgression était infligée d'une manière arbitraire.

En perdant de vue le vrai caractère du Très-


Haut, les Israélites étaient sans excuse. Dieu se

428
révéla souvent à eux comme celui qui est «
miséricordieux et compatissant, lent à la colère,
riche en bonté et en fidélité » (Psaumes 86:15). «
Quand Israël était jeune, déclarait-il, je l'aimais, et
j'appelai mon fils hors d'Égypte. » (Osée 11:1)

Le Seigneur avait témoigné une tendresse


infinie à Israël lors de sa délivrance du joug
égyptien pour le conduire vers la terre promise. «
Dans toutes leurs détresses ils n'ont pas été sans
secours, et l'ange qui est devant sa face les a
sauvés; il les a lui-même rachetés, dans son amour
et sa miséricorde, et constamment il les a soutenus
et portés, aux anciens jours. » (Ésaïe 63:9)

« Je marcherai moi-même avec toi » (Exode


33:14), telle était la promesse faite à Israël quand il
errait dans le désert. Cette certitude était
accompagnée d'une révélation merveilleuse du
caractère de Dieu, ce qui avait rendu Moïse capable
de proclamer la bonté de Dieu à tout Israël et de
bien l'instruire sur les attributs du Roi invisible. «
L'Éternel passa devant lui, et s'écria: L'Éternel,
l'Éternel, Dieu miséricordieux et compatissant, lent
429
à la colère, riche en bonté et en fidélité, qui
conserve son amour jusqu'à mille générations, qui
pardonne l'iniquité, la rébellion et le péché, mais
qui ne tient point le coupable pour innocent. »
(Exode 34:6, 7)

C'est grâce à sa connaissance de la longanimité


du Seigneur, de son amour infini et de sa
miséricorde que Moïse plaida si merveilleusement
en faveur d'Israël, lorsque, sur les frontières de la
terre promise, ce peuple refusa d'avancer, selon
l'ordre de Dieu. Au moment où il manifestait sa
révolte avec le plus d'intensité, le Seigneur avait
déclaré: « Je le frapperai par la peste, et je le
détruirai », et il avait promis de faire des
descendants de Moïse « une nation plus grande que
lui (Israël) » (Nombres 14:12). Mais le prophète
insistait sur les merveilleuses bénédictions et les
promesses divines qui étaient réservées au peuple
élu. Et dans une prière suprême, il implorait le
Dieu d'amour en faveur de l'homme perdu (Voir
Nombres 14:17-19).

Dans sa grande bonté, le Seigneur répondit: «


430
Je pardonne, comme tu l'as demandé. » Et sous la
forme d'une prophétie, il fit connaître à Moïse son
intention concernant le triomphe final d'Israël. « Je
suis vivant! déclarait-il, et la gloire de l'Éternel
remplira toute la terre. » (Nombres 14:20, 21) Sa
gloire, sa miséricordieuse bonté, son tendre amour
— que Moïse avait réclamés avec tant d'insistance
— devaient être révélés à l'humanité tout entière.
Cette promesse du Seigneur fut confirmée par un
serment. Aussi certainement que Dieu existe et
règne, sa gloire serait proclamée « parmi les
nations, ... ses merveilles parmi les peuples »
(Psaumes 96:3).

C'est au sujet de l'accomplissement de cette


prophétie qu'Ésaïe avait entendu les séraphins
chanter devant le trône de Dieu: « Toute la terre est
pleine de sa gloire! » (Ésaïe 6:3) Confiant dans la
certitude de ces paroles, le prophète déclara lui-
même avec hardiesse au sujet de ceux qui se
prosternaient devant les statues de pierre et de bois:
« Ils verront la gloire de l'Éternel, la magnificence
de notre Dieu. » (Ésaïe 35:2)

431
Aujourd'hui, cette prophétie trouve un
accomplissement rapide. L'activité missionnaire de
l'Église de Dieu produit une riche moisson d'âmes,
et bientôt l'Évangile sera proclamé à toutes les
nations. Hommes et femmes de toute nation, de
toute tribu et de toute langue ont été acceptés dans
« le bien-aimé », « à la louange de la gloire de sa
grâce », « afin de montrer dans les siècles à venir
l'infinie richesse de sa grâce par sa bonté envers
nous en Jésus-Christ » (Éphésiens 1:6; 2:7). « Béni
soit l'Éternel Dieu, le Dieu d'Israël, qui seul fait des
prodiges! Béni soit à jamais son nom glorieux! Que
toute la terre soit remplie de sa gloire! » (Psaumes
72:18, 19)

Dans la vision qui lui fut donnée dans le


temple, Ésaïe eut une magnifique révélation du
caractère du Dieu d'Israël. « Le Très-Haut, dont la
demeure est éternelle et dont le nom est saint », lui
apparut dans toute sa majesté; et cependant, le
prophète put comprendre la nature compatissante
du Seigneur. Celui qui habite « dans les lieux
élevés et dans la sainteté » est « avec l'homme
contrit et humilié, afin de ranimer les cœurs
432
contrits » (Ésaïe 57:15). L'ange chargé de toucher
les lèvres d'Ésaïe lui avait apporté ce message: «
Ton iniquité est enlevée, et ton péché est expié. »
(Ésaïe 6:7)

Lorsqu'il contempla son Dieu, comme plus tard


Saul de Tarse à la porte de Damas, le prophète
n'eut pas seulement un aperçu de sa propre
indignité, mais il reçut dans son cœur humilié
l'assurance du pardon total et gratuit de ses péchés.
Il se releva transformé. Il avait vu son Sauveur; il
avait entrevu la beauté du caractère divin. Il
pouvait témoigner de la transformation opérée en
lui par la contemplation de l'amour infini.
Désormais, il n'avait plus qu'un désir: libérer Israël
égaré du fardeau et de la pénalité du péché. « Quels
châtiments nouveaux vous infliger? demandait-il.
... Venez et plaidons! dit l'Éternel. Si vos péchés
sont comme le cramoisi, ils deviendront blancs
comme la neige; s'ils sont rouges comme la
pourpre, ils deviendront comme la laine. » «
Lavez-vous, purifiez-vous, ôtez de devant mes
yeux la méchanceté de vos actions; cessez de faire
le mal, apprenez à faire le bien. » (Ésaïe 1:5, 18,
433
16, 17)

Le Dieu que les Israélites prétendaient servir,


mais dont ils comprenaient mal le caractère, leur
était présenté comme le grand Médecin des
maladies de l'âme. Qu'importait si toute la tête était
malade, et si tout le cœur était languissant?
Qu'importait si, de la plante des pieds jusqu'au
sommet de la tête, rien n'était sain; si tout n'était
que blessures, meurtrissures et plaies vives? (Voir
Ésaïe 1:6) Celui dont le cœur était pervers pouvait
trouver la guérison en se tournant vers le Seigneur.
« J'ai vu ses voies, déclarait-il, et je le guérirai; je
lui servirai de guide, et je le consolerai, lui et ceux
qui pleurent avec lui. ... Paix, paix à celui qui est
loin et à celui qui est près! dit l'Éternel. Je les
guérirai. » (Ésaïe 57:18, 19)

Le prophète exaltait Dieu, le Créateur de toutes


choses. Aux villes de Juda, il apportait ce message:
« Voici votre Dieu! » (Ésaïe 40:9) « Ainsi parle
Dieu, l'Éternel, qui a créé les cieux et qui les a
déployés, qui a étendu la terre et ses productions. »
« Moi, l'Éternel, j'ai fait toutes choses. » « Je forme
434
la lumière, et je crée les ténèbres. » « C'est moi qui
ai fait la terre, et qui sur elle ai créé l'homme; c'est
moi, ce sont mes mains qui ont déployé les cieux,
et c'est moi qui ai disposé toute leur armée. »
(Ésaïe 42:5; 44:24; 45:7, 12)

« A qui me comparerez-vous, pour que je lui


ressemble? dit le Saint. Levez vos yeux en haut, et
regardez! Qui a créé ces choses? Qui fait marcher
en ordre leur armée? Il les appelle toutes par leur
nom; par son grand pouvoir et par sa force
puissante. Il n'en est pas une qui fasse défaut. »
(Ésaïe 40:25, 26)

A ceux qui craignaient que Dieu ne les reçoive


pas, s'ils revenaient à lui, le prophète déclarait: «
Pourquoi dis-tu, Jacob, pourquoi dis-tu, Israël: Ma
destinée est cachée devant l'Éternel, mon droit
passe inaperçu devant mon Dieu? Ne le sais-tu
pas? Ne l'as-tu pas appris? C'est le Dieu d'éternité,
l'Éternel, qui a créé les extrémités de la terre; il ne
se fatigue point, il ne se lasse point; on ne peut
sonder son intelligence. Il donne de la force à celui
qui est fatigué, et il augmente la vigueur de celui
435
qui tombe en défaillance. Les adolescents se
fatiguent et se lassent, et les jeunes hommes
chancellent; mais ceux qui se confient en l'Éternel
renouvellent leur force. Ils prennent le vol comme
les aigles; ils courent, et ne se lassent point, ils
marchent, et ne se fatiguent point. » (Ésaïe 40:27-
31)

Le cœur de celui qui est tout amour a pitié du


faible qui se sent incapable de se dégager des
pièges de Satan. Avec une tendresse infinie, il lui
offre de le fortifier, afin qu'il vive pour lui. « Ne
crains rien, lui dit-il, car je suis avec toi; ne
promène pas des regards inquiets, car je suis ton
Dieu; je te fortifie, je viens à ton secours, je te
soutiens de ma droite triomphante. » « Car je suis
l'Éternel, ton Dieu, qui fortifie ta droite, qui te dis:
Ne crains rien, je viens à ton secours. Ne crains
rien, vermisseau de Jacob, faible reste d'Israël; je
viens à ton secours, dit l'Éternel, et le Saint d'Israël
est ton sauveur. » (Ésaïe 41:10, 13, 14)

Tous les habitants de Juda étaient coupables,


mais Dieu ne les abandonnait pas. C'est par eux
436
que son nom serait exalté parmi les païens. Un
grand nombre d'hommes qui l'ignoraient totalement
devaient encore contempler sa gloire. C'était pour
faire connaître ses desseins qu'il continuait à
envoyer ses serviteurs avec ce message: « Revenez
chacun de votre mauvaise voie. » (Jérémie 25:5) «
A cause de mon nom, ... déclarait-il par la bouche
du prophète Ésaïe, je me contiens envers toi pour
ne pas t'exterminer. ... C'est pour l'amour de moi,
pour l'amour de moi, que je veux agir; car
comment mon nom serait-il profané? Je ne
donnerai pas ma gloire à un autre. » (Ésaïe 48:9,
11)

L'appel à la repentance retentissait avec une


netteté indéniable, et tous étaient invités à retourner
au Seigneur. « Cherchez l'Éternel pendant qu'il se
trouve, suppliait Ésaïe; invoquez-le, tandis qu'il est
près. Que le méchant abandonne sa voie, et
l'homme d'iniquité ses pensées; qu'il retourne à
l'Éternel, qui aura pitié de lui, à notre Dieu, qui ne
se lasse pas de pardonner. » (Ésaïe 55:6, 7)

Ami lecteur, as-tu choisi ta propre voie? Erres-


437
tu encore loin de Dieu, et cherches-tu à te rassasier
des fruits de tes transgressions, pour les retrouver
en cendre sur tes lèvres? Maintenant que tes projets
sont contrariés, que tes espérances sont anéanties,
restes-tu seul et désolé? Alors cette voix qui a si
longtemps résonné dans ton cœur, mais que tu ne
voulais pas entendre, s'adresse à toi, toujours plus
claire et plus distincte: « Levez-vous, marchez! car
ce n'est point ici un lieu de repos; à cause de la
souillure, il y aura des douleurs, des douleurs
violentes. » (Michée 2:10) Retourne à la maison du
Père. Il te redit encore: « Reviens à moi, car je t'ai
racheté. » « Prêtez l'oreille, et venez à moi,
écoutez, et votre âme vivra: je traiterai avec vous
une alliance éternelle, pour rendre durables mes
faveurs envers David. » (Ésaïe 44:22; 55:3) Ne
prête pas l'oreille aux suggestions de l'ennemi à ne
pas t'approcher du Sauveur avant de t'être amélioré.
Si tu attends de parvenir à cet état, tu ne viendras
jamais à lui. Lorsque Satan te présente ta souillure,
pense à cette promesse de Jésus: « Je ne mettrai pas
dehors celui qui vient à moi. » (Jean 6:37) Dis à
l'ennemi que le sang du Christ lave toutes les
souillures. Que la prière de David devienne la
438
tienne: « Purifie-moi avec l'hysope, et je serai pur;
lave-moi, et je serai plus blanc que la neige. »
(Psaumes 51:9)

Le prophète Ésaïe exhorta Juda à contempler le


Dieu vivant, et à accepter ses offres gratuites. Il ne
parla pas en vain: d'aucuns y prêtèrent une
profonde attention, et abandonnèrent leurs idoles
pour adorer le vrai Dieu. Ils apprirent à discerner
dans leur Créateur l'amour, la miséricorde, la
compassion. Aux jours douloureux qui
assombrirent l'histoire de Juda et ne laissèrent
qu'un reste dans le pays, les paroles du prophète
devaient continuer à favoriser une réforme
décisive. « En ce jour, avait déclaré Ésaïe, l'homme
regardera vers son créateur, et ses yeux se
tourneront vers le Saint d'Israël; il ne regardera
plus vers les autels, ouvrage de ses mains, et il ne
contemplera plus ce que ses doigts ont fabriqué, les
idoles d'Astarté et les statues du soleil. » (Ésaïe
17:7, 8)

Nombreux furent les hommes qui


s'approchèrent de celui qui est tout amour, et le «
439
plus puissant entre dix mille ». « Tes yeux verront
le roi dans sa magnificence » (Ésaïe 33:17), telle
était la promesse qui leur était faite. Leurs péchés
seraient effacés, et ils ne se glorifieraient qu'en
Dieu seul. Au jour heureux où ils triompheraient de
l'idolâtrie, ils s'écrieraient: « L'Éternel est
magnifique pour nous; il nous tient lieu de fleuves,
de vastes rivières. ... L'Éternel est notre juge,
l'Éternel est notre législateur, l'Éternel est notre roi:
c'est lui qui nous sauve. » (Ésaïe 33:21, 22)

Les messages adressés par Ésaïe à ceux qui se


détourneraient de leurs mauvaises voies étaient
pleins d'encouragement et de consolation. Ecoutez
ses paroles:

Souviens-toi de ces choses, ô Jacob!


O Israël! car tu es mon serviteur;
Je t'ai formé, tu es mon serviteur;
Israël, je ne t'oublierai pas.
J'efface tes transgressions comme un nuage,
Et tes péchés comme une nuée;
Reviens à moi,
Car je t'ai racheté.
440
(Ésaïe 44:21, 22)

Tu diras en ce jour-là:
Je te loue, ô Éternel!
Car tu as été irrité contre moi,
Ta colère s'est apaisée, et tu m'as consolé.
Voici, Dieu est ma délivrance,
Je serai plein de confiance, et je ne craindrai
rien;
Car l'Éternel, l'Éternel est ma force et le sujet
de mes louanges. ...

Célébrez l'Éternel, car il a fait des choses


magnifiques:
Qu'elles soient connues par toute la terre!
Pousse des cris de joie et d'allégresse, habitant
de Sion!
Car il est grand au milieu de toi, le Saint
d'Israël.
(Ésaïe 12)

441
Chapitre 27

Achaz

L'accession d'Achaz au trône de Juda plaça


Ésaïe et ses collaborateurs dans des difficultés plus
grandes encore que celles qui s'étaient présentées
jusqu'alors dans le royaume. Un grand nombre de
ceux qui avaient résisté aux influences séductrices
des pratiques idolâtres se laissaient maintenant
gagner par le culte des divinités païennes. Les
princes d'Israël étaient infidèles à leur mission, de
faux prophètes s'élevaient, porteurs de messages
destinés à égarer les esprits; il y eut même des
prêtres qui se faisaient payer leur enseignement. Et
cependant, les chefs de l'apostasie maintenaient
encore les formes du vrai culte, et prétendaient
faire partie du peuple de Dieu.

Michée, qui prophétisa pendant cette période


troublée, déclare au sujet de ces gens-là: « Ils osent
s'appuyer sur l'Éternel, ils disent: L'Éternel n'est-il
pas au milieu de nous? Le malheur ne nous

442
atteindra pas. » Ils se vantaient, en blasphémant,
ces pécheurs, qui continuaient à bâtir « Sion avec
le sang, et Jérusalem avec l'iniquité » (Michée
3:11, 10).

Le prophète Ésaïe réprouvait sévèrement ces


péchés: « Ecoutez la parole de l'Éternel, chefs de
Sodome! s'écriait-il. ... Qu'ai-je affaire de la
multitude de vos sacrifices? dit l'Éternel. ... Quand
vous venez vous présenter devant moi, qui vous
demande de souiller mes parvis? » (Ésaïe 1:10-12)

Le Sage a dit: « Le sacrifice des méchants est


quelque chose d'abominable; combien plus grand
quand ils l'offrent avec des pensées criminelles! »
(Proverbes 21:27) Le Dieu du ciel a les yeux « trop
purs pour voir le mal », et il ne peut « regarder
l'iniquité » (Habakuk 1:13). Ce n'est pas parce qu'il
ne veut pas pardonner le pécheur que Dieu se
détourne de lui, mais parce que celui-ci refuse de
profiter des trésors de la grâce.

« Non, la main de l'Éternel n'est pas trop courte


pour sauver, ni son oreille trop dure pour entendre.
443
Mais ce sont vos crimes qui mettent une séparation
entre vous et votre Dieu; ce sont vos péchés qui
vous cachent sa face et l'empêchent de vous
écouter. » (Ésaïe 59:1, 2)

Salomon a écrit: « Malheur à toi, pays dont le


roi est un enfant. » (Ecclésiaste 10:16) Il en était
ainsi du pays de Juda. Par leurs transgressions
continuelles, ses rois étaient devenus comme des
enfants. Ésaïe attira l'attention du peuple sur la
faiblesse de sa situation par rapport aux autres
nations. Il lui montra que cette faiblesse provenait
de la méchanceté manifestée en haut lieu. « Le
Seigneur, l'Éternel des armées, déclarait-il, va ôter
de Jérusalem et de Juda tout appui et toute
ressource, toute ressource de pain et toute
ressource d'eau, le héros et l'homme de guerre, le
juge et le prophète, le devin et l'ancien, le chef de
cinquante et le magistrat, le conseiller, l'artisan
distingué et l'habile enchanteur. Je leur donnerai
des jeunes gens pour chefs, et des enfants
domineront sur eux. ... Jérusalem chancelle, et Juda
s'écroule, parce que leurs paroles et leurs œuvres
sont contre l'Éternel. » (Ésaïe 3:1-4, 8)
444
« Mon peuple, ceux qui te conduisent t'égarent,
ajoutait le prophète, et ils corrompent la voie dans
laquelle tu marches. » (Ésaïe 3:12) Ceci
s'appliquait directement au règne d'Achaz, car
l'Ecriture nous dit qu'« il marcha dans les voies des
rois d'Israël; et même il fit des images en fonte
pour les Baals, il brûla des parfums dans la vallée
des fils de Hinnom » (2 Chroniques 28:2, 3), et « il
fit passer son fils par le feu, suivant les
abominations des nations que l'Éternel avait
chassées devant les enfants d'Israël » (2 Rois 16:3).

Le peuple élu courait alors un grand danger.


Quelques années plus tard, les dix tribus du
royaume d'Israël étaient dispersées parmi les
nations païennes. La situation du royaume de Juda
était tout aussi tragique. Les forces du bien,
diminuant rapidement, le mal ne cessait
d'augmenter. Devant cet état de choses, le prophète
Michée s'écriait: « L'homme de bien a disparu du
pays, et il n'y a plus de juste parmi les hommes. » «
Le meilleur d'entre eux est comme une ronce, le
plus droit pire qu'un buisson d'épines. » (Michée
445
7:2, 4) Et Ésaïe, de son côté, disait: « Si l'Éternel
des armées ne nous eût conservé un faible reste,
nous serions comme Sodome, nous ressemblerions
à Gomorrhe. » (Ésaïe 1:9)

Par sa tendre compassion envers ceux qui lui


restent fidèles, aussi bien que par son amour infini
pour ceux qui se perdent, Dieu exerce sa longue
patience à l'égard des rebelles, afin qu'ils
abandonnent le mal pour revenir à lui. « Précepte
sur précepte, règle sur règle, un peu ici, un peu là »
(Ésaïe 28:10), par l'intermédiaire de ceux qu'il a
choisis, le Seigneur enseigne le chemin de la
justice aux transgresseurs de sa loi.

C'est ce qu'il fit sous le règne d'Achaz. Des


appels répétés furent adressés aux Israélites pour
les inviter à retourner à l'Éternel. Avec quelle
tendresse les prophètes ne s'adressaient-ils pas aux
rebelles! Aussi leurs exhortations ardentes à la
repentance portèrent-elles des fruits à la gloire de
Dieu.

Le prophète Michée s'exprimait ainsi: «


446
Ecoutez donc ce que dit l'Éternel: Lève-toi, plaide
devant les montagnes, et que les collines entendent
ta voix! ... Ecoutez, montagnes, le procès de
l'Éternel, et vous, solides fondements de la terre!
Car l'Éternel a un procès avec son peuple, il veut
plaider avec Israël.

»Mon peuple, que t'ai-je fait? En quoi t'ai-je


fatigué? Réponds-moi! Car je t'ai fait monter du
pays d'Égypte, je t'ai délivré de la maison de
servitude, et j'ai envoyé devant toi Moïse, Aaron et
Marie. Mon peuple, rappelle-toi ce que projetait
Balak, roi de Moab, et ce que lui répondit Balaam,
fils de Beor, de Sittim à Guilgal, afin que tu
reconnaisses les bienfaits de l'Éternel. » (Michée
6:1-5)

Le Dieu que nous servons fait preuve envers


nous de longanimité. « Ses compassions ne sont
pas à leur terme. » (Lamentations de Jérémie 3:22)
Son Esprit nous invite à accepter le don de la vie. «
Je suis vivant! dit le Seigneur, l'Éternel, ce que je
désire, ce n'est pas que le méchant meure, c'est qu'il
change de conduite et qu'il vive. Revenez, revenez
447
de votre mauvaise voie; et pourquoi mourriez-vous,
maison d'Israël? » (Ézéchiel 33:11)

Un procédé cher à Satan consiste à pousser les


hommes dans le mal et à les y abandonner sans
secours, sans espoir, et n'osant pas même
rechercher le pardon. Mais Dieu adresse cette
invitation au pécheur: « Qu'on me prenne pour
refuge, qu'on fasse la paix avec moi, qu'on fasse la
paix avec moi. » (Ésaïe 27:5) En Christ on trouve
tous les encouragements nécessaires.

Aux jours de l'apostasie de Juda et d'Israël,


d'aucuns se demandaient: « Avec quoi me
présenterai-je devant l'Éternel, pour m'humilier
devant le Dieu Très-Haut? Me présenterai-je avec
des holocaustes? Avec des veaux d'un an?
L'Éternel agréera-t-il des milliers de béliers, des
myriades de torrents d'huile? » Voici la réponse,
nette et positive, qui leur a été faite: « On t'a fait
connaître, ô homme, ce qui est bien; et ce que
l'Éternel demande de toi, c'est que tu pratiques la
justice, que tu aimes la miséricorde, et que tu
marches humblement avec ton Dieu. » (Michée
448
6:6-8)

En insistant sur la piété que l'on doit pratiquer,


le prophète ne faisait que renouveler le conseil
donné à Israël des centaines d'années auparavant.
Lorsque les Israélites s'apprêtaient à entrer dans la
terre promise, voici ce que Dieu leur dit par la
bouche de Moïse: « Maintenant, Israël, que
demande de toi l'Éternel, ton Dieu, si ce n'est que
tu craignes l'Éternel, ton Dieu, afin de marcher
dans toutes ses voies, d'aimer et de servir l'Éternel,
ton Dieu, de tout ton cœur et de toute ton âme; si ce
n'est que tu observes les commandements de
l'Éternel et ses lois que je te prescris aujourd'hui,
afin que tu sois heureux? » (Deutéronome 10:12,
13) Ces conseils ont été répétés en tout temps par
les serviteurs de Dieu à ceux qui étaient menacés
de sombrer dans le formalisme, et qui oubliaient de
faire preuve de miséricorde.

Lorsque le Christ, au cours de son ministère


terrestre, fut abordé par un docteur de la loi, qui lui
posa cette question: « Maître, quel est le plus grand
commandement de la loi? » il lui répondit: « Tu
449
aimeras le Seigneur, ton Dieu, de tout ton cœur, de
toute ton âme et de toute ta pensée. C'est le premier
et le plus grand commandement. Et voici le second,
qui lui est semblable: Tu aimeras ton prochain
comme toi-même. De ces deux commandements
dépendent toute la loi et les prophètes. » (Matthieu
22:36-40)

Ces déclarations des prophètes et du Maître lui-


même devraient être considérées comme la voix de
Dieu s'adressant à chaque âme. Saisissons toutes
les occasions pour faire preuve de miséricorde, de
tendre sollicitude, de charité chrétienne, à l'égard
des faibles et des opprimés. S'il nous est impossible
de faire davantage, prononçons des paroles de
réconfort et d'espoir pour ceux qui ne connaissent
pas le Seigneur et dont nous atteindrons plus
facilement les cœurs par la sympathie et l'amour.

Comme elles sont riches les bénédictions


promises à ceux qui saisissent toutes les occasions
pour apporter la joie et le bonheur dans la vie du
prochain! « Si tu donnes ta propre subsistance à
celui qui a faim, a écrit le prophète Ésaïe, si tu
450
rassasies l'âme indigente, ta lumière se lèvera sur
l'obscurité. Et tes ténèbres seront comme le midi.
L'Éternel sera toujours ton guide, il rassasiera ton
âme dans les lieux arides, et il redonnera de la
vigueur à tes membres; tu seras comme un jardin
arrosé, comme une source dont les eaux ne
tarissent pas. » (Ésaïe 58:10, 11)

La conduite idolâtre d'Achaz en réponse aux


appels enflammés des prophètes ne pouvait aboutir
qu'à ce résultat: « La colère de l'Éternel a été sur
Juda et sur Jérusalem, et il les a livrés au trouble, à
la désolation et à la moquerie. » (2 Chroniques
29:8) Le royaume s'affaiblit rapidement, et son
existence même fut bientôt menacée par l'invasion
des armées ennemies. « Alors Retsin, roi de Syrie,
et Pékach, fils de Semalia, roi d'Israël, montèrent
contre Jérusalem pour l'attaquer. Ils assiégèrent
Achaz. » (2 Rois 16:5)

Si Achaz et les principaux de son royaume


étaient restés fidèles au Très-Haut, ils n'auraient
pas eu à faire face à l'alliance qui s'était formée
contre eux. Mais leur endurcissement dans le péché
451
avait diminué leur courage. Epouvantés à l'idée de
recevoir les justes jugements d'un Dieu offensé, «
le cœur d'Achaz et le cœur de son peuple furent
agités comme les arbres de la forêt sont agités par
le vent » (Ésaïe 7:2). À ce moment-là, la parole de
Dieu fut adressée à Ésaïe, lui ordonnant d'aller à la
rencontre du roi alarmé, et de lui dire: « Sois
tranquille, ne crains rien, et que ton cœur ne
s'alarme pas ... de ce qu'Ephraïm et le fils de
Remalia disent: Montons contre Juda, assiégeons la
ville et battons-la en brèche. ... Ainsi parle le
Seigneur, l'Éternel: Cela n'arrivera pas, cela n'aura
pas lieu. » Le prophète déclara que le royaume
d'Israël ainsi que la Syrie seraient bientôt détruits.
« Si vous ne croyez pas, leur dit-il en terminant,
vous ne subsisterez pas. » (Ésaïe 7:4-7, 9)

Tout se serait bien passé pour le royaume de


Juda si Achaz avait accepté ce message comme
venant du ciel. Mais il préféra s'appuyer « sur le
bras de la chair », et il rechercha la protection des
païens. Désespéré, il envoya des messagers à
Tiglath-Piléser, pour lui dire: « Je suis ton serviteur
et ton fils; monte, et délivre-moi de la main du roi
452
de Syrie et de la main du roi d'Israël, qui s'élèvent
contre moi. » (2 Rois 16:7) Et Achaz accompagna
sa requête d'un riche présent provenant du trésor de
la maison royale et du temple. L'aide implorée lui
fut accordée, et il jouit d'une paix momentanée,
mais à quel prix pour Juda!

Le présent offert par Achaz excita la cupidité


de l'Assyrie, et cette nation perfide ne tarda pas à
menacer Juda de l'invasion et du pillage. Achaz et
ses malheureux sujets étaient alors hantés par la
peur de tomber entre les mains des cruels
Assyriens. « L'Éternel humilia Juda », à cause de
son obstination dans le péché. Au lieu de se
repentir, Achaz « continuait à pécher contre
l'Éternel. ... Il sacrifia aux dieux de Damas. » «
Puisque les dieux des rois de Syrie leur viennent en
aide, se dit-il, je leur sacrifierai pour qu'ils me
secourent. » (2 Chroniques 28:19, 22, 23) Vers la
fin de son règne, le roi apostat fit fermer les portes
du temple. Il fit cesser les offrandes pour le péché,
et l'encens ne monta plus vers le ciel, à l'heure du
sacrifice du matin et du soir. On ne vit plus brûler
le chandelier devant l'autel.
453
Les habitants de la cité impie désertèrent les
parvis de la maison de Dieu. Ils verrouillèrent ses
portes, et élevèrent avec impudence des autels à
tous les coins de rues de Jérusalem, où ils adoraient
les divinités païennes. Le paganisme semblait
triompher, les puissances des ténèbres étaient sur le
point de l'emporter.

Mais il restait dans Juda certains croyants qui


refusaient obstinément d'embrasser l'idolâtrie. C'est
vers ces fidèles qu'Ésaïe, Michée et leurs
collaborateurs se tournaient pleins d'espoir tandis
qu'ils assistaient à la ruine de Juda au cours des
dernières années d'Achaz. Leur sanctuaire avait
fermé ses portes, mais ceux qui étaient restés
fidèles se disaient avec assurance: « Dieu est avec
nous. ... C'est l'Éternel des armées que vous devez
sanctifier, c'est lui que vous devez craindre et
redouter. Et il sera un sanctuaire. » (Ésaïe 8:10, 13,
14)

454
Chapitre 28

Ézéchias

Le gouvernement insouciant d'Achaz offre un


contraste frappant avec les réformes opérées par
son fils, Ézéchias, au cours d'un règne prospère. Le
jeune roi monta sur le trône, décidé à faire
l'impossible pour épargner à Juda le sort du
royaume du nord. Mais les prophètes n'offraient
aucun encouragement aux demi-mesures. Ce n'est
qu'en opérant les réformes les plus énergiques que
les châtiments prédits pouvaient être évités.

Au cours de cette crise, Ézéchias se révéla


l'homme du moment. Dès son accession au trône, il
commença à faire des projets qu'il mit aussitôt à
exécution. Son premier souci fut de rétablir les
services du temple, si longtemps abandonnés. Il
sollicita à cet effet la collaboration de certains
prêtres et Lévites restés fidèles à leur mission
sacrée. Assuré de leur appui sincère, il leur parla
librement de son désir d'opérer des réformes

455
immédiates et radicales. « Nos pères ont péché, dit-
il, ils ont fait ce qui est mal aux yeux de l'Éternel,
notre Dieu, ils l'ont abandonné, ils ont détourné
leurs regards du tabernacle de l'Éternel. ... J'ai donc
l'intention de faire alliance avec l'Éternel, le Dieu
d'Israël, pour que son ardente colère se détourne de
nous. » (2 Chroniques 29:6, 10)

En quelques mots frappés au coin du bon sens,


le roi exposa la situation à laquelle ils devaient
faire face: le temple fermé, la cessation de tous ses
services, l'idolâtrie criante pratiquée dans les rues
de la ville et dans tout le royaume, l'apostasie des
foules qui seraient restées fidèles au Seigneur si les
conducteurs de Juda avaient donné le bon exemple,
la décadence du royaume, la perte de l'estime des
nations voisines et du prestige que le royaume
exerçait sur elles. Le royaume du nord s'effondrait
rapidement, ses habitants périssaient en grand
nombre par l'épée, une foule d'entre eux avait déjà
été emmenés en captivité. Il ne tarderait pas à
tomber entièrement aux mains des Assyriens. Sa
destruction serait alors complète. Semblable sort
serait fatalement réservé à Juda, si Dieu
456
n'intervenait pas puissamment par l'intermédiaire
de ses représentants.

Ézéchias demanda immédiatement aux prêtres


de s'unir à lui pour opérer les réformes nécessaires.
« Maintenant, leur dit-il, cessez d'être négligents;
car vous avez été choisis par l'Éternel pour vous
tenir à son service devant lui, pour être ses
serviteurs, et pour lui offrir des parfums. ...
Maintenant sanctifiez-vous, sanctifiez la maison de
l'Éternel, le Dieu de vos pères. » (2 Chroniques
29:11, 5)

Le moment d'agir rapidement était venu. Les


prêtres se mirent aussitôt à l'œuvre. Ils s'assurèrent
la collaboration de leurs collègues qui n'étaient pas
là lorsque le roi leur fit part de ses desseins, et tous
s'engagèrent courageusement à faire l'impossible
pour purifier et sanctifier le temple. Mais cette
œuvre était rendue difficile par la profanation et
l'oubli dont la maison de Dieu avait été l'objet
pendant de si longues années. Cependant, prêtres et
Lévites poursuivirent leur tâche inlassablement, et
l'achevèrent en très peu de temps. Les portes du
457
temple étaient réparées et grandes ouvertes, les
ustensiles sacrés rassemblés et remis en place. Tout
était prêt pour le rétablissement des services du
sanctuaire.

Lorsque le premier service fut célébré, les chefs


de la ville se joignirent à Ézéchias, aux prêtres et
aux Lévites pour implorer le pardon des péchés de
la nation. Le sacrifice « en expiation pour les
péchés de tout Israël » fut placé sur l'autel. « Et
quand on eut achevé d'offrir l'holocauste, le roi et
tous ceux qui étaient avec lui fléchirent le genou et
se prosternèrent. » Les parvis du temple
résonnèrent à nouveau aux accents des actions de
grâces et de louange. On chanta d'un cœur joyeux
les cantiques de David et d'Asaph. Les fidèles
adorateurs se sentaient enfin délivrés de l'esclavage
du péché et de l'idolâtrie. « Ézéchias et tout le
peuple se réjouirent de ce que Dieu avait bien
disposé le peuple, car la chose se fit subitement. »
(2 Chroniques 29:24, 29, 36)

Dieu avait en réalité préparé le cœur des chefs


du royaume de Juda pour les amener à entreprendre
458
un mouvement de réforme spirituelle, destiné à
endiguer la marée de l'apostasie. Par ses prophètes,
le Seigneur avait adressé message sur message à
son peuple pour l'inviter à revenir à lui. Ces
messages avaient été méprisés et rejetés par les dix
tribus d'Israël, désormais aux mains de l'ennemi.
Mais un reste important demeurait en Juda, et c'est
à ce reste que les prophètes s'adressaient encore.
Ecoutez cet appel d'Ésaïe: « Revenez à celui dont
on s'est profondément détourné. » (Ésaïe 31:6)
Écoutez Michée déclarer avec assurance: « Pour
moi, je regarderai vers l'Éternel, je mettrai mon
espérance dans le Dieu de mon salut; mon Dieu
m'exaucera. Ne te réjouis pas à mon sujet, mon
ennemie! Car si je suis tombée, je me relèverai; si
je suis assise dans les ténèbres, l'Éternel sera ma
lumière. Je supporterai la colère de l'Éternel,
puisque j'ai péché contre lui, jusqu'à ce qu'il
défende ma cause et me fasse droit; il me conduira
à la lumière, et je contemplerai sa justice. »
(Michée 7:7-9)

Ces messages, et d'autres semblables,


révélaient le désir de Dieu de pardonner et
459
d'accepter tous ceux qui se tournaient vers lui d'un
cœur sincère. Aux jours sombres, alors que les
portes du temple étaient closes, ces messages
réconfortaient les cœurs abattus. Et maintenant que
les chefs de Juda entreprenaient une réforme
spirituelle, une foule de gens, lassés de l'esclavage
du péché, se réjouissaient de cette réforme.

Ceux qui entraient dans les parvis du temple


pour y chercher le pardon de leurs péchés et
renouveler leur allégeance à Jéhovah, étaient
merveilleusement encouragés par certains passages
prophétiques des Ecritures. Les avertissements
solennels de Moïse au sujet de l'idolâtrie, adressés
à tout le peuple d'Israël, avaient été accompagnés
de prophéties réconfortantes. Celles-ci révélaient le
désir que Dieu éprouvait à entendre et à pardonner
tous ceux qui, aux jours de l'apostasie, le
rechercheraient de tout leur cœur. « Tu retourneras
à l'Éternel, ton Dieu, et tu écouteras sa voix, avait
dit Moïse; car l'Éternel, ton Dieu, est un Dieu de
miséricorde, qui ne t'abandonnera point et ne te
détruira point: il n'oubliera pas l'alliance de tes
pères, qu'il leur a jurée. » (Deutéronome 4:30, 31)
460
Dans la prière prophétique prononcée par
Salomon lors de la dédicace du temple — de ce
temple dont les services étaient rétablis par les
soins d'Ézéchias et de ses collaborateurs — le roi
avait déclaré: « Quand ton peuple d'Israël sera
battu par l'ennemi, pour avoir péché contre toi; s'ils
reviennent à toi et rendent gloire à ton nom, s'ils
t'adressent des prières et des supplications dans
cette maison, — exauce-les des cieux, pardonne le
péché de ton peuple. » (1 Rois 8:33, 34)

Le sceau de l'approbation divine avait été placé


sur cette prière, car, lorsque Salomon eut fini de
prier, le feu descendit du ciel et consuma
l'holocauste et les sacrifices, et la gloire de Dieu
remplit le temple (Voir 2 Chroniques 7:1). Le
Seigneur apparut à Salomon pendant la nuit et lui
donna l'assurance qu'il exauçait sa prière et se
montrerait miséricordieux envers tous ceux qui
viendraient l'adorer dans sa maison. Voici ses
paroles: « Si mon peuple sur qui est invoqué mon
nom s'humilie, prie et cherche ma face, et s'il se
détourne de ses mauvaises voies, — je l'exaucerai
461
des cieux, je lui pardonnerai son péché, et je
guérirai son pays. » (2 Chroniques 7:14)

Ces promesses se réalisèrent pleinement quand


Ézéchias opéra sa réforme. L'heureuse initiative de
la purification du temple fut suivie par un
mouvement plus considérable tant en Israël qu'en
Juda. Dans le zèle qu'il apportait à faire des
services du temple une source de bénédiction pour
le peuple, Ézéchias décida de rétablir l'ancienne
coutume de rassembler les Israélites pour la
célébration de la Pâque. Depuis bien des années,
celle-ci n'était plus considérée comme une fête
nationale. La division du royaume, à la fin du règne
de Salomon, avait rendu sa célébration impossible.
Mais les terribles châtiments qui s'abattaient sur les
dix tribus éveillaient dans le cœur de certains le
désir d'une amélioration spirituelle, les messages
saisissants des prophètes produisant leur effet.

Des messagers royaux furent donc dépêchés


dans tout le pays pour inviter le peuple à célébrer la
Pâque à Jérusalem. Mais généralement on se
détournait d'eux avec mépris. Les impénitents n'en
462
firent aucun cas, mais ceux qui recherchaient
avidement le Seigneur pour mieux connaître sa
volonté « s'humilièrent et vinrent à Jérusalem » (2
Chroniques 30:10, 11).

En Juda, les habitants répondirent


unanimement à cette invitation, car « la main de
Dieu » agissait sur eux « pour leur donner un
même cœur et leur faire exécuter l'ordre du roi et
des chefs » (2 Chroniques 30:12), selon la volonté
de Dieu révélée par ses prophètes.

Cette occasion allait procurer le plus grand


bienfait aux foules assemblées à Jérusalem. On fit
disparaître des rues profanées de la ville les autels
païens érigés sous le règne d'Achaz. La Pâque fut
célébrée au jour convenu, et toute la semaine le
peuple offrit des sacrifices d'actions de grâces, tout
en s'efforçant de connaître ce que le Seigneur
attendait de lui.

Chaque jour les Lévites « montraient une


grande intelligence pour le service de l'Éternel », et
ceux qui avaient appliqué leur cœur à rechercher le
463
Seigneur trouvaient le pardon. Une grande joie
s'empara de la foule en adoration; « les Lévites et
les sacrificateurs louaient l'Éternel avec les
instruments qui retentissaient en son honneur » (2
Chroniques 30:22, 21). Tous s'unirent pour louer
Dieu qui s'était montré si compatissant et si
miséricordieux.

Les sept jours consacrés habituellement à la


célébration de la Pâque s'écoulèrent trop
rapidement. Aussi décida-t-on de passer sept autres
jours à connaître plus complètement les voies du
Seigneur. Les prêtres continuèrent à instruire le
peuple selon le livre de la loi. Chaque jour la foule
s'assemblait au temple pour offrir à Dieu des
louanges et des actions de grâces. Lorsque la
grande réunion prit fin, on put constater la
conversion miraculeuse qui s'était opérée dans Juda
apostat. La marée de l'idolâtrie qui menaçait de tout
submerger était ainsi refoulée; les avertissements
solennels des prophètes n'avaient pas été vains. « Il
y eut à Jérusalem de grandes réjouissances; et
depuis le temps de Salomon, fils de David, roi
d'Israël, rien de semblable n'avait eu lieu dans
464
Jérusalem. » (2 Chroniques 30:26)

Mais le moment vint où les adorateurs durent


retourner chez eux. Alors « les sacrificateurs et les
Lévites se levèrent et bénirent le peuple; et leur
voix fut entendue, et leur prière parvint jusqu'aux
cieux, jusqu'à la sainte demeure de l'Éternel » (2
Chroniques 30:27). Le Seigneur avait pardonné à
ceux qui, le cœur brisé, avaient confessé leurs
péchés, et s'étaient résolument tournés vers lui.

Toutefois une œuvre importante restait à


accomplir, à laquelle ceux qui retournaient chez
eux devaient prendre une part active.
L'accomplissement de cette œuvre témoignait en
faveur de la réforme sincère opérée chez les
habitants de Juda. L'Ecriture nous dit: « Tous ceux
d'Israël qui étaient présents partirent pour les villes
de Juda, et ils brisèrent les statues, abattirent les
idoles, et renversèrent entièrement les hauts lieux
et les autels dans tout Juda et Benjamin et dans
Ephraïm et Manassé. Puis tous les enfants d'Israël
retournèrent dans leurs villes, chacun dans sa
propriété. » (2 Chroniques 31:1)
465
Ézéchias et ses serviteurs instituèrent
différentes réformes destinées à sauvegarder les
intérêts spirituels et temporels du royaume. « Dans
tout Juda », le roi « fit ce qui est bien, ce qui est
droit, ce qui est vrai, devant l'Éternel, son Dieu. Il
agit de tout son cœur, et il réussit dans tout ce qu'il
entreprit ». « Il mit sa confiance en l'Éternel, le
Dieu d'Israël. ... Il fut attaché à l'Éternel, il ne se
détourna point de lui, et il observa les
commandements que l'Éternel avait prescrits à
Moïse. Et l'Éternel fut avec Ézéchias, qui réussit
dans toutes ses entreprises. » (2 Chroniques 31:20,
21; 2 Rois 18:5-7)

Le règne d'Ézéchias fut caractérisé par une


suite de bénédictions remarquables, qui montrèrent
aux nations voisines comment Dieu agissait envers
son peuple. Lorsque les Assyriens, au début du
règne d'Ézéchias, s'étaient emparés de Samarie, et
avaient dispersé les dix tribus parmi les nations,
d'aucuns avaient été amenés à mettre en doute la
puissance du Dieu des Hébreux. Grisés par leurs
succès, les Ninivites avaient depuis longtemps
466
oublié le message de Jonas, et ils se dressaient
pleins d'arrogance contre les desseins du Seigneur.
Quelques années après la chute de Samarie, les
armées victorieuses d'Assyrie réapparurent en
Palestine. Leurs efforts se concentrèrent alors sur
les villes fortes de Juda. Tout d'abord, elles
parurent triompher; mais elles se retirèrent bientôt,
pressées par les difficultés qui surgirent dans
certaines parties du royaume d'Assyrie. Cependant,
quelques années plus tard, vers la fin du règne
d'Ézéchias, il fut clairement démontré aux nations
païennes que leurs divinités ne remporteraient pas
la victoire.

467
Chapitre 29

Les ambassadeurs de
Babylone

Au milieu de son règne prospère, Ézéchias fut


soudain frappé par une maladie mortelle. « Malade
à la mort », il ne pouvait plus rien attendre des
hommes. Et tout reste d'espoir sembla s'évanouir
lorsque le prophète Ésaïe vint auprès de lui, et lui
dit: « Ainsi parle l'Éternel: Donne tes ordres à ta
maison, car tu vas mourir, et tu ne vivras plus. »
(Ésaïe 38:1)

La situation était donc très grave. Cependant le


roi pouvait encore implorer celui qui n'avait cessé
d'être pour lui « un refuge et un appui, un secours
qui ne manque jamais dans la détresse » (Psaumes
46:2). « Il tourna son visage contre le mur, et fit
cette prière à l'Éternel: O Éternel! souviens-toi que
j'ai marché devant ta face avec fidélité et intégrité
de cœur, et que j'ai fait ce qui est bien à tes yeux!
Et Ézéchias répandit d'abondantes larmes. » (2
468
Rois 20:3, 4) Aucun roi n'avait, en effet, depuis le
règne de David, consolidé comme Ézéchias le
royaume de Dieu au sein de l'apostasie, et alors que
tout semblait perdu. Il avait servi son Dieu
fidèlement et redonné à son peuple confiance en
celui qui était son suprême souverain. A l'instar de
David, il pouvait maintenant s'écrier:

Que ma prière parvienne en ta présence!


Prête l'oreille à mes supplications!
Car mon âme est rassasiée de maux,
Et ma vie s'approche du séjour des morts.
(Psaumes 88:2, 3)

Tu es mon espérance, Seigneur Éternel!


En toi je me confie dès ma jeunesse.
Dès le ventre de ma mère je m'appuie sur toi;
C'est toi qui m'as fait sortir du sein maternel. ...
Quand mes forces s'en vont, ne m'abandonne
pas! ...
Ne m'abandonne pas, ô Dieu! ...
O Dieu, ne t'éloigne pas de moi!
Mon Dieu, viens en hâte à mon secours!
(Psaumes 71:5, 6, 9, 12, 18)
469
Celui dont les « compassions ne sont pas à leur
terme » (Lamentations de Jérémie 3:22), entendit la
prière de son serviteur. « Ésaïe, qui était sorti,
n'était pas encore dans la cour du milieu, lorsque la
parole de l'Éternel lui fut adressée en ces mots:
Retourne, et dis à Ézéchias, chef de mon peuple:
Ainsi parle l'Éternel, le Dieu de David, ton père:
J'ai entendu ta prière, j'ai vu tes larmes. Voici, je te
guérirai; le troisième jour, tu monteras à la maison
de l'Éternel. J'ajouterai à tes jours quinze années. Je
te délivrerai, toi et cette ville, de la main du roi
d'Assyrie; je protégerai cette ville, à cause de moi,
et à cause de David, mon serviteur. » (2 Rois 20:4-
6)

Le prophète revint vers Ézéchias le cœur plein


de joie et lui fit part de ces paroles de certitude et
d'espoir. Il ordonna que l'on applique une masse de
figues sur la partie malade, et il assura le roi de la
miséricorde et de la protection divines. Comme
Moïse à Madian, Gédéon en présence du messager
céleste, Elisée avant l'enlèvement de son maître, le
roi Ézéchias demanda un signe pour s'assurer que
470
le message d'Ésaïe venait bien du ciel. « A quel
signe connaîtrai-je, demanda-t-il, que l'Éternel me
guérira, et que je monterai le troisième jour à la
maison de l'Éternel? » Voici, répondit le prophète,
« le signe auquel tu connaîtras que l'Éternel
accomplira la parole qu'il a prononcée: L'ombre
avancera-t-elle de dix degrés, ou reculera-t-elle de
dix degrés? Ézéchias répondit: C'est peu de chose
que l'ombre avance de dix degrés; mais plutôt
qu'elle recule de dix degrés. »

Seule l'intervention divine pouvait faire reculer


l'ombre de dix degrés sur le cadran solaire. Ce
signe prouverait alors à Ézéchias que le Seigneur
avait entendu sa prière. « Ésaïe invoqua l'Éternel,
qui fit reculer l'ombre de dix degrés sur les degrés
d'Achaz, où elle était descendue. » (2 Rois 20:8-11)

Lorsque le roi Ézéchias eut recouvré la santé, il


composa un cantique d'actions de grâces en
l'honneur de son Dieu, et il s'engagea à consacrer le
reste de ses jours à le servir. Sa gratitude envers le
Seigneur devrait être une leçon pour tous ceux qui
veulent vivre pour la gloire du Maître. Voici ce
471
cantique:

Je disais: Quand mes jours sont en repos, je


dois m'en aller
Aux portes du séjour des morts.
Je suis privé du reste de mes années!
Je disais: Je ne verrai plus l'Éternel,
L'Éternel, sur la terre des vivants;
Je ne verrai plus aucun homme
Parmi les habitants du monde!
Ma demeure est enlevée et transportée loin de
moi,
Comme une tente de berger;
Je sens le fil de ma vie coupé comme par un
tisserand
Qui me retrancherait de sa trame.
Du jour à la nuit tu m'auras achevé!
Je me suis contenu jusqu'au matin;
Comme un lion, il brisait tous mes os,
Du jour à la nuit tu m'auras achevé!
Je poussais des cris comme une hirondelle en
voltigeant,
Je gémissais comme la colombe;
Mes yeux s'élevaient languissants vers le ciel:
472
O Éternel! je suis dans l'angoisse, secours-moi!
Que dirai-je? Il m'a répondu, et il m'a exaucé.
Je marcherai humblement jusqu'au terme de
mes années,
Après avoir été ainsi affligé.
Seigneur, c'est par tes bontés qu'on jouit de la
vie,
C'est par elles que je respire encore;
Tu me rétablis, tu me rends à la vie.
Voici, mes souffrances mêmes sont devenues
mon salut;
Tu as pris plaisir à retirer mon âme de la fosse
du néant,
Car tu as jeté derrière toi tous mes péchés.
Ce n'est pas le séjour des morts qui te loue, Ce
n'est pas la mort qui te célèbre;
Ceux qui sont descendus dans la fosse
n'espèrent plus en ta fidélité.
Le vivant, le vivant, c'est celui-là qui te loue,
Comme moi aujourd'hui;
Le père fait connaître à ses enfants ta fidélité.
L'Éternel m'a sauvé!
Nous ferons résonner les cordes de nos
instruments,
473
Tous les jours de notre vie,
Dans la maison de l'Éternel.
(Ésaïe 38:10-20)

Dans les vallées fertiles du Tigre et de


l'Euphrate vivait une ancienne race qui, bien que
soumise à l'Assyrie, était destinée à dominer le
monde entier. Là se trouvaient des savants qui
s'adonnaient à l'étude de l'astronomie, et lorsqu'ils
constatèrent que l'ombre, sur le cadran solaire,
avait reculé de dix degrés, ils furent stupéfaits.
Quand leur roi, Berodac-Baladan, apprit que ce
miracle avait eu lieu pour servir de signe au roi de
Juda, et que le Dieu du ciel l'avait guéri, il envoya
des messagers à Ézéchias pour le féliciter de sa
guérison et pour connaître davantage, si possible, le
Dieu qui était capable de si grandes merveilles. Ces
messagers du monarque qui régnait dans un pays
lointain offraient à Ézéchias l'occasion inespérée de
magnifier le Dieu vivant. Comme il eût été facile,
en effet, de parler à ces gens du Créateur de tous
les êtres vivants, grâce auquel sa vie avait été
prolongée, alors que tout espoir était perdu!
Quelles transformations remarquables auraient été
474
opérées si ces hommes, venus des plaines de
Chaldée et à la recherche de la vérité, avaient été
amenés à reconnaître la souveraineté suprême du
Dieu vivant!

Mais l'orgueil et la vanité s'emparèrent du cœur


d'Ézéchias. Pour s'exalter lui-même, il déploya aux
regards pleins de convoitise des ambassadeurs
babyloniens les trésors dont le Seigneur avait
enrichi son peuple. Le roi « montra aux envoyés le
lieu où étaient ses choses de prix, l'argent et l'or, les
aromates et l'huile précieuse, tout son arsenal, et
tout ce qui se trouvait dans ses trésors: il n'y eut
rien qu'Ézéchias ne leur fît voir dans sa maison et
dans tous ses domaines » (Ésaïe 39:2). Ce n'était
pas pour magnifier Dieu qu'il agissait ainsi, mais
pour se faire valoir aux yeux des princes étrangers.
Il ne s'attarda pas à considérer que ces hommes
représentaient une nation puissante, qu'ils n'avaient
pas la crainte de Dieu, et qu'il était imprudent d'en
faire des confidents au sujet des richesses
temporelles de la nation.

La visite des ambassadeurs de Babylone était


475
destinée à éprouver la gratitude et la foi d'Ézéchias.
L'Ecriture dit: « Lorsque les chefs de Babylone
envoyèrent des messagers auprès de lui pour
s'informer du prodige qui avait eu lieu dans le pays,
Dieu l'abandonna pour l'éprouver, afin de connaître
tout ce qui était dans son cœur. » (2 Chroniques
32:31)

Si Ézéchias avait profité de l'occasion qui lui


était offerte pour rendre témoignage à la puissance,
à la bonté et à la compassion du Dieu d'Israël, le
rapport des ambassadeurs aurait été comme une
lumière perçant les ténèbres. Mais Ézéchias se
plaça lui-même au-dessus de l'Éternel des armées.
Il ne « répondit point au bienfait qu'il avait reçu,
car son cœur s'éleva ». Les conséquences en furent
désastreuses. Il fut révélé à Ésaïe que les
ambassadeurs, en rentrant chez eux, avaient parlé
de toutes les richesses d'Israël, et que le roi de
Babylone et ses conseillers conçurent le projet de
s'en emparer pour enrichir leur pays. Ézéchias avait
commis une erreur impardonnable. « La colère de
l'Éternel fut sur lui et sur Juda et Jérusalem. » (2
Chroniques 32:25)
476
« Ésaïe, le prophète, vint ensuite auprès du roi
Ézéchias, et lui dit: Qu'ont dit ces gens-là, et d'où
sont-ils venus vers toi? Ézéchias répondit: Ils sont
venus vers moi d'un pays éloigné, de Babylone.
Ésaïe dit encore: Qu'ont-ils vu dans ta maison?
Ézéchias répondit: Ils ont vu tout ce qui est dans
ma maison: il n'y a rien dans mes trésors que je ne
leur aie fait voir.

»Alors Ésaïe dit à Ézéchias: Ecoute la parole


de l'Éternel des armées! Voici, les temps viendront
où l'on emportera à Babylone tout ce qui est dans ta
maison et ce que tes pères ont amassé jusqu'à ce
jour; il n'en restera rien, dit l'Éternel. Et l'on
prendra de tes fils, qui seront sortis de toi, que tu
auras engendrés, pour en faire des eunuques dans le
palais du roi de Babylone. Ézéchias répondit à
Ésaïe: La parole de l'Éternel, que tu as prononcée,
est bonne. » (Ésaïe 39:3-8)

Bourrelé de remords, « Ézéchias, du sein de


son orgueil, s'humilia avec les habitants de
Jérusalem, et la colère de l'Éternel ne vint pas sur
477
eux pendant la vie d'Ézéchias » (2 Chroniques
32:26). Mais la mauvaise semence avait été jetée;
elle devait lever en son temps et produire une
moisson de désolation et de malédiction. Pendant
les dernières années de son règne, le roi de Juda
jouit d'une grande prospérité, car il résolut de
racheter son passé et d'honorer le Dieu qu'il servait.
Cependant, sa foi fut mise à rude épreuve, et il dut
apprendre qu'il ne pourrait espérer triompher de la
puissance des ténèbres qu'en mettant toute sa
confiance en Dieu.

La faute d'Ézéchias, qui faillit à sa mission lors


de la visite des envoyés du roi de Babylone, est
riche d'enseignement pour tous. Nous devrions
parler davantage des bénédictions précieuses qui
découlent de notre expérience religieuse: de la
bonté et de l'amour incomparable de notre Sauveur.
Lorsque le cœur et l'esprit débordent de l'amour
divin, il n'est pas difficile de faire part à d'autres de
ce qui constitue la vie spirituelle. Les pensées
élevées, les nobles aspirations, la nette conception
de la vérité, les intentions désintéressées, les élans
de foi et de sainteté trouveront leur expression dans
478
des termes qui révèlent les trésors du cœur.

Ceux qui nous côtoient chaque jour ont besoin


de notre aide et de nos conseils. Ils peuvent se
trouver dans une condition telle qu'un mot
prononcé à bon escient sera comme un clou
enfoncé au bon endroit. Demain, ces personnes
seront peut-être dans des lieux où il nous sera
impossible de les atteindre. Quelle aura été notre
influence sur ces compagnons de route?

Chaque jour comporte pour nous un certain


nombre de responsabilités. Chaque jour nos paroles
et nos actes font impression sur ceux qui nous
entourent. Comme nous devrions prendre garde à
ce que nous disons et à ce que nous faisons! Un
geste inconséquent, un pas imprudent, et les vagues
déchaînées d'une insurmontable tentation peuvent
entraîner une âme dans le mauvais sentier. Nous ne
pouvons plus ôter de l'esprit les pensées que nous y
avons implantées. Si ces dernières ont été
mauvaises, nous avons déclenché, par un concours
de circonstances, la marée du mal qu'il n'est pas en
notre pouvoir d'endiguer.
479
Mais si, d'autre part, notre exemple contribue à
développer chez autrui de bonnes tendances, nous
aurons offert la possibilité de faire le bien. A son
tour, notre prochain exercera une influence
salutaire autour de lui. C'est ainsi que des centaines
et des milliers de nos semblables subiront
inconsciemment notre influence. Le vrai disciple
du Christ affermit les bonnes intentions de ceux
qu'il côtoie. En présence d'un monde incrédule et
pervers, il révèle la puissance de la grâce de Dieu
et la perfection de son caractère.

480
Chapitre 30

Délivrance de l'Assyrie

Lorsque les armées d'Assyrie envahirent le


royaume de Juda, ce pays courut un grand danger.
Jérusalem semblait ne pouvoir être épargnée d'une
destruction totale. Alors Ézéchias rassembla ses
forces pour résister avec un courage indomptable
aux oppresseurs païens, et prouver sa confiance
dans le pouvoir du Dieu qui délivre. « Fortifiez-
vous et ayez du courage! Ne craignez point et ne
soyez point effrayés devant le roi d'Assyrie et
devant toute la multitude qui est avec lui, dit-il aux
hommes de Juda; car avec nous il y a plus qu'avec
lui. Avec lui est un bras de chair, et avec nous
l'Éternel, notre Dieu, qui nous aidera et qui
combattra pour nous. » (2 Chroniques 32:7, 8)

Ce n'était pas sans raison que le roi Ézéchias


pouvait parler avec une telle assurance de l'issue de
la guerre. L'Assyrien orgueilleux, dont Dieu se
servait momentanément comme verge de sa colère

481
(Voir Ésaïe 10:5) pour châtier les nations, ne devait
pas toujours triompher. « Ne crains pas l'Assyrien
», avait déclaré le Seigneur par la bouche du
prophète Ésaïe quelques années auparavant. «
Encore un peu de temps, avait-il ajouté, ... et
l'Éternel des armées agitera le fouet contre lui,
comme il frappa Madian au rocher d'Oreb; et, de
même qu'il leva son bâton sur la mer, il le lèvera
encore, comme en Égypte. En ce jour, son fardeau
sera ôté de dessus ton épaule, et son joug de dessus
ton cou; et la graisse fera éclater le joug. » (Ésaïe
10:24-27)

Dans un autre message prophétique, donné «


l'année de la mort du roi Achaz », le prophète avait
déclaré: « L'Éternel des armées l'a juré, en disant:
Oui, ce que j'ai décidé arrivera, ce que j'ai résolu
s'accomplira. Je briserai l'Assyrien dans mon pays,
je le foulerai aux pieds sur mes montagnes; et son
joug leur sera ôté, et son fardeau sera ôté de leurs
épaules. Voilà la résolution prise contre toute la
terre, voilà la main étendue sur toutes les nations.
L'Éternel des armées a pris cette résolution: qui s'y
opposera? Sa main est étendue: qui la détournera?
482
» (Ésaïe 14:28, 24-27)

La puissance de l'oppresseur devait donc être


brisée. Cependant, Ézéchias, au début de son règne,
avait continué à payer le tribut que le roi Achaz
s'était engagé à verser à cette nation. Mais « il tint
conseil avec ses chefs et ses hommes vaillants », et
il mit tout en œuvre pour défendre son royaume. Il
était assuré d'une abondante réserve d'eau dans
Jérusalem, alors qu'il savait que celle-ci ferait
défaut hors de la ville. Il « prit courage; il
reconstruisit la muraille qui était en ruine et l'éleva
jusqu'aux tours, bâtit un autre mur en dehors,
fortifia Millo dans la cité de David, et prépara une
quantité d'armes et de boucliers. Il donna des chefs
militaires au peuple. » (2 Chroniques 32:3, 5, 6)
Rien ne fut négligé en vue de la préparation d'un
siège.

Lorsque le roi Ézéchias monta sur le trône de


Juda, les Assyriens avaient déjà déporté un grand
nombre d'Israélites du royaume du nord. Peu de
temps après son avènement, alors qu'il renforçait
les défenses de Jérusalem, les Assyriens
483
assiégèrent Samarie et s'en emparèrent; puis ils
dispersèrent les dix tribus dans les nombreuses
provinces d'Assyrie. Les frontières de Juda
n'étaient qu'à quelques kilomètres de distance et
Jérusalem à moins de soixante-dix kilomètres. Or,
les richesses qui se trouvaient dans le temple
pouvaient inciter l'ennemi à revenir.

Mais le roi de Juda avait décidé de faire


l'impossible pour lui résister. Après avoir accompli
tout ce que l'ingéniosité et l'énergie humaines
pouvaient réaliser, il rassembla ses armées et les
exhorta au courage. « Il est grand au milieu de toi,
le Saint d'Israël » (Ésaïe 12:6), avait proclamé le
prophète Ésaïe à Juda. Et le roi affirmait
maintenant, avec une foi inébranlable: « Avec nous
[est] l'Éternel, notre Dieu, qui nous aidera et qui
combattra pour nous. » Rien ne peut mieux inspirer
la foi que de l'exercer. Le roi de Juda était prêt à
affronter l'orage. Persuadé que la prophétie relative
aux Assyriens se réaliserait, il s'appuyait sur Dieu.
« Le peuple eut confiance dans les paroles
d'Ézéchias. » (2 Chroniques 32:8) Qu'importait si
les armées d'Assyrie, victorieuses dans leurs
484
combats contre Samarie et les plus grandes nations,
dirigeaient maintenant leurs forces contre Juda!
Qu'importait si l'Assyrie disait avec orgueil: « De
même que ma main a atteint les royaumes des
idoles, où il y avait plus d'images qu'à Jérusalem et
à Samarie, ce que j'ai fait à Samarie et à ses idoles,
ne le ferai-je pas à Jérusalem et à ses images? »
(Ésaïe 10:10, 11) Mais Juda n'avait rien à craindre,
car il avait placé sa confiance en Dieu.

Le danger si longtemps prévu finit par survenir.


Les armées d'Assyrie, marchant de triomphe en
triomphe, pénétrèrent dans le royaume de Juda.
Certains de la victoire, les chefs assyriens
divisèrent leurs forces en deux armées; l'une devait
rencontrer les Egyptiens, l'autre faire le siège de
Jérusalem. L'unique espoir de Juda résidait alors en
Dieu. Toute assistance possible de la part de
l'Égypte avait été supprimée, et nulle autre nation
n'était disposée à tendre à Ézéchias une main
secourable.

Les chefs de l'armée assyrienne, convaincus de


la puissance de leurs armées bien disciplinées,
485
demandèrent alors à entrer en pourparlers avec les
principaux de Juda, dont ils exigèrent avec
insolence la reddition de Jérusalem. Cette demande
était accompagnée d'insultes et de blasphèmes
contre le Dieu des Hébreux. L'affaiblissement et
l'apostasie d'Israël et de Juda avaient amené les
nations à ne plus craindre le nom de Jéhovah; il
était devenu au contraire un sujet d'outrage
continuel (Voir Ésaïe 52:5).

« Dites à Ézéchias, dit alors Rabschaké, l'un


des officiers supérieurs de Sanchérib, aux
principaux chefs de Juda: Ainsi parle le grand roi,
le roi d'Assyrie: Quelle est cette confiance sur
laquelle tu t'appuies? Tu as dit: Il faut pour la
guerre de la prudence et de la force. Mais ce ne
sont que des paroles en l'air. En qui donc as-tu
placé ta confiance pour t'être révolté contre moi? »
(2 Rois 18:19, 20)

Les officiers conféraient hors des portes de la


ville, mais les sentinelles placées sur les murs les
entendaient parler. Or, comme les envoyés du roi
d'Assyrie faisaient à haute voix leurs propositions,
486
les chefs de Juda leur demandèrent de parler en
araméen et non en langue judaïque, afin que le
peuple ne puisse avoir connaissance des détails des
pourparlers. Mais Rabschaké, méprisant cette
proposition, éleva la voix, et continua à parler en
langue judaïque. « Ecoutez, dit-il, les paroles du
grand roi, du roi d'Assyrie! Ainsi parle le roi:
Qu'Ézéchias ne vous abuse point, car il ne pourra
vous délivrer. Qu'Ézéchias ne vous amène point à
vous confier en l'Éternel, en disant: L'Éternel nous
délivrera, cette ville ne sera pas livrée entre les
mains du roi d'Assyrie. N'écoutez point Ézéchias;
car ainsi parle le roi d'Assyrie: Faites la paix avec
moi, rendez-vous à moi, et chacun de vous
mangera de sa vigne et de son figuier, et chacun
boira de l'eau de sa citerne, jusqu'à ce que je
vienne, et que je vous emmène dans un pays
comme le vôtre, dans un pays de blé et de vin, un
pays de pain et de vignes. Qu'Ézéchias ne vous
séduise point, en disant: L'Éternel nous délivrera.
Les dieux des nations ont-ils délivré chacun son
pays de la main du roi d'Assyrie? Où sont les dieux
de Hamath et d'Arpad? Où sont les dieux de
Sepharvaïm? Ont-ils délivré Samarie de ma main?
487
Parmi tous les dieux de ces pays, quels sont ceux
qui ont délivré leur pays de ma main, pour que
l'Éternel délivre Jérusalem de ma main? » (Ésaïe
36:13-20)

A ces insultes, les représentants de Juda « ne


répondirent pas un mot ». Les pourparlers ayant
pris fin, ils revinrent vers Ézéchias, « les vêtements
déchirés, et lui rapportèrent les paroles de
Rabschaké » (Ésaïe 36:21, 22). Après avoir
entendu cela, « il déchira ses vêtements, se couvrit
d'un sac, et alla dans la maison de l'Éternel » (2
Rois 19:1).

Un messager fut chargé d'aller informer le


prophète Ésaïe des résultats de l'entretien. « Ce
jour est un jour d'angoisse, de châtiment et
d'opprobre », dit le roi. « Peut-être l'Éternel, ton
Dieu, a-t-il entendu toutes les paroles de
Rabschaké, que le roi d'Assyrie, son maître, a
envoyé pour insulter au Dieu vivant, et peut-être
l'Éternel, ton Dieu, exercera-t-il ses châtiments à
cause des paroles qu'il a entendues. Fais donc
monter une prière pour le reste qui subsiste encore.
488
» (2 Rois 19:3, 4)

« Le roi Ézéchias et le prophète Ésaïe, fils


d'Amots, se mirent à prier à ce sujet, et ils crièrent
au ciel. » (2 Chroniques 32:20) Dieu exauça les
prières de ses serviteurs. Et voici le message qui fut
donné à Ésaïe pour Ézéchias: « Ainsi parle
l'Éternel: Ne t'effraie point des paroles que tu as
entendues et par lesquelles m'ont outragé les
serviteurs du roi d'Assyrie. Je vais mettre en lui un
esprit tel que, sur une nouvelle qu'il recevra, il
retournera dans son pays; et je le ferai tomber par
l'épée dans son pays. » (2 Rois 19:6, 7)

Lorsque les représentants de l'Assyrie eurent


quitté les chefs de Juda, ils firent aussitôt part des
résultats des pourparlers à leur roi qui se trouvait
avec ses forces aux frontières de l'Égypte. Ce
dernier adressa alors « une lettre insultante pour
l'Éternel, le Dieu d'Israël, en s'exprimant ainsi
contre lui: De même que les dieux des nations des
autres pays n'ont pu délivrer leur peuple de ma
main, de même le Dieu d'Ézéchias ne délivrera pas
son peuple de ma main. » (2 Chroniques 32:17)
489
Cette menace insolente fut accompagnée de ce
message du roi d'Assyrie au roi de Juda: « Que ton
Dieu, auquel tu te confies, ne t'abuse point, en
disant: Jérusalem ne sera pas livrée entre les mains
du roi d'Assyrie. Voici, tu as appris ce qu'ont fait
les rois d'Assyrie à tous les pays, et comment ils les
ont détruits; et toi, tu serais délivré! Les dieux des
nations que mes pères ont détruites les ont-ils
délivrées, Gozan, Charan, Retseph, et les fils
d'Eden qui sont à Telassar? Où sont le roi de
Hamath, le roi d'Arpad, et le roi de la ville de
Sepharvaïm, d'Héna et d'Ivva? » (2 Rois 19:10-13)

Lorsque le roi de Juda reçut cette lettre


d'insulte, il la prit dans le temple, « et la déploya
devant l'Éternel » (2 Rois 19:14). Il pria avec une
foi ardente pour demander au ciel que les royaumes
de la terre reconnaissent que le Dieu des Hébreux
était toujours vivant, et qu'il n'avait cessé de régner.
Il y allait de l'honneur du Très-Haut; lui seul
pouvait accorder la délivrance. « Éternel, Dieu
d'Israël, assis sur les chérubins! s'écria Ézéchias.
C'est toi qui es le seul Dieu de tous les royaumes
490
de la terre, c'est toi qui as fait les cieux et la terre.
Éternel! incline ton oreille, et écoute. Éternel!
ouvre tes yeux, et regarde. Entends les paroles de
Sanchérib, qui a envoyé Rabschaké pour insulter
au Dieu vivant. Il est vrai, ô Éternel, que les rois
d'Assyrie ont détruit les nations et ravagé leurs
pays, et qu'ils ont jeté leurs dieux dans le feu; mais
ce n'étaient point des dieux, c'étaient des ouvrages
de mains d'homme, du bois et de la pierre; et ils les
ont anéantis. Maintenant, Éternel, notre Dieu!
délivre-nous de la main de Sanchérib, et que tous
les royaumes de la terre sachent que toi seul es
Dieu, ô Éternel! » (2 Rois 19:15-19)

Prête l'oreille, berger d'Israël,


Toi qui conduis Joseph comme un troupeau!
Parais dans ta splendeur,
Toi qui es assis sur les chérubins!
Devant Ephraïm, Benjamin et Manassé, réveille
ta force,
Et viens à notre secours!
O Dieu, relève-nous!
Fais briller ta face, et nous serons sauvés!

491
Éternel, Dieu des armées!
Jusques à quand t'irriteras-tu contre la prière de
ton peuple?
Tu les nourris d'un pain de larmes,
Tu les abreuves de larmes à pleine mesure.
Tu fais de nous un objet de discorde pour nos
voisins,
Et nos ennemis se raillent de nous.
Dieu des armées, relève-nous!
Fais briller ta face, et nous serons sauvés!

Tu avais arraché de l'Égypte une vigne;


Tu as chassé des nations, et tu l'as plantée.
Tu as fait place devant elle:
Elle a jeté des racines et rempli la terre;
Les montagnes étaient couvertes de son ombre,
Et ses rameaux étaient comme des cèdres de
Dieu;
Elle étendait ses branches jusqu'à la mer,
Et ses rejetons jusqu'au fleuve.
Pourquoi as-tu rompu ses clôtures, En sorte que
tous les passants la dépouillent?
Le sanglier de la forêt la ronge,
Et les bêtes des champs en font leur pâture.
492
Dieu des armées, reviens donc!
Regarde du haut des cieux, et vois! considère
cette vigne!
Protège ce que ta droite a planté,
Et le fils que tu t'es choisi! ...

Fais-nous revivre, et nous invoquerons ton


nom.
Éternel, Dieu des armées, relève-nous!
Fais briller ta face, et nous serons sauvés!
(Psaumes 80)

La prière d'Ézéchias en faveur de Juda et de la


gloire de son suprême Souverain était selon la
pensée de Dieu. Lors de la dédicace du temple,
Salomon avait supplié le Seigneur pour « qu'il
fasse en tout temps droit à son serviteur et à son
peuple d'Israël, afin que tous les peuples de la terre
reconnaissent que l'Éternel est Dieu, qu'il n'y en a
point d'autre » (1 Rois 8:59, 60). Jéhovah devait
secourir son peuple d'une manière toute
particulière, si, en temps de guerre ou d'oppression
ennemie, les principaux d'Israël se rendaient dans
sa maison et lui adressaient des supplications pour
493
obtenir la délivrance (Voir 1 Rois 8:33, 34).

Ézéchias ne fut pas abandonné à lui-même. Le


prophète Ésaïe lui envoya dire: « Ainsi parle
l'Éternel, le Dieu d'Israël. J'ai entendu ta prière au
sujet de Sanchérib, roi d'Assyrie. Voici, la parole
que l'Éternel a adressée contre lui:

Elle te méprise, elle se moque de toi,


La vierge, fille de Sion;
Elle hoche la tête après toi,
La fille de Jérusalem.
Qui as-tu insulté et outragé?
Contre qui as-tu élevé la voix?
Tu as porté tes yeux en haut
Sur le Saint d'Israël!
Par tes messagers tu as insulté le Seigneur,
Et tu as dit:
Avec la multitude de mes chars,
J'ai gravi le sommet des montagnes,
Les extrémités du Liban;
Je couperai les plus élevés de ses cèdres,
Les plus beaux de ses cyprès,
Et j'atteindrai sa dernière cime, Sa forêt
494
semblable à un verger;
J'ai creusé, et j'ai bu des eaux étrangères,
Et je tarirai avec la plante de mes pieds
Tous les fleuves de l'Égypte.

N'as-tu pas appris que j'ai préparé ces choses de


loin,
Et que je les ai résolues dès les temps anciens?
Maintenant j'ai permis qu'elles s'accomplissent,
Et que tu réduisisses des villes fortes en
monceaux de ruines.
Leurs habitants sont impuissants,
Epouvantés et confus;
Ils sont comme l'herbe des champs et la tendre
verdure,
Comme le gazon des toits
Et le blé qui sèche avant la formation de sa tige.
Mais je sais quand tu t'assieds, quand tu sors et
quand tu entres,
Et quand tu es furieux contre moi.
Parce que tu es furieux contre moi,
Et que ton arrogance est montée à mes oreilles,
Je mettrai ma boucle à tes narines et mon mors
entre tes lèvres,
495
Et je te ferai retourner par le chemin par lequel
tu es venu.
(2 Rois 19:20-28)

Le pays de Juda avait été dévasté par les


troupes d'occupation; mais le Seigneur avait promis
de subvenir miraculeusement aux besoins du
peuple. Ézéchias reçut alors ce message: « Que
ceci soit un signe pour toi: On a mangé une année
le produit du grain tombé, et une seconde année ce
qui croît de soi-même; mais la troisième année,
vous sèmerez, vous moissonnerez, vous planterez
des vignes, et vous en mangerez le fruit. Ce qui
aura été sauvé de la maison de Juda, ce qui sera
resté poussera encore des racines par-dessous, et
portera du fruit par-dessus. Car de Jérusalem il
sortira un reste, et de la montagne de Sion des
réchappés. Voilà ce que fera le zèle de l'Éternel des
armées. C'est pourquoi ainsi parle l'Éternel sur le
roi d'Assyrie:

Il n'entrera point dans cette ville,


Il n'y lancera point de traits,
Il ne lui présentera point de boucliers,
496
Et il n'élèvera point de retranchements contre
elle.
Il s'en retournera par le chemin par lequel il est
venu,
Et il n'entrera point dans cette ville, dit
l'Éternel.
Je protégerai cette ville pour la sauver,
A cause de moi, et à cause de David, mon
serviteur.
(2 Rois 19:29-34)

Ce fut cette nuit même que se produisit la


délivrance. « L'ange de l'Éternel sortit, et frappa
dans le camp des Assyriens cent quatre-vingt-cinq
mille hommes. » (2 Rois 19:35) « Tous les
vaillants hommes, les princes et les chefs » (2
Chroniques 32:21) furent exterminés. La nouvelle
de ce terrible désastre qui survint aux troupes
envoyées pour s'emparer de Jérusalem parvint
bientôt à Sanchérib, qui continuait à défendre
l'accès de la Judée à l'Égypte. Saisi de frayeur, le
roi d'Assyrie s'enfuit en toute hâte, et « confus,
retourna dans son pays » (2 Chroniques 32:21).
Mais il ne devait pas régner longtemps. Selon la
497
prophétie relative à sa mort violente, il fut
assassiné par les gens de sa propre maison. « Et
Esar-Haddon, son fils, régna à sa place. » (Ésaïe
37:38)

Le Dieu des Hébreux l'avait emporté sur


l'Assyrien orgueilleux. L'honneur de Jéhovah était
vengé aux yeux des nations voisines. Le cœur des
habitants de Jérusalem débordait de joie; leurs
prières ferventes pour la délivrance du royaume
avaient été accompagnées de la confession de leurs
péchés et de leurs larmes. Dans leur grande
détresse, ils s'étaient entièrement confiés à la
puissance salvatrice de Dieu, qui ne les avait pas
abandonnés. Alors, des parvis du temple, on
entendit des chants de louange et d'actions de
grâces:

Dieu est connu en Juda,


Son nom est grand en Israël.
Sa tente est à Salem,
Et sa demeure à Sion.
C'est là qu'il a brisé les flèches,
Le bouclier, l'épée, et les armes de guerre.
498
Tu es plus majestueux, plus puissant
Que les montagnes des ravisseurs.
Ils ont été dépouillés, ces héros pleins de
courage,
Ils se sont endormis de leur dernier sommeil;
Ils n'ont pas su se défendre, tous ces vaillants
hommes.
A ta menace, Dieu de Jacob!
Ils se sont endormis, cavaliers et chevaux.

Tu es redoutable, ô toi!
Qui peut te résister, quand ta colère éclate?
Du haut des cieux tu as proclamé la sentence;
La terre effrayée s'est tenue tranquille, Lorsque
Dieu s'est levé pour faire justice,
Pour sauver tous les malheureux de la terre.

L'homme te célèbre même dans sa fureur,


Quand tu te revêts de tout ton courroux.
Faites des vœux à l'Éternel, votre Dieu, et
accomplissez-les!
Que tous ceux qui l'environnent apportent des
dons au Dieu terrible!
499
Il abat l'orgueil des princes,
Il est redoutable aux rois de la terre.
(Psaumes 76)

L'ascension et la chute de l'empire assyrien sont


riches d'enseignements pour les nations de nos
jours. Les Ecritures ont comparé la gloire de
l'Assyrie, à son apogée, à un arbre majestueux du
jardin de Dieu, dominant tous ceux qui
l'environnent:

Voici, l'Assyrie était un cèdre du Liban;


Ses branches étaient belles,
Son feuillage était touffu, sa tige élevée,
Et sa cime s'élançait au milieu d'épais rameaux.
...
Toutes les bêtes des champs faisaient leurs
petits sous ses rameaux,
Et de nombreuses nations habitaient toutes à
son ombre.
Il était beau par sa grandeur, par l'étendue de
ses branches,
Car ses racines plongeaient dans des eaux
abondantes.
500
Les cèdres du jardin de Dieu ne le surpassaient
point,
Les cyprès n'égalaient point ses branches,
Et les platanes n'étaient point comme ses
rameaux;
Aucun arbre du jardin de Dieu ne lui était
comparable en beauté. ...
Et tous les arbres d'Eden, dans le jardin de
Dieu, lui portaient envie.
(Ézéchiel 31:3-9)

Mais les chefs de l'Assyrie, au lieu de mettre


leurs privilèges extraordinaires au service de
l'humanité, devinrent la verge de nombreux pays.
Sans pitié, sans égard pour Dieu ou leurs
semblables, ils poursuivirent leur but défini: faire
connaître à toutes les nations la suprématie des
dieux de Ninive, qu'ils exaltaient au-dessus du
Très-Haut. Dieu leur avait envoyé Jonas avec un
message d'avertissement, et pendant quelque
temps, ils s'étaient humiliés devant l'Éternel des
armées et avaient imploré son pardon. Mais ils
retournèrent bientôt au culte des idoles et à la
conquête du monde.
501
Le prophète Nahum, s'adressant aux Ninivites,
s'écriait:

Malheur à la ville sanguinaire,


Pleine de mensonge, pleine de violence,
Et qui ne cesse de se livrer à la rapine! ...
On entend le bruit du fouet,
Le bruit des roues,
Le galop des chevaux,
Le roulement des chars.
Les cavaliers s'élancent, l'épée étincelle, la
lance brille...
Une multitude de blessés! ...
Voici, j'en veux à toi, dit l'Éternel des armées.
(Nahoum 3:1-5)

Avec une précision infaillible, le Tout-Puissant


tient compte des actions des hommes. Aussi
longtemps que sa miséricorde s'exerce par des
appels à la repentance, ce compte reste ouvert;
mais lorsque la coupe déborde, alors éclate la
colère divine. La mesure est pleine, la patience de
Dieu est à son terme, sa miséricorde n'intervient
502
plus en faveur de ces peuples.

C'est ainsi que Ninive, « cette ville joyeuse, qui


s'assied avec assurance, et qui dit en son cœur:
Moi, et rien que moi! » devient un lieu de
désolation, qu'elle est pillée, dévastée, ravagée.
Elle est « devenue ce repaire de lions, ce pâturage
des lionceaux, où se retiraient le lion, la lionne, le
petit du lion, sans qu'il y eût personne pour les
troubler » (Sophonie 2:15; Nahoum 2:11, 12).

Lorsqu'il annonçait que l'orgueil de Ninive


serait abaissé, le prophète Sophonie disait de cette
ville: « Des troupeaux se coucheront au milieu
d'elle, des animaux de toute espèce; le pélican et le
hérisson habiteront parmi les chapiteaux de ses
colonnes; des cris retentiront aux fenêtres; la
dévastation sera sur le seuil, car les lambris de
cèdre seront arrachés. » (Sophonie 2:14)

Combien fut grande la gloire de l'Assyrie, et


combien grande aussi sa chute! Le prophète
Ezéchiel, rappelant l'image du cèdre majestueux du
Liban, annonçait clairement la chute de l'Assyrie,
503
due à son orgueil et à sa cruauté. « C'est pourquoi,
disait-il, ainsi parle le Seigneur, l'Éternel: Parce
qu'il avait une tige élevée, parce qu'il lançait sa
cime au milieu d'épais rameaux, et que son cœur
était fier de sa hauteur, je l'ai livré entre les mains
du héros des nations, qui le traitera selon sa
méchanceté; je l'ai chassé. Des étrangers, les plus
violents des peuples, l'ont abattu et rejeté; ses
branches sont tombées dans les montagnes et dans
toutes les vallées. Ses rameaux se sont brisés dans
tous les ravins du pays; et tous les peuples de la
terre se sont retirés de son ombre, et l'ont
abandonné. Sur ses débris sont venus se poser tous
les oiseaux du ciel, et toutes les bêtes des champs
ont fait leur gîte parmi ses rameaux, afin que tous
les arbres près des eaux n'élèvent plus leur tige. ...
Ainsi parle le Seigneur, l'Éternel: Le jour où il est
descendu dans le séjour des morts, j'ai répandu le
deuil. ... Tous les arbres des champs ont été
desséchés. Par le bruit de sa chute j'ai fait trembler
les nations. » (Ézéchiel 31:10-16)

L'orgueil et la chute de l'Assyrie doivent servir


de leçon aux nations de la fin des temps. A celles
504
qui s'élèvent avec arrogance contre Dieu, la sainte
Ecriture dit: « A qui ressembles-tu ainsi en gloire et
en grandeur parmi les arbres d'Eden? Tu seras
précipité avec les arbres d'Eden dans les
profondeurs de la terre. » (Ézéchiel 31:18)

L'Éternel est bon,


Il est un refuge au jour de la détresse;
Il connaît ceux qui se confient en lui.
Mais avec des flots qui déborderont
Il détruira la ville.
(Nahoum 1:7, 8)

Voilà le sort de tous ceux qui voudront s'élever


au-dessus du Très-Haut.

« L'orgueil de l'Assyrie sera abattu, et le sceptre


de l'Égypte disparaîtra. » (Zacharie 10:11) Cette
déclaration du prophète Zacharie ne concerne pas
seulement les royaumes qui s'étaient autrefois
dressés contre Dieu, mais aussi toutes les nations
qui, aujourd'hui, sont infidèles à la mission divine.
Au jour des rétributions finales, lorsque le juste
Juge « va cribler les nations » (Ésaïe 30:28), et
505
qu'il sera permis à tous ceux qui ont suivi la vérité
d'entrer dans la sainte cité, alors les voûtes des
cieux retentiront des accents triomphants des
rachetés. « Vous chanterez comme la nuit où l'on
célèbre la fête, déclare le prophète Ésaïe. Vous
aurez le cœur joyeux comme celui qui marche au
son de la flûte, pour aller à la montagne de
l'Éternel, vers le rocher d'Israël. Et l'Éternel fera
retentir sa voix majestueuse. ... A la voix de
l'Éternel, l'Assyrien tremblera; l'Éternel le frappera
de sa verge. A chaque coup de la verge qui lui est
destinée, et que l'Éternel fera tomber sur lui, on
entendra les tambourins et les harpes. » (Ésaïe
30:29-32)

506
Chapitre 31

Espoir pour les païens

Tout au cours de son ministère, le prophète


Ésaïe rendit un témoignage formel sur les desseins
de Dieu à l'égard des païens. D'autres hommes de
Dieu avaient déjà fait connaître le plan divin, mais
leur langage n'avait pas été compris. Il était réservé
à Ésaïe d'informer clairement Juda sur le fait que
parmi l'Israël de Dieu se trouvaient de nombreux
enfants qui n'étaient pas issus d'Abraham selon la
chair. Il y avait là un enseignement qui n'était pas
conforme à la doctrine de cette époque. Cependant,
le prophète proclama courageusement le message
que Dieu lui avait confié. Il apporta ainsi l'espoir à
tous ceux qui recherchaient avec ardeur les
bénédictions spirituelles promises aux descendants
d'Abraham.

Dans son épître aux croyants de Rome, l'apôtre


Paul attire l'attention de ses correspondants sur
cette caractéristique de l'enseignement d'Ésaïe. «

507
Ésaïe, dit-il, pousse la hardiesse jusqu'à dire: J'ai
été trouvé par ceux qui ne me cherchaient pas, je
me suis manifesté à ceux qui ne me demandaient
pas. » (Romains 10:20)

Les Israélites semblaient ne pas pouvoir ou ne


pas vouloir comprendre le dessein du Seigneur
envers les païens. C'était pourtant ce dessein qui
avait fait d'eux un peuple à part, une nation
indépendante. Abraham, leur ancêtre, avec qui une
alliance fut conclue, avait été appelé à sortir de sa
parenté et de son pays pour porter la lumière aux
païens. Bien qu'il ait reçu la promesse d'avoir une
postérité nombreuse comme le sable de la mer, ce
n'était pas pour un but égoïste qu'il devait devenir
le fondateur d'une grande nation au pays de
Canaan. L'alliance que le Seigneur avait contractée
avec lui embrassait toutes les nations de la terre. «
Je te bénirai, avait déclaré l'Éternel, je rendrai ton
nom grand, et tu seras une source de bénédiction.
Je bénirai ceux qui te béniront, et je maudirai ceux
qui te maudiront; et toutes les familles de la terre
seront bénies en toi. » (Genèse 12:2, 3)

508
Lorsqu'il renouvela son alliance, peu de temps
avant la naissance d'Isaac, Dieu fit connaître à
nouveau clairement son dessein en faveur de
l'humanité. « En lui, affirme-t-il au sujet de l'enfant
de la promesse, seront bénies toutes les nations de
la terre. » (Genèse 18:18) Et plus tard, l'ange qui
rendit visite à Abraham déclara une fois de plus: «
Toutes les nations de la terre seront bénies en ta
postérité. » (Genèse 22:18)

Toutes les clauses de cette alliance étaient


familières aux enfants d'Abraham et aux enfants de
ses enfants. Si les Israélites furent délivrés du joug
égyptien, c'était pour qu'ils puissent faire du bien
aux autres nations, et pour que le nom de Dieu soit
connu « par toute la terre » (Exode 9:16). S'ils
obéissaient aux exigences divines, ils
surpasseraient en sagesse et en intelligence tous les
autres peuples. Mais cette supériorité ne serait
acquise et maintenue que si, par leur intermédiaire,
le dessein de Dieu en faveur de « toutes les nations
» pouvait être accompli.

Les merveilleuses bénédictions accordées aux


509
Israélites, lorsqu'ils furent délivrés du joug
égyptien et occupèrent la terre promise, amenèrent
de nombreux païens à reconnaître dans le Dieu
d'Israël le souverain suprême. « Les Egyptiens
connaîtront, avait-il été promis à Moïse, que je suis
l'Éternel, lorsque j'étendrai ma main sur l'Égypte, et
que je ferai sortir du milieu d'eux les enfants
d'Israël. » (Exode 7:5) L'orgueilleux pharaon même
fut obligé de reconnaître la puissance de Jéhovah. «
Allez, déclara-t-il à Moïse et Aaron, servez
l'Éternel, ... allez, et bénissez-moi. » (Exode 12:31,
32)

En avançant au pays de Canaan, les armées


d'Israël constatèrent que les hauts faits du Dieu des
Hébreux les avaient précédées, et que certains
païens reconnaissaient que lui seul était le vrai
Dieu. Voici le témoignage que rendit une païenne
de la ville pervertie de Jéricho: « Car c'est l'Éternel,
votre Dieu, qui est Dieu en haut dans les cieux et
en bas sur la terre. » (Josué 2:11) La connaissance
qui lui était parvenue au sujet de Jéhovah l'assurait
de son salut. Par la foi « Rahab, la prostituée, ne
périt pas avec les rebelles » (Hébreux 11:31). Et sa
510
conversion ne fut pas un acte isolé, dû à la grâce de
Dieu en faveur des idolâtres qui reconnurent la
divine autorité du Sauveur. Un peuple idolâtre,
situé à l'intérieur du pays — les Gabaonites —
abandonna son idolâtrie et se joignit à Israël, se
mettant ainsi au bénéfice de l'alliance.

Dieu ne fait aucune distinction de classe, de


race ou de nationalité. Il est le Créateur de tous les
hommes. Tous font partie d'une même famille par
la création et par la rédemption.

Le Christ est venu abolir tout mur de


séparation, ouvrir à chacun les parvis du temple,
afin que les âmes trouvent un libre accès auprès de
Dieu. Son amour est si grand, si profond, si
complet qu'il pénètre en tout lieu. Il arrache à
l'influence de Satan tous ceux qui ont été trompés
par ses mensonges, et il les attire près du trône de
Dieu — de ce trône auréolé par l'arc-en-ciel de la
promesse. En Christ « il n'y a plus ni Juif, ni Grec,
ni esclave, ni libre ».

Pendant les années qui suivirent l'occupation de


511
la terre promise, le dessein merveilleux du
Seigneur pour le salut des païens fut presque
entièrement perdu de vue. Il devint donc nécessaire
de le rappeler. « Toutes les extrémités de la terre,
dit le psalmiste, penseront à l'Éternel et se
tourneront vers lui; toutes les familles des nations
se prosterneront devant ta face. » « Des grands
viennent de l'Égypte; l'Ethiopie accourt, les mains
tendues vers Dieu. » « Les nations craindront le
nom de l'Éternel, et tous les rois de la terre, ta
gloire. » « Que cela soit écrit pour la génération
future, et que le peuple qui sera créé célèbre
l'Éternel! Car il regarde du lieu élevé de sa sainteté;
du haut des cieux l'Éternel regarde sur la terre, pour
écouter les gémissements des captifs, pour délivrer
ceux qui vont périr, afin qu'ils publient dans Sion le
nom de l'Éternel, et ses louanges dans Jérusalem,
quand tous les peuples s'assembleront, et tous les
royaumes, pour servir l'Éternel. » (Psaumes 22:28;
68:32; 102:16, 19-23)

Si le peuple d'Israël avait été fidèle, tous les


royaumes de la terre auraient eu part à ses
bénédictions. Mais ceux à qui avait été confiée la
512
connaissance du salut furent insensibles aux
besoins des peuples environnants. Tandis que les
desseins d'en haut étaient ainsi perdus de vue, les
païens finirent par être considérés comme hors
d'atteinte de la miséricorde divine. La lumière
céleste disparut pour faire place aux ténèbres.
Alors les nations furent plongées dans l'ignorance,
l'amour de Dieu fut à peine connu, l'erreur et la
superstition fleurirent partout.

Telle était la situation lorsque le prophète Ésaïe


reçut son appel d'en haut. Il n'en était pourtant pas
découragé, car il avait entendu chanter le chœur
triomphal des séraphins qui entouraient le trône de
Dieu: « Toute la terre est pleine de sa gloire. »
(Ésaïe 6:3) Sa foi était fortifiée par ses visions des
glorieuses conquêtes de l'Église de Dieu: « La terre
sera remplie de la connaissance de l'Éternel,
comme le fond de la mer par les eaux qui le
couvrent. » (Ésaïe 11:9) « Le voile qui voile tous
les peuples, la couverture qui couvre toutes les
nations » (Ésaïe 25:7) devaient finalement
disparaître, et l'Esprit de Dieu se répandre sur toute
chair. Ceux qui avaient faim et soif de justice
513
feraient partie de l'Israël spirituel. « Ils pousseront
comme au milieu de l'herbe, comme les saules près
des courants d'eau, dit le prophète. Celui-ci dira: Je
suis à l'Éternel; celui-là se réclamera du nom de
Jacob; cet autre écrira de sa main: à l'Éternel! Et
prononcera avec amour le nom d'Israël. » (Ésaïe
44:4, 5)

Dieu révéla au prophète ses merveilleux


desseins en dispersant la nation impénitente de
Juda parmi les royaumes de la terre. « C'est
pourquoi mon peuple connaîtra mon nom, dit
l'Éternel; c'est pourquoi il saura, en ce jour, que
c'est moi qui parle: me voici! » (Ésaïe 52:6) Ce
peuple devait non seulement apprendre
l'obéissance et la fidélité, mais aussi faire connaître
aux pays où il était captif le Dieu vivant. De
nombreux étrangers allaient être amenés à aimer
leur Créateur et leur Rédempteur, et à observer le
saint jour du sabbat, mémorial de la puissance
créatrice de Dieu. Et, lorsque les Israélites auraient
fait connaître « le bras de sa sainteté, aux yeux de
toutes les nations » pour délivrer son peuple, «
toutes les extrémités de la terre verraient le salut de
514
notre Dieu » (Ésaïe 52:10). Un grand nombre de
païens désireraient s'unir à Israël et retourner avec
lui en Judée. Aucun d'eux ne dirait: « L'Éternel me
séparera de son peuple! » (Ésaïe 56:3) car la parole
du Seigneur adressée par son prophète à ceux qui
se convertiraient et observeraient la loi divine
annonçait qu'ils seraient désormais considérés
comme faisant partie de l'Israël spirituel: l'Église
du Christ:

« Les étrangers qui s'attacheront à l'Éternel


pour le servir, pour aimer le nom de l'Éternel, pour
être ses serviteurs, tous ceux qui garderont le
sabbat, pour ne point le profaner, et qui
persévéreront dans mon alliance, je les amènerai
sur ma montagne sainte, et je les réjouirai dans ma
maison de prière; leurs holocaustes et leurs
sacrifices seront agréés sur mon autel; car ma
maison sera appelée une maison de prière pour tous
les peuples. Le Seigneur, l'Éternel parle, lui qui
rassemble les exilés d'Israël. » (Ésaïe 56:6-8)

Il fut permis au prophète de jeter un coup d'œil


à travers les siècles, jusqu'à l'avènement du Messie
515
promis. Il ne vit d'abord que « détresse, obscurité et
de sombres angoisses » (Ésaïe 8:22). Un grand
nombre d'âmes, qui étaient à la recherche de la
vérité, égarées par de faux docteurs, erraient dans
les labyrinthes de la philosophie et du spiritisme;
d'autres pratiquaient une certaine forme de piété,
sans témoigner une vraie sainteté dans leur vie
quotidienne. La situation paraissait désespérée.
Mais bientôt la scène changea d'aspect, et une
vision éblouissante s'offrit aux yeux du prophète. Il
vit le Soleil de justice se lever, et « la guérison était
sous ses ailes ». Alors, éperdu d'admiration, il
s'écria: « Si les temps passés ont couvert
d'opprobre le pays de Zabulon et le pays de
Nephthali, les temps à venir couvriront de gloire la
contrée voisine de la mer, au-delà du Jourdain, le
territoire des Gentils. Le peuple qui marchait dans
les ténèbres voit une grande lumière; sur ceux qui
habitaient le pays de l'ombre de la mort une
lumière resplendit. » (Ésaïe 8:23; 9:1)

Celui qui est la lumière du monde apporta le


salut à toute nation, à toute langue, à toute tribu et à
tout peuple. Le prophète entendit le Seigneur
516
déclarer au sujet de l'œuvre du Christ: « C'est peu
que tu sois mon serviteur pour relever les tribus de
Jacob et pour ramener les restes d'Israël: Je t'établis
pour être la lumière des nations, pour porter mon
salut jusqu'aux extrémités de la terre. » « Au temps
de la grâce je t'exaucerai, et au jour du salut je te
secourrai; je te garderai, et je t'établirai pour traiter
alliance avec le peuple, pour relever le pays, et
pour distribuer les héritages désolés; pour dire aux
captifs: Sortez! et à ceux qui sont dans les ténèbres:
Paraissez! » « Les voici, ils viennent de loin, les
uns du septentrion et de l'occident, les autres du
pays de Sinim. » (Ésaïe 49:6, 8, 9, 12)

Portant les regards plus loin encore, à travers


les âges, le prophète contempla l'accomplissement
littéral de ces glorieuses promesses. Il vit les
messagers de la bonne nouvelle du salut se rendre
jusqu'aux extrémités de la terre, vers tout peuple et
toute tribu. Il entendit le Seigneur déclarer au sujet
de l'Église: « Voici, je dirigerai vers elle la paix
comme un fleuve, et la gloire des nations comme
un torrent débordé. » (Ésaïe 66:12) Il entendit aussi
quelle était sa mission: « Elargis l'espace de ta
517
tente; qu'on déploie les couvertures de ta demeure:
Ne retiens pas! Allonge tes cordages, et affermis
tes pieux! Car tu te répandras à droite et à gauche;
ta postérité envahira des nations, et peuplera des
villes désertes. » (Ésaïe 54:2, 3)

Dieu déclara à Ésaïe qu'il enverrait ses témoins


« vers les nations, à Tarsis, à Pul et à Lud, ... à
Tubal et à Javan, aux îles lointaines » (Ésaïe
66:19).

Qu'ils sont beaux sur les montagnes,


Les pieds de celui qui apporte de bonnes
nouvelles,
Qui publie la paix!
De celui qui apporte de bonnes nouvelles,
Qui publie le salut!
De celui qui dit à Sion:
Ton Dieu règne!
(Ésaïe 52:7)

Le prophète entendit la voix de Dieu appeler


son Église au travail qui lui était assigné, afin que
soit préparée la venue du royaume éternel:
518
Lève-toi, sois éclairée, car ta lumière arrive,
Et la gloire de l'Éternel se lève sur toi.
Voici, les ténèbres couvrent la terre,
Et l'obscurité les peuples;
Mais sur toi l'Éternel se lève,
Sur toi sa gloire apparaît.
Des nations marchent à ta lumière,
Et des rois à la clarté de tes rayons.
Porte tes yeux alentour, et regarde:
Tous ils s'assemblent, ils viennent vers toi;
Tes fils arrivent de loin,
Et tes filles sont portées sur les bras. ...
Les fils de l'étranger rebâtiront tes murs,
Et leurs rois seront tes serviteurs;
Car je t'ai frappée dans ma colère,
Mais dans ma miséricorde j'ai pitié de toi.
Tes portes seront toujours ouvertes,
Elles ne seront fermées ni jour ni nuit,
Afin de laisser entrer chez toi les trésors des
nations,
Et leurs rois avec leur suite. ...

Tournez-vous vers moi, et vous serez sauvés,


519
Vous tous qui êtes aux extrémités de la terre!
Car je suis Dieu, et il n'y en a point d'autre.
(Ésaïe 60:1-4, 10, 11; 45:22)

Ces prophéties annoncent un grand réveil à une


époque où règnent d'épaisses ténèbres. Elles
trouvent leur accomplissement dans les stations
missionnaires établies de nos jours dans les régions
les plus reculées du globe. Les missionnaires qui
travaillent en pays païens sont comparés par le
prophète à des bannières flottant très haut et
destinées à guider ceux qui cherchent la vérité.

« En ce jour-là, dit Ésaïe, le rejeton d'Isaï sera


là comme une bannière pour les peuples; les
nations se tourneront vers lui, et la gloire vers sa
demeure. Dans ce même temps, le Seigneur étendra
une seconde fois sa main, pour racheter le reste de
son peuple. ... Il élèvera une bannière pour les
nations, il rassemblera les exilés d'Israël, et il
recueillera les dispersés de Juda, des quatre
extrémités de la terre. » (Ésaïe 11:10-12)

Le jour de la délivrance est à la porte. «


520
L'Éternel étend ses regards sur toute la terre, pour
soutenir ceux dont le cœur est tout entier à lui. » (2
Chroniques 16:9) Parmi toutes les nations, les
peuples et les langues, le Seigneur voit des âmes
qui prient pour connaître la vérité. Ces âmes se
sont longtemps nourries de cendres (Voir Ésaïe
44:20). Egarées par l'ennemi de toute justice, elles
tâtonnent comme des aveugles. Pourtant elles sont
sincères et aspirent après une vie meilleure. Bien
que plongées dans l'abîme du paganisme, et
dépourvues de toute connaissance de la loi de Dieu
et de son Fils Jésus-Christ, elles ont montré de
multiples manières les résultats de l'œuvre divine
sur l'esprit et le caractère.

Il est même arrivé que ceux qui ne


connaissaient le Seigneur que par les
manifestations de sa grâce ont fait preuve de bonté
envers ses serviteurs, et les ont protégés au risque
de leur propre vie. Le Saint-Esprit communique la
grâce du Christ au cœur de ceux qui cherchent la
vérité, vivifiant les sentiments contraires à leur
nature et à leur éducation première. La « lumière,
qui, en venant dans le monde, éclaire tout homme »
521
(Jean 1:9), resplendit dans les cœurs. Si nous
l'acceptons, elle guidera nos pas vers le royaume de
Dieu. Le prophète Michée a dit: « Si je suis ... dans
les ténèbres, l'Éternel sera ma lumière. ... Il me
conduira à la lumière, et je contemplerai sa justice.
» (Michée 7:8, 9)

Le plan de la rédemption est assez vaste pour


embrasser le monde entier. Dieu veut insuffler à
l'humanité le souffle de la vie. Il ne permettra pas
qu'une âme sincère soit déçue dans son désir
d'obtenir quelque chose de meilleur que ce que le
monde peut offrir. Il envoie sans cesse ses anges au
secours de ceux qui, au milieu des difficultés les
plus décourageantes, demandent avec foi qu'une
puissance supérieure s'empare d'eux, et leur
apporte la délivrance et la paix. Dieu se révèle à
eux de diverses manières, et il les place dans des
circonstances où ils affirmeront leur foi en celui
qui s'est donné en rançon pour tous, « afin qu'ils
mettent en Dieu leur confiance, qu'ils n'oublient
pas les œuvres de Dieu, et qu'ils observent ses
commandements » (Psaumes 78:7). « Le butin du
puissant lui sera-t-il enlevé? Et la capture faite sur
522
le juste échappera-t-elle? Oui, dit l'Éternel, la
capture du puissant lui sera enlevée, et le butin du
tyran lui échappera. » (Ésaïe 49:24, 25) « Ils
reculeront, ils seront confus, ceux qui se confient
aux idoles taillées, ceux qui disent aux idoles de
fonte: Vous êtes nos dieux! » (Ésaïe 42:17)

« Heureux celui qui a pour secours le Dieu de


Jacob, qui met son espoir en l'Éternel, son Dieu! »
(Psaumes 146:5) « Retournez à la forteresse,
captifs pleins d'espérance! » (Zacharie 9:12) Pour
toutes les âmes sincères, dans les pays païens, pour
ceux qui sont justes aux yeux du Seigneur, « la
lumière se lève dans les ténèbres » (Psaumes
112:4). Dieu a dit: « Je ferai marcher les aveugles
sur un chemin qu'ils ne connaissent pas, je les
conduirai par des sentiers qu'ils ignorent; je
changerai devant eux les ténèbres en lumière, et les
endroits tortueux en plaine: Voilà ce que je ferai, et
je ne les abandonnerai point. » (Ésaïe 42:16)

523
Chapitre 32

Manassé et Josias

Le royaume de Juda, qui connut la prospérité à


l'époque d'Ezéchias, fut à nouveau affaibli par
l'apostasie de Manassé. Le paganisme reprit vie et
un grand nombre d'Israélites retournèrent à
l'idolâtrie. « Manassé fut cause que Juda et les
habitants de Jérusalem s'égarèrent et firent le mal
plus que les nations que l'Éternel avait détruites. »
(2 Chroniques 33:9) Les ténèbres de la superstition
succédèrent à la glorieuse lumière qui avait
illuminé les générations précédentes. De grands
péchés surgissaient de tous côtés et triomphaient: la
tyrannie, l'oppression, la haine du bien. La justice
était faussée, la violence dominait.

Et cependant cette époque déplorable ne


manquait pas de témoins pour Dieu et la vérité. Les
épreuves douloureuses que le royaume de Juda
avait subies sous le règne d'Ezéchias, et dont il
avait triomphé, développèrent dans le cœur d'un

524
grand nombre une fermeté de caractère qui leur
servait de rempart contre l'iniquité dominante. Leur
témoignage en faveur de la vérité provoqua la
colère de Manassé et de ses serviteurs qui
cherchaient à réduire au silence tous ceux qui
désapprouvaient leur conduite. « Manassé répandit
aussi beaucoup de sang innocent, jusqu'à en
remplir Jérusalem d'un bout à l'autre. » (2 Rois
21:16)

Ésaïe fut l'un des premiers à tomber, lui qui


s'était dressé pendant plus d'un demi-siècle devant
Juda comme messager de Jéhovah. « D'autres, nous
dit l'épître aux Hébreux, subirent les moqueries et
le fouet, les chaînes et la prison; ils furent lapidés,
sciés, torturés, ils moururent tués par l'épée; ils
allèrent çà et là vêtus de peaux de brebis et de
peaux de chèvres, dénués de tout, persécutés,
maltraités, — eux dont le monde n'était pas digne,
— errants dans les déserts et les montagnes, dans
les cavernes et les antres de la terre. » (Hébreux
11:36-38)

Parmi ceux qui subirent la persécution de


525
Manassé, certains étaient chargés par le Seigneur
de prononcer des paroles de reproches et de
condamnation. Le roi de Juda, déclaraient les
prophètes, avait « commis des abominations et fait
pis que tout ce qu'avaient fait avant lui les
Amoréens ». Ses péchés allaient précipiter le
royaume dans une crise sérieuse. Bientôt les
habitants seraient emmenés en captivité à Babylone
et deviendraient « le butin et la proie de tous leurs
ennemis » (2 Rois 21:11, 14). Mais Dieu
n'abandonnerait pas entièrement ceux qui, sur une
terre étrangère, le reconnaîtraient comme leur
Maître. Ils subiraient de grandes tribulations, mais
le Seigneur les délivrerait au temps voulu et de la
manière qu'il choisirait. Ceux qui placeraient en lui
toute leur confiance trouveraient un refuge assuré.

Les prophètes ne cessaient d'adresser des


messages d'avertissement et d'exhortation, à
Manassé d'abord, puis au peuple. Mais ces
messages étaient traités par le mépris; on n'en
tenait aucun compte. Afin que l'on sache ce qui
arriverait au peuple s'il ne se repentait pas, Dieu
permit que le roi fût capturé par une bande de
526
soldats assyriens qui « le mirent dans les fers, le
lièrent avec des chaînes d'airain, et le menèrent à
Babylone », leur capitale temporaire. Cette épreuve
ramena le roi à la raison. « Il implora l'Éternel, son
Dieu, et il s'humilia profondément devant le Dieu
de ses pères. Il lui adressa ses prières; et l'Éternel,
se laissant fléchir, exauça ses supplications, et le
ramena à Jérusalem dans son royaume. Et Manassé
reconnut que l'Éternel est Dieu. » (2 Chroniques
33:11-13) Mais ce repentir, bien que remarquable,
se manifesta trop tard pour arracher le royaume à
l'influence corruptrice de l'idolâtrie pratiquée
depuis de si longues années. Un grand nombre était
tombé pour ne plus jamais se relever.

Parmi ceux qui avaient été fortement marqués


par l'apostasie de Manassé, il faut compter son
propre fils, qui monta sur le trône à l'âge de vingt-
deux ans. L'Ecriture nous dit que le roi Amon «
marcha dans toute la voie où avait marché son
père, il servit les idoles qu'avait servies son père, et
il se prosterna devant elles » (2 Rois 21:21, 22). «
Il ne s'humilia pas devant l'Éternel, comme s'était
humilié Manassé, son père, car lui, Amon, se rendit
527
de plus en plus coupable. » Il ne fut pas permis à ce
roi apostat de régner longtemps. Deux ans
seulement après son accession au pouvoir, alors
qu'il s'adonnait à son impiété provocante, il fut tué
par ses propres serviteurs, dans son palais, et « le
peuple du pays établit roi Josias, son fils, à sa place
» (2 Chroniques 33:23, 25).

Avec l'arrivée de Josias au trône, qui régna


trente et un ans, ceux dont la foi était restée pure
commencèrent à espérer que l'apostasie de Juda
aurait une fin; car le nouveau roi, bien qu'âgé de
huit ans seulement, craignait Dieu. Dès le début de
son règne, il fit « ce qui est droit aux yeux de
l'Éternel, et il marcha dans toute la voie de David,
son père; il ne s'en détourna ni à droite ni à gauche
» (2 Rois 22:2). Bien que fils d'un roi apostat, bien
qu'assailli par la tentation de suivre l'exemple de
son père, et encouragé par quelques conseillers
seulement dans la voie du bien, Josias demeurait
cependant fidèle au vrai Dieu. Evitant les erreurs
des générations précédentes, il décida de faire le
bien plutôt que de s'avilir dans le péché comme
l'avaient fait son père et son grand-père. Il ne se «
528
détourna ni à droite ni à gauche ». Appelé à
occuper un poste de confiance, il résolut de se
conformer aux instructions données comme règle
de conduite aux rois d'Israël. Le Seigneur put,
grâce à son obéissance, en faire un vase d'honneur.

Lorsque Josias commença son règne, et bien


des années auparavant, les fidèles de Juda se
demandaient si les promesses divines faites à Israël
seraient jamais réalisées. A vues humaines, le
dessein de Dieu en faveur du peuple élu semblait
presque relever du domaine de la chimère.
L'apostasie des siècles écoulés s'était accentuée au
cours des années précédentes, dix tribus d'Israël
avaient été dispersées parmi les païens. Seuls Juda
et Benjamin subsistaient encore, et ces tribus
semblaient être à la veille d'une catastrophe morale
et nationale. Les prophètes avaient commencé à
prédire la ruine totale de la ville opulente, où se
trouvait le temple construit par Salomon et où se
concentraient tous les espoirs terrestres relatifs à la
grandeur nationale d'Israël. Dieu allait-il se
détourner de ceux qui avaient placé en lui leur
confiance? Devant les persécutions continuelles
529
des justes et la prospérité apparente des méchants,
ceux qui étaient restés fidèles au vrai Dieu
pouvaient-ils espérer des jours meilleurs?

Ces questions angoissantes étaient posées par le


prophète Habakuk. Considérant la situation des
fidèles de son époque, il exhalait sa souffrance, et
demandait à Dieu: « O Éternel... J'ai crié, et tu
n'écoutes pas! J'ai crié vers toi à la violence, et tu
ne secours pas! Pourquoi me fais-tu voir l'iniquité,
et contemples-tu l'injustice? Pourquoi l'oppression
et la violence sont-elles devant moi? Il y a des
querelles, et la discorde s'élève. Aussi la loi n'a
point de vie, la justice n'a point de force; car le
méchant triomphe du juste, et l'on rend des
jugements iniques. » (Habakuk 1:2-4)

Dieu répondit au cri de ses fidèles enfants. Par


l'interprète qu'il avait choisi, il leur révéla sa
détermination de châtier la nation qui s'était
détournée de lui pour servir des dieux païens.
Certains même de ceux qui se demandaient ce que
leur réservait l'avenir, verraient comment le
530
Seigneur dirige miraculeusement les affaires de ce
monde pour que les Babyloniens arrivent à la
domination. Ce peuple « terrible et formidable »
(Habakuk 1:7), allait tomber subitement sur Juda,
comme une verge divine. Les princes du royaume
et les notables seraient alors emmenés en captivité
à Babylone. Les villes et les villages de Judée, les
champs cultivés seraient abandonnés; rien ne serait
épargné.

Convaincu que, même dans ce terrible


châtiment, le dessein de Dieu en faveur de son
peuple s'accomplirait d'une manière ou d'une autre,
Habakuk se soumit à la volonté d'en haut. « N'es-tu
pas de toute éternité, Éternel, mon Dieu, mon
Saint? » s'écria-t-il. Et, sa foi dépassant les sombres
perspectives de l'avenir immédiat et s'emparant des
précieuses promesses qui révèlent l'amour de Dieu
pour les siens, le prophète ajouta: « Nous ne
mourrons pas! » (Habakuk 1:12) Avec cette
déclaration pleine de foi, il remit son cas et celui de
tous les croyants d'Israël entre les mains du
Seigneur compatissant. Ce n'était pas là la seule
expérience que fit Habakuk dans l'exercice de sa
531
foi. Alors qu'il méditait un jour sur ce qu'il
arriverait, il déclara: « J'étais à mon poste, et je me
tenais sur la tour; je veillais, pour voir ce que
l'Éternel me dirait. » Dieu lui répondit avec bonté:
« Ecris la prophétie: grave-la sur des tables, afin
qu'on la lise couramment. Car c'est une prophétie
dont le temps est déjà fixé, elle marche vers son
terme, et elle ne mentira pas; si elle tarde, attends-
la, car elle s'accomplira, elle s'accomplira
certainement. Voici, son âme s'est enflée, elle n'est
pas droite en lui; mais le juste vivra par sa foi. »
(Habakuk 2:1-4)

La foi qui fortifiait Habakuk, ainsi que tous les


saints et les justes de cette époque de profonde
détresse, est la même que celle qui soutient le
peuple de Dieu aujourd'hui. Aux heures les plus
sombres, dans les circonstances les plus
décourageantes, le chrétien peut fixer les regards
sur celui qui est la source de toute lumière et de
toute puissance. Par la foi en Dieu, son espoir et
son courage seront renouvelés de jour en jour. « Le
juste vivra par sa foi. » Au service du Seigneur,
aucun désespoir n'est permis, aucune hésitation,
532
aucune crainte. Dieu fera au-delà de ce que peuvent
attendre ceux qui mettent leur confiance en lui. Il
leur accordera la sagesse qu'exigent leurs diverses
épreuves.

L'apôtre Paul rend un éloquent témoignage au


sujet des riches bénédictions que reçoivent tous
ceux qui passent par la tentation. Voici la divine
assurance qui lui fut donnée: « Ma grâce te suffit,
car ma puissance s'accomplit dans la faiblesse. »
Dans son épreuve, le serviteur de Dieu répondit
avec gratitude et confiance: « Je me glorifierai
donc bien plus volontiers de mes faiblesses, afin
que la puissance du Christ repose sur moi. C'est
pourquoi je me plais dans les faiblesses, dans les
outrages, dans les calamités, dans les persécutions,
dans les détresses, pour Christ; car, quand je suis
faible, c'est alors que je suis fort. » (2 Corinthiens
12:9, 10)

Il faut cultiver et entretenir la foi pour laquelle


les apôtres et les prophètes ont rendu témoignage,
cette foi qui s'empare des promesses divines et
attend la délivrance au jour fixé et selon le moyen
533
convenu. La parole certaine de la prophétie
trouvera son accomplissement à la venue en gloire
de notre Sauveur, le Roi des rois et le Seigneur des
seigneurs. L'attente peut paraître interminable,
l'âme peut être accablée par des épreuves
décourageantes, les hommes en qui nous avons mis
notre confiance peuvent tomber en chemin; mais,
avec le prophète (Habakuk) qui s'efforça de
ranimer l'espoir de Juda à l'heure la plus sombre de
l'apostasie, il faut s'écrier: « L'Éternel est dans son
saint temple. Que toute la terre fasse silence devant
lui! » (Habakuk 2:20)

Ayons constamment à la pensée ce message


réconfortant: « C'est une prophétie dont le temps
est déjà fixé, elle marche vers son terme, et elle ne
mentira pas; si elle tarde, attends-la, car elle
s'accomplira, elle s'accomplira certainement. ... Le
juste vivra par sa foi. » (Habakuk 2:3, 4)

Accomplis ton œuvre dans le cours des années,


ô Éternel!
Dans le cours des années manifeste-la!
Mais dans ta colère souviens-toi de tes
534
compassions!

Dieu vient de Théman,


Le Saint vient de la montagne de Paran...
Sa majesté couvre les cieux,
Et sa gloire remplit la terre.
C'est comme l'éclat de la lumière;
Des rayons partent de sa main;
Là réside sa force.
Devant lui marche la peste,
Et la peste est sur ses traces.
Il s'arrête, et de l'œil il mesure la terre;
Il regarde, et il fait trembler les nations;
Les montagnes éternelles se brisent,
Les collines antiques s'abaissent;
Les sentiers d'autrefois s'ouvrent devant lui. ...

Tu sors pour délivrer ton peuple,


Pour délivrer ton oint. ... Car le figuier ne
fleurira pas,
La vigne ne produira rien,
Le fruit de l'olivier manquera,
Les champs ne donneront pas de nourriture;
Les brebis disparaîtront du pâturage,
535
Et il n'y aura plus de bœufs dans les étables.
Toutefois, je veux me réjouir en l'Éternel,
Je veux me réjouir dans le Dieu de mon salut.
L'Éternel, le Seigneur, est ma force.
(Habakuk 3:2-6, 13, 17-19)

Habakuk ne fut pas le seul à donner un message


d'espérance et de prochain triomphe, en même
temps que de châtiment immédiat. Pendant le règne
de Josias, la parole de l'Éternel parvint à Sophonie.
Elle spécifiait nettement quelles seraient les
conséquences de l'apostasie persistante, et attirait
l'attention de la véritable Église de Dieu sur le
glorieux avenir qui l'attendait. Les prophéties de
Sophonie relatives au châtiment qui allait s'abattre
sur Juda s'appliquent avec tout autant de puissance
aux châtiments qui vont fondre sur le monde
pécheur au moment de la seconde venue du Christ:

Le grand jour de l'Éternel est proche,


Il est proche, il arrive en toute hâte;
Le jour de l'Éternel fait entendre sa voix,
Et le héros pousse des cris amers.
Ce jour est un jour de fureur,
536
Un jour de détresse et d'angoisse,
Un jour de ravage et de destruction,
Un jour de ténèbres et d'obscurité,
Un jour de nuées et de brouillards,
Un jour où retentiront la trompette et les cris de
guerre
Contre les villes fortes et les tours élevées.
(Sophonie 1:14-16)

« Je mettrai les hommes dans la détresse, et ils


marcheront comme des aveugles, parce qu'ils ont
péché contre l'Éternel; je répandrai leur sang
comme de la poussière, et leur chair comme de
l'ordure. Ni leur argent ni leur or ne pourront les
délivrer, au jour de la fureur de l'Éternel; par le feu
de sa jalousie tout le pays sera consumé; car il
détruira soudain tous les habitants du pays. »
(Sophonie 1:17, 18)

Rentrez en vous-mêmes, examinez-vous,


Nation sans pudeur, Avant que le décret
s'exécute
Et que ce jour passe comme la balle,
Avant que la colère ardente de l'Éternel fonde
537
sur vous! ...
Cherchez l'Éternel, vous tous, humbles du
pays! ...
Recherchez la justice, recherchez l'humilité!
Peut-être serez-vous épargnés au jour de la
colère de l'Éternel.
(Sophonie 2:1-3)

Voici, en ce temps-là, j'agirai contre tous tes


oppresseurs;
Je délivrerai les boiteux et je recueillerai ceux
qui ont été chassés,
Je ferai d'eux un sujet de louange et de gloire
Dans tous les pays où ils sont en opprobre.
En ce temps-là, je vous ramènerai;
En ce temps-là, je vous rassemblerai;
Car je ferai de vous un sujet de gloire et de
louange
Parmi tous les peuples de la terre,
Quand je ramènerai vos captifs sous vos yeux,
Dit l'Éternel.
(Sophonie 3:19, 20)

Pousse des cris de joie, fille de Sion!


538
Pousse des cris d'allégresse, Israël!
Réjouis-toi et triomphe de tout ton cœur, fille
de Jérusalem!
L'Éternel a détourné tes châtiments,
Il a éloigné ton ennemi;
Le roi d'Israël, l'Éternel, est au milieu de toi;
Tu n'as plus de malheur à éprouver.
En ce jour-là, on dira à Jérusalem: Ne crains
rien!
Sion, que tes mains ne s'affaiblissent pas!
L'Éternel, ton Dieu, est au milieu de toi,
comme un héros qui sauve;
Il fera de toi sa plus grande joie;
Il gardera le silence dans son amour;
Il aura pour toi des transports d'allégresse.
(Sophonie 3:14-17)

539
Chapitre 33

Le livre de la loi

L'influence silencieuse mais profonde


qu'exercèrent les messages des prophètes au sujet
de la captivité babylonienne prépara la voie à une
réforme qui eut lieu au cours de la dix-huitième
année du règne de Josias. Cette réforme, qui
retarda momentanément les châtiments prédits, fut
opérée d'une manière tout à fait inattendue par la
découverte et l'étude d'une partie des saintes
Ecritures qui, d'une façon étrange, avait été pendant
longtemps déplacée et perdue.

Presque un siècle auparavant, pendant la


première Pâque célébrée par Ezéchias, il avait été
décidé de faire pour le peuple une lecture
quotidienne et publique du livre de la loi. Cette
lecture était faite par les prêtres chargés de
l'enseignement. Il s'agissait de l'observance des
statuts consignés par Moïse dans le livre de
l'alliance et formant une partie du Deutéronome,

540
qui avait rendu le règne d'Ezéchias si prospère.
Mais Manassé avait osé rejeter ces statuts, et
pendant son règne l'exemplaire du livre de la loi
appartenant au temple s'égara par suite d'une
négligence. C'est ainsi que pendant de nombreuses
années le peuple fut privé de son enseignement.

Ce manuscrit depuis si longtemps égaré fut


découvert dans le temple par le grand prêtre
Hilkija, au cours de réparations que le roi fit subir à
l'édifice à la fois pour l'agrandir et pour en
conserver la structure sacrée. Le grand prêtre
donna le précieux volume à Schaphan, scribe
érudit, qui le lut, puis l'emporta chez le roi à qui il
fit le récit de la découverte.

Josias fut profondément frappé lorsqu'il


entendit lire pour la première fois les exhortations
et les avertissements contenus dans ce vieux
manuscrit. Il n'avait jamais compris jusque-là, aussi
clairement, la netteté avec laquelle le Seigneur
avait placé devant Israël « la vie et la mort, la
bénédiction et la malédiction » (Deutéronome
30:19). Il n'avait pas compris combien
541
fréquemment les Israélites avaient été poussés à
choisir le chemin de la vie, afin d'être un sujet de
louange pour la terre et une bénédiction pour toutes
les nations. « Fortifiez-vous et ayez du courage! Ne
craignez point et ne soyez point effrayés », avait dit
Moïse à Israël, « car l'Éternel, ton Dieu, marchera
lui-même avec toi, il ne te délaissera point, il ne
t'abandonnera point » (Deutéronome 31:6).

Le livre abondait en certitudes données par le


Seigneur au sujet de son désir de sauver à tout prix
ceux qui mettraient entièrement en lui leur
confiance. Comme il avait délivré les Israélites du
joug égyptien, il opérerait avec puissance pour les
établir dans la terre promise et les placer à la tête
des nations. Les promesses offertes en récompense
à ceux qui obéiraient à la loi étaient accompagnées
de prédictions de châtiments pour ceux qui
désobéiraient. En entendant ces paroles inspirées,
le roi se rendit compte qu'il s'agissait là de l'état
réel de son royaume. Quant aux déclarations
prophétiques relatives à l'infidélité envers Dieu,
elles remplirent Josias d'effroi, car le langage était
net. La calamité suivrait promptement, et il n'y
542
avait aucun moyen d'y échapper. On ne pouvait s'y
méprendre, la signification des mots était claire. A
la fin du livre, dans le sommaire relatif aux
rapports de Dieu avec Israël, et dans le récit des
événements futurs, ces paroles étaient doublement
nettes. Moïse avait déclaré à toute l'assemblée
d'Israël:

Cieux! prêtez l'oreille, et je parlerai;


Terre! écoute les paroles de ma bouche.
Que mes instructions se répandent comme la
pluie,
Que ma parole tombe comme la rosée,
Comme des ondées sur la verdure,
Comme des gouttes d'eau sur l'herbe!
Car je proclamerai le nom de l'Éternel.
Rendez gloire à notre Dieu!
Il est le rocher; ses œuvres sont parfaites,
Car toutes ses voies sont justes;
C'est un Dieu fidèle et sans iniquité,
Il est juste et droit.
(Deutéronome 32:1-4)

Rappelle à ton souvenir les anciens jours,


543
Passe en revue les années, génération par
génération,
Interroge ton père, et il te l'apprendra,
Tes vieillards, et ils te le diront.
Quand le Très-Haut donna un héritage aux
nations,
Quand il sépara les enfants des hommes,
Il fixa les limites des peuples
D'après le nombre des enfants d'Israël,
Car la portion de l'Éternel, c'est son peuple,
Jacob est la part de son héritage.
Il l'a trouvé dans une contrée déserte,
Dans une solitude aux effroyables hurlements;
Il l'a entouré, il en a pris soin,
Il l'a gardé comme la prunelle de son œil.
(Deutéronome 32:7-10)

Israël est devenu gras, et il a regimbé;


Tu es devenu gras, épais et replet! —
Et il a abandonné Dieu, son créateur,
Il a méprisé le rocher de son salut,
Ils ont excité sa jalousie par des dieux
étrangers.
Ils l'ont irrité par des abominations;
544
Ils ont sacrifié à des idoles qui ne sont pas
Dieu,
A des dieux qu'ils ne connaissent point,
Nouveaux, venus depuis peu,
Et que vos pères n'avaient pas craints.
Tu as abandonné le rocher qui t'a fait naître,
Et tu as oublié le Dieu qui t'a engendré.
L'Éternel l'a vu, et il a été irrité,
Indigné contre ses fils et ses filles.
Il a dit: Je leur cacherai ma face, Je verrai
quelle sera leur fin;
Car c'est une race perverse,
Ce sont des enfants infidèles.
Ils ont excité ma jalousie par ce qui n'est point
Dieu,
Ils m'ont irrité par leurs vaines idoles;
Et moi, j'exciterai leur jalousie par ce qui n'est
point un peuple,
Je les irriterai par une nation insensée.

J'accumulerai sur eux les maux,


J'épuiserai mes traits contre eux.
Ils seront desséchés par la faim, consumés par
la fièvre
545
Et par des maladies violentes.

C'est une nation qui a perdu le bon sens,


Et il n'y a point en eux d'intelligence.
S'ils étaient sages, voici ce qu'ils
comprendraient,
Et ils penseraient à ce qui leur arrivera.
Comment un seul en poursuivrait-il mille,
Et deux en mettraient-ils dix mille en fuite,
Si leur Rocher ne les avait vendus,
Si l'Éternel ne les avait livrés?
Car leur rocher n'est pas comme notre Rocher,
Nos ennemis en sont juges.

Cela n'est-il pas caché près de moi,


Scellé dans mes trésors?
A moi la vengeance et la rétribution,
Quand leur pied chancellera!
Car le jour de leur malheur est proche,
Et ce qui les attend ne tardera pas.
(Deutéronome 32:15-21, 23, 24, 28-31, 34, 35)

Ces paroles et d'autres semblables révélèrent à


Josias l'amour de Dieu à l'égard de son peuple et
546
son aversion du péché. Alors que le roi prenait
connaissance de ces prophéties, annonçant un
prompt châtiment à ceux qui persévéraient dans
l'apostasie, il frémissait en songeant à l'avenir. La
perversité de Juda avait été grande; qu'adviendrait-
il de son apostasie persistante?

Dans son jeune âge, le roi n'était pas resté


indifférent à l'égard de l'idolâtrie qui prévalait. « La
huitième année de son règne, comme il était encore
jeune », il s'était consacré entièrement au service de
Dieu. Quatre ans plus tard, alors qu'il atteignait la
vingtaine, il tenta de supprimer les tentations de ses
sujets en purifiant « Juda et Jérusalem des hauts
lieux, des idoles, des images taillées et des images
de fonte ». « On renversa devant lui les autels des
Baals, et il abattit les statues consacrées au soleil
qui étaient dessus; il brisa les idoles, les images
taillées et les images en fonte, et les réduisit en
poussière, et il répandit la poussière sur les
sépulcres de ceux qui leur avaient sacrifié; et il
brûla les ossements des prêtres sur leurs autels.
C'est ainsi qu'il purifia Juda et Jérusalem. » (2
Chroniques 34:3-5)
547
Non satisfait de la purification totale du
royaume de Juda, le jeune monarque étendit son
œuvre aux parties de la Palestine jadis occupées
par les dix tribus d'Israël, au faible reste qui leur
avait survécu. « Dans les villes de Manassé,
d'Ephraïm, de Siméon, et même de Nephthali,
partout au milieu de leurs ruines, il renversa les
autels, il mit en pièces les idoles et les images
taillées et les réduisit en poussière, et il abattit
toutes les statues consacrées au soleil dans tout le
pays d'Israël. » (2 Chroniques 34:6, 7) Il ne
retourna à Jérusalem que lorsqu'il eut parcouru
dans tous les sens cette région en ruine, et qu'il eut
accompli son œuvre de purification.

C'est ainsi que dès son âge viril Josias s'était


appliqué à user de son autorité royale pour exalter
les principes de la sainte loi de Dieu. Et alors que
Schaphan, le scribe, lui faisait la lecture du livre de
la loi, il comprenait que ce volume recélait un
trésor de connaissances. C'était un allié puissant
qui l'aiderait à opérer la réforme qu'il désirait
ardemment poursuivre dans son pays. Il prit donc
548
la décision de marcher à la lumière de ses conseils,
et de faire tout ce qu'il pourrait pour familiariser
son peuple avec les enseignements de ce livre, afin
de l'amener, si possible, à cultiver la vénération et
l'amour pour la loi du ciel.

Mais comment opérer cette réforme si


nécessaire? Israël avait presque atteint les limites
de la patience divine; bientôt Dieu interviendrait
pour punir ceux qui déshonoraient son nom. Déjà
sa colère s'était allumée contre son peuple. Accablé
de tristesse et d'épouvante, Josias déchira ses
vêtements, se prosterna devant le Seigneur pour
implorer le pardon des péchés de la nation
impénitente.

A ce moment-là vivait à Jérusalem, près du


temple, la prophétesse Hulda. Josias, obsédé par de
sombres présages, décida d'aller la trouver. Il
voulait consulter l'Éternel par sa messagère, afin de
savoir s'il lui était possible de trouver le moyen de
sauver Juda qui courait à sa perte.

La gravité de la situation, le respect qu'il


549
éprouvait pour la prophétesse firent qu'il lui envoya
les principaux hommes du royaume. « Allez,
consultez l'Éternel pour moi, leur dit-il, pour le
peuple, et pour tout Juda, au sujet des paroles de ce
livre qu'on a trouvé; car grande est la colère de
l'Éternel, qui s'est enflammée contre nous, parce
que nos pères n'ont point obéi aux paroles de ce
livre et n'ont point mis en pratique tout ce qui nous
y est prescrit. » (2 Rois 22:13)

Dieu fit répondre à Josias par la prophétesse


Hulda que la ruine de Jérusalem ne pouvait être
évitée. Même si le peuple s'humiliait devant le
Seigneur, il n'échapperait pas au châtiment. Il
s'était endurci si longtemps dans le mal que, s'il
évitait le châtiment, il retournerait bientôt à ses
errements. « Dites à l'homme qui vous a envoyés
vers moi, déclara la prophétesse, qu'ainsi parle
l'Éternel: Voici, je vais faire venir des malheurs sur
ce lieu et sur ses habitants, selon toutes les paroles
du livre qu'a lu le roi de Juda. Parce qu'ils m'ont
abandonné et qu'ils ont offert des parfums à
d'autres dieux, afin de m'irriter par tous les
ouvrages de leurs mains, ma colère s'est enflammée
550
contre ce lieu, et elle ne s'éteindra point. » (2 Rois
22:15-17)

Toutefois, le roi s'étant humilié, le Seigneur


voulut bien tenir compte de son vif désir de pardon
et de miséricorde. Voici le message qui lui fut
envoyé: « Parce que ton cœur a été touché, parce
que tu t'es humilié devant l'Éternel en entendant ce
que j'ai prononcé contre ce lieu et contre ses
habitants, qui seront un objet d'épouvante et de
malédiction, et parce que tu as déchiré tes
vêtements et que tu as pleuré devant moi, moi
aussi, j'ai entendu, dit l'Éternel. C'est pourquoi,
voici, je te recueillerai auprès de tes pères, tu seras
recueilli en paix dans ton sépulcre, et tes yeux ne
verront pas tous les malheurs que je ferai venir sur
ce lieu. » (2 Rois 22:19, 20)

Le roi devait laisser à Dieu le déroulement des


événements; il ne pouvait modifier ses décrets
éternels. Mais en annonçant les châtiments
célestes, le Seigneur ne supprimait pas l'occasion
pour Juda de se repentir et d'opérer une réforme.
Josias vit là le désir de Dieu de tempérer ses
551
châtiments par sa miséricorde. Il décida donc de
faire l'impossible pour apporter les réformes
nécessaires. Il convoqua aussitôt une grande
assemblée, où étaient invités les anciens et les
principaux de Jérusalem et de Juda, ainsi que tout
le peuple. Les prêtres et les Lévites se joignirent à
eux, et tous rencontrèrent le roi dans le parvis du
temple.

A cette vaste assemblée, Josias lut lui-même «


toutes les paroles du livre de l'alliance, qu'on avait
trouvé dans la maison de l'Éternel » (2 Rois 23:2).
Le royal lecteur était profondément ému, et il
délivra son message avec les accents d'un cœur
brisé. Ses auditeurs en furent vivement
impressionnés. L'intensité de l'émotion qui se lisait
sur la physionomie du roi, la solennité du message
lui-même, l'annonce des châtiments prochains, tout
cela produisit un grand effet sur les auditeurs, et
beaucoup d'entre eux décidèrent de se joindre au
monarque pour implorer le pardon divin.

Josias proposa alors aux principaux de se


joindre au peuple afin de s'engager solennellement
552
devant Dieu à opérer les changements nécessaires.
« Le roi se tenait sur l'estrade, et il traita alliance
devant l'Éternel, s'engageant à suivre l'Éternel, et à
observer ses ordonnances, ses préceptes et ses lois,
de tout son cœur et de toute son âme, afin de mettre
en pratique les paroles de cette alliance, écrites
dans ce livre. » L'auditoire répondit plus
chaleureusement que le roi n'avait osé l'espérer: «
Tout le peuple entra dans l'alliance. » (2 Rois 23:3)

Par la réforme qui s'ensuivit, le roi s'appliqua à


détruire tout vestige d'idolâtrie. Les habitants du
pays avaient suivi si longtemps les coutumes des
nations voisines en se prosternant devant des
statues de bois et de pierre qu'il semblait presque
impossible à un homme de supprimer toute trace de
paganisme. Mais Josias était résolu à persévérer
dans sa tentative de purifier le royaume. Il brava
avec sévérité l'idolâtrie en immolant « tous les
prêtres des hauts lieux. ... De plus, Josias fit
disparaître ceux qui évoquaient les esprits et ceux
qui prédisaient l'avenir, et les théraphim, et les
idoles, et toutes les abominations qui se voyaient
dans le pays de Juda et à Jérusalem, afin de mettre
553
en pratique les paroles de la loi, écrites dans le livre
que le sacrificateur Hilkija avait trouvé dans la
maison de l'Éternel. » (2 Rois 23:20, 24)

Au moment du partage du royaume, des siècles


auparavant, Jéroboam, fils de Nébath, défia le
Seigneur que servait Israël. Il s'efforça de détourner
le peuple des services du temple pour lui faire
adopter de nouvelles formes de culte, et il dressa
un autel païen à Béthel. Mais au cours de la
dédicace de cet autel, où pendant tant d'années une
foule d'adorateurs devaient être séduits par des
pratiques idolâtres, un homme de Dieu apparut
soudain, venant de Juda, pour se dresser contre cet
acte sacrilège. Il « cria contre l'autel », en
déclarant: « Autel! Autel! ainsi parle l'Éternel:
Voici, il naîtra un fils à la maison de David; son
nom sera Josias; il immolera sur toi les prêtres des
hauts lieux qui brûlent sur toi des parfums, et l'on
brûlera sur toi des ossements d'hommes! » (1 Rois
13:2) Cette prédiction était accompagnée d'un
signe prouvant qu'elle émanait de Dieu.

Trois siècles s'étaient écoulés depuis lors. Au


554
cours de la réforme de Josias, le roi se trouvait lui-
même à Béthel où se dressait l'ancien autel. La
prophétie qui avait été prononcée tant d'années
auparavant, devant Jéroboam, s'accomplit alors
littéralement. « Il renversa aussi l'autel qui était à
Béthel, et le haut lieu qu'avait fait Jéroboam, fils de
Nébath, qui avait fait pécher Israël; il brûla le haut
lieu et le réduisit en poussière, et il brûla l'idole.
Josias, s'étant tourné et ayant vu les sépulcres qui
étaient là dans la montagne, envoya prendre les
ossements des sépulcres, et il les brûla sur l'autel et
le souilla, selon la parole de l'Éternel prononcée par
l'homme de Dieu qui avait annoncé ces choses. Il
dit: Quel est ce monument que je vois? Les gens de
la ville lui répondirent: C'est le sépulcre de
l'homme de Dieu, qui est venu de Juda, et qui a crié
contre l'autel de Béthel ces choses que tu as
accomplies. Et il dit: Laissez-le; que personne ne
remue ses os! On conserva ainsi ses os avec les os
du prophète qui était venu de Samarie. » (2 Rois
23:15-18)

Sur les pentes méridionales du mont des


Oliviers, en face du temple merveilleux de
555
Jérusalem, sur le mont Morija, se dressaient des
autels et des statues que Salomon avait élevés pour
plaire à ses femmes idolâtres (Voir 1 Rois 11:6-8).
Pendant plus de trois siècles, ces grandes statues
difformes dominèrent « la montagne de la perdition
», témoignage silencieux de l'apostasie du plus
sage roi d'Israël. Elles furent aussi enlevées et
détruites par Josias.

Le roi chercha en outre à affermir la foi des


habitants de Juda au Dieu de leurs pères, en
célébrant une grande fête de Pâque, selon les
instructions du livre de la loi. Ceux qui étaient
chargés des services sacrés firent les préparatifs
nécessaires, et le grand jour de la fête on offrit de
nombreux sacrifices. « Aucune Pâque pareille à
celle-ci n'avait été célébrée depuis le temps où les
juges jugeaient Israël et pendant tous les jours des
rois d'Israël et des rois de Juda. » (2 Rois 23:22)
Mais le zèle de Josias, si agréable qu'il fût au
Seigneur, ne pouvait expier les péchés des
générations précédentes, pas plus d'ailleurs que la
piété des émules du roi ne pouvait changer le cœur
de ceux qui refusaient de se détourner de l'idolâtrie
556
pour adorer le vrai Dieu.

Pendant plus d'une décennie, après la


célébration de cette Pâque, Josias continua à
régner. A l'âge de trente-neuf ans, il trouva la mort
en luttant contre les Egyptiens. « Il fut enterré dans
le sépulcre de ses pères. Tout Juda et Jérusalem
pleurèrent Josias. Jérémie fit une complainte sur
Josias; tous les chanteurs et toutes les chanteuses
ont parlé de Josias dans leurs complaintes jusqu'à
ce jour, et en ont établi la coutume en Israël. Ces
chants sont écrits dans les Complaintes. » (2
Chroniques 35:24, 25) « Avant Josias, il n'y eut
point de roi qui, comme lui, revînt à l'Éternel de
tout son cœur, de toute son âme et de toute sa
force, selon toute la loi de Moïse; et après lui, il
n'en a point paru de semblable. Toutefois, l'Éternel
ne se désista point de l'ardeur de sa grande colère ...
à cause de tout ce qu'avait fait Manassé pour
l'irriter. » (2 Rois 23:25, 26)

Le moment où Jérusalem allait être entièrement


détruite approchait rapidement. Les habitants du
pays seraient emmenés en captivité à Babylone. Là,
557
ils apprendraient les leçons qu'ils avaient refusé
d'apprendre dans des circonstances plus favorables.

558
Chapitre 34

Jérémie

Parmi ceux qui avaient mis leur espoir dans un


réveil permanent, après la réforme de Josias, figure
Jérémie. Celui-ci fut appelé par Dieu à la vocation
prophétique pendant la douzième année du règne
de Josias, alors qu'il n'était encore qu'un enfant.
Membre du sacerdoce lévitique, il fut élevé en vue
du service sacré. Aux jours heureux de cette
préparation au ministère, il était loin de supposer
qu'il avait été choisi dès sa naissance pour être «
prophète des nations ». Lorsque l'appel de Dieu lui
parvint, il fut accablé par le sentiment de son
indignité. « Ah! Seigneur Éternel! s'écria-t-il, voici,
je ne sais point parler, car je suis un enfant. »
(Jérémie 1:5, 6)

Dieu vit dans le jeune Jérémie un caractère qui


resterait fidèle à sa foi et se dresserait pour le droit
contre l'opposition la plus violente. Dès son
enfance, il s'était montré ferme; il allait maintenant

559
affronter les difficultés comme un bon soldat de la
croix. « Ne dis pas: Je suis un enfant, répondit le
Seigneur à son messager. Car tu iras vers tous ceux
auprès de qui je t'enverrai, et tu diras tout ce que je
t'ordonnerai. Ne les crains point; car je suis avec toi
pour te délivrer. ... Ceins tes reins, lève-toi, et dis-
leur tout ce que je t'ordonnerai. Ne tremble pas en
leur présence, de peur que je ne te fasse trembler
devant eux. Voici, je t'établis en ce jour sur tout le
pays comme une ville forte, une colonne de fer et
un mur d'airain, contre les rois de Juda, contre ses
chefs, contre ses sacrificateurs, et contre le peuple
du pays. Ils te feront la guerre, mais ils ne te
vaincront pas; car je suis avec toi pour te délivrer,
dit l'Éternel. » (Jérémie 1:7, 8, 17-19)

Pendant quarante ans, Jérémie devait se dresser


contre la nation comme témoin de la vérité et de la
justice. En un temps d'apostasie sans précédent, il
allait donner l'exemple par sa vie et son caractère
de l'adoration du seul vrai Dieu. Il serait le porte-
parole du Très-Haut au cours du terrible siège de
Jérusalem. Il fallait qu'il prédise la ruine de la
maison de Juda, ainsi que la destruction du temple
560
magnifique construit par Salomon. Et lorsqu'il
serait en prison pour ses déclarations courageuses,
il devrait encore dénoncer le péché en haut lieu.
Méprisé, haï, rejeté par les hommes, il assisterait
finalement à l'accomplissement de ses propres
prophéties relatives à la destruction imminente de
Jérusalem et il participerait aux malheurs qui
l'accompagneraient.

Cependant, au milieu de la ruine totale de la


nation, il fut souvent permis à Jérémie de
contempler par-delà les scènes de détresse les
glorieuses perspectives de l'avenir, au moment où
le peuple élu racheté du pays de l'ennemi
retournerait à Sion. Il vit par anticipation le jour où
Dieu renouvellerait son alliance avec ses enfants.
Alors « leur âme sera comme un jardin arrosé, et ils
ne seront plus dans la souffrance » (Jérémie 31:12).

Au sujet de son appel prophétique, Jérémie


écrivit: « L'Éternel étendit sa main, et toucha ma
bouche; et l'Éternel me dit: Voici, je mets mes
paroles dans ta bouche. Regarde, je t'établis
aujourd'hui sur les nations et sur les royaumes,
561
pour que tu arraches et que tu abattes, pour que tu
ruines et que tu détruises, pour que tu bâtisses et
que tu plantes. » (Jérémie 1:9, 10)

Remercions le Seigneur pour ces mots: « bâtir


et planter ». Grâce à eux, le prophète eut la
certitude que le plan de Dieu était de restaurer et de
guérir. Les messages de Jérémie au cours des
années qui suivirent furent très durs. Les
châtiments qu'ils annonçaient ne tarderaient point;
il fallait les annoncer courageusement. Des plaines
de Schinear, « la calamité se répandrait sur tous les
habitants du pays ». « Je prononcerai mes
jugements contre eux, déclarait le Seigneur, à cause
de toute leur méchanceté, parce qu'ils m'ont
abandonné. » (Jérémie 1:14, 16) Cependant, le
prophète devait accompagner ces messages de
l'assurance du pardon en faveur de tous ceux qui se
détourneraient du mal.

Comme un sage architecte, Jérémie encouragea


dès le début de son œuvre les habitants de Juda à
poser les fondements de leur vie spirituelle sur les
bases solides de la repentance. Trop longtemps ils
562
avaient bâti avec des matériaux comparés par
l'apôtre Paul à du bois et à du chaume, et par
Jérémie à des scories. « On les appelle de l'argent
méprisable, disait-il à la nation pécheresse, car
l'Éternel les a rejetés. » (Jérémie 6:30) Ils étaient
encouragés maintenant à bâtir avec sagesse et pour
l'éternité, en rejetant les scories de l'apostasie et de
l'incrédulité, et en se servant, pour édifier leurs
fondements, d'or pur, d'argent fin, de pierres
précieuses: la foi, l'obéissance et les bonnes
œuvres, seules acceptables aux yeux d'un Dieu
saint.

La parole du Seigneur, adressée à son peuple


par Jérémie, était: « Reviens, infidèle Israël! ... Je
ne jetterai pas sur vous un regard sévère; car je suis
miséricordieux, dit l'Éternel, je ne garde pas ma
colère à toujours. Reconnais seulement ton
iniquité, reconnais que tu as été infidèle à l'Éternel,
ton Dieu. ... Revenez, enfants rebelles, dit l'Éternel,
car je suis votre maître. ... Tu m'appelleras: Mon
père! Et tu ne te détourneras pas de moi. ...
Revenez, enfants rebelles, et je pardonnerai vos
infidélités » (Jérémie 3:12-14, 19, 22).
563
En plus de ces merveilleuses déclarations, le
Seigneur donnait à son peuple rebelle les paroles
mêmes qu'il devait prononcer pour revenir à lui: «
Nous voici, nous allons à toi, car tu es l'Éternel,
notre Dieu. Oui, le bruit qui vient des collines et
des montagnes n'est que mensonge; oui, c'est en
l'Éternel, notre Dieu, qu'est le salut d'Israël. ...
Nous avons notre honte pour couche, et notre
ignominie pour couverture; car nous avons péché
contre l'Éternel, notre Dieu, nous et nos pères, dès
notre jeunesse jusqu'à ce jour, et nous n'avons pas
écouté la voix de l'Éternel, notre Dieu. » (Jérémie
3:22-25)

La réforme de Josias avait purifié le pays des


autels païens, mais les cœurs de la multitude
n'avaient pas été changés. La semence de la vérité
qui s'était développée et promettait une riche
moisson avait été étouffée par les épines. Une
apostasie semblable serait fatale à Juda. Dieu
chercha à faire comprendre à la nation le danger
qu'elle courait. Ce n'était que grâce à sa fidélité au
Seigneur qu'elle pouvait espérer la faveur divine et
564
la prospérité.

Jérémie ne cessa d'attirer l'attention des


Israélites sur les conseils donnés dans le
Deutéronome. Plus qu'aucun autre des prophètes il
insista sur les enseignements de la loi mosaïque, et
il montra comment ceux-ci pouvaient être une
source de bénédiction spirituelle pour la nation et
pour chacun de ses habitants. « Demandez quels
sont les anciens sentiers, quelle est la bonne voie;
marchez-y, affirmait-il, et vous trouverez le repos
de vos âmes! » (Jérémie 6:16)

A une certaine occasion, sur l'ordre de Dieu, le


prophète vint se placer à l'une des portes
principales de Jérusalem. Là, il insista sur
l'importance d'observer le saint jour du sabbat. Les
habitants de cette ville couraient le danger de
perdre de vue la sainteté du jour du repos, et ils
furent solennellement avertis de ne pas se laisser
gagner par leurs occupations matérielles ce jour-là.
Ne pouvaient être bénis que ceux qui obéiraient. «
Si vous m'écoutez, dit l'Éternel, ... si vous
sanctifiez le jour du sabbat, et ne faites aucun
565
ouvrage ce jour-là, alors entreront par les portes de
cette ville les rois et les princes assis sur le trône de
David, montés sur des chars et sur des chevaux,
eux et leurs princes, les hommes de Juda et les
habitants de Jérusalem, et cette ville sera habitée à
toujours. » (Jérémie 17:24, 25)

Cette magnifique promesse — récompense de


l'obéissance — était accompagnée d'une prophétie
annonçant les terribles châtiments qui s'abattraient
sur la ville si ses habitants se montraient infidèles
au Seigneur et à sa loi. S'ils ne tenaient pas compte
des avertissements relatifs à leur obéissance au
Dieu de leurs pères et à la sanctification du jour du
repos, la ville et ses palais seraient totalement
détruits par le feu.

C'est ainsi que le prophète prenait fermement


position pour les principes si clairement soulignés
dans le livre de la loi. Mais les conditions qui
régnaient dans le royaume de Juda étaient telles
que seules des mesures énergiques pouvaient
apporter une amélioration. C'est pourquoi Jérémie
déploya le plus grand zèle à l'égard des pécheurs. «
566
Défrichez-vous un champ nouveau, s'écriait-t-il, et
ne semez pas parmi les épines. ... Purifie ton cœur
du mal, Jérusalem, afin que tu sois sauvée! »
(Jérémie 4:3, 14)

Mais la grande majorité du peuple n'écouta pas


cet appel à la repentance et à la conversion. Depuis
la mort du bon roi Josias, ceux qui avaient
gouverné la nation n'étaient pas restés fidèles au
Seigneur, et ils avaient égaré beaucoup d'âmes. A
Joachaz, déposé par ordre du roi d'Égypte, avait
succédé Jojakim, l'un des fils aînés de Josias. Alors
Jérémie conserva peu d'espoir de sauver son pays
bien-aimé de la destruction et le peuple de la
captivité. Il ne put cependant rester silencieux
tandis qu'une ruine totale menaçait le royaume. Il
fallait encourager ceux qui étaient demeurés fidèles
au Seigneur, afin qu'ils persévèrent dans le bien, et
détourner si possible les pécheurs de l'iniquité.

La crise exigeait une grande démonstration


publique. Dieu ordonna donc à Jérémie de se tenir
debout dans le parvis du temple et de s'adresser à
tous ceux qui y entraient et en sortaient. Le
567
prophète ne devait pas retrancher une seule parole
des messages qui lui étaient dictés, afin que les
pécheurs de Sion puissent bien les entendre et se
détourner de leurs mauvaises voies.

Le prophète obéit. Il se tint debout à la porte de


la maison de Dieu, et là il éleva la voix pour avertir
et exhorter son peuple. Inspiré par le Tout-Puissant,
il déclara: « Ecoutez la parole de l'Éternel, vous
tous, hommes de Juda, qui entrez par ces portes,
pour vous prosterner devant l'Éternel! Ainsi parle
l'Éternel des armées, le Dieu d'Israël: Réformez vos
voies et vos œuvres, et je vous laisserai demeurer
dans ce lieu. Ne vous livrez pas à des espérances
trompeuses, en disant: C'est ici le temple de
l'Éternel, le temple de l'Éternel, le temple de
l'Éternel! Si vous réformez vos voies et vos
œuvres, si vous pratiquez la justice envers les uns
et les autres, si vous n'opprimez pas l'étranger,
l'orphelin et la veuve, si vous ne répandez pas en ce
lieu le sang innocent, et si vous n'allez pas après
d'autres dieux, pour votre malheur, alors je vous
laisserai demeurer dans ce lieu, dans le pays que
j'ai donné à vos pères, d'éternité en éternité. »
568
(Jérémie 7:2-7)

L'aversion éprouvée par Dieu à châtier est ici


manifeste. Il diffère ses jugements, afin de plaider
avec le pécheur. Celui « qui exerce la bonté, le
droit et la justice sur la terre » (Jérémie 9:24),
soupire après ses enfants égarés. Il cherche à leur
enseigner par tous les moyens le chemin de la vie
éternelle. Il délivra les Israélites de l'esclavage afin
qu'ils le servent, lui, le seul vrai Dieu. Bien que
ceux-ci aient longtemps erré dans l'idolâtrie et
méprisé ses avertissements, le Seigneur exprimait
maintenant son désir de différer le châtiment et de
leur accorder une nouvelle occasion de se repentir.
Mais il mettait en évidence ce fait: le châtiment ne
serait retardé qu'à la condition qu'un changement
radical se produise. La confiance placée dans le
temple et ses services serait vaine. Les rites et les
cérémonies ne pourraient servir d'expiation pour le
péché. Se dire le peuple élu n'avait aucune
importance; seule une réforme du cœur et de la
conduite pouvait sauver de l'inévitable
conséquence d'une transgression continuelle.

569
C'est ainsi que, « dans les villes de Juda et dans
les rues de Jérusalem », ce message de Jérémie se
répandait: « Ecoutez les paroles de cette alliance —
les préceptes du Seigneur, tels qu'ils sont
mentionnés dans les saintes Ecritures — et mettez-
les en pratique! » (Jérémie 11:6) C'est ainsi que
s'exprimait le prophète alors qu'il se tenait debout
dans le parvis du temple, au début du règne de
Jojakim. L'histoire du peuple d'Israël était
brièvement passée en revue. Dieu avait contracté
avec lui cette alliance: « Ecoutez ma voix, et je
serai votre Dieu, et vous serez mon peuple;
marchez dans toutes les voies que je vous prescris,
afin que vous soyez heureux. » Cette alliance avait
été rompue avec impudence et à maintes reprises.
Le peuple élu avait « suivi les conseils, les
penchants de son mauvais cœur, il avait été en
arrière et non en avant » (Jérémie 7:23, 24).

« Pourquoi donc, demandait le Seigneur, ce


peuple de Jérusalem s'abandonne-t-il à de
perpétuels égarements? » (Jérémie 8:5) Le
prophète répondait que c'était parce qu'il n'avait pas
obéi à la voix de l'Éternel, son Dieu, et avait refusé
570
de revenir à de meilleurs sentiments (Voir Jérémie
5:3). « La vérité a disparu, constatait le prophète,
elle s'est retirée de leur bouche. » « Même la
cigogne connaît dans les cieux sa saison; la
tourterelle, l'hirondelle et la grue observent le
temps de leur arrivée; mais mon peuple ne connaît
pas la loi de l'Éternel. » « Ne les châtierais-je pas
pour ces choses-là, dit l'Éternel, ne me vengerais-je
pas d'une pareille nation? » (Jérémie 7:28; 8:7; 9:9)

Le moment était venu pour les Israélites de


sonder leurs cœurs. Pendant le règne de Josias, ils
avaient quelque raison d'espérer; mais il n'était plus
là pour intercéder en leur faveur; il avait péri au
cours d'un combat. Les péchés de la nation avaient
dépassé la limite, aucune intercession n'était plus
possible. « Quand Moïse et Samuel, déclarait le
Seigneur, se présenteraient devant moi, je ne serais
pas favorable à ce peuple. Chasse-le loin de ma
face, qu'il s'en aille! Et s'ils te disent: Où irons-
nous? tu leur répondras: Ainsi parle l'Éternel: A la
mort ceux qui sont pour la mort, à l'épée ceux qui
sont pour l'épée, à la famine ceux qui sont pour la
famine, à la captivité ceux qui sont pour la
571
captivité! » (Jérémie 15:1, 2)

Si les Israélites refusaient encore l'invitation


miséricordieuse de Dieu, ils attireraient sur la
nation impénitente les châtiments qui s'étaient
abattus sur le royaume du nord il y avait plus d'un
siècle. Le message qui leur était adressé maintenant
était celui-ci: « Si vous ne m'écoutez pas quand je
vous ordonne de suivre ma loi que j'ai mise devant
vous, d'écouter les paroles de mes serviteurs, les
prophètes, que je vous envoie, que je vous ai
envoyés dès le matin, et que vous n'avez pas
écoutés, alors je traiterai cette maison comme Silo,
et je ferai de cette ville un objet de malédiction
pour toutes les nations de la terre. » (Jérémie 26:4-
6)

Ceux qui, debout dans le parvis du temple,


écoutaient les paroles de Jérémie, comprirent très
bien cette allusion à Silo et aux temps d'Eli, alors
que les Philistins avaient battu Israël et s'étaient
emparés de l'arche de l'alliance. Eli avait péché en
traitant à la légère les iniquités de ses fils, comme
les péchés du pays tout entier. Cette faiblesse avait
572
provoqué une terrible calamité en Israël. Les fils
d'Eli étaient tombés dans la bataille, Eli lui-même
était mort, l'arche de l'alliance avait été capturée, et
trente mille hommes massacrés. Tout cela parce
qu'on avait permis au péché de se développer, sans
le reprendre ni le censurer. Les Israélites s'étaient
figuré que malgré leur mauvaise conduite la
présence de l'arche leur assurerait la victoire. Il en
était de même au temps de Jérémie. Les habitants
de Juda croyaient qu'une stricte observance des
services du temple les préserveraient du juste
châtiment que méritait leur conduite répréhensible.

Quelle leçon pour les hommes qui occupent


aujourd'hui des postes de confiance dans l'Église!
Quel avertissement solennel leur est donné à
l'égard des péchés qui déshonorent la cause de
Dieu! Que ceux qui se disent les dépositaires de la
loi divine et se flattent d'en observer les
commandements ne se croient pas à l'abri de la
justice céleste. Que nul ne refuse de se laisser
reprendre pour son péché et n'accuse les serviteurs
de Dieu de manifester trop de zèle en « purifiant le
camp ». Celui qui a horreur du péché exhorte les
573
hommes qui prétendent observer sa loi à se séparer
de toute iniquité. La négligence dans le repentir et
l'obéissance volontaire aura des conséquences aussi
graves que pour Israël. Il est une limite au-delà de
laquelle les châtiments divins ne peuvent être
différés. La désolation de Jérusalem aux jours de
Jérémie est un avertissement solennel pour l'Église
de nos jours. Les conseils et les exhortations qui lui
sont donnés par l'intermédiaire de messagers
choisis de Dieu ne peuvent être rejetés
impunément.

Les paroles de Jérémie adressées aux prêtres et


au peuple suscitèrent des contestations parmi un
grand nombre d'entre eux. Ils s'écrièrent avec
violence: « Pourquoi prophétises-tu au nom de
l'Éternel, en disant: Cette maison sera comme Silo,
et cette ville sera dévastée, privée d'habitants? Tout
le peuple s'attroupa autour de Jérémie dans la
maison de l'Éternel. » (Jérémie 26:9) Les prêtres,
les faux prophètes et le peuple se tournèrent avec
rage contre celui qui leur annonçait des choses
désagréables et décevantes. Le message de Dieu
était ainsi méprisé et son serviteur menacé de mort.
574
L'écho des paroles de Jérémie parvint aux
oreilles des princes de Juda. Quittant en hâte le
palais du roi, ils se rendirent au temple pour de plus
amples renseignements. « Alors les sacrificateurs et
les prophètes parlèrent ainsi aux chefs et à tout le
peuple: Cet homme mérite la mort; car il a
prophétisé contre cette ville, comme vous l'avez
entendu de vos oreilles. » (Jérémie 26:11) Mais
Jérémie, se tenant courageusement devant les
princes et le peuple, déclara: « L'Éternel m'a
envoyé pour prophétiser contre cette maison et
contre cette ville toutes les choses que vous avez
entendues. Maintenant réformez vos voies et vos
œuvres, écoutez la voix de l'Éternel, votre Dieu, et
l'Éternel se repentira du mal qu'il a prononcé contre
vous. Pour moi, me voici entre vos mains; traitez-
moi comme il vous semblera bon et juste.
Seulement sachez que, si vous me faites mourir,
vous vous chargez du sang innocent, vous, cette
ville et ses habitants; car l'Éternel m'a
véritablement envoyé vers vous pour prononcer à
vos oreilles toutes ces paroles. » (Jérémie 26:12-
15)
575
Si le prophète s'était laissé intimider par les
menaces des principaux d'Israël, son message
n'aurait produit aucun effet et il aurait risqué sa vie.
Mais le courage dont il fit preuve dans son
avertissement solennel imposa le respect au peuple,
et lui acquit la faveur des princes d'Israël. Ceux-ci
s'adressèrent alors aux prêtres et aux faux
prophètes, et ils leur montrèrent combien
déraisonnables seraient les mesures extrêmes qu'ils
exigeaient. Leurs paroles provoquèrent une
réaction salutaire dans l'esprit de l'assemblée. Dieu
avait suscité des hommes pour défendre son
serviteur.

Les anciens vinrent aussi protester contre la


décision des prêtres au sujet de la mort de Jérémie.
Ils citèrent le cas de Michée qui avait ainsi
prophétisé contre Jérusalem: « Sion sera labourée
comme un champ, Jérusalem deviendra un
monceau de pierres, et la montagne de la maison
une haute forêt. » Et ils demandèrent: « Ezéchias,
roi de Juda, et tout Juda l'ont-ils fait mourir?
Ezéchias ne craignit-il pas l'Éternel? n'implora-t-il
576
pas l'Éternel? Alors l'Éternel se repentit du mal
qu'il avait prononcé contre eux. Et nous, nous
chargerions notre âme d'un si grand crime! »
(Jérémie 26:18, 19)

Grâce à l'intervention de ces hommes influents,


la vie du prophète fut épargnée, bien que la plupart
des prêtres et des faux prophètes, ne pouvant
supporter les vérités qui les condamnaient, se
fussent réjouis de le voir mettre à mort.

Dès le début de sa mission prophétique jusqu'à


la fin de son ministère, Jérémie se tint devant Juda
comme « une forteresse » que la colère de l'homme
ne pouvait renverser. « Ils te feront la guerre, avait
prédit le Seigneur à son serviteur, mais ils ne te
vaincront pas, car je serai avec toi pour te sauver et
te délivrer. Je te délivrerai de la main des
méchants, je te sauverai de la main des violents. »
(Jérémie 6:27; 15:20, 21)

D'un naturel timide et effacé, Jérémie soupirait


après la paix et le calme d'une vie retirée où il
n'aurait pas été témoin du péché continuel de la
577
nation qu'il aimait. Son cœur était torturé
d'angoisse en présence des ravages du péché. « Oh!
si ma tête était remplie d'eau, si mes yeux étaient
une source de larmes, s'écriait-il, je pleurerais jour
et nuit les morts de la fille de mon peuple! Oh! si
j'avais au désert une cabane de voyageurs,
j'abandonnerais mon peuple, je m'en éloignerais! »
(Jérémie 9:1, 2)

Comme ils étaient cruels les sarcasmes que le


prophète était appelé à supporter! Son âme délicate
était transpercée par les flèches de la raillerie de
ceux qui dédaignaient ses messages et se
moquaient du souci qu'il prenait de leur
conversion. « Je suis pour tout mon peuple, disait-
il, un objet de raillerie, chaque jour l'objet de leurs
chansons. » « Tout le monde se moque de moi. ...
Tous ceux qui étaient en paix avec moi observent si
je chancelle: peut-être se laissera-t-il surprendre, et
nous serons maîtres de lui, nous tirerons vengeance
de lui! » (Lamentations de Jérémie 3:14; Jérémie
20:7, 10)

578
Mais le fidèle prophète recevait
quotidiennement des forces pour supporter son
épreuve. « L'Éternel est avec moi comme un héros
puissant, disait-il avec foi. C'est pourquoi mes
persécuteurs chancellent et n'auront pas le dessus;
ils seront remplis de confusion pour n'avoir pas
réussi: ce sera une honte éternelle qui ne s'oubliera
pas. ... Chantez à l'Éternel, louez l'Éternel! car il
délivre l'âme du malheureux de la main des
méchants. » (Jérémie 20:11, 13)

Les expériences que fit Jérémie au cours de sa


jeunesse ainsi que dans les dernières années de son
ministère, lui enseignèrent que « la voie de
l'homme n'est pas en son pouvoir; ce n'est pas à
l'homme, quand il marche, à diriger ses pas ». Il
apprit à prier: « Châtie-moi, ô Éternel! mais avec
équité, et non dans ta colère, de peur que tu ne
m'anéantisses. » (Jérémie 10:23, 24) Lorsqu'il fut
appelé à boire à la coupe des tribulations et du
désespoir, lorsqu'il fut tenté de dire dans sa misère:
« Ma force est perdue, je n'ai plus d'espérance en
l'Éternel! » il se rappela les bénédictions divines, et
il s'écria triomphalement: « Les bontés de l'Éternel
579
ne sont pas épuisées, ses compassions ne sont pas à
leur terme. Elles se renouvellent chaque matin. Oh!
que ta fidélité est grande! L'Éternel est mon
partage, dit mon âme; c'est pourquoi je veux
espérer en lui. L'Éternel a de la bonté pour qui
espère en lui, pour l'âme qui le cherche. Il est bon
d'attendre en silence le secours de l'Éternel. »
(Lamentations de Jérémie 3:18, 22-26)

580
Chapitre 35

L'approche du jugement

Les premières années du règne de Jojakim


furent caractérisées par de nombreuses prophéties
annonçant l'approche du châtiment. Les paroles de
Dieu prononcées par les prophètes étaient sur le
point de s'accomplir. Au nord, la puissance
assyrienne, si longtemps souveraine, allait cesser
de s'exercer sur les nations. Au sud, l'Égypte, en
qui le roi de Juda plaçait vainement sa confiance,
subirait bientôt un échec décisif. Une nouvelle
puissance, l'empire babylonien, surgissait
brusquement à l'est, éclipsant rapidement toutes les
autres.

En peu d'années, le roi de Babylone allait servir


d'instrument à la colère divine pour châtier Juda
impénitent. Les armées de Nebucadnetsar
déferleraient sans cesse sur Jérusalem, qui serait
tour à tour assiégée et prise par l'ennemi. D'abord
en petit nombre, puis par milliers et dizaines de

581
milliers, les Israélites seraient emmenés en
captivité au pays de Schinear pour y être en exil.
Jojakim, Sédécias seraient tour à tour les vassaux
du roi de Babylone, et tour à tour ils se
révolteraient contre lui. Des châtiments de plus en
plus terribles s'abattraient sur la nation rebelle,
jusqu'à ce qu'enfin elle soit réduite en un monceau
de ruines. Jérusalem serait dévastée et livrée au
feu; le temple bâti par Salomon, détruit. Le
royaume de Juda s'écroulerait et ne retrouverait
plus jamais parmi les royaumes de la terre sa
situation primitive.

Ces temps de troubles, si menaçants pour la


nation israélite, étaient annoncés par de nombreux
messages divins délivrés au peuple par Jérémie.
Dieu donnait ainsi grandement le temps aux
enfants d'Israël de rompre leur alliance avec
l'Égypte et d'éviter des contestations avec le roi de
Babylone.

Alors que le danger se faisait plus imminent, le


Seigneur instruisait le peuple par des paraboles
frappantes, espérant ainsi éveiller chez lui le
582
sentiment de ses obligations envers Dieu tout en
l'encourageant à entretenir avec le gouvernement
de Babylone des rapports cordiaux.

Pour illustrer l'importance d'une obéissance


implicite aux exigences divines, Jérémie réunit des
Récabites dans une chambre du temple, et il leur
offrit du vin. Il fut reçu comme il s'y attendait,
c'est-à-dire par un refus catégorique et des
remontrances. « Nous ne buvons pas de vin, lui
affirmèrent-ils avec assurance, car Jonadab, fils de
Récab, notre père, nous a donné cet ordre: Vous ne
boirez jamais de vin, ni vous, ni vos fils. ... Alors la
parole de l'Éternel fut adressée à Jérémie, en ces
mots: Ainsi parle l'Éternel des armées, le Dieu
d'Israël: Va, et dis aux hommes de Juda et aux
habitants de Jérusalem: Ne recevrez-vous pas
instruction pour obéir à mes paroles? dit l'Éternel.
On a observé les paroles de Jonadab, fils de Récab,
qui a ordonné à ses fils de ne pas boire du vin, et ils
n'en ont point bu jusqu'à ce jour, parce qu'ils ont
obéi à l'ordre de leur père. » (Jérémie 35:6, 12-14)

Dieu cherchait ainsi à montrer le contraste


583
frappant entre l'obéissance des Récabites et la
révolte de son peuple. Les Récabites avaient obéi à
l'ordre de leur père; ils avaient refusé de
transgresser cet ordre. Mais les habitants de Juda
n'écoutaient pas les paroles du Seigneur, et ils
subiraient par conséquent les plus terribles
châtiments.

« Je vous ai parlé dès le matin, et vous ne


m'avez pas écouté, leur dit Jérémie de la part de
Dieu. Je vous ai envoyé tous mes serviteurs, les
prophètes, je les ai envoyés dès le matin, pour vous
dire: Revenez chacun de votre mauvaise voie,
amendez vos actions, n'allez pas après d'autres
dieux pour les servir, et vous resterez dans le pays
que j'ai donné à vous et à vos pères. Mais vous
n'avez pas prêté l'oreille, vous ne m'avez pas
écouté. Oui, les fils de Jonadab, fils de Récab,
observent l'ordre que leur a donné leur père, et ce
peuple ne m'écoute pas! C'est pourquoi, ainsi parle
l'Éternel, le Dieu des armées, le Dieu d'Israël:
Voici, je vais faire venir sur Juda et sur tous les
habitants de Jérusalem tous les malheurs que j'ai
annoncés sur eux, parce que je leur ai parlé et qu'ils
584
n'ont pas écouté, parce que je les ai appelés et qu'ils
n'ont pas répondu. » (Jérémie 35:14-17)

Lorsque les hommes sont touchés par


l'influence du Saint-Esprit, ils tiennent compte des
conseils que leur donne le Seigneur. Mais s'ils
rejettent les avertissements et si leur cœur
s'endurcit, Dieu permet qu'ils subissent des
influences néfastes. En se détournant de la vérité,
ils acceptent le mensonge qui devient pour eux un
piège.

Dieu avait supplié Juda de ne pas provoquer sa


colère, mais il refusa de l'écouter. Finalement, la
sentence fut prononcée à son égard. Il serait
emmené en captivité à Babylone; les Chaldéens
allaient être l'instrument dont le Seigneur se
servirait pour châtier son peuple rebelle. Les
souffrances de Juda seraient proportionnées aux
lumières qu'il avait reçues et aux avertissements
rejetés. Dieu avait retardé pendant longtemps ses
châtiments, mais il manifesterait maintenant son
courroux pour arrêter son peuple rebelle sur la
mauvaise voie. Une bénédiction perpétuelle avait
585
été promise aux Récabites. Le prophète avait
déclaré: « Parce que vous avez obéi aux ordres de
Jonadab, votre père, parce que vous avez observé
tous ses commandements et fait tout ce qu'il vous a
prescrit; à cause de cela, ainsi parle l'Éternel des
armées, le Dieu d'Israël: Jonadab, fils de Récab, ne
manquera jamais de descendants qui se tiennent en
ma présence. » (Jérémie 35:18, 19) Le Seigneur
enseignait ainsi à son peuple que la fidélité et
l'obéissance rejailliraient sur Juda en bénédictions,
comme les Récabites avaient été bénis pour avoir
obéi aux ordres de leur père.

Cette leçon est aussi pour nous aujourd'hui. Si


les exigences d'un bon et sage père, usant des
moyens les meilleurs et les plus efficaces pour
préserver sa postérité des maux de l'intempérance,
étaient dignes d'une stricte obéissance, l'autorité de
Dieu devrait certainement être reconnue avec une
révérence plus grande encore, puisque le Seigneur
est plus saint qu'un homme. Notre Créateur et notre
Maître, au pouvoir infini, au jugement terrible,
s'efforce par tous les moyens d'amener les hommes
à reconnaître leurs péchés et à s'en repentir. Par la
586
bouche de ses serviteurs, il prédit les dangers
qu'engendre la désobéissance, il fait résonner le cri
d'alarme et dénonce impitoyablement le péché. Ce
n'est que grâce à sa miséricorde et aux soins
vigilants de ses serviteurs que la prospérité est
assurée à son peuple. Il ne peut soutenir et garder
ceux qui rejettent ses conseils et méprisent ses
avertissements. Pendant un certain temps, il diffère
les châtiments que nous méritons, mais il ne saurait
le faire indéfiniment.

Les enfants de Juda étaient de ceux dont Dieu


avait dit: « Vous serez pour moi un royaume de
sacrificateurs et une nation sainte. » (Exode 19:6)
Au cours de son ministère, Jérémie ne perdit jamais
de vue l'importance vitale de la sainteté dans les
diverses activités de la vie quotidienne, et
notamment dans le service divin. Il prévoyait
nettement la chute du royaume de Juda et la
dispersion de ses habitants parmi les nations. Mais
avec l'œil de la foi, il apercevait au-delà des
tribulations le moment de la restauration. Cette
promesse divine résonnait à ses oreilles: « Je
rassemblerai le reste de mes brebis de tous les pays
587
où je les ai chassées; je les ramènerai dans leur
pâturage. ... Voici, les jours viennent, dit l'Éternel,
où je susciterai à David un germe juste; il régnera
en roi et prospérera, il pratiquera la justice et
l'équité dans le pays. En son temps, Juda sera
sauvé, Israël aura la sécurité dans sa demeure; et
voici le nom dont on l'appellera: L'ÉTERNEL
NOTRE JUSTICE. » (Jérémie 23:3-6)

Ainsi, l'annonce d'un prochain châtiment se


mêlait-elle aux promesses d'une glorieuse
délivrance. Ceux qui choisiraient de faire la paix
avec Dieu et se conduiraient saintement au sein de
l'apostasie, auraient la force d'affronter l'épreuve et
seraient rendus capables de témoigner pour Dieu
avec puissance. La délivrance qu'ils connaîtraient
un jour serait plus glorieuse encore que celle
accordée aux enfants d'Israël au moment de
l'Exode. Les jours viendront, déclarait le Seigneur
par son prophète, « où l'on ne dira plus: L'Éternel
est vivant, lui qui a fait monter du pays d'Égypte
les enfants d'Israël! Mais on dira: L'Éternel est
vivant, lui qui a fait monter et qui a ramené la
postérité de la maison d'Israël du pays du
588
septentrion et de tous les pays où je les avais
chassés! Et ils habiteront dans leur pays. » (Jérémie
23:7, 8)

Telles étaient les magnifiques prophéties de


Jérémie à la fin de l'histoire du royaume de Juda,
alors que les Babyloniens allaient dominer l'univers
entier et que leurs armées faisaient le siège de Sion.
Comme la musique la plus mélodieuse, ces
promesses de délivrance retentissaient aux oreilles
de ceux qui étaient restés fidèles au culte du vrai
Dieu. Chez les humbles comme chez les grands,
partout où l'on révérait encore l'alliance avec le
Seigneur, les paroles du prophète étaient sans cesse
répétées. Les enfants eux-mêmes en étaient
profondément remués, et ces promesses
s'imprimaient d'une façon durable dans leurs jeunes
cerveaux.

C'est l'observation consciencieuse des


commandements de l'Ecriture qui, aux jours de
Jérémie, permit à Daniel et à ses compagnons
d'exalter le vrai Dieu devant les royaumes du
monde. L'éducation que ces jeunes hébreux avaient
589
reçue dans leur famille les affermit dans la foi, et
les aida à servir fidèlement le Dieu vivant, le
Créateur des cieux et de la terre. Lorsque, au début
du règne de Jojakim, Nebucadnetsar assiégea et
prit Jérusalem pour la première fois, il emmena en
captivité Daniel et ses compagnons, ainsi que
d'autres jeunes gens particulièrement doués pour
servir à la cour de Babylone. Mais la foi de ces
jeunes prisonniers fut mise à rude épreuve. C'est
alors que ceux qui avaient appris à se confier dans
les promesses divines trouvèrent les forces
nécessaires pour affronter les difficultés qu'ils
rencontrèrent en pays étranger. Les saintes
Ecritures furent pour eux un guide et un soutien.

Tandis qu'il interprétait la portée des jugements


qui commençaient à s'abattre sur Juda, Jérémie
défendait noblement la justice de Dieu et ses
desseins miséricordieux, même dans ses châtiments
les plus cruels. Désireux d'atteindre toutes les
classes, le prophète étendait sa sphère d'influence
au-delà de Jérusalem, par de fréquentes visites aux
différentes parties du royaume. Dans ses
déclarations, Jérémie se reportait sans cesse aux
590
enseignements du livre de la loi qui avait été si
magnifiquement honoré et exalté sous le règne de
Josias. Il insistait sur l'importance de la fidélité
envers le Seigneur compatissant et miséricordieux
qui, du haut du Sinaï, avait donné les préceptes du
Décalogue. Les paroles d'avertissement et
d'exhortation de Jérémie atteignirent les extrémités
du royaume, et tous les habitants eurent ainsi
l'occasion de connaître la volonté de Dieu à l'égard
de la nation.

Le prophète insistait particulièrement sur le fait


que le Père céleste envoie ses châtiments, afin que
« les peuples sachent qu'ils sont des hommes »
(Psaumes 9:20). « Si vous me résistez et ne voulez
point m'écouter, déclarait le Seigneur, ... je vous
disperserai parmi les nations, et je tirerai l'épée
après vous. Votre pays sera dévasté, et vos villes
seront désertes. » (Lévitique 26:21, 28, 33)

Au moment même où des messages annonçant


un châtiment imminent étaient adressés aux princes
et au peuple, le roi de Juda, Jojakim, qui aurait dû
être un chef spirituel avisé, le promoteur de la
591
confession des péchés, de la réforme et des bonnes
œuvres, passait son temps dans les plaisirs égoïstes.
« Je me bâtirai une maison vaste, et des chambres
spacieuses », disait-il. Et il proposait d'y faire «
percer des fenêtres », de les faire lambrisser « de
cèdre » et de les peindre « en couleur rouge »
(Jérémie 22:14). Cette maison serait construite
avec de l'argent provenant de la fraude et de
l'oppression.

La colère du prophète s'enflamma, et l'Esprit le


poussa à prononcer un jugement contre le
monarque infidèle. « Malheur, dit-il, à celui qui
bâtit sa maison par l'injustice, et ses chambres par
l'iniquité, qui fait travailler son prochain sans le
payer, sans lui donner son salaire. ... Est-ce que tu
règnes, parce que tu as de la passion pour le cèdre?
Ton père ne mangeait-il pas, ne buvait-il pas? Mais
il pratiquait la justice et l'équité, et il fut heureux.
... N'est-ce pas là me connaître? dit l'Éternel. Mais
tu n'as des yeux et un cœur que pour te livrer à la
cupidité, pour répandre le sang innocent, et pour
exercer l'oppression et la violence. C'est pourquoi
ainsi parle l'Éternel sur Jojakim, fils de Josias, roi
592
de Juda: On ne le pleurera pas, en disant: Hélas,
mon frère! hélas, ma sœur! On ne le pleurera pas,
en disant: Hélas, seigneur! hélas, sa majesté! Il
aura la sépulture d'un âne, il sera traîné et jeté hors
des portes de Jérusalem. » (Jérémie 22:13-19)

Ce terrible châtiment allait s'abattre sur Jojakim


dans peu de temps. Mais le Seigneur
miséricordieux en informait d'abord la nation
impénitente. La quatrième année du règne de
Jojakim, Jérémie parla « devant tout le peuple de
Juda et devant tous les habitants de Jérusalem ». Il
déclara que pendant plus de vingt ans, « depuis la
treizième année de Josias » (Jérémie 25:2, 3),
jusqu'à ce jour, il n'avait cessé de dire que Dieu
désirait sauver son peuple, mais que ses messages
avaient été méprisés. Or voici la parole que le
Seigneur leur adressait maintenant: « Ainsi parle
l'Éternel des armées: Parce que vous n'avez point
écouté mes paroles, j'enverrai chercher tous les
peuples du septentrion, dit l'Éternel, et j'enverrai
auprès de Nebucadnetsar, roi de Babylone, mon
serviteur; je le ferai venir contre ce pays et contre
ses habitants, et contre toutes ces nations à l'entour,
593
afin de les dévouer par interdit, et d'en faire un
objet de désolation et de moquerie, des ruines
éternelles. Je ferai cesser parmi eux les cris de
réjouissance et les cris d'allégresse, les chants du
fiancé et les chants de la fiancée, le bruit de la
meule et la lumière de la lampe. Tout ce pays
deviendra une ruine, un désert, et ces nations seront
asservies au roi de Babylone pendant soixante et
dix ans. » (Jérémie 25:8-11)

Bien que les motifs du jugement aient été


clairement énoncés, sa terrible signification ne
pouvait être comprise que difficilement par les
multitudes. Pour produire une impression plus
profonde, Dieu essaya d'illustrer le sens des mots
prononcés. Il ordonna à Jérémie de comparer le
sort du royaume à une coupe remplie du vin de sa
colère, et à laquelle auraient bu toutes les nations.
Les premiers qui avaient bu à cette coupe étaient «
Jérusalem, les villes de Juda, les rois et les chefs ».
D'autres devaient faire de même: « Pharaon, roi
d'Égypte, ses serviteurs, ses chefs et tout son
peuple », ainsi que beaucoup d'autres nations,
jusqu'à ce que les desseins de Dieu fussent
594
accomplis (Voir Jérémie 25).

Pour mieux illustrer la nature des jugements qui


approchaient rapidement, le prophète reçut l'ordre
de prendre avec lui « des anciens du peuple et des
anciens des sacrificateurs » et de se rendre « dans
la vallée de Ben-Hinnom ». Là, après avoir retracé
l'apostasie de Juda, il devait briser « le vase de
terre » du potier, et déclarer de la part du Seigneur
dont il était le serviteur: « C'est ainsi que je briserai
ce peuple et cette ville, comme on brise un vase de
potier, sans qu'il puisse être rétabli. »

Le prophète fit ce qui lui était commandé. Puis,


lorsqu'il revint à Jérusalem, il se tint dans le parvis
de la maison de Dieu, et il dit à tout le peuple: «
Ainsi parle l'Éternel des armées, le Dieu d'Israël:
Voici, je vais faire venir sur cette ville et sur toutes
les villes qui dépendent d'elle tous les malheurs que
je lui ai prédits, parce qu'ils ont raidi leur cou, pour
ne point écouter mes paroles. » (Voir Jérémie 19)

Au lieu de provoquer la confession des péchés


et la repentance, ces paroles suscitèrent la colère
595
des chefs, et en conséquence Jérémie fut incarcéré.
Privé de sa liberté, le prophète n'en continua pas
moins à transmettre les messages du ciel à ceux qui
se trouvaient près de lui. Sa voix ne pouvait être
étouffée par la persécution. La parole de vérité,
disait-il, est « dans mon cœur comme un feu
dévorant qui est renfermé dans mes os. Je
m'efforce de la contenir, et je ne le puis. » (Jérémie
20:9)

C'est vers cette époque que Dieu ordonna à


Jérémie de transcrire les messages qu'il désirait
faire connaître à ceux dont il souhaitait ardemment
le salut. « Prends un livre, lui dit-il, et tu écriras
toutes les paroles que je t'ai dites sur Israël et sur
Juda, et sur toutes les nations, depuis le jour où je
t'ai parlé, au temps de Josias, jusqu'à ce jour.
Quand la maison de Juda entendra tout le mal que
je pense lui faire, peut-être reviendront-ils chacun
de leur mauvaise voie; alors je pardonnerai leur
iniquité et leur péché. » (Jérémie 36:2, 3)

Obéissant à cet ordre, Jérémie appela à son aide


un ami fidèle, Baruc, le scribe, et il lui dicta «
596
toutes les paroles que l'Éternel lui avait dites »
(Jérémie 36:4). Ces paroles furent soigneusement
écrites sur un rouleau de parchemin et constituèrent
un reproche solennel contre le péché, un
avertissement au sujet des résultats inévitables dus
à une apostasie ininterrompue, et une exhortation à
renoncer au mal.

Lorsque le livre fut complet, Jérémie, toujours


prisonnier, envoya Baruc lire le rouleau à la
multitude assemblée au temple, le jour du jeûne
national, « la cinquième année de Jojakim, fils de
Josias, roi de Juda, le neuvième mois ». « Peut-être,
dit le prophète, l'Éternel écoutera-t-il leurs
supplications, et reviendront-ils chacun de leur
mauvaise voie; car grande est la colère, la fureur
dont l'Éternel a menacé ce peuple. » (Jérémie 36:9,
7)

Baruc obéit à l'ordre du prophète, et il lut le


rouleau au peuple. Il le lut ensuite aux princes.
Ceux-ci l'écoutèrent avec le plus grand intérêt, et
ils promirent d'en parler au roi. Ils conseillèrent
toutefois au scribe de se cacher, car ils craignaient
597
que le monarque ne rejette ce message et ne
cherche à faire périr ceux qui l'avaient rédigé et
délivré.

Lorsque Jojakim fut mis au courant par les


princes de ce que Baruc avait lu, il ordonna
immédiatement qu'on apportât le rouleau en
question et qu'on lui en fasse la lecture. Jehudi, l'un
des serviteurs du roi, alla chercher le rouleau et
commença à lire les reproches et les avertissements
qu'il contenait. Ceci se passait en hiver. Le roi et
ses conseillers, les princes de Juda, tous étaient
réunis autour de la flamme d'un brasier. A l'ouïe
des premières phrases, le roi, loin de trembler à
l'approche du danger qui le menaçait, lui et son
peuple, s'empara du rouleau, et avec une rage
frénétique « coupa le livre avec le canif du
secrétaire, et le jeta dans le feu du brasier, où il fut
entièrement consumé » (Jérémie 36:23). Ni lui ni
ses serviteurs ne furent effrayés, « et ne déchirèrent
leurs vêtements ». Cependant, quelques princes «
avaient fait des instances auprès du roi pour qu'il
ne brûlât pas le livre; mais il ne les écouta pas ». Le
livre détruit, la colère du roi s'enflamma contre
598
Jérémie et Baruc, et le monarque ordonna qu'on les
fît saisir. « Mais l'Éternel les cacha. » (Jérémie
36:24-26)

En attirant l'attention des adorateurs du temple,


des princes et du roi sur les avertissements
contenus dans le livre inspiré, Dieu, dans sa bonté,
cherchait à leur faire du bien. « Quand la maison de
Juda, dit-il, entendra tout le mal que je pense lui
faire, peut-être reviendront-ils chacun de leur
mauvaise voie; alors je pardonnerai leur iniquité et
leur péché. » (Jérémie 36:3)

Dieu a pitié des hommes qui luttent dans les


ténèbres de la perversité. Il cherche à éclairer leur
intelligence obscurcie en leur adressant des
reproches et des menaces, afin de leur faire sentir
leur ignorance et les amener à déplorer leurs
erreurs. Il s'efforce d'aider les présomptueux à se
méfier de leurs vaines connaissances, et à
rechercher la bénédiction spirituelle par une
communion intime avec le ciel. Le dessein de Dieu
ne consiste pas à envoyer des messagers aux
pécheurs pour les flatter et leur être agréables, pas
599
plus qu'à leur délivrer des messages de paix qui les
laisseront sommeiller dans une sécurité charnelle;
mais, au contraire, à placer un poids qui pèsera sur
leur conscience et, comme une flèche acérée,
transpercera leur âme et les convaincra de péché.
Les anges leur présentent les terribles jugements de
Dieu pour leur faire sentir leur pauvreté spirituelle
et les amener à se poser la question: « Que faut-il
que je fasse pour être sauvé? » (Actes des Apôtres
16:30) Mais celui qui humilie jusque dans la
poussière, qui couvre de honte l'orgueil et
l'ambition, qui condamne le péché, est aussi celui
qui relève l'âme repentante. S'il permet le
châtiment, c'est avec la plus profonde affection
qu'il interroge: « Que veux-tu que je fasse pour toi?
»

Quand un homme a péché contre le Dieu


miséricordieux et saint, il ne peut suivre une ligne
de conduite plus noble que celle qui consiste à se
repentir sincèrement de ses erreurs et à les
confesser avec larmes. C'est ce que Dieu réclame
de lui; il n'accepte rien d'autre qu'un cœur brisé et
un esprit contrit. Mais Jojakim et ses princes, dans
600
leur arrogance et leur orgueil, refusèrent l'invitation
divine. Ils ne voulurent tenir compte ni de
l'avertissement, ni de l'offre à la repentance qui leur
étaient adressés. L'occasion qu'ils avaient eue au
moment où le livre fut brûlé était leur dernière
chance. Dieu avait déclaré que s'ils refusaient à cet
instant d'écouter sa voix, il leur infligerait une
terrible punition. Or ils avaient refusé de l'entendre
et Dieu prononça son jugement final contre Juda. Il
manifesterait une colère particulière à l'égard de
l'homme qui s'était élevé avec orgueil au-dessus du
Tout-Puissant.

« C'est pourquoi, ainsi parle l'Éternel sur


Jojakim, roi de Juda: Aucun des siens ne sera assis
sur le trône de David, et son cadavre sera exposé à
la chaleur pendant le jour et au froid pendant la
nuit. Je le châtierai, lui, sa postérité, et ses
serviteurs, à cause de leur iniquité, et je ferai venir
sur eux, sur les habitants de Jérusalem et sur les
hommes de Juda tous les malheurs dont je les ai
menacés. » (Jérémie 36:30, 31)

La destruction du rouleau ne mit pas un terme


601
aux avertissements divins. Il était plus facile de se
débarrasser des paroles écrites que des reproches et
des avertissements qu'elles contenaient, ainsi que
de la menace du châtiment tout proche dont avait
parlé le Seigneur au sujet de la nation rebelle. Mais
ce rouleau même fut reproduit. Dieu dit à son
serviteur: « Prends de nouveau un autre livre, et tu
y écriras toutes les paroles qui étaient dans le
premier livre qu'a brûlé Jojakim, roi de Juda. » Le
document contenant les prophéties relatives à Juda
avait été anéanti, mais, « comme un feu dévorant »,
elles étaient toujours vivantes au cœur de Jérémie.
Il fut permis au prophète de reproduire ce que la
colère de l'homme avait si délibérément détruit.

Jérémie prit un autre rouleau qu'il donna à


Baruc. Celui-ci y « écrivit, sous la dictée de
Jérémie, toutes les paroles du livre qu'avait brûlé
au feu Jojakim, roi de Juda. Beaucoup d'autres
paroles semblables y furent encore ajoutées. »
(Jérémie 36:28, 32) La colère de l'homme avait
essayé de ruiner l'influence du prophète; mais grâce
à cette suppression du rouleau par Jojakim les
exigences divines allaient être mieux connues.
602
Cet esprit de révolte à l'égard des reproches,
qui suscita la persécution et l'emprisonnement de
Jérémie, règne encore de nos jours. Qu'ils sont
nombreux les hommes qui refusent de tenir compte
des avertissements répétés! Ils préfèrent écouter les
faux docteurs dont les paroles flatteuses bercent
leur vanité et glissent sur leur mauvaise conduite.
Pendant le temps de détresse, ces personnes ne
trouveront aucun refuge, aucun secours divin. Les
serviteurs de Dieu supporteront avec courage et
patience les épreuves et les tribulations qui
s'abattront sur eux par suite des reproches, de
l'oubli et des faux rapports. Ils continueront à
s'acquitter fidèlement de la tâche que Dieu leur a
confiée, et ils se souviendront que les prophètes du
passé, le Sauveur lui-même et les apôtres ont subi,
eux aussi, les injures et les persécutions pour
l'amour de la sainte Parole.

Dieu désirait que Jojakim tienne compte des


conseils de Jérémie, qu'il parvienne ainsi à gagner
la faveur de Nebucadnetsar et à échapper en même
temps à de grandes tribulations. Le jeune roi avait
603
traité une alliance avec le monarque babylonien.
S'il était resté fidèle à sa parole, il aurait imposé le
respect aux païens et contribué ainsi à amener de
nombreuses âmes à la conversion. Mais le roi de
Juda méprisa les privilèges extraordinaires qui lui
étaient accordés, et il suivit volontairement sa
propre voie. Il viola la parole d'honneur qu'il avait
donnée au roi de Babylone, et il se révolta, ce qui
le plaça, lui et son royaume, en fâcheuse posture. «
Alors l'Éternel envoya contre Jojakim des troupes
de Chaldéens, des troupes de Syriens, des troupes
de Moabites et des troupes d'Ammonites » (2 Rois
24:2), et il fut impuissant à préserver son pays des
ravages de ces envahisseurs.

Le règne désastreux de ce monarque prit fin


peu de temps après. Couvert d'ignominie, rejeté du
ciel, détesté par son peuple et méprisé par tous les
gouverneurs de Babylone dont il avait trahi la
confiance, ainsi finit Jojakim. Telles furent les
conséquences de l'erreur fatale qu'il commit en
rejetant les desseins de Dieu révélés par son
messager.

604
Jojakin, fils de Jojakim, ne régnait que depuis
trois mois et dix jours lorsqu'il se rendit aux armées
chaldéennes que la révolte du roi de Juda avait
amenées, une fois de plus, aux portes de Jérusalem.
Cette fois, Nebucadnetsar « emmena captifs de
Jérusalem à Babylone la mère du roi, les femmes
du roi et ses eunuques, et les grands du pays », au
nombre de plusieurs milliers, avec « les
charpentiers et les serruriers au nombre de mille ».
Avec eux, le roi de Babylone prit « tous les trésors
de la maison de l'Éternel et les trésors de la maison
du roi » (2 Rois 24:15, 16, 13).

Le royaume de Juda subsista, cependant, en


tant que gouvernement indépendant.
Nebucadnetsar plaça à sa tête Matthania, l'un des
derniers fils de Josias, dont il changea le nom en
celui de Sédécias.

605
Chapitre 36

Le dernier roi de Juda

Au début de son règne, Sédécias jouissait de


toute la confiance du roi de Babylone, et avait
comme conseiller éprouvé le prophète Jérémie. Si
ce monarque s'était comporté honorablement avec
les Babyloniens, s'il avait écouté les messages du
prophète, il aurait pu imposer le respect chez un
grand nombre d'hommes puissants, et eu l'occasion
de leur faire connaître le vrai Dieu. Ceux qui
étaient déjà captifs à Babylone auraient ainsi joui
d'une certaine liberté. Le nom de Dieu aurait été
honoré partout, et les Israélites qui restaient en
Palestine auraient évité les terribles calamités qui
allaient finalement s'abattre sur eux.

Jérémie avait recommandé à Sédécias et à tout


Juda, y compris les captifs de Babylone, de se
soumettre docilement au régime temporaire de
leurs conquérants. Il importait particulièrement
pour ceux qui vivaient en captivité de rechercher la

606
paix du pays où ils étaient en exil. Mais cette
recommandation était contraire au cœur humain, et
Satan, profitant des circonstances, suscita des faux
prophètes parmi le peuple, à Jérusalem et à
Babylone. Ces faux prophètes annoncèrent que le
joug de la servitude serait bientôt brisé et l'ancien
prestige de Juda rétabli.

Si ces prophéties agréables avaient été


écoutées, elles auraient produit de fâcheuses
réactions chez le roi et les captifs et ils auraient été
ainsi frustrés des desseins miséricordieux du
Seigneur. De crainte qu'une insurrection n'éclate et
que de grandes souffrances n'en découlent, Dieu
ordonna à Jérémie de faire face immédiatement à la
crise en avertissant le roi de Juda des conséquences
inévitables qui s'ensuivraient. Des lettres furent
envoyées aux captifs pour les mettre en garde
contre ceux qui leur assuraient que leur délivrance
était proche. « Ne vous laissez pas tromper par vos
prophètes qui sont au milieu de vous, et par vos
devins, disait Jérémie; n'écoutez pas vos songeurs
dont vous provoquez les songes! » (Jérémie 29:8)
Et il leur expliquait les desseins de Dieu relatifs à
607
la restauration d'Israël, qui aurait lieu à la fin des
soixante-dix ans de la captivité.

Avec quelle tendre sollicitude le Seigneur


faisait part aux captifs de ses intentions à l'égard
d'Israël! Il savait que si les faux prophètes
persuadaient le peuple de sa rapide délivrance, la
position de ce dernier à Babylone deviendrait très
critique. Toute manifestation, toute insurrection de
sa part éveillerait la vigilance et la rigueur des
autorités chaldéennes qui restreindraient davantage
encore la liberté des captifs, ce qui provoquerait de
nouvelles souffrances. Le Seigneur désirait que les
Israélites se soumettent docilement à leur triste
sort, et rendent leur servitude aussi agréable que
possible. « Bâtissez des maisons, et habitez-les,
leur conseillait-il; plantez des jardins, et mangez-en
les fruits. ... Recherchez le bien de la ville où je
vous ai menés en captivité, et priez l'Éternel en sa
faveur, parce que votre bonheur dépend du sien. »
(Jérémie 29:5-7)

Parmi les faux docteurs de Babylone se


trouvaient deux hommes qui se disaient saints,
608
mais dont la vie était loin d'être irréprochable.
Jérémie réprouva leur conduite et les mit en garde
contre le danger qu'ils couraient. Irrités par ces
remontrances, ils cherchèrent à s'opposer à l'œuvre
du prophète en poussant le peuple à discréditer ses
paroles et à agir contrairement à ce que Dieu avait
conseillé au sujet de leur soumission au roi de
Babylone. Le Seigneur fit connaître par Jérémie
que ces faux prophètes seraient livrés entre les
mains de Nebucadnetsar et qu'ils seraient
massacrés sous ses yeux, ce qui arriva peu de
temps après.

A la fin des temps, on verra aussi des hommes


s'élever pour créer la confusion et la révolte parmi
ceux qui se disent représentants du vrai Dieu. Ces
prophètes de mensonge enseigneront aux autres à
considérer le péché à la légère, et lorsque les
résultats funestes de leurs mauvaises actions se
feront sentir, ils s'efforceront d'en rendre
responsable celui qui les en a fidèlement avertis,
tout comme les Juifs accusaient Jérémie du
mauvais destin qui leur était réservé. Mais aussi
sûrement que les paroles du Seigneur, prononcées
609
par son prophète, se trouvèrent jadis justifiées,
aussi sûrement la certitude de ses messages
s'affirmera de nos jours.

Jérémie avait toujours adopté une attitude


raisonnable en conseillant la soumission aux
Babyloniens, non seulement à Juda, mais aussi à
plusieurs nations voisines. Dans les premières
années du règne de Sédécias, des ambassadeurs des
rois d'Edom, de Moab, de Tyr et d'autres royaumes
vinrent trouver le roi de Juda pour lui demander s'il
jugeait le moment propice de participer ensemble à
une révolte contre le roi de Babylone. Mais alors
que ces ambassadeurs attendaient la réponse de
Sédécias, la parole de Dieu vint à Jérémie: « Fais-
toi des liens et des jougs, et mets-les sur ton cou.
Envoie-les au roi d'Edom, au roi de Moab, au roi
des enfants d'Ammon, au roi de Tyr et au roi de
Sidon, par les envoyés qui sont venus à Jérusalem
auprès de Sédécias, roi de Juda. »

Jérémie avait reçu l'ordre de faire connaître aux


ambassadeurs que Dieu les avait tous livrés entre
les mains de Nebucadnetsar, roi de Babylone, et
610
qu'ils lui seraient soumis, « à lui, à son fils, et au
fils de son fils, jusqu'à ce que le temps de son pays
arrive » (Jérémie 27:7).

De plus, les ambassadeurs devaient dire à leurs


monarques, que, s'ils refusaient de servir le roi de
Babylone, ils seraient châtiés, « par l'épée, par la
famine et par la peste », jusqu'à ce qu'ils soient
exterminés. Ils devaient surtout se détourner de
l'enseignement des faux prophètes qui leur
donnaient le conseil contraire. « N'écoutez pas vos
prophètes, déclarait le Seigneur, vos devins, vos
songeurs, vos astrologues, vos magiciens, qui vous
disent: Vous ne serez point asservis au roi de
Babylone! Car c'est le mensonge qu'ils vous
prophétisent, afin que vous soyez éloignés de votre
pays, afin que je vous chasse et que vous périssiez.
Mais la nation qui pliera son cou sous le joug du
roi de Babylone, et qui lui sera soumise, je la
laisserai dans son pays, dit l'Éternel, pour qu'elle le
cultive et qu'elle y demeure. » (Jérémie 27:8-11) Le
plus léger châtiment qu'un Dieu miséricordieux
pouvait infliger à un peuple rebelle consistait à se
soumettre au roi de Babylone. Mais si ce peuple se
611
révoltait contre cette servitude, il subirait toute la
rigueur du châtiment divin.

L'étonnement des nations, réunies en


assemblée, fut à son comble lorsque Jérémie,
chargé du joug de la servitude, leur fit connaître la
volonté divine. Le prophète lutta farouchement
contre une opposition organisée et en faveur d'une
politique de soumission. Parmi ceux qui osèrent
contredire le conseil de Dieu, il faut citer Hanania,
l'un des faux prophètes contre lesquels le peuple
avait été mis en garde. Croyant s'assurer la faveur
du roi et de la cour, il protesta en disant que Dieu
lui avait donné des paroles d'encouragement pour
les Israélites. « Ainsi parle l'Éternel des armées,
déclara-t-il, le Dieu d'Israël: Je brise le joug du roi
de Babylone! Encore deux années, et je fais revenir
dans ce lieu tous les ustensiles de la maison de
l'Éternel, que Nebucadnetsar, roi de Babylone, a
enlevés de ce lieu, et qu'il a emportés à Babylone.
Et je ferai revenir dans ce lieu, dit l'Éternel,
Jeconia, fils de Jojakim, roi de Juda, et tous les
captifs de Juda, qui sont allés à Babylone; car je
briserai le joug du roi de Babylone. » (Jérémie
612
28:2-4)

Jérémie supplia alors les prêtres et le peuple de


se soumettre au roi de Babylone pendant le temps
fixé par Dieu. Il pria les hommes de Juda de se
reporter aux paroles d'Osée, d'Habakuk, de
Sophonie, ainsi qu'à celles des autres prophètes
dont les messages de reproches et d'avertissements
étaient conformes aux siens. Il leur rappela les
événements qui s'étaient déroulés en accord avec
les prophéties relatives au châtiment des péchés
non confessés. Les jugements divins, dans le passé,
s'étaient abattus sur les pécheurs conformément à
ce qui avait été prédit par ses messagers.

« Si un prophète prophétise la paix, concluait


Jérémie, c'est par l'accomplissement de ce qu'il
prophétise qu'il sera reconnu comme véritablement
envoyé par l'Éternel. » (Jérémie 28:9) Si Israël
préférait se risquer dans une aventure, les
événements se chargeraient bientôt de montrer quel
était le vrai prophète. Les paroles de Jérémie qui
conseillaient la soumission poussèrent Hanania à
mettre en doute la véracité de ces déclarations.
613
S'emparant du joug symbolique, placé sur le cou de
Jérémie, il le brisa, en disant: « Ainsi parle
l'Éternel: C'est ainsi que, dans deux années, je
briserai de dessus le cou de toutes les nations le
joug de Nebucadnetsar, roi de Babylone. Et
Jérémie, le prophète, s'en alla. » (Jérémie 28:11) Il
ne pouvait, en effet, faire autrement que de se
retirer. Mais il reçut de Dieu un nouveau message:
« Va, et dis à Hanania: Ainsi parle l'Éternel: Tu as
brisé un joug de bois, et tu auras à sa place un joug
de fer. Car ainsi parle l'Éternel des armées, le Dieu
d'Israël: Je mets un joug de fer sur le cou de toutes
ces nations, pour qu'elles soient asservies à
Nebucadnetsar, roi de Babylone, et elles lui seront
asservies. ... Et Jérémie, le prophète, dit à Hanania,
le prophète: Ecoute, Hanania! L'Éternel ne t'a point
envoyé, tu inspires à ce peuple une fausse
confiance. C'est pourquoi ainsi parle l'Éternel:
Voici, je te chasse de la terre; tu mourras cette
année; car tes paroles sont une révolte contre
l'Éternel. Et Hanania, le prophète, mourut cette
année-là, dans le septième mois. » (Jérémie 28:13-
17)

614
Le faux prophète avait renforcé chez le peuple
son sentiment d'incrédulité à l'égard de Jérémie et
de son message. Il s'était déclaré avec arrogance
l'envoyé de Dieu; il fut en conséquence puni de
mort. Au cinquième mois de cette année, Jérémie
avait prophétisé la mort d'Hanania; le septième
mois sa prédiction s'accomplissait.

L'agitation causée par les déclarations des faux


prophètes fit soupçonner Sédécias de trahison; ce
ne fut que par une habile manœuvre de sa part qu'il
put continuer à régner en vassal. Cette occasion lui
fut offerte peu de temps après le retour de
Jérusalem des ambassadeurs auprès des nations
voisines, alors que le roi de Juda accompagnait
Seraja, « premier chambellan » (Jérémie 51:59).
Au cours de cette visite à la cour de Chaldée,
Sédécias renouvela son serment de fidélité à
Nebucadnetsar.

Le monarque babylonien avait été instruit par


Daniel et d'autres captifs hébreux du pouvoir et de
l'autorité souveraine du vrai Dieu. Aussi, lorsque
Sédécias lui promit à nouveau de lui rester fidèle, il
615
lui demanda de le jurer au nom du Dieu d'Israël. Si
Sédécias avait respecté ce serment, sa fidélité
aurait exercé une profonde influence sur l'esprit des
hommes qui observaient la conduite de ceux qui
prétendaient honorer le Dieu des Hébreux.

Mais le roi de Juda perdit de vue l'insigne


privilège qui lui était accordé de glorifier le nom du
vrai Dieu. L'Ecriture nous rapporte que Sédécias «
fit ce qui est mal aux yeux de l'Éternel, son Dieu; et
il ne s'humilia point devant Jérémie, le prophète,
qui lui parlait de la part de l'Éternel. Il se révolta
même contre le roi Nebucadnetsar, qui l'avait fait
jurer par le nom de Dieu, et il raidit son cou et
endurcit son cœur, au point de ne pas retourner à
l'Éternel, le Dieu d'Israël. » (2 Chroniques 36:12,
13)

Tandis que Jérémie continuait à rendre son


témoignage dans le royaume de Juda, le prophète
Ézéchiel surgissait parmi les captifs de Babylone
pour avertir et réconforter les malheureux exilés. Il
confirmait en même temps la parole de Dieu
prononcée par Jérémie. Au cours des dernières
616
années du règne de Sédécias, Ézéchiel insista sur la
folie dont faisaient preuve ceux qui ajoutaient foi
aux fausses prédictions entretenant dans le cœur
des captifs l'espoir d'un retour prochain à
Jérusalem. Ézéchiel fut aussi chargé de prédire, par
une multitude de symboles et de messages
solennels, le siège de Jérusalem et la destruction
totale de cette ville.

La sixième année du règne de Sédécias, Dieu


révéla dans une vision à Ézéchiel les abominations
qui se commettaient à Jérusalem aux portes du
temple et jusque dans le parvis. Des salles remplies
de statues et d'images d'idoles peintes sur les murs,
« toutes sortes de figures de reptiles et de bêtes
abominables, et toutes les idoles de la maison
d'Israël » (Ézéchiel 8:10) défilèrent rapidement
devant les yeux étonnés du prophète.

Ceux qui auraient dû être les conducteurs


spirituels du peuple, « les anciens de la maison
d'Israël », au nombre de soixante-dix, offraient de
l'encens à ces idoles. « L'Éternel ne nous voit pas »,
disaient les hommes de Juda, alors qu'ils se
617
livraient à leurs pratiques païennes. « L'Éternel a
abandonné le pays » (Ézéchiel 8:11, 12),
affirmaient-ils, le blasphème sur les lèvres.

Mais le prophète devait voir encore de « plus


grandes abominations ». « A l'entrée de la porte de
la maison de l'Éternel », il lui fut montré « des
femmes assises, qui pleuraient Thammuz », et « à
l'entrée du temple de l'Éternel, entre le portique et
l'autel, il y avait environ vingt-cinq hommes,
tournant le dos au temple de l'Éternel et le visage
vers l'orient; et ils se prosternaient à l'orient devant
le soleil » (Ézéchiel 8:13-16).

Alors le personnage glorieux qui accompagnait


Ézéchiel dans cette vision bouleversante lui
demanda: « Vois-tu, fils de l'homme? Est-ce trop
peu pour la maison de Juda de commettre les
abominations qu'ils commettent ici? Faut-il encore
qu'ils remplissent le pays de violence, et qu'ils ne
cessent de m'irriter? Voici, ils approchent le
rameau de leur nez. Moi aussi, j'agirai avec fureur;
mon œil sera sans pitié, et je n'aurai point de
miséricorde; quand ils crieront à voix haute à mes
618
oreilles, je ne les écouterai pas. » (Ézéchiel 8:17,
18)

Dieu avait déclaré par la bouche de Jérémie, au


sujet des méchants qui osaient parler au peuple en
son nom: « Prophètes et sacrificateurs sont
corrompus; même dans ma maison j'ai trouvé leur
méchanceté. » (Jérémie 23:11)

Dans la terrible accusation contre Juda, qui se


lit dans le récit final du chroniqueur du règne de
Sédécias, cette violation de la sainteté du temple
est répétée: « Tous les chefs des sacrificateurs et le
peuple, disait l'écrivain sacré, multiplièrent aussi
les transgressions, selon toutes les abominations
des nations; et ils profanèrent la maison de
l'Éternel, qu'il avait sanctifiée à Jérusalem. » (2
Chroniques 36:14)

Le jour du jugement approchait rapidement


pour Juda. Le peuple ne pouvait plus nourrir
l'espoir d'échapper à son triste sort. « Et vous, vous
resteriez impunis? » (Jérémie 25:29) demandait le
Seigneur. Mais ces paroles étaient accueillies avec
619
dérision. Ils disaient: « Les jours se prolongent, et
toutes les visions restent sans effet. » Cependant,
par la bouche d'Ézéchiel ce rejet de la parole
infaillible de la prophétie était sévèrement censuré:
« Dis-leur: Ainsi parle le Seigneur, l'Éternel: Je
ferai cesser ces discours moqueurs; on ne les
tiendra plus en Israël. Dis-leur, au contraire: Les
jours approchent, et toutes les visions
s'accompliront. Car il n'y aura plus de visions
vaines, ni d'oracles trompeurs, au milieu de la
maison d'Israël. Car moi, l'Éternel, je parlerai; ce
que je dirai s'accomplira, et ne sera plus différé;
oui, de vos jours, famille de rebelles, je
prononcerai une parole et je l'accomplirai, dit le
Seigneur, l'Éternel.

»La parole de l'Éternel, affirme encore


Ézéchiel, me fut adressée en ces mots: Fils de
l'homme, voici, la maison d'Israël dit: Les visions
qu'il a ne sont pas près de s'accomplir; il prophétise
pour des temps éloignés. C'est pourquoi dis-leur:
Ainsi parle le Seigneur, l'Éternel: Il n'y aura plus de
délai dans l'accomplissement de mes paroles; la
parole que je prononcerai s'accomplira, dit le
620
Seigneur, l'Éternel. » (Ézéchiel 12:21-28)

Sédécias fut le premier à entraîner le pays à sa


ruine. En se détournant des conseils que le
Seigneur lui avait donnés par ses prophètes, en
oubliant ce qu'il devait à Nebucadnetsar, en violant
le serment solennel qu'il avait fait au nom du
Seigneur, le roi de Juda s'était révolté contre les
prophètes, contre son bienfaiteur et contre Dieu.
Grisé par sa propre sagesse, il se tourna vers
l'ancien ennemi d'Israël pour lui demander son
appui; il envoya « ses messagers en Égypte, pour
qu'elle lui donnât des chevaux et un grand nombre
d'hommes ». « Réussira-t-il? demandait le Seigneur
au sujet de celui qui trahissait ainsi ses obligations
sacrées; échappera-t-il celui qui fait de telles
choses? Il a rompu l'alliance, et il échapperait! Je
suis vivant! dit le Seigneur, l'Éternel, c'est dans le
pays du roi qui l'a fait régner, envers qui il a violé
son serment et dont il a rompu l'alliance, c'est près
de lui, au milieu de Babylone, qu'il mourra.
Pharaon n'ira pas avec une grande armée et un
peuple nombreux le secourir pendant la guerre. ...
Il a méprisé le serment, il a rompu l'alliance; il
621
avait donné sa main, et il a fait tout cela; il
n'échappera pas! » (Ézéchiel 17:15-18)

Le jour du règlement des comptes était venu


pour le « profane, méchant prince d'Israël ». « La
tiare sera ôtée, déclarait Dieu, le diadème sera
enlevé. » Il ne sera pas permis à Juda d'avoir un
autre roi jusqu'à ce que le Christ lui-même vienne
établir son royaume. « J'en ferai une ruine, une
ruine, une ruine », tel était le décret divin au sujet
du trône de la maison de David. « Mais cela n'aura
lieu qu'à la venue de celui à qui appartient le
jugement et à qui je le remettrai. » (Ézéchiel 21:30-
32)

622
Chapitre 37

La déportation à Babylone

La neuvième année du règne de Sédécias, «


Nebucadnetsar, roi de Babylone, vint avec toute
son armée contre Jérusalem » pour en faire le siège
(2 Rois 25:1). La situation de Juda était désespérée.
« Voici, j'en veux à toi », déclarait Dieu par la
bouche d'Ézéchiel. « Moi, l'Éternel, j'ai tiré mon
épée de son fourreau. Elle n'y rentrera plus. ... Tous
les cœurs s'alarmeront, toutes les mains
deviendront faibles, tous les esprits seront abattus,
tous les genoux se fondront en eau. ... Je répandrai
sur toi ma colère, je soufflerai contre toi avec le feu
de ma fureur, et je te livrerai entre les mains
d'hommes qui dévorent, qui ne travaillent qu'à
détruire. » (Ézéchiel 21:8, 10-12, 36)

Les Egyptiens essayèrent de porter secours à la


ville assiégée. Mais les Chaldéens, pour les en
éloigner, se retirèrent momentanément de la
capitale judéenne, remplissant ainsi d'espoir

623
Sédécias qui envoya un messager à Jérémie pour
lui demander d'intercéder auprès de Dieu en faveur
de la nation. Le prophète répondit par de terribles
paroles: les Chaldéens reviendraient, et brûleraient
Jérusalem. Le sort avait été jeté: la nation
impénitente ne pouvait plus éviter les jugements
divins: « Ne vous faites pas illusion, dit le Seigneur
à son peuple, en disant: les Chaldéens s'en iront
loin de nous! car ils ne s'en iront pas.

»Et même quand vous battriez toute l'armée


des Chaldéens qui vous font la guerre, quand il ne
resterait d'eux que des hommes blessés, ils se
relèveraient chacun dans sa tente, et brûleraient
cette ville par le feu. » (Jérémie 37:9, 10) Juda
devait aller en captivité pour comprendre par
l'adversité les leçons qu'il avait refusé d'apprendre
dans des circonstances plus favorables. Il n'était
accordé aucun sursis au décret du Gardien
suprême.

Parmi les justes qui se trouvaient encore à


Jérusalem et qui connaissaient les desseins de
Dieu, quelques-uns étaient déterminés à placer hors
624
d'atteinte des mains impitoyables de l'ennemi
l'arche sainte contenant les tables de pierre sur
lesquelles étaient gravés les préceptes du
Décalogue. Ils réussirent à mettre leur projet à
exécution. Tristes, versant des larmes, ils
enlevèrent secrètement l'arche et la cachèrent dans
une grotte. Elle devait rester là, dans cet endroit
ignoré du peuple d'Israël et de Juda, à cause de
leurs péchés; et elle ne leur serait plus jamais
restituée. Cette arche sainte est toujours cachée;
elle n'a jamais été déplacée depuis lors.

Pendant de nombreuses années, Jérémie s'était


dressé devant le peuple comme le témoin fidèle du
Seigneur. Or, maintenant que la malheureuse ville
allait tomber aux mains des païens, il considérait
son œuvre comme achevée, et il voulait
l'abandonner. Mais il en fut empêché par le fils
d'un faux prophète, qui fit courir le bruit qu'il se
joindrait aux Babyloniens auxquels, d'après ses
nombreuses exhortations, les hommes de Juda
devaient se soumettre. Jérémie démentit cette
accusation mensongère, ce qui n'empêcha pas les
chefs d'être irrités contre lui; ils le « frappèrent, et
625
le mirent en prison » (Jérémie 37:15).

L'espoir que nourrissaient les princes et le


peuple de Juda au moment où les armées de
Nebucadnetsar se dirigeaient vers le sud pour
rencontrer les Egyptiens s'évanouit rapidement.
Dieu avait dit: « Voici, j'en veux à toi, Pharaon, roi
d'Égypte. » La puissance égyptienne n'était qu'un
roseau brisé. « Tous les habitants de l'Égypte
sauront que je suis l'Éternel, déclarait la Parole
inspirée, parce qu'ils ont été un soutien de roseau
pour la maison d'Israël. ... Je fortifierai les bras du
roi de Babylone, et les bras de Pharaon tomberont.
Et ils sauront que je suis l'Éternel, quand je mettrai
mon épée dans la main du roi de Babylone, et qu'il
la tournera contre le pays d'Égypte. » (Ézéchiel
29:3, 6; 30:25, 26)

Tandis que les princes de Juda attendaient


vainement l'aide de l'Égypte, le roi Sédécias,
rempli de sombres présages, pensait au prophète de
Dieu, jeté en prison. Au bout d'un certain temps, il
l'envoya chercher, et l'interrogea secrètement: « Y
a-t-il une parole de la part de l'Éternel? » lui
626
demanda-t-il. « Jérémie répondit: Oui. Et il ajouta:
Tu seras livré entre les mains du roi de Babylone.
Jérémie dit encore au roi Sédécias: En quoi ai-je
péché contre toi, contre tes serviteurs, et contre ce
peuple, pour que vous m'ayez mis en prison? Et où
sont vos prophètes qui vous prophétisaient, en
disant: Le roi de Babylone ne viendra pas contre
vous, ni contre ce pays? Maintenant, écoute, je te
prie, ô roi, mon seigneur, et que mes supplications
soient favorablement reçues devant toi! Ne me
renvoie pas dans la maison de Jonathan, le
secrétaire, de peur que je n'y meure! » (Jérémie
37:17-20) Alors « le roi Sédécias ordonna qu'on
gardât Jérémie dans la cour de la prison, et qu'on
lui donnât chaque jour un pain de la rue des
boulangers, jusqu'à ce que tout le pain de la ville
fût consommé. Ainsi Jérémie demeura dans la cour
de la prison. » (Jérémie 37:21)

Le roi n'osait pas manifester ouvertement sa


confiance en Jérémie. Sa crainte le poussait à
interroger secrètement le prophète, mais il était
trop faible pour braver la critique de ses serviteurs
et du peuple, et se soumettre à la volonté divine,
627
révélée par le prophète.

De la cour de la prison, Jérémie continuait à


conseiller la soumission au roi de Babylone.
Résister aurait été courir à une mort certaine. Voici
le message que Dieu fit parvenir à Juda: « Celui
qui restera dans cette ville mourra par l'épée, par la
famine ou par la peste; mais celui qui sortira pour
se rendre aux Chaldéens aura la vie sauve, sa vie
sera son butin, et il vivra. » Ces paroles étaient
claires et décisives. Le prophète déclarait avec
assurance, au nom de Dieu: « Cette ville sera livrée
à l'armée de Babylone, qui la prendra. » (Jérémie
38:2, 3)

Irrités, finalement, par les conseils réitérés de


Jérémie, contraires à leur politique résolue de
résistance, les chefs adressèrent une protestation au
roi. Ils insistèrent sur le fait que le prophète était un
ennemi du pays, que ses paroles avaient affaibli les
mains du peuple et attiré sur eux le malheur. En
conséquence, il fallait le mettre à mort.

Le roi pusillanime savait que ces accusations


628
étaient fausses. Mais pour apaiser ceux qui
occupaient des situations en vue dans le royaume,
il feignit de croire à leurs mensonges, et il livra
Jérémie entre leurs mains pour qu'ils en disposent
selon leur volonté. Le prophète fut donc jeté « dans
la citerne de Malkija, fils du roi, laquelle se
trouvait dans la cour de la prison; ils descendirent
Jérémie avec des cordes. Il n'y avait point d'eau
dans la citerne, mais il y avait de la boue; et
Jérémie enfonça dans la boue. » (Jérémie 38:6)
Alors Dieu lui suscita des amis, qui supplièrent le
roi d'agir en sa faveur, et ils le ramenèrent dans la
cour de la prison.

Le roi fit à nouveau chercher le prophète en


secret, et lui ordonna de lui dire sincèrement quel
était le dessein de Dieu envers Jérusalem. Jérémie
répondit en posant cette question: « Si je te le dis,
ne me feras-tu pas mourir? Et si je te donne un
conseil, tu ne m'écouteras pas. Le roi jura
secrètement à Jérémie, en disant: ... Je ne te ferai
pas mourir, et je ne te livrerai pas entre les mains
de ces hommes qui en veulent à ta vie. » (Jérémie
38:15, 16)
629
Le roi avait donc encore une occasion de tenir
compte des avertissements du ciel et d'atténuer
ainsi les châtiments qui allaient s'abattre sur
Jérusalem et sur la nation. « Si tu vas te rendre aux
chefs du roi de Babylone, dit le prophète, tu auras
la vie sauve, et cette ville ne sera pas brûlée par le
feu; tu vivras, toi et ta maison. Mais si tu ne te
rends pas aux chefs du roi de Babylone, cette ville
sera livrée entre les mains des Chaldéens, qui la
brûleront par le feu; et toi, tu n'échapperas pas à
leurs mains. ... Je crains les Juifs qui ont passé aux
Chaldéens, dit Sédécias à Jérémie; je crains qu'on
ne me livre entre leurs mains, et qu'ils ne
m'outragent. Jérémie répondit: On ne te livrera pas.
» Et il ajouta en suppliant le roi: « Ecoute la voix
de l'Éternel dans ce que je te dis; tu t'en trouveras
bien, et tu auras la vie sauve. » (Jérémie 38:17-20)

C'est ainsi que, jusqu'au dernier moment, Dieu


faisait nettement connaître son désir de manifester
sa miséricorde envers ceux qui se soumettraient à
sa volonté. Si le roi avait obéi au Seigneur, la vie
de ses sujets aurait été épargnée, et la ville aurait
630
évité la catastrophe. Mais il pensa qu'il était allé
trop loin pour revenir en arrière; il eut peur des
Juifs, peur du ridicule, peur pour sa vie. Après
avoir vécu des années en révolte contre Dieu, il
trouvait que c'était trop humiliant pour lui de dire
au peuple: « J'accepte la parole du Seigneur, telle
que l'a prononcée Jérémie. Je n'ose m'aventurer
dans une guerre contre l'ennemi devant tous ses
avertissements. »

Le prophète supplia Sédécias avec larmes de se


sauver lui-même et de sauver son peuple. Plein
d'angoisse, il lui assura que, s'il ne tenait pas
compte des conseils divins, il perdrait la vie et tous
ses biens tomberaient entre les mains des
Babyloniens. Mais le roi, engagé sur une mauvaise
voie, ne voulut pas revenir en arrière; il décida de
suivre le conseil des faux prophètes et celui des
hommes pour lesquels il n'avait en réalité que du
mépris, qui ridiculisaient sa faiblesse et le faisaient
céder si facilement à leurs désirs. Il sacrifia sa
liberté pour devenir l'esclave de l'opinion publique.
Indécis en présence du mal, Sédécias n'avait pas le
courage de lutter pour le bien. Convaincu de la
631
valeur des paroles de Jérémie, il manquait d'énergie
pour s'y conformer; et, en conséquence, il
s'engagea résolument dans une fausse direction.

Le roi avait une si grande crainte des hommes


qu'il n'osait même pas dire à ses courtisans et à son
peuple qu'il avait eu un entretien avec Jérémie. S'il
avait déclaré nettement qu'il croyait aux paroles du
prophète, déjà à moitié accomplies, que de
catastrophes auraient pu être évitées! S'il avait dit:
« J'obéirai au Seigneur, et j'épargnerai ainsi à
Jérusalem une ruine totale; je ne veux pas mépriser
les ordres de Dieu par crainte des hommes ou pour
me ménager leur faveur; j'aime la vérité, j'ai
horreur du péché, je suivrai les conseils du Tout-
Puissant », alors on aurait respecté le courage du
roi, et ceux qui hésitaient entre la foi et l'incrédulité
se seraient rangés du côté du bien. Cette attitude
courageuse et impartiale aurait suscité chez ses
sujets l'admiration et la loyauté. Le roi aurait eu
ainsi un puissant appui, et Juda n'aurait pas connu
les fléaux dévastateurs du carnage, de la famine et
de l'incendie.

632
La faiblesse de Sédécias était un péché dont il
porta durement la peine. L'ennemi s'abattit comme
une avalanche irrésistible et dévasta la ville. Les
armées juives furent mises en déroute; le pays,
conquis. Le roi fut fait prisonnier et ses fils égorgés
sous ses yeux. Il fut emmené en captivité, on lui
creva les yeux et, arrivé à Babylone, il périt
misérablement. Le temple admirable, qui
couronnait le sommet de la montagne de Sion
depuis plus de quatre siècles, ne fut pas épargné
par les Chaldéens. « Ils brûlèrent la maison de
Dieu; ils démolirent les murailles de Jérusalem; ils
livrèrent au feu tous ses palais et détruisirent tous
les objets précieux. » (2 Chroniques 36:19)

Lorsque Nebucadnetsar détruisit Jérusalem, un


grand nombre d'Israélites, qui avaient échappé aux
horreurs d'un long siège, furent tués par l'épée.
Parmi ceux qui survécurent, en particulier le chef
des prêtres et les princes du royaume, quelques-uns
furent emmenés à Babylone où on les exécuta
comme traîtres. D'autres furent déportés et
assujettis à Nebucadnetsar et à ses fils « jusqu'à la
domination du royaume de Perse, afin que
633
s'accomplît la parole de l'Éternel prononcée par la
bouche de Jérémie » (2 Chroniques 36:20, 21).

L'Ecriture nous dit, en parlant de Jérémie: «


Nebucadnetsar, roi de Babylone, avait donné cet
ordre au sujet de Jérémie par Nebuzaradan, chef
des gardes: Prends-le, et veille sur lui; ne lui fais
aucun mal, mais agis à son égard comme il te dira.
» (Jérémie 39:11, 12) Relâché de prison par les
officiers babyloniens, le prophète voulut rester
avec les faibles restes de Juda, « certains pauvres
du pays », laissés par les Chaldéens pour cultiver le
sol. Les Babyloniens nommèrent Guedalia
gouverneur de ces restes. Mais il fut traîtreusement
massacré quelques mois plus tard. Ces miséreux,
après avoir subi de douloureuses épreuves, furent
finalement persuadés par leurs chefs de se réfugier
en Égypte. Jérémie protesta contre ce départ. «
N'allez pas en Égypte », leur dit-il. Mais on ne tint
aucun compte de ce conseil inspiré, et « tous les
restes de Juda ... les hommes, les femmes et les
enfants » s'enfuirent en Égypte. « Ils n'obéirent pas
à la voix de l'Éternel, et ils arrivèrent à Tachpanès.
» (Jérémie 43:5-7)
634
Les prophéties de Jérémie, relatives au
jugement et adressées aux restes qui s'étaient
révoltés contre Nebucadnetsar, en s'enfuyant en
Égypte, contenaient aussi des promesses de pardon
pour tous ceux qui se repentiraient de leur folie et
seraient disposés à revenir dans leur pays. Dieu
n'épargnerait pas ceux qui se détournaient de son
conseil et subiraient l'influence corruptrice de
l'idolâtrie égyptienne, mais il se montrerait
miséricordieux envers ceux qui feraient preuve de
fidélité à son égard. « Ceux, en petit nombre, qui
échapperont à l'épée retourneront du pays d'Égypte
au pays de Juda, disait-il. Mais tout le reste de
Juda, tous ceux qui sont venus au pays d'Égypte
pour y demeurer sauront si ce sera ma parole ou la
leur qui s'accomplira. » (Jérémie 44:28)

La tristesse du prophète provenant de la grande


perversité de ceux qui auraient dû être la lumière
spirituelle du monde, sa douleur concernant le sort
de Sion et du peuple déporté à Babylone, tout cela
se révèle dans les lamentations qu'il a laissées
comme un mémorial de la folie qui consiste à se
635
détourner des conseils de Dieu pour suivre la
sagesse des hommes. Au milieu des ruines
accumulées, Jérémie pouvait encore déclarer: « Les
bontés de l'Éternel ne sont pas épuisées. » Sa prière
constante était: « Recherchons nos voies et les
sondons, et retournons à l'Éternel. » (Lamentations
de Jérémie 3:22, 40) Alors que Juda était encore un
royaume parmi les nations, le prophète avait
demandé à Dieu: « As-tu donc rejeté Juda, et ton
âme a-t-elle pris Sion en horreur? » Il avait poussé
l'audace jusqu'à dire: « A cause de ton nom, ne
méprise pas. » (Jérémie 14:19, 21) La foi absolue
du prophète dans les desseins éternels de Dieu —
desseins qui devaient apporter l'ordre dans la
confusion et rendre témoignage devant les nations
et tout l'univers des attributs divins de justice et
d'amour — l'amenait maintenant à prier avec
confiance en faveur de ceux qui auraient pu se
détourner du mal. Mais Sion était totalement
détruite; le peuple de Dieu était en captivité.
Accablé par le désespoir, le prophète s'écriait: « Eh
quoi! elle est assise solitaire, cette ville si peuplée!
Elle est semblable à une veuve! Grande entre les
nations, souveraine parmi les Etats, elle est réduite
636
à la servitude! Elle pleure durant la nuit, et ses
joues sont couvertes de larmes; de tous ceux qui
l'aimaient nul ne la console; tous ses amis lui sont
devenus infidèles; ils sont devenus ses ennemis.

»Juda est en exil, victime de l'oppression et


d'une grande servitude; il habite au milieu des
nations, et n'y trouve point de repos; tous ses
persécuteurs l'ont surpris dans l'angoisse. Les
chemins de Sion sont dans le deuil, car on ne va
plus aux fêtes; toutes ses portes sont désertes, ses
sacrificateurs gémissent, ses vierges sont affligées,
et elle est remplie d'amertume. Ses oppresseurs
triomphent, ses ennemis sont en paix; car l'Éternel
l'a humiliée, à cause de la multitude de ses péchés;
ses enfants ont marché captifs devant l'oppresseur.
...

»Eh quoi! le Seigneur, dans sa colère, a


couvert de nuages la fille de Sion! Il a précipité du
ciel sur la terre la magnificence d'Israël! Il ne s'est
pas souvenu de son marchepied, au jour de sa
colère! Le Seigneur a détruit sans pitié toutes les
demeures de Jacob; il a, dans sa fureur, renversé les
637
forteresses de la fille de Juda, il les a fait rouler à
terre; il a profané le royaume et ses chefs. Il a, dans
son ardente colère, abattu toute la force d'Israël; il a
retiré sa droite en présence de l'ennemi; il a allumé
dans Jacob des flammes de feu, qui dévorent de
tous côtés. Il a tendu son arc comme un ennemi; sa
droite s'est dressée comme celle d'un assaillant; il a
fait périr tout ce qui plaisait aux regards; il a
répandu sa fureur comme un feu sur la tente de la
fille de Sion. ...

»Que dois-je te dire? A quoi te comparer, fille


de Jérusalem? Qui trouver de semblable à toi, et
quelle consolation te donner, vierge, fille de Sion?
Car ta plaie est grande comme la mer: qui pourra te
guérir? ...

»Souviens-toi, Éternel, de ce qui nous est


arrivé! Regarde, vois notre opprobre! Notre
héritage a passé à des étrangers, nos maisons à des
inconnus. Nous sommes orphelins, sans père; nos
mères sont comme des veuves. ... Nos pères ont
péché, ils ne sont plus, et c'est nous qui portons la
peine de leurs iniquités. Des esclaves dominent sur
638
nous, et personne ne nous délivre de leurs mains. ...
Notre cœur est souffrant, nos yeux sont obscurcis.
...

»Toi, Éternel, tu règnes à jamais; ton trône


subsiste de génération en génération. Pourquoi
nous oublierais-tu pour toujours, nous
abandonnerais-tu pour de longues années? Fais-
nous revenir vers toi, ô Éternel, et nous
reviendrons! Donne-nous encore des jours comme
ceux d'autrefois! » (Lamentations de Jérémie 1:1-5;
2:1-4, 13; 5:1-3, 7, 8, 17, 19-21)

639
Chapitre 38

Lumière dans les ténèbres

Les sombres années qui caractérisèrent la fin du


royaume de Juda auraient apporté le désespoir au
cœur le plus affermi, si les paroles prophétiques
des messagers de Dieu n'avaient été pleines
d'encouragement. Par Jérémie à Jérusalem, Daniel
à la cour de Babylone, Ezéchiel sur les rives du
Kebar, le Seigneur, dans sa miséricorde, avait fait
connaître clairement son dessein éternel, et il avait
donné l'assurance qu'il accomplirait à l'égard de
son peuple les promesses mentionnées dans les
écrits de Moïse. Ce qu'il avait promis à ceux qui lui
seraient fidèles, il le ferait sûrement. La parole de
Dieu est « vivante et permanente » (1 Pierre 1:23).

Lorsque son peuple errait dans le désert, Dieu


avait tout fait pour qu'il se souvînt des paroles de sa
loi. Après l'établissement des Israélites en Canaan,
les préceptes divins devaient être répétés chaque
jour et dans chaque foyer. Il fallait les écrire « sur

640
les poteaux de sa maison et sur les portes », ainsi
que sur des tablettes, les mettre en musique et les
faire chanter par les jeunes et par les vieux. Il était
recommandé aux prêtres de les enseigner aux
assemblées, et les chefs du pays devaient les
étudier chaque jour. « Méditez-le jour et nuit, avait
ordonné le Seigneur à Josué, en parlant du livre de
la loi, pour agir fidèlement selon tout ce qui y est
écrit; car c'est alors que tu auras du succès dans tes
entreprises, c'est alors que tu réussiras. » (Josué
1:8)

Josué fit connaître les écrits de Moïse à tout le


peuple d'Israël. « Il n'y eut rien de tout ce que
Moïse avait prescrit, que Josué ne lût en présence
de toute l'assemblée d'Israël, des femmes et des
enfants, et des étrangers qui marchaient au milieu
d'eux. » (Josué 8:35) Ceci était en harmonie avec
l'ordre formel que Dieu avait donné au sujet de la
lecture du livre de la loi, qui devait se faire tous les
sept ans, à la fête des tabernacles. « Tu
rassembleras le peuple, les hommes, les femmes,
les enfants, et l'étranger qui sera dans tes portes,
était-il ordonné aux conducteurs spirituels d'Israël,
641
afin qu'ils t'entendent, et afin qu'ils apprennent à
craindre l'Éternel, votre Dieu, à observer et à
mettre en pratique toutes les paroles de cette loi. Et
leurs enfants qui ne la connaîtront pas l'entendront,
et ils apprendront à craindre l'Éternel, votre Dieu,
tout le temps que vous vivrez dans le pays dont
vous prendrez possession, après avoir passé le
Jourdain. » (Deutéronome 31:12, 13)

Combien différente eût été l'histoire d'Israël si


cet ordre avait été observé au cours des années qui
suivirent! Ce n'est qu'en révérant la Parole de Dieu
que les Israélites pouvaient s'attendre à voir
s'accomplir le plan divin. C'est la vénération de la
loi qui donna de la force à Israël sous le règne de
David et pendant les premières années de celui de
Salomon. C'est par la foi en la Parole de Dieu
qu'une réforme fut opérée à l'époque d'Elie et de
Josias. Et c'est à cette même Parole de vérité,
précieux héritage d'Israël, que s'en référait Jérémie
dans son désir d'arriver à une réforme. Partout où il
exerçait son ministère, il suppliait le peuple en ces
termes: « Ecoutez les paroles de cette alliance »
(Jérémie 11:2), — paroles qui devaient leur
642
apporter une totale compréhension du plan divin
destiné à faire connaître à toutes les nations la
vérité salvatrice.

Au cours des dernières années de l'apostasie de


Juda, les exhortations des prophètes semblaient
avoir bien peu d'efficacité, et alors que les armées
des Chaldéens faisaient pour la troisième et
dernière fois le siège de Jérusalem, tout espoir
s'était évanoui. Jérémie prédisait la ruine totale de
la ville sainte, et c'est parce qu'il insistait sur la
capitulation qu'il avait été jeté en prison. Mais Dieu
n'abandonna pas à un découragement sans espoir le
fidèle reste qui se trouvait encore dans la ville.
Alors même que Jérémie était gardé sous une
étroite surveillance par ceux qui se moquaient de
ses messages, de nouvelles révélations lui
parvinrent concernant le désir de Dieu de
pardonner et de sauver. Ces révélations ont été
pour les croyants de tous les âges une source de
consolation. S'appuyant fortement sur les
promesses de Dieu, Jérémie illustra par une
parabole, devant les habitants de la ville éprouvée,
sa foi inébranlable dans l'accomplissement final
643
des desseins du Seigneur en faveur de son peuple.
En présence de témoins, et en observant avec soin
toutes les formes légales nécessaires, il acheta pour
dix-sept sicles d'argent un champ appartenant à ses
ancêtres, situé dans le voisinage du village
d'Anathoth.

A vues humaines, l'acquisition de ce terrain en


pays déjà sous contrôle babylonien semblait être
une folie. Le prophète avait lui-même prédit la
destruction de Jérusalem, la désolation de Juda et la
ruine totale du royaume. Il avait prophétisé une
longue période d'exil à Babylone. Déjà avancé en
âge, il ne pouvait espérer recevoir un bénéfice
personnel de cette acquisition. Cependant, l'étude
des prophéties de l'Ecriture avait fait naître dans
son cœur la ferme conviction que Dieu allait rendre
aux captifs leurs anciennes possessions de la terre
promise. Avec l'œil de la foi, le prophète vit les
exilés revenir à la fin des années de leurs
tribulations occuper à nouveau le pays de leurs
pères. En achetant le champ d'Anathoth, il faisait
tout ce qu'il pouvait pour susciter chez autrui
l'espoir qui réconfortait son cœur.
644
Lorsqu'il eut signé l'acte d'acquisition et fait
signer les témoins, Jérémie donna cet ordre à
Baruc, son secrétaire: « Prends ces écrits, ce
contrat d'acquisition, celui qui est cacheté et celui
qui est ouvert, et mets-les dans un vase de terre,
afin qu'ils se conservent longtemps. Car ainsi parle
l'Éternel des armées, le Dieu d'Israël: On achètera
encore des maisons, des champs et des vignes, dans
ce pays. » (Jérémie 32:14, 15)

La situation pour Juda était si désespérée à


l'époque de cette transaction extraordinaire que
lorsque le prophète eut mis au point les détails de
l'achat et fait les arrangements pour la conservation
des documents, sa foi, jusqu'ici inébranlable, fut
sérieusement éprouvée. Avait-il, dans son désir
d'encourager Juda, commis un acte présomptueux?
Avait-il donné lieu à de faux espoirs, en voulant
inspirer la confiance dans les promesses divines?
Ceux qui avaient contracté alliance avec Dieu
avaient, depuis bien longtemps, tourné en ridicule
les assurances données. Les promesses destinées au
peuple élu se réaliseraient-elles jamais totalement?
645
En proie au plus profond désarroi, accablé de
tristesse en songeant aux souffrances de ceux qui
avaient refusé de se repentir de leurs péchés, le
prophète invoqua Dieu, afin d'être éclairé sur ses
intentions envers l'humanité. « Ah! Seigneur
Éternel, s'écria-t-il, voici, tu as fait les cieux et la
terre par ta grande puissance et par ton bras étendu:
rien n'est étonnant de ta part. Tu fais miséricorde
jusqu'à la millième génération, et tu punis l'iniquité
des pères dans le sein de leurs enfants après eux.
Tu es le Dieu grand, le puissant, dont le nom est
l'Éternel des armées. Tu es grand en conseil et
puissant en action; tu as les yeux ouverts sur toutes
les voies des enfants des hommes, pour rendre à
chacun selon ses voies, selon le fruit de ses œuvres.
Tu as fait des miracles et des prodiges dans le pays
d'Égypte jusqu'à ce jour, et en Israël et parmi les
hommes, et tu t'es fait un nom comme il l'est
aujourd'hui. Tu as fait sortir du pays d'Égypte ton
peuple d'Israël, avec des miracles et des prodiges, à
main forte et à bras étendu, et avec une grande
terreur. Tu leur as donné ce pays, que tu avais juré
à leurs pères de leur donner, pays où coulent le lait
646
et le miel. Ils sont venus, et ils en ont pris
possession. Mais ils n'ont point obéi à ta voix, ils
n'ont point observé ta loi, ils n'ont pas fait tout ce
que tu leur avais ordonné de faire. Et c'est alors que
tu as fait fondre sur eux tous ces malheurs! »
(Jérémie 32:17-23)

Les armées de Nebucadnetsar étaient sur le


point de faire l'assaut des murailles de Sion. Des
milliers d'Israélites périssaient dans un effort
désespéré pour défendre la ville. Des milliers
d'autres mouraient de faim ou de maladie. Le sort
de Jérusalem était déjà décidé. Les tours d'assaut
de l'ennemi s'élevaient au-dessus des murailles. «
Voici, ajoutait le prophète dans sa prière, les
terrasses s'élèvent contre la ville et la menacent; la
ville sera livrée entre les mains des Chaldéens qui
l'attaquent, vaincue par l'épée, par la famine et par
la peste. Ce que tu as dit est arrivé, et tu le vois.
Néanmoins, Seigneur Éternel, tu m'as dit: Achète
un champ pour de l'argent, prends des témoins. ...
Et la ville est livrée entre les mains des Chaldéens!
» (Jérémie 32:24, 25)

647
Dieu exauça la prière du prophète. A cette
heure troublée, alors que la foi du messager du
Seigneur était soumise à une rude épreuve, « la
parole de l'Éternel lui fut adressée en ces mots:
Voici, je suis l'Éternel, le Dieu de toute chair. Y a-
t-il rien qui soit étonnant de ma part? » (Jérémie
32:26, 27) La ville allait bientôt capituler; ses
portes et ses palais être incendiés. Mais bien que
cette destruction ait été imminente, et les Israélites
sur le point d'être déportés, le dessein de Dieu en
leur faveur restait à accomplir. Pour encourager
ceux qui allaient subir le châtiment, le Seigneur
répondit à la prière de son serviteur: « Voici, je les
rassemblerai de tous les pays où je les ai chassés,
dans ma colère, dans ma fureur, et dans ma grande
irritation; je les ramènerai dans ce lieu, et je les y
ferai habiter en sûreté. Ils seront mon peuple, et je
serai leur Dieu. Je leur donnerai un même cœur et
une même voie, afin qu'ils me craignent toujours,
pour leur bonheur et celui de leurs enfants après
eux. Je traiterai avec eux une alliance éternelle, je
ne me détournerai plus d'eux, je leur ferai du bien,
et je mettrai ma crainte dans leur cœur, afin qu'ils
ne s'éloignent pas de moi. Je prendrai plaisir à leur
648
faire du bien, et je les planterai véritablement dans
ce pays, de tout mon cœur et de toute mon âme.
Car ainsi parle l'Éternel: De même que j'ai fait
venir sur ce peuple tous ces grands malheurs, de
même je ferai venir sur eux tout le bien que je leur
promets. On achètera des champs dans ce pays
dont vous dites: C'est un désert, sans hommes ni
bêtes, il est livré entre les mains des Chaldéens. On
achètera des champs pour de l'argent, on écrira des
contrats, on les cachètera, on prendra des témoins,
dans le pays de Benjamin et aux environs de
Jérusalem, dans les villes de Juda, dans les villes de
la montagne, dans les villes de la plaine et dans les
villes du midi; car je ramènerai leurs captifs, dit
l'Éternel. » (Jérémie 32:37-44)

Pour confirmer ces promesses rassurantes, « la


parole de l'Éternel fut adressée à Jérémie une
seconde fois, en ces mots, pendant qu'il était encore
enfermé dans la cour de la prison: Ainsi parle
l'Éternel, qui fait ces choses, l'Éternel, qui les
conçoit et les exécute, lui, dont le nom est l'Éternel:
Invoque-moi, et je te répondrai; je t'annoncerai de
grandes choses, des choses cachées que tu ne
649
connais pas. Car ainsi parle l'Éternel, le Dieu
d'Israël, sur les maisons de cette ville et sur les
maisons des rois de Juda, qui seront abattues par
les terrasses et par l'épée, quand on avancera pour
combattre les Chaldéens. ... Voici, je lui donnerai
la guérison et la santé, je les guérirai, et je leur
ouvrirai une source abondante de paix et de
fidélité. Je ramènerai les captifs de Juda et les
captifs d'Israël, et je les rétablirai comme autrefois.
Je les purifierai de toutes les iniquités qu'ils ont
commises contre moi, je leur pardonnerai toutes les
iniquités par lesquelles ils m'ont offensé. ... Cette
ville sera pour moi un sujet de joie, de louange et
de gloire, parmi toutes les nations de la terre, qui
apprendront tout le bien que je leur ferai; elles
seront étonnées et émues de tout le bonheur et de
toute la prospérité que je leur accorderai.

»Ainsi parle l'Éternel: On entendra encore


dans ce lieu dont vous dites: Il est désert, il n'y a
plus d'hommes, plus de bêtes; on entendra dans les
villes de Juda et dans les rues de Jérusalem ... les
cris de réjouissance et les cris d'allégresse, les
chants du fiancé et les chants de la fiancée, la voix
650
de ceux qui disent: Louez l'Éternel des armées, car
l'Éternel est bon, car sa miséricorde dure à
toujours! La voix de ceux qui offrent des sacrifices
d'actions de grâces dans la maison de l'Éternel. Car
je ramènerai les captifs du pays, je les rétablirai
comme autrefois, dit l'Éternel.

»Ainsi parle l'Éternel des armées: Il y aura


encore dans ce lieu qui est désert, sans hommes ni
bêtes, et dans toutes ses villes, il y aura des
demeures pour les bergers faisant reposer leurs
troupeaux. Dans les villes de la montagne, dans les
villes de la plaine, dans les villes du midi, dans le
pays de Benjamin et aux environs de Jérusalem, et
dans les villes de Juda, les brebis passeront encore
sous la main de celui qui les compte, dit l'Éternel.

»Voici, les jours viennent, dit l'Éternel, où


j'accomplirai la bonne parole que j'ai dite sur la
maison d'Israël et sur la maison de Juda. » (Jérémie
33:1-14)

Ainsi le peuple de Dieu était-il réconforté aux


heures les plus sombres de son combat avec les
651
forces du mal. Il semblait que Satan avait réussi à
triompher dans sa tentative d'anéantir Israël. Mais
Dieu dirigeait les événements et, au cours des
années qui suivirent, son peuple devait trouver
l'occasion de racheter le passé. Voici le message
qui lui était adressé:

« Et toi, mon serviteur Jacob, ne crains pas, dit


l'Éternel; ne t'effraie pas, Israël! Car je te délivrerai
de la terre lointaine, je délivrerai ta postérité du
pays où elle est captive; Jacob reviendra, il jouira
du repos et de la tranquillité, et il n'y aura personne
pour le troubler. Car je suis avec toi, dit l'Éternel,
pour te délivrer. ... Je te guérirai, je panserai tes
plaies. » (Jérémie 30:10, 11, 17)

Aux jours heureux de la restauration, les dix


tribus séparées devaient être réunies avec Juda pour
former un seul peuple. Dieu serait reconnu comme
le roi de « toutes les familles d'Israël ». « Ils seront
mon peuple, déclarait-il. ... Poussez des cris de joie
sur Jacob, éclatez d'allégresse à la tête des nations!
Elevez vos voix, chantez des louanges et dites:
Éternel, délivre ton peuple, le reste d'Israël! Voici,
652
je les ramène du pays du septentrion, je les
rassemble des extrémités de la terre; parmi eux
sont l'aveugle et le boiteux. ... Ils viennent en
pleurant, et je les conduis au milieu de leurs
supplications; je les mène vers des torrents d'eau,
par un chemin où ils ne chancellent pas; car je suis
un père pour Israël, et Ephraïm est mon premier-
né. » (Jérémie 31:1, 7-9)

Humiliés aux yeux des païens, ceux qui


autrefois avaient été, parmi tous les peuples de la
terre, favorisés du ciel, devaient apprendre en exil
l'obéissance si nécessaire à leur bonheur futur.
Aussi longtemps qu'ils ne l'auraient pas compris,
Dieu ne pouvait accomplir pour eux ce qu'il
désirait. « Je te châtierai avec équité, déclarait-il, je
ne puis pas te laisser impuni. » (Jérémie 30:11)
Mais ce châtiment avait pour but le bien spirituel
des Israélites. Ceux qui étaient l'objet de son tendre
amour ne seraient pas rejetés à toujours. Devant
toutes les nations du monde, il démontrerait, selon
ses desseins, que la victoire est cachée dans la
défaite apparente et qu'il désire sauver plutôt que
perdre.
653
Voici le message qui fut donné au prophète:

« Celui qui a dispersé Israël le rassemblera, et il


le gardera comme le berger garde son troupeau.
Car l'Éternel rachète Jacob, il le délivre de la main
d'un plus fort que lui. Ils viendront, et pousseront
des cris de joie sur les hauteurs de Sion; ils
accourront vers les biens de l'Éternel, le blé, le
moût, l'huile, les brebis et les bœufs; leur âme sera
comme un jardin arrosé, et ils ne seront plus dans
la souffrance. ... Je changerai leur deuil en
allégresse, et je les consolerai; je leur donnerai de
la joie après leurs chagrins. Je rassasierai de graisse
l'âme des sacrificateurs, et mon peuple se rassasiera
de mes biens, dit l'Éternel. »

« Ainsi parle l'Éternel des armées, le Dieu


d'Israël: Voici encore ce que l'on dira dans le pays
de Juda et dans ses villes, quand j'aurai ramené
leurs captifs: Que l'Éternel te bénisse, demeure de
la justice, montagne sainte! Là s'établiront Juda et
toutes ses villes, les laboureurs et ceux qui
conduisent les troupeaux. Car je rafraîchirai l'âme
654
altérée, et je rassasierai toute âme languissante. »

« Voici, les jours viennent, dit l'Éternel, où je


ferai avec la maison d'Israël et la nation de Juda
une alliance nouvelle, non comme l'alliance que je
traitai avec leurs pères, le jour où je les saisis par la
main pour les faire sortir du pays d'Égypte, alliance
qu'ils ont violée, quoique je fusse leur maître, dit
l'Éternel. Mais voici l'alliance que je ferai avec la
maison d'Israël, après ces jours-là, dit l'Éternel: Je
mettrai ma loi au-dedans d'eux, je l'écrirai dans leur
cœur; et je serai leur Dieu, et ils seront mon peuple.
Celui-ci n'enseignera plus son prochain, ni celui-là
son frère, en disant: Connaissez l'Éternel! Car tous
me connaîtront, depuis le plus petit jusqu'au plus
grand, dit l'Éternel; car je pardonnerai leur iniquité,
et je ne me souviendrai plus de leur péché. »
(Jérémie 31:10-14, 23-25, 31-34)

655
Chapitre 39

À la cour de Babylone

Ce chapitre est basé sur Daniel 1.

Parmi les enfants d'Israël captifs à Babylone, au


début de l'exil qui devait durer soixante-dix ans, se
trouvaient des hommes solidement ancrés dans
leurs principes, ne s'abandonnant pas à leur
égoïsme, mais honorant leur Dieu au risque de tout
perdre. Leur seul but était de faire triompher les
desseins de l'Éternel, en communiquant aux païens
les bénédictions célestes. Représentants du
Seigneur, ils ne devaient jamais se compromettre
avec eux, mais conserver leur foi intacte et faire
honneur à leur nom. Ils glorifiaient Dieu dans
l'adversité comme ils l'avaient fait dans la
prospérité.

Cependant leurs vainqueurs étaient bien


persuadés que la religion babylonienne était
supérieure à celle des Hébreux. La preuve, c'est

656
que ces hommes, adorateurs de Jéhovah, avaient
été emmenés à Babylone et que les ustensiles
sacrés de leur culte se trouvaient maintenant dans
le temple des dieux de ce pays.

Toutefois, c'est par les humiliations mêmes


imposées à Israël, à cause de son infidélité, que
Dieu voulait donner à Babylone la preuve de sa
suprématie et des heureux résultats de l'obéissance.
Mais il ne pouvait le faire que par ceux qui lui
étaient restés fidèles.

Parmi ceux-ci, il faut compter Daniel et ses


trois compagnons — exemple remarquable de ce
que deviennent les hommes vivant en communion
avec Dieu, qui est sage et puissant. De leur foyer
palestinien, relativement modeste, ces jeunes gens
de lignée royale furent transplantés dans une des
villes les plus opulentes et à la cour de l'un des plus
grands monarques du monde. Nebucadnetsar «
donna l'ordre à Aschpenaz, chef des eunuques,
d'amener quelques-uns des enfants d'Israël, de race
royale ou de famille noble, de jeunes garçons sans
défaut corporel, beaux de figure, doués de sagesse,
657
d'intelligence, d'instruction, capables de servir dans
le palais du roi. ... »

« Il y avait parmi eux, d'entre les enfants de


Juda, Daniel, Hanania, Mischaël et Azaria. »
Devinant chez ces jeunes gens des signes d'une rare
intelligence, Nebucadnetsar décida de les former
pour qu'ils occupent des situations importantes
dans le royaume. Afin qu'ils puissent bien remplir
leur rôle, il leur fit apprendre la langue des
Chaldéens; et pendant trois ans, ils jouirent des
avantages exceptionnels réservés à l'éducation des
princes.

Les noms de Daniel et de ses compagnons


furent échangés contre des noms représentant des
divinités païennes. On attachait à ce moment-là une
grande importance aux noms donnés aux enfants
par les parents hébreux. Ces noms représentaient
souvent les traits de caractère que les parents
auraient aimé voir se développer chez l'enfant. Le
prince qui avait la surveillance des jeunes captifs «
leur donna des noms, à Daniel celui de
Beltschatsar, à Hanania celui de Schadrac, à
658
Mischaël celui de Méschac, et à Azaria celui
d'Abed-Nego ».

Le roi n'exigea pas des jeunes gens qu'ils


renoncent à leur foi pour se joindre à l'idolâtrie,
mais il espérait y arriver graduellement. En leur
donnant des noms ayant une signification dans le
langage idolâtre, en les plaçant journellement en
contact avec les coutumes païennes et sous
l'influence des rites séducteurs du culte des faux
dieux, le monarque espérait les amener à renoncer
à la religion de leur pays pour accepter celle des
Babyloniens.

Mais au début même de leur vie à la cour, ils


eurent à subir une épreuve décisive: on leur servit
des mets et du vin provenant de la table du roi.
Celui-ci pensait témoigner ainsi sa bienveillance et
sa sollicitude en faveur de leur bien-être. Mais une
portion étant offerte aux idoles, tous les mets
étaient consacrés à l'idolâtrie, et celui qui en usait
était considéré comme offrant un hommage aux
dieux babyloniens. Alors Daniel et ses
compagnons, voulant rester fidèles au Seigneur,
659
refusèrent de s'unir à cet hommage. Même le
simple fait de manger ces aliments et de boire ce
vin serait un reniement de leur foi. Ils pactiseraient
ainsi avec le paganisme et déshonoreraient les
principes de la loi divine.

D'un autre côté, ils redoutaient les effets


excitants d'une alimentation qui aurait pu les
conduire à la débauche et à l'immoralité, puis
influencer leur développement physique, mental et
spirituel. Ils n'avaient pas oublié l'histoire de Nadab
et d'Abihu, dont l'intempérance et ses
conséquences étaient relatées au livre du
Pentateuque, et ils savaient que l'usage du vin
affecterait gravement leurs facultés physiques et
mentales.

Daniel et ses compagnons avaient été élevés


selon les principes d'une stricte tempérance. On
leur avait enseigné que le Seigneur les rendrait
responsables de leurs dons, et qu'ils ne devaient en
aucun cas amoindrir leurs forces. Cette éducation
fut pour Daniel et ses compagnons le moyen de les
préserver des influences démoralisantes de la cour
660
de Babylone. Les tentations qui les entouraient
étaient violentes, mais ils restèrent fidèles. Aucune
puissance, aucune influence ne pouvait les
détourner des principes qui leur avaient été
inculqués dans leur enfance, grâce à l'étude de la
Parole et des œuvres de Dieu.

Si Daniel l'avait désiré, il aurait pu trouver dans


son entourage une excuse valable pour renoncer à
ses habitudes de tempérance. Il aurait pu prétendre
que, dépendant de la faveur royale, il ne pouvait
éviter de manger des mets du roi et de boire de son
vin; car, en se conformant aux enseignements
divins, il offenserait le monarque et risquerait de
perdre sa situation et même sa vie. S'il se
détournait des commandements de Dieu, il
s'attirerait les faveurs du roi et s'assurerait des
avantages intellectuels et un brillant avenir.

Mais Daniel n'hésita pas un seul instant.


L'approbation divine lui était plus précieuse que
toutes les faveurs du plus puissant potentat du
monde, plus précieuse que la vie elle-même. Il
résolut en conséquence de rester ferme dans son
661
intégrité quoi qu'il advienne. Il décida « de ne pas
se souiller par les mets du roi et par le vin dont le
roi buvait ». Et ses trois compagnons le suivirent
dans sa résolution.

En prenant cette décision, les jeunes Hébreux


n'agirent pas avec présomption, mais en se confiant
en Dieu. Ils ne cherchèrent pas non plus à se
singulariser, mais à se conduire de façon à ne pas
déshonorer Jéhovah. S'ils s'étaient compromis avec
le mal dans ce cas particulier, cédant aux exigences
de la situation, l'abandon de leurs principes aurait
singulièrement affaibli leur sentiment du bien et
leur aversion du mal. Leur premier faux-pas les
aurait conduits à en commettre d'autres, jusqu'à ce
qu'enfin, perdant tout contact avec le ciel, ils aient
été emportés par la tentation.

« Dieu fit trouver à Daniel faveur et grâce


devant le chef des eunuques », et la demande du
jeune homme exprimant son désir de ne pas se
souiller par les mets du roi fut accueillie avec
respect. Toutefois, le prince hésita à l'accorder. « Je
crains mon seigneur le roi, lui dit-il, qui a fixé ce
662
que vous devez manger et boire; car pourquoi
verrait-il votre visage plus abattu que celui des
jeunes gens de votre âge? Vous exposeriez ma tête
auprès du roi. »

Daniel s'adressa alors à l'officier chargé


spécialement de la surveillance des jeunes Hébreux
pour lui demander de bien vouloir les dispenser de
la nourriture et de la boisson royales. Il lui proposa
de les soumettre à cette épreuve pendant dix jours:
ils se contenteraient d'une nourriture frugale alors
que les autres jeunes gens mangeraient les mets du
monarque.

Bien que l'intendant craignît d'encourir la


défaveur de Nebucadnetsar en accédant à cette
demande, il l'accorda cependant, et Daniel comprit
que sa cause était gagnée. Au bout de dix jours, le
résultat fut contraire à celui que redoutait le prince.
Daniel et ses compagnons « avaient meilleur visage
et plus d'embonpoint que tous les jeunes gens qui
mangeaient les mets du roi ». La santé des Hébreux
s'avérait nettement meilleure que celle des autres. Il
en résulta que Daniel et ses trois amis purent
663
continuer à observer leur régime frugal pendant
toute la durée de leurs études à Babylone.

Durant trois ans, les jeunes Hébreux étudièrent


« les lettres et la langue des Chaldéens ».
Fermement attachés au Seigneur, ils se soumirent
constamment à sa puissance, alliant à leur
désintéressement le sérieux, le zèle et la fidélité. Ce
n'était ni l'ambition ni l'orgueil qui les avaient
amenés à la cour royale — en contact avec des
hommes qui ne connaissaient ni ne craignaient
Dieu. Captifs sur une terre étrangère, ils étaient
placés là par la sagesse infinie. Eloignés des
influences familiales et de leurs liens sacrés, ils
cherchaient à s'acquitter honorablement de leur rôle
pour le renom de leur nation opprimée et la gloire
de celui dont ils étaient les serviteurs.

Dieu approuva la fermeté et l'abnégation de ces


jeunes Hébreux, ainsi que la pureté de leurs
intentions, et sa bénédiction les accompagna. Il «
accorda à ces quatre jeunes gens de la science, de
l'intelligence dans toutes les lettres, et de la
sagesse; et Daniel expliquait toutes les visions et
664
tous les songes ». Ainsi s'accomplissait la promesse
de Dieu: « J'honorerai celui qui m'honore. » (1
Samuel 2:30)

Alors que Daniel s'attachait au Seigneur avec


une inébranlable confiance, l'Esprit de prophétie lui
était donné. Tout en recevant de l'homme les
instructions relatives aux devoirs de la cour royale,
Dieu l'initiait dans la connaissance des mystères de
l'avenir. Il relaterait aux générations futures, par
des symboles et des comparaisons, les événements
qui allaient se dérouler au cours de l'histoire de ce
monde, jusqu'à la fin des temps.

Le moment venu, les jeunes étudiants durent


subir un examen avec d'autres candidats destinés
au service du royaume. Mais, « parmi tous ces
jeunes gens, il ne s'en trouva aucun comme Daniel,
Hanania, Mischaël et Azaria ». Leur vive
intelligence, leurs connaissances, leur langage
choisi et précis témoignaient en faveur de
l'incomparable vigueur de leurs facultés
intellectuelles. « Sur tous les objets qui réclamaient
de la sagesse et de l'intelligence, et sur lesquels le
665
roi les interrogeait, il les trouvait dix fois
supérieurs à tous les magiciens et astrologues qui
étaient dans tout son royaume. » « Ils furent donc
admis au service du roi. »

La cour de Babylone réunissait des


représentants de toutes les nationalités, des
hommes dotés des plus riches dons naturels et
possédant la culture la plus vaste que le monde
pouvait offrir. Et cependant, parmi tous ces
hommes, nul ne pouvait rivaliser avec ces jeunes
Hébreux, en force physique, en beauté, en vigueur
intellectuelle et en connaissances. Leur maintien
assuré, leur démarche souple, leur visage agréable,
leur lucidité, leur haleine saine — toutes ces choses
constituaient autant de certificats de bonne
conduite et de noblesse dont la nature se plaît à
gratifier ceux qui se soumettent à ses lois.

Dans l'étude de la sagesse des Babyloniens,


Daniel et ses compagnons surpassaient tous les
autres élèves, mais leur savoir n'était pas dû à la
chance. Ils accroissaient leurs connaissances grâce
à un sage emploi de leurs facultés, sous la direction
666
du Saint-Esprit. Ils puisaient à la source de toute
sagesse, et faisaient de la connaissance de Dieu la
base de leur éducation. Ils priaient avec foi et
vivaient en harmonie avec leurs prières. Ils
recherchaient la bénédiction constante de Dieu,
évitant tout ce qui risquait d'affaiblir leurs facultés,
saisissant toutes les occasions pour les développer.
Un seul but les préoccupait: celui d'honorer le
Seigneur. Ils savaient que pour représenter la
véritable religion, au sein du paganisme, ils
devaient posséder une intelligence lucide, et
perfectionner leur caractère. C'est Dieu lui-même
qui était leur instructeur. Ainsi, constamment en
prière, consciencieusement à l'étude et sans cesse
en contact étroit avec l'Invisible, ils marchaient
avec Dieu, comme Hénoc.

Le vrai succès dans tous les domaines du


travail n'est ni l'effet de la chance, du hasard ou du
destin. C'est le résultat des bénédictions divines, la
rémunération de la foi et de la sagesse, de la vertu
et de la persévérance. De brillantes qualités
intellectuelles, un niveau moral élevé ne sont pas
accidentels. Dieu suscite les occasions, le succès
667
dépend de l'usage qu'on en fait.

Alors que le Seigneur produisait en Daniel et


en ses compagnons « le vouloir et le faire, selon
son bon plaisir » (Philippiens 2:13), les jeunes
Hébreux travaillaient à leur propre salut. Ainsi se
manifeste l'œuvre du principe divin de coopération,
sans laquelle nul vrai succès ne peut être obtenu.
Les tentatives humaines sont vouées à l'échec sans
la puissance d'en haut; et sans la participation de
l'homme, l'action divine n'est d'aucun effet sur de
nombreux individus. Pour que la grâce de Dieu
puisse devenir nôtre, il nous faut jouer un rôle
personnel. Cette grâce nous est offerte pour
produire en nous « le vouloir et le faire », et non
pour se substituer à notre œuvre propre.

De même que le Seigneur collabora avec


Daniel et ses compagnons, de même collaborera-t-
il avec tous ceux qui s'efforcent de faire sa volonté.
Et par le don de son Esprit, il encouragera toute
intention sincère, toute noble résolution. Ceux qui
suivent le sentier de l'obéissance se heurteront à de
nombreux obstacles. Des influences subtiles et
668
fortes pourront les entraîner vers le monde, mais
Dieu est capable de faire échouer tous les moyens
mis en œuvre pour faire tomber ses enfants. Par sa
force, ils surmonteront toutes les tentations,
vaincront toutes les difficultés.

Dieu mit Daniel et ses compagnons en contact


avec les hommes les plus célèbres de Babylone,
afin qu'au sein d'une nation païenne, ces jeunes
Hébreux puissent représenter le caractère divin.
Comment purent-ils remplir une fonction si lourde
de responsabilité et d'honneur? C'est par la fidélité
dans les petites choses qui caractérisait leur vie. Ils
glorifiaient Dieu dans les tâches les plus modestes
aussi bien que dans les charges les plus écrasantes.

De même que le Seigneur appela Daniel à


rendre témoignage de lui à Babylone, de même il
nous appelle aujourd'hui à être ses témoins. Dans
les affaires les plus infimes comme dans les plus
importantes, il veut que nous révélions les
principes de son royaume. Nombreux sont ceux qui
attendent une tâche importante alors qu'ils perdent
chaque jour des occasions de témoigner à Dieu leur
669
fidélité. Ils omettent journellement de s'acquitter
des menus devoirs de la vie, et alors qu'ils
attendent d'exercer leurs talents éventuels dans une
vaste entreprise satisfaisant leurs désirs ambitieux,
le temps s'écoule.

Dans la vie du vrai chrétien, rien n'est


secondaire; aux yeux du Tout-Puissant, n'importe
quelle tâche est essentielle. Le Seigneur estime
avec précision toute capacité mise à son service; il
tient aussi bien compte des possibilités non
utilisées que des autres. Nous serons jugés d'après
les actes que nous n'avons pas accomplis parce que
nous n'avons pas employé nos talents à la gloire de
Dieu.

Un caractère noble n'est pas le résultat du


hasard; il n'est pas dû aux faveurs ou aux dons
spéciaux de la Providence. Il découle de la
discipline de soi-même, de l'abandon des
sentiments bas pour des sentiments élevés, de
l'abdication de soi pour le service de Dieu et de
l'homme.

670
Par la fidélité des jeunes Hébreux aux principes
de tempérance, Dieu parle encore à la jeunesse
actuelle. Le monde a besoin d'hommes qui, comme
Daniel, agissent et osent pour la cause du bien. Il a
besoin de cœurs purs, de mains fortes, de courage
indomptable; car la lutte entre le vice et la vertu
exige une vigilance constante. Satan nous assaille
par ses nombreuses tentations sous les formes les
plus séduisantes, lorsque nous nous abandonnons à
nos appétits pervers.

Le corps est le moyen essentiel par lequel


l'esprit et l'âme se développent pour l'édification du
caractère. C'est pourquoi l'ennemi de nos âmes
dirige ses tentations vers l'affaiblissement et
l'avilissement des forces physiques. S'il parvient à
atteindre ce but, alors c'est souvent la reddition de
l'être tout entier au mal. Les dispositions de la
nature, non contrôlées par une puissance
supérieure, amènent l'homme à la déchéance et à la
mort. Le corps doit être soumis à cette puissance
supérieure, et ses passions contrôlées par la
volonté, soumise elle-même au Seigneur. Le
pouvoir suprême de la raison, sanctifiée par la
671
grâce divine, aura la prépondérance dans la vie.
Les forces intellectuelles, la vigueur physique,
comme la durée de la vie, dépendent de lois
immuables. En obéissant à ces lois, l'homme arrive
à se dominer, à maîtriser ses propres inclinations,
ainsi que les principautés et les puissances « de ce
monde de ténèbres », et « des esprits méchants
dans les lieux célestes » (Éphésiens 6:12).

Dans l'ancien culte rituel, symbole de


l'Évangile, aucune offrande imparfaite ne pouvait
être apportée sur l'autel divin. La victime qui
représentait le Christ devait être sans tache. La
Parole se sert de cette illustration pour montrer que
les enfants de Dieu doivent s'offrir « comme un
sacrifice vivant », « saints et irrépréhensibles »
(Romains 12:1; Éphésiens 5:27).

Les jeunes Hébreux avaient les mêmes passions


que nous, mais, malgré les influences séduisantes
de la cour de Babylone, ils demeuraient
inébranlables, car ils dépendaient d'une force qui
est infinie. Les païens avaient en eux l'illustration
de la bonté et de la miséricorde de Dieu, ainsi que
672
celle de l'amour du Christ. Leur vie est pour nous
l'exemple du triomphe des principes sur la
tentation, de la pureté sur la dépravation, de la foi
et de la fidélité sur l'athéisme et l'idolâtrie.

Les jeunes d'aujourd'hui peuvent posséder


l'esprit qui animait Daniel; ils peuvent s'abreuver à
la même source, posséder la même puissance sur
eux-mêmes, et révéler dans leur vie la même grâce
spirituelle, même dans les circonstances les plus
défavorables. Bien que portés à l'indulgence envers
eux-mêmes, en particulier dans nos grandes villes
où le sensualisme se présente sous une forme
alléchante, ils doivent rester fermes dans leur foi.
En prenant de fortes résolutions, et en exerçant une
vigilance de tous les instants, ils vaincront toutes
les tentations qui pourraient les assaillir. Ce n'est
qu'à ce prix qu'ils remporteront la victoire.

Quel magnifique rôle furent appelés à jouer ces


nobles Hébreux! En disant adieu à la maison où
s'était écoulée leur enfance, ils étaient bien loin de
s'imaginer quelle destinée leur était réservée. Mais
ils se plièrent avec fidélité et résolution aux
673
directives divines, afin que par eux les desseins
d'en haut puissent s'accomplir.

Dieu désire que les vérités révélées par Daniel


et ses compagnons soient aussi révélées par les
enfants et la jeunesse de nos jours. La vie des
jeunes Hébreux est une démonstration de ce que
Dieu peut faire pour ceux qui s'abandonnent entre
ses mains, et cherchent de tout leur cœur à
accomplir ses desseins.

674
Chapitre 40

Le songe de Nebucadnetsar

Ce chapitre est basé sur Daniel 2.

Aussitôt après l'entrée de Daniel et de ses


compagnons au service du roi de Babylone, se
produisirent des événements qui révélèrent à une
nation idolâtre la puissance et la fidélité du Dieu
d'Israël. Nebucadnetsar fit un songe étrange, « il
avait l'esprit agité, et ne pouvait dormir ». Mais,
bien qu'il ait été profondément impressionné, le
monarque était incapable de se souvenir des détails
de ce songe.

Dans son embarras, il réunit les sages de son


pays, « les magiciens, les astrologues, les
enchanteurs », et fit appel à leurs lumières. « J'ai eu
un songe, leur dit-il; mon esprit est agité, et je
voudrais connaître ce songe. » Et tout en leur
faisant part de son trouble, il leur demanda de lui
donner une explication qui calme son esprit. Les

675
sages lui répondirent: « O roi, vis éternellement!
dis le songe à tes serviteurs, et nous en donnerons
l'explication. »

Déçu par cette réponse évasive, et doutant de la


sagesse de ces hommes, qui se vantaient de
dévoiler les secrets et semblaient ne pas vouloir le
sortir d'embarras, le roi ordonna alors que ces sages
lui révèlent, non seulement l'explication du songe,
mais le songe lui-même; et il leur promit de riches
présents, tout en les menaçant de mort. « La chose
m'a échappé, dit-il; si vous ne me faites connaître
le songe et son explication, vous serez mis en
pièces, et vos maisons seront réduites en un tas
d'immondices. Mais si vous me dites le songe et
son explication, vous recevrez de moi des dons et
des présents, et de grands honneurs. » Les sages
répondirent: « Que le roi dise le songe à ses
serviteurs, et nous en donnerons l'explication. »

Alors Nebucadnetsar, irrité par la perfidie


manifeste de ces hommes en qui il avait mis sa
confiance, déclara: « Je m'aperçois, en vérité, que
vous voulez gagner du temps, parce que vous
676
voyez que la chose m'a échappé. Si donc vous ne
me faites pas connaître le songe, la même sentence
vous enveloppera tous; vous voulez vous préparer à
me dire des mensonges et des faussetés, en
attendant que les temps soient changés. C'est
pourquoi dites-moi le songe, et je saurai si vous
êtes capables de m'en donner l'explication. »

Remplis de crainte en pensant aux


conséquences de leur insuccès, les magiciens
s'efforcèrent d'expliquer au monarque que sa
requête était déraisonnable, et qu'on n'avait jamais
exigé d'aucun homme épreuve aussi difficile. « Il
n'est personne sur la terre, reprirent-ils, qui puisse
dire ce que demande le roi; aussi jamais roi,
quelque grand et puissant qu'il ait été, n'a exigé une
pareille chose d'aucun magicien, astrologue ou
Chaldéen. Ce que le roi demande est difficile; il n'y
a personne qui puisse le dire au roi, excepté les
dieux dont la demeure n'est pas parmi les hommes.
»

Alors « le roi se mit en colère, et s'irrita


violemment. Il ordonna qu'on fît périr tous les
677
sages de Babylone ».

Parmi ceux qui étaient visés par la sentence


royale, se trouvaient Daniel et ses compagnons.
Lorsqu'ils apprirent qu'ils devaient mourir, Daniel
s'adressa « d'une manière prudente et sensée » à
Arjoc, chef des gardes du roi. « Pourquoi, lui
demanda-t-il, la sentence du roi est-elle si sévère? »
Arjoc le mit au courant de la perplexité du
monarque au sujet de son étrange songe et de
l'incapacité de ceux en qui il avait placé sa
confiance de l'expliquer. A l'ouïe de ces paroles,
Daniel se rendit vers le roi, au péril de sa vie, et le
pria de lui accorder un certain temps pour
demander à son Dieu de lui révéler le songe et son
explication.

Le monarque accéda à cette requête. « Daniel


alla dans sa maison, et il instruisit de cette affaire
Hanania, Mischaël et Azaria, ses compagnons. » Ils
demandèrent ensemble la sagesse à la source de la
lumière et de la connaissance. Ils avaient la ferme
assurance d'être là où Dieu les avait placés, de faire
son œuvre et d'accomplir leur devoir. Dans les
678
tribulations comme dans le danger, ils s'étaient
constamment tournés vers celui qui les guidait et
les protégeait, et qui était pour eux un appui
toujours présent. Le cœur contrit, ils supplièrent
donc à nouveau le Juge de toute la terre de leur
accorder la délivrance à l'heure du danger. Ils ne
prièrent pas en vain. L'Esprit de Dieu reposa sur
eux, et, « dans une vision pendant la nuit », le
songe du roi et sa signification furent révélés à
Daniel.

Le premier mouvement du jeune homme fut de


bénir le Seigneur pour l'exaucement de sa prière. «
Béni soit le nom de Dieu d'éternité en éternité!
s'écria-t-il. A lui appartiennent la sagesse et la
force. C'est lui qui change les temps et les
circonstances, qui renverse et qui établit les rois,
qui donne la sagesse aux sages et la science à ceux
qui ont de l'intelligence. Il révèle ce qui est profond
et caché, il connaît ce qui est dans les ténèbres, et
la lumière demeure avec lui. Dieu de mes pères, je
te glorifie et je te loue de ce que tu m'as donné la
sagesse et la force, et de ce que tu m'as fait
connaître ce que nous t'avons demandé, de ce que
679
tu nous as révélé le secret du roi. »

Daniel se rendit ensuite immédiatement auprès


d'Arjoc, qui avait reçu l'ordre du roi de faire périr
tous les sages de Babylone, et il lui dit: « Ne fais
pas périr les sages de Babylone! Conduis-moi
devant le roi, et je donnerai au roi l'explication. »
Arjoc introduisit aussitôt Daniel devant le
monarque, et il lui parla en ces termes: « J'ai trouvé
parmi les captifs de Juda un homme qui donnera
l'explication au roi. »

Voici donc le jeune captif hébreu, calme et en


pleine possession de lui-même, en présence du plus
puissant monarque de la terre. Dès ses premières
paroles, il déclina tout honneur personnel, et exalta
le Seigneur, source de toute sagesse. A la question
angoissée du roi: « Es-tu capable de me faire
connaître le songe que j'ai eu et son explication? »
il répondit: « Ce que le roi demande est un secret
que les sages, les astrologues, les magiciens et les
devins ne sont pas capables de découvrir au roi.
Mais il y a dans les cieux un Dieu qui révèle les
secrets, et qui a fait connaître au roi Nebucadnetsar
680
ce qui arrivera dans la suite des temps.

»Voici ton songe, dit Daniel, et les visions que


tu as eues sur ta couche. Sur ta couche, ô roi, il t'est
monté des pensées touchant ce qui sera après ces
temps-ci; et celui qui révèle les secrets t'a fait
connaître ce qui arrivera. Si ce secret m'a été
révélé, ce n'est point qu'il y ait en moi une sagesse
supérieure à celle de tous les vivants; mais c'est
afin que l'explication soit donnée au roi, et que tu
connaisses les pensées de ton cœur.

»O roi, tu regardais, et tu voyais une grande


statue; cette statue était immense, et d'une
splendeur extraordinaire; elle était debout devant
toi, et son aspect était terrible. La tête de cette
statue était d'or pur; sa poitrine et ses bras étaient
d'argent; son ventre et ses cuisses étaient d'airain;
ses jambes, de fer; ses pieds, en partie de fer et en
partie d'argile. Tu regardais, lorsqu'une pierre se
détacha sans le secours d'aucune main, frappa les
pieds de fer et d'argile de la statue, et les mit en
pièces. Alors le fer, l'argile, l'airain, l'argent et l'or,
furent brisés ensemble, et devinrent comme la balle
681
qui s'échappe d'une aire en été; le vent les emporta,
et nulle trace n'en fut retrouvée. Mais la pierre qui
avait frappé la statue devint une grande montagne,
et remplit toute la terre.

»Voilà le songe », déclara Daniel avec


assurance. Le roi, qui écoutait avec la plus grande
attention tous les détails de ce récit, reconnut que
c'était vraiment le songe qui l'avait tant troublé. Il
était maintenant préparé à en recevoir l'explication.
Le Roi du ciel allait lui révéler une grande vérité. Il
lui ferait savoir qu'il avait tout pouvoir sur les
royaumes de ce monde, tout pouvoir pour placer
les rois sur le trône et pour les en faire descendre.
Nebucadnetsar serait mis en face de ses
responsabilités envers le ciel, et les événements de
l'avenir allaient lui être dévoilés jusqu'à la fin des
temps.

« O roi, lui dit Daniel, tu es le roi des rois, car


le Dieu des cieux t'a donné l'empire, la puissance,
la force et la gloire; il a remis entre tes mains, en
quelque lieu qu'ils habitent, les enfants des
hommes, les bêtes des champs et les oiseaux du
682
ciel, et il t'a fait dominer sur eux tous: c'est toi qui
es la tête d'or. Après toi, il s'élèvera un autre
royaume, moindre que le tien; puis un troisième
royaume, qui sera d'airain, et qui dominera sur
toute la terre. Il y aura un quatrième royaume, fort
comme du fer; de même que le fer brise et rompt
tout, il brisera et rompra tout, comme le fer qui met
tout en pièces.

»Et comme tu as vu les pieds et les orteils en


partie d'argile de potier et en partie de fer, ce
royaume sera divisé; mais il y aura en lui quelque
chose de la force du fer, parce que tu as vu le fer
mêlé avec l'argile. Et comme les doigts des pieds
étaient en partie de fer et en partie d'argile, ce
royaume sera en partie fort et en partie fragile. Tu
as vu le fer mêlé avec l'argile, parce qu'ils se
mêleront par des alliances humaines; mais ils ne
seront point unis l'un à l'autre, de même que le fer
ne s'allie point avec l'argile.

»Dans le temps de ces rois, le Dieu des cieux


suscitera un royaume qui ne sera jamais détruit, et
qui ne passera point sous la domination d'un autre
683
peuple; il brisera et anéantira tous ces royaumes-là,
et lui-même subsistera éternellement. C'est ce
qu'indique la pierre que tu as vue se détacher de la
montagne sans le secours d'aucune main, et qui a
brisé le fer, l'airain, l'argile, l'argent et l'or. Le
grand Dieu a fait connaître au roi ce qui doit arriver
après cela. Le songe est véritable, et son
explication est certaine. »

Nebucadnetsar fut convaincu de la véracité de


cette explication. Humilié, terrifié, il « tomba sur sa
face et se prosterna devant Daniel », en disant: «
En vérité, votre Dieu est le Dieu des dieux et le
Seigneur des rois, et il révèle les secrets, puisque tu
as pu découvrir ce secret. » Il annula alors le décret
de mort des sages. Ceux-ci eurent donc la vie sauve
grâce à Daniel qui avait dévoilé les secrets du roi.

Le monarque « éleva Daniel, et lui fit de


nombreux et riches présents. Il lui donna le
commandement de toute la province de Babylone
et l'établit chef suprême de tous les sages de
Babylone. Daniel pria le roi de remettre
l'intendance de la province de Babylone à
684
Schadrac, Méschac et Abed-Nego. Et Daniel était à
la cour du roi. »

Il semble, à lire les annales de l'histoire


humaine, que l'avènement et la chute des empires
dépendent de la volonté et des exploits des
hommes. La tournure des événements paraît se
modifier au gré de leur puissance, de leur ambition
ou de leur caprice. Mais la Parole de Dieu soulève
le voile, et nous contemplons au-dessus, derrière et
à travers tout le jeu des intérêts, du pouvoir et des
passions des hommes l'action de celui qui, dans sa
souveraine miséricorde, accomplit silencieusement
et avec patience les desseins de sa volonté.

Avec des paroles d'une beauté et d'une douceur


incomparables, l'apôtre Paul exposa aux sages
d'Athènes le but divin dans la création et la
répartition des races et des nations. « Le Dieu qui a
fait le monde et tout ce qui s'y trouve, affirma-t-il,
... a fait que tous les hommes, sortis d'un seul sang,
habitassent sur toute la surface de la terre, ayant
déterminé la durée des temps et les bornes de leur
demeure; il a voulu qu'ils cherchassent le Seigneur,
685
et qu'ils s'efforçassent de le trouver. » (Actes des
Apôtres 17:24-27)

Dieu a fait connaître clairement que quiconque


le désire peut être mis « dans les liens de l'alliance
» (Ézéchiel 20:37). Le dessein du Seigneur dans la
création était que la terre fût habitée par des êtres
dont l'existence devait être une bénédiction pour
eux-mêmes et pour les autres, ainsi qu'un honneur
pour le Créateur. Tous ceux qui le désirent ont le
pouvoir de participer à ce dessein. Le prophète
Ésaïe dit à ce sujet: « Le peuple que je me suis
formé publiera mes louanges. » (Ésaïe 43:21)

Dieu nous a fait connaître dans sa loi les


principes qui conditionnent la vraie prospérité pour
les nations comme pour les individus. Moïse
déclarait aux Israélites, en parlant de cette loi: « Ce
sera votre sagesse et votre intelligence. » « Ce n'est
pas une chose sans importance pour vous; c'est
votre vie. » (Deutéronome 4:6; 32:47) Les
bénédictions promises à Israël sont aussi promises,
dans les mêmes conditions et au même degré, à
toute nation et à tout individu.
686
Des centaines d'années avant que certaines
nations entrent en jeu dans l'histoire du monde, le
Dieu omniscient a prévu les événements et prédit la
grandeur et la décadence des royaumes universels.
Il a fait connaître à Nebucadnetsar que son
royaume s'écroulerait, qu'un autre prendrait sa
place et qu'il aurait aussi sa période d'épreuve.
N'exaltant pas le vrai Dieu, sa gloire disparaîtrait,
et il serait remplacé par un troisième. Celui-ci
disparaîtrait à son tour, subjugué par un quatrième
aussi fort que le fer, qui soumettrait toutes les
nations du globe.

Si les rois de Babylone — le plus puissant de


tous les empires — avaient manifesté de la crainte
envers Dieu, ils auraient reçu la sagesse et le
pouvoir qui, les unissant au souverain Maître,
auraient continué à assurer leur force. Mais ce n'est
que dans les difficultés et la perplexité qu'ils firent
de Jéhovah leur refuge. Ce n'est que lorsqu'ils ne
trouvaient plus de secours auprès de leurs sages
qu'ils en appelaient à des hommes tels que Daniel.

687
Ces hommes, ils le savaient, honoraient le Dieu
vivant et étaient honorés de lui. C'est à eux qu'ils
durent s'adresser pour que leur fussent dévoilés les
mystères de la Providence, car, bien que les chefs
de la fière Babylone fussent doués d'une
intelligence supérieure, ils s'étaient éloignés de
Dieu par leurs transgressions au point de ne
pouvoir comprendre les révélations et les
avertissements qui leur étaient donnés concernant
l'avenir.

Celui qui sonde la Parole de Dieu peut voir


dans les événements de l'histoire des nations
l'accomplissement littéral de la prophétie divine.
Babylone, vaincue et écrasée, disparut; car au
temps de sa prospérité ses chefs voulurent
s'affranchir de Dieu, attribuant la gloire de leur
royaume aux succès humains. L'empire médo-
persan encourut la colère de Jéhovah, la loi divine
y étant bafouée. La majorité du peuple n'avait pas
la crainte de Dieu. La méchanceté, le blasphème, la
corruption régnaient dans cet empire. Les
royaumes qui lui succédèrent furent encore plus
corrompus, et ils sombrèrent de plus en plus dans
688
le vice.

Le pouvoir exercé par les chefs de ce monde est


légué par Dieu, et son succès dépend de l'usage
qu'ils en font. Voici la parole adressée à chacun
d'eux par le Maître vigilant: « Je t'ai ceint, avant
que tu me connusses. » (Ésaïe 45:5)
L'avertissement donné jadis à Nebucadnetsar doit
leur servir de leçon: « Mets un terme à tes péchés
en pratiquant la justice, et à tes iniquités en usant
de compassion envers les malheureux, et ton
bonheur pourra se prolonger. » (Daniel 4:27)

Comprendre ces choses, savoir que « la justice


élève une nation », que « c'est par la justice que le
trône s'affermit », et que le roi « soutient son trône
par la bonté » (Proverbes 14:34; 16:12; 20:28),
reconnaître l'effet de ces principes dans la
manifestation du pouvoir de Dieu qui « renverse et
établit les rois » — c'est comprendre la philosophie
de l'histoire.

Seule la Parole de Dieu établit clairement ces


principes. Elle nous montre que la force des nations
689
comme celle des individus ne réside ni dans les
faveurs du sort, ni dans les succès qui semblent les
rendre invincibles. Elle ne réside pas non plus dans
le pouvoir dont ils se glorifient. Elle est fonction de
la fidélité avec laquelle ces nations et ces individus
accomplissent le dessein de Dieu.

690
Chapitre 41

La fournaise ardente

Ce chapitre est basé sur Daniel 3.

Le songe de Nebucadnetsar, par lequel la


grande statue lui avait révélé le déroulement des
événements jusqu'à la fin des temps, lui avait été
donné pour qu'il puisse comprendre le rôle qu'il
allait jouer dans l'histoire du monde, et les rapports
qui devaient s'établir entre son royaume et le
royaume du ciel.

Par l'interprétation de ce songe, le roi avait été


clairement instruit au sujet de l'instauration du
royaume éternel. « Dans le temps de ces rois, lui
avait déclaré Daniel, le Dieu des cieux suscitera un
royaume qui ne sera jamais détruit, et qui ne
passera point sous la domination d'un autre peuple;
il brisera et anéantira tous ces royaumes-là, et lui-
même subsistera éternellement. .. Le songe est
véritable, et son interprétation est certaine. »

691
(Daniel 2:44, 45)

Nebucadnetsar avait reconnu la puissance de


Dieu. Il avait dit à Daniel: « En vérité, votre Dieu
est le Dieu des dieux et le Seigneur des rois, et il
révèle les secrets. » (Daniel 2:47)

Le roi éprouva, pendant un certain temps, la


crainte de l'Éternel; mais son cœur n'était pas
complètement dépouillé des ambitions terrestres, ni
du désir de s'encenser. Il cessa d'honorer le
Seigneur, et retourna à l'idolâtrie avec un zèle et un
fanatisme accrus. La prospérité qui marqua son
règne le remplit d'orgueil.

Ces paroles: « C'est toi qui es la tête d'or »


(Daniel 2:38) avaient produit sur l'esprit du
monarque une profonde impression. Les sages de
son royaume, profitant des circonstances et de son
retour au culte idolâtre, lui proposèrent de dresser
une statue semblable à celle qu'il avait vue en
songe, et de la placer de manière que tout le monde
puisse en voir la tête d'or — tête qui, d'après
l'explication du songe, représentait son royaume.
692
Grisé par cette proposition flatteuse,
Nebucadnetsar décida de mettre ce projet à
exécution, et même de faire mieux. Au lieu de
reproduire la statue qu'il avait vue en songe, il
décida d'en faire une qui surpasserait l'original. Elle
serait composée, de la tête aux pieds, non de
métaux décroissants, mais entièrement d'or —
parfait symbole de Babylone, royaume éternel,
indestructible et tout-puissant, qui réduirait en
pièces tous les autres.

L'idée d'établir une domination et une dynastie


qui n'auraient point de fin frappait vivement
l'imagination du monarque, aux armées duquel
nulle nation au monde ne pouvait résister. Avec un
enthousiasme déchaîné par son ambition
démesurée et son orgueil insensé, il convoqua les
sages de son royaume pour qu'ils le conseillent sur
le moyen d'arriver à ses fins. Oubliant les
magnifiques révélations du songe, oubliant que le
Dieu d'Israël, par son serviteur Daniel, avait révélé
la signification de ce songe, oubliant que cette
interprétation avait sauvé de la mort les grands du
693
royaume, oubliant enfin tout, si ce n'est le désir
d'établir leur souveraineté et leur pouvoir
personnel, le roi et ses conseillers décidèrent de
faire l'impossible pour que la suprématie soit
accordée à Babylone, digne d'un honneur universel.

La statue symbolique, par laquelle Dieu avait


révélé au monarque et au peuple ses desseins en
faveur des nations, allait maintenant servir à
glorifier l'homme. L'interprétation de Daniel serait
rejetée et oubliée, la vérité mal comprise et
faussement appliquée. Cette statue symbolique,
destinée à révéler aux hommes les événements
importants de l'avenir, deviendrait un obstacle au
développement de la connaissance de la vérité que
Dieu voulait communiquer au monde. Satan se
servait ainsi des desseins ambitieux des hommes
pour contrecarrer les plans divins en faveur de
l'humanité. L'ennemi des âmes savait que la vérité
intégrale est une force puissante pour sauver; mais,
lorsque cette vérité est mise au service de la propre
glorification de l'homme ou de la réalisation de ses
propres désirs, alors elle devient une force pour le
mal. Nebucadnetsar eut recours à ses riches
694
réserves de métaux précieux, et il fit construire une
immense statue semblable à celle qu'il avait vue en
songe. Elle en différait seulement par la nature du
métal qui la composait.

Habitués aux proportions colossales des


divinités païennes, les Chaldéens n'avaient
cependant jamais encore édifié de statue aussi
imposante, aussi majestueuse que celle-ci, haute de
soixante coudées et large de six coudées.

Dans ce pays où régnait l'idolâtrie, il était tout


naturel que cette magnifique statue d'un prix
inestimable, s'élevant dans la plaine de Dura et
représentant la gloire, la splendeur et la puissance
de Babylone, fût un objet de culte. On décréta que
le jour de sa dédicace tous les habitants du
royaume témoigneraient leur fidélité au roi en se
prosternant devant elle.

Le jour venu, on vit affluer dans la plaine de


Dura « tous les peuples, les nations, les hommes de
toutes langues ». Selon l'ordonnance royale, au son
des instruments de musique, toute l'assistance se
695
prosterna et adora la statue d'or.

Les puissances des ténèbres semblaient, en ce


jour mémorable, remporter un éclatant succès:
l'adoration de cette statue était en passe de devenir
un rite permanent de l'idolâtrie, reconnue comme
religion officielle du royaume. Satan espérait ainsi
faire échouer le plan divin au sujet des captifs qui
devaient être une source de bénédictions pour
toutes les nations païennes.

Mais le Seigneur en décida autrement. Tous ne


fléchirent pas le genou devant le symbole païen.
Au sein de la multitude des adorateurs, trois
hommes étaient fermement résolus à ne pas
déshonorer le Dieu du ciel en se prosternant devant
cette statue. Ils adoraient le Rois des rois et le
Seigneur des seigneurs; ils ne s'agenouilleraient
devant aucun autre.

On vint en informer Nebucadnetsar, alors au


comble de la gloire. Certains courtisans, parmi les
sages du royaume, jaloux des honneurs conférés
aux fidèles compagnons de Daniel, furent heureux
696
d'apprendre au roi que des Juifs avaient refusé
d'exécuter son décret. « O roi, vis éternellement!
lui dirent-ils, il y a des Juifs à qui tu as remis
l'intendance de la province de Babylone, Schadrac,
Méschac et Abed-Nego, hommes qui ne tiennent
aucun compte de toi, ô roi; ils ne servent pas tes
dieux, et ils n'adorent point la statue d'or que tu as
élevée. »

Le roi ordonna aussitôt que ces trois hommes


lui fussent amenés. « Est-ce de propos délibéré,
leur dit-il ... que vous ne servez pas mes dieux, et
que vous n'adorez pas la statue d'or que j'ai élevée?
» Et il les invita en les menaçant à s'unir à la
multitude des adorateurs. Puis, leur montrant la
fournaise ardente, il leur rappela que s'ils
persistaient à refuser de faire sa volonté, ils
trouveraient là leur châtiment.

Mais les trois jeunes Hébreux déclarèrent avec


fermeté qu'ils resteraient fidèles au Dieu du ciel,
dont la puissance pour délivrer était connue. Se
prosterner devant la statue d'or, c'était aux yeux de
tous un acte d'adoration; et cet hommage ne
697
pouvait être rendu qu'à Dieu seul.

Alors que ces trois Hébreux se tenaient en


présence du roi, celui-ci avait la conviction qu'ils
possédaient quelque chose que n'avaient pas les
sages de son royaume. Ils avaient toujours été
fidèles dans l'accomplissement de leurs devoirs.
S'ils faisaient maintenant preuve de bonne volonté
en s'unissant à la foule pour se prosterner devant la
statue, tout irait bien pour eux. Mais si « vous ne
l'adorez pas, leur dit-il, vous serez jetés à l'instant
même au milieu d'une fournaise ardente ». Et
levant la main vers le ciel en signe de défi, il
ajouta: « Quel est le dieu qui vous délivrera de ma
main? »

Mais les menaces du roi demeurèrent vaines. Il


ne pouvait empêcher ces jeunes gens d'être fidèles
au Roi de l'univers. Ils avaient appris en étudiant
l'histoire de leurs pères que désobéir à Dieu, c'était
sombrer dans le déshonneur, la catastrophe et la
mort; et que la crainte du Seigneur est le
commencement de la sagesse, la source de toute
prospérité véritable. Regardant la fournaise avec
698
calme, ils répliquèrent: « Nous n'avons pas besoin
de te répondre là-dessus. Voici, notre Dieu que
nous servons peut nous délivrer de la fournaise
ardente, et il nous délivrera de ta main, ô roi. »
Leur foi étant fortifiée par l'idée que Dieu serait
glorifié par leur délivrance, ils ajoutèrent avec une
assurance triomphante: « Sinon, sache, ô roi, que
nous ne servirons pas tes dieux, et que nous
n'adorerons pas la statue d'or que tu as élevée. »

La colère du roi ne connut alors plus de bornes.


« Rempli de fureur, il changea de visage, en
tournant ses regards vers Schadrac, Méschac et
Abed-Nego », représentants d'une race méprisée et
captive. Il ordonna qu'on fît chauffer la fournaise
sept fois plus qu'il n'était nécessaire, et que
quelques-uns des plus vigoureux soldats de son
armée lient les jeunes adorateurs du Dieu d'Israël,
en vue de leur rapide exécution.

Alors « ces hommes furent liés avec leurs


caleçons, leurs tuniques, leurs manteaux et leurs
autres vêtements, et jetés au milieu de la fournaise
ardente. Comme l'ordre du roi était sévère, et que la
699
fournaise était extraordinairement chauffée, la
flamme tua les hommes qui y avaient jeté
Schadrac, Méschac et Abed-Nego. »

Mais Dieu n'abandonna pas ses enfants.


Lorsque ces jeunes gens furent jetés dans la
fournaise, le Sauveur se révéla à eux en personne,
et ensemble ils marchèrent au milieu du feu. En
présence du Seigneur, auteur de la chaleur et du
froid, les flammes avaient perdu leur pouvoir
consumant.

Le monarque avait suivi la scène de son trône


royal; il s'attendait à voir brûler ces hommes qui
l'avaient défié. Mais soudain ses sentiments
orgueilleux se modifièrent. Les nobles du royaume
qui se tenaient à ses côtés le virent pâlir, alors qu'il
se levait de son trône pour mieux voir les flammes
de la fournaise. Effrayé, il se tourna vers ses
conseillers, et leur demanda: « N'avons-nous pas
jeté au milieu du feu trois hommes liés? ... Eh bien,
je vois quatre hommes sans liens, qui marchent au
milieu du feu, et qui n'ont point de mal; et la figure
du quatrième ressemble à celle d'un fils des dieux.
700
»

Comment ce roi païen pouvait-il savoir à qui


ressemble le Fils de Dieu? En s'acquittant des
missions qui leur avaient été confiées à Babylone,
les jeunes Hébreux révélèrent la vérité au roi par
leur conduite et leur caractère. Questionnés au sujet
de leur religion, ils avaient répondu sans hésiter et
présenté avec clarté et simplicité les principes de
justice de cette religion. Ils avaient ainsi appris à
ceux qui les entouraient quel était le Dieu qu'ils
adoraient. Ils avaient parlé du Messie, le
Rédempteur, qui devait venir ici-bas. C'est ce qui
explique que le roi reconnut au milieu de la
fournaise, sous les traits du quatrième homme, le
Fils de Dieu.

Or donc, oubliant son rang et sa grandeur,


Nebucadnetsar descendit les marches de son trône,
et, s'approchant de l'entrée de la fournaise, il
s'écria: « Serviteurs du Dieu suprême, sortez et
venez! » Alors Schadrac, Méschac et Abed-Nego
se présentèrent devant la multitude assemblée, et
montrèrent qu'ils n'avaient eu aucun mal. La
701
présence de leur Sauveur les avait protégés. Seuls
leurs liens avaient été consumés. « Les satrapes, les
intendants, les gouverneurs, et les conseillers du roi
s'assemblèrent; ils virent que le feu n'avait eu
aucun pouvoir sur le corps de ces hommes, que les
cheveux de leur tête n'avaient pas été brûlés, que
leurs caleçons n'avaient point été endommagés, et
que l'odeur du feu ne les avait pas atteints. »

Elle était oubliée alors l'imposante statue d'or,


élevée avec tant de faste. En présence du Dieu
vivant, les hommes étaient pris de panique. « Béni
soit le Dieu de Schadrac, de Méschac et d'Abed-
Nego, s'écria le roi humilié, lequel a envoyé son
ange et délivré ses serviteurs qui ont eu confiance
en lui, et qui ont violé l'ordre du roi et livré leurs
corps plutôt que de servir et d'adorer aucun autre
dieu que leur Dieu! »

Les événements de cette journée poussèrent


Nebucadnetsar à proclamer ce décret: « Tout
homme, à quelque peuple, nation ou langue qu'il
appartienne, qui parlera mal du Dieu de Schadrac,
de Méschac et d'Abed-Nego, sera mis en pièces, et
702
sa maison sera réduite en un tas d'immondices,
parce qu'il n'y a aucun autre dieu qui puisse
délivrer comme lui. »

C'était une bonne chose que le roi fît cette


confession publique, et cherchât à exalter le Dieu
du ciel au-dessus de tous les autres dieux; mais en
voulant obliger ses sujets à faire semblable
confession, et à témoigner semblable révérence, il
outrepassait ses droits de souverain temporel. Il ne
lui était pas plus permis, politiquement ou
moralement, de menacer les hommes de mort, s'ils
n'adoraient pas Dieu, que de lancer un décret
vouant aux flammes tous ceux qui refusaient de se
prosterner devant la statue d'or. Le Seigneur ne
force jamais personne à lui obéir. Il laisse chacun
libre de servir le dieu de son choix.

En délivrant ses fidèles serviteurs, Dieu


manifesta sa sollicitude envers les opprimés. Il
châtie toutes les puissances de ce monde en révolte
contre son autorité.

Les trois Hébreux firent connaître à tout


703
l'empire babylonien leur foi en celui qu'ils
adoraient. Ils se reposaient sur Dieu. A l'heure de
l'épreuve, ils se souvinrent de cette belle promesse:
« Si tu traverses les eaux, je serai avec toi; et les
fleuves, ils ne te submergeront point; si tu marches
dans le feu, tu ne te brûleras pas, et la flamme ne
t'embrasera pas. » (Ésaïe 43:2)

La foi de ces jeunes gens avait été magnifiée


aux yeux de tous d'une façon merveilleuse. Les
représentants des divers pays invités par
Nebucadnetsar à la dédicace de la statue publièrent
partout la nouvelle de cette magnifique délivrance.
Dieu fut glorifié sur toute la terre par la fidélité de
ses enfants.

Comme elles sont importantes ces leçons


enseignées par les trois jeunes Hébreux dans la
plaine de Dura! Aujourd'hui, bien qu'innocents, de
nombreux serviteurs de Dieu auront encore à
souffrir des humiliations et des outrages de la part
des hommes qui, sous l'inspiration de Satan, seront
animés par l'envie et le fanatisme religieux. Leur
colère se manifestera tout particulièrement contre
704
les observateurs du quatrième commandement.
Finalement, un décret universel les dénoncera
comme passibles de mort.

Le temps de détresse, par lequel passera le


peuple de Dieu, exigera une foi inébranlable. Il
devra montrer que seul le Seigneur est l'objet de
son adoration, et que nulle considération humaine,
pas même sa propre vie, ne saurait l'amener à la
moindre concession à un faux culte. Pour un cœur
loyal, les ordres donnés par des hommes pécheurs,
aux vues limitées, ne seront d'aucune importance
en regard de la Parole de Dieu. Il faut suivre la
vérité, qu'il en coûte l'emprisonnement, l'exil ou
même la mort.

Comme aux jours de Schadrac, Méschac et


Abed-Nego, le Seigneur agira avec puissance, vers
la fin des temps, en faveur de ceux qui prennent
résolument le parti de la justice. Celui qui soutint
les courageux Hébreux dans la fournaise ardente,
marchera à leur côté où qu'ils se trouvent. Le
sentiment de sa présence sera pour eux une
consolation et un soutien. Au plus fort de la
705
persécution — telle qu'il n'y en eut jamais — les
élus demeureront inébranlables. Satan, avec toutes
ses armées, ne parviendra pas à détruire le plus
faible des saints. Des anges puissants les
protégeront, et le Seigneur se révélera à eux
comme le « Dieu des dieux », capable de sauver
parfaitement tous ceux qui ont mis leur confiance
en lui.

706
Chapitre 42

La vraie grandeur

Ce chapitre est basé sur Daniel 4.

Parvenu au sommet des honneurs terrestres, et


reconnu par les écrits sacrés comme le « roi des
rois » (Ézéchiel 26:7), Nebucadnetsar voulut bien
attribuer, à certains moments de sa vie, la gloire de
son royaume et la splendeur de son règne à la
faveur de Jéhovah. C'est ce qu'il fit après le songe
de la grande statue. Il avait été profondément
influencé par cette vision, qui lui révélait que
l'empire babylonien bien qu'universel devait
s'écrouler un jour, et que d'autres royaumes lui
succéderaient jusqu'à ce qu'enfin toutes les
puissances terrestres soient remplacées par un
royaume instauré par le Dieu du ciel — royaume
qui ne serait jamais détruit.

Mais plus tard, le roi de Babylone perdit de vue


la noble idée qu'il se faisait des desseins de Dieu

707
envers les nations. Cependant, lorsqu'il consentit à
s'humilier devant la multitude assemblée dans la
plaine de Dura, il confessa une fois de plus que le
règne de Dieu « est un règne éternel » et que « sa
domination subsiste de génération en génération ».

Idolâtre par hérédité et par éducation, régnant


sur un peuple idolâtre, Nebucadnetsar possédait
néanmoins un sens inné de la justice et du droit.
Dieu pouvait donc s'en servir pour châtier les
rebelles et accomplir ses desseins. Après des
années d'une préparation patiente et laborieuse, roi
« du plus violent » pays « d'entre les peuples »
(Ézéchiel 28:7), ce monarque réussit à s'emparer de
Tyr et de l'Égypte. Et alors qu'il ajoutait nation sur
nation à son empire babylonien, sa renommée
comme potentat le plus puissant de l'époque
s'étendait au loin.

Il ne faut donc pas s'étonner que ce glorieux


monarque à l'ambition et à l'orgueil démesurés ait
été tenté de se détourner du sentier de l'humilité,
qui seul conduit à la véritable grandeur. Dans
l'intervalle de ses conquêtes, il apportait beaucoup
708
de soin à la fortification et à l'embellissement de sa
capitale, si bien qu'elle devint l'orgueil principal de
son royaume, « la ville d'or », celle dont « la gloire
remplissait la terre entière ». Sa passion pour la
construction, l'éclatant triomphe qu'il remporta en
faisant de Babylone l'une des sept merveilles du
monde, contribuait à entretenir son orgueil au point
que fut gravement compromise la sagesse
proverbiale de ce souverain dont Dieu aurait pu se
servir pour l'accomplissement de ses desseins.

Dans sa miséricorde, le Seigneur envoya au roi


un nouveau songe, afin de le mettre en garde contre
le piège tendu pour sa perte. Pendant son sommeil,
Nebucadnetsar vit un arbre immense, « au milieu
de la terre ». Sa « cime s'élevait jusqu'aux cieux, et
on le voyait des extrémités de toute la terre ». Les
troupeaux des montagnes et des collines venaient
chercher refuge sous son ombre, et les oiseaux du
ciel bâtissaient leurs nids dans ses branches. « Son
feuillage était beau, et ses fruits abondants; il
portait de la nourriture pour tous. ... Tout être
vivant tirait de lui sa nourriture. » Comme le roi
regardait cet arbre majestueux, il aperçut « un de
709
ceux qui veillent et qui sont saints », descendant du
ciel. Il cria avec force:

« Abattez l'arbre, et coupez ses branches;


secouez le feuillage, et dispersez les fruits; que les
bêtes fuient de dessous, et les oiseaux du milieu de
ses branches! Mais laissez en terre le tronc où se
trouvent les racines, et liez-le avec des chaînes de
fer et d'airain, parmi l'herbe des champs. Qu'il soit
trempé de la rosée du ciel, et qu'il ait, comme les
bêtes, l'herbe de la terre pour partage. Son cœur
d'homme lui sera ôté, et un cœur de bête lui sera
donné; et sept temps passeront sur lui. Cette
sentence est un décret de ceux qui veillent, cette
résolution est un ordre des saints, afin que les
vivants sachent que le Très-Haut domine sur le
règne des hommes, qu'il le donne à qui il lui plaît,
et qu'il y élève le plus vil des hommes. »

Profondément troublé par ce songe qui, de


toute évidence, prédisait l'adversité, le roi en fit
part aux magiciens, aux astrologues, aux Chaldéens
et aux devins. Mais bien que ce songe ait été très
clair, aucun sage ne put en donner l'explication.
710
Une fois de plus, il fallait à cette nation idolâtre
un témoignage établissant le fait que seuls ceux qui
aiment et craignent Dieu peuvent comprendre les
mystères du royaume des cieux. Dans sa perplexité,
le roi fit chercher Daniel, estimé pour son intégrité
et sa fidélité, comme pour son incomparable
sagesse.

Lorsque Daniel, en réponse à l'ordre royal,


comparut devant Nebucadnetsar, celui-ci lui dit: «
Beltschatsar, chef des magiciens, qui as en toi, je le
sais, l'esprit des dieux saints, et pour qui aucun
secret n'est difficile, donne-moi l'explication des
visions que j'ai eues en songe. » Après avoir relaté
ce songe, le roi déclara: « Toi, Beltschatsar,
donnes-en l'explication, puisque tous les sages de
mon royaume ne peuvent me la donner; toi, tu le
peux, car tu as en toi l'esprit des dieux saints. » La
signification était claire et troubla le prophète. « Il
fut un moment stupéfait, et ses pensées le
troublaient », dit le texte. Lorsque le le roi vit
Daniel hésiter et se décontenancer, il manifesta de
la sympathie à son serviteur. « Beltschatsar, lui dit-
711
il, que le songe et l'explication ne te troublent pas!
»

« Mon seigneur, répondit Daniel, que le songe


soit pour tes ennemis, et son explication pour tes
adversaires! » Le prophète se rendit compte que
Dieu le chargeait d'une mission solennelle — celle
de révéler à Nebucadnetsar le châtiment qui allait
s'abattre sur lui à cause de son orgueil et de son
arrogance. Daniel devait interpréter le songe de
façon à se faire comprendre par le roi; et bien que
la signification en ait été terrible, qu'elle l'ait rendu
hésitant et jeté dans une muette perplexité, il fallait
pourtant dire au roi la vérité, quelles qu'en puissent
être les conséquences.

Daniel expliqua donc quel était l'ordre du Tout-


Puissant. « L'arbre que tu as vu, dit-il au monarque,
qui était devenu grand et fort, dont la cime s'élevait
jusqu'aux cieux, et qu'on voyait de tous les points
de la terre; cet arbre dont le feuillage était beau et
les fruits abondants, qui portait de la nourriture
pour tous, sous lequel s'abritaient les bêtes des
champs, et parmi les branches duquel les oiseaux
712
du ciel faisaient leur demeure, c'est toi, ô roi, qui es
devenu grand et fort, dont la grandeur s'est accrue
et s'est élevée jusqu'aux cieux, et dont la
domination s'étend jusqu'aux extrémités de la terre.
Le roi a vu l'un de ceux qui veillent et qui sont
saints descendre des cieux et dire: Abattez l'arbre,
et détruisez-le; mais laissez en terre le tronc où se
trouvent les racines, et liez-le avec des chaînes de
fer et d'airain, parmi l'herbe des champs; qu'il soit
trempé de la rosée du ciel, et que son partage soit
avec les bêtes des champs, jusqu'à ce que sept
temps soient passés sur lui. Voici l'explication, ô
roi, voici le décret du Très-Haut, qui s'accomplira
sur mon seigneur le roi. On te chassera du milieu
des hommes, tu auras ta demeure avec les bêtes des
champs et l'on te donnera comme aux bœufs de
l'herbe à manger; tu seras trempé de la rosée du
ciel, et sept temps passeront sur toi, jusqu'à ce que
tu saches que le Très-Haut domine sur le règne des
hommes et qu'il le donne à qui il lui plaît. L'ordre
de laisser le tronc où se trouvent les racines de
l'arbre signifie que ton royaume te restera quand tu
reconnaîtras que celui qui domine est dans les
cieux. »
713
Après avoir expliqué fidèlement le songe,
Daniel invita l'orgueilleux monarque à se repentir
et à se tourner vers Dieu, afin d'éviter les calamités
qui le menaçaient. « O roi, puisse mon conseil te
plaire! poursuivit le prophète, mets un terme à tes
péchés en pratiquant la justice et à tes iniquités en
usant de compassion envers les malheureux, et ton
bonheur pourra se prolonger. »

Les paroles du prophète produisirent pendant


un certain temps sur l'esprit du roi une forte
impression; mais le cœur qui n'est pas transformé
par la grâce de Dieu a vite fait d'oublier l'action du
Saint-Esprit. L'égoïsme et l'ambition, n'ayant pas
encore été déracinés du cœur de Nebucadnetsar,
ces traits de caractère ne tardèrent pas à
réapparaître. Malgré les instructions qui lui avaient
été données si miséricordieusement et les
avertissements reçus dans le passé, le roi continua à
jalouser les royaumes qui devaient lui succéder.
Son règne, caractérisé jusqu'alors par une justice et
une bonté extrêmes, devint tyrannique. Son cœur
s'endurcit; et il employa les dons que lui avait
714
accordés la Providence à sa glorification
personnelle, s'élevant au-dessus de Dieu qui lui
avait donné la vie et la puissance.

Pendant des mois, le Seigneur différa son


jugement. Mais, au lieu d'être amené à la
repentance, le roi donna libre cours à son orgueil. Il
finit même par ne plus ajouter foi à l'explication
qui lui avait été donnée au sujet du songe. Il en
plaisantait volontiers en pensant à la frayeur qu'elle
lui avait causée.

Or, un an après avoir reçu l'avertissement divin,


Nebucadnetsar se promenait dans son palais. Grisé
par sa souveraineté toute-puissante, ainsi que par
ses triomphes de bâtisseur, il s'écria: « N'est-ce pas
ici Babylone la grande, que j'ai bâtie, comme
résidence royale, par la puissance de ma force et
pour la gloire de ma magnificence? »

Le roi n'avait pas fini de prononcer ces paroles


orgueilleuses qu'une voix se fit entendre du ciel, lui
annonçant que l'heure du jugement fixée par Dieu
avait sonné. « Apprends, roi Nebucadnetsar, lui dit
715
cette voix, qu'on va t'enlever le royaume. On te
chassera du milieu des hommes, tu auras ta
demeure avec les bêtes des champs, on te donnera
comme aux bœufs de l'herbe à manger; et sept
temps passeront sur toi, jusqu'à ce que tu saches
que le Très-Haut domine sur le règne des hommes
et qu'il le donne à qui il lui plaît. »

Il perdit instantanément la raison. Son jugement


qu'il croyait parfait, sa sagesse dont il était si fier,
tout cela avait disparu. Ayant refusé d'écouter les
messages d'avertissement qui lui avaient été
prodigués, il était privé du pouvoir dont le Créateur
l'avait gratifié. Chassé du milieu des hommes,
Nebucadnetsar « mangea de l'herbe comme les
bœufs, son corps fut trempé de la rosée du ciel;
jusqu'à ce que ses cheveux crussent comme les
plumes des aigles, et ses ongles comme ceux des
oiseaux ».

Pendant sept ans, le roi de Babylone fut un


sujet d'étonnement pour ses sujets; pendant sept
ans, il fut humilié aux yeux de tout le monde. Puis,
il recouvra la raison. Levant les yeux au ciel, il
716
s'humilia devant le Dieu vivant; dans le châtiment
qui lui était infligé, il reconnut la main d'en haut. Il
confessa publiquement son péché, et rendit gloire à
la miséricorde divine qui l'avait réhabilité. « Après
le temps marqué, déclara-t-il, moi, Nebucadnetsar,
je levai les yeux vers le ciel, et la raison me revint.
J'ai béni le Très-Haut, j'ai loué et glorifié celui qui
vit éternellement, celui dont la domination est une
domination éternelle, et dont le règne subsiste de
génération en génération. Tous les habitants de la
terre ne sont à ses yeux que néant: il agit comme il
lui plaît avec l'armée des cieux et avec les habitants
de la terre, et il n'y a personne qui résiste à sa main
et qui lui dise: Que fais-tu? En ce temps, la raison
me revint; la gloire de mon royaume, ma
magnificence et ma splendeur me furent rendues;
mes conseillers et mes grands me redemandèrent;
je fus rétabli dans mon royaume, et ma puissance
ne fit que s'accroître. »

L'arrogant monarque d'autrefois n'était plus


qu'un humble enfant de Dieu; le despote
tyrannique, un roi compatissant et débonnaire.

717
Celui qui, jadis, avait défié et blasphémé le
Dieu du ciel reconnaissait maintenant la toute-
puissance du Très-Haut. Il s'efforçait de faire naître
dans le cœur de ses sujets la crainte de Jéhovah.

Nebucadnetsar avait appris, dans la leçon


infligée par le Roi des rois et le Seigneur des
seigneurs, ce que tout souverain devrait connaître,
à savoir que la vraie grandeur réside dans la vraie
bonté. Il accepta Jéhovah comme le Dieu vivant, et
déclara: « Maintenant, moi, Nebucadnetsar, je loue,
j'exalte et je glorifie le roi des cieux, dont toutes les
œuvres sont vraies et les voies justes, et qui peut
abaisser ceux qui marchent avec orgueil. »

Dieu avait voulu que la plus grande nation du


monde proclamât sa gloire. Ses desseins étaient
maintenant accomplis.

La déclaration publique par laquelle


Nebucadnetsar reconnaissait la miséricorde, la
bonté et la toute-puissance de Dieu est le dernier
acte de sa vie relaté dans le récit sacré.

718
Chapitre 43

Le spectateur invisible

Ce chapitre est basé sur Daniel 5.

Vers la fin de sa vie, Daniel assista à de grands


changements dans le pays où, soixante ans
auparavant, il avait été emmené en captivité avec
ses compagnons. Nebucadnetsar, roi du « plus
violent d'entre les peuples » (Ézéchiel 28:7),
n'existait plus, et Babylone, sa capitale, « dont la
gloire remplissait toute la terre » (Jérémie 51:41),
était gouvernée par ses incapables successeurs. Il
en était résulté une corruption graduelle et
profonde.

Cette ville orgueilleuse allait bientôt s'effondrer


à cause de la folie et de la faiblesse de Belschatsar,
petit-fils de Nebucadnetsar. Celui-ci, admis dès son
jeune âge à prendre part à la direction des affaires
du royaume, se glorifiait de sa puissance et défiait
le Dieu du ciel. Il avait eu cependant bien des

719
occasions de connaître la volonté divine et de
comprendre la responsabilité de s'y soumettre. Il
avait connu l'exil de son grand-père, ordonné par le
Seigneur, et qui l'avait privé de la société des
hommes. Il n'ignorait pas sa conversion et sa
miraculeuse réhabilitation. Mais l'amour du plaisir
et de la gloire personnelle effaça en lui les leçons
qu'il n'aurait jamais dû oublier. Il laissa passer les
occasions qui lui étaient si miséricordieusement
offertes et négligea de profiter des moyens mis à sa
portée pour acquérir une connaissance plus
profonde de la vérité. Tout ce que Nebucadnetsar
avait acquis au prix de souffrances et
d'humiliations indicibles le laissait indifférent.

Mais bientôt les revers surgirent. Babylone fut


assiégée par Cyrus, le neveu de Darius le Mède,
général des armées médo-persanes. Cette ville
passait pour une forteresse imprenable. Protégée
par ses murs épais, ses portes d'airain et son fleuve,
l'Euphrate, elle possédait des réserves pour
plusieurs années. Le voluptueux monarque qu'était
Belschatsar se sentait en toute sécurité dans cette
enceinte, où il passait son temps en festivités.
720
Sans souci pour sa tranquillité, ce roi fier et
arrogant « donna un grand festin à ses grands au
nombre de mille ». Toutes les réjouissances dont la
richesse et la puissance pouvaient disposer
rehaussaient cette scène de leur vive splendeur. De
séduisantes femmes aux riches atours se mêlaient
aux convives de ce banquet royal, composé
d'hommes de génie et de grande distinction, de
princes et d'hommes d'Etat. Et le vin coulait à flot,
et tous se réjouissaient sous son influence grisante.

La raison obnubilée par son ivresse éhontée, le


roi, livré à ses plus bas instincts et à ses plus viles
passions, conduisait lui-même cette orgie obscène.
Et tandis que la fête battait son plein, il ordonna
qu'on apportât « les vases d'or et d'argent que ...
Nebucadnetsar avait enlevés du temple, de la
maison de Dieu à Jérusalem; et le roi et ses grands,
ses femmes et ses concubines, s'en servirent pour
boire ». Il voulait montrer à ses convives que rien
n'était trop sacré pour lui.

« Alors on apporta les vases d'or ... et ils burent


721
du vin, et ils louèrent les dieux d'or, d'argent,
d'airain, de fer, de bois et de pierre. »

Belschatsar était loin de penser qu'un témoin


céleste assistait à cette orgie païenne, qu'un
spectateur invisible considérait cette scène de
profanation, prêtait l'oreille à la joie sacrilège des
invités et voyait leur idolâtrie. Mais bientôt l'hôte
qui n'avait pas été invité fit sentir sa présence. Au
moment où le festin atteignait le paroxysme du
déchaînement, une main pâle apparut et traça sur la
chaux de la muraille du palais royal des caractères
étincelants comme du feu, des mots qui, bien
qu'indéchiffrables pour la vaste assemblée, étaient
de sinistres présages pour le roi et ses invités,
repris maintenant dans leur conscience.

Les rires tumultueux cessèrent, alors que les


assistants, saisis d'une terreur panique, aperçurent
la main qui traçait silencieusement sur la muraille
les caractères mystérieux. C'était comme un
panorama où se déroulaient les détails de leurs
mauvaises actions; il leur semblait comparaître à la
barre du tribunal de Dieu dont ils venaient de défier
722
le pouvoir. Dans ce lieu où, quelques instants
auparavant, régnaient l'hilarité et le blasphème, des
visages mortellement pâles se détachaient au
milieu des cris d'épouvante. Lorsque Dieu jette la
terreur chez les hommes, ils sont incapables de
cacher l'intensité de leur frayeur.

Belschatsar était le plus épouvanté de tous.


C'est lui qui était le principal responsable de la
révolte contre Dieu. Devant ce spectateur invisible,
représentant celui dont on avait défié et blasphémé
le nom, le roi fut paralysé de terreur. Sa conscience
s'éveilla; « les jointures de ses reins se relâchèrent,
et ses genoux se heurtèrent l'un contre l'autre ». Il
s'était élevé contre le Dieu du ciel, il avait compté
sur sa propre puissance, sans supposer que
quelqu'un oserait lui dire un jour: « Pourquoi agis-
tu ainsi? » Il comprenait maintenant que le moment
était venu de rendre compte de la gestion qui lui
était confiée, et qu'il n'avait plus d'excuse à
présenter pour les occasions manquées et son
attitude provocante.

Le roi essaya en vain de déchiffrer les lettres de


723
feu Mais elles contenaient un secret qu'il ne
pouvait pénétrer, un pouvoir qu'il ne savait ni
comprendre ni contester. En désespoir de cause, il
se tourna vers les sages de son royaume. Il « cria
avec force qu'on fît venir les astrologues, les
Chaldéens et les devins », afin de lui lire
l'inscription. « Quiconque lira cette écriture, leur
dit-il, et m'en donnera l'explication sera revêtu de
pourpre, portera un collier d'or à son cou, et aura la
troisième place dans le gouvernement du royaume.
» Mais, malgré ces riches récompenses, cet appel
resta vain. La sagesse divine ne saurait ni s'acheter
ni se vendre. « Tous les sages du roi ... ne purent
pas lire l'Ecriture et en donner au roi l'explication.
» Ils ressemblaient en cela aux sages de la
génération précédente, qui avaient été incapables
d'interpréter le songe de Nebucadnetsar.

Alors la reine mère se souvint de Daniel qui, un


demi-siècle auparavant, avait expliqué le songe de
Nebucadnetsar. « O roi, dit-elle, vis éternellement!
Que tes pensées ne te troublent pas, et que ton
visage ne change pas de couleur! Il y a dans ton
royaume un homme qui a en lui l'esprit des dieux
724
saints; et du temps de ton père, on trouva chez lui
des lumières, de l'intelligence, et une sagesse
semblable à la sagesse des dieux. Aussi le roi
Nebucadnetsar ... l'établit chef des magiciens, des
astrologues, des Chaldéens, des devins, parce qu'on
trouva chez lui, chez Daniel, nommé par le roi
Beltschatsar, un esprit supérieur, de la science et de
l'intelligence, la faculté d'interpréter les songes,
d'expliquer les énigmes, et de résoudre les
questions difficiles. Que Daniel soit donc appelé, et
il donnera l'explication.

»Alors Daniel fut introduit devant le roi. »


S'efforçant de recouvrer ses esprits, Belschatsar dit
au prophète: « Es-tu ce Daniel, l'un des captifs de
Juda, que le roi, mon Père, a amenés de Juda? J'ai
appris sur ton compte que tu as en toi l'esprit des
dieux, et qu'on trouve chez toi des lumières, de
l'intelligence et une sagesse extraordinaire. On
vient d'amener devant moi les sages et les
astrologues, afin qu'ils lussent cette écriture et m'en
donnassent l'explication; mais ils n'ont pas su
donner l'explication des mots J'ai appris que tu
peux donner des explications et résoudre des
725
questions difficiles; maintenant, si tu peux lire cette
écriture et m'en donner l'explication, tu seras revêtu
de pourpre, tu porteras un collier d'or à ton cou, et
tu auras la troisième place dans le gouvernement
du royaume. »

Debout devant cette assemblée terrifiée, Daniel,


nullement impressionné par les promesses du roi,
manifestant la calme dignité d'un serviteur du
Tout-Puissant, ne prononça aucune parole flatteuse.
Il interpréta simplement ce message prophétique. «
Garde tes dons, dit-il au roi, et accorde à un autre
tes présents; je lirai néanmoins l'écriture au roi, et
je lui en donnerai l'explication. »

Le prophète rappela tout d'abord au monarque


les faits qu'il connaissait bien, mais qui ne lui
avaient pas appris l'humilité qui aurait pu le sauver.
Il lui parla du péché et de la chute de
Nebucadnetsar, des appels que Dieu lui avait
adressés, de la domination et de la gloire qu'il lui
avait accordées, du jugement qui avait attisé son
orgueil au lieu de l'humilier, de l'aveu qu'il avait
fait par la suite au sujet de la puissance et de la
726
miséricorde célestes. Puis, Daniel exposa au roi son
péché et son extrême perversité. Belschatsar se
souvenait mal de la vie de son grandpère, il n'avait
pas tenu compte des leçons des événements prédits,
si lourds de signification pour lui-même. Il avait eu
l'occasion de connaître le vrai Dieu et de lui obéir,
mais il n'y avait pas appliqué son cœur; il allait
maintenant en subir les conséquences.

« Toi, Belschatsar, déclara le prophète ... tu n'as


pas humilié ton cœur, quoique tu susses toutes ces
choses. Tu t'es élevé contre le Seigneur des cieux;
les vases de sa maison ont été apportés devant toi,
et vous vous en êtes servi pour boire du vin, toi et
tes grands, tes femmes et tes concubines; tu as loué
les dieux d'argent, d'or, d'airain, de fer, de bois et
de pierre, qui ne voient point, qui n'entendent
point, et ne savent rien; et tu n'as pas glorifié le
Dieu qui a dans sa main ton souffle et toutes tes
voies. C'est pourquoi il a envoyé cette extrémité de
main qui a tracé cette écriture. »

Et, se tournant vers le message divin inscrit sur


la muraille, le prophète lut: MENE, MENE,
727
THEKEL, UPHARSIN. La main qui avait tracé ces
caractères n'était plus visible, mais les quatre mots,
toujours lumineux, se détachaient avec une netteté
impressionnante. L'assistance, haletante, écoutait le
vieux prophète déclarer: « Voici l'explication de
ces mots: MENE — compté: Dieu a compté ton
règne, et y a mis fin. THEKEL — pesé: tu as été
pesé dans la balance, et tu as été trouvé trop léger.
PERES — divisé: ton royaume sera divisé, et
donné aux Mèdes et aux Perses. »

Dans cette dernière nuit de folle débauche,


Belschatsar et ses grands avaient mis le comble à
leurs péchés et aux péchés du royaume chaldéen.
La main qui avait retardé le châtiment divin ne
pouvait plus le différer. Dieu s'était efforcé par des
bénédictions répétées d'enseigner aux Babyloniens
le respect de sa loi. « Nous avons voulu guérir
Babylone, déclarait le prophète Jérémie, mais elle
n'a pas guéri. » (Jérémie 51:9) L'extrême perversité
du cœur humain ne permit plus de retarder la
sentence divine. Belschatsar devait disparaître pour
faire place à un autre royaume.

728
Lorsque Daniel eut achevé son explication, le
roi ordonna qu'on lui attribuât les honneurs promis.
En conséquence, « on [le] revêtit de pourpre, on lui
mit au cou un collier d'or, et on publia qu'il aurait
la troisième place dans le gouvernement du
royaume ».

Plus d'un siècle auparavant, la parole inspirée


avait prédit que « la nuit ... de plaisir », au cours de
laquelle le roi et ses conseillers chercheraient à
rivaliser pour blasphémer contre Dieu, serait
soudain changée en une nuit de terreur et de ruine.
Or cette nuit-là de rapides événements se
succédèrent, exactement comme l'avait prédit
Daniel.

Tandis que Belschatsar se trouvait encore dans


la salle du festin, entouré de ceux dont le sort était
lié au sien, on vint annoncer que la « ville était
prise » par l'ennemi contre lequel ils se croyaient si
bien défendus, « que les passages étaient envahis,
... et que les hommes de guerre étaient consternés »
(Jérémie 51:31, 32). Au moment même où le roi et
ses grands buvaient dans les vases sacrés du temple
729
de Jérusalem et louaient leurs dieux d'argent, d'or,
d'airain, de bois, les Mèdes et les Perses, après
avoir détourné les eaux de l'Euphrate, pénétraient
au cœur de la ville privée de défense. Les armées
de Cyrus se trouvaient maintenant sous les murs du
palais. Babylone était envahie par les soldats
ennemis, nombreux « comme les sauterelles »
(Jérémie 51:14), et leurs cris de triomphe
dominaient ceux des convives terrifiés.

« Cette nuit, Belschatsar, roi des Chaldéens, fut


tué », et un monarque étranger le remplaça sur le
trône.

Avec quelle exactitude les prophètes hébreux


avaient annoncé la chute de Babylone! Dans leurs
visions des événements de l'avenir, ils s'étaient
écriés: « Eh quoi! Schéschac est prise! celle dont la
gloire remplissait toute la terre est conquise! Eh
quoi! Babylone est détruite au milieu des nations! »
« Eh quoi! il est rompu, brisé, le marteau de toute
la terre! Babylone est détruite au milieu des
nations! » « Au bruit de la prise de Babylone la
terre tremble, et un cri se fait entendre parmi les
730
nations. » « Soudain Babylone tombe, elle est
brisée! » « Oui, le dévastateur fond sur elle, sur
Babylone; les guerriers de Babylone sont pris, leurs
arcs sont brisés. Car l'Éternel est un Dieu qui rend
à chacun selon ses œuvres, qui paie à chacun son
salaire. J'enivrerai ses princes et ses sages, ses
gouverneurs, ses chefs et ses guerriers; ils
s'endormiront d'un sommeil éternel, et ne se
réveilleront plus, dit le roi, dont l'Éternel des
armées est le nom. »

« Je t'ai tendu un piège, et tu as été prise,


Babylone, à l'improviste; tu as été atteinte, saisie,
parce que tu as lutté contre l'Éternel. L'Éternel a
ouvert son arsenal, et il en a tiré les armes de sa
colère; car c'est là une œuvre du Seigneur, de
l'Éternel des armées, dans le pays des Chaldéens. »

« Ainsi parle l'Éternel des armées: Les enfants


d'Israël et les enfants de Juda sont ensemble
opprimés; tous ceux qui les ont emmenés captifs
les retiennent, et refusent de les relâcher. Mais leur
vengeur est puissant, lui dont l'Éternel des armées
est le nom; il défendra leur cause, afin de donner le
731
repos au pays, et de faire trembler les habitants de
Babylone. » (Jérémie 51:41; 50:23, 46; 51:8, 56,
57; 50:24, 25, 33, 34)

Ainsi, « les larges murailles de Babylone »


furent « renversées, ses hautes portes ... brûlées par
le feu ». Ainsi, l'Éternel des armées fit « cesser
l'orgueil des hautains », et abattit « l'arrogance des
tyrans » . Babylone, l'ornement des royaumes, la
fière parure des Chaldéens, devint « comme
Sodome et Gomorrhe », un lieu à jamais maudit. «
Elle ne sera plus jamais habitée », déclarait le
prophète. « Elle ne sera plus jamais peuplée;
l'Arabe n'y dressera point sa tente, et les bergers n'y
parqueront point leurs troupeaux. Les animaux du
désert y prendront leur gîte, les hiboux rempliront
ses maisons, les autruches en feront leur demeure
et les boucs y sauteront. Les chacals hurleront dans
ses palais, et les chiens sauvages dans ses maisons
de plaisance. » « J'en ferai le gîte du hérisson et un
marécage, et je la balaierai avec le balai de la
destruction, dit l'Éternel des armées. » (Jérémie
51:58; Ésaïe 13:11, 19-22; 14:23)

732
Le spectateur invisible avait adressé cette
sentence au dernier roi de Babylone: « Apprends ...
qu'on va t'enlever le royaume. » (Daniel 4:31)

Descends, et assieds-toi dans la poussière,


Vierge, fille de Babylone!
Assieds-toi à terre, sans trône. ...
Assieds-toi en silence, et va dans les ténèbres,
Fille des Chaldéens!
On ne t'appellera plus la souveraine des
royaumes.
J'étais irrité contre mon peuple,
J'avais profané mon héritage,
Et je les avais livrés entre tes mains:
Tu n'as pas eu pour eux de la compassion. ...
Tu disais: A toujours je serai souveraine!
Tu n'as point mis dans ton esprit,
Tu n'as point songé que cela prendrait fin.
Ecoute maintenant ceci, voluptueuse
Qui t'assieds avec assurance,
Et qui dis en ton cœur:
Moi, et rien que moi!
Je ne serai jamais veuve,
Et je ne serai jamais privée d'enfants!
733
Ces deux choses t'arriveront subitement, au
même jour,
La privation d'enfants et le veuvage;
Elles fondront en plein sur toi, ...
Malgré le grand nombre de tes enchantements.
Tu avais confiance dans ta méchanceté,
Tu disais: Personne ne me voit!
Ta sagesse et ta science t'ont séduite.
Et tu disais en ton cœur:
Moi, et rien que moi!
Le malheur viendra sur toi,
Sans que tu en voies l'aurore;
La calamité tombera sur toi,
Sans que tu puisses la conjurer;
Et la ruine fondra sur toi tout à coup,
A l'improviste.
Reste donc au milieu de tes enchantements
Et de la multitude de tes sortilèges,
Auxquels tu as consacré ton travail dès ta
jeunesse; Peut-être pourras-tu en tirer profit,
Peut-être deviendras-tu redoutable.
Tu t'es fatiguée à force de consulter:
Qu'ils se lèvent donc et qu'ils te sauvent,
Ceux qui connaissent le ciel,
734
Qui observent les astres,
Qui annoncent, d'après les nouvelles lunes,
Ce qui doit arriver!
Voici, ils sont comme de la paille, le feu les
consume,
Ils ne sauveront pas leur vie des flammes. ...
Il n'y aura personne qui vienne à ton secours.
(Ésaïe 47:1-15)

C'est Dieu qui permet à toutes les nations,


appelées à jouer un rôle important dans l'histoire,
de s'établir ici-bas afin de voir si elles accompliront
ses desseins. La prophétie a consigné la naissance
et l'évolution des grands empires: Babylone, Médo-
persan, Grec et Romain. Avec chacun d'eux,
comme avec les nations de moindre importance,
l'histoire s'est répétée. Chaque pays a connu son
temps d'épreuve; chacun a failli à sa mission, a vu
sa gloire s'évanouir et sa puissance disparaître.

Mais bien que les nations aient rejeté les


principes divins et travaillé ainsi à leur propre
ruine, le Tout-Puissant a poursuivi à travers tous
les âges le but qu'il s'était proposé. C'est ce qu'il fut
735
donné au prophète Ezéchiel de contempler dans
une vision. Alors qu'il était en exil en Chaldée, une
scène merveilleuse passa devant ses yeux, des
symboles lui apparurent lui révélant qu'une
puissance dirige les affaires de ce monde.

Sur les rives du fleuve de Kebar, le prophète


entendit un vent impétueux qui semblait souffler du
septentrion. « Une grosse nuée, et une gerbe de feu
qui répandait de tous côtés une lumière éclatante,
au centre de laquelle brillait comme de l'airain poli.
» Des roues s'entrecroisaient et étaient mues par
quatre animaux. Au-dessus de ceux-ci « il y avait
quelque chose de semblable à une pierre de saphir,
en forme de trône; et sur cette forme de trône
apparaissait comme une figure d'homme placé
dessus en haut ». « On voyait aux chérubins une
forme de main d'homme sous leurs ailes. »
(Ézéchiel 1:4, 26; 10:8) La structure des roues était
si compliquée qu'elles paraissaient à première vue
s'enchevêtrer, et cependant elles se mouvaient dans
une harmonie parfaite. Des êtres célestes, soutenus
et guidés par la main placée sous les ailes des
chérubins, actionnaient ces roues. Au-dessus d'eux,
736
sur le trône de saphir, se trouvait Jéhovah, et ce
trône était environné d'un arc-en-ciel, emblème de
la miséricorde divine.

De même que le mécanisme compliqué des


roues était dirigé par la main placée sous les ailes
des chérubins, de même le jeu compliqué des
événements est sous le contrôle divin. Au milieu
des luttes et du tumulte des nations, celui qui est
assis au-dessus des chérubins continue à diriger les
affaires de ce monde.

L'histoire des nations nous sert aujourd'hui


d'enseignement. Dans son vaste plan, Dieu a
assigné une place à chaque peuple, à chaque
individu. De nos jours, hommes et nations seront
mis à l'épreuve et jaugés avec la mesure placée
dans la main de celui qui ne saurait se tromper.
Hommes et nations décident de leur sort d'après
leur propre choix, et Dieu dirige tout pour
l'accomplissement de ses desseins.

Les prophéties que le grand JE SUIS a données


dans sa Parole sont autant d'anneaux de la chaîne
737
des événements qui relie l'éternité dans le passé à
l'éternité dans l'avenir. C'est par elles que nous
savons où nous en sommes aujourd'hui et ce que
nous devons attendre des temps à venir. Tout ce
que les prophéties ont prédit comme devant arriver
jusqu'à nos jours a été consigné dans les pages de
l'histoire, et on peut être assuré que tout ce qui doit
se produire s'accomplira au moment voulu.

Les signes des temps proclament que nous


sommes arrivés au seuil d'événements grands et
solennels. Tout ici-bas est en agitation. Les
prophéties du Sauveur relatives à ce qui va se
passer avant son retour s'accomplissent sous nos
yeux: « Vous entendrez parler de guerres et de
bruits de guerres, a dit Jésus. ... Une nation
s'élèvera contre une nation, et un royaume contre
un royaume, et il y aura, en divers lieux, des
famines et des tremblements de terre. » (Matthieu
24:6, 7)

Notre époque offre un intérêt capital pour nous


tous. Gouverneurs, hommes d'Etat, tous ceux qui
occupent des postes de confiance, tous ceux qui
738
réfléchissent ont l'attention fixée sur les
événements qui se déroulent autour de nous. Ils
suivent avec intérêt les rapports qui existent entre
les nations; ils notent la tension qui s'exerce sur les
éléments terrestres, et ils reconnaissent que quelque
chose de grand et de décisif va se produire: le
monde est à la veille d'une catastrophe effroyable.
Seule la Bible nous donne une vue exacte de ces
choses; elle nous révèle les grandes scènes finales
de l'histoire de notre monde, nous parle
d'événements qui projettent déjà leurs ombres
lugubres ici-bas, nous fait entendre le bruit qui
annonce leur approche, bruit qui fait trembler la
terre et met les hommes dans un état où ils rendent
l'âme de frayeur.

« Voici, l'Éternel dévaste le pays et le rend


désert, il en bouleverse la face et en disperse les
habitants. ... Car ils transgressaient les lois,
violaient les ordonnances, ils rompaient l'alliance
éternelle. C'est pourquoi la malédiction dévore le
pays. » (Ésaïe 24:1-6)

« Ah! quel jour! Car le jour de l'Éternel est


739
proche: il vient comme un ravage du Tout-
Puissant. ... Les semences ont séché sous les
mottes; les greniers sont vides, les magasins sont
en ruines, car il n'y a point de blé. Comme les bêtes
gémissent! Les troupeaux de bœufs sont
consternés, parce qu'ils sont sans pâturage; et
même les troupeaux de brebis sont en souffrance. »
« La vigne est confuse, le figuier languissant; le
grenadier, le palmier, le pommier, tous les arbres
des champs sont flétris... La joie a cessé parmi les
fils de l'homme! » (Joël 1:15-18, 12)

« Mes entrailles! mes entrailles! je souffre au-


dedans de mon cœur, le cœur me bat, je ne puis me
taire; car tu entends, mon âme, le son de la
trompette, le cri de guerre. On annonce ruine sur
ruine, car tout le pays est ravagé. » (Jérémie 4:19,
20)

« Malheur! car ce jour est grand; il n'y en a


point eu de semblable. C'est un temps d'angoisse
pour Jacob; mais il en sera délivré. » (Jérémie
30:7)

740
« Tu es mon refuge, ô Éternel! tu fais du Très-
Haut ta retraite. Aucun malheur ne t'arrivera, aucun
fléau n'approchera de ta tente. » (Psaumes 91:9, 10)

« Fille de Sion, ... l'Éternel te rachètera de la


main de tes ennemis. Maintenant plusieurs nations
se sont rassemblées contre toi: qu'elle soit
profanée, disent-elles, et que nos yeux se rassasient
dans Sion! Mais elles ne connaissent pas les
pensées de l'Éternel, elles ne comprennent pas ses
desseins. » (Michée 4:10-12) Dieu n'abandonnera
pas son Église au moment où elle court le plus
grand danger. Il a promis de la délivrer: « Voici,
dit-il, je ramène les captifs des tentes de Jacob, j'ai
compassion de ses demeures. » (Jérémie 30:18)

C'est ainsi que les desseins de Dieu


s'accompliront et que les principes de son royaume
seront honorés sur toute la terre.

741
Chapitre 44

Dans la fosse aux lions

Ce chapitre est basé sur Daniel 6.

Lorsque Darius le Mède s'empara du pouvoir,


jusque-là aux mains des rois babyloniens, il
procéda immédiatement à la réorganisation de
l'administration. Il établit « cent vingt satrapes. ... Il
mit à leur tête trois chefs, au nombre desquels était
Daniel, afin que ces satrapes leur rendissent
compte, et que le roi ne souffrît aucun dommage.
Daniel surpassait les chefs et les satrapes, parce
qu'il y avait en lui un esprit supérieur; et le roi
pensait à l'établir sur tout le royaume. »

Les honneurs dont Daniel était comblé


excitèrent la jalousie des satrapes, qui cherchèrent
une occasion pour l'accuser. Mais ils ne purent en
trouver, car « il était fidèle et on n'apercevait chez
lui ni faute, ni rien de mauvais ».

742
Cette conduite irréprochable de Daniel ne fit
que lui attirer encore davantage la haine de ses
ennemis. « Nous ne trouvons aucune occasion
contre ce Daniel, furent-ils obligés de reconnaître,
à moins que nous n'en trouvions une dans la loi de
son Dieu. »

Là-dessus, les chefs et les satrapes se


concertèrent pour tramer un complot qui,
espéraient-ils, mettrait fin aux jours du prophète.
Ils décidèrent donc de demander au roi d'émettre
un décret défendant à tous les habitants du
royaume, pendant trente jours, d'adresser des
prières à Dieu ou à un homme à l'exception du roi
Darius. Celui qui le violerait serait jeté dans la
fosse aux lions.

En demandant à Darius de signer ce décret, les


satrapes s'efforcèrent de lui démontrer qu'il
renforcerait sa gloire et son autorité. Et le roi,
ignorant tout de ce complot rusé et ne soupçonnant
même pas la haine des satrapes, se laissa aller à
leur flatterie. Il signa le décret.

743
Alors les ennemis de Daniel se retirèrent, tout
heureux d'avoir réussi à tendre un piège au
serviteur de Dieu. Satan avait joué un rôle
important dans cette affaire. Il craignait que le
prophète, qui exerçait une grande autorité dans le
royaume, n'affaiblît son influence sur les chefs. Ce
furent ses mauvais anges qui suscitèrent chez les
satrapes l'envie et la jalousie; ils leur suggérèrent
l'élaboration de ce décret pour se débarrasser de
Daniel.

Les ennemis du prophète comptaient sur sa


ferme adhésion à ses principes pour la réussite de
leur plan. Et ils ne se trompèrent pas. Daniel
discerna rapidement la méchanceté qui se cachait
dans ce décret, mais il ne modifia en rien sa
conduite. Pourquoi cesserait-il de prier alors qu'il
avait le plus besoin de force spirituelle? Plutôt
renoncer à la vie qu'à son espoir en Dieu. Sans se
départir de son calme habituel, il continua à
s'acquitter de sa tâche de chef des satrapes. A
l'heure de la prière, il se retirait dans sa maison
dont les fenêtres s'ouvraient dans la direction de
Jérusalem; et, selon son habitude, il invoquait son
744
Dieu. Il n'essayait pas de se cacher pour se livrer à
la prière. Bien qu'il sût parfaitement ce qui
l'attendait, il ne faiblit pas un seul instant. Il
n'aurait pas voulu que ceux qui complotaient sa
mort croient que ses relations avec le Très-Haut
s'étaient modifiées.

Daniel obéissait à Darius sur tout ce qu'il lui


reconnaissait le droit de commander; mais ni lui ni
son décret ne pouvaient le détourner de sa loyauté
envers le Roi des rois. Il affirmait ainsi
courageusement, mais humblement et
silencieusement, que nul n'a le droit de s'interposer
entre la conscience et Dieu. Au sein de l'idolâtrie
où il vivait, il rendait un fidèle témoignage à cette
vérité. Sa ferme adhésion à ce qui est juste était une
lumière qui resplendissait au milieu de l'obscurité
morale de la cour païenne. Daniel reste ainsi pour
tous les âges un exemple courageux de fidélité
chrétienne.

Les satrapes observèrent Daniel pendant toute


une journée. Ils le virent se rendre dans sa maison
et, à trois reprises, l'entendirent élever la voix vers
745
Dieu, dans une fervente prière. Ils se présentèrent
dès le lendemain matin devant le roi pour lui faire
part de la chose. Daniel, le plus honoré, le plus
fidèle de ses chefs, avait osé défier le décret royal.
« N'as-tu pas écrit une défense, lui rappelèrent-ils,
portant que quiconque dans l'espace de trente jours
adresserait des prières à quelque dieu ou à quelque
homme, excepté à toi, ô roi, serait jeté dans la fosse
aux lions? Le roi répondit: La chose est certaine,
selon la loi des Mèdes et des Perses, qui est
immuable. »

Triomphants, ils apprirent alors à Darius quelle


était la conduite de son plus sûr conseiller. «
Daniel, lui dirent-ils, l'un des captifs de Juda, n'a
tenu aucun compte de toi, ô roi, ni de la défense
que tu as écrite, et il a fait sa prière trois fois le
jour. »

Lorsque le monarque entendit ces paroles, il se


rendit compte immédiatement qu'on avait voulu
tendre un piège à son fidèle serviteur, et que ce
n'était pas par enthousiasme pour la gloire royale
qu'on l'avait amené à promulguer ce décret, mais
746
plutôt par jalousie à l'égard de Daniel. « Le roi fut
très affligé » d'avoir joué un mauvais rôle dans ce
complot. « Il prit à cœur ... jusqu'au coucher du
soleil » de délivrer son ami.

Les satrapes s'attendaient à cette initiative de la


part du roi. Ils vinrent lui dire: « Sache, ô roi, que
la loi des Mèdes et des Perses exige que toute
défense ou tout décret confirmé par le roi soit
irrévocable. » Bien que rédigé hâtivement ce décret
était donc intangible, et il devait être appliqué
intégralement.

« Alors le roi donna l'ordre qu'on amenât


Daniel, et qu'on le jetât dans la fosse aux lions. Le
roi prit la parole et dit à Daniel: Puisse ton Dieu,
que tu sers avec persévérance, te délivrer! On
apporta une pierre, et on la mit sur l'ouverture de la
fosse; le roi la scella de son anneau et de l'anneau
de ses grands, afin que rien ne fût changé à l'égard
de Daniel. Le roi se rendit ensuite dans son palais;
il passa la nuit à jeun, il ne fit point venir de
concubine auprès de lui, et il ne put se livrer au
sommeil. »
747
Dieu n'empêcha pas les ennemis de Daniel de
le jeter dans la fosse aux lions. Il permit aux
démons et aux hommes pervers de réaliser jusqu'à
ce point leur projet. Mais c'était afin de rendre plus
éclatante la délivrance de son serviteur et plus
totale la défaite des ennemis de la vérité et de la
justice. « L'homme te célèbre, a dit le Psalmiste en
parlant de Dieu, même dans sa fureur. » (Psaumes
76:11) Par le courage de ce prophète qui préféra le
bien aux honneurs, Dieu allait exalter son nom et
confondre Satan.

Le lendemain, au point du jour, le roi Darius se


rendit en toute hâte à la fosse aux lions, et « il
appela Daniel d'une voix triste: Daniel, serviteur du
Dieu vivant, ton Dieu que tu sers avec
persévérance, a-t-il pu te délivrer des lions? » Le
prophète lui répondit: « Roi, vis éternellement!
Mon Dieu a envoyé son ange et fermé la gueule
des lions, qui ne m'ont fait aucun mal, parce que
j'ai été trouvé innocent devant lui; et devant toi non
plus, ô roi, je n'ai rien fait de mauvais. Alors le roi
fut très joyeux, et il ordonna qu'on fît sortir Daniel
748
de la fosse. Daniel fut donc retiré de la fosse, et on
ne trouva sur lui aucune blessure, parce qu'il avait
eu confiance en son Dieu. Le roi ordonna que ces
hommes qui avaient accusé Daniel fussent amenés
et jetés dans la fosse aux lions, eux, leurs enfants et
leurs femmes; et avant qu'ils fussent parvenus au
fond de la fosse, les lions les saisirent et brisèrent
tous leurs os. »

Une fois de plus on vit un roi païen faire


paraître un édit exaltant le Dieu de Daniel comme
le vrai Dieu. « Après cela, le roi Darius écrivit à
tous les peuples, à toutes les nations, aux hommes
de toutes langues, qui habitaient sur toute la terre:
Que la paix vous soit donnée avec abondance!
J'ordonne que, dans toute l'étendue de mon
royaume, on ait de la crainte et de la frayeur pour
le Dieu de Daniel. Car il est le Dieu vivant, et il
subsiste éternellement; son royaume ne sera jamais
détruit, et sa domination durera jusqu'à la fin. C'est
lui qui délivre et qui sauve, qui opère des signes et
des prodiges dans les cieux et sur la terre. C'est lui
qui a délivré Daniel de la puissance des lions. »

749
L'opposition qu'avait rencontrée le serviteur de
Dieu était maintenant totalement brisée. « Daniel
prospéra sous le règne de Darius, et sous le règne
de Cyrus, le Perse. » Les monarques païens avaient
été obligés de reconnaître à la suite des rapports
qu'ils avaient eus avec Daniel que son Dieu « est le
Dieu vivant, qu'il subsiste éternellement et que son
royaume ne sera jamais détruit ».

Cette délivrance de Daniel nous apprend qu'au


moment de l'épreuve et des tribulations les enfants
de Dieu doivent continuer à se comporter comme
aux jours où, évoluant dans un milieu facile, tous
leurs projets s'annoncent pleins d'espoir. Le Daniel
de la fosse aux lions était le même Daniel qui
remplissait auprès du roi les fonctions de chef
parmi ses ministres et celles de prophète du Très-
Haut. L'homme qui s'appuiera sur Dieu ne
changera ni dans les heures sombres de l'adversité,
ni dans les jours heureux de la prospérité où la
lumière divine et les faveurs humaines se répandent
sur lui. La foi atteint l'invisible et s'empare des
réalités éternelles.

750
Le ciel est tout près de ceux qui souffrent pour
l'amour de la justice. Le Christ identifie ses intérêts
à ceux de ses fidèles disciples; il souffre dans la
personne de ses saints, et celui qui les touche le
touche aussi. La puissance qui est prête à délivrer
l'homme du danger physique ou de la détresse
morale est prête aussi à le sauver de plus grands
maux; elle permet au serviteur de Dieu de garder
son intégrité dans toutes les circonstances et de
triompher par la grâce divine.

La conduite de Daniel comme homme d'Etat


des royaumes babylonien et médo-persan met en
évidence le fait qu'un homme qui occupe une
situation semblable n'est pas nécessairement un
intrigant ou un arriviste, mais un homme qui peut
recevoir constamment des instructions divines.
Daniel, premier ministre du plus grand royaume du
monde, était en même temps prophète du Très-
Haut, et par conséquent inspiré par lui. Il n'était pas
parfait cependant; c'était un homme de même
nature que nous. Mais la plume inspirée nous le
décrit comme étant irréprochable. Ses ennemis les
plus acharnés ne pouvaient rien trouver à redire à la
751
manière dont il s'acquittait de sa tâche. Son
exemple devrait montrer aux hommes d'Etat
comment se comporter quand on est converti et
consacré au Seigneur.

Une stricte obéissance aux exigences divines


procure de riches bénédictions matérielles et
spirituelles. Daniel fut fidèle à son Dieu, et il ne
perdit jamais la maîtrise de sa personne. Par sa
noble dignité, son inébranlable intégrité, alors qu'il
n'était qu'un jeune homme, il trouva « faveur et
grâce » (Daniel 1:9) auprès du chef des eunuques
qui s'occupait de lui. Ces caractéristiques, il les
conserva constamment par la suite. Aussi s'éleva-t-
il rapidement aux fonctions de premier ministre du
royaume babylonien. Au cours des règnes
successifs des monarques chaldéens, à la chute de
l'empire et à l'instauration d'un nouveau royaume,
il faisait preuve de tant de sagesse, de tant de
compétence dans le gouvernement, il agissait avec
un tel tact, une telle courtoisie, sa bonté était si
réelle, sa fidélité aux principes si grande que ses
ennemis étaient obligés de confesser « qu'on
n'apercevait chez lui ni faute, ni rien de mauvais ».
752
Honoré ici-bas comme homme d'Etat détenant
les secrets des royaumes qui dominaient l'univers,
Daniel était aussi honoré par Dieu dont il était
l'ambassadeur et qui lui donnait des révélations
concernant les mystères de l'avenir. Ces admirables
prophéties, contenues aux chapitres sept à douze du
livre qui porte son nom, ne furent pas entièrement
comprises par lui; mais, avant de terminer sa tâche,
il reçut la bienheureuse assurance qu'« au temps de
la fin » — quand l'histoire du monde arriverait à
son terme — il serait « debout pour son héritage ».

Il ne lui fut pas donné de comprendre tout ce


que Dieu lui avait révélé. « Tiens secrètes ces
paroles, et scelle le livre jusqu'au temps de la fin »
(Daniel 12:9, 13, 4), lui fut-il dit. C'est pourquoi, à
mesure que nous approchons de la fin de toutes
choses, les prophéties de Daniel exigent une
attention toute particulière, car elles nous parlent
de l'époque même où nous vivons. Ces prophéties
doivent être rapprochées de celles de Jean dans
l'Apocalypse. Satan s'est efforcé au cours des âges
de faire croire à de nombreux chrétiens que les
753
livres de Daniel et de l'Apocalypse étaient
incompréhensibles. Mais il fut dit à Daniel: « Ceux
qui auront de l'intelligence comprendront. »
(Daniel 12:10) Et Jean, de son côté, entendit ces
paroles: « Heureux celui qui lit et ceux qui
entendent les paroles de la prophétie, et qui gardent
les choses qui y sont écrites! » (Apocalypse 1:3)

La grandeur et la décadence des nations, telles


que nous les ont décrites les livres de Daniel et de
l'Apocalypse, devraient nous apprendre combien
vaine est la gloire de ce monde. Babylone, dans
toute sa magnificence et dont la puissance n'a
jamais été égalée, semblait devoir durer
éternellement. Mais où est-elle aujourd'hui? Elle a
passé « comme la fleur de l'herbe » (Jacques 1:10).
Les empires qui lui ont succédé: médo-persan, grec
et romain passèrent de la même manière. Et ainsi
périra tout ce qui n'a pas Dieu pour fondement.
Seul demeure ce qui est selon ses desseins et qui
exprime son caractère. Ses principes constituent les
seules bases durables ici-bas.

Une étude attentive de l'accomplissement du


754
plan divin dans l'histoire des nations et des
prophéties relatives aux événements futurs nous
aidera à estimer à leur juste valeur les choses
visibles et invisibles, et à apprendre quel est le but
véritable de la vie. Ainsi, en considérant les
événements à la lumière de l'éternité, il est possible
de vivre comme Daniel et ses compagnons pour ce
qui est vrai, noble et durable. En apprenant ici-bas
à nous conformer aux principes du royaume de
notre Seigneur et Sauveur — royaume qui durera
éternellement — nous serons prêts quand il
apparaîtra une seconde fois à entrer avec lui dans
sa gloire.

755
Chapitre 45

Retour de l'exil

L'arrivée des armées de Cyrus devant les murs


de Babylone fut pour les Juifs le signe que leur
délivrance approchait. Plus d'un siècle avant la
naissance de ce monarque, la prophétie avait
mentionné son nom. Elle avait annoncé le rôle qu'il
devait jouer en s'emparant de Babylone à
l'improviste et en préparant la voie pour le retour
des Israélites de la captivité. Voici ce que nous dit
à ce sujet le prophète Ésaïe:

« Ainsi parle l'Éternel à son oint, à Cyrus, qu'il


tient par la main, pour terrasser les nations devant
lui, et pour relâcher la ceinture des rois, pour lui
ouvrir les portes, afin qu'elles ne soient plus
fermées: Je marcherai devant toi, j'aplanirai les
chemins montueux, je romprai les portes d'airain,
et je briserai les verrous de fer. Je te donnerai des
trésors cachés, des richesses enfouies, afin que tu
saches que je suis l'Éternel qui t'appelle par ton

756
nom, le Dieu d'Israël. » (Ésaïe 45:1-3)

Lorsque les armées du conquérant perse


pénétrèrent inopinément dans la capitale
babylonienne, en empruntant le lit de l'Euphrate
dont les eaux avaient été détournées, lorsque Cyrus
franchit les portes intérieures de la ville, laissées
ouvertes par négligence et privant la capitale de
défense, les Juifs eurent la preuve évidente que la
prophétie d'Ésaïe s'accomplissait littéralement —
prophétie relative à la ruine soudaine de leurs
oppresseurs. Ils avaient là un signe éclatant que
Dieu dirigeait les affaires des nations en leur
faveur, car à la prophétie annonçant la chute de
Babylone étaient ajoutées ces paroles: « Je dis de
Cyrus: Il est mon berger, et il accomplira toute ma
volonté; il dira de Jérusalem: Qu'elle soit rebâtie! et
du temple: Qu'il soit fondé! » « C'est moi qui ai
suscité Cyrus dans ma justice, et j'aplanirai toutes
ses voies; il rebâtira ma ville, et libérera mes
captifs, sans rançon ni présents, dit l'Éternel des
armées. » (Ésaïe 44:28; 45:13)

Ces prophéties n'étaient pas les seules qui


757
auraient dû permettre aux exilés de croire à leur
prochaine délivrance. Les écrits de Jérémie étaient
à leur portée, et ils pouvaient y lire nettement la
période de temps qui s'écoulerait avant leur retour
en Palestine. « Lorsque ces soixante et dix ans
seront accomplis, écrivait le prophète, je châtierai
le roi de Babylone et cette nation, dit l'Éternel. ...
Je punirai le pays des Chaldéens, et j'en ferai des
ruines éternelles. » (Jérémie 25:12) Dieu montrerait
sa faveur envers le reste de Juda qui lui adresserait
de ferventes prières. « Je me laisserai trouver par
vous, dit l'Éternel, et je ramènerai vos captifs; je
vous rassemblerai de toutes les nations et de tous
les lieux où je vous ai chassés, dit l'Éternel, et je
vous ramènerai dans le lieu d'où je vous ai fait aller
en captivité. » (Jérémie 29:14)

Que de fois Daniel et ses compagnons s'étaient


attardés sur ces prophéties et d'autres semblables
soulignant les intentions de Dieu à l'égard de son
peuple! Et maintenant que le cours rapide des
événements montrait que la puissante main du
Seigneur était à l'œuvre parmi les nations, Daniel
pensait tout particulièrement aux promesses faites à
758
Israël. Sa foi dans la parole prophétique le poussait
à approfondir les messages des écrivains sacrés. «
Dès que soixante et dix ans seront écoulés pour
Babylone, y était-il dit, je me souviendrai de vous,
et j'accomplirai à votre égard ma bonne parole, en
vous ramenant dans ce lieu. Car je connais les
projets que j'ai formés sur vous, dit l'Éternel,
projets de paix et non de malheur, afin de vous
donner un avenir et de l'espérance. Vous
m'invoquerez, et vous partirez; vous me prierez, et
je vous exaucerai. Vous me chercherez, et vous me
trouverez, si vous me cherchez de tout votre cœur.
» (Jérémie 29:10-13)

Peu de temps avant la chute de Babylone, alors


que Daniel méditait sur ces prophéties et suppliait
Dieu de l'éclairer, il reçut un certain nombre de
visions relatives à la grandeur et à la décadence des
royaumes terrestres. La première de ces visions
relatée au septième chapitre de son livre lui fut
expliquée, et cependant tout ne lui parut pas clair. «
Je fus extrêmement troublé par mes pensées, dit-il
en parlant de cette vision, je changeai de couleur, et
je conservai ces paroles dans mon cœur. » (Daniel
759
7:28) Mais une autre vision lui fit comprendre ce
qui allait se produire. C'est à la fin de celle-ci qu'il
entendit « parler un saint; et un autre saint dit à
celui qui parlait: Pendant combien de temps
s'accomplira la vision? » (Daniel 8:13) Et lorsqu'il
lui fut répondu: « Deux mille trois cents soirs et
matins, puis le sanctuaire sera purifié » (Daniel
8:14), le prophète se sentit très perplexe. Il
s'efforçait de pénétrer le sens de cette vision, mais
il ne pouvait comprendre le rapport qui existait
entre les soixante-dix ans de captivité prédits par
Jérémie et les deux mille trois cents soirs et matins
qui devaient s'écouler avant la purification du
sanctuaire. L'ange Gabriel lui en donna une
explication partielle; mais lorsque l'ange prononça
ces paroles: « La vision ... se rapporte à des temps
éloignés », le prophète s'évanouit. « Moi, Daniel, je
fus plusieurs jours languissant et malade, dit-il;
puis je me levai, et je m'occupai des affaires du roi.
J'étais étonné de la vision, et personne n'en eut
connaissance. » (Daniel 8:26, 27)

Toujours inquiet au sujet du sort d'Israël,


Daniel étudia à nouveau les prophéties de Jérémie.
760
Elles étaient très claires — si claires qu'il comprit
que soixante-dix ans devaient s'écouler « pour les
ruines de Jérusalem, d'après le nombre des années
dont l'Éternel avait parlé à Jérémie, le prophète »
(Daniel 9:2).

Avec une foi fondée sur la parole certaine de la


prophétie, Daniel supplia Dieu de hâter
l'accomplissement de ses promesses. Il insista
auprès de lui pour que l'honneur divin fût
sauvegardé. Il s'identifia lui-même dans sa prière
avec ceux qui n'avaient pas été fidèles, et il
confessa leurs péchés comme s'ils avaient été les
siens. « Je tournai ma face vers le Seigneur Dieu,
dit-il, afin de recourir à la prière et aux
supplications, en jeûnant et en prenant le sac et la
cendre. Je priai l'Éternel, mon Dieu, et je lui fis
cette confession. » (Daniel 9:3, 4) Bien que le
prophète fût depuis longtemps au service de Dieu
et qu'il eût reçu du ciel le nom de « bien-aimé », il
se tenait maintenant devant le Seigneur comme un
vil pécheur. Il lui présentait l'extrême dénuement
du peuple qu'il aimait. Quelle éloquence dans la
simplicité de sa prière, et quelle ferveur s'en
761
dégage! Ecoutez-le plaidant avec son Dieu:

« Seigneur, Dieu grand et redoutable, toi qui


gardes ton alliance et qui fais miséricorde à ceux
qui t'aiment et qui observent tes commandements!
Nous avons péché, nous avons commis l'iniquité,
nous avons été méchants et rebelles, nous nous
sommes détournés de tes commandements et de tes
ordonnances. Nous n'avons pas écouté tes
serviteurs, les prophètes, qui ont parlé en ton nom à
nos rois, à nos chefs, à nos pères, et à tout le peuple
du pays. A toi, Seigneur, est la justice, et à nous la
confusion de face, en ce jour, aux hommes de Juda,
aux habitants de Jérusalem, et à tout Israël, à ceux
qui sont près et à ceux qui sont loin, dans tous les
pays où tu les as chassés à cause des infidélités
dont ils se sont rendus coupables envers toi. ...
Auprès du Seigneur, notre Dieu, la miséricorde et
le pardon, car nous avons été rebelles envers lui. ...

»Seigneur, selon ta grande miséricorde, que ta


colère et ta fureur se détournent de ta ville de
Jérusalem, de ta montagne sainte; car, à cause de
nos péchés et des iniquités de nos pères, Jérusalem
762
et ton peuple sont en opprobre à tous ceux qui nous
entourent. Maintenant donc, ô notre Dieu, écoute la
prière et les supplications de ton serviteur, et, pour
l'amour du Seigneur, fais briller ta face sur ton
sanctuaire dévasté! Mon Dieu, prête l'oreille et
écoute! ouvre les yeux et regarde nos ruines,
regarde la ville sur laquelle ton nom est invoqué!
Car ce n'est pas à cause de notre justice que nous te
présentons nos supplications, c'est à cause de tes
grandes compassions. Seigneur, écoute! Seigneur,
pardonne! Seigneur, sois attentif! agis et ne tarde
pas, par amour pour toi, ô mon Dieu! Car ton nom
est invoqué sur ta ville et sur ton peuple. » (Daniel
9:4-9, 16-19)

Le ciel s'abaissait tout près de la terre pour


écouter la prière fervente du prophète; et avant
même qu'il eût achevé de supplier Dieu pour
obtenir le pardon et le retour de son peuple en
Palestine, l'ange Gabriel lui apparut à nouveau dans
toute sa puissance et attira son attention sur la
vision qu'il avait eue avant la chute de Babylone et
la mort de Belschatsar. Il lui expliqua en détail la
période des soixante-dix semaines. Celle-ci devait
763
commencer « au moment où la parole [aurait]
annoncé que Jérusalem serait rebâtie » (Daniel
9:25).

Daniel avait prononcé cette prière « la première


année de Darius » (Daniel 9:1), roi des Mèdes.
Cyrus, son général, s'était emparé du sceptre
babylonien qui s'étendait alors sur tout l'univers. Le
règne de Darius fut honoré de Dieu. L'ange Gabriel
fut envoyé à ce monarque « pour l'aider et le
soutenir » (Daniel 11:1). A sa mort, deux ans
environ après la chute de Babylone, Cyrus lui
succédait. Son accession au trône marqua la fin des
soixante-dix ans qui avaient commencé au moment
où les premiers captifs Hébreux étaient déportés à
Babylone par Nebucadnetsar.

En délivrant Daniel de la fosse aux lions, Dieu


avait voulu créer une impression favorable sur
l'esprit de Cyrus le Grand. Les qualités de l'homme
de Dieu, ministre aux vues larges, amenèrent le
monarque perse à le respecter et à honorer son
jugement. Au moment fixé par le Très-Haut pour la
reconstruction de son temple à Jérusalem, il fit
764
comprendre à Cyrus, « son serviteur », les
prophéties qui le concernaient — si familières à
Daniel — et il lui suggéra d'accorder la liberté au
peuple juif.

Lorsque le roi apprit que les prophéties avaient


annoncé plus d'un siècle avant sa naissance la
manière dont serait prise Babylone, lorsqu'il lut le
message qui lui était adressé par le Roi de
l'univers: « Je t'ai ceint avant que tu me connusses.
C'est afin que l'on sache, du soleil levant au soleil
couchant, que hors moi il n'y a point de Dieu »;
lorsqu'il eut sous les yeux la proclamation du
Seigneur: « Pour l'amour de mon serviteur Jacob,
et d'Israël, mon élu, je t'ai appelé par ton nom, je
t'ai parlé avec bienveillance, avant que tu me
connusses », lorsqu'il lut ces paroles inspirées: «
C'est moi qui ai suscité Cyrus dans ma justice, et
j'aplanirai toutes ses voies; il rebâtira ma ville, et
libérera mes captifs, sans rançon ni présents »
(Ésaïe 45:5, 6, 4, 13), alors son cœur fut
profondément remué, et il résolut d'accomplir la
mission divine qui lui était confiée. Il libérerait les
captifs de Judée, il les aiderait à rebâtir le temple
765
de Jérusalem. Dans une proclamation écrite,
publiée « dans tout son royaume », il fit connaître
son intention de pourvoir au retour des Hébreux
dans leur patrie et à la reconstruction de leur
temple. « L'Éternel, le Dieu des cieux,
reconnaissait-il publiquement, m'a donné tous les
royaumes de la terre, et il m'a commandé de lui
bâtir une maison à Jérusalem en Juda. Qui d'entre
vous est de son peuple? Que son Dieu soit avec lui,
et qu'il monte à Jérusalem ... et bâtisse la maison de
l'Éternel, le Dieu d'Israël! C'est le Dieu qui est à
Jérusalem. Dans tout lieu où séjournent des restes
du peuple de l'Éternel, les gens du lieu leur
donneront de l'argent, de l'or, des effets, et du
bétail, avec des offrandes volontaires. » (Esdras
1:1-4)

« Que la maison soit rebâtie, ordonna-t-il plus


tard, pour être un lieu où l'on offre des sacrifices, et
qu'elle ait de solides fondements. Elle aura soixante
coudées de hauteur, soixante coudées de largeur,
trois rangées de pierres de taille et une rangée de
bois neuf. Les frais seront payés par la maison du
roi. De plus, les ustensiles d'or et d'argent de la
766
maison de Dieu, que Nebucadnetsar avait enlevés
du temple de Jérusalem et transportés à Babylone,
seront rendus, transportés au temple de Jérusalem à
la place où ils étaient, et déposés dans la maison de
Dieu. » (Esdras 6:3-5)

La proclamation du décret parvint jusqu'aux


provinces les plus éloignées de l'empire, et partout
où se trouvaient des enfants de la dispersion, la joie
était très grande. Beaucoup d'entre eux
connaissaient, comme Daniel, les prophéties et
avaient supplié Dieu d'intervenir, selon sa
promesse, en faveur de Sion. Et voici que leurs
prières trouvaient une réponse; aussi avec quel
bonheur s'unissaient-ils pour chanter avec le
Psalmiste: « Quand l'Éternel ramena les captifs de
Sion, nous étions comme ceux qui font un rêve.
Alors notre bouche était remplie de cris de joie, et
notre langue de chants d'allégresse; alors on disait
parmi les nations: L'Éternel a fait pour eux de
grandes choses! L'Éternel a fait pour nous de
grandes choses; nous sommes dans la joie. »
(Psaumes 126:1-3)

767
« Les chefs de famille de Juda et de Benjamin,
les sacrificateurs et les Lévites, tous ceux dont
Dieu réveilla l'esprit » (il en restait un assez grand
nombre, près de cinq mille environ, parmi les Juifs
exilés) profitèrent de l'occasion exceptionnelle qui
leur était offerte pour « se lever et pour aller bâtir
la maison de l'Éternel à Jérusalem ». Leurs amis ne
les laissèrent pas partir les mains vides. « Tous
leurs alentours leur donnèrent des objets d'argent,
de l'or, des effets, du bétail et des choses
précieuses. » Ils y ajoutèrent, outre les offrandes
volontaires, « les ustensiles de la maison de
l'Éternel, que Nebucadnetsar avait emportés de
Jérusalem ... et que Cyrus, roi de Perse ... fit sortir
par Mithredath, le trésorier ». Ces ustensiles «
étaient au nombre de cinq mille quatre cents »
(Esdras 1:5-11).

Cyrus chargea Scheschbatsar, descendant du


roi David, plus connu sous le nom de Zorobabel
(Voir Esdras 1:8; 5:14; 3:2; Aggée 1:1), de la garde
des Hébreux qui retournaient en Judée. Il lui
adjoignit le grand prêtre Josué. Les exilés se mirent
en route et traversèrent les immenses solitudes du
768
désert sans encombre, le cœur débordant de
reconnaissance et de joie pour les miséricordes
divines infinies dont ils étaient l'objet. Arrivés en
Palestine, ils se mirent aussitôt à l'œuvre pour
restaurer le pays. « Plusieurs chefs de famille »
firent des offrandes pour participer aux frais de la
reconstruction du temple; et le peuple, suivant cet
exemple, donna joyeusement, selon ses maigres
ressources (Voir Esdras 2:64-70).

Ils dressèrent aussi rapidement que possible un


autel sur les fondements mêmes de l'ancien. Tous
s'assemblèrent « comme un seul homme » pour en
faire la dédicace et rétablir les services sacrés
interrompus par Nebucadnetsar à la destruction de
Jérusalem. Avant de regagner leurs demeures,
qu'ils s'efforçaient de restaurer, « ils célébrèrent la
fête des tabernacles » (Esdras 3:1-6).

L'autel où l'on offrait quotidiennement des


holocaustes réjouit grandement le cœur des fidèles.
Ces hommes entreprirent courageusement la
reconstruction du temple, et leurs forces
grandissaient de mois en mois, à mesure que
769
s'élevait l'édifice. Pendant de longues années, ils
avaient été privés des témoignages visibles de la
présence de Dieu. Maintenant, au milieu des tristes
souvenirs de l'apostasie de leurs pères, ils
soupiraient après une preuve tangible du pardon
divin. Ce qu'ils appréciaient par-dessus tout, ce
n'étaient ni leurs biens personnels, ni leurs anciens
privilèges, mais l'approbation de Dieu. Il avait
opéré des merveilles en leur faveur, et ils
éprouvaient le besoin d'avoir l'assurance de sa
présence. Désirant encore de plus grandes
bénédictions, ils attendaient avec impatience le
moment où, le temple rebâti, ils pourraient
contempler l'éclat de la gloire céleste dans le
sanctuaire.

Les ouvriers occupés à la préparation du


matériel de construction découvrirent parmi les
ruines quelques-unes des pierres apportées sur
l'emplacement du temple à l'époque de Salomon.
Ces pierres étaient toutes prêtes à servir; avec les
matériaux qu'on y ajouta, le travail avança de telle
manière que les fondations purent être posées. Cela
se fit en présence de milliers de spectateurs qui
770
s'étaient assemblés pour constater les progrès des
travaux et pour exprimer leur joie d'y avoir
participé. Tandis que l'on posait les fondements, les
assistants, accompagnés par les trompettes des
prêtres et les cymbales des fils d'Asa, « chantaient,
célébrant et louant l'Éternel par ces paroles: Car il
est bon, car sa miséricorde pour Israël dure à
toujours! » (Esdras 3:11)

La maison qui se reconstruisait avait été le


thème de maintes prophéties relatives aux
bénédictions dont le Seigneur désirait combler
Sion. Tous ceux qui assistaient à la pose des
fondements du temple auraient dû se réjouir de
l'esprit qui régnait à cette occasion. Mais parmi les
chants de louange qui retentissaient en ce jour, il y
avait une note discordante. « Plusieurs des
sacrificateurs et des Lévites, et des chefs de famille
âgés, qui avaient vu la première maison, pleuraient
à grand bruit pendant qu'on posait sous leurs yeux
les fondements de cette maison. » (Esdras 3:12)

Il était naturel que la tristesse débordât du cœur


771
de ces hommes âgés, qui pensaient aux résultats de
l'impénitence prolongée. S'ils avaient été fidèles,
eux et ceux de leur génération, s'ils avaient
accompli les desseins de Dieu en faveur d'Israël, le
temple de Salomon n'aurait jamais été détruit, et
leur captivité, nécessaire.

Les conditions étaient maintenant bien


différentes. Dans sa tendre miséricorde, le Seigneur
avait visité à nouveau son peuple, lui permettant de
retourner dans son pays. La tristesse provoquée par
les péchés du passé aurait dû faire place à des
sentiments de joie débordante. Dieu avait touché le
cœur de Cyrus pour aider les Hébreux à
reconstruire leur temple, ce qui aurait dû faire
naître chez eux des sentiments de profonde
gratitude. Mais certains d'entre eux ne surent pas
discerner les bontés manifestes du ciel. Au lieu de
se réjouir, ils se laissaient aller à des pensées de
mécontentement et de tristesse. Ils avaient
contemplé la magnificence du temple de Salomon,
et ils se lamentaient parce que l'édifice que l'on
construisait était moins beau.

772
Les murmures et les plaintes, les comparaisons
défavorables, eurent une influence décourageante
sur l'esprit d'un grand nombre d'Israélites, et
affaiblirent les mains des constructeurs. Les
ouvriers se demandaient s'ils devaient continuer à
travailler à l'érection de cet édifice qui donnait lieu,
dès ses fondations, à tant de critiques et de
lamentations.

Cependant, nombreux furent ceux qui, au sein


de l'assemblée, possédant une foi plus grande et
des vues plus larges, ne se laissaient pas abattre à
l'idée que ce monument n'aurait pas la gloire du
précédent. « Beaucoup d'autres faisaient éclater
leur joie par des cris, en sorte qu'on ne pouvait
distinguer le bruit des cris de joie d'avec le bruit
des pleurs parmi le peuple, car le peuple poussait
de grands cris dont le son s'entendait au loin. »
(Esdras 3:12, 13)

Si ceux qui se désolaient à la pose des


fondements du temple avaient pu prévoir les
conséquences de leur manque de foi, leur
consternation aurait été grande. En manifestant leur
773
mécontentement, ils étaient loin de se douter de
l'importance de leurs paroles de désappointement,
loin de penser au retard qu'ils apporteraient à
l'achèvement des travaux.

La magnificence du temple de Salomon, les


rites imposants des services religieux qui s'y
tenaient avant la captivité avaient été une source de
fierté pour les Israélites; mais leur culte avait été
bien souvent dépourvu des qualités essentielles. La
gloire du premier temple, la splendeur de ses
services ne pouvaient pas justifier le peuple devant
Dieu; car la seule chose qui ait de la valeur à ses
yeux c'est un cœur contrit et humilié, ce que les
Juifs omettaient de lui offrir.

C'est lorsque les principes vitaux du royaume


de Dieu sont perdus de vue que l'on multiplie les
fastueuses cérémonies. C'est lorsque la formation
du caractère est négligée, lorsqu'on est dépourvu
des beautés de l'âme, qu'on méprise la simplicité de
la religion, que l'orgueil et l'amour de ce qui flatte
la vanité exigent de magnifiques églises, de riches
ornements, d'imposantes cérémonies. Mais Dieu
774
n'est nullement honoré par de telles manifestations.
La valeur de son Église ne se mesure pas d'après
ses richesses extérieures, mais d'après la piété qui
la différencie du monde. Il l'évalue selon la
croissance spirituelle de ses membres, selon leur
connaissance du Christ. Il s'attache aux principes
d'amour et de bonté. Toutes les beautés artistiques
du monde ne sauraient souffrir la comparaison avec
la beauté de l'âme et du caractère manifestée chez
ceux qui représentent le Christ.

Une église peut être la plus pauvre de la terre,


la plus dépourvue d'apparence extérieure, si ses
membres se conforment aux principes qui
constituent le caractère du Christ, les anges se
joindront à eux pour participer à leur culte. Les
louanges et les actions de grâces qui s'échapperont
de leurs cœurs reconnaissants s'élèveront vers Dieu
comme une douce oblation.

Louez l'Éternel, car il est bon,


Car sa miséricorde dure à toujours!
Qu'ainsi disent les rachetés de l'Éternel,
Ceux qu'il a délivrés de la main de l'ennemi.
775
Chantez, chantez en son honneur!
Parlez de toutes ses merveilles!
Glorifiez-vous de son saint nom!
Que le cœur de ceux qui cherchent l'Éternel se
réjouisse!

Car il a satisfait l'âme altérée,


Il a comblé de biens l'âme affamée.
(Psaumes 107:1, 2; 105:2, 3; 107:9)

776
Chapitre 46

Les prophètes de Dieu les


assistaient

Les Israélites, occupés à la reconstruction du


temple, avaient pour voisins les Samaritains. C'était
une race issue de mariages contractés entre les
païens, venus en Palestine après la déportation des
Israélites, et des membres des dix tribus restées en
Samarie et en Galilée. Plus tard, ces Samaritains se
réclamèrent du culte du vrai Dieu; mais ils
demeuraient idolâtres par le cœur et les pratiques
de leur religion. Il est vrai qu'ils considéraient leurs
idoles comme devant simplement leur rappeler le
Dieu vivant, le maître de l'univers. Néanmoins, ils
étaient portés à révérer les images taillées.

Pendant la période de la restauration, ces


Samaritains étaient connus comme « ennemis de
Juda et de Benjamin ». Lorsqu'ils apprirent que «
les fils de la captivité bâtissaient un temple à
l'Éternel, le Dieu d'Israël », « ils vinrent auprès de
777
Zorobabel et des chefs de famille » pour exprimer
leur désir de s'unir à eux dans leur travail. « Nous
bâtirons avec vous, dirent-ils, car, comme vous,
nous invoquons votre Dieu, et nous lui offrons des
sacrifices depuis le temps d'Esar-Haddon, roi
d'Assyrie, qui nous a fait monter ici. » Mais on ne
put leur accorder ce privilège. « Ce n'est pas à vous
et à nous de bâtir la maison de notre Dieu; nous la
bâtirons nous seuls à l'Éternel, le Dieu d'Israël,
comme nous l'a ordonné le roi Cyrus, roi de Perse
» (Esdras 4:1-3), leur déclara le chef des Israélites.

Un reste seulement avait décidé de retourner à


Jérusalem. Et maintenant que ces hommes
entreprenaient un travail au-dessus de leurs forces,
voici que leurs plus proches voisins leur offraient
de les aider dans leur tâche. Les Samaritains
prétendaient adorer le vrai Dieu, et ils exprimèrent
le désir de partager le privilège et les bénédictions
qui découlaient du service du temple. « Nous
bâtirons avec vous », dirent-ils. Mais si les chefs
israélites avaient accepté cette offre, ils auraient
ouvert la porte à l'idolâtrie. Ils discernèrent la
dissimulation des Samaritains, et se rendirent
778
compte que l'aide obtenue en s'alliant avec eux ne
serait rien comparativement aux bénédictions qu'ils
comptaient recevoir en suivant scrupuleusement les
ordres de Dieu.

Le Seigneur avait en effet déclaré par Moïse, au


sujet des relations qu'Israël devait entretenir avec
les nations voisines: « Tu ne traiteras point
d'alliance avec elles, et tu ne leur feras point grâce.
Tu ne contracteras point de mariage avec ces
peuples; ... car ils détourneraient de moi tes fils, qui
serviraient d'autres dieux, et la colère de l'Éternel
s'enflammerait contre vous: il te détruirait
promptement. » « Car tu es un peuple saint pour
l'Éternel, ton Dieu; et l'Éternel, ton Dieu, t'a choisi,
pour que tu fusses un peuple qui lui appartînt entre
tous les peuples qui sont sur la face de la terre. »
(Deutéronome 7:2-4; 14:2)

Les conséquences d'une alliance avec les


nations voisines étaient nettement prédites à Israël:
« L'Éternel te dispersera parmi tous les peuples,
d'une extrémité de la terre à l'autre, avait déclaré
Moïse; et là, tu serviras d'autres dieux que n'ont
779
connu ni toi, ni tes pères, du bois et de la pierre.
Parmi ces nations, tu ne seras pas tranquille, et tu
n'auras pas un lieu de repos pour la plante de tes
pieds. L'Éternel rendra ton cœur agité, tes yeux
languissants, ton âme souffrante. Ta vie sera
comme en suspens devant toi, tu trembleras la nuit
et le jour, tu douteras de ton existence. Dans l'effroi
qui remplira ton cœur et en présence de ce que tes
yeux verront, tu diras: Puisse le soir être là! et tu
diras le soir: Puisse le matin être là! »
(Deutéronome 28:64-67) « C'est de là aussi que tu
chercheras l'Éternel, ton Dieu, et que tu le
trouveras, avait-il promis au peuple juif, si tu le
cherches de tout ton cœur et de toute ton âme. »
(Deutéronome 4:29)

Zorobabel et les chefs de famille connaissaient


bien ces prédictions, ainsi que d'autres semblables.
Au cours de leur récente captivité, ils avaient eu
maintes preuves de leur accomplissement. Mais ils
s'étaient repentis des péchés qui avaient amené sur
eux et leurs pères les jugements prédits par Moïse.
S'étant tournés de tout leur cœur vers le Seigneur,
ils avaient renouvelé leur alliance avec lui. C'est
780
pourquoi il leur fut permis de retourner en Judée
pour restaurer ce qui y avait été détruit. Allaient-ils
au début même de leur mission s'allier avec des
idolâtres? Dieu avait dit: « Tu ne feras point
d'alliance avec eux. » En se consacrant à nouveau
au Seigneur, ils se rendaient compte que la ligne de
démarcation entre le peuple élu et le monde doit
toujours être strictement observée. Ils refusaient de
contracter une alliance avec le peuple qui, bien que
connaissant la loi divine, ne se soumettait pas à ses
exigences.

Les directives données dans le Deutéronome, et


destinées à instruire Israël, doivent être suivies
jusqu'à la fin des temps. La vraie prospérité dépend
de la fidélité qu'on manifeste à l'égard de l'alliance
contractée avec Dieu. Il ne faut jamais transiger
avec les principes en s'alliant avec ceux qui ne
craignent pas le Seigneur.

Les chrétiens de profession courent un grave


danger lorsque, pour exercer une influence sur les
mondains, ils croient devoir, dans une certaine
mesure, se conduire comme eux. Mais si cette
781
manière d'agir semble offrir des avantages, elle
aboutit toujours à un naufrage spirituel. Le peuple
de Dieu doit bien prendre garde à cette influence
subtile qui pénètre dans l'âme par les artifices
séduisants des ennemis de la vérité. Les chrétiens
sont des pèlerins et des voyageurs sur la terre; ils
cheminent dans un sentier hérissé d'obstacles. Ils
ne doivent pas prêter attention aux habiles
subterfuges et sollicitations flatteuses qui les
entraîneraient à la désobéissance. Ce ne sont pas
les ennemis déclarés de la cause de Dieu qu'on doit
le plus redouter. Tous ceux qui, comme les
ennemis de Juda et de Benjamin, se présentent avec
des paroles aimables, avec de beaux discours, dans
l'intention apparente d'entrer en relations amicales
avec les enfants de Dieu, réussiront le plus
sûrement à les tromper.

Il faut faire preuve de vigilance à l'égard de


telles personnes, de peur d'être pris à l'improviste
dans un piège savamment tendu. Dieu demande à
ses enfants de déployer une vigilance de tous les
instants, particulièrement à la fin de l'histoire de
notre monde. Mais, bien que le conflit ne connaisse
782
aucune trêve, nul n'est seul à le soutenir. Les anges
soutiennent et protègent tous ceux qui marchent
humblement devant Dieu. Le Seigneur ne trahira
jamais celui qui se confie en lui. Lorsque ses
enfants s'approchent de lui pour réclamer sa
protection contre le mal, rempli de pitié et d'amour,
il déploie son étendard devant l'ennemi. Ne les
touche pas, lui dit-il, car ils sont à moi; je les ai
gravés sur la paume de mes mains.

Persistant dans leur hostilité, les Samaritains «


découragèrent le peuple de Juda; ils l'intimidèrent
pour l'empêcher de bâtir, et ils gagnèrent à prix
d'argent des conseillers pour faire échouer son
entreprise. Il en fut ainsi pendant toute la vie de
Cyrus, roi de Perse, et jusqu'au règne de Darius, roi
de Perse. » (Esdras 4:4, 5) Par de faux rapports, ils
suscitèrent la défiance dans les esprits prompts à la
suspicion. Cependant, les forces du mal furent
tenues en échec de longues années, et le peuple de
Juda put continuer à travailler librement à l'érection
du temple.

Tandis que Satan s'efforçait d'influencer les


783
personnages les plus en vue de l'empire médo-
persan, et essayait de jeter le discrédit sur le peuple
de Dieu, les anges travaillaient pour les exilés.
Tout le ciel s'intéressait à ce conflit. Le prophète
Daniel nous donne un aperçu de cette lutte
gigantesque entre les forces du bien et celles du
mal. Pendant trois semaines, Gabriel combattit
contre les puissances des ténèbres; il s'efforça de
contrecarrer les influences qui s'exerçaient sur
l'esprit de Cyrus. Avant la fin de ce combat, le
Christ lui-même vint au secours de Gabriel. « Le
chef du royaume de Perse m'a résisté vingt et un
jours, déclare Gabriel; mais voici, Micaël, l'un des
principaux chefs, est venu à mon secours, et je suis
demeuré là auprès des rois de Perse. » (Daniel
10:13) Tout ce que le ciel pouvait faire en faveur
du peuple de Dieu avait été accompli. La victoire
était finalement remportée; les forces du mal
avaient été tenues en échec pendant tout le règne de
Cyrus et de son fils Cambyse, qui occupa le trône
environ sept ans et demi.

Une occasion magnifique s'offrait alors aux


Juifs. Le ciel agissait sur le cœur des rois. Il
784
incombait au peuple de Dieu de faire l'impossible
pour que le décret de Cyrus fût appliqué. Les Juifs
auraient dû profiter de construire le temple, de
rétablir ses services, et en même temps de se
réinstaller dans leurs foyers. Mais, au moment
favorable, beaucoup d'entre eux firent preuve de
mauvaise volonté. L'opposition ennemie était
ferme et résolue, et peu à peu les ouvriers perdirent
courage. Certains n'oubliaient pas qu'à l'occasion
de la pose de la première pierre, plusieurs avaient
exprimé leur crainte de voir échouer cette
entreprise. Et alors que les Samaritains se
montraient plus hardis, la plupart des Juifs se
demandaient si, après tout, le moment était bien
venu de reconstruire le temple. Cette idée gagna
bientôt tout le peuple. La plupart des ouvriers,
découragés et démoralisés, retournèrent dans leurs
foyers pour y reprendre leurs occupations
habituelles.

Sous le règne de Cambyse, la construction du


temple avança lentement. Sous celui du faux
Smerdis (appelé Artaxerxès dans Esdras 4:7), les
Samaritains suggérèrent à cet imposteur sans
785
scrupule de lancer un décret interdisant aux Juifs la
reconstruction de leur temple et de leur ville.
Pendant plus d'un an, les travaux furent
interrompus et presque abandonnés. Les gens
restèrent chez eux, et s'ingénièrent à acquérir des
biens matériels; mais leur situation était déplorable.
Malgré tout leur travail, ils ne prospéraient pas. Les
éléments même semblaient conspirer contre eux: la
sécheresse détruisit leurs récoltes. Dieu leur avait
accordé des fruits sauvages et cultivés, du blé, du
vin, de l'huile comme témoignage de sa faveur.
Mais comme ils usèrent de ces dons généreux d'une
manière égoïste, il leur retira ses bénédictions.

Telle était la situation au début du règne de


Darius. L'état spirituel et matériel des Israélites
était pitoyable. Ils avaient murmuré et douté si
longtemps, ils avaient si longtemps fait passer leurs
intérêts personnels en premier, ils s'étaient
tellement désintéressés des ruines du temple qu'un
grand nombre avait perdu de vue le dessein de
Dieu de rétablir son peuple en Judée. Ils disaient: «
Le temps n'est pas venu, le temps de rebâtir la
maison de l'Éternel. » (Aggée 1:2)
786
L'heure était très sombre, mais elle n'était pas
sans espoir pour ceux qui se confiaient en Dieu.
Les prophètes Aggée et Zacharie furent suscités
pour faire face à la crise. Leurs témoignages
émouvants révélèrent aux Israélites la cause de
leurs difficultés. Si tout ne marchait pas comme ils
l'auraient voulu, c'était parce qu'ils avaient oublié
de faire passer avant tous les autres les intérêts du
royaume des cieux. S'ils avaient honoré Dieu, s'ils
lui avaient témoigné du respect et de la révérence,
en s'occupant d'abord de la construction de sa
maison, ils se seraient ainsi assuré sa présence et sa
bénédiction.

A ceux qui se laissaient aller au


découragement, le prophète Aggée demandait: «
Est-ce le temps pour vous d'habiter vos demeures
lambrissées, quand cette maison est détruite? Ainsi
parle maintenant l'Éternel des armées: Considérez
attentivement vos voies! » Pourquoi avez-vous fait
si peu pour moi? Pourquoi vous inquiétez-vous au
sujet de vos demeures et vous désintéressez-vous
de la maison de l'Éternel? Où est le zèle que vous
787
témoigniez autrefois pour la reconstruction du
temple? Qu'avez-vous gagné en ne vous occupant
que de vous-mêmes? Votre désir d'échapper à la
pauvreté vous a conduits à négliger le temple, mais
cette négligence vous a apporté ce que vous
redoutiez. « Vous semez beaucoup, et vous
recueillez peu, vous mangez, et vous n'êtes pas
rassasiés, vous buvez, et vous n'êtes pas désaltérés,
vous êtes vêtus, et vous n'avez pas chaud; le salaire
de celui qui est à gages tombe dans un sac percé. »
(Aggée 1:4-6)

Dieu révéla au peuple la cause de sa misère par


des paroles qui ne pouvaient prêter à confusion. «
Vous comptiez sur beaucoup, et voici, vous avez
eu peu; vous l'avez rentré chez vous, mais j'ai
soufflé dessus. Pourquoi? dit l'Éternel des armées.
A cause de ma maison qui est détruite, tandis que
vous vous empressez chacun pour sa maison. C'est
pourquoi les cieux vous ont refusé la rosée, et la
terre a refusé ses produits. J'ai appelé la sécheresse
sur le pays, sur les montagnes, sur le blé, sur le
moût, sur l'huile, sur ce que la terre peut rapporter,
sur les hommes et sur les bêtes, et sur tout le travail
788
des mains. » (Aggée 1:9-11) « Considérez
attentivement vos voies! suppliait le Seigneur.
Montez sur la montagne, apportez du bois et
bâtissez la maison: j'en aurai de la joie, et je serai
glorifié. » (Aggée 1:7, 8)

Le message délivré par Aggée toucha le cœur


des chefs israélites et celui du peuple. Ils
comprirent que les paroles de Dieu étaient graves,
et ils n'osèrent pas rejeter les instructions répétées
qui leur étaient adressées. Ils savaient que la
prospérité matérielle et les bénédictions spirituelles
dépendaient de leur obéissance aux
commandements de Dieu. Touchés par les paroles
du prophète, Zorobabel et Josué, ainsi que « tout le
reste du peuple, entendirent la voix de l'Éternel,
leur Dieu » (Aggée 1:12).

Dès qu'Israël se décida à obéir, le message de


reproche fut suivi par des paroles de réconfort. «
Aggée ... dit au peuple, d'après l'ordre de l'Éternel:
Je suis avec vous, dit l'Éternel. L'Éternel réveilla
l'esprit de Zorobabel ... et l'esprit de Josué ... et
l'esprit de tout le reste du peuple. Ils vinrent et ils
789
se mirent à l'œuvre dans la maison de l'Éternel des
armées, leur Dieu. » (Aggée 1:13, 14)

Moins d'un mois après la reprise des travaux,


les constructeurs reçurent un nouveau message
d'encouragement. « Fortifie-toi, Zorobabel! dit
l'Éternel. Fortifie-toi, Josué. ... Fortifie-toi, peuple
entier du pays! dit l'Éternel. Et travaillez! Car je
suis avec vous, dit l'Éternel des armées. » (Aggée
2:4)

Le Seigneur avait déclaré au peuple d'Israël,


lorsqu'il campait au pied du Sinaï: « J'habiterai au
milieu des enfants d'Israël, et je serai leur Dieu. Ils
connaîtront que je suis l'Éternel, leur Dieu, qui les
a fait sortir du pays d'Égypte, pour habiter au
milieu d'eux. Je suis l'Éternel, leur Dieu. » (Exode
29:45, 46) Et maintenant, bien qu'ils se soient
montrés si souvent « rebelles et qu'ils aient attristé
son esprit saint » (Ésaïe 63:10), par les messages
de son prophète, le Seigneur leur tendait une main
secourable. Puisqu'ils collaboraient à l'exécution de
ses desseins, Dieu renouvelait son alliance avec
eux: son Esprit serait au milieu d'eux. Ils n'avaient
790
rien à craindre.

De nos jours aussi Dieu déclare à celui qui le


sert: « Fortifie-toi. ... Travaille. Je suis avec toi. »
Le chrétien ne cesse d'avoir un grand secours avec
le Seigneur. Comment interviendra-t-il en notre
faveur? Nous pouvons l'ignorer, mais ce que nous
savons, c'est qu'il n'abandonnera jamais celui qui se
confie en lui. Que de fois il nous a dirigés de
manière à faire échouer les plans de l'ennemi! Si
nous pouvions nous en rendre compte, nous
avancerions résolument sans jamais maugréer.
Notre foi serait solide, et nulle épreuve n'arriverait
à nous ébranler. Dieu serait notre sagesse et notre
force, et il accomplirait sa volonté par notre
moyen.

Les exhortations et les encouragements du


prophète Aggée étaient renforcés par Zacharie.
Dieu suscita ce dernier pour qu'il se tienne au côté
d'Aggée lorsqu'il pressait Israël de se lever et de
bâtir. Le premier message de Zacharie assurait le
peuple de Dieu que la parole du Très-Haut ne faillit
jamais, et que des bénédictions sont accordées à
791
tous ceux qui écoutent la parole prophétique.

Bien que leurs champs fussent ravagés, que


leurs faibles provisions s'épuisassent rapidement, et
qu'ils fussent entourés de peuples hostiles, les
Israélites marchèrent par la foi, en réponse à l'appel
des envoyés de Dieu; ils se mirent courageusement
à l'œuvre pour relever les ruines du temple. C'était
un travail qui exigeait une ferme confiance dans le
Seigneur. Alors qu'ils s'efforçaient de s'acquitter de
leur tâche et recherchaient un renouveau de la
grâce d'en haut, des messages répétés leur étaient
adressés par Aggée et Zacharie. Ces messages les
assuraient que leur foi serait richement
récompensée, et que la parole du Seigneur se
rapportant à la gloire future du nouveau temple ne
faillirait pas. Dans ce temple même apparaîtrait,
lorsque les temps seraient révolus, le Désiré des
nations, le Maître et le Sauveur des hommes.

Les constructeurs du temple n'étaient donc pas


abandonnés à eux-mêmes. « Avec eux étaient les
prophètes de Dieu, qui les assistaient. » (Esdras
5:2) Et Dieu lui-même avait déclaré: « Fortifiez-
792
vous. ... Travaillez! Car je suis avec vous. » (Aggée
2:4) Leur vif désir de se repentir et de marcher par
la foi était accompagné de la promesse d'une
grande prospérité matérielle. « Dès ce jour,
déclarait le Seigneur, je répandrai ma bénédiction.
» (Aggée 2:19)

À Zorobabel, leur gouverneur — qui depuis


son retour de Babylone avait connu de dures
tribulations — était donné encore un plus précieux
message. Le jour n'était pas loin où tous les
ennemis du peuple élu seraient renversés. « En ce
jour-là, dit l'Éternel des armées, je te prendrai,
Zorobabel ... mon serviteur ... et je te garderai
comme un sceau; car je t'ai choisi. » (Aggée 2:23)
Zorobabel comprit alors que c'était la providence
qui l'avait fait passer par le découragement et le
doute. Dans tout ce qui lui était arrivé, il pouvait
discerner maintenant les desseins de Dieu.

Ces paroles adressées personnellement à


Zorobabel sont consignées dans la sainte Ecriture
pour servir d'encouragement aux enfants de Dieu
de tous les temps. Le Seigneur a un but en
793
envoyant des épreuves à ceux qui l'aiment. Il ne les
dirige jamais dans une voie différente de celle
qu'ils choisiraient eux-mêmes s'ils pouvaient voir la
fin dès le commencement, et discerner la gloire du
but qui leur est proposé. Toutes les épreuves, toutes
les tribulations sont destinées à galvaniser leurs
forces, en vue de ce qu'ils doivent faire et souffrir
pour le ciel.

Les messages d'Aggée et de Zacharie


stimulèrent les Israélites dans la reconstruction du
temple. Mais ils ne cessaient d'être harcelés par les
Samaritains et d'autres ennemis. Un jour où les
gouverneurs du royaume médo-persan visitaient
Jérusalem, ils demandèrent aux Juifs qui les avait
autorisés à rebâtir leur temple. A ce moment-là, si
les Juifs ne s'étaient pas confiés dans le Seigneur
pour être dirigés, des conséquences désastreuses
s'en seraient ensuivies. « Mais l'œil de Dieu veillait
sur les anciens des Juifs. Et on laissa continuer les
travaux pendant l'envoi d'un rapport à Darius. »
(Esdras 5:5) La réponse que reçurent les
gouverneurs était si raisonnable qu'ils décidèrent
d'écrire à Darius, fils d'Hystaspe, roi de l'empire
794
médo-persan, pour lui faire savoir qu'un décret de
Cyrus avait ordonné la reconstruction du temple à
Jérusalem, les frais devant être couverts par le
trésor royal.

Darius rechercha ce décret; et, l'ayant trouvé, il


ordonna à ceux qui avaient mené l'enquête de
laisser poursuivre la construction. « Laissez
continuer les travaux de cette maison de Dieu,
ordonna-t-il, que le gouverneur des Juifs et les
anciens des Juifs la rebâtissent sur l'emplacement
qu'elle occupait. Voici l'ordre que je donne
touchant ce que vous aurez à faire à l'égard de ces
anciens des Juifs pour la reconstruction de cette
maison de Dieu: les frais, pris sur les biens du roi
provenant des tributs de l'autre côté du fleuve,
seront exactement payés à ces hommes, afin qu'il
n'y ait pas d'interruption. Les choses nécessaires
pour les holocaustes du Dieu des cieux, jeunes
taureaux, béliers et agneaux, froment, sel, vin et
huile, seront livrées, sur leur demande, aux
sacrificateurs de Jérusalem, jour par jour et sans
manquer, afin qu'ils offrent des sacrifices de bonne
odeur au Dieu des cieux et qu'ils prient pour la vie
795
du roi et de ses fils. » (Esdras 6:7-10)

De plus, le roi ordonna que de sévères mesures


fussent prises contre ceux qui enfreindraient ce
décret, et il termina par cette déclaration
remarquable: « Que le Dieu qui fait résider en ce
lieu son nom renverse tout roi et tout peuple qui
étendraient la main pour transgresser ma parole,
pour détruire cette maison de Dieu à Jérusalem!
Moi, Darius, j'ai donné cet ordre. Qu'il soit
ponctuellement exécuté. » (Esdras 6:12) C'est ainsi
que Dieu préparait la voie pour l'achèvement des
travaux.

Pendant des mois, avant la promulgation de ce


décret, les Israélites avaient continué à travailler
par la foi, soutenus par les prophètes de Dieu qui
leur délivraient de temps en temps des messages
destinés à rappeler le plan divin les concernant.
Deux mois après le dernier message d'Aggée,
Zacharie eut une série de visions touchant l'œuvre
de Dieu sur la terre. Ces messages, adressés sous
forme de paraboles et de symboles, furent donnés à
un moment d'incertitude et d'anxiété. Ils avaient
796
une signification particulière pour les hommes qui
marchaient de l'avant au nom du Dieu d'Israël. Il
semblait aux chefs du peuple juif que la permission
accordée pour la reconstruction du temple allait
être supprimée; l'avenir paraissait bien sombre.
Mais Dieu savait que son peuple avait besoin d'être
soutenu et fortifié par une révélation de son amour
et de sa miséricorde infinie. Dans une vision,
Zacharie entendit l'ange demander: « Éternel des
armées, jusques à quand n'auras-tu pas compassion
de Jérusalem et des villes de Juda contre lesquelles
tu es irrité depuis soixante et dix ans? L'Éternel
répondit par de bonnes paroles, par des paroles de
consolation à l'ange qui parlait avec moi », dit
Zacharie.

« Et l'ange qui parlait avec moi me dit: Crie et


dis: Ainsi parle l'Éternel des armées: Je suis ému
d'une grande jalousie pour Jérusalem et pour Sion,
et je suis saisi d'une grande irritation contre les
nations orgueilleuses; car je n'étais que peu irrité,
mais elles ont contribué au mal. C'est pourquoi
ainsi parle l'Éternel: Je reviens à Jérusalem avec
compassion; ma maison y sera rebâtie, et le
797
cordeau sera étendu sur Jérusalem. » (Zacharie
1:12-16)

Le prophète fut ensuite prié de déclarer: « Ainsi


parle l'Éternel des armées: Mes villes auront encore
des biens en abondance; l'Éternel consolera encore
Sion, il choisira encore Jérusalem. » (Zacharie
1:17) Zacharie vit alors les puissances qui avaient
dispersé Juda, Israël et Jérusalem, symbolisées par
quatre cornes. Immédiatement après il vit quatre
forgerons, représentant les chefs choisis par Dieu
pour restaurer son peuple et son temple (Voir
Zacharie 1:18-21).

« Je levai les yeux et je regardai, dit le


prophète, et voici, il y avait un homme tenant dans
la main un cordeau pour mesurer. Je dis: Où vas-
tu? Et il me dit: Je vais mesurer Jérusalem, pour
voir de quelle largeur et de quelle longueur elle
doit être. Et voici, l'ange qui parlait avec moi
s'avança, et un autre ange vint à sa rencontre. Il lui
dit: Cours, parle à ce jeune homme, et dis:
Jérusalem sera une ville ouverte, à cause de la
multitude d'hommes et de bêtes qui seront au
798
milieu d'elle; et je serai pour elle, dit l'Éternel, une
muraille de feu tout autour, et je serai sa gloire au
milieu d'elle. » (Zacharie 2:1-5)

Dieu avait ordonné que Jérusalem fût rebâtie.


La vision qui avait trait à la mesure de la ville
représentait l'assurance qu'il accorderait les forces
et le réconfort à ceux qu'il avait affligés, et qu'il
accomplirait les promesses de son alliance
éternelle. Sa tendre protection pour les Israélites,
déclarait-il, serait comme « une muraille de feu
tout autour », et par eux la gloire divine serait
révélée à tous les enfants des hommes. Ce que
Dieu accomplissait pour son peuple devait être
connu par toute la terre.

Pousse des cris de joie et d'allégresse, habitant


de Sion!
Car il est grand au milieu de toi, le Saint
d'Israël.
(Ésaïe 12:6)

799
Chapitre 47

Josué et l'ange

Les rapides progrès des constructeurs du


temple déconcertèrent et alarmèrent au plus haut
point les forces du mal. Satan décida alors
d'intensifier ses efforts pour affaiblir et décourager
le peuple de Dieu en faisant ressortir ses
imperfections. Si ceux qui avaient souffert si
longtemps de leurs transgressions pouvaient à
nouveau se laisser aller à mépriser les
commandements de Dieu, ils retomberaient dans
l'esclavage du péché.

Les Israélites, choisis pour faire connaître Dieu,


attiraient particulièrement l'inimitié de Satan, qui
avait juré leur perte. Aussi longtemps qu'ils
restaient fidèles, le prince du mal ne pouvait leur
nuire. Aussi concentrait-il toutes ses forces et
toutes ses ruses pour arriver à ses fins. Ayant enfin
réussi à les faire succomber à la tentation, leur
ennemi triompha. Le peuple de Dieu transgressa la

800
loi divine et devint la proie de ses ennemis.

Cependant, bien qu'ils aient été emmenés en


captivité à Babylone, Dieu ne les abandonna pas. Il
leur envoya ses prophètes avec des messages de
reproches et d'avertissements, et il éveilla chez eux
le sentiment de leur culpabilité. Lorsqu'ils
s'humilièrent et revinrent à lui, repentants, il leur
envoya des paroles de réconfort. Il leur promit de
les délivrer de la captivité, de leur redonner sa
faveur et de les rétablir dans leur pays. Et
maintenant que cette œuvre de restauration avait
commencé et qu'un reste d'Israël occupait à
nouveau la Judée, Satan redoublait d'efforts pour
faire échouer le plan divin. Pour y arriver, il
cherchait à exercer son influence sur les nations
païennes, afin d'anéantir Israël.

Mais dans cette crise, Dieu fortifia son peuple «


par de bonnes paroles, par des paroles de
consolation » (Zacharie 1:13). Par une illustration
frappante, où il comparait l'œuvre du Christ à celle
de Satan, il montra avec quelle puissance le
Médiateur des enfants de Dieu peut confondre leur
801
accusateur. Dans une vision, le prophète aperçut «
Josué, le souverain sacrificateur ... couvert de
vêtements sales » (Zacharie 3:1, 3), debout devant
l'ange et implorant la miséricorde divine pour son
peuple qui était dans une grande affliction. Tandis
qu'il suppliait Dieu, Satan se dressait plein
d'arrogance pour l'accuser. Il rappelait les
transgressions d'Israël pour l'empêcher de recevoir
les faveurs divines. Il voulait faire de lui sa proie,
et il insistait pour qu'il lui fût livré.

Le grand prêtre n'arrivait pas à se défendre. Il


ne prétendait pas qu'Israël n'était pas coupable.
Couvert de vêtements sales — symbole des péchés
du peuple dont il s'est chargé — Josué, le
représentant de ce dernier, se tient debout devant
l'ange. Il confesse toutes ses transgressions en
exprimant la repentance et l'humiliation de leurs
auteurs. Il s'en remet au Rédempteur qui pardonne,
et il invoque avec foi les promesses divines.

Alors l'ange qui représente le Christ, le Sauveur


des pécheurs, réduisit au silence l'accusateur du
peuple de Dieu. « L'Éternel dit à Satan: Que
802
l'Éternel te réprime, lui qui a choisi Jérusalem!
N'est-ce pas là un tison arraché du feu? » (Zacharie
3:2) Israël était resté longtemps dans la fournaise
de l'affliction à cause de ses péchés. Il avait été sur
le point d'être consumé par la flamme allumée par
Satan et ses suppôts pour l'anéantir; mais Dieu
s'apprêtait à le réhabiliter.

Lorsque l'intercession de Josué fut acceptée,


l'ange déclara: « Otez-lui les vêtements sales! Puis
il dit à Josué: Vois, je t'enlève ton iniquité, et je te
revêts d'habits de fête. Je dis: Qu'on mette sur sa
tête un turban pur! Et ils mirent un turban pur sur
sa tête, et ils lui mirent des vêtements. » (Zacharie
3:4, 5) Ses péchés étaient pardonnés, ainsi que
ceux de son peuple. Israël était revêtu « d'habits de
fête », grâce à la justice du Christ. Le turban placé
sur la tête de Josué ressemblait à la tiare que
portaient les prêtres; on y lisait cette inscription: «
Sainteté à l'Éternel » (Exode 28:36), ce qui
signifiait que, malgré ses transgressions, Josué était
désormais qualifié pour remplir les fonctions de
ministre du sanctuaire devant Dieu.

803
L'ange déclara alors à Josué: « Ainsi parle
l'Éternel des armées: Si tu marches dans mes voies
et si tu observes mes ordres, tu jugeras ma maison
et tu garderas mes parvis, et je te donnerai libre
accès parmi ceux qui sont ici. » (Zacharie 3:7) Si
Josué était fidèle, il serait honoré comme juge ou
chef du temple et de tous les services qui s'y
rattachaient. Il jouirait de la compagnie des anges,
même ici-bas; et à la fin des temps, il se joindrait à
la grande foule des rachetés qui se pressera autour
du trône de Dieu.

« Ecoute donc, Josué, souverain sacrificateur,


toi et tes compagnons qui sont assis devant toi! —
car ce sont des hommes qui serviront de signes. —
Voici, je ferai venir mon serviteur, le germe. »
(Zacharie 3:8) C'est en ces termes que Zacharie
s'exprime au nom de Dieu pour parler du
Libérateur qui devait venir. C'était là que se
trouvait l'espoir d'Israël. C'est par la foi dans ce
Sauveur que Josué et son peuple avaient obtenu le
pardon; c'est par la foi en lui qu'ils avaient retrouvé
la faveur divine. Par la vertu de ses mérites, s'ils
observaient fidèlement les commandements de
804
Dieu, ce seraient des « hommes qui serviraient de
signes », honorés comme les élus du ciel parmi les
peuples de la terre.

De même que Satan accusa Josué et son peuple,


de même il ne cesse d'accuser ceux qui, dans tous
les âges, recherchent la miséricorde et l'amour de
Dieu. Il est « l'accusateur des frères, celui qui les
accuse devant notre Dieu jour et nuit »
(Apocalypse 12:10). Toute âme libérée du pouvoir
du mal et dont le nom est inscrit dans le livre de vie
de l'Agneau, subit ses assauts. Nul n'est reçu dans
la famille divine sans susciter chez l'ennemi une
résistance acharnée. Mais celui qui était l'espoir
d'Israël, leur défenseur, leur justice et leur
rédempteur, est aussi l'espoir de l'Église de nos
jours.

Les accusations de Satan contre ceux qui


recherchent le Seigneur ne sont pas provoquées par
sa haine du péché. Il se réjouit au contraire des
défauts de caractère des chrétiens, car il sait que
seule la transgression de la loi divine lui assurera
tout pouvoir sur eux. Ses accusations sont
805
uniquement inspirées par son inimitié pour le
Sauveur. Mais, par le plan du salut, Jésus supprime
l'emprise de Satan sur la famille humaine, et il la
délivre de sa puissance. Alors toute la haine, toute
la malice du prince du mal s'exacerbent en
présence de la suprématie du Christ. Aussi met-il
en œuvre sa puissance et sa ruse pour arracher au
Seigneur les enfants des hommes qui ont accepté le
salut. Il les pousse au scepticisme, les incite à
perdre confiance en Dieu, et à se séparer de son
amour. Il leur suggère de transgresser sa loi, puis il
les revendique comme ses captifs et conteste au
Christ le droit de les lui prendre.

Satan sait que tous ceux qui demandent à Dieu


son pardon et sa grâce obtiendront gain de cause;
c'est pourquoi il leur présente leurs péchés pour les
décourager. Il ne cesse de susciter des occasions de
se plaindre chez ceux qui s'efforcent d'obéir au
Seigneur. Il cherche même à leur présenter comme
viles leurs meilleures actions. Par d'innombrables
stratagèmes, d'une subtilité et d'une cruauté
incomparables, il s'applique à provoquer leur
condamnation.
806
Il est impossible à l'homme, par ses propres
forces, de tenir tête aux accusations de l'ennemi.
Debout devant Dieu, vêtu de vêtements sales, il
confesse ses péchés. Alors Jésus, notre avocat,
plaide efficacement en sa faveur. Il défend sa
cause, et, grâce au sacrifice du Calvaire, il
triomphe de l'accusateur. Sa parfaite obéissance à
la loi divine lui a donné tout pouvoir dans le ciel et
sur la terre, et il supplie son Père d'accorder sa
miséricorde au pécheur et de le réconcilier avec lui.
Il déclare à l'accusateur de son peuple: « Que
l'Éternel te réprime, Satan! Ce peuple a été racheté
par mon sang, c'est un tison arraché du feu. » Et à
celui qui se confie en lui, il donne cette assurance:
« Vois, je t'enlève ton iniquité, et je te revêts
d'habits de fête. » (Zacharie 3:4)

Tous ceux qui ont revêtu la robe de justice du


Christ se tiendront devant lui comme ses élus, ses
fidèles, ses justes. Satan n'aura aucun pouvoir pour
les ravir de la main du Sauveur. Aucune âme qui
réclame sa protection avec foi ne tombera sous la
puissance de l'ennemi. La Parole de Dieu nous en
807
donne l'assurance. « Qu'on me prenne pour refuge,
dit au nom du Seigneur le prophète Ésaïe, qu'on
fasse la paix avec moi, qu'on fasse la paix avec
moi. » (Ésaïe 27:5) La promesse faite à Josué est
aussi pour nous: « Si tu marches dans mes voies et
si tu observes mes ordres, ... je te donnerai libre
accès parmi ceux qui sont ici. » (Zacharie 3:7) Les
anges de Dieu seront à nos côtés dès ici-bas.

La vision de Zacharie relative à Josué et à


l'ange s'applique particulièrement au peuple de
Dieu et aux scènes finales du grand jour des
expiations. L'Église des derniers temps connaîtra
alors de terribles épreuves et une grande détresse.
Ceux qui gardent les commandements de Dieu et
qui ont le témoignage de Jésus subiront la colère du
dragon et de ses suppôts. Satan considère le monde
comme lui étant assujetti; il exerce même sa
domination sur de nombreux chrétiens de
profession. Mais voici une petite minorité de
croyants qui résiste à sa suprématie. S'il arrivait à
l'anéantir, sa victoire serait totale. De même qu'il a
incité les nations païennes à détruire Israël, de
même dans un proche avenir, il s'ingéniera à
808
mobiliser les forces du mal pour anéantir le peuple
de Dieu. Les hommes seront contraints d'obéir aux
décrets humains et de violer la loi divine.

Ceux qui resteront fidèles au Seigneur seront


menacés, dénoncés, proscrits. Cette parole du
Christ s'accomplira pour eux: « Vous serez livrés
même par vos parents, par vos frères, par vos
proches et par vos amis, et ils vous feront mourir. »
(Luc 21:16) La miséricorde divine sera leur unique
recours, et leur seule défense, la prière. Comme
Josué plaidait avec l'ange, l'Église « du reste »
plaidera avec une foi inébranlable pour obtenir le
pardon et la délivrance par Jésus, son avocat.
Pleinement conscients de leurs iniquités, les
enfants de Dieu verront leur faiblesse et leur
indignité et seront prêts à se décourager. Le
tentateur se tiendra tout près d'eux pour les accuser,
comme il le fit pour Josué. Il attirera leur attention
sur leurs vêtements sales: leurs imperfections de
caractère. Il leur montrera leur faiblesse, leur folie,
leur ingratitude, leur peu de ressemblance avec le
Christ, tous les péchés qui ont déshonoré leur
Rédempteur. Il s'efforcera de les effrayer en
809
suscitant chez eux la pensée que leur cas est
désespéré, que leur souillure ne pourra jamais être
purifiée. Il espérera ainsi détruire leur foi et les
faire succomber à la tentation.

Satan connaît bien tous les péchés que les


hommes commettent à son instigation. Il accable
les pécheurs de ses accusations en leur faisant
croire qu'ils sont privés de la protection divine et
qu'il a le droit de les anéantir. Il les exclut de la
faveur céleste comme il s'en est exclu lui-même. «
Est-ce là le peuple qui prétend usurper ma place au
ciel, ainsi que celle de mes anges? dit-il. Obéit-il
vraiment à la loi de Dieu, garde-t-il ses préceptes?
Ces gens ne sont-ils pas plus attachés à leurs
personnes qu'à Dieu? N'ont-ils pas placé leurs
intérêts personnels avant ceux d'en haut? Ne sont-
ils pas attachés aux choses du monde? Regardez les
péchés qui souillent leur vie. Considérez leur
égoïsme, leur malice, la haine qu'ils éprouvent les
uns pour les autres. Dieu me chassera-t-il avec mes
anges de sa présence pour récompenser ceux qui
ont commis des péchés semblables aux nôtres? Tu
ne peux agir ainsi, ô Dieu de justice. La justice
810
exige qu'une sentence soit prononcée contre eux. »

Mais si les disciples du Christ ont péché, ils ne


sont pas abandonnés à la domination des forces du
mal. Ils se sont repentis, et ils ont recherché le
Seigneur avec humilité et contrition. Alors l'avocat
divin a plaidé pour eux. Celui qui a connu
l'ingratitude la plus noire de la part des hommes,
mais qui a connu aussi leurs péchés et leur repentir,
déclare: « Que l'Éternel te réprime, Satan! J'ai
donné ma vie pour ces âmes; je les ai gravées sur la
paume de ma main. Elles peuvent avoir des
imperfections, avoir échoué dans leurs efforts pour
parvenir à la sainteté; mais elles se sont repenties.
Je leur ai pardonné et les ai acceptées. »

Les assauts de l'ennemi sont puissants, ses


tromperies subtiles; mais le regard du Seigneur est
sur ses enfants. Leurs tribulations sont grandes, les
flammes de la fournaise semblent être sur le point
de les consumer; mais Jésus les purifie comme l'or
est éprouvé par le feu. Il mettra fin à leur amour
des choses terrestres, afin que par eux l'image du
Sauveur soit parfaitement révélée.
811
Il semble parfois que le Seigneur oublie les
périls auxquels son Église est exposée, ainsi que les
assauts que lui livrent ses ennemis. Mais n'en
croyons rien. Rien ici-bas ne lui est plus cher. Il ne
permet pas que le monde porte atteinte à la
réputation de cette Église. Il ne laisse pas ses
enfants succomber aux tentations de l'adversaire. Il
ne tiendra point pour innocent celui qui se montre
indigne, mais il fera preuve de miséricorde envers
celui qui se repentira sincèrement. Il viendra en
aide à celui qui l'implorera pour recevoir la force
de développer un caractère chrétien.

A la fin des temps, les enfants de Dieu se


lamenteront sur les abominations qui se
commettent ici-bas. Ils imploreront avec larmes les
méchants de cesser de fouler aux pieds la loi
divine, et ils s'humilieront avec une tristesse
indicible devant le Seigneur en signe de contrition.
Mais les méchants se moqueront de cette tristesse
et de ces appels solennels.

L'angoisse et l'humiliation que manifestera le


812
peuple de Dieu prouvera péremptoirement qu'il
reconquiert la force et la noblesse de caractère
perdues à la suite du péché. C'est parce qu'il
s'approchera de plus en plus près du Christ et qu'il
aura les regards fixés sur sa pureté absolue qu'il
discernera si clairement l'effroyable malignité du
péché. La douceur et l'humilité sont les conditions
indispensables au succès et à la victoire. Une
couronne de gloire attend tous ceux qui fléchissent
les genoux au pied de la croix.

Les chrétiens fidèles qui font monter leurs


prières vers le ciel sont gardés par lui, bien
qu'ignorant la manière dont ils sont protégés.
Sollicités par Satan, les chefs de ce monde
cherchent à les anéantir; mais si ceux-ci pouvaient
ouvrir les yeux, comme autrefois le serviteur du
prophète Elisée à Dothan, ils verraient les anges
camper autour d'eux et tenir en échec les forces du
mal.

Alors que le peuple de Dieu se lamente et


implore son Dieu pour obtenir la pureté du cœur,
voici l'ordre qui est donné d'en haut: « Otez-lui les
813
vêtements sales. » Puis, suivent ces paroles
réconfortantes: « Vois, je t'enlève ton iniquité, et je
te revêts d'habits de fête. » (Zacharie 3:4) La robe
immaculée de la justice du Christ est alors donnée
aux enfants de Dieu qui, dans l'épreuve et la
tentation, sont demeurés fidèles. Ceux qui
composent ce « reste » méprisé sont revêtus de
vêtements glorieux qui ne connaîtront jamais les
souillures du monde. Leurs noms sont inscrits dans
le livre de vie de l'Agneau, à côté de ceux des
fidèles de tous les temps. Victorieux des ruses de
Satan, ils sont restés inébranlables malgré les
rugissements du dragon. Ils sont maintenant pour
toujours à l'abri du tentateur; leurs péchés sont
transférés sur l'auteur de tout mal. Un « turban pur
» est placé sur leurs têtes.

Lorsque Satan intensifiait ses accusations, des


anges invisibles allaient et venaient, plaçant sur les
fidèles le sceau du Dieu vivant. Ce sont ceux qui se
tiendront sur la montagne de Sion avec l'Agneau et
qui porteront sur leur front le nom de Dieu. Ils
chanteront un cantique nouveau devant le trône,
cantique que nul, en dehors des cent quarante-
814
quatre mille rachetés, ne peut entonner. « Ce sont
ceux qui ... suivent l'Agneau partout où il va. Ils
ont été rachetés d'entre les hommes, comme des
prémices pour Dieu et pour l'Agneau; et dans leur
bouche il ne s'est point trouvé de mensonge, car ils
sont irrépréhensibles. » (Apocalypse 14:4, 5)

Alors seront pleinement accomplies ces paroles


de l'ange: « Ecoute donc, Josué, souverain
sacrificateur, toi et tes compagnons qui sont assis
devant toi! — car ce sont des hommes qui serviront
de signes. — Voici, je ferai venir mon serviteur, le
germe. » (Zacharie 3:8) Le Christ se révèle comme
le Rédempteur et le libérateur de son peuple. Et
maintenant, voici vraiment le « reste », les «
hommes servant de signes ». Les larmes et les
humiliations dont ils ont été abreuvés au cours de
leur pèlerinage sont remplacées par la joie et
l'honneur d'être auprès de Dieu et de l'Agneau. «
En ce temps-là, le germe de l'Éternel aura de la
magnificence et de la gloire, et le fruit du pays aura
de l'éclat et de la beauté pour les réchappés d'Israël.
Et les restes de Sion, les restes de Jérusalem, seront
appelés saints, quiconque à Jérusalem sera inscrit
815
parmi les vivants. » (Ésaïe 4:2, 3)

816
Chapitre 48

Ni par la puissance, ni par la


force

Immédiatement après la vision de Josué et de


l'ange, Zacharie reçut un message concernant le
travail de Zorobabel. « L'ange qui parlait avec moi,
dit le prophète, revint et il me réveilla comme un
homme que l'on réveille de son sommeil. Il me dit:
Que vois-tu? Je répondis: Je regarde, et voici, il y a
un chandelier tout d'or, surmonté d'un vase et
portant sept lampes, avec sept conduits pour les
lampes qui sont au sommet du chandelier; et il a
près de lui deux oliviers, l'un à la droite du vase, et
l'autre à sa gauche. Et reprenant la parole, je dis à
l'ange qui parlait avec moi: Que signifient ces
choses, mon seigneur? ... Alors il reprit et me dit:
C'est ici la parole que l'Éternel adresse à
Zorobabel: Ce n'est ni par la puissance ni par la
force, mais c'est par mon esprit, dit l'Éternel des
armées. ...

817
»Je pris la parole et je lui dis: Que signifient
ces deux oliviers, à la droite du chandelier et à sa
gauche? Je pris une seconde fois la parole, et je lui
dis: Que signifient les deux rameaux d'olivier qui
sont près des deux conduits d'or d'où découle l'or?
... Et il dit: Ce sont les deux oints qui se tiennent
devant le Seigneur de toute la terre. » (Zacharie
4:1-6, 11-14)

Dans cette vision, les deux oliviers « qui se


tiennent devant le Seigneur » déversent leur huile
par des conduits d'or dans le vase du chandelier.
C'est ainsi que sont entretenues les lampes du
sanctuaire destinées à donner une lumière brillante
et continuelle. Par ses deux oints, la plénitude de la
lumière, de l'amour et de la puissance de Dieu est
communiquée aux fidèles pour qu'ils puissent en
faire part à d'autres. Ayant été ainsi enrichis, ils
doivent enrichir leurs semblables par l'inestimable
trésor de l'amour divin.

En reconstruisant le temple, Zorobabel s'était


heurté à de multiples difficultés. Dès le début, ses
adversaires « découragèrent le peuple de Juda; ils
818
l'intimidèrent pour l'empêcher de bâtir ... et firent
cesser leurs travaux par violence et par force »
(Esdras 4:4, 23). Mais Dieu intervint en faveur des
constructeurs. Et maintenant, par son prophète, il
s'adresse à Zorobabel en ces termes: « Qui es-tu,
grande montagne, devant Zorobabel? Tu seras
aplanie. Il posera la pierre principale au milieu des
acclamations: Grâce, grâce pour elle! » (Zacharie
4:7)

Tout au long de l'histoire du peuple de Dieu,


des montagnes de difficultés, apparemment
insurmontables, se sont dressées devant ceux qui
s'efforçaient d'exécuter les desseins du ciel. Le
Seigneur permet ces obstacles pour éprouver notre
foi. C'est précisément quand nous sommes dans
une impasse que nous devons placer notre
confiance en Dieu et dans la puissance de son
Esprit. Une foi vivante implique un accroissement
de force spirituelle et une confiance inébranlable en
Dieu. C'est ainsi que l'âme acquiert une puissance
conquérante. Les obstacles que Satan fait surgir sur
la route du chrétien disparaîtront avant même que
soit formulée avec foi la demande du juste; car les
819
puissances célestes viendront à son secours. « Si
vous aviez de la foi, ... rien ne vous serait
impossible, a dit Jésus. » (Matthieu 17:20)

Les mondains commencent habituellement


leurs entreprises avec pompe et gloriole. La
méthode de Dieu, au contraire, consiste à faire des
modestes commencements le glorieux triomphe de
la vérité et de la justice. Parfois, il fait subir à ses
enfants des déceptions et des échecs apparents, car
il désire leur apprendre à surmonter les difficultés.

Les hommes sont souvent tentés de chanceler


en face des épreuves et des obstacles qui se
dressent devant eux. Mais si la confiance qu'ils ont
manifestée au début se maintient jusqu'au bout,
Dieu leur facilitera la route. Leur succès sera
fonction de leurs luttes contre les difficultés.
Devant la fermeté et la foi inébranlable de
Zorobabel, les hautes montagnes de difficultés
s'aplanirent, et celui qui avait posé les fondations
du temple, « de ses mains l'achèvera. ... Il posera la
pierre principale au milieu des acclamations:
Grâce, grâce pour elle! » (Zacharie 4:9, 7)
820
Aucun pouvoir humain ne saurait établir
l'Église de Dieu, ni la détruire. Ce n'est pas sur le
roc de la force des hommes, mais sur Jésus-Christ,
le rocher des siècles, que l'Église fut fondée, et «
les portes du séjour des morts ne prévaudront point
contre elle » (Matthieu 16:18). La présence de Dieu
assure la stabilité de sa cause. « Ne vous confiez
pas aux grands, aux fils de l'homme, qui ne
peuvent sauver », nous dit le Psalmiste (Psaumes
146:3). « C'est dans la tranquillité et le repos que
sera votre salut. » (Ésaïe 30:15) L'œuvre glorieuse
de Dieu, fondée sur les principes de la justice, ne
saurait sombrer. Elle progressera résolument, avec
toujours plus de force. « Ce n'est ni par la
puissance, ni par la force, mais c'est par mon esprit,
dit l'Éternel des armées. » (Zacharie 4:6)

La promesse: « Les mains de Zorobabel ont


fondé cette maison, et ses mains l'achèveront »
(Zacharie 4:9), s'était accomplie littéralement. «
Les anciens des Juifs bâtirent avec succès, selon les
prophéties d'Aggée, le prophète, et de Zacharie, fils
d'Iddo; ils bâtirent et achevèrent, d'après l'ordre du
821
Dieu d'Israël, et d'après l'ordre de Cyrus, de Darius
et d'Artaxerxès, roi de Perse. La maison fut
achevée le troisième jour du mois d'Adar, dans la
sixième année du règne du roi Darius. » (Esdras
6:14, 15) On fit la dédicace du temple peu de temps
après sa restauration. « Les enfants d'Israël, les
sacrificateurs et les Lévites, et le reste des fils de la
captivité, firent avec joie la dédicace de cette
maison de Dieu »; et « le quatorzième jour du
premier mois », ils « célébrèrent la Pâque » (Esdras
6:16, 17, 19).

Le second temple n'atteignait pas la splendeur


du premier. Il ne fut pas sanctifié par des
témoignages visibles de la présence divine, comme
celui de Salomon. Aucune manifestation
surnaturelle ne marqua sa dédicace, aucune nuée de
gloire ne vint remplir le nouveau sanctuaire, aucun
feu ne descendit du ciel pour consommer
l'holocauste placé sur l'autel. On ne vit plus la
sainte Schekinah reposer entre les deux chérubins
du lieu très saint. On ne vit pas non plus l'arche de
l'alliance, ni le propitiatoire, ni les tables du
témoignage. Aucun signe du ciel ne manifesta la
822
volonté de Dieu.

Et cependant c'était bien cette maison au sujet


de laquelle le Seigneur avait déclaré à Aggée: « La
gloire de cette dernière maison sera plus grande
que celle de la première. » « J'ébranlerai toutes les
nations; les trésors de toutes les nations viendront,
et je remplirai de gloire cette maison, dit l'Éternel
des armées. » (Aggée 2:9, 7) Pendant des siècles,
des théologiens se sont efforcés de comprendre
comment s'était accomplie la promesse divine faite
à Aggée. Malgré l'avènement de Jésus de Nazareth,
le Désiré des nations, qui sanctifia par sa présence
l'enceinte du temple, un grand nombre d'entre eux
ont pourtant refusé obstinément de voir dans cette
prophétie une signification particulière. L'orgueil et
l'incrédulité ont aveuglé leur esprit au sujet de la
vraie signification des paroles du prophète.

Le second temple ne fut pas honoré par la nuée


de la gloire de Dieu, mais par la présence même de
celui en qui habite « toute la plénitude de la
divinité », par Dieu « manifesté en chair »
(Colossiens 2:9; 1 Timothée 3:16). C'est donc bien
823
parce que le Christ y vint en personne que le
second temple surpassa en gloire le premier. Le «
Désiré des nations » était réellement venu dans son
temple, lorsque Jésus de Nazareth enseigna et
guérit les foules dans les parvis sacrés de ce
sanctuaire.

824
Chapitre 49

Aux jours de la reine Esther

Lorsque Cyrus permit aux Juifs de retourner


dans leur pays, environ cinquante mille d'entre eux
en profitèrent. Comparés aux centaines de mille
dispersés dans les provinces de l'empire médo-
persan, ce nombre ne représentait qu'un faible
reste. La grande majorité des Juifs préféraient
rester en exil plutôt que d'affronter les souffrances
possibles d'un retour et d'une réinstallation dans
des villes et des maisons dévastées.

Une vingtaine d'années après le décret de


Cyrus, Darius en promulgua un deuxième tout
aussi favorable que le précédent. Ainsi, dans sa
miséricorde, Dieu suscita une nouvelle occasion
pour les Juifs de regagner leur patrie. Il avait prévu
les temps fâcheux du règne de Xerxès —
l'Assuérus du livre d'Esther. Il n'opéra pas
seulement un changement dans le cœur des
dirigeants, mais il inspira aussi à Zacharie l'idée

825
d'insister auprès des exilés pour qu'ils retournent en
Judée.

« Fuyez, fuyez du pays du septentrion! »


proclamait le prophète aux tribus dispersées
d'Israël, qui s'étaient établies dans des contrées
lointaines de la Judée. « Je vous ai dispersés aux
quatre vents des cieux, dit l'Éternel. Sauve-toi,
Sion, toi qui habites chez la fille de Babylone! Car
ainsi parle l'Éternel des armées: Après cela, viendra
la gloire! Il m'a envoyé vers les nations qui vous
ont dépouillés; car celui qui vous touche, touche la
prunelle de son œil. Voici, je lève ma main contre
elles, et elles seront la proie de ceux qui leur étaient
asservis. Et vous saurez que l'Éternel des armées
m'a envoyé. » (Zacharie 2:6-9)

Le dessein de Dieu restait toujours le même:


son peuple devait être ici-bas une louange à la
gloire de son nom. Il avait suscité au cours d'un
long exil de fréquentes occasions de retourner à lui.
Certains Israélites avaient écouté ses
avertissements et en avaient profité. D'autres
avaient trouvé le salut au sein de l'affliction. Ils
826
représentaient la plus grande partie de ce reste qui
retourna en Judée. La Parole inspirée les compare à
« la cime d'un grand cèdre », planté « sur une
montagne haute et élevée, ... sur une haute
montagne d'Israë » (Ézéchiel 17:22, 23).

Ces Israélites comptaient parmi « ceux dont


Dieu réveilla l'esprit » (Esdras 1:5). Mais le
Seigneur ne cessa de plaider avec les autres qui
demeuraient volontairement en terre d'exil. A eux
aussi, il multipliait les occasions pour faciliter leur
retour. Cependant, la grande majorité des Juifs qui
n'avaient pas répondu au décret de Cyrus se
moquèrent de ces sollicitations. Ils refusèrent
d'écouter l'appel de Zacharie, qui les invitait à
quitter Babylone.

En attendant, la situation du royaume médo-


persan évoluait rapidement. A Darius, si favorable
aux Juifs, succéda Xerxès. C'est sous son règne que
les Juifs, insensibles à l'appel de Zacharie, durent
affronter une crise terrible. Ayant refusé de profiter
de l'occasion nouvelle que Dieu leur offrait pour
retourner en Palestine, ils se trouvaient maintenant
827
placés en face de la mort.

Par l'intermédiaire d'Haman, l'Agaguite,


homme sans scrupule qui jouissait des pleins
pouvoirs dans le royaume, Satan chercha à
contrecarrer les desseins de Dieu. Haman
nourrissait des sentiments de haine envers
Mardochée qui était Juif. Ce dernier n'avait fait
aucun mal à Haman, mais il avait refusé de lui
témoigner de la vénération. Haman « dédaigna de
porter la main sur Mardochée seul »; il voulait «
détruire le peuple de Mardochée, tous les Juifs qui
se trouvaient dans tout le royaume d'Assuérus »
(Esther 3:6).

Trompé par les faux rapports d'Haman, Xerxès


fut amené à publier un édit ordonnant le massacre
de tous les Juifs, ce « peuple dispersé et à part
parmi les peuples » (Esther 3:8) du royaume médo-
persan. Un certain jour fut fixé pour les exterminer
et confisquer leurs biens. Le roi était loin de se
douter de la répercussion que cet édit pourrait avoir
s'il était appliqué à la lettre. Satan, l'instigateur
secret de ce complot, s'efforçait de débarrasser la
828
terre de ce peuple qui avait conservé la
connaissance du vrai Dieu.

« Dans chaque province, partout où arrivaient


l'ordre du roi et son édit, il y eut une grande
désolation parmi les Juifs; ils jeûnaient, pleuraient
et se lamentaient, et beaucoup se couchaient sur le
sac et la cendre. » (Esther 4:3) L'édit des Mèdes et
des Perses ne pouvait être révoqué; il n'y avait
donc en apparence aucun espoir possible. Tous les
Israélites étaient voués à la mort.

Mais les machinations de l'ennemi furent


déjouées par celui qui règne sur les enfants des
hommes. Dans sa providence, Dieu avait élevé au
rang de reine, dans l'empire médo-persan, Esther,
jeune juive qui craignait le Très-Haut. Mardochée
était l'un de ses proches parents. Désespérés, ils
décidèrent d'en référer à Xerxès pour qu'il
intervienne en faveur des Juifs. Esther devait
prendre le risque de se présenter devant le roi
comme intercesseur. « Qui sait, lui dit Mardochée,
si ce n'est pas pour un temps comme celui-ci que tu
es parvenue à la royauté? » (Esther 4:14)
829
Esther avait à faire face à une crise telle qu'il
fallait prendre une décision rapide. Mais elle savait,
ainsi que Mardochée, que si Dieu n'intervenait pas
puissamment en leur faveur leur démarche resterait
vaine. Esther passa donc une partie de son temps
en communion avec Dieu d'une manière toute
particulière. « Va, ordonna-t-elle à Mardochée,
rassemble tous les Juifs qui se trouvent à Suse, et
jeûnez pour moi, sans manger ni boire pendant
trois jours, ni la nuit ni le jour. Moi aussi, je
jeûnerai de même avec mes servantes, puis
j'entrerai chez le roi, malgré la loi; et si je dois
périr, je périrai. » (Esther 4:16)

Les événements se succédèrent alors


rapidement: l'apparition d'Esther devant Assuérus,
la faveur qu'il lui témoigna, le festin du roi et de la
reine avec Haman comme seul invité, le sommeil
agité du monarque, les honneurs rendus à
Mardochée, l'humiliation et la disgrâce d'Haman à
la découverte du complot qu'il avait tramé — tout
cela fait partie d'une histoire qui nous est bien
familière. Dieu opéra merveilleusement en faveur
830
de son peuple repentant, et l'édit du roi permettant
aux Juifs de défendre leur vie fut rapidement
communiqué à tout le royaume par des courriers à
cheval « qui partirent aussitôt et en toute hâte,
d'après l'ordre du roi ». « Dans chaque province et
dans chaque ville, partout où arrivaient l'ordre du
roi et son édit, il y eut parmi les Juifs de la joie et
de l'allégresse, des festins et des fêtes. Et beaucoup
de gens d'entre les peuples du pays se firent Juifs,
car la crainte des Juifs les avait saisis. » (Esther
8:14, 17)

Lorsque le jour fixé pour leur extermination


arriva, « les Juifs se rassemblèrent dans leurs villes,
dans toutes les provinces du roi Assuérus, pour
mettre la main sur ceux qui cherchaient leur perte;
et personne ne put leur résister, car la crainte qu'on
avait d'eux s'était emparée de tous les peuples ».
Les anges qui excellent en force avaient été
envoyés par Dieu pour protéger ses enfants alors «
qu'ils défendaient leur vie » (Esther 9:2, 16).

Mardochée reçut la place d'honneur qui avait


été occupée par Haman. Il « était le premier après
831
le roi Assuérus; considéré parmi les Juifs et aimé
de la multitude de ses frères » (Esther 10:3). Il
s'efforça de favoriser le bien-être d'Israël. C'est
ainsi que Dieu intervint une fois de plus pour que
son peuple obtînt les faveurs de la cour médo-
persane et qu'il rendît possible l'accomplissement
de ses desseins: rétablir les Juifs au pays de la
promesse. Mais ce ne fut que quelques années plus
tard, sept ans après l'avènement d'Artaxerxès I,
successeur de Xerxès, qu'un grand nombre de Juifs
retourna à Jérusalem sous la conduite d'Esdras.

Les tribulations que subit le peuple d'Israël à


l'époque d'Esther n'étaient pas particulières à ce
moment-là. Le voyant de Patmos, parlant de la fin
des temps, déclare: « Le dragon fut irrité contre la
femme, et il s'en alla faire la guerre aux restes de sa
postérité, à ceux qui gardent les commandements
de Dieu et qui ont le témoignage de Jésus. »
(Apocalypse 12:17) Il faut donc nous attendre à
voir aujourd'hui s'accomplir cette prophétie.
L'esprit qui poussa jadis les hommes à persécuter la
véritable Église les amènera à user des mêmes
procédés envers ceux qui restent fidèles au
832
Seigneur. Des préparatifs se font déjà en ce
moment en vue du dernier conflit où s'affronteront
les enfants de Dieu et les forces du mal.

Un décret semblable à celui d'Assuérus


concernant les Juifs sera promulgué contre le
peuple de Dieu. De nos jours, les ennemis de la
véritable Église considèrent le petit peuple qui
observe le quatrième commandement comme un
Mardochée à la porte du roi. Le respect que
montrent les enfants de Dieu à l'égard de la loi est
comme un reproche continuel adressé à tous ceux
qui ont abandonné la crainte de Dieu et foulé aux
pieds son saint sabbat.

Satan fera naître l'indignation contre la minorité


qui refuse de se soumettre aux coutumes et aux
traditions du monde. Les hommes influents et
réputés s'allieront aux gens douteux et sans
principes pour comploter contre le peuple de Dieu.
La fortune, le génie, la science s'associeront pour le
couvrir de mépris. Les dirigeants, les pasteurs et les
membres d'église conspireront contre lui. Ils
chercheront à détruire la foi des enfants de Dieu
833
par tous les moyens, oralement, par écrit, par la
flatterie, les menaces, les sarcasmes. On excitera
les passions humaines par de faux rapports. A
défaut d'un passage formel des Ecritures au sujet
du sabbat, on aura recours à des mesures
coercitives.

Pour s'assurer la popularité, les législateurs


voteront des lois relatives à l'observation du
dimanche. Mais ceux qui craignent Dieu ne
sauraient se soumettre à une institution qui viole
les préceptes du Décalogue. Le grand conflit entre
la vérité et l'erreur aura comme enjeu ce sujet
brûlant. Mais nous ne sommes pas laissés dans le
doute quant à l'issue de ce combat. Aujourd'hui,
comme au temps d'Esther, Dieu vengera sa vérité
et son peuple.

834
Chapitre 50

Esdras, prêtre et scribe

Artaxerxès Longuemain monta sur le trône du


royaume médo-persan environ soixante-dix ans
après le retour du premier convoi juif, conduit par
Zorobabel et Josué. Le nom de ce roi est associé
dans le récit sacré à une suite de bénédictions
remarquables dont fut l'objet le peuple juif. C'est
pendant son règne que vécurent Esdras et Néhémie.
C'est ce monarque qui, en 457, promulgua le
troisième et ultime décret ordonnant la restauration
de Jérusalem. C'est encore sous son ordre que se
produisit le retour d'un petit groupe de Juifs
conduits par Esdras, et que furent achevés les murs
de la ville par Néhémie et ses collaborateurs. C'est
aussi à ce moment-là que furent réorganisés les
services du temple et qu'Esdras et Néhémie
procédèrent à d'importantes réformes. Artaxerxès,
au cours de son long règne, favorisa le peuple de
Dieu et reconnut dans Esdras et Néhémie, qu'il
affectionnait tout particulièrement et en qui il avait

835
une pleine confiance, des hommes choisis par Dieu
et appelés à une œuvre spéciale.

La conduite d'Esdras, alors qu'il vivait parmi


les Juifs à Babylone, était si exceptionnelle qu'elle
attira l'attention d'Artaxerxès. Esdras discutait
librement avec le monarque sur des questions
relatives à la puissance divine et sur les desseins de
Dieu de rétablir les Juifs en Palestine.

Descendant d'Aaron, Esdras reçut une


formation de prêtre; mais il se livrait aussi à l'étude
des livres des magiciens, des astrologues et des
sages du royaume médo-persan. Cependant, il
n'était pas satisfait de son état spirituel; il désirait
ardemment vivre en pleine harmonie avec le
Seigneur et soupirait après la sagesse d'en haut,
afin de pouvoir accomplir la volonté divine. Il
appliqua donc « son cœur à méditer et à mettre en
pratique la loi de l'Éternel » (Esdras 7:10). Ceci le
poussa à étudier sérieusement l'histoire du peuple
de Dieu, telle qu'elle est rapportée dans les écrits
des prophètes et des rois. Il examina les livres
historiques et poétiques de la Bible, afin de
836
comprendre pourquoi le Seigneur avait permis la
destruction de Jérusalem et la captivité des Juifs en
pays païen.

Esdras approfondit tout spécialement l'histoire


d'Israël depuis l'époque où Abraham reçut une
promesse de la part de Dieu. Il étudia les
instructions données au mont Sinaï, et celles que le
peuple juif avait reçues pendant ses pérégrinations
au désert. Son cœur était remué à mesure qu'il
comprenait mieux les hauts faits de Dieu envers
son peuple et qu'il concevait mieux la sainteté du
Décalogue. Il passa alors par une conversion
véritable, et il décida d'étudier à fond l'histoire
sacrée, afin de pouvoir en faire profiter le peuple
juif.

Esdras s'efforça de se préparer pour l'œuvre


qu'il croyait lui incomber. Il rechercha le Seigneur
avec beaucoup de sérieux, afin de pouvoir être un
sage docteur en Israël. Alors qu'il apprenait à
soumettre sa volonté et son esprit à l'autorité
divine, les principes de la véritable sanctification
pénétraient dans sa vie. Ces principes contribuèrent
837
plus tard, non seulement à transformer le caractère
des jeunes, mais aussi celui de tous ceux qui
entraient en contact avec lui.

Dieu choisit Esdras pour en faire un instrument


de bénédiction envers Israël, et pour qu'il redonne
aux fonctions de prêtre l'honneur et la gloire
qu'elles avaient perdus au cours de la captivité.
Esdras devint un homme remarquable au point de
vue des connaissances, « un scribe versé dans la loi
de Moïse » (Esdras 7:6). Ces caractéristiques le
rendirent célèbre dans l'empire médo-persan.

Il fut l'interprète de Dieu, instruisant tous ceux


qui l'approchaient sur les principes qui régissent le
ciel. Jusqu'à la fin de ses jours, sa tâche principale
fut d'enseigner, soit à la cour médo-persane, soit à
Jérusalem. Sa capacité de travail augmentait à
mesure qu'il faisait part à d'autres des vérités qu'il
connaissait. Il devint aussi un homme pieux et
fervent. Témoin de Dieu, il démontrait au monde la
puissance des vérités bibliques qui ennoblissent la
vie quotidienne.

838
Les efforts qu'il déploya pour raviver l'intérêt
dans l'étude des Ecritures furent permanents. Toute
sa vie se passa à un travail laborieux destiné à
conserver et à propager la Parole de Dieu. Il
recueillit tous les exemplaires de la loi qu'il réussit
à découvrir, et il les fit transcrire et distribuer. La
vérité ainsi répandue, placée dans les mains d'un
grand nombre, apporta des connaissances d'une
valeur inestimable.

Esdras croyait que Dieu accomplirait une


grande œuvre en faveur de son peuple. C'est
pourquoi il fit part à Artaxerxès de son désir de
retourner à Jérusalem pour raviver l'intérêt dans
l'étude de la Parole de Dieu et pour aider ses frères
à restaurer la sainte cité. Le monarque fut
profondément impressionné par la confiance
manifestée par Esdras dans le Dieu d'Israël qu'il
croyait capable de protéger et de garder son peuple.
Il comprenait que les Israélites devaient retourner à
Jérusalem pour y servir le Seigneur, et il avait une
telle confiance dans l'intégrité d'Esdras qu'il accéda
à sa requête et lui remit de riches présents pour le
service du temple. Il en fit le représentant
839
particulier de l'empire médo-persan, et lui donna
pleins pouvoirs pour l'exécution de ses projets.

Le décret d'Artaxerxès Longuemain relatif à la


restauration de Jérusalem était le troisième publié
depuis la fin des soixante-dix ans de captivité. Ce
décret est remarquable par ses expressions
concernant le Dieu du ciel, par son témoignage des
connaissances d'Esdras et les libéralités accordées
au reste du peuple de Dieu. Artaxerxès parle
d'Esdras comme d'un « sacrificateur et scribe, versé
dans la loi du Dieu des cieux ». D'accord avec ses
conseillers, il offre généreusement « au Dieu
d'Israël, dont la demeure est à Jérusalem », une
somme à laquelle il ajoute un supplément destiné à
faire face aux autres dépenses. Ce supplément
devait être tiré « de la maison des trésors du roi »
(Esdras 7:11, 12, 15, 20). « Tu es envoyé par le roi
et ses sept conseillers, dit Artaxerxès à Esdras,
pour inspecter Juda et Jérusalem d'après la loi de
ton Dieu, laquelle est entre tes mains. » Et le roi
ajoutait: « Que tout ce qui est ordonné par le Dieu
des cieux se fasse ponctuellement pour la maison
du Dieu des cieux, afin que sa colère ne soit pas sur
840
le royaume, sur le roi et sur ses fils. » (Esdras 7:14,
23)

En permettant aux Israélites de retourner dans


leur pays, Artaxerxès prit des mesures pour que
soient rétablis les membres du sacerdoce avec leurs
anciens rites et privilèges. « Nous vous faisons
savoir, disait-il, qu'il ne peut être levé ni tribut, ni
impôt, ni droit de passage, sur aucun des
sacrificateurs, des Lévites, des chantres, des
portiers, des Néthiniens et des serviteurs de cette
maison de Dieu. » Le roi prit aussi des dispositions
pour faire nommer des magistrats, afin de
gouverner le peuple avec justice, selon le code
hébreu. « Et toi, Esdras, disait le roi, selon la
sagesse de Dieu que tu possèdes, établis des juges
et des magistrats qui rendent la justice à tout le
peuple de l'autre côté du fleuve, à tous ceux qui
connaissent les lois de ton Dieu; et fais-les
connaître à ceux qui ne les connaissent pas.
Quiconque n'observera pas ponctuellement la loi de
ton Dieu et la loi du roi sera condamné à la mort,
au bannissement, à une amende, ou à la prison. »
(Esdras 7:24-26)
841
Ainsi, comme « la bonne main de son Dieu
était sur lui », Esdras décida le roi à faire le
nécessaire pour le retour de tout le peuple d'Israël,
des sacrificateurs et des Lévites qui se trouvaient
dans l'empire médo-persan, et qui étaient «
disposés à partir ... pour Jérusalem » (Esdras 7:9,
13). Les exilés avaient ainsi une nouvelle occasion
de retourner au pays dont la possession était liée
aux promesses faites à la maison d'Israël. Le décret
du roi réjouit grandement tous ceux qui s'étaient
penchés avec Esdras sur les desseins de Dieu à
l'égard de son peuple. « Béni soit l'Éternel, le Dieu
de nos pères, s'écriait Esdras, qui a disposé le cœur
du roi à glorifier ainsi la maison de l'Éternel à
Jérusalem, et qui m'a rendu l'objet de la
bienveillance du roi, de ses conseillers, et de tous
ses puissants chefs! » (Esdras 7:27, 28)

La providence divine était manifeste dans la


proclamation de ce décret d'Artaxerxès. Certains
Juifs le comprirent et profitèrent avec joie du
privilège qui leur était offert, leur permettant de
retourner chez eux dans des circonstances si
842
favorables. Un lieu de rassemblement fut prévu et,
au jour fixé, ceux qui désiraient se rendre à
Jérusalem entreprirent ce long voyage. « Je les
rassemblai près du fleuve qui coule vers Ahava, dit
Esdras, et nous campâmes là trois jours. » (Esdras
8:15)

Esdras avait espéré que beaucoup d'Israélites


retourneraient à Jérusalem; mais ceux qui
répondirent à l'appel le désappointèrent par leur
petit nombre. La plupart des exilés qui avaient
acquis des maisons et des terres ne voulaient pas
les abandonner. Ils aimaient leurs aises et le
confort, et ils désiraient les conserver. Leur
exemple fut un obstacle pour ceux qui auraient
voulu partager le sort des hommes qui marchaient
par la foi.

En considérant les exilés qui s'étaient


rassemblés, Esdras fut surpris de n'y voir aucun des
fils de Lévi. Où étaient donc les membres de la
tribu mise à part pour le service sacré du temple? A
l'appel: « Qui est du côté du Seigneur? » les
Lévites auraient dû être les premiers à répondre. Ils
843
avaient joui de nombreux privilèges au cours de la
captivité, et même plus tard, ainsi que d'une
complète liberté pour s'occuper des besoins
spirituels de leurs frères exilés. Des synagogues
avaient été construites, où ils pouvaient officier et
instruire le peuple. L'observation du sabbat et les
rites sacrés particuliers à la religion juive avaient
pu être pratiqués librement par les exilés.

Mais au cours des années qui suivirent la


captivité, les conditions se modifièrent, et de
nombreuses et nouvelles responsabilités
incombèrent aux chefs d'Israël. Le temple de
Jérusalem ayant été reconstruit et dédicacé, il
fallait un plus grand nombre de prêtres pour assurer
les services. Un besoin urgent d'hommes de Dieu
se faisait sentir pour instruire le peuple. En outre,
les Juifs restés à Babylone étaient menacés dans
leur liberté. Par le prophète Zacharie, ainsi que par
les faits récents qui s'étaient produits à l'époque
troublée d'Esther et de Mardochée, ils avaient été
nettement invités à retourner dans leur pays. Le
moment était donc venu où il aurait été dangereux
pour eux de rester plus longtemps sous l'influence
844
païenne. En face de tels changements, les prêtres
qui se trouvaient encore à Babylone auraient dû
discerner dans le décret d'Artaxerxès un appel
spécial à retourner à Jérusalem.

Le roi et les princes avaient fait plus qu'ils ne


devaient pour préparer le chemin du retour. Ils y
avaient largement pourvu; mais où se trouvaient
maintenant les hommes? Les fils de Lévi firent
défaut alors que leur décision d'accompagner leurs
frères aurait déterminé les autres à suivre leur
exemple. Leur étrange indifférence est un triste
témoignage de l'attitude des exilés à l'égard des
desseins de Dieu envers son peuple.

Esdras, une fois de plus, fit appel aux Lévites;


il les invita d'une manière pressante à se joindre au
groupe qui retournait à Jérusalem. Pour faire
ressortir l'importance d'agir rapidement, il fit
parvenir un message par des « chefs » et des «
docteurs » (Esdras 7:28; 8:16) d'Israël. Pendant ce
temps, Esdras et les pèlerins attendaient le retour
des messagers porteurs de cette requête: Amenez-
nous « des serviteurs pour la maison de notre Dieu
845
» (Esdras 8:17). Cet appel ne resta pas sans
réponse; parmi ceux qui hésitaient, certains prirent
finalement la décision de partir. Quarante prêtres et
deux cent vingt Néthiniens — hommes sur lesquels
Esdras pouvait compter, tant comme ministres
éclairés que comme docteurs et auxiliaires avisés
— furent amenés au camp.

Tous étaient prêts maintenant pour le départ.


Les exilés emmenaient leurs femmes, leurs enfants,
leurs provisions de route, ainsi qu'une somme
importante destinée aux services du temple. Esdras
savait que des ennemis les attendaient sur leur
chemin, prêts à les détrousser et à les tuer; mais il
ne réclama au roi ni armes, ni soldats pour les
protéger. « J'aurais eu honte, dit-il, de demander au
roi une escorte et des cavaliers pour nous protéger
contre l'ennemi pendant la route, car nous avions
dit au roi: La main de notre Dieu est pour leur bien
sur tous ceux qui le cherchent, mais sa force et sa
colère sont sur tous ceux qui l'abandonnent. »
(Esdras 8:22)

Esdras et ses compagnons virent là une


846
occasion de magnifier le nom du Seigneur devant
les païens. Leur foi dans la puissance d'un Dieu
vivant serait fortifiée si les Israélites eux-mêmes
témoignaient une confiance implicite en leur divin
conducteur. Ils décidèrent donc de placer toute leur
confiance en lui. Ils se passeraient de soldats, pour
ne pas donner aux païens l'occasion d'attribuer à la
force de l'homme la gloire qui ne revient qu'à Dieu
seul. Ils ne voulaient pas faire naître le doute dans
l'esprit de leurs amis païens sur la sincérité de leur
confiance en Dieu. Leur force ne dépendait ni de la
richesse, ni de la puissance ou de l'influence des
idolâtres, mais de la faveur divine. Ce n'est qu'en
observant la loi de Dieu qu'ils seraient protégés.

Conscients des conditions grâce auxquelles ils


continueraient à jouir de la main secourable du
Seigneur, ils accordèrent plus de solennité que de
coutume au service de consécration présidé par
Esdras et ses fidèles compagnons immédiatement
avant leur départ. « Là, près du fleuve d'Ahava, dit
Esdras, je publiai un jeûne d'humiliation devant
notre Dieu, afin d'implorer de lui un heureux
voyage pour nous, pour nos enfants, et pour tout ce
847
qui nous appartenait. ... C'est à cause de cela que
nous jeunâmes et que nous invoquâmes notre Dieu.
Et il nous exauça. » (Esdras 8:21, 23)

La bénédiction divine n'excluait pas cependant


toute prudence et toute prévoyance. Esdras prit des
précautions spéciales pour la sécurité du trésor. Il «
choisit douze chefs des sacrificateurs » — hommes
à la foi et à la fidélité éprouvées — « et pesa
devant eux l'argent, l'or et les ustensiles, donnés en
offrande pour la maison de notre Dieu par le roi,
ses conseillers et ses chefs, et par tous ceux d'Israël
qu'on avait trouvés ». Ces hommes reçurent la
charge solennelle de veiller sur le trésor. « Vous
êtes consacrés à l'Éternel, leur dit Esdras; ces
ustensiles sont des choses saintes, et cet argent et
cet or sont une offrande volontaire à l'Éternel, le
Dieu de vos pères. Soyez vigilants, et prenez cela
sous votre garde, jusqu'à ce que vous le pesiez
devant les chefs des sacrificateurs et les Lévites, et
devant les chefs de famille d'Israël, à Jérusalem,
dans les chambres de la maison de l'Éternel. »
(Esdras 8:24, 25, 28, 29)

848
Le soin pris par Esdras pour la sécurité du
trésor du Seigneur nous donne une leçon que nous
devons méditer soigneusement. On n'avait choisi
pour cela que ceux qui s'étaient montrés dignes de
confiance. Des instructions précises leur avaient été
données concernant leurs responsabilités. En
désignant des prêtres fidèles pour s'occuper du
trésor, Esdras reconnaissait la nécessité de l'ordre
et de l'organisation dans l'œuvre de Dieu.

Au cours des dernières journées passées sur les


rives du fleuve Ahava, les Israélites pourvurent à
tout ce qui leur serait nécessaire pour leur long
voyage. « Nous partîmes du fleuve Ahava pour
nous rendre à Jérusalem, dit Esdras, le douzième
jour du premier mois. La main de notre Dieu fut
sur nous et nous préserva des attaques de l'ennemi
et de toute embûche pendant la route. » (Esdras
8:31)

Le voyage dura environ quatre mois. La foule


qui accompagnait Esdras comprenait plusieurs
milliers de personnes, parmi lesquelles se
trouvaient des femmes et des enfants, qui
849
n'avançaient que lentement. Mais tout se passa très
bien. Leur voyage fut particulièrement béni, et le
premier jour du cinquième mois de la septième
année d'Artaxerxès, ils atteignirent Jérusalem.

850
Chapitre 51

Réveil spirituel

L'arrivée d'Esdras à Jérusalem fut très


opportune. Sa présence dans cette ville était
absolument nécessaire, car elle apportait du
réconfort et de l'espoir à ceux qui travaillaient
depuis longtemps au milieu d'insurmontables
difficultés. De grandes tâches avaient été
accomplies depuis le retour du premier groupe
d'exilés conduits par Zorobabel et Josué, soixante-
dix ans auparavant. Le temple avait été achevé, et
les murailles de la ville en partie reconstruites.
Mais il restait encore beaucoup à faire.

La plupart des Israélites revenus à Jérusalem


étaient restés fidèles au Seigneur jusqu'à leur mort,
mais le plus grand nombre de leurs enfants avaient
perdu de vue le caractère sacré de la loi divine. Des
hommes même chargés de responsabilités vivaient
ouvertement dans le péché. Leur conduite
neutralisait les efforts de ceux qui avaient à cœur

851
l'avancement de la cause de Dieu; car tant que les
violations flagrantes de la loi restaient impunies, la
bénédiction du ciel ne pouvait reposer sur le peuple
juif.

Dieu, dans sa providence, avait suscité des


occasions spéciales pour que ceux qui retournaient
à Jérusalem sous la conduite d'Esdras reviennent à
lui. Le miracle qui s'était opéré en leur faveur lors
de leur retour — retour qui s'était effectué sans
protection humaine — leur avait enseigné de riches
leçons spirituelles. Beaucoup d'entre eux s'étaient
fortifiés dans leur foi; aussi, en se mêlant aux
découragés et aux indifférents de Jérusalem,
contribuèrent-ils par leur influence à hâter la
réforme qui allait bientôt s'opérer. Le quatrième
jour après leur arrivée, l'or et l'argent, ainsi que les
ustensiles du service du sanctuaire, furent remis par
ceux qui détenaient le trésor aux hommes chargés
des offices du temple, en présence de témoins et
après une rigoureuse vérification. Chaque article
fut contrôlé, « soit pour le nombre, soit pour le
poids » (Esdras 8:34).
852
« Les fils de la captivité revenus de l'exil
offrirent un holocauste au Dieu d'Israël » pour
témoigner leur gratitude d'avoir été protégés par les
saints anges pendant leur retour. « Ils transmirent
les ordres du roi aux satrapes du roi et aux
gouverneurs de ce côté du fleuve, lesquels
honorèrent le peuple et la maison de Dieu. »
(Esdras 8:35, 36)

Peu de temps après, les chefs d'Israël vinrent se


plaindre amèrement auprès d'Esdras de ce que « le
peuple d'Israël, les sacrificateurs et les Lévites »
avaient méprisé les commandements de Dieu
interdisant les mariages avec les peuples étrangers.
« Ils ont pris, dirent-ils, de leurs filles pour eux et
pour leurs fils, et ils ont mêlé la race sainte avec les
peuples de ces pays; et les chefs et les magistrats
ont été les premiers à commettre ce péché. »
(Esdras 9:1, 2)

En étudiant les causes de la captivité


babylonienne, Esdras avait appris que l'apostasie
des Israélites était due en grande partie à ses
853
alliances avec les païens. Il avait vu que s'ils
avaient obéi aux commandements de Dieu leur
interdisant de s'unir aux nations idolâtres, bien des
tristesses et des humiliations leur auraient été
épargnées. Lorsqu'il sut qu'en dépit des leçons du
passé, des hommes en vue avaient osé violer les
lois données comme une sauvegarde contre
l'apostasie, son cœur fut profondément bouleversé.
Il pensa à la bonté de Dieu qui avait permis à ses
enfants de prendre pied à nouveau dans leur terre
natale, et il fut comme accablé par une indignation
et une douleur légitimes. « Lorsque j'entendis cela,
dit-il, je déchirai mes vêtements et mon manteau, je
m'arrachai les cheveux de la tête et les poils de la
barbe, et je m'assis désolé. Auprès de moi
s'assemblèrent tous ceux que faisaient trembler les
paroles du Dieu d'Israël, à cause du péché des fils
de la captivité; et moi, je restai assis et désolé,
jusqu'à l'offrande du soir. » (Esdras 9:3, 4)

A ce moment-là, Esdras se leva, et déchirant


une fois encore ses vêtements et son manteau, il
tomba à genoux et soulagea son âme accablée en
adressant au ciel une supplication. Les bras tendus
854
vers le Seigneur, il s'exclama: « Mon Dieu, je suis
dans la confusion, et j'ai honte, ô mon Dieu, de
lever ma face vers toi; car nos iniquités se sont
multipliées par-dessus nos têtes, et nos fautes ont
atteint jusqu'aux cieux. Depuis les jours de nos
pères nous avons été grandement coupables jusqu'à
ce jour, et c'est à cause de nos iniquités que nous
avons été livrés, nous, nos rois et nos sacrificateurs,
aux mains des rois étrangers, à l'épée, à la captivité,
au pillage, et à la honte qui couvre aujourd'hui
notre visage. Et cependant l'Éternel, notre Dieu,
vient de nous faire grâce en nous laissant quelques
réchappés et en nous accordant un abri dans son
saint lieu, afin d'éclaircir nos yeux et de nous
donner un peu de vie au milieu de notre servitude.
Car nous sommes esclaves, mais Dieu ne nous a
pas abandonnés dans notre servitude. Il nous a
rendus les objets de la bienveillance des rois de
Perse, pour nous conserver la vie afin que nous
pussions bâtir la maison de notre Dieu et en relever
les ruines, et pour nous donner une retraite en Juda
et à Jérusalem. Maintenant, que dirons-nous après
cela, ô notre Dieu? Car nous avons abandonné tes
commandements, que tu nous avais prescrits par
855
tes serviteurs les prophètes. ... Après tout ce qui
nous est arrivé à cause des mauvaises actions et des
grandes fautes que nous avons commises, quoique
tu ne nous aies pas, ô notre Dieu, punis en
proportion de nos iniquités, et maintenant que tu
nous as conservé ces réchappés, recommencerions-
nous à violer tes commandements et à nous allier
avec ces peuples abominables? Ta colère
n'éclaterait-elle pas encore contre nous jusqu'à nous
détruire, sans laisser ni reste, ni réchappés? Éternel,
Dieu d'Israël, tu es juste, car nous sommes
aujourd'hui un reste de réchappés. Nous voici
devant toi comme des coupables, et nous ne
saurions ainsi subsister devant ta face. » (Esdras
9:6-15)

La tristesse d'Esdras et de ses collaborateurs au


sujet des maux qui s'étaient glissés insidieusement
au cœur même de l'œuvre de Dieu amena la
repentance. La plupart de ceux qui avaient péché
en étaient sérieusement affectés. « Le peuple
répandait d'abondantes larmes. » (Esdras 10:1) Les
infidèles commencèrent à éprouver la haine du
péché et à comprendre l'horreur qu'elle inspire au
856
Seigneur. Ils se rendirent compte de la sainteté de
la loi donnée au Sinaï, et beaucoup tremblèrent en
pensant à leurs transgressions.

Parmi ceux qui se trouvaient là, Schecania


reconnut que tout ce qu'avait dit Esdras était vrai. «
Nous avons péché contre notre Dieu, confessa-t-il,
en nous alliant à des femmes étrangères qui
appartiennent aux peuples du pays. Mais Israël ne
reste pas pour cela sans espérance. Faisons
maintenant une alliance avec notre Dieu. » Et
Schecania proposa que tous ceux qui s'étaient
rendus coupables prennent la décision
d'abandonner leurs péchés et soient jugés « d'après
la loi ». « Lève-toi, dit-il à Esdras, car cette affaire
te regarde. Nous serons avec toi. Prends courage et
agis. Esdras se leva, et il fit jurer aux chefs des
sacrificateurs, des Lévites et de tout Israël, de faire
ce qui venait d'être dit. Et ils le jurèrent. » (Esdras
10:2-5)

C'était le début d'une réforme remarquable.


Avec beaucoup de tact et de patience, ainsi qu'une
sérieuse considération des droits et des avantages
857
de chaque personne intéressée, Esdras et ses
collaborateurs s'efforcèrent de ramener les
repentants dans le sentier véritable. Esdras était
par-dessus tout un docteur de la loi; et alors qu'il
examinait le cas de chacun avec une attention
particulière, il cherchait à impressionner les gens
par le caractère sacré de la loi divine et par les
bénédictions qui découlent de son observation.

Partout où Esdras se trouvait, il suscitait un


nouvel intérêt pour l'étude des saintes Ecritures.
Des instructeurs étaient désignés pour enseigner le
peuple; la loi divine était exaltée et honorée. On
étudiait les livres des prophètes avec soin, et les
passages qui prédisent la venue du Messie
apportaient l'espoir et le réconfort à de nombreuses
âmes fatiguées et chargées.

Plus de deux mille ans se sont écoulés depuis


qu'Esdras appliquait son cœur « à étudier et à
mettre en pratique la loi de l'Éternel » (Esdras
7:10). Et cependant, cette période n'a pas diminué
l'influence de son pieux exemple. Le récit de sa vie
consacrée a fait naître à travers les siècles, chez de
858
nombreux croyants, le désir d'appliquer leur cœur «
à étudier et à mettre en pratique la loi de l'Éternel
».

Les mobiles qui animaient Esdras étaient


nobles et saints. Dans tout ce qu'il faisait, il
manifestait un profond amour pour les âmes. La
compassion et la tendresse qu'il témoigna à l'égard
de ceux qui avaient péché, volontairement ou
inconsciemment, devraient servir de leçon à tous
ceux qui cherchent à opérer des réformes. Les
serviteurs de Dieu doivent être aussi fermes que le
roc lorsqu'il s'agit de principes rigoureux, et
cependant faire preuve de sympathie et
d'indulgence. Comme Esdras, qu'ils enseignent aux
pécheurs le chemin de la vie, en inculquant les
principes qui sont à la base du bien.

De nos jours, alors que Satan s'efforce par tous


les moyens d'aveugler les hommes et les femmes
sur les exigences de la loi divine, il faut que des
serviteurs de Dieu se lèvent et « fassent trembler
devant les commandements de Dieu » (Esdras
10:3). Il faut de vrais réformateurs qui montrent
859
aux transgresseurs le grand Législateur et leur
enseignent que « la loi de l'Éternel est parfaite,
qu'elle restaure l'âme » (Psaumes 19:8). Il faut des
hommes qui connaissent bien les Ecritures, des
hommes dont chaque acte, chaque parole exalte les
commandements de Dieu, des hommes qui
cherchent à fortifier la foi. Des instructeurs sont
nécessaires; il en faut un grand nombre qui
suscitent dans les cœurs le respect et l'amour de la
Parole.

L'iniquité, qui se multiplie à notre époque, est


due en grande partie à la négligence de l'étude des
Ecritures et au mépris de ses enseignements. En
effet, lorsque la Parole de Dieu est mise de côté,
son pouvoir de résistance aux viles passions du
cœur charnel est anéanti. Les hommes sèment pour
la chair, et ils récoltent la corruption. En se
détournant de la Bible, on s'éloigne de la loi divine.
La doctrine enseignant que les hommes sont
dégagés de l'obéissance aux préceptes divins
affaiblit la force de l'obligation morale, et ouvre sur
le monde les écluses de l'iniquité. La licence, la
dissipation, la corruption déferlent sur nous comme
860
une marée dévastatrice. Partout se dressent l'envie,
la suspicion, l'hypocrisie, l'hostilité, la rivalité, la
guerre, l'abandon des devoirs sacrés et la
complaisance dans les plaisirs. Tout le système des
principes et des doctrines de la religion qui devrait
être la base et l'ossature de la vie sociale semble
être une masse branlante, prête à s'effondrer.

A la fin de l'histoire du monde, la voix qui


retentit sur le Sinaï déclare encore: « Tu n'auras pas
d'autres dieux devant ma face. » (Exode 20:3)
L'homme s'est dressé contre Dieu, mais il ne peut
imposer silence à la voix du commandement.
L'esprit humain ne saurait soustraire ses obligations
à une puissance supérieure. Les théories et les
spéculations peuvent abonder, les hommes essayer
d'opposer la science à l'Ecriture et abolir ainsi la loi
divine, mais le commandement se fait de plus en
plus impérieux: « Tu adoreras le Seigneur, ton
Dieu, et tu le serviras lui seul. » (Matthieu 4:10)

On ne peut affaiblir ou renforcer la loi de Dieu.


Telle elle a été, telle elle restera. Elle a toujours été
et sera toujours sainte, juste, bonne, complète en
861
elle-même; elle ne peut être ni abrogée, ni changée.
L'honorer ou la déshonorer n'est que langage
d'homme.

Le dernier grand conflit entre l'erreur et la


vérité naîtra du heurt des lois humaines à celles de
Dieu. Nous sommes déjà engagés dans ce combat,
qui ne relève pas des rivalités entre Églises luttant
pour la suprématie, mais qui se livre entre la
religion de la Bible et les religions basées sur des
fables ou des traditions. Les ennemis qui se sont
coalisés contre la vérité agissent maintenant avec
puissance. La Parole de Dieu qui nous a été
transmise au prix de tant de souffrances et de sang
versé par les martyrs semble avoir bien peu de
valeur. Comme ils sont rares ceux qui l'acceptent
vraiment comme règle de conduite! L'incrédulité
règne d'une manière alarmante, non seulement dans
le monde, mais aussi dans l'Église. On en vient à
nier les doctrines qui sont les fondements mêmes
de la foi. Les grands faits de la création présentés
par les auteurs inspirés de la Bible: la chute de
l'homme, l'expiation, la perpétuité de la loi — tout
cela est pratiquement rejeté par une forte
862
proportion de soi-disant chrétiens. Des milliers de
gens qui se glorifient de leurs connaissances
considèrent comme une preuve évidente de
faiblesse le fait de croire implicitement à l'Ecriture
sainte; ils spiritualisent et expliquent à leur façon
les vérités essentielles du livre sacré.

Les chrétiens devraient se préparer à l'orage qui


va bientôt éclater et les surprendre d'une manière
terrifiante. Pour cela, il faut une étude approfondie
de la Parole de Dieu et une vie conforme à ses
préceptes. Le terrible dénouement de l'éternité
exige de nous autre chose qu'une religion
imaginaire, faite de paroles et de formes, et où la
vérité est absente. Ce que Dieu veut, c'est un réveil
et une réforme radicale. On ne devrait entendre du
haut de la chaire que les paroles de la Bible et de la
Bible seule. Mais celle-ci a été dépossédée de sa
puissance, et il en est résulté un abaissement de la
vie spirituelle. Dans la plupart des sermons prêchés
aujourd'hui, on ne trouve pas cette manifestation
divine qui éveille la conscience et procure la vie de
l'âme. Les auditeurs ne peuvent pas dire, comme
autrefois les disciples d'Emmaüs: « Notre cœur ne
863
brûlait-il pas au-dedans de nous, lorsqu'il nous
parlait en chemin et nous expliquait les Ecritures?
» (Luc 24:32) Pourtant ils sont nombreux ceux qui
crient après le Dieu vivant et aspirent à sa présence
en eux. Il faut que la Parole de Dieu s'adresse au
cœur, et que ceux dont les oreilles n'ont entendu
qu'une religion de tradition, que des maximes et
des théories humaines, écoutent la voix de celui qui
peut redonner à l'âme la vie éternelle.

Une grande lumière rayonnait de la vie des


patriarches et des prophètes. De Sion, la cité de
Dieu, sortaient des paroles merveilleuses. C'est
ainsi que le Seigneur désire voir se dégager la
lumière de ceux qui le servent aujourd'hui. Si les
saints hommes de l'Ancien Testament rendaient un
témoignage si magnifique, pourquoi ceux qui
profitent des connaissances accumulées au cours
des siècles ne rendraient-ils pas un témoignage plus
éclatant encore en faveur de la vérité? La gloire des
prophéties projette sa lumière sur notre sentier.
Dans la mort du Fils de Dieu, le type a rencontré
son antitype. Le Christ est ressuscité en proclamant
sur le sépulcre vaincu: « Je suis la résurrection et la
864
vie. » (Jean 11:25) Il a envoyé son Esprit dans le
monde pour nous rappeler tout ce qu'il a dit. Par un
miracle d'une extraordinaire puissance, il a inspiré
au cours des âges sa parole écrite.

Les réformateurs dont les protestations leur ont


valu le nom de protestants, se sont sentis poussés à
diffuser la lumière de l'Évangile dans le monde.
Dans cette intention, ils ne craignaient pas de
sacrifier leurs biens, leur liberté et même leur vie;
et malgré la persécution et la mort, l'Évangile était
proclamé au près et au loin. La Parole de Dieu était
annoncée aux riches, aux pauvres, aux humbles et
aux grands, aux savants et aux ignorants. Veuille
Dieu nous aider, alors que nous approchons de la
fin de toutes choses, à être aussi fidèles à notre
mission que les premiers réformateurs!

Le prophète Joël a écrit:

Sonnez de la trompette en Sion!


Publiez un jeûne, une convocation solennelle!
Assemblez le peuple, formez une sainte
réunion!
865
Assemblez les vieillards,
Assemblez les enfants. ...
Qu'entre le portique et l'autel
Pleurent les sacrificateurs,
Serviteurs de l'Éternel,
Et qu'ils disent: Éternel, épargne ton peuple!
Ne livre pas ton héritage à l'opprobre!

Revenez à moi de tout votre cœur,


Avec des jeûnes, avec des pleurs et des
lamentations!
Déchirez vos cœurs et non vos vêtements,
Et revenez à l'Éternel, votre Dieu;
Car il est compatissant et miséricordieux,
Lent à la colère et riche en bonté,
Et il se repent des maux qu'il envoie.
Qui sait s'il ne reviendra pas et ne se repentira
pas,
Et s'il ne laissera pas après lui la bénédiction?
(Joël 2:15-17, 12-14)

866
Chapitre 52

L'homme de la situation

Ce chapitre est basé sur Néhémie 1, 2.

Néhémie, exilé hébreu, occupait à la cour


persane de hautes fonctions honorifiques.
Echanson du roi, il avait libre accès auprès du
souverain. Grâce à sa situation, à ses capacités et à
sa loyauté, il était devenu l'ami et le conseiller du
monarque. Mais bien que jouissant de la faveur
royale et habitué au faste et à l'opulence, il
n'oubliait ni son Dieu ni ses compatriotes. Son
cœur se tournait avec émotion vers Jérusalem; ses
espérances et ses joies étaient liées à la prospérité
de cette ville. C'est par l'intermédiaire de cet
homme, préparé pour l'œuvre à laquelle il allait être
appelé, alors qu'il résidait à la cour persane, que
Dieu se proposait d'accorder à son peuple, dans la
terre de ses pères, de riches bénédictions.

Le patriote hébreu apprit par des messagers de

867
Juda que Jérusalem, la cité de Dieu, traversait de
cruelles épreuves. Les exilés qui y étaient retournés
connaissaient le malheur et l'opprobre. Le temple et
une partie de la ville avaient été reconstruits, mais
les travaux de restauration étaient interrompus, les
services du temple troublés, et le peuple tenu
constamment en alarme du fait que les murailles de
la ville étaient en grande partie en ruine.

Accablé de tristesse, Néhémie ne pouvait plus


ni boire ni manger. Il pleurait et fut « plusieurs
jours dans la désolation ». Il jeûna. Dans sa
douleur, il se tourna vers le divin Maître, et
fidèlement confessa ses péchés et ceux de son
peuple. Il supplia le Seigneur pour qu'il soutienne
Israël, qu'il lui redonne force et courage et l'aide à
reconstruire les ruines de Juda.

Alors que Néhémie priait, sa foi et son courage


se fortifiaient. De saints arguments affluaient à ses
lèvres; il savait le déshonneur qui rejaillirait sur la
cause de Dieu, si le peuple élu, maintenant revenu
à lui, était abandonné à lui-même et à l'oppression.
Il suppliait le Seigneur d'accomplir sa promesse: «
868
Si vous observez mes commandements et les
mettez en pratique, alors quand vous serez exilés à
l'extrémité du ciel, de là je vous rassemblerai et je
vous ramènerai dans le lieu que j'ai choisi pour y
faire résider mon nom. » (Néhémie 1:9; voir
Deutéronome 4:29-31) Cette promesse avait été
faite à Israël, au nom du Seigneur, par Moïse, avant
qu'il s'établisse en Canaan, et elle attendait depuis
des siècles son accomplissement. Le peuple de
Dieu était maintenant revenu à l'Éternel, le cœur
plein de repentance et de foi; la promesse divine
s'accomplirait certainement.

Néhémie avait souvent prié Dieu en faveur de


son peuple; mais maintenant, alors qu'il le
suppliait, une sainte pensée germait dans son esprit.
S'il obtenait le consentement du roi et l'aide
nécessaire pour se procurer les matériaux dont il
avait besoin, il se chargerait lui-même de restaurer
les murs de Jérusalem et de redonner à Israël sa
puissance nationale. Il demanda au Seigneur de
l'aider à trouver grâce aux yeux du roi, afin de
pouvoir mener à bien sa tâche. « Donne aujourd'hui
du succès à ton serviteur, dit-il, et fais-lui trouver
869
grâce devant cet homme! »

Néhémie attendit quatre mois le moment


favorable pour présenter au roi sa requête. Bien que
son cœur fût pendant ce temps alourdi de tristesse,
il s'efforça de paraître joyeux en présence du
monarque. Dans les salles somptueuses et
imposantes du palais, tous devaient avoir l'air
heureux. Nul ennui ne devait paraître sur le visage
des serviteurs royaux. Mais dans ses heures de
solitude, loin des regards indiscrets, Néhémie était
vu de Dieu et des anges qui entendaient ses prières,
ses confessions, ses larmes.

Toutefois la douleur du patriote hébreu ne


pouvait demeurer longtemps secrète. Ses nuits
d'insomnie, ses jours d'inquiétude laissaient des
traces sur son visage. Le roi, inquiet au sujet de sa
sécurité personnelle, avait l'habitude de lire sur les
physionomies et de pénétrer les artifices. Il devina
qu'un chagrin secret tourmentait son échanson. «
Pourquoi as-tu mauvais visage? lui demanda-t-il.
Tu n'es pourtant pas malade; ce ne peut être qu'un
chagrin de cœur. »
870
Cette question remplit Néhémie de crainte. Le
roi ne serait-il pas furieux d'apprendre que les
pensées du courtisan, engagé à son service, étaient
bien loin de là, auprès de ses frères affligés? Sa vie
n'était-elle pas en danger? Le projet qui lui était
cher au sujet de la restauration de Jérusalem allait-
il échouer?

« Je fus saisi d'une grande crainte », écrit-il.


Les lèvres tremblantes, les yeux inondés de larmes,
il révéla la cause de son chagrin. « Que le roi vive
éternellement! répondit-il. Comment n'aurais-je pas
mauvais visage lorsque la ville où sont les
sépulcres de mes pères est détruite et que ses portes
sont consumées par le feu? »

Le rapport de la situation de Jérusalem suscita


la sympathie du monarque sans éveiller ses
préjugés. Il posa une nouvelle question qui permit à
Néhémie de dire ce qu'il avait depuis si longtemps
sur le cœur. « Que demandes-tu? » dit le roi. Mais
l'homme de Dieu ne se hasarda pas à répondre
avant d'avoir cherché conseil auprès de celui qui
871
était plus puissant qu'Artaxerxès. Il avait une
mission à remplir, pour laquelle l'aide du roi lui
était indispensable. Il comprenait que la réussite de
son plan dépendait en grande partie de la manière
dont il le présenterait. Il pourrait ainsi gagner
l'approbation du souverain et la promesse de son
assistance. « Je priai le Dieu des cieux », dit-il; et,
dans cette courte prière, il obtint du Roi des rois
une force qui pouvait gagner les cœurs.

Prier comme le fit Néhémie au moment du


besoin, c'est une ressource qui est à la portée de
chaque enfant de Dieu. O vous qui peinez sur les
chemins rocailleux de la vie, vous qui êtes comme
submergés par les difficultés, faites monter vos
requêtes vers le Seigneur! Il vous accordera son
secours. Et vous qui, sur terre ou sur mer, êtes
menacés d'un grand péril, confiez-vous en celui qui
seul peut vous protéger. Dans les heures sombres
ou de danger soudain, faites entendre votre cri à
celui qui a promis de secourir ses fidèles enfants
dans toutes les circonstances de la vie. Où que vous
soyez, dans n'importe quelle condition, accablés
par la tristesse et les soucis, assaillis par la
872
tentation, trouvez l'assurance, le soutien et le
réconfort dans l'amour indéfectible et la puissance
d'un Dieu qui est fidèle à ses promesses.

Pendant sa courte prière, adressée au Roi des


rois, Néhémie raffermit son courage pour faire part
à Artaxerxès de son désir d'être relevé de ses
fonctions à la cour. Il lui demanda l'autorisation de
se rendre à Jérusalem pour restaurer ses ruines et
en faire à nouveau une place forte. De grandes
conséquences pour la nation juive allaient découler
de cette requête. Le roi accéda à cette demande. «
La bonne main de mon Dieu était sur moi », dit
Néhémie.

Lorsqu'il fut assuré de l'aide dont il avait


besoin, Néhémie fit les arrangements nécessaires
pour le succès de son entreprise. Il prit toutes les
précautions utiles pour faire aboutir son projet. Il
n'en parla même pas à ses compatriotes, bien qu'il
sût que beaucoup d'entre eux se réjouiraient de son
succès. Mais il craignait que certaines indiscrétions
ne fissent naître la jalousie chez leurs ennemis et ne
contribuassent peut-être à faire échouer son plan.
873
Sa demande ayant été si favorablement
accueillie par le roi, Néhémie fut encouragé à lui
demander une aide plus importante. Pour donner de
la dignité et de l'autorité à sa mission, ainsi que
pour être protégé au cours de son voyage, il obtint
une escorte militaire et il fut nanti de lettres royales
pour les gouverneurs des provinces de l'autre côté
de l'Euphrate — territoire qu'il devait traverser
pour se rendre au pays de Juda. On lui donna aussi
une lettre pour le garde forestier des montagnes du
roi le priant de fournir à Néhémie le bois de
charpente nécessaire.

L'homme de Dieu prit bien soin de définir


clairement les privilèges qui lui étaient accordés,
afin qu'on ne l'accuse pas d'outrepasser ses droits.

Cette sage prévoyance et cette ferme résolution


devraient servir d'exemple à tous les chrétiens. Il
ne suffit pas de prier avec foi, mais il faut aussi
travailler prudemment et avec diligence. Dans les
difficultés, il arrive souvent que l'on retarde les
progrès de l'œuvre de Dieu parce que l'on pense
874
que la prudence et l'ardeur au travail n'ont rien à
faire avec la religion. Mais Néhémie ne considéra
pas sa tâche accomplie après avoir pleuré et prié
devant le Seigneur. Il joignit ses prières à un saint
zèle; il déploya des efforts sincères et persévérants
pour la réussite de l'entreprise dans laquelle il
s'était engagé.

Pour mener à bien aujourd'hui les saintes


entreprises, comme à l'époque où l'on reconstruisait
les murs de Jérusalem, il faut de la prudence, des
plans mûrement réfléchis.

Néhémie ne comptait pas sur le hasard. Dans le


besoin, il avait recours à ceux qui étaient capables
de lui venir en aide. Dieu est toujours prêt à
toucher le cœur des hommes qui détiennent les
biens de ce monde pour que ceux-ci servent à la
cause de la vérité. Les serviteurs de Dieu qui
travaillent pour le Maître doivent profiter de l'aide
offerte par les hommes, sur l'instigation du ciel.
Leurs dons peuvent ouvrir des voies par où la
lumière de la vérité pénétrera au sein de nombreux
pays enténébrés. Les donateurs peuvent ne pas
875
posséder la foi en Christ et n'avoir aucune
connaissance de sa Parole, mais leurs dons ne
doivent pas être refusés pour cela.

876
Chapitre 53

Les réparateurs des murailles

Ce chapitre est basé sur Néhémie 2, 3 et 4.

Le voyage de Néhémie à Jérusalem s'effectua


sans encombre. Les lettres du roi, destinées aux
gouverneurs des provinces situées sur le trajet de
l'homme de Dieu, lui assurèrent des réceptions
honorables et une assistance empressée. Nul n'osa
s'attaquer au personnage officiel, protégé par les
forces du monarque persan, et traité avec beaucoup
de considération par les gouverneurs de provinces.

Cependant, le fait d'arriver à Jérusalem avec


une escorte militaire, montrant que Néhémie avait
une mission importante, excita la jalousie des
tribus païennes qui vivaient près de la cité et
avaient si souvent témoigné leur hostilité envers les
Juifs en leur adressant des injures. A leur tête se
trouvaient les chefs Sanballat, le Horonite, Tobija,
l'Ammonite, et Guéschem, l'Arabe. Dès l'arrivée de

877
Néhémie, ils virent d'un mauvais œil les activités
de l'homme de Dieu et s'efforcèrent de faire
échouer ses plans, en entravant son œuvre par tous
les moyens.

Mais Néhémie conserva la même attitude


prudente et réservée qui l'avait jusque-là
caractérisé. Il n'ignorait pas que ses ennemis, cruels
et résolus, étaient prêts à s'opposer à lui; aussi
cacha-t-il la nature de sa mission jusqu'au moment,
où, instruit sur la situation, il put préparer ses
plans. Il espérait ainsi s'assurer la collaboration du
peuple qu'il mettrait au travail, avant que se
produise l'opposition de ses ennemis.

Choisissant quelques hommes dignes de


confiance, Néhémie leur fit part des raisons qui
l'avaient amené à Jérusalem, du but qu'il se
proposait, des plans qu'il allait suivre. Cette
initiative éveilla aussitôt l'intérêt de ses
compatriotes, et leur concours lui fut assuré.

La troisième nuit après son arrivée, Néhémie se


leva à minuit, et, avec quelques hommes de
878
confiance, il alla se rendre compte de l'état de
désolation de Jérusalem. Monté sur sa mule, il
parcourut la ville en tous sens, et vit les murs et les
portes démolis de la cité de ses pères. De
douloureuses réflexions assaillaient son esprit.
Alors que, le cœur déchiré de tristesse, il
considérait les ruines de sa Jérusalem bien-aimée,
des souvenirs de la grandeur d'Israël surgissaient
dans sa pensée, contrastant vivement avec les
preuves tangibles de son humiliation.

Secrètement, et sans bruit, Néhémie acheva son


inspection des murailles. « Les magistrats
ignoraient où j'étais allé, dit-il, et ce que je faisais.
» « Jusqu'à ce moment, je n'avais rien dit aux Juifs,
ni aux sacrificateurs, ni aux grands, ni aux
magistrats, ni à aucun de ceux qui s'occupaient des
affaires. » Il passa le reste de la nuit en prière, car il
savait qu'il serait appelé dans la matinée à faire de
sérieux efforts pour ranimer le zèle de ses
compatriotes, démoralisés et divisés.

Néhémie était chargé d'une mission royale. Il


devait réparer les murailles de la ville avec la
879
participation des Israélites. Mais il ne voulait pas
exercer son autorité; il chercha plutôt à gagner la
confiance et la sympathie du peuple, car il savait
que cette grande tâche exigeait autant l'union des
cœurs que celle des mains. Lorsqu'il réunit ses
hommes, dans la matinée, il leur présenta les
arguments susceptibles de stimuler leur courage et
de regrouper les fidèles dispersés.

Les auditeurs de Néhémie n'avaient aucune


connaissance du périple qu'il avait accompli au
cours de la nuit précédente, et lui-même ne leur en
dit rien. Mais le fait d'avoir visité la ville contribua
largement au succès de son entreprise, car il
pouvait parler de la situation avec une précision et
une abondance de détails qui étonnaient.
L'impression qu'il avait éprouvée en considérant les
ruines de Jérusalem donnait à ses paroles de la
force et de la ferveur. Il reprocha à ses
compatriotes leur conduite parmi les païens: leur
religion déshonorée, leur Dieu blasphémé. Il leur
expliqua qu'au pays lointain où il se trouvait, il
avait entendu parler de leur détresse. Il leur dit qu'il
avait intercédé en leur faveur auprès du Seigneur,
880
et décidé, pendant sa prière, de demander au roi la
permission de leur venir en aide. Il avait supplié
Dieu de l'aider à obtenir du roi, non seulement cette
permission, mais l'autorité et les moyens
nécessaires pour accomplir sa tâche. Sa prière fut
exaucée de telle manière qu'il comprit que ses
plans étaient en harmonie avec ceux du Seigneur.

Lorsqu'il eut terminé son récit, et montré qu'il


était soutenu à la fois par l'autorité du Dieu d'Israël
et celle du roi de Perse, Néhémie s'adressa
directement au peuple. Il lui demanda s'il voulait
profiter de l'occasion et se mettre à l'œuvre pour
reconstruire la muraille. Cet appel alla droit au
cœur de ses auditeurs. Lorsqu'ils comprirent de
quelle manière la faveur divine s'était manifestée à
leur égard, ils eurent honte de leurs craintes. Avec
un nouveau courage, ils s'écrièrent d'une seule
voix: « Levons-nous, et bâtissons! Et ils se
fortifièrent dans cette bonne résolution. »

Néhémie avait mis toute son âme dans l'œuvre


qu'il avait entreprise. Son espoir, son énergie, son
enthousiasme, sa ténacité, tout cela était
881
contagieux, et inspirait à ses compatriotes un
courage aussi noble, un but aussi élevé. Chacun
devint à son tour un Néhémie, et contribua à
affermir le cœur et les mains de son prochain.

Lorsque les ennemis d'Israël eurent


connaissance de ce que les Juifs espéraient
accomplir, ils se moquèrent d'eux et les
méprisèrent. Ils dirent: « Que faites-vous là? Vous
révoltez-vous contre le roi? » Mais Néhémie leur
répondit: « Le Dieu des cieux nous donnera le
succès. Nous, ses serviteurs, nous nous lèverons et
nous bâtirons; mais vous, vous n'avez ni part, ni
droit, ni souvenir dans Jérusalem. »

Parmi les premiers qui se laissèrent gagner par


le zèle et l'ardeur de Néhémie, se trouvaient les
prêtres. Ces hommes, grâce à leur position
influente, pouvaient grandement contribuer au
retard ou à l'avancement du travail, et leur
collaboration spontanée, dès le début, favorisa
largement le succès de cette entreprise. La plupart
des princes et des chefs d'Israël accomplirent
noblement eux aussi leur tâche. Ces fidèles
882
serviteurs sont mentionnés honorablement dans le
livre de Dieu. Mais quelques-uns d'entre eux, les
nobles de la tribu des Tékoïtes, « ne se soumirent
pas au service de leur seigneur ». Le souvenir de
ces serviteurs paresseux est flétri par la honte; il a
été transmis à toutes les générations qui leur ont
succédé, en signe d'avertissement.

Dans tous les mouvements religieux se trouvent


toujours des gens qui, bien que persuadés de la
vérité divine, se tiennent à l'écart et refusent de
prêter leur concours. Il serait bon qu'ils se
souviennent du livre du ciel où tout est enregistré
— de ce livre où il n'y a ni omission, ni erreur, et
par lequel nous serons jugés au dernier jour. Là,
sont mentionnées toutes les occasions perdues.
Mais là aussi sont inscrits tous les actes de foi et
d'amour dont le souvenir est immortel.

L'exemple donné par les nobles de la tribu des


Tékoïtes était de peu d'importance comparé à
l'influence grandissante de Néhémie. Le peuple en
général manifestait son empressement et son
patriotisme. Les hommes influents et capables
883
organisèrent en compagnies les différentes classes
de citoyens. Chaque chef se rendit responsable de
la construction d'une certaine partie de la muraille.
Quelques-uns, nous est-il rapporté, « travaillèrent
chacun devant sa maison ».

Le courage de Néhémie était loin de se


relâcher, maintenant que les travaux étaient
vraiment amorcés. Avec une vigilance infatigable,
il surveillait les constructions, dirigeant les
ouvriers, prenant note des difficultés et pourvoyant
à tous les besoins. Son influence ne cessait de se
faire sentir, tout au long de cette muraille de cinq
kilomètres. Il savait encourager les craintifs,
secouer les nonchalants, féliciter les laborieux.
Cependant, il n'oubliait pas de surveiller les
mouvements des ennemis qui, se tenant à distance,
discutaient comme s'ils tramaient un complot, et
parfois s'approchaient des ouvriers pour essayer de
les distraire de leurs occupations.

Malgré ses multiples activités, Néhémie


n'oubliait pas la source où il puisait sa force. Son
cœur s'élevait sans cesse vers celui qui veille sur
884
toutes choses. « Le Dieu des cieux, s'écriait-il, nous
donnera le succès. » Et ces paroles se répercutaient
d'écho en écho, faisant tressaillir le cœur des
ouvriers.

Mais la restauration des remparts de Jérusalem


ne tarda pas à se heurter à de sérieux obstacles.
Satan s'efforçait de susciter l'opposition et de semer
le découragement. Sanballat, Tobija et Guéschem,
les principaux instigateurs de ce mouvement,
décidèrent d'intervenir pour arrêter les travaux. Ils
essayèrent de faire naître la division parmi les
travailleurs. Ils ridiculisèrent la peine qu'ils se
donnaient, et prétendirent que leur entreprise était
irréalisable, et par conséquent vouée à l'échec.

« A quoi travaillent ces Juifs impuissants?


s'écria Sanballat ironiquement. Les laissera-t-on
faire? ... Redonneront-ils la vie à des pierres
ensevelies? » Et Tobija, toujours plus méprisant,
ajouta: « Qu'ils bâtissent seulement! Si un renard
s'élance, il renversera leur muraille de pierres. »

Les travailleurs rencontrèrent bientôt une


885
opposition plus vive encore. Ils furent contraints de
se tenir constamment en garde contre les complots
de leurs adversaires qui, sous des apparences
d'amitié, s'ingéniaient de mille manières à causer
parmi eux le trouble et la confusion, et à susciter la
défiance. Ils s'efforcèrent de décourager les Juifs, et
ils complotèrent d'attirer Néhémie dans leur piège.
Des Juifs perfides étaient prêts à faciliter cette
besogne. Le bruit circula que Néhémie conspirait
contre le roi de Perse, qu'il avait l'intention de
régner sur Israël, et que ses collaborateurs étaient
tous des traîtres.

Mais Néhémie continua à chercher en Dieu le


secours et la direction. « Et le peuple prit à cœur ce
travail. » La construction ne cessant d'avancer, les
brèches furent réparées et la muraille restaurée
jusqu'à la moitié de la hauteur que l'on s'était
proposé d'atteindre.

Lorsque les ennemis d'Israël virent que leurs


tentatives pour interrompre le travail étaient vaines,
ils furent remplis de rage. Jusque-là ils n'avaient
pas osé faire appel à la force, car ils savaient que
886
Néhémie et ses compagnons agissaient
conformément à la mission royale, et ils
craignaient qu'une opposition ouverte ne déplût au
monarque. Mais, poussés par la colère, ils se
rendirent coupables du crime dont ils accusaient
Néhémie. « Ils se liguèrent tous ensemble pour
venir attaquer Jérusalem et lui causer du dommage.
»

Pendant que les Samaritains conspiraient ainsi


contre Néhémie et contre son œuvre, certains chefs
parmi les Juifs se laissèrent gagner par le
mécontentement, et cherchèrent à décourager
l'homme de Dieu en exagérant les difficultés que
faisait surgir une telle entreprise. « Les forces
manquent à ceux qui portent les fardeaux, disaient-
ils, et les décombres sont considérables; nous ne
pourrons pas bâtir la muraille. »

Le découragement provint encore d'une autre


source. « Les Juifs qui habitaient près d'eux » (des
travailleurs), ceux qui n'étaient pas engagés dans la
restauration des murs, faisaient sans cesse le récit
des propos et des rapports des ennemis, afin
887
d'affaiblir leur courage et de susciter chez eux le
mécontentement. Mais les railleries et les
sarcasmes, la résistance et les menaces ne
semblaient que renforcer Néhémie dans ses
déterminations et le faire redoubler de vigilance. Il
se rendait compte des dangers que présentait cette
lutte avec ses ennemis, mais son courage était
indomptable. « Nous priâmes notre Dieu, dit-il, et
nous établîmes une garde jour et nuit pour nous
défendre contre leurs attaques. » « C'est pourquoi
je plaçai, dans les enfoncements derrière la
muraille et sur des terrains secs, le peuple par
familles, tous avec leurs épées, leurs lances et leurs
arcs. Je regardai, et m'étant levé, je dis aux grands,
aux magistrats, et au reste du peuple: Ne les
craignez pas! Souvenez-vous du Seigneur, grand et
redoutable, et combattez pour vos frères, pour vos
fils et vos filles, pour vos femmes et pour vos
maisons! Lorsque nos ennemis apprirent que nous
étions avertis, Dieu anéantit leur projet, et nous
retournâmes tous à la muraille, chacun à son
ouvrage. Depuis ce jour, la moitié de mes
serviteurs travaillait, et l'autre moitié était armée de
lances, de boucliers, d'arcs et de cuirasses. ... Ceux
888
qui bâtissaient la muraille, et ceux qui portaient ou
chargeaient les fardeaux, travaillaient d'une main et
tenaient une arme de l'autre; chacun d'eux, en
travaillant, avait son épée ceinte autour des reins. »

Près de Néhémie se tenait un homme qui devait


sonner de la trompette en cas de danger, et tout le
long de la muraille étaient répartis des prêtres
portant les trompettes sacrées. Le peuple était
dispersé sur le vaste chantier, mais lorsque le
danger était signalé sur un point, il devait s'y rendre
sans délai. « C'est ainsi que nous poursuivions
l'ouvrage, dit Néhémie, la moitié d'entre nous la
lance à la main depuis le lever de l'aurore jusqu'à
l'apparition des étoiles. »

Ceux qui habitaient dans les villes et dans les


villages, loin de Jérusalem, furent priés de loger
dans l'enceinte de cette ville pour garder l'ouvrage
la nuit et pour être prêts au travail le jour. Ainsi ne
se produirait-il pas de retard inutile, et éviterait-on
en même temps les attaques ennemies favorisées
par les allées et venues des travailleurs. Néhémie et
ses compagnons ne reculaient pas devant les
889
souffrances et les peines. De nuit et de jour,
pendant les quelques heures qu'ils accordaient au
sommeil, ils demeuraient vêtus et ne se séparaient
pas de leur armure.

L'opposition et le découragement que


connurent les travailleurs au temps de Néhémie,
parmi leurs ennemis et leurs soi-disant amis, sont
un type des difficultés que rencontrent aujourd'hui
tous les serviteurs de Dieu. Les chrétiens sont
éprouvés, non seulement par la haine et la cruauté
de leur adversaires, mais aussi par l'apathie,
l'inconséquence, la tiédeur et la trahison de ceux
qui prétendent être leurs amis et collaborateurs. On
les critique, on les couvre de ridicule. Ces
adversaires, portés à mépriser les croyants, ont
recours à l'occasion à des mesures cruelles et même
violentes.

Satan profite de tous les éléments non


consacrés pour parvenir à ses fins. Parmi ceux qui
prétendent soutenir la cause du Maître, il en est qui
pactisent avec ses adversaires, et l'exposent aux
attaques de ses pires antagonistes. Il arrive même
890
que ceux qui désirent l'avancement du règne de
Dieu découragent ses serviteurs en se faisant l'écho
des calomnies et des menaces des ennemis du
Seigneur. Satan obtient alors un plein succès, et
tous ceux qui subissent son influence sont assujettis
à une puissance de séduction qui annihile la
sagesse de l'homme prudent. Mais, comme
Néhémie, le peuple de Dieu ne doit ni craindre ni
mépriser ses ennemis. Il faut qu'il se confie en
l'Éternel, et marche résolument de l'avant, en
s'acquittant de sa tâche avec désintéressement, tout
en s'en remettant à la providence pour tout ce qui
se rapporte à la cause qu'il défend.

Au sein des difficultés sans nombre, Néhémie


plaçait toute sa confiance en Dieu. Celui qui, jadis,
soutint son serviteur, a été au cours des âges un
appui indéfectible pour son peuple. Dans toutes les
périodes critiques, celui-ci a pu déclarer avec
assurance: « Si Dieu est pour nous, qui sera contre
nous? » (Romains 8:31) Si habiles que soient les
machinations de Satan et de ses suppôts, le
Seigneur peut découvrir ses ennemis et déjouer
leurs desseins. La réponse des hommes de foi sera,
891
aujourd'hui, la même que celle de Néhémie: «
Notre Dieu combattra pour nous. » Car le Seigneur
opère puissamment, et nul ne peut s'opposer au
succès de son œuvre.

892
Chapitre 54

Blâme de l'extorsion

Ce chapitre est basé sur Néhémie 5.

Les murailles de Jérusalem n'étaient pas encore


achevées que l'attention de Néhémie fut attirée par
la situation lamentable des classes nécessiteuses.
Dans l'état d'instabilité où se trouvait le pays, la
culture avait été en grande partie négligée. De plus,
certains exilés de retour à Jérusalem se
comportaient égoïstement, et la bénédiction divine
ne reposait plus sur leurs terres. Il en résultait que
les récoltes étaient maigres.

Pour subvenir aux besoins de leurs familles, les


pauvres étaient obligés d'acheter, à crédit, à des
prix exorbitants. Ils devaient aussi se procurer de
l'argent, en empruntant avec intérêt, afin de
s'acquitter des lourdes taxes imposées par les rois
de Perse. Et comme pour aggraver encore leur
détresse, certains Juifs riches profitaient de leur

893
misère.

Dieu avait pourtant bien recommandé à Israël,


par l'intermédiaire de Moïse, qu'une dîme fût
prélevée tous les trois ans en faveur des pauvres.
Ceux-ci jouissaient en outre d'un grand avantage
du fait que la culture des terres était interrompue
tous les sept ans. Les produits spontanés étaient
alors abandonnés aux nécessiteux.

La fidélité témoignée dans ces offrandes,


destinées aux pauvres et à d'autres œuvres de
bienfaisance, devait contribuer à rappeler au peuple
cette vérité que Dieu est le possesseur de toutes
choses et qu'il donne l'occasion à ses enfants d'être
des sources de bénédictions. Le dessein de Dieu à
l'égard des Israélites était de déraciner de leurs
cœurs l'égoïsme et de développer la grandeur et la
noblesse de leur caractère.

Voici les instructions données à Israël: « Si tu


prêtes de l'argent à mon peuple, au pauvre qui est
avec toi, tu ne seras point à son égard comme un
créancier, tu n'exigeras de lui point d'intérêt. » « Tu
894
n'exigeras de ton frère aucun intérêt ni pour argent,
ni pour vivres, ni pour rien de ce qui se prête à
intérêt. » (Exode 22:25; Deutéronome 23:19) « S'il
y a chez toi quelque indigent d'entre tes frères, dans
l'une de tes portes, au pays que l'Éternel, ton Dieu,
te donne, tu n'endurciras point ton cœur et tu ne
fermeras point ta main devant ton frère indigent.
Mais tu lui ouvriras ta main, et tu lui prêteras de
quoi pourvoir à ses besoins. » « Il y aura toujours
des indigents dans le pays; c'est pourquoi je te
donne ce commandement: Tu ouvriras ta main à
ton frère, au pauvre et à l'indigent dans ton pays. »
(Deutéronome 15:7, 8, 11)

Après le retour des exilés, il arriva que les Juifs


fortunés se comportèrent d'une manière toute
différente de ces recommandations. Lorsque les
pauvres avaient été obligés d'emprunter de l'argent
pour payer le tribut du roi, les riches le leur avaient
prêté, mais en exigeant un intérêt élevé. En
hypothéquant les terres des pauvres, ces riches
Juifs avaient peu à peu réduit leurs malheureux
débiteurs à la plus lamentable misère. La plupart
d'entre eux avaient dû vendre leurs fils et leurs
895
filles comme serviteurs. Il semblait qu'il n'y avait
aucun espoir d'améliorer le sort des pauvres, aucun
moyen pour racheter leurs enfants et leurs terres,
aucune perspective devant eux, sinon une détresse
toujours accrue par une misère et une servitude
perpétuelles. Pourtant, ils étaient citoyens de la
même nation, participants de la même alliance que
leurs frères plus favorisés.

Enfin, excédés, ils vinrent se plaindre à


Néhémie: « Voici, dirent-ils, nous soumettons à la
servitude nos fils et nos filles, et plusieurs de nos
filles y sont déjà réduites; nous sommes sans force,
et nos champs et nos vignes sont à d'autres. »
Lorsque Néhémie entendit ces paroles, il fut rempli
d'indignation. « Je fus très irrité, dit-il, lorsque
j'entendis leurs plaintes et ces paroles-là. » Il
comprit que, s'il voulait arriver à remédier à la
situation, il lui fallait prendre une attitude résolue
en faveur de la justice. Avec l'énergie et la décision
qui le caractérisaient, il se mit aussitôt à l'œuvre
pour adoucir le sort de ses frères.

Le fait que les exacteurs étaient des hommes


896
fortunés, qui pourvoyaient à la restauration de la
ville, n'influença pas un instant Néhémie. Il
réprimanda sévèrement les grands et les magistrats;
et, ayant réuni la foule, il lui exposa les exigences
de Dieu au sujet de ce cas particulier. Il attira
l'attention du peuple sur les événements qui
s'étaient déroulés sous le règne d'Achaz. Il leur
rappela le message que le Seigneur avait alors
adressé à Israël pour réprimer sa cruauté et son
oppression. Les enfants de Juda avaient été livrés, à
cause de leur idolâtrie, entre les mains de leurs
frères plus idolâtres encore, le peuple d'Israël.
Celui-ci, dans sa fureur, était allé jusqu'à tuer, au
cours d'une bataille, des milliers d'hommes de
Juda, et à capturer les femmes et les enfants pour
en faire des esclaves, ou pour les vendre aux
païens.

A cause des péchés de Juda, Dieu n'intervint


pas pour empêcher cette horreur. Mais par le
prophète Oded, il condamna sévèrement les
exploits cruels de l'armée victorieuse. « Vous
pensez maintenant, dit l'homme de Dieu, faire des
enfants de Juda et de Jérusalem vos serviteurs et
897
vos servantes! Mais vous, n'êtes-vous pas
coupables envers l'Éternel, votre Dieu? » (2
Chroniques 28:10) Oded déclara au peuple d'Israël
que son injustice et son oppression lui avaient attiré
le jugement du ciel, que la colère divine s'était
embrasée contre lui.

Après avoir entendu ces paroles, les guerriers


libérèrent les captifs et apportèrent leur butin
devant les chefs et toute l'assemblée. Alors certains
principaux de la tribu d'Ephraïm « prirent les
captifs; ils employèrent le butin à vêtir tous ceux
qui étaient nus, ils leur donnèrent des habits et des
chaussures, ils les firent manger et boire, ils les
oignirent, ils conduisirent sur des ânes tous ceux
qui étaient fatigués, et ils les amenèrent à Jéricho,
la ville des palmiers, auprès de leurs frères » (2
Chroniques 28:15).

Néhémie et d'autres Juifs avaient racheté


certains captifs vendus aux païens. L'homme de
Dieu mit en contraste cette manière de faire avec
celle des riches qui, pour l'appât du gain,
asservissaient leurs frères pauvres. « Ce que vous
898
faites n'est pas bien, leur dit-il. Ne devriez-vous pas
marcher dans la crainte de notre Dieu, pour n'être
pas insultés par les nations nos ennemies? »

Néhémie expliqua au peuple qu'étant investi de


l'autorité du roi de Perse, il aurait pu lui-même
réclamer des fonds importants pour son compte
personnel. Au lieu de cela, non seulement il n'était
pas rentré en possession de ce qui lui appartenait,
mais il avait donné généreusement ses biens pour
soulager les nécessiteux. Il insista auprès des chefs
qui s'étaient rendus coupables d'extorsion pour
qu'ils cessent leur métier d'iniquité, rendent les
terres des pauvres, ainsi que l'intérêt des sommes
qu'ils avaient prêtées, et qu'ils leur prêtent
dorénavant sans usure.

Néhémie prononça ces paroles devant toute


l'assemblée. Si les chefs voulaient se justifier, ils en
avaient l'occasion; mais ils n'alléguèrent aucune
excuse. « Nous les rendrons, dirent-ils, et nous ne
leur demanderons rien, nous ferons ce que tu dis. »
Alors l'homme de Dieu, en présence des prêtres, les
fit « jurer de tenir parole ». Et « toute l'assemblée
899
dit: Amen! On célébra l'Éternel. Et le peuple tint
parole. »

Ce récit de l'Ecriture contient une importante


leçon. « L'amour de l'argent est une racine de tous
les maux » (1 Timothée 6:10), a dit l'apôtre saint
Paul. De nos jours, l'argent est devenu une passion
dévorante, et la richesse est souvent acquise par la
fraude. Des multitudes se débattent dans la
pauvreté; elles sont contraintes de se livrer à un dur
travail pour un maigre salaire qui ne leur permet
pas de s'assurer les éléments primordiaux
indispensables à leur existence.

Un labeur écrasant, des privations, sans espoir


d'un sort meilleur, alourdissent leur pesant fardeau.
Minés par les soucis, opprimés, ils ne savent vers
qui se tourner pour trouver du réconfort. Et tout
cela pour que les riches puissent satisfaire leurs
prodigalités, ou se livrer aux folies de la
thésaurisation.

L'amour de l'argent et de l'apparat a fait de ce


monde un repaire de voleurs. Les Ecritures nous
900
dépeignent la cupidité et l'oppression qui régneront
avant la seconde venue du Christ. « A vous
maintenant, riches! écrit saint Jacques. Pleurez et
gémissez, à cause des malheurs qui viendront sur
vous. ... Voici, le salaire des ouvriers qui ont
moissonné vos champs, et dont vous les avez
frustrés, crie, et les cris des moissonneurs sont
parvenus jusqu'aux oreilles du Seigneur des
armées. Vous avez vécu sur la terre dans les
voluptés et dans les délices, vous avez rassasié vos
cœurs au jour du carnage. Vous avez condamné,
vous avez tué le juste, qui ne vous a pas résisté. »
(Jacques 5:1, 3-6)

Même parmi ceux qui prétendent posséder la


crainte de Dieu, certains se conduisent encore
comme les riches Israélites de jadis. Parce que les
lois leur permettent de le faire, ils deviennent des
oppresseurs. Et parce que ces gens qui se réclament
du nom du Christ font preuve d'avarice et de
perfidie, parce que l'Église conserve dans ses
registres les noms de ceux qui ont acquis leur
fortune injustement, la religion du Christ est
considérée avec mépris. La prodigalité, la
901
tromperie, l'extorsion corrompent la foi de maints
croyants et détruisent leur spiritualité. L'Église est
en grande partie responsable des péchés commis
par ses membres. Elle encourage le mal si elle
n'élève pas la voix contre ces péchés.

Les coutumes du monde ne doivent pas être le


critère du chrétien. Il ne faut pas que celui-ci imite
ses excès, ses tromperies, ses extorsions. Tout acte
injuste à l'égard de son semblable est une violation
de la règle d'or. Tout préjudice causé aux enfants
de Dieu touche le Christ lui-même dans la
personne de ses saints. Toute tentative pour profiter
de l'ignorance, de la faiblesse ou de l'infortune du
prochain est enregistrée comme une fraude dans les
livres du ciel. Celui qui craint vraiment le Seigneur
préférera travailler jour et nuit, manger le pain de
la pauvreté, plutôt que de pratiquer la cupidité en
opprimant la veuve et l'orphelin ou frustrer
l'étranger.

Les plus petits écarts de la rectitude préparent


le cœur aux pires injustices. Lorsqu'un homme
s'enrichit au détriment d'un autre, son âme devient
902
insensible à l'influence de l'Esprit de Dieu. Le gain
obtenu dans de telles conditions est en réalité une
terrible perte.

Nous étions tous débiteurs de la justice divine,


et incapables de nous acquitter de notre dette. C'est
alors que le Fils de Dieu eut compassion de nous,
qu'il paya le prix de notre rédemption. Il se fit
pauvre, afin que par sa pauvreté nous fussions
enrichis. En montrant notre générosité à l'égard des
nécessiteux, nous prouvons notre gratitude pour la
miséricorde qui nous est octroyée. « Pratiquons le
bien envers tous, dit saint Paul, et surtout envers les
frères en la foi. » (Galates 6:10) Et ces paroles
s'harmonisent avec celles du Sauveur: « Vous avez
toujours les pauvres avec vous, et vous pouvez leur
faire du bien quand vous voulez. » « Tout ce que
vous voulez que les hommes fassent pour vous,
faites-le de même pour eux, car c'est la loi et les
prophètes. » (Marc 14:7; Matthieu 7:12)

903
Chapitre 55

Complots des païens

Ce chapitre est basé sur Néhémie 6.

Sanballat et ses complices n'osaient pas


attaquer ouvertement les Juifs; mais avec une
malice accrue, ils continuaient à faire secrètement
l'impossible pour les décourager, les déconcerter,
les injurier. Les murailles de Jérusalem allaient
bientôt être achevées. Une fois celles-ci terminées,
les portes mises, les ennemis d'Israël ne pourraient
guère espérer pénétrer dans la ville. C'est pourquoi
ils s'acharnaient particulièrement à vouloir faire
cesser les travaux. Ils en arrivèrent finalement à
forger un plan qui, espéraient-ils, destituerait
Néhémie de ses fonctions et le livrerait en leur
pouvoir. Alors ils l'emprisonneraient ou le
tueraient.

Ils prétendirent faire un compromis avec leurs


adversaires, et cherchèrent à entrer en pourparlers

904
avec Néhémie, en lui proposant une entrevue dans
un village de la vallée d'Ono. Mais, éclairé par le
Saint-Esprit sur leur véritable intention, l'homme
de Dieu refusa. « Je leur envoyai des messagers,
dit-il, avec cette réponse: J'ai un grand ouvrage à
exécuter, et je ne puis descendre; le travail serait
interrompu pendant que je le quitterais pour aller
vers vous. » Mais ils s'obstinèrent. Quatre fois ils
lui envoyèrent un messager avec la même
demande, et chaque fois il leur fit la même réponse.

Devant l'insuccès de leurs démarches, ces


ennemis eurent alors recours à un stratagème plus
audacieux. Sanballat envoya à Néhémie un
messager porteur d'une lettre ouverte ainsi conçue:
« Le bruit se répand parmi les nations et Gaschmu
affirme que toi et les Juifs, vous pensez à vous
révolter, et que c'est dans ce but que tu rebâtis la
muraille. Tu vas, dit-on, devenir leur roi, tu as
même établi des prophètes pour te proclamer à
Jérusalem roi de Juda. Et maintenant ces choses
arriveront à la connaissance du roi. Viens donc, et
consultons-nous ensemble. »

905
Si les bruits mentionnés par l'ennemi avaient
réellement circulé, Néhémie aurait eu raison de
s'inquiéter, car ils seraient parvenus aux oreilles du
roi, et le moindre soupçon de sa part aurait
provoqué les sanctions les plus sévères. Mais
l'homme de Dieu était persuadé que la lettre en
question était fausse et avait pour but de l'intimider
et de l'attirer dans un piège. Ce qui ancra Néhémie
dans cette pensée, c'est le fait que la lettre avait été
envoyée ouverte, avec le but évident d'être lue par
le peuple qui, à son tour, aurait été effrayé et
intimidé par son contenu.

Néhémie répondit immédiatement à Sanballat:


« Ce que tu dis là n'est pas; c'est toi qui l'inventes!
» Il n'ignorait pas les ruses de Satan; il savait que
l'ennemi faisait des efforts désespérés pour
décourager les travailleurs et faire cesser l'ouvrage.
A maintes reprises, le diable avait été tenu en
échec, et maintenant, avec une malice exacerbée, il
tendait un piège au serviteur de Dieu. Sanballat et
ses acolytes soudoyèrent donc des hommes qui
prétendaient être des amis de Néhémie et qui
devaient lui donner de mauvais conseils, comme
906
s'ils émanaient de Dieu. A la tête de cette infâme
entreprise, se trouvait Schemaeja que Néhémie
avait beaucoup apprécié autrefois. Cet homme
s'enferma dans une chambre située près du
sanctuaire, comme s'il craignait pour sa vie. Le
temple était alors protégé par des murs et par des
portes, mais les portes de la ville n'étaient pas
encore posées. Prétendant qu'il avait à cœur la
sécurité de Néhémie, Schemaeja lui conseilla de se
réfugier dans le temple. « Allons ensemble dans la
maison de Dieu, proposa le traître, au milieu du
temple, et fermons les portes du temple; car ils
viennent pour te tuer, et c'est pendant la nuit qu'ils
viendront pour te tuer. »

Si Néhémie avait suivi ces conseils hypocrites,


il aurait sacrifié sa foi en Dieu et paru aux yeux du
peuple un être pleutre et méprisable. Pour
accomplir l'œuvre importante qu'il avait entreprise,
et pour témoigner sa confiance en la puissance
divine, il aurait été inconséquent en se cachant
comme s'il avait peur. La crainte se serait répandue
parmi le peuple, chacun aurait cherché sa propre
sécurité, et la ville sans défense serait devenue une
907
proie facile. Cet acte déraisonnable de la part de
Néhémie eût été l'abandon virtuel de tout ce qu'on
avait fait jusque-là.

Néhémie ne tarda pas à se rendre compte du


véritable caractère et du but de la démarche de son
conseiller. « Je reconnus que ce n'était pas Dieu qui
l'envoyait, dit-il. Mais il prophétisa ainsi sur moi,
parce que Sanballat et Tobija lui avaient donné de
l'argent. En le gagnant ainsi, ils espéraient que
j'aurais peur, et que je suivrais ses avis et
commettrais un péché; et ils auraient profité de
cette atteinte à ma réputation pour me couvrir
d'opprobre. »

L'infâme démarche de Schemaeja était appuyée


par quelques hommes qui jouissaient d'une haute
considération et qui, tout en se réclamant de
l'amitié de Néhémie, s'associaient secrètement avec
ses ennemis. Mais c'est en vain qu'ils tendirent un
piège à l'homme de Dieu. Il leur fit cette réponse
catégorique: « Un homme comme moi prendre la
fuite! Et quel homme tel que moi pourrait entrer
dans le temple et vivre? Je n'entrerai point. »
908
Malgré les complots tramés ouvertement ou en
secret par les ennemis d'Israël, l'ouvrage avançait
rapidement. Moins de deux mois après l'arrivée à
Jérusalem de Néhémie, la ville était entourée de
son enceinte, et les ouvriers pouvaient circuler sur
les murailles et voir leurs ennemis au-dessous
d'eux, étonnés et humiliés. « Lorsque tous nos
ennemis l'apprirent, dit Néhémie, toutes les nations
qui étaient autour de nous furent dans la crainte;
elles éprouvèrent une grande humiliation, et
reconnurent que l'œuvre s'était accomplie par la
volonté de notre Dieu. »

Mais malgré la preuve évidente que Dieu était à


l'œuvre, les Israélites ne purent réprimer leur
mécontentement. « Dans ce temps-là, dit Néhémie,
il y avait aussi des grands de Juda qui adressaient
fréquemment des lettres à Tobija et qui en
recevaient de lui. Car plusieurs en Juda étaient liés
à lui par serment, parce qu'il était gendre de
Schecania. » On voit ici les conséquences
désastreuses des mariages mixtes. C'était d'une
famille alliée aux ennemis de Dieu qu'était né le
909
complot contre Néhémie. Il y eut beaucoup d'autres
cas analogues. Ces gens, comme tous ceux qui
avaient contracté des mariages semblables et qui
étaient sortis d'Égypte avec Israël, furent une
source constante de troubles. Ils ne servaient pas le
Seigneur de tout leur cœur, et lorsque son œuvre
exigeait un sacrifice, ils étaient prêts à violer le
serment qu'ils avaient solennellement contracté.

Certains de ceux qui avaient été les premiers à


vouloir faire du mal aux Juifs manifestaient
maintenant le désir de devenir leurs amis. Les
nobles de Juda qui étaient handicapés par des
mariages avec les idolâtres et qui avaient entretenu
une correspondance suspecte avec Tobija, en jurant
de le servir, parlaient maintenant de cet homme
comme d'un être capable et prévoyant, dont
l'alliance serait infiniment précieuse aux Juifs. Et
ils le renseignaient en même temps sur les projets
et les agissements de Néhémie. Ainsi, l'œuvre du
peuple de Dieu était ouverte aux attaques de
l'ennemi, ce qui donnait l'occasion de mal
interpréter les paroles et les actes de Néhémie et
d'entraver son travail.
910
Lorsque les pauvres et les opprimés avaient fait
appel à Néhémie pour qu'il redresse les torts dont
ils avaient été victimes, ce dernier avait pris
courageusement leur défense, et réussi à faire
disparaître l'opprobre qui pesait sur eux. Mais
l'autorité dont il avait fait preuve pour soulager ses
compatriotes opprimés, il n'en usa pas pour lui-
même. Ses bienfaits avaient rencontré l'ingratitude
et la trahison; cependant, il n'exerça pas son
pouvoir pour punir les traîtres. Avec calme et
désintéressement, il continua à travailler pour son
peuple, ne se relâchant pas un seul instant dans ses
efforts.

Les assauts de Satan ont toujours été dirigés


contre ceux qui s'efforcent de faire avancer le règne
de Dieu. Bien que l'ennemi de nos âmes ait été
souvent bafoué, il n'a cessé de renouveler ses
attaques avec une violence accrue, et avec des
moyens jusqu'alors inconnus. Ce qu'il faut le plus
redouter chez lui, c'est le travail qu'il accomplit
secrètement par ceux qui prétendent aimer l'œuvre
de Dieu. L'opposition déclarée, si elle est farouche
911
et cruelle, offre moins de péril pour la cause du
Maître que la haine dissimulée de ceux qui
déclarent le servir et qui sont, en réalité, les
serviteurs de Satan. Ceux-ci favorisent l'action des
hommes qui emploient leurs connaissances pour
contrecarrer l'œuvre de Dieu.

Le prince des ténèbres utilisera tous les


stratagèmes possibles pour décider les serviteurs de
Dieu à s'associer à ses suppôts. Par ses
sollicitations répétées, il s'efforcera de les
détourner de leurs devoirs; mais, comme Néhémie,
ils devront répondre fermement: « J'ai un grand
ouvrage à exécuter et je ne puis descendre. » Que
les ouvriers du Seigneur continuent leur besogne
sans se soucier d'autre chose, tout en s'efforçant de
réfuter les mensonges du malin pour leur porter
préjudice. A l'instar des réparateurs des murailles
de Jérusalem, qu'ils ne se laissent pas distraire de
leurs travaux par les menaces, les moqueries ou les
faux rapports, et ne se relâchent pas un seul instant,
car les ennemis sont sans cesse sur leurs pas. Qu'ils
fassent monter vers le Seigneur leurs prières, et
établissent « une garde jour et nuit pour se défendre
912
» (Néhémie 4:9).

Satan redoublera ses tentations à mesure que


s'approche la fin des temps. Il suscitera des
hommes qui se moqueront et mépriseront les «
réparateurs des brèches ». Mais si ceux-ci ne font
pas face aux attaques de l'ennemi, ils retarderont
leur ouvrage. Qu'ils s'efforcent de déjouer les
complots de leurs adversaires, sans se détourner de
leur besogne. La vérité triomphe de l'erreur, et le
droit prévaut sur l'injustice.

Les serviteurs de Dieu ne permettront pas que


l'ennemi conquière leur amitié ou leur sympathie
dans le dessein de les distraire de leur tâche. Celui
qui, par quelque acte inconsidéré, expose la cause
du Seigneur à l'opprobre ou affaiblit les mains de
ses compagnons de travail, fait rejaillir sur son
propre caractère une tache qui ne s'enlève pas
facilement. Il dresse un obstacle sérieux sur le
chemin qu'il doit suivre pour être utile.

« Ceux qui abandonnent la loi louent le


méchant. » (Proverbes 28:4) Lorsque des hommes
913
s'unissent au monde, tout en invoquant une grande
pureté d'intention, et préconisent l'union avec ceux
qui ont toujours combattu la vérité, il faut se méfier
d'eux, les éviter comme le fit Néhémie. Tout cela
est inspiré par l'ennemi du bien. C'est le langage
des opportunistes, contre lequel nous devons nous
insurger aussi farouchement aujourd'hui
qu'autrefois. Que tout ce qui tend à troubler la foi
du peuple de Dieu soit énergiquement combattu.

L'ennemi ne réussit pas à faire tomber Néhémie


en son pouvoir parce que cet homme de Dieu
témoigna autant de fermeté dans son dévouement à
la cause sacrée que dans sa confiance en Jéhovah.
L'âme indécise devient une proie facile à la
tentation; mais celui qui poursuit un noble idéal, un
but absorbant, ne prête pas le flanc au mal. Sa foi,
loin de faiblir, s'affermit; car partout il discerne
l'amour infini qui dirige toutes choses pour
l'accomplissement du plan divin. Les vrais
serviteurs de Dieu travaillent avec une résolution
qui ne connaît aucune défaillance, car ils dirigent
constamment leurs regards vers le trône de la
grâce.
914
Dieu promet son assistance chaque fois que les
ressources humaines font défaut. Il nous
communique son Esprit pour nous venir en aide
dans nos difficultés, pour ranimer notre espérance,
illuminer notre esprit et purifier notre cœur. Il
suscite des occasions à ses serviteurs, et leur ouvre
la voie pour s'acquitter de leur tâche. Si son peuple
suit ses directives, s'il est prêt à collaborer avec lui,
il verra des choses merveilleuses.

915
Chapitre 56

Lecture solennelle de la loi de


Dieu

Ce chapitre est basé sur Néhémie 8, 9, 10.

C'était au temps de la fête des trompettes, la


foule était rassemblée à Jérusalem, et une
impression de tristesse se dégageait du spectacle
qui s'offrait aux regards. Les murailles de la ville
avaient été reconstruites, les portes mises en place;
mais une grande partie de la métropole juive était
encore en ruine.

Sur une estrade, dressée dans l'une des artères


les plus larges de Jérusalem, et entourée des tristes
vestiges de la gloire d'antan, se tenait Esdras,
maintenant un vieillard. A ses côtés se trouvaient
les Lévites. De cette estrade on pouvait voir une
mer de visages. De toutes les contrées
environnantes les Israélites étaient accourus. «
Esdras bénit l'Éternel, le grand Dieu, et tout le
916
peuple répondit ...: Amen! ... Ils s'inclinèrent et se
prosternèrent devant l'Éternel, le visage contre
terre. »

Et cependant, même dans cette assemblée, on


pouvait constater les preuves du péché d'Israël. Par
suite de mariages contractés entre différentes
nations, la langue juive s'était corrompue, et il
fallait expliquer la loi dans celle du peuple pour
que tous puissent la comprendre. « Ils lisaient
distinctement dans le livre de la loi de Dieu, et ils
en donnaient le sens pour faire comprendre ce
qu'ils avaient lu. »

« Tout le peuple fut attentif à la lecture du livre


de la loi. » En écoutant cette lecture, les Israélites
se sentaient coupables. Tous pleuraient à la pensée
de leurs transgressions. Mais ce jour était un jour
de fête, pendant lequel le Seigneur avait ordonné
que l'on fût dans l'allégresse. Ils furent donc priés
de retenir leurs larmes et de se réjouir à cause de la
grande miséricorde de Dieu à leur égard. « Ce jour
est consacré à l'Éternel, votre Dieu, dit Néhémie;
ne soyez pas dans la désolation et dans les larmes!
917
... Allez, mangez des viandes grasses et buvez des
liqueurs douces, et envoyez des portions à ceux qui
n'ont rien de préparé, car ce jour est consacré à
notre Seigneur; ne vous affligez pas, car la joie de
l'Éternel sera votre force. »

Le début de la matinée fut consacré aux


services religieux, et le reste de la journée à louer
l'Éternel, à se réjouir de ses bontés. On envoya des
portions aux pauvres qui n'avaient rien préparé. Il y
eut de grandes réjouissances, car la loi divine avait
été lue et expliquée.

Le jour suivant on se livra au même exercice, et


au moment fixé — le dixième jour du septième
mois — sur l'ordre de Dieu, la fête des expiations
fut célébrée. Entre le quinzième et le vingt-
deuxième jour de ce même mois, le peuple et les
principaux Juifs célébrèrent encore la fête des
tabernacles. « Allez chercher à la montagne, dirent-
ils, des rameaux de palmier, et des rameaux
d'arbres touffus, pour faire des tentes, comme il est
écrit. Alors le peuple alla chercher des rameaux, et
ils se firent des tentes sur le toit de leurs maisons,
918
dans leurs cours, dans les parvis de la maison de
Dieu. ... Et il y eut de très grandes réjouissances.
On lut dans le livre de la loi de Dieu, chaque jour,
depuis le premier jusqu'au dernier. »

En écoutant la lecture de la loi chaque jour, les


Israélites avaient été convaincus de leurs
transgressions, ainsi que de celles des générations
précédentes. Ils comprirent alors qu'en s'éloignant
de Dieu, les descendants d'Abraham, privés de sa
protection, avaient été dispersés parmi les nations
étrangères. Ils décidèrent donc de rechercher sa
miséricorde et s'engagèrent à observer ses
commandements. Avant de célébrer ce service
solennel, le second jour après la fête des
tabernacles, ils prirent la décision de se séparer des
païens qui se trouvaient parmi eux.

Tandis que le peuple se prosternait devant le


Seigneur, confessant ses péchés et en implorant le
pardon, les chefs l'encourageaient à se confier en
Dieu qui, selon sa promesse, exauce les prières. Il
ne devait pas seulement se lamenter, pleurer et se
repentir, mais aussi croire au pardon de Dieu. Il
919
fallait qu'il montre sa foi en publiant le récit des
bénédictions dont il avait été l'objet de la part du
Seigneur, et en le louant pour sa grande bonté.

« Levez-vous, dit-on aux enfants d'Israël,


bénissez l'Éternel, votre Dieu, d'éternité en éternité!
» Alors, les bras tendus vers le ciel, ils entonnèrent
ce cantique:

Que l'on bénisse ton nom glorieux,


Qui est au-dessus de toute bénédiction
Et de toute louange!
C'est toi, Éternel, toi seul
Qui as fait les cieux et toute leur armée,
La terre et tout ce qui est sur elle,
Les mers et tout ce qu'elles renferment.
Tu donnes la vie à toutes ces choses,
Et l'armée des cieux se prosterne devant toi.

Après que le peuple eut fait monter vers Dieu


ses louanges, les chefs parlèrent du passé d'Israël,
de son ingratitude manifeste, et tous reconnurent
que le Seigneur avait été juste en le punissant.
Alors toute l'assemblée prit la ferme résolution
920
d'observer les commandements de Dieu. Tous
s'engagèrent à rester fidèles, et pour que cet
engagement fût durable, et conservé d'une façon
permanente, tel un mémorial, il fut couché par
écrit, et les chefs, les Lévites et les prêtres y
apposèrent leur sceau. Cette alliance devait
subsister comme un souvenir, une barrière à la
tentation. Le peuple jura solennellement « de
marcher dans la loi de Dieu donnée par Moïse,
serviteur de Dieu, d'observer et de mettre en
pratique tous les commandements de l'Éternel,
notre Seigneur, ses ordonnances et ses lois ». En
outre, les Israélites promettaient de ne plus
contracter de mariages avec des étrangers.

Avant que prît fin cette journée de jeûne,


l'assemblée manifesta le désir de revenir au
Seigneur, et s'engagea à ne plus profaner le jour du
sabbat. Néhémie n'était pas encore intervenu,
comme il le fera plus tard, pour empêcher les
commerçants étrangers de venir à Jérusalem; mais
pour mettre le peuple à l'abri de la tentation, il lui
fit promettre par un serment solennel de ne rien
acheter de ces vendeurs le jour du sabbat. Il
921
espérait ainsi décourager ces derniers et les obliger
à mettre un terme à leur commerce.

Il fut aussi pourvu à l'entretien du culte public.


L'assemblée s'engagea à donner, en plus de la
dîme, une contribution annuelle destinée au service
du sanctuaire. « Nous résolûmes, dit Néhémie,
d'apporter chaque année à la maison de l'Éternel les
prémices de notre sol et les prémices de tous les
fruits de tous les arbres; d'amener à la maison de
notre Dieu ... les premiers-nés de nos fils et de
notre bétail, comme il est écrit dans la loi, les
premiers-nés de nos bœufs et de nos brebis. »

Israël avait recouvré la faveur divine; il


regrettait profondément son passé. Après avoir
confessé ses péchés avec larmes, et reconnu qu'il
avait été traité avec justice, il s'engagea à observer
la loi divine. Il ne lui restait plus qu'à manifester sa
foi. Dieu ayant accepté sa repentance, il pouvait se
réjouir d'avoir reçu le pardon de ses iniquités.

Les tentatives de Néhémie pour restaurer le


culte du vrai Dieu avaient été couronnées de
922
succès. Tant que le peuple resterait fidèle, tant qu'il
obéirait à la Parole de Dieu, le Seigneur
accomplirait ses promesses et le comblerait de ses
riches bénédictions.

Ce récit devrait servir de leçon à tous ceux qui


sont convaincus de leurs péchés, et comme écrasés
par le poids de leur indignité. L'Ecriture nous
rapporte fidèlement les conséquences de l'apostasie
d'Israël, mais elle nous décrit aussi son humiliation
profonde, sa repentance sincère, sa foi ardente et
ses sacrifices généreux lorsqu'il revint au Seigneur.

Tous les repentirs sincères procurent au croyant


une joie durable. Lorsqu'un pécheur cède à
l'influence de l'Esprit, il voit sa culpabilité et sa
souillure jurer avec la sainteté du grand médecin
des âmes. Il se voit condamné par ses
transgressions; mais qu'il ne se laisse pas aller au
désespoir, car le pardon lui a déjà été accordé. Il
doit se réjouir lorsqu'il a le sentiment de la
rémission de son péché, grâce à l'amour d'un Père
céleste qui pardonne abondamment. C'est la gloire
de Dieu d'entourer de sa tendre sollicitude tous les
923
pécheurs qui se repentent, de bander leurs
blessures, de laver leurs péchés et de les revêtir de
la robe du salut.

924
Chapitre 57

Œuvre de réforme

Ce chapitre est basé sur Néhémie 13.

Le peuple de Dieu s'était solennellement et


publiquement engagé à obéir à la loi divine. Mais,
lorsque l'influence d'Esdras et de Néhémie cessa de
se faire sentir, de nombreux croyants se
détournèrent du Seigneur. Néhémie était retourné
en Perse. Pendant son absence, le malin s'insinua
parmi le peuple, menaçant de corrompre la nation.
Non seulement les idolâtres avaient pris pied dans
Jérusalem, mais ils avaient encore souillé, par leur
présence, les parvis du temple. En s'alliant à une
étrangère, le prêtre Eliaschib était devenu le parent
de Tobija, l'ennemi le plus farouche d'Israël. Cette
union avec une païenne eut comme conséquence de
ménager à Tobija un appartement qui avait accès
au temple — appartement utilisé jusqu'alors
comme dépôt pour les dîmes et les offrandes.

925
Dieu avait déclaré par Moïse aux Ammonites et
aux Moabites, qui s'étaient montrés cruels et
perfides à l'égard d'Israël: « Vous n'entrerez point
dans l'assemblée de l'Éternel. » (Voir Deutéronome
23:3-6) Malgré cette défense, le grand prêtre avait
enlevé les offrandes accumulées dans la chambre
de la maison du Seigneur pour donner asile à ce
représentant de la race proscrite. En conférant un
tel honneur à cet ennemi de Dieu et de la vérité, on
ne pouvait témoigner plus de mépris au Seigneur.

Lorsqu'il revint de Perse, Néhémie apprit cette


odieuse profanation, et il prit de promptes mesures
pour chasser l'intrus. « J'en éprouvai un vif
déplaisir, dit-il, et je jetai hors de la chambre tous
les objets qui appartenaient à Tobija; j'ordonnai
qu'on purifiât les chambres, et j'y replaçai les
ustensiles de la maison de Dieu, les offrandes et
l'encens. »

Non seulement le temple avait été profané,


mais on avait mal employé les offrandes. Aussi le
peuple avait-il tendance à se relâcher dans ses
libéralités. Il avait perdu son zèle et sa ferveur, et il
926
payait ses dîmes à contrecœur. Le trésor de la
maison de Dieu était insuffisamment pourvu; de
nombreux chantres et d'autres officiants du service
du temple, mal rétribués, avaient quitté l'œuvre du
Seigneur pour travailler ailleurs.

Néhémie se mit à la tâche pour corriger ces


abus. Il réunit ceux qui avaient délaissé le service
du temple et « les remit à leur poste ». Cet acte
inspira confiance au peuple, et « Juda apporta dans
les magasins la dîme du blé, du moût et de l'huile
». Les hommes qui « avaient la réputation d'être
fidèles », nommés surveillants du trésor, « furent
chargés de faire les distributions à leurs frères ».

Un autre résultat des rapports entretenus avec


les idolâtres, ce fut l'abandon du sabbat — signe
qui distinguait les Israélites de toutes les autres
nations, comme adorateurs du vrai Dieu. Néhémie
découvrit que des commerçants, des païens des
nations voisines, venaient à Jérusalem et
entraînaient une foule de Juifs à faire du commerce
ce jour-là. D'aucuns restèrent fermes à leurs
principes; mais d'autres les sacrifièrent et se
927
joignirent aux païens qui s'efforçaient de vaincre
les scrupules des plus consciencieux. Un grand
nombre d'entre eux profanèrent ouvertement le jour
du sabbat. « A cette époque, écrit Néhémie, je vis
en Juda des hommes fouler au pressoir pendant le
sabbat, rentrer des gerbes, charger sur des ânes
même du vin, des raisins et des figues, et toutes
sortes de choses, et les amener à Jérusalem le jour
du sabbat. ... Il y avait aussi des Tyriens, établis à
Jérusalem, qui apportaient du poisson et toutes
sortes de marchandises, et qui les vendaient aux fils
de Juda le jour du sabbat et dans Jérusalem. »

Cet état de choses aurait pu être évité si les


chefs de Juda avaient exercé leur autorité; mais
leur désir de ménager leurs propres intérêts les
avait poussés à favoriser les idolâtres. Néhémie les
réprimanda énergiquement pour leur négligence. «
Que signifie cette mauvaise action que vous faites,
en profanant le jour du sabbat, leur demanda-t-il
sévèrement. N'est-ce pas ainsi qu'ont agi vos pères,
et n'est-ce pas à cause de cela que notre Dieu a fait
venir tous ces malheurs sur nous et sur cette ville?
Et vous, vous attirez de nouveau sa colère contre
928
Israël, en profanant le sabbat! » Et il ordonna «
qu'on fermât les portes de Jérusalem avant le
sabbat, dès qu'elles seraient dans l'ombre, et qu'on
ne les ouvrît qu'après le sabbat ». Et comme
Néhémie avait davantage confiance dans ses
serviteurs que dans ceux qui étaient désignés par
les magistrats, il les plaça aux portes pour se rendre
compte si ses ordres seraient respectés.

Mais résolus à ne pas abandonner leur manière


de procéder, « les marchands et les vendeurs de
toutes sortes de choses passèrent une ou deux fois
la nuit hors de Jérusalem ». Ils espéraient ainsi
faire du commerce avec les habitants de la ville ou
de la campagne. Néhémie les avertit alors qu'ils
seraient punis s'ils persévéraient dans cette
pratique. « Pourquoi passez-vous la nuit devant la
muraille? » leur demanda-t-il. « Dès ce moment, ils
ne vinrent plus pendant le sabbat. » Il ordonna
aussi aux Lévites de garder les portes, car il savait
qu'on les respecterait davantage que les gens du
peuple. Etant liés étroitement au service divin, ils
feraient preuve de plus de zèle pour faire respecter
la loi de Dieu.
929
Néhémie porta ensuite son attention sur le
danger qui menaçait à nouveau Israël par suite des
mariages et des alliances contractés avec les
païens. « A cette même époque, dit-il, je vis des
Juifs qui avaient pris des femmes asdodiennes,
ammonites, moabites. La moitié de leurs fils
parlaient l'asdodien, et ne savaient pas parler le
juif; ils ne connaissaient que la langue de tel ou tel
peuple. » Ces alliances illégitimes créaient une
grande confusion en Israël, car quelques-uns de
ceux qui les contractaient occupaient des situations
en vue. C'étaient des chefs qu'on était en droit de
considérer comme des conseillers et des exemples.
Prévoyant les conséquences qui en résulteraient
pour la nation, Néhémie réprimanda sévèrement
ceux qui s'en rendaient coupables. Il leur rappela le
cas de Salomon dont aucun roi au monde n'avait
égalé la gloire. Dieu lui avait conféré une grande
sagesse; mais les femmes païennes le détournèrent
de Dieu, et son exemple avait corrompu Israël. «
Faut-il donc apprendre à votre sujet, demandait
sévèrement Néhémie, que vous commettez un aussi
grand crime? » « Vous ne donnerez pas vos filles à
930
leurs fils, et vous ne prendrez leurs filles ni pour
vos fils ni pour vous. »

En plaçant devant eux les commandements et


les menaces de Dieu, ainsi que les terribles
châtiments qui s'étaient abattus sur les Israélites à
cause de leurs mésalliances, Néhémie réveilla la
conscience de ses auditeurs et une œuvre de
réforme débuta, détournant ainsi la colère
menaçante du Très-Haut.

Parmi ceux qui étaient engagés dans le service


sacré, certains plaidèrent en faveur de leurs
femmes païennes dont ils ne voulaient pas se
séparer. Mais on ne fit aucune distinction; il ne fut
tenu compte ni du rang ni de la position.
Quiconque parmi les prêtres ou les principaux
refusait de rompre avec les idolâtres était
immédiatement rejeté du service de Dieu. Un petit-
fils du grand prêtre, qui avait épousé la fille du
fameux Sanballat, fut non seulement relevé de ses
fonctions, mais aussitôt banni d'Israël.

Comme elle était angoissée l'âme du fidèle


931
serviteur de Dieu qui devait agir avec une telle
sévérité! Seul le jour du jugement le révélera. Il eut
à combattre constamment contre les éléments
adverses, et ce ne fut que par le jeûne, l'humiliation
et la prière que l'œuvre du Seigneur progressa.

Beaucoup de ceux qui avaient épousé des


idolâtres voulurent les suivre en exil. Ils se
joignirent aux Samaritains, et après quelque temps
partagèrent leur fortune. Désireux de renforcer
cette alliance, les Samaritains s'engagèrent à
adopter plus entièrement la foi et les coutumes
juives. Les renégats, décidés à surpasser leurs
anciens frères, édifièrent un temple sur le mont
Garizim, l'opposant ainsi au sanctuaire de
Jérusalem. Leur religion continua à être un
mélange de judaïsme et de paganisme, une rivalité
entre les deux nations. Le fait pour les Samaritains
de prétendre être le peuple de Dieu fut une source
de schisme et d'inimitié pendant des générations.

Dans la réforme qui doit s'opérer de nos jours,


il faut des hommes qui, comme Esdras et Néhémie,
n'atténueront ni n'excuseront le péché, des hommes
932
qui ne reculeront pas pour venger l'honneur de
Dieu. Ceux qui assumeront cette responsabilité
n'excuseront pas le mal; ils ne le recouvriront pas
du manteau d'une fausse charité. Ils sauront que
Dieu ne fait pas acception de personnes et que la
sévérité témoignée envers quelques-uns est une
preuve de miséricorde pour beaucoup. Ils sauront
aussi que l'Esprit du Christ se manifestera toujours
chez celui qui dénonce le péché.

Dans l'accomplissement de leur tâche, Esdras et


Néhémie marchaient humblement devant Dieu. Ils
confessaient leurs péchés et ceux du peuple; ils en
imploraient le pardon, comme s'ils étaient eux-
mêmes coupables. Patiemment, ils peinaient,
priaient et souffraient. Ce qui compliquait le plus
leur tâche, ce n'était pas l'hostilité ouverte des
païens, mais l'opposition secrète de leurs soi-disant
amis. Ces derniers, en mettant leur influence au
service du mal, alourdissaient singulièrement le
fardeau des serviteurs de Dieu. Ces traîtres
fournissaient aux ennemis de la bonne cause le
matériel que ceux-ci employaient dans leur lutte
contre le peuple élu.
933
Le succès qui couronna les efforts de Néhémie
montre ce que peuvent accomplir la prière, la foi,
l'action prudente et énergique. Néhémie n'était ni
prêtre, ni prophète; il n'avait aucune prétention à un
titre quelconque. C'était un réformateur dans une
période grave. Il avait pour but de ramener son
peuple à l'obéissance envers le Seigneur. Inspiré
par cet idéal élevé, il apporta tout son cœur à sa
réalisation. Une intégrité noble et inflexible
caractérisa son œuvre. Il fit preuve d'une telle
résolution qu'Israël fut amené à agir avec zèle et
avec courage. Ce dernier ne pouvait que
reconnaître la loyauté et le patriotisme du
réformateur, ainsi que son amour profond pour le
Seigneur. Cette attitude vaillante suscita chez le
peuple le désir de suivre le serviteur de Dieu dans
la voie qu'il lui indiquait.

La promptitude dans le service de Dieu est une


partie importante de la vraie religion. On devrait
saisir les circonstances favorables pour accomplir
la volonté du Seigneur. L'action rapide et décisive
au moment opportun assure d'éclatantes victoires,
934
alors que le retard et la négligence aboutissent à
l'insuccès qui déshonore Dieu. Si ceux qui sont à la
tête de la cause de la vérité ne manifestent aucun
zèle, s'ils se montrent indifférents et indécis,
l'Église sera froide, endormie et portée au plaisir.
Mais si les chefs sont remplis du saint désir de
servir le Seigneur et lui seul, alors les fidèles seront
unis, débordants d'espoir et d'ardeur.

La Parole de Dieu abonde en contrastes


saisissants. Le péché et la sainteté sont placés côte
à côte, afin qu'en les considérant nous puissions
éviter l'un et rechercher l'autre. Les pages qui
décrivent la haine, la pauvreté, la trahison de
Sanballat et de Tobija décrivent aussi la noblesse,
la sainteté et l'esprit de sacrifice d'Esdras et de
Néhémie. Libre à nous d'imiter celui que nous
préférons. Les terribles conséquences de la
transgression des commandements de Dieu sont
placées en regard des bénédictions qui résultent de
l'obéissance. Il faut décider nous-mêmes si nous
voulons souffrir ou être bénis. L'œuvre de
restauration et de réforme entreprise par les exilés
revenus en Israël — œuvre placée sous la direction
935
de Zorobabel, d'Esdras et de Néhémie — nous
offre le tableau de la rénovation spirituelle qui sera
opérée à la fin des temps. Le reste d'Israël était
faible, exposé comme une proie à ses ennemis;
mais Dieu s'en servit pour maintenir ici-bas la
connaissance des choses célestes. Il était le gardien
du vrai culte, le dépositaire des oracles sacrés. Que
de vicissitudes il eut à subir au cours de la
reconstruction du temple et des murailles de
Jérusalem! Comme ils furent lourds les fardeaux
que durent porter les organisateurs de ces travaux!
Mais ces hommes avançaient avec une confiance
inébranlable, en s'humiliant et en s'appuyant
fermement sur le Seigneur, persuadés que la vérité
triompherait. Comme le roi Ezéchias, Néhémie «
fut attaché à l'Éternel, il ne se détourna point de lui,
et il observa ses commandements. ... Et l'Éternel
fut avec Ézéchias. » (2 Rois 18:6, 7)

La restauration spirituelle entreprise au temps


de Néhémie est un symbole que mettent en relief
les paroles du prophète Ésaïe: « Ils rebâtiront sur
d'anciennes ruines, ils relèveront d'antiques
décombres, ils renouvelleront des villes ravagées,
936
dévastées depuis longtemps. » « Les tiens
rebâtiront sur d'anciennes ruines, tu relèveras des
fondements antiques; on t'appellera réparateur des
brèches, celui qui restaure les chemins, qui rend le
pays habitable. » (Ésaïe 61:4; 58:12)

Le prophète parle ici d'un peuple qui, à une


époque d'abandon général de la vérité et de la
justice, s'efforcera de restaurer les principes qui
sont à la base du royaume des cieux. Ils seront les
réparateurs des brèches pratiquées dans la loi de
Dieu — loi qui est comme une muraille placée
autour de ses élus pour les protéger. L'obéissance à
ces préceptes de justice et de pureté sera leur
perpétuelle sauvegarde. Avec des paroles sur
lesquelles on ne saurait se méprendre, le prophète
indique la tâche particulière du peuple de Dieu des
derniers temps: « Si tu retiens ton pied pendant le
sabbat, pour ne pas faire ta volonté en mon saint
jour, si tu fais du sabbat tes délices, pour sanctifier
l'Éternel en le glorifiant, et si tu l'honores en ne
suivant point tes voies, en ne te livrant pas à tes
penchants et à de vains discours, alors tu mettras
ton plaisir en l'Éternel, et je te ferai monter sur les
937
hauteurs du pays, je te ferai jouir de l'héritage de
Jacob, ton père; car la bouche de l'Éternel a parlé. »
(Ésaïe 58:13, 14)

A la fin des temps, toutes les institutions


divines seront restaurées. La brèche faite à la loi de
Dieu, alors que le jour du sabbat a été changé, doit
être réparée. Le peuple de Dieu des derniers temps
montrera que cette loi est à la base de toute réforme
durable, et que le quatrième commandement
demeure comme le mémorial de la création,
comme le rappel constant de la puissance divine.
En termes clairs et précis, il montrera la nécessité
d'obéir à tous les préceptes du Décalogue.
Contraint par l'amour du Christ, le peuple de Dieu
coopérera avec le Seigneur pour « rebâtir sur
d'anciennes ruines. Il sera le réparateur des brèches,
celui qui restaure les chemins et rend le pays
habitable. » (Voir Ésaïe 58:12)

938
Chapitre 58

La venue d'un libérateur

Au cours des longs siècles de « détresse,


d'obscurité et de sombres angoisses » (Ésaïe 8:22),
qui caractérisèrent l'histoire de l'humanité, depuis
le jour où nos premiers parents furent chassés du
jardin d'Eden jusqu'à l'époque où le Fils de Dieu
parut pour sauver les pécheurs, l'espoir de
l'humanité s'est concentré sur la venue d'un
libérateur. Ce libérateur délivrerait enfin les
hommes de l'esclavage du péché et de la mort. La
première fois qu'il est parlé d'une telle espérance,
c'est lorsque Dieu fit à Adam et à Eve cette
déclaration, en s'adressant au serpent: « Je mettrai
inimitié entre toi et la femme, entre ta postérité et
sa postérité: celle-ci t'écrasera la tête, et tu lui
blesseras le talon. » (Genèse 3:15)

Alors que le couple pécheur écoutait ces


déclarations, une lueur d'espoir brilla dans leur
cœur; car dans la prophétie annonçant la

939
destruction du pouvoir de Satan, il discernait une
promesse de délivrance. Il pourrait enfin échapper
à la ruine provoquée par sa transgression. Bien
qu'ils aient dû souffrir du pouvoir de l'adversaire
dont ils avaient subi l'influence séductrice, et qu'ils
violèrent le commandement de Dieu, Adam et Eve
ne devaient cependant pas se laisser aller au
désespoir. Le Fils de Dieu offrirait son sang pour
les racheter de leur transgression. Un temps
d'épreuve leur serait accordé, au cours duquel ils
pourraient, par la foi en la puissance salvatrice du
Messie, redevenir enfants de Dieu.

Grâce au succès qu'il s'assura en détournant


l'homme du sentier de l'obéissance, Satan devint «
le dieu de ce siècle » (2 Corinthiens 4:4). La
domination qui avait appartenu à Adam passa à
l'usurpateur. Toutefois le Fils de Dieu allait venir
sur cette terre pour payer la rançon du péché et non
seulement pour racheter l'homme, mais aussi pour
reconquérir la domination perdue. C'est de cette
restauration que parle le prophète Michée lorsqu'il
écrit ces paroles: « Et toi, tour du troupeau, colline
de la fille de Sion, à toi viendra, à toi arrivera
940
l'ancienne domination, le royaume de la fille de
Jérusalem. » (Michée 4:8) L'apôtre Paul parle aussi
de « la rédemption de ceux que Dieu s'est acquis »
(Éphésiens 1:14). Et le Psalmiste fait écho quand il
mentionne la restauration finale de l'héritage
originel. « Les justes, dit-il, posséderont le pays, et
ils y demeureront à jamais. » (Psaumes 37:29)

Cet espoir de rédemption par l'avènement du


Fils de Dieu comme Sauveur et Roi ne s'est jamais
éteint dans le cœur des hommes. Dès les origines
du monde, certains ont fait preuve d'une foi qui,
dépassant les ombres du présent, a atteint les
réalités de l'avenir. Par l'intermédiaire d'Adam, de
Seth, d'Hénoc, de Metuschélah, de Noé, de Sem,
d'Abraham, d'Isaac, de Jacob et de beaucoup
d'autres hommes de Dieu, le Créateur conserva les
précieuses révélations de sa volonté. De même le
Seigneur fit connaître aux enfants d'Israël —
peuple élu par qui devait être donnée au monde la
promesse du Messie — les exigences de sa loi et
l'assurance du salut, de ce salut obtenu par le
sacrifice expiatoire de son Fils bien-aimé.

941
L'espoir d'Israël avait pris corps avec la
promesse faite à Abraham lorsqu'il avait été appelé
à suivre Dieu. Cette promesse fut répétée à
plusieurs reprises par la suite à la postérité du
patriarche. « Toutes les familles de la terre seront
bénies en toi » (Genèse 12:3), lui fut-il dit. Alors
que les desseins de Dieu relatifs à la rédemption de
l'homme étaient révélés à Abraham, le Soleil de
justice brillait dans le cœur de ce dernier et
dissipait les ténèbres de son âme. Et lorsque enfin
le Sauveur lui-même vint chez les enfants des
hommes et s'entretint avec eux, il donna aux Juifs
le témoignage de l'espoir lumineux de la délivrance
du patriarche, délivrance obtenue par la venue du
Rédempteur. « Abraham, votre père, a-t-il dit, a
tressailli de joie de ce qu'il verrait mon jour: il l'a
vu, et il s'est réjoui. » (Jean 8:56)

Cette même bienheureuse espérance fut


énoncée dans la bénédiction que prononça sur son
lit de mort le patriarche Jacob: « Juda, dit-il, tu
recevras les hommages de tes frères; ta main sera
sur la nuque de tes ennemis, les fils de ton père se
prosterneront devant toi. ... Le sceptre ne
942
s'éloignera point de Juda, ni le bâton souverain
d'entre ses pieds, jusqu'à ce que vienne le Schilo, et
que les peuples lui obéissent. » (Genèse 49:8-10)

La venue du Rédempteur fut prédite une fois


encore sur les confins de la terre promise par
l'oracle de Balaam: « Je le vois, dit-il, mais non
maintenant, je le contemple, mais non de près. Un
astre sort de Jacob, un sceptre s'élève d'Israël. Il
perce les flancs de Moab, et il abat tous les enfants
de Seth. » (Nombres 24:17)

Le but que se proposait le Seigneur en


envoyant son Fils pour racheter l'homme perdu fut
placé devant Israël par Moïse. Un jour, peu de
temps avant sa mort, l'homme de Dieu déclara: «
L'Éternel, ton Dieu, te suscitera du milieu de toi,
d'entre tes frères, un prophète comme moi: vous
l'écouterez! » Moïse avait reçu des instructions
précises pour le peuple d'Israël au sujet de l'œuvre
que devait accomplir le Messie promis. « Je leur
susciterai du milieu de leurs frères un prophète
comme toi, je mettrai mes paroles dans sa bouche,
et il leur dira tout ce que je lui commanderai. »
943
(Deutéronome 18:15, 18)

A l'époque patriarcale, les sacrifices d'expiation


étaient destinés à rappeler perpétuellement la venue
du Sauveur. Il en était de même pour tout le rituel
se rapportant aux services du sanctuaire au cours
de l'histoire d'Israël. Dans le tabernacle, comme
dans le temple qui le remplaça, on enseignait les
grandes vérités relatives à l'avènement du Christ,
en tant que rédempteur, sacrificateur et roi. Une
fois l'an, on rappelait à Israël les événements qui
mettraient fin au grand conflit opposant le Christ à
Satan, la purification finale de l'univers enfin
débarrassé du péché et du pécheur.

Les sacrifices et les offrandes du rituel


mosaïque désignaient un service plus excellent,
c'est-à-dire le céleste. Le sanctuaire était « une
figure pour le temps actuel », et on y présentait des
offrandes et des sacrifices. Le lieu saint et le lieu
très saint étaient « les images des choses qui sont
dans les cieux »; car le Christ, notre grand prêtre,
est aujourd'hui le « ministre du sanctuaire et du
véritable tabernacle, qui a été dressé par le
944
Seigneur et non par un homme » (Hébreux 9:9, 23;
8:2).

Depuis le jour où Dieu dit au serpent, dans le


jardin d'Eden: « Je mettrai inimitié entre toi et la
femme, entre ta postérité et sa postérité » (Genèse
3:15), Satan sut qu'il n'aurait jamais le pouvoir
absolu sur les habitants de la terre. Lorsque Adam
et ses fils commencèrent à offrir des sacrifices
cérémoniels ordonnés par le Seigneur comme types
de la venue du Rédempteur, Satan vit dans ces
sacrifices le symbole de la communion entre le ciel
et la terre. Au cours des longs siècles qui suivirent,
ses efforts se portèrent constamment sur la
suppression de cette communion. Il s'est acharné
avec une application soutenue à dénaturer les rites
annonçant le Sauveur, et il a triomphé auprès d'une
grande majorité des membres de la famille
humaine.

Alors que le Seigneur enseignait aux hommes


que grâce à son amour nous pouvions être
réconciliés avec lui, l'ennemi suprême s'efforçait de
représenter Dieu comme un être qui prend plaisir à
945
détruire le genre humain. Ainsi, les sacrifices et les
ordonnances destinés à révéler l'amour divin ont
été faussés. Ce n'étaient plus que des dons et des
bonnes œuvres destinés à apaiser la colère d'un
Dieu offensé.

Satan s'est appliqué en même temps à éveiller


et à intensifier les passions des hommes, afin que,
par leurs transgressions répétées, les multitudes
s'éloignent de plus en plus de Dieu et soient
désespérément enlacées dans les pièges de
l'ennemi.

Lorsque la volonté de Dieu fut révélée par les


prophètes hébreux, Satan voulut approfondir les
messages concernant le Messie. Il étudia
soigneusement les déclarations qui soulignaient
avec une clarté manifeste l'œuvre du Christ parmi
les hommes en tant que victime expiatoire et roi
triomphant. Dans les rouleaux de parchemins de
l'Ancien Testament, il vit que le Messie devait
paraître comme « un agneau qu'on mène à la
boucherie », que son visage serait « défiguré », que
« son aspect n'avait rien pour nous plaire ». Le
946
Sauveur de l'humanité devait être « méprisé et
abandonné des hommes, homme de douleur et
habitué à la souffrance, ... frappé de Dieu et
humilié » (Ésaïe 53:7; 52:14; 53:2-4). Cependant,
ce Sauveur devait exercer son pouvoir pour « faire
droit aux malheureux », pour sauver « les enfants
du pauvre » et pour « écraser l'oppresseur »
(Psaumes 72:4). Ces prophéties firent trembler
Satan. Pourtant il ne renonça pas à son projet de
combattre la miséricordieuse providence en faveur
de la rédemption des pécheurs. Il décida d'aveugler
les hommes sur la signification réelle des
prophéties messianiques, afin de les préparer à
rejeter le Christ lorsqu'il se présenterait.

Au cours des siècles qui précédèrent


immédiatement le déluge, Satan avait réussi à faire
régner sur toute la terre un esprit de rébellion à
l'égard de Dieu. Mais les leçons terribles du déluge
ne furent pas conservées longtemps dans le
souvenir des hommes. Par d'habiles insinuations,
Satan poussa peu à peu ceux-ci à une révolte
délibérée. Il semblait être à nouveau sur le point de
triompher; mais le plan de Dieu en faveur des
947
pécheurs ne fut pas abandonné. Par la postérité du
fidèle Abraham, de la descendance de Sem, la
connaissance des desseins salutaires du Seigneur
devait être conservée pour le bénéfice des
générations futures. De temps en temps, des
messagers de la vérité, choisis par Dieu, étaient
suscités pour appeler l'attention des hommes sur la
signification des cérémonies sacrificielles. Ils
insistaient particulièrement sur la promesse de
Dieu relative à l'avènement de celui que
désignaient toutes les cérémonies mosaïques. Le
monde était ainsi préservé de l'apostasie
universelle.

Ce n'est pas sans susciter une opposition


farouche que le plan de Dieu fut mis à exécution.
L'ennemi de la vérité et de la justice fit l'impossible
pour faire oublier aux descendants d'Abraham la
noble et sainte mission dont ils devaient s'acquitter,
et il s'efforça de les entraîner vers le culte des faux
dieux. Les tentatives de l'adversaire furent
couronnées de succès. Pendant les siècles qui
précédèrent la première venue de Jésus, les
ténèbres couvrirent la terre. Satan projetait son
948
ombre infernale sur le chemin des enfants des
hommes pour les empêcher d'obtenir la
connaissance de Dieu et du monde futur. Des
multitudes étaient assises à l'ombre de la mort.
Leur seul espoir résidait dans la disparition de ces
ténèbres, afin que Dieu leur fût révélé.

Dans une vision prophétique, David, l'oint du


Seigneur, avait prédit que la venue du Messie serait
semblable « à la lumière du matin, quand le soleil
brille et que la matinée est sans nuages » (2 Samuel
23:4). Et le prophète Osée avait déclaré que « sa
venue est aussi certaine que celle de l'aurore »
(Osée 6:3). Celle-ci paraît lentement et
silencieusement; elle dissipe les ténèbres et éveille
l'univers à la vie. Le Soleil de justice allait se lever
de la même manière « et la guérison » serait « sous
ses ailes » (Malachie 4:2). Les multitudes qui
vivaient dans « le pays de l'ombre de la mort »
verraient « resplendir une grande lumière » (Ésaïe
9:1).

Le prophète Ésaïe, qui contempla avec


ravissement cette glorieuse délivrance, s'exclamait:
949
« Un enfant nous est né, un fils nous est donné, et
la domination reposera sur son épaule; on
l'appellera Admirable, Conseiller, Dieu puissant,
Prince éternel, Prince de la paix. Donner à l'empire
de l'accroissement et une paix sans fin au trône de
David et à son royaume, l'affermir et le soutenir par
le droit et par la justice, dès maintenant et à
toujours: voilà ce que fera le zèle de l'Éternel des
armées. » (Ésaïe 9:5, 6)

Aux derniers siècles de l'histoire d'Israël, avant


le premier avènement du Christ, on comprenait
généralement que cette prophétie annonçait la
venue du Messie. « C'est peu, disait le prophète,
que tu sois mon serviteur, pour relever les tribus de
Jacob et pour ramener les restes d'Israël: je t'établis
pour être la lumière des nations, pour porter mon
salut jusqu'aux extrémités de la terre. » « Alors la
gloire de l'Éternel sera révélée », avait dit encore le
prophète, « et au même instant toute chair la verra
» (Ésaïe 49:6; 40:5). C'est de cette lumière des
hommes que Jean-Baptiste rendit témoignage avec
tant de hardiesse, lorsqu'il déclara: « Je suis la voix
de celui qui crie dans le désert: Aplanissez le
950
chemin du Seigneur, comme a dit Ésaïe, le
prophète. » (Jean 1:23)

Au sujet du Christ fut faite cette promesse


prophétique: « Ainsi parle l'Éternel, le rédempteur,
le Saint d'Israël, à celui qu'on méprise, qui est en
horreur au peuple. ... Ainsi parle l'Éternel. ... Je te
garderai, et je t'établirai pour traiter alliance avec le
peuple, pour relever le pays, et pour distribuer les
héritages désolés; pour dire aux captifs: Sortez! et à
tous ceux qui sont dans les ténèbres: Paraissez! ...
Ils n'auront pas faim et ils n'auront pas soif; le
mirage et le soleil ne les feront point souffrir; car
celui qui a pitié d'eux sera leur guide, et il les
conduira vers des sources d'eaux. » (Ésaïe 49:7-10)

Ceux qui, au sein de la nation juive, étaient


restés fidèles affermirent leur foi. Descendants de
la lignée à laquelle avait été conservée la
connaissance de Dieu, ils s'appuyaient sur ces
passages des Ecritures et sur d'autres semblables.
Avec quelle joie débordante ils lisaient les paroles
indiquant comment le Seigneur oindrait celui qui
devait « porter de bonnes nouvelles aux
951
malheureux », « guérir ceux qui ont le cœur brisé »
et « proclamer aux captifs la liberté », « publier une
année de grâce de l'Éternel » (Ésaïe 61:1, 2)!

Cependant, leur cœur était rempli de tristesse


en pensant aux souffrances que devait subir le
Messie pour accomplir le plan divin. Avec quelle
humiliation ils s'appesantissaient sur ces paroles du
prophète: « Qui a cru à ce qui nous était annoncé?
Qui a reconnu le bras de l'Éternel? Il s'est élevé
devant lui comme une faible plante, comme un
rejeton qui sort d'une terre desséchée; il n'avait ni
beauté, ni éclat pour attirer nos regards, et son
aspect n'avait rien pour nous plaire. Méprisé et
abandonné des hommes, homme de douleur et
habitué à la souffrance, semblable à celui dont on
détourne le visage, nous l'avons dédaigné, nous
n'avons fait de lui aucun cas. Cependant, ce sont
nos souffrances qu'il a portées, c'est de nos
douleurs qu'il s'est chargé; et nous l'avons
considéré comme puni, frappé de Dieu, et humilié.
Mais il était blessé pour nos péchés, brisé pour nos
iniquités; le châtiment qui nous donne la paix est
tombé sur lui, et c'est par ses meurtrissures que
952
nous sommes guéris. Nous étions tous errants
comme des brebis, chacun suivait sa propre voie; et
l'Éternel a fait retomber sur lui l'iniquité de nous
tous. Il a été maltraité et opprimé, et il n'a point
ouvert la bouche, semblable à un agneau qu'on
mène à la boucherie, à une brebis muette devant
ceux qui la tondent; il n'a point ouvert la bouche. Il
a été enlevé par l'angoisse et le châtiment; et parmi
ceux de sa génération, qui a cru qu'il était retranché
de la terre des vivants et frappé pour les péchés de
mon peuple? On a mis son sépulcre parmi les
méchants, son tombeau avec le riche, quoiqu'il
n'eût point commis de violence et qu'il n'y eût point
de fraude dans sa bouche. » (Ésaïe 53:1-9)

Et par le prophète Zacharie, en parlant des


souffrances du Sauveur, Dieu déclara: « Epée,
lève-toi sur mon pasteur et sur l'homme qui est
mon compagnon! » (Zacharie 13:7)

Le Christ devait subir la justice divine, prendre


la place du pécheur et le racheter. Il fallait qu'il
comprenne la signification de la justice céleste et
ce que cela signifie pour l'homme de comparaître
953
devant Dieu sans intercesseur.

Par l'intermédiaire du Psalmiste, Dieu fit cette


déclaration: « L'opprobre me brise le cœur, et je
suis malade; j'attends de la pitié, mais en vain, des
consolateurs, et je n'en trouve aucun. Ils mettent du
fiel dans ma nourriture, et, pour apaiser ma soif, ils
m'abreuvent de vinaigre. » (Psaumes 69:21, 22)

Au sujet du traitement qui lui serait réservé,


voici ce que disait encore la parole prophétique: «
Car des chiens m'environnent, une bande de
scélérats rôdent autour de moi, ils ont percé mes
mains et mes pieds. Je pourrais compter tous mes
os. Eux, ils observent, ils me regardent; ils se
partagent mes vêtements, ils tirent au sort ma
tunique. » (Psaumes 22:17-19)

Ces descriptions de l'amère souffrance du


Messie et de sa mort cruelle, pour si tristes qu'elles
fussent, contenaient de riches promesses, car Dieu
déclarait au sujet de celui qui devait être « brisé par
la souffrance » et offert « en sacrifice pour le péché
»: « Il verra une postérité et prolongera ses jours; et
954
l'œuvre de l'Éternel prospérera entre ses mains. A
cause du travail de son âme, il rassasiera ses
regards; par sa connaissance mon serviteur juste
justifiera beaucoup d'hommes, et il se chargera de
leurs iniquités. » (Ésaïe 53:10-12)

C'est son amour pour les pécheurs qui poussa le


Christ à payer le prix de la rédemption. « Il voit
qu'il n'y a pas un homme, il s'étonne de ce que
personne n'intercède. » Nul ne pouvait payer la
rançon des hommes pour les libérer du pouvoir de
l'ennemi. « Alors son bras lui vient en aide, et sa
justice lui sert d'appui. » (Ésaïe 59:16)

« Voici mon serviteur, que je soutiendrai, mon


élu, en qui mon âme prend plaisir. J'ai mis mon
esprit sur lui; il annoncera la justice aux nations. »
(Ésaïe 42:1)

Sa vie devait être exempte d'orgueil.


L'hommage que le monde rend à la position, à la
fortune, au talent serait tout à fait étranger au Fils
de Dieu. Il n'emploierait aucun moyen humain pour
demeurer fidèle ou pour s'imposer. Son
955
renoncement total à lui-même avait été prédit en
ces termes: « Il ne criera point, il n'élèvera point la
voix, et ne la fera point entendre dans les rues. Il ne
brisera point le roseau cassé, et il n'éteindra point la
mèche qui brûle encore. » (Ésaïe 42:2, 3)

La conduite du Sauveur devait offrir aux


hommes un contraste frappant avec celle des
docteurs de son temps. Dans la vie du Christ, il n'y
eut jamais de contestations bruyantes,
d'ostentation, d'actes destinés à recueillir les
hommages. Le Messie devait être « caché en Dieu
». Sans la connaissance du Très-Haut, l'humanité
aurait été perdue à tout jamais. Sans l'aide divine,
la déchéance des pécheurs aurait été de plus en plus
profonde. La vie et le pouvoir sont communiqués
par celui qui a créé le monde. Impossible de
pourvoir aux besoins des hommes d'une manière
différente.

La parole prophétique dit encore ceci: « Il ne se


découragera point et ne se relâchera point, jusqu'à
ce qu'il ait établi la justice sur la terre, et que les
îles espèrent en sa loi. ... L'Éternel a voulu, pour le
956
bonheur d'Israël, publier une loi grande et
magnifique. » (Ésaïe 42:4, 21) L'importance de
cette loi et ses exigences ne devaient être
diminuées en aucun cas. Il fallait plutôt l'exalter.
Le Sauveur allait dégager en même temps les
préceptes divins des lourdes obligations imposées
par les hommes, obligations qui avaient amené
maints croyants à se décourager dans leurs efforts
pour offrir au Seigneur un service acceptable.

Au sujet de la mission du Messie, voici ce que


Dieu avait déclaré: « Moi, l'Éternel, je t'ai appelé
pour le salut, et je te prendrai par la main, je te
garderai, et je t'établirai pour traiter alliance avec le
peuple, pour être la lumière des nations, pour
ouvrir les yeux des aveugles, pour faire sortir de
prison le captif, et de leur cachot ceux qui habitent
dans les ténèbres. Je suis l'Éternel, c'est là mon
nom; et je ne donnerai pas ma gloire à un autre, ni
mon honneur aux idoles. Voici, les premières
choses se sont accomplies, et je vous en annonce
de nouvelles; avant qu'elles arrivent, je vous les
prédis. » (Ésaïe 42:6-9)

957
Le Dieu d'Israël devait assurer la délivrance de
Sion par la postérité prédite. « Un rameau sortira
du tronc d'Isaï, dit le prophète, et un rejeton naîtra
de ses racines. » « Voici, la jeune fille deviendra
enceinte, elle enfantera un fils, et elle lui donnera le
nom d'Emmanuel. » (Ésaïe 11:1; 7:14, 15)

« L'Esprit de l'Éternel reposera sur lui: Esprit


de sagesse et d'intelligence, Esprit de conseil et de
force, Esprit de connaissance et de crainte de
l'Éternel. Il respirera la crainte de l'Éternel; il ne
jugera point sur l'apparence, il ne prononcera point
sur un ouï-dire. Mais il jugera les pauvres avec
équité, et il prononcera avec droiture sur les
malheureux de la terre; il frappera la terre de sa
parole comme d'une verge, et du souffle de ses
lèvres il fera mourir le méchant. La justice sera la
ceinture de ses flancs, et la fidélité la ceinture de
ses reins. » « En ce jour, le rejeton d'Isaï sera là
comme une bannière pour les peuples; les nations
se tourneront vers lui, et la gloire sera sa demeure.
» (Ésaïe 11:2-5, 10) « Voici un homme, dont le
nom est germe. ... Il bâtira le temple de l'Éternel; il
portera les insignes de la majesté; il s'assiera et
958
dominera sur son trône, il sera sacrificateur sur son
trône. » (Zacharie 6:12, 13)

Une source serait ouverte « pour le péché et


l'impureté » (Zacharie 13:1), les enfants des
hommes entendraient alors cette invitation sublime:
« Vous tous qui avez soif, venez aux eaux, même
celui qui n'a pas d'argent! Venez, achetez et
mangez, venez, achetez du vin et du lait, sans
argent, sans rien payer! Pourquoi pesez-vous de
l'argent pour ce qui ne nourrit pas? Pourquoi
travaillez-vous pour ce qui ne rassasie pas?
Ecoutez-moi donc, et vous mangerez ce qui est
bon, et votre âme se délectera de mets succulents.
Prêtez l'oreille, et venez à moi, écoutez, et votre
âme vivra: je traiterai avec vous une alliance
éternelle, pour rendre durables mes faveurs envers
David. » (Ésaïe 55:1-3)

Voici la promesse faite à Israël: « Je t'ai établi


comme témoin auprès des peuples, comme chef et
dominateur des peuples. Voici, tu appelleras des
nations que tu ne connais pas, et les nations qui ne
te connaissent pas accourront vers toi, à cause de
959
l'Éternel, ton Dieu, du Saint d'Israël, qui te glorifie.
» (Ésaïe 55:4, 5)

« Je fais approcher ma justice: elle n'est pas


loin; et mon salut: il ne tardera pas. Je mettrai le
salut en Sion, et ma gloire sur Israël. » (Ésaïe
46:13)

Au cours de son ministère, le Messie devait


révéler à l'humanité la gloire de Dieu, le Père.
Chacun de ses actes, chacune de ses paroles,
chacun de ses miracles était destiné à faire
connaître à l'humanité perdue l'amour infini du
Seigneur. « Monte sur une haute montagne, Sion,
écrit le prophète Ésaïe, pour publier la bonne
nouvelle; élève avec force ta voix, Jérusalem, pour
publier la bonne nouvelle; élève ta voix, ne crains
point, dis aux villes de Juda: Voici votre Dieu!
Voici, le Seigneur, l'Éternel vient avec puissance,
et de son bras il commande; voici, le salaire est
avec lui, et les rétributions le précèdent. Comme un
berger, il paîtra son troupeau, il prendra les
agneaux dans ses bras, et les portera dans son sein;
il conduira les brebis qui allaitent. » (Ésaïe 40:9,
960
11)

« En ce jour-là, les sourds entendront les


paroles du livre; et, délivrés de l'obscurité et des
ténèbres, les yeux des aveugles verront. Les
malheureux se réjouiront de plus en plus en
l'Éternel, et les pauvres feront du Saint d'Israël le
sujet de leur allégresse. ... Ceux dont l'esprit
s'égarait acquerront de l'intelligence, et ceux qui
murmuraient recevront instruction. » (Ésaïe 29:18,
19, 24)

C'est ainsi que par les patriarches et les


prophètes, par des types et des symboles, Dieu
parlait au monde de la venue du libérateur. Une
longue série de prophéties signalaient l'avènement
du « trésor de toutes les nations » (Aggée 2:7). Le
lieu même de sa naissance, le moment de son
apparition étaient minutieusement spécifiés.

Le fils de David naîtrait dans la cité de David.


De Bethléhem, déclarait le prophète, devait sortir «
celui qui dominera sur Israël, et dont l'origine
remonte aux temps anciens, aux jours de l'éternité
961
» (Michée 5:1).

« Et toi, Bethléhem, terre de Juda, tu n'es certes


pas la moindre entre les principales villes de Juda,
car de toi sortira un chef qui paîtra Israël, mon
peuple. » (Matthieu 2:6)

Le moment de la première venue du Christ et


des principaux événements qui se groupent autour
des activités terrestres du Sauveur fut révélé à
Daniel par l'ange Gabriel: « Soixante et dix
semaines, déclara l'ange, ont été fixées sur ton
peuple et sur ta ville sainte, pour faire cesser les
transgressions et mettre fin aux péchés, pour expier
l'iniquité et amener la justice éternelle, pour sceller
la vision et le prophète, et pour oindre le Saint des
saints. » (Daniel 9:24) Un jour pour une année
(Voir Nombres 14:34; Ézéchiel 4:6). Les soixante
et dix semaines ou quatre cent quatre-vingt-dix
jours représentent autant d'années. Le point de
départ de cette période nous est donné dans le livre
de Daniel: « Depuis le moment où la parole a
annoncé que Jérusalem sera rebâtie jusqu'à l'Oint,
au Conducteur, il y a sept semaines et soixante-
962
deux semaines » (Daniel 9:25), soit soixante-neuf
semaines ou quatre cent quatre-vingt-trois ans.
L'ordre de restaurer Jérusalem, tel qu'il fut
complété par Artaxerxès Longuemain (Voir Esdras
6:14; 7:1, 9), entra en vigueur en automne de
l'année quatre cent cinquante-sept avant notre ère.
Or, quatre cent quatre-vingt-trois ans s'écoulèrent à
partir de cette date, jusqu'à l'année vingt-sept de
notre ère, en automne. Selon la prophétie, cette
période devait aboutir au Messie, à l'Oint. En l'an
vingt-sept, Jésus reçut à son baptême l'onction du
Saint-Esprit, et son ministère débuta bientôt après.
Alors fut proclamé le message: « Le temps est
accompli. » (Marc 1:15)

L'ange dit encore à Daniel: « Il fera une solide


alliance avec plusieurs pendant une semaine » (sept
ans). Pendant sept ans, après le début du ministère
du Sauveur, l'Évangile devait être prêché aux Juifs:
trois ans et demi par le Christ lui-même et trois ans
et demi par les apôtres. « Durant la moitié de la
semaine il fera cesser le sacrifice et l'offrande. »
(Daniel 9:27) Au printemps de l'an trente et un de
notre ère, Jésus-Christ, le Sauveur du monde, le
963
véritable sacrifice, fut offert sur la croix du
Calvaire. Alors le voile du temple se déchira en
deux, prouvant ainsi que le caractère sacré et la
signification du service sacrificiel avaient cessé. Le
moment était venu où devaient prendre fin « le
sacrifice et l'offrande ».

La semaine — ou sept ans — se termina en l'an


trente-quatre de notre ère. Par la lapidation
d'Etienne, le premier martyr chrétien, les Juifs
scellèrent définitivement leur sort: ils rejetaient
l'Évangile. Les disciples furent alors dispersés par
la persécution; ils allèrent « de lieu en lieu,
annonçant la bonne nouvelle de la parole » (Actes
des Apôtres 8:4). Peu de temps après, Saul, le
persécuteur, se convertissait et devenait Paul,
l'apôtre des Gentils.

Les nombreuses prophéties relatives à


l'avènement du Sauveur conduisaient les Hébreux à
vivre dans une attente continuelle. Beaucoup
d'entre eux moururent dans la foi, « sans avoir
obtenu les choses promises ». Mais ils les avaient «
vues de loin »; ils crurent et reconnurent qu'ils
964
étaient étrangers et voyageurs sur la terre. Depuis
l'époque d'Hénoc, les patriarches et les prophètes
ont gardé vivant l'espoir de voir apparaître le
Sauveur promis.

On doit donner à l'humanité des leçons dans un


langage humain. Le messager de l'alliance parlera;
sa voix sera entendue dans son propre temple.
L'auteur de la vérité séparera la vérité des paroles
trompeuses de l'homme qui ont rendu celle-ci sans
effet. Les principes du gouvernement divin et le
plan de la rédemption doivent être clairement
définis. Il faut que les hommes connaissent bien les
leçons contenues dans l'Ancien Testament.

Lorsque le Sauveur parut enfin, « en prenant


une forme de serviteur » (Philippiens 2:7), et
commença son ministère, Satan ne put que le
blesser au talon, alors que l'humiliation et les
souffrances du Christ le blessaient à la tête.
L'angoisse provoquée par le péché oppressait celui
qui était sans péché. Et cependant, alors qu'il
subissait l'opposition, il payait la rançon pour les
pécheurs, et supprimait l'esclavage où l'humanité
965
était plongée. Chaque serrement de cœur, chaque
insulte, tout participait à la délivrance des hommes.

Si Satan avait pu réussir à faire céder le Christ


à une seule tentation, s'il avait pu le pousser par un
acte ou même par une pensée à ternir sa pureté, le
prince des ténèbres aurait triomphé de celui qui
était infaillible, et il aurait ainsi réussi à dominer
toute la famille humaine. Mais si Satan avait le
pouvoir de décourager, il lui était impossible de
corrompre; il pouvait provoquer l'agonie, non la
souillure. Il fit de la vie du Christ une longue scène
de luttes et d'épreuves. Toutefois, dans chacune de
ses attaques, il perdait son pouvoir sur l'humanité.

Au désert de la tentation, au jardin de


Gethsémané, et sur la croix, notre Sauveur affronta
le prince des ténèbres. Ses blessures devinrent les
trophées de sa victoire pour le salut de l'humanité.
Lorsqu'il agonisait sur le Calvaire, que les esprits
malins l'approchaient et que les hommes
l'insultaient, Jésus reçut une véritable blessure au
talon. Mais, par cet acte même, la tête du serpent
était écrasée. Par la mort, le Sauveur anéantit «
966
celui qui a la puissance de la mort, c'est-à-dire le
diable » (Hébreux 2:14). Ce fait décida de la
destinée du chef rebelle, et scella définitivement le
plan du salut. Jésus triompha de la puissance de la
mort, et, en ressuscitant, il ouvrit à tous ses
disciples les portes du tombeau. Dans ce dernier
grand conflit, nous voyons s'accomplir la
prophétie: « Celle-ci t'écrasera la tête, et tu lui
blesseras le talon. » (Genèse 3:15)

« Bien-aimés, dit l'apôtre Jean, nous sommes


maintenant enfants de Dieu, et ce que nous serons
n'a pas encore été manifesté; mais nous savons que,
lorsque cela sera manifesté, nous serons semblables
à lui, parce que nous le verrons tel qu'il est. » (1
Jean 3:2) Notre rédempteur a ouvert la voie, afin
que les plus souillés, les plus misérables, les plus
opprimés et les plus méprisés puissent trouver
accès auprès du Père.

O Éternel! tu es mon Dieu;


Je t'exalterai, je célébrerai ton nom,
Car tu as fait des choses merveilleuses;

967
Tes desseins conçus à l'avance se sont
fidèlement accomplis (Ésaïe 25:1).

968
Chapitre 59

La maison d'Israël

En proclamant les vérités de l'Évangile éternel


à toute nation, à toute tribu, à toute langue et à tout
peuple, l'Église accomplit cette ancienne prophétie:
« Israël poussera des fleurs et des rejetons, et il
remplira le monde de ses fruits (Ésaïe 27:6). »

Les disciples de Jésus de concert avec les


esprits célestes ont occupé rapidement les vastes
régions du globe, et leur travail a produit une
ample moisson d'âmes. Aujourd'hui, comme jamais
auparavant, la proclamation des vérités bibliques
par une Église fidèle apporte aux enfants des
hommes les bénédictions promises il y a des siècles
à Abraham et à sa descendance. « Je te bénirai ... et
tu seras une source de bénédiction » (Genèse 12:2),
avait déclaré le Seigneur au patriarche.

Cette promesse divine aurait dû être pleinement

969
réalisée au cours des siècles qui suivirent le retour
des Juifs en Palestine. Le dessein de Dieu était que
la terre entière soit préparée pour la première venue
du Christ, de même qu'est préparée aujourd'hui la
voie pour sa seconde venue. A la fin de l'exil
humiliant du peuple d'Israël, Dieu donna à ce
peuple, par le prophète Zacharie, cette assurance
miséricordieuse: « Je retourne à Sion, et je veux
habiter au milieu de Jérusalem. Jérusalem sera
appelée ville fidèle, et la montagne de l'Éternel des
armées, montagne sainte. » Il dit encore: « Voici, je
délivre mon peuple. ... Je serai leur Dieu avec
vérité et droiture. » (Zacharie 8:3, 7, 8)

Ces promesses dépendaient de l'obéissance


d'Israël. Les péchés qui avaient caractérisé ce
peuple avant la captivité ne devaient plus se
renouveler. « Rendez véritablement la justice,
disait le Seigneur à ceux qui reconstruisaient
Jérusalem, et ayez l'un pour l'autre de la bonté et de
la miséricorde. N'opprimez pas la veuve et
l'orphelin, l'étranger et le pauvre, et ne méditez pas
l'un contre l'autre le mal dans vos cœurs. ... Dites la
vérité chacun à son prochain; jugez dans vos portes
970
selon la vérité et en vue de la paix. » (Zacharie 7:9,
10; 8:16)

De riches récompenses à la fois temporelles et


spirituelles étaient promises à qui mettrait en
pratique ces principes de justice. « Les semailles
prospéreront, la vigne rendra son fruit, la terre
donnera ses produits, déclarait le Seigneur, et les
cieux enverront leur rosée; je ferai jouir de toutes
ces choses le reste de ce peuple. De même que
vous avez été en malédiction parmi les nations,
maison de Juda et maison d'Israël, de même je vous
sauverai, et vous serez en bénédiction. » (Zacharie
8:12, 13)

La déportation babylonienne avait chez les


Israélites fait disparaître le culte des idoles.
Lorsqu'ils retournèrent à Jérusalem, ils prêtèrent
une grande attention à l'étude de la loi et des
prophètes. La restauration du temple leur permit de
revenir à la pratique des services du sanctuaire.
Sous la direction de Zorobabel, d'Esdras et de
Néhémie, ils renouvelèrent fréquemment l'alliance
qui les engageait à observer tous les
971
commandements et toutes les ordonnances du
Seigneur. Les périodes de prospérité qui suivirent
prouvèrent d'une manière éloquente que Dieu
reçoit ses enfants et leur pardonne. Et cependant,
leur étroitesse de vue les détournait sans cesse de
leur glorieuse destinée. Ils s'appropriaient
égoïstement les bienfaits qui auraient dû apporter la
guérison et la vie spirituelle à des foules
innombrables.

L'échec que les Israélites firent subir au plan


divin fut particulièrement sensible au temps de
Malachie. Les messagers de Dieu reprenaient avec
une grande sévérité les péchés qui privaient Israël
de la prospérité temporelle et spirituelle. En
censurant les transgresseurs, le prophète
n'épargnait ni le peuple, ni les prêtres.

L'oracle « parole de l'Éternel », de Malachie,


invitait Israël à ne pas oublier les leçons du passé et
à ne jamais perdre de vue l'alliance contractée avec
Dieu. Seule une repentance totale pouvait lui
assurer la bénédiction du ciel. « Priez Dieu
maintenant, pour qu'il ait pitié de nous! »
972
(Malachie 1:1, 9) s'écriait le prophète.

Cependant, le dessein de Dieu concernant la


rédemption de l'humanité n'aurait pu être anéanti
par l'infidélité d'Israël. Ceux à qui s'adressait le
prophète pouvaient détourner l'oreille de son
message, l'accomplissement du plan divin n'en était
pas perturbé. « Depuis le lever du soleil jusqu'à son
couchant, déclarait le Seigneur par son messager,
mon nom est grand parmi les nations, et en tout
lieu on brûle de l'encens en l'honneur de mon nom
et l'on présente des offrandes pures; car grand est
mon nom parmi les nations. » (Malachie 1:11)

L'alliance de « vie et de paix » que le Seigneur


avait conclue avec les fils de Lévi — alliance qui
aurait procuré d'incomparables bienfaits si elle
avait été respectée — il offrait de la renouveler
avec les anciens conducteurs spirituels. Ceux-ci
s'étaient rendus « méprisables et vils aux yeux de
tout le peuple » (Malachie 2:5, 9), par suite de leurs
transgressions.

Les pécheurs étaient solennellement avertis du


973
jour prochain du jugement et de la destruction
rapide qui fondrait, selon le plan divin, sur les
transgresseurs. Et cependant aucun ne restait sans
espoir. Les prophéties de Malachie relatives au
jugement s'accompagnaient d'une invitation aux
impénitents à revenir au Seigneur. « Revenez à
moi, leur disait le Seigneur, et je reviendrai à vous.
» (Malachie 3:7)

Il semble que chacun devrait répondre à une


telle invitation. Le Dieu du ciel supplie ses enfants
égarés de revenir à lui, afin de prendre part à
l'œuvre qu'il accomplit ici-bas. Il tend la main pour
saisir celle d'Israël, et l'aider à suivre le sentier
étroit du renoncement et du sacrifice afin de
partager avec lui l'héritage des enfants de Dieu.

Comme elles sont tristes les paroles de


l'Ecriture nous rapportant qu'au temps de Malachie
les Israélites hésitaient à livrer leur cœur endurci
dans un élan de tendre obéissance et de sincère
coopération! Leur propre justice se fait jour dans
leur réponse: « En quoi devons-nous revenir? »
demandent-ils. L'Éternel révèle à son peuple un de
974
ses péchés particuliers. « Un homme trompe-t-il
Dieu? demande-t-il, car vous me trompez. »

Mais non convaincus de leur péché, les rebelles


posent cette question: « En quoi t'avons-nous
trompé? » La réponse est catégorique: « Dans les
dîmes et les offrandes. Vous êtes frappés par la
malédiction, et vous me trompez, la nation tout
entière! Apportez à la maison du trésor toutes les
dîmes, afin qu'il y ait de la nourriture dans ma
maison; mettez-moi de la sorte à l'épreuve, dit
l'Éternel des armées, et vous verrez si je n'ouvre
pas pour vous les écluses des cieux, si je ne
répands pas sur vous la bénédiction en abondance.
Pour vous, je menacerai celui qui dévore, et il ne
vous détruira pas les fruits de la terre, et la vigne ne
sera pas stérile dans vos campagnes, dit l'Éternel
des armées. Toutes les nations vous diront heureux,
car vous serez un pays de délices, dit l'Éternel des
armées. » (Malachie 3:7-12)

Dieu bénit le travail des hommes; mais il veut


que ceux-ci lui réservent sa part. Il leur dispense le
soleil et la pluie; il leur accorde la santé et la
975
possibilité de gagner leur vie. Tout provient de sa
main généreuse. Il désire qu'hommes et femmes lui
prouvent leur reconnaissance et lui apportent dîmes
et offrandes: offrandes d'actions de grâces,
volontaires, de culpabilité. Ils doivent mettre leurs
ressources à son service, afin que sa vigne ne soit
pas stérile. Il faut qu'ils se demandent ce que Jésus
ferait à leur place et qu'ils lui soumettent toutes
leurs difficultés. Ils feront ainsi preuve de
désintéressement dans leur participation à l'œuvre
divine qui s'accomplit sur toute la terre.

Par des messages tels que ceux de Malachie —


le dernier des prophètes de l'Ancien Testament —
ainsi que par l'oppression des ennemis païens, les
Israélites apprirent que la vraie prospérité dépend
de l'obéissance à la loi divine. Mais pour nombre
d'entre eux, cette obéissance n'était pas la
conséquence de la foi et de l'amour. Leurs mobiles
étaient égoïstes; les formes extérieures du culte
n'étaient que des moyens pour parvenir à la
grandeur nationale. Au lieu d'être la lumière du
monde, le peuple élu s'isola pour éviter les
séductions de l'idolâtrie. Les restrictions imposées
976
par le Seigneur au sujet des mariages mixtes ou des
relations avec les peuples païens furent perverties
au point d'édifier un mur de séparation entre Israël
et les autres nations. Les Juifs gardaient ainsi
égoïstement pour eux les bénédictions dont ils
auraient dû faire bénéficier le monde.

Les Israélites se séparaient en même temps de


Dieu par leurs péchés. Ils ne pouvaient comprendre
la signification spirituelle de leurs services
symboliques. Imbus de leur propre justice, ils
croyaient à leurs propres œuvres, aux sacrifices et
aux ordonnances, au lieu de se confier dans les
mérites de celui que préfiguraient ces sacrifices et
ces ordonnances. Ainsi, « cherchant à établir leur
propre justice » (Romains 10:3), ils se
retranchaient dans un formalisme orgueilleux.
Privés de l'Esprit et de la grâce de Dieu, ils
essayaient de compenser leur pauvreté spirituelle
par une observance rigoureuse des cérémonies et
des rites religieux. Non satisfaits des ordonnances
que le Seigneur lui-même avait établies, ils
encombraient les commandements d'une infinité
d'exigences de leur propre invention. Plus ils
977
s'éloignaient de Dieu, plus sévère se faisait
l'observation de ces formes.

Avec ces exigences rigoureuses et lourdes, le


peuple était pratiquement incapable d'observer la
loi. Les grands principes de justice du Décalogue et
les glorieuses vérités du service symbolique étaient
à la fois obscurcis et ensevelis sous une foule de
traditions et d'ordonnances humaines. Ceux qui
désiraient réellement servir le Seigneur et qui
essayaient d'observer toute la loi, telle que
l'ordonnaient les prêtres et les principaux,
gémissaient sous un lourd fardeau.

Tout en désirant l'avènement du Messie, la


nation israélite était séparée de Dieu de cœur et
d'esprit, au point de ne plus comprendre le
caractère de la mission du Rédempteur promis. Au
lieu de désirer être délivrés du péché, de rechercher
la paix et la sainteté, les Israélites ne pensaient qu'à
être délivrés de leurs ennemis et à recouvrer leur
autonomie. Ce qu'ils attendaient, c'était un Messie
conquérant qui briserait tous les jougs qui leur
étaient imposés et ferait d'eux une nation qui
978
dominerait toutes les autres. C'est ainsi que Satan
avait réussi à préparer le peuple à rejeter le Sauveur
dès son apparition. L'orgueil des Israélites et leur
fausse conception du caractère et de la mission du
Christ les empêchaient de reconnaître les preuves
évidentes de la messianité du Seigneur.

Le peuple juif avait attendu plus de mille ans la


venue du Sauveur promis. Ses plus grands espoirs
s'étaient concentrés sur cet événement. Pendant
plus de mille ans, il avait exalté le nom du Messie
dans le chant et la prophétie, dans les rites du
temple, dans la prière familiale. Et cependant,
lorsque le Christ parut, les Juifs repoussèrent celui
qu'ils attendaient depuis si longtemps. « Elle est
venue chez les siens (la lumière), et les siens ne
l'ont point reçue. » (Jean 1:11) Pour leurs cœurs
attachés aux choses du monde, le bien-aimé de
Dieu « s'éleva comme un rejeton qui sort d'une
terre desséchée ». A leurs yeux, « son aspect
n'avait rien pour (leur) plaire ». « Il n'avait ni
beauté, ni éclat pour attirer (leurs) regards. » (Ésaïe
53:2) Toute la vie de Jésus au sein du peuple juif
fut une condamnation de l'égoïsme manifesté à son
979
égard, égoïsme qui empêcha de reconnaître les
justes revendications du maître de la vigne où les
Juifs étaient établis comme vignerons. Ces derniers
haïssaient l'exemple de vérité et de sainteté donné
par le Christ. Lorsque se présenta l'épreuve finale
— épreuve qui impliquait l'obéissance pour obtenir
la vie éternelle, ou la désobéissance pour mériter la
mort éternelle — ils rejetèrent le Saint d'Israël et se
rendirent coupables de sa crucifixion sur la croix
du Calvaire.

Dans la parabole des vignerons, le Christ qui


approchait de la fin de son ministère, appela
l'attention des docteurs juifs sur les riches
bénédictions conférées à Israël, et il leur montra
ainsi quel était le but de Dieu en réclamant leur
obéissance. Il exposa clairement devant eux le
glorieux plan divin qu'ils auraient pu réaliser, s'ils
avaient été fidèles. Et, soulevant le voile de
l'avenir, le Sauveur leur montra comment, en
faisant échouer ce plan, ils avaient privé toute la
nation des bénédictions célestes et provoqué sa
perte.

980
« Il y avait un homme, maître de maison, leur
dit Jésus, qui planta une vigne. Il l'entoura d'une
haie, y creusa un pressoir, et bâtit une tour; puis il
l'afferma à des vignerons, et quitta le pays. »
(Matthieu 21:33) Le Sauveur voulait parler de « la
vigne de l'Éternel des armées », que le prophète
Ésaïe avait déclaré être, des siècles auparavant, « la
maison d'Israël » (Ésaïe 5:7). « Lorsque le temps
de la récolte fut arrivé, continua le Christ, il envoya
ses serviteurs vers les vignerons, pour recevoir le
produit de sa vigne. Les vignerons, s'étant saisis de
ses serviteurs, battirent l'un, tuèrent l'autre, et
lapidèrent le troisième. Il envoya encore d'autres
serviteurs, en plus grand nombre que les premiers;
et les vignerons les traitèrent de la même manière.
Enfin, il envoya vers eux son fils, en disant: Ils
auront du respect pour mon fils. Mais, quand les
vignerons virent le fils, ils dirent entre eux: Voici
l'héritier; venez, tuons-le, et emparons-nous de son
héritage. Et ils se saisirent de lui, le jetèrent hors de
la vigne, et le tuèrent. »

Après avoir dépeint aux prêtres l'acte suprême


de leur méchanceté, le Sauveur leur posa cette
981
question: « Lorsque le maître de la vigne viendra,
que fera-t-il à ces vignerons? » Les prêtres avaient
suivi le récit avec beaucoup d'intérêt, sans saisir le
rapport qu'il y avait entre eux et ce récit. Ils se
joignirent à la foule pour répondre: « Il fera périr
misérablement ces misérables, et il affermera la
vigne à d'autres vignerons, qui lui en donneront le
produit au temps de la récolte. » Ils se
condamnaient ainsi involontairement. Jésus les
observait. Son regard scrutateur pénétrait les
secrets de leurs cœurs. Sa divinité éclatait à leurs
yeux avec une puissance manifeste. Ils virent dans
les vignerons l'image de leur propre condition, et
ils s'écrièrent involontairement: « A Dieu ne plaise!
»

Le Christ leur demanda alors avec solennité, et


avec regret: « N'avez-vous jamais lu dans les
Ecritures: La pierre qu'on rejetée ceux qui
bâtissaient est devenue la principale de l'angle;
c'est du Seigneur que cela est venu, et c'est un
prodige à nos yeux? C'est pourquoi, je vous le dis,
le royaume de Dieu vous sera enlevé, et sera donné
à une nation qui en rendra les fruits. Celui qui
982
tombera sur cette pierre s'y brisera, et celui sur qui
elle tombera sera écrasé. » (Matthieu 21:34-44)

Si les Israélites avaient reçu le Sauveur, il


aurait pu leur épargner le châtiment. Mais l'envie et
la jalousie rendaient ce peuple inflexible; il était
bien déterminé à ne pas reconnaître Jésus de
Nazareth comme Messie. Il a rejeté la lumière du
monde; c'est pourquoi les ténèbres l'environnèrent,
aussi épaisses qu'en pleine nuit. Le châtiment
prédit s'abattit sur lui. Ses passions violentes et
déchaînées amenèrent sa propre perte. Dans sa
fureur aveugle, il s'extermina lui-même.

L'orgueil inflexible et révolté amena sur les


Juifs la colère des conquérants romains. Jérusalem
fut détruite, le temple démoli et son emplacement
labouré comme un champ Les enfants de Juda
succombèrent de la mort la plus atroce. Des
millions d'entre eux furent vendus comme esclaves.
Ce que le Seigneur se proposait de faire pour le
monde par Israël, le peuple élu, il le fera par son
Église. Il a « affermé » sa vigne à d'autres
vignerons, à ceux qui gardent son alliance et qui
983
donnent le produit de sa vigne « au temps de la
récolte ». Dieu n'a jamais manqué, sur la terre, de
vrais représentants qui ont considéré les intérêts
divins comme les leurs. Ces témoins de Dieu font
partie de l'Israël spirituel, et c'est pour eux que
s'accompliront toutes les promesses de l'alliance
conclue par le Seigneur avec son peuple
d'autrefois.

Aujourd'hui, l'Église peut librement accomplir


le plan divin destiné à sauver un monde perdu.
Pendant de longs siècles, le peuple de Dieu souffrit
du manque de liberté. La prédication de l'Évangile
dans sa pureté était interdite, et les châtiments les
plus cruels s'abattaient sur ceux qui osaient
enfreindre les décrets des hommes. En
conséquence, la vigne du Seigneur fut presque
totalement abandonnée. Le peuple était privé des
lumières de l'Évangile, les ténèbres de l'erreur et de
la superstition menaçaient de faire disparaître la
connaissance de la véritable religion. Au cours de
cette longue période de persécutions, l'Église fut
captive, comme les enfants d'Israël à Babylone.

984
Mais grâce au Seigneur, elle n'est plus dans
l'esclavage. Les privilèges accordés au peuple élu,
au moment où il fut délivré de l'exil, ont été
restitués aux enfants de Dieu. Dans toutes les
parties du monde, des hommes et des femmes
répondent au message envoyé par le Seigneur, ce
message qui devait être proclamé avant la seconde
venue du Sauveur, comme l'annonçait le livre de
l'Apocalypse: « Craignez Dieu, et donnez-lui
gloire, car l'heure de son jugement est venue. »
(Apocalypse 14:7)

Les armées du mal n'ont plus le pouvoir de


rendre l'Église captive; car « elle est tombée,
Babylone, la grande, qui a abreuvé toutes les
nations du vin de la fureur de son impudicité ». Et
voici le message adressé à l'Israël spirituel: «
Sortez du milieu d'elle, mon peuple, afin que vous
ne participiez point à ses péchés, et que vous n'ayez
point de part à ses fléaux. » (Apocalypse 14:8;
18:4)

De même que les captifs israélites se


conformèrent au message qui leur était adressé: «
985
Fuyez de Babylone » (Jérémie 51:6), et que la terre
promise leur fut restituée, de même de nos jours
ceux qui craignent le Seigneur sortent de la
Babylone spirituelle. Bientôt ils seront comme des
trophées de la grâce divine sur la terre nouvelle, la
Canaan céleste.

Avec quelle solennité, le prophète Malachie


répondit à la question pleine d'ironie des
impénitents: « Où est le Dieu de la justice? » « Et
soudain entrera dans son temple le Seigneur ... le
Messager de l'alliance. ... Qui pourra soutenir le
jour de sa venue? Qui restera debout quand il
paraîtra? Car il sera comme le feu du fondeur,
comme la potasse des foulons. Il s'assiéra, fondra et
purifiera l'argent; il purifiera les fils de Lévi, il les
épurera comme on épure l'or et l'argent, et ils
présenteront à l'Éternel des offrandes avec justice.
Alors l'offrande de Juda et de Jérusalem sera
agréable à l'Éternel, comme aux anciens jours,
comme aux armées d'autrefois. » (Malachie 2:17;
3:1-4)

Voici le message que proclamait le précurseur


986
du Christ avant son apparition: « Repentez-vous »,
publicains, pécheurs, sadducéens et pharisiens, «
car le royaume des cieux est proche » (Matthieu
3:2).

De nos jours, des serviteurs de Dieu, animés de


l'esprit et de la puissance d'Elie et de Jean-Baptiste,
attirent l'attention d'un monde destiné au jugement
divin sur les événements solennels qui doivent
bientôt se dérouler — événements qui précéderont
les dernières heures de l'épreuve suprême et de
l'apparition de Jésus-Christ, le Roi des rois et le
Seigneur des seigneurs. Bientôt chacun d'entre
nous sera jugé selon ses œuvres. Il appartient à tous
les enfants de Dieu d'avertir les hommes qui
courent à leur perte éternelle. Qu'il soit dit
clairement à toute personne du vaste monde qu'il
s'agit là des principes qui sont en jeu dans le grand
conflit qui oppose Dieu à Satan, principes dont
dépend la destinée de l'humanité.

Aux heures finales du temps de grâce, alors que


le sort de toute âme est sur le point d'être décidé
pour toujours, le Seigneur attend que son Église se
987
réveille pour agir comme jamais auparavant.

Ceux qui ont été libérés en Christ par la


connaissance de la vérité, sont considérés par Dieu
comme ses élus, qu'il favorise plus que tous les
peuples de la terre. Les bénédictions qui leur sont
si généreusement accordées doivent être
communiquées aux autres. Il faut que la bonne
nouvelle du salut soit portée à toute nation, à toute
tribu, à toute langue et à tout peuple. Dans les
prophéties de l'Ancien Testament, Dieu est
représenté comme répandant sa lumière sur son
Église aux jours où les ténèbres de l'erreur et de
l'incrédulité caractérisaient l'époque qui précédera
la seconde venue du Rédempteur. Comme « le
Soleil de justice », il se lèvera sur cette Église, « et
la guérison sera sous ses ailes » (Malachie 4:2). De
chaque vrai disciple du Seigneur se dégagera une
influence vivifiante, réconfortante.

La venue de Jésus aura lieu au moment le plus


sombre de l'histoire de notre monde. Les jours de
Noé et de Lot se répéteront avant cette venue. Les
écrits sacrés dépeignent les temps actuels, en
988
déclarant que Satan opérera avec une grande
puissance, « avec toutes les séductions de l'iniquité
» (2 Thessaloniciens 2:10). Son œuvre se manifeste
clairement dans l'ignorance qui se fait sentir de
plus en plus, dans les erreurs qui se multiplient,
dans les mensonges et les hérésies des temps
actuels. Satan ne se contente plus de conduire le
monde vers l'esclavage; ses tromperies corrompent
les Églises qui prétendent être celles de notre
Seigneur Jésus-Christ. Une apostasie se produira,
aussi ténébreuse que la nuit la plus profonde. Ce
sera un temps d'épreuve pour le peuple de Dieu,
une nuit de lamentations, une nuit de persécutions
pour l'amour de la vérité. Mais la lumière de Dieu
resplendira dans cette obscurité profonde.

Le Seigneur fait briller la lumière « du sein des


ténèbres » (2 Corinthiens 4:6). Lorsque la « terre
était informe et vide », « qu'il y avait des ténèbres à
la surface de l'abîme », « l'esprit de Dieu se
mouvait au-dessus des eaux. Dieu dit: Que la
lumière soit! Et la lumière fut. » (Genèse 1:2, 3) Il
en est de même pour la nuit spirituelle; la Parole de
Dieu ordonne que la lumière soit. Le Seigneur dit à
989
son peuple: « Lève-toi, sois éclairée, car ta lumière
arrive, et la gloire de l'Éternel se lève sur toi. »
(Ésaïe 60:1) « Voici, dit encore le prophète, les
ténèbres couvrent la terre, et l'obscurité les peuples;
mais sur toi l'Éternel se lève, sur toi sa gloire
apparaît. » (Ésaïe 60:2) Le Christ, reflet de la gloire
du Père, vint dans le monde pour y apporter la
lumière céleste, présenter Dieu aux hommes, et
c'est de lui qu'il est écrit qu'il fut « oint du Saint-
Esprit et de force », et qu'il « allait de lieu en lieu
faisant du bien » (Actes des Apôtres 10:38). Il
déclara à la synagogue de Nazareth: « L'Esprit du
Seigneur est sur moi, parce qu'il m'a oint pour
annoncer une bonne nouvelle aux pauvres; il m'a
envoyé pour guérir ceux qui ont le cœur brisé, pour
proclamer aux captifs la délivrance, et aux
aveugles le recouvrement de la vue, pour renvoyer
libres les opprimés, pour publier une année de
grâce du Seigneur. » (Luc 4:18, 19) C'est la
mission qu'il confia à ses disciples: « Vous êtes la
lumière du monde, leur dit-il, que votre lumière
luise ainsi devant les hommes, afin qu'ils voient
vos bonnes œuvres, et qu'ils glorifient votre Père
qui est dans les cieux. » (Matthieu 5:14, 16)
990
Le prophète Ésaïe déclare à ce sujet: « Partage
ton pain avec celui qui a faim, et fais entrer dans ta
maison les malheureux sans asile; si tu vois un
homme nu, couvre-le, et ne te détourne pas de ton
semblable. Alors ta lumière poindra comme
l'aurore, et ta guérison germera promptement; ta
justice marchera devant toi, et la gloire de l'Éternel
t'accompagnera. » (Ésaïe 58:7, 8)

C'est ainsi qu'au sein des ténèbres spirituelles la


gloire de Dieu doit resplendir par l'intermédiaire de
son Église, en relevant les opprimés et en
réconfortant les affligés.

Les gémissements d'un monde éprouvé


s'élèvent tout autour de nous. Partout on voit des
pauvres et des gens dans la détresse. C'est à nous
qu'il incombe le devoir de soulager et d'adoucir les
tribulations et les misères de la vie. Seul l'amour du
Christ peut répondre aux besoins de l'âme. Si Jésus
demeure en nous, notre cœur débordera de
sympathie divine. Les sources d'un zèle ardent
jailliront sous l'impulsion d'un amour semblable à
991
celui du Sauveur.

La lumière est une bénédiction universelle qui


répand ses trésors sur un monde ingrat, impie et
démoralisé. Il en est de même de la lumière du
Soleil de justice. La terre est plongée dans les
ténèbres du péché, de la tristesse, de la souffrance;
elle doit être éclairée par la connaissance de
l'amour de Dieu. La lumière qui émane du trône
céleste ne saurait être exclue d'aucune secte,
d'aucun rang, d'aucune classe.

Le message d'espérance et de miséricorde doit


être proclamé jusqu'aux extrémités du monde. Tous
ceux qui le désirent peuvent atteindre la puissance
céleste, faire la paix avec Dieu. Les païens ne
doivent plus être plongés dans les ténèbres;
l'obscurité disparaîtra devant les rayons éclatants
du Soleil de justice.

Le Christ a tout fait pour que son Église soit un


corps transformé, illuminé par la lumière céleste et
revêtu de la gloire d'Emmanuel. Son but est que
tout chrétien soit environné d'une atmosphère
992
spirituelle de lumière et de paix. Il veut que nos
vies reflètent sa propre joie.

« Lève-toi, sois éclairée, car ta lumière arrive,


et la gloire de l'Éternel se lève sur toi » (Ésaïe
60:1), dit le prophète Ésaïe. Le Christ vient avec
puissance. Il vient avec sa propre gloire et la gloire
de son Père; les saints anges l'escortent. Alors que
le monde est plongé dans les ténèbres, la lumière
brille dans les demeures des saints. Ceux-ci
saisiront les premières lueurs de sa seconde
apparition. Une lumière éclatante resplendira de la
gloire céleste, et le Christ, le Rédempteur, remplira
d'admiration tous ceux qui l'auront servi. Tandis
que les méchants s'enfuiront, les disciples du
Sauveur se réjouiront en sa présence.

Les rachetés recevront alors l'héritage qui leur


avait été promis. Ainsi les desseins de Dieu en
faveur d'Israël s'accompliront littéralement.
L'homme n'a aucun pouvoir pour annuler les
projets divins. Même au milieu des embûches de
Satan, ces projets se sont réalisés. Il en fut ainsi
pour la maison d'Israël à travers les discordes de la
993
monarchie. Il en est de même avec l'Israël spirituel
de nos jours.

Le voyant de Patmos, jetant un regard à travers


les âges, vit la restauration d'Israël dans la terre
nouvelle. « Après cela, dit-il, je regardai, et voici, il
y avait une grande foule, que personne ne pouvait
compter, de toute nation, de toute tribu, de tout
peuple et de toute langue. Ils se tenaient devant le
trône et devant l'Agneau, revêtus de robes
blanches, et des palmes dans leurs mains. Et ils
criaient d'une voix forte, en disant: Le salut est à
notre Dieu qui est assis sur le trône, et à l'Agneau.
Et tous les anges se tenaient autour du trône et des
vieillards et des quatre êtres vivants; et ils se
prosternèrent sur leurs faces devant le trône, et ils
adorèrent Dieu, en disant: Amen! La louange, la
gloire, la sagesse, l'action de grâces, l'honneur, la
puissance et la force soient à notre Dieu, aux
siècles des siècles! »

« Et j'entendis comme une voix d'une foule


nombreuse, comme un bruit de grosses eaux, et
comme un bruit de forts tonnerres, disant: Alléluia!
994
Car le Seigneur notre Dieu tout-puissant est entré
dans son règne. Réjouissons-nous et soyons dans
l'allégresse, et donnons-lui gloire. » « Il est le
Seigneur des seigneurs et le Roi des rois, et les
appelés, les élus et les fidèles ... sont avec lui. »
(Apocalypse 7:9-12; 19:6, 7; 17:14)

995
Chapitre 60

Visions de la gloire future

Dans les jours les plus sombres de son conflit


avec le mal, l'Église connaissait le plan éternel du
Très-Haut. Elle pouvait prévoir au sein des
tribulations de ce monde les triomphes futurs, alors
que, la lutte terminée, les rachetés prendront
possession de la terre promise. Les visions de la
gloire à venir, peintes par la main divine, devraient
être chères à son Église aujourd'hui, alors que
s'achève rapidement la tragédie des siècles et que
les bénédictions d'en haut sont sur le point d'être
pleinement réalisées.

Ils sont nombreux les messages de réconfort


adressés à l'Église par les prophètes de l'Ancien
Testament. « Consolez, consolez mon peuple »
(Ésaïe 40:1), disait déjà Ésaïe de la part de Dieu.
Ces paroles étaient acompagnées de visions
glorieuses: sources de joie et d'espérance pour tous
les croyants au cours des siècles.

996
Bien que méprisés, persécutés, abandonnés, les
enfants de Dieu ont été de tout temps soutenus par
les promesses réconfortantes du ciel. Ils ont vu par
la foi le moment où le Seigneur accomplirait la
promesse faite à son Église: « Je ferai de toi un
ornement pour toujours, un sujet de joie de
génération en génération. » (Ésaïe 60:15)

L'Église militante est souvent appelée à subir


l'épreuve et l'affliction, car ce n'est pas sans livrer
un dur combat qu'elle remportera la victoire. « Du
pain dans l'angoisse », « de l'eau dans la détresse »
(Ésaïe 30:20), disait le prophète, voilà le lot de tous
les croyants. Mais en comptant sur le Tout-Puissant
ils ne sauraient être anéantis. « Ainsi parle
maintenant l'Éternel, qui t'a créé, ô Jacob! dit
encore Ésaïe. Celui qui t'a formé, ô Israël! Ne
crains rien, car je te rachète, je t'appelle par ton
nom: tu es à moi! Si tu traverses les eaux, je serai
avec toi; et les fleuves, ils ne te submergeront
point; si tu marches dans le feu, tu ne te brûleras
pas, et la flamme ne t'embrasera pas. Car je suis
l'Éternel, ton Dieu, le saint d'Israël, ton sauveur; je
997
donne l'Égypte pour ta rançon, l'Ethiopie et Saba à
ta place. Parce que tu as du prix à mes yeux, parce
que tu es honoré et que je t'aime, je donne des
hommes à ta place, et des peuples pour ta vie. »
(Ésaïe 43:1-4)

Le pardon est auprès du Seigneur qui reçoit


librement et gratuitement par les mérites de Jésus,
notre Sauveur crucifié et ressuscité, tous ceux qui
s'approchent de lui. Ésaïe entendit encore ces
paroles: « C'est moi qui efface tes transgressions
pour l'amour de moi, et je ne me souviendrai plus
de tes péchés. Réveille ma mémoire, plaidons
ensemble, parle toi-même, pour te justifier. » « Tu
sauras que je suis l'Éternel, ton sauveur, ton
rédempteur, le puissant de Jacob. » (Ésaïe 43:25,
26; 60:16)

« Il fait disparaître de toute la terre l'opprobre


de son peuple », dit encore le prophète. « On les
appellera peuple saint, rachetés de l'Éternel. » Le
Seigneur leur donnera « un diadème au lieu de la
cendre, une huile de joie au lieu du deuil, un
vêtement de louange au lieu d'un esprit abattu, afin
998
qu'on les appelle des térébinthes de la justice, une
plantation de l'Éternel, pour servir à sa gloire. »

Réveille-toi! réveille-toi! revêts ta parure, Sion!


Revêts tes habits de fête, Jérusalem, ville
sainte!
Car il n'entrera plus chez toi ni incirconcis ni
impur. Secoue ta poussière, lève-toi,
Mets-toi sur ton séant, Jérusalem!
Détache les liens de ton cou,
Captive, fille de Sion!

Malheureuse, battue de la tempête, et que nul


ne console!
Voici, je garnirai tes pierres d'antimoine,
Et je te donnerai des fondements de saphir;
Je ferai tes créneaux de rubis,
Tes portes d'escarboucles,
Et toute ton enceinte de pierres précieuses.
Tous tes fils seront disciples de l'Éternel,
Et grande sera la prospérité de tes fils.
Tu seras affermie par la justice;
Bannis l'inquiétude, car tu n'as rien à craindre,
Et la frayeur, car elle n'approchera pas de toi.
999
Si l'on forme des complots, cela ne viendra pas
de moi;
Quiconque se liguera contre toi tombera sous
ton pouvoir. ...
Toute arme forgée contre toi sera sans effet;
Et toute langue qui s'élèvera en justice contre
toi,
Tu la condamneras.
Tel est l'héritage des serviteurs de l'Éternel,
Tel est le salut qui leur viendra de moi,
Dit l'Éternel.
(Ésaïe 25:8; 62:12; 61:3; 52:1, 2; 54:11-17)

Revêtue de l'armure de la justice du Christ,


l'Église se prépare au conflit final. « Belle comme
la lune, pure comme le soleil, mais terrible comme
des troupes sous leurs bannières » (Cantique des
cantiques 6:10), elle s'avance dans le monde « en
vainqueur et pour vaincre ».

L'heure la plus sombre du conflit de l'Église


avec les puissances du mal est celle qui précédera
immédiatement sa délivrance finale. Mais tous
ceux qui se confient en Dieu n'ont rien à craindre;
1000
car « le souffle des tyrans est comme l'ouragan qui
frappe une muraille ». Le Seigneur est pour son
Église « un abri contre la tempête » (Ésaïe 25:4).

En ce jour-là, seuls les justes obtiendront la


délivrance promise.

Les pécheurs sont effrayés dans Sion,


Un tremblement saisit les impies:
Qui de nous pourra rester auprès d'un feu
dévorant?
Qui de nous pourra rester auprès de flammes
éternelles?
Celui qui marche dans la justice,
Et qui parle selon la droiture, Qui méprise un
gain acquis par extorsion,
Qui secoue les mains pour ne pas accepter un
présent,
Qui ferme l'oreille pour ne pas entendre des
propos sanguinaires,
Et qui se bande les yeux pour ne pas voir le
mal,
Celui-là habitera dans des lieux élevés;
Des rochers fortifiés seront sa retraite;
1001
Du pain lui sera donné,
De l'eau lui sera assurée.
(Ésaïe 33:14-16)

A tous ceux qui lui resteront fidèles, le


Seigneur adresse ces paroles: « Va, mon peuple,
entre dans ta chambre, et ferme la porte derrière
toi; cache-toi pour quelques instants, jusqu'à ce que
la colère soit passée. Car voici, l'Éternel sort de sa
demeure, pour punir les crimes des habitants de la
terre. » (Ésaïe 26:20, 21)

Les serviteurs de Dieu eurent, en vision, un


aperçu de la consternation où seront les hommes
qui ne se sont pas préparés à rencontrer le
Seigneur.

Voici, l'Éternel dévaste le pays et le rend


désert,
Il en bouleverse la face et en disperse les
habitants. ...
Car ils transgressaient les lois, violaient les
ordonnances,
Ils rompaient l'alliance éternelle.
1002
C'est pourquoi la malédiction dévore le pays, ...
Les habitants du pays sont consumés. ...
La joie des tambourins a cessé,
La gaieté bruyante a pris fin,
La joie de la harpe a cessé.
(Ésaïe 24:1-8)

Ah! quel jour!


Car le jour de l'Éternel est proche:
Il vient comme un ravage du Tout-Puissant. ...
Les semences ont séché sous les mottes;
Les greniers sont vides,
Les magasins sont en ruines,
Car il n'y a point de blé.
Comme les bêtes gémissent!
Les troupeaux de bœufs sont consternés,
Parce qu'ils sont sans pâturage;
Et même les troupeaux de brebis sont en
souffrance.

La vigne est confuse,


Le figuier languissant;
Le grenadier, le palmier, le pommier,
Tous les arbres des champs sont flétris...
1003
La joie a cessé parmi les fils de l'homme!
(Joël 1:15-18, 12)

« Je souffre au-dedans de mon cœur, s'exclame


Jérémie, alors qu'il considère les ruines provoquées
par les scènes finales de l'histoire du monde. Le
cœur me bat, je ne puis me taire; car tu entends,
mon âme, le son de la trompette, le cri de guerre.
On annonce ruine sur ruine, car tout le pays est
ravagé. » (Jérémie 4:19, 20)

« L'homme orgueilleux sera humilié, dit le


prophète Ésaïe en parlant du jour de la vengeance
divine, et le hautain sera abaissé: l'Éternel seul sera
élevé ce jour-là. Toutes les idoles disparaîtront. ...
En ce jour, les hommes jetteront leurs idoles
d'argent et leurs idoles d'or, qu'ils s'étaient faites
pour les adorer, aux rats et aux chauves-souris; et
ils entreront dans les fentes des rochers et dans les
creux des pierres, pour éviter la terreur de l'Éternel
et l'éclat de sa majesté, quand il se lèvera pour
effrayer la terre. » (Ésaïe 2:17-21)

De son côté, voici ce que dit encore le prophète


1004
Jérémie: « Je regarde la terre, et voici, elle est
informe et vide; les cieux, et leur lumière a disparu.
Je regarde les montagnes, et voici, elles sont
ébranlées; et toutes les collines chancellent. Je
regarde, et voici, il n'y a point d'homme; et tous les
oiseaux des cieux ont pris la fuite. Je regarde, et
voici, le Carmel est un désert; et toutes ses villes
sont détruites, devant l'Éternel. » « Malheur! car ce
jour est grand; il n'y en a point eu de semblable.
C'est un temps d'angoisse pour Jacob; mais il en
sera délivré. » (Jérémie 4:23-26; 30:7)

Le jour de colère réservé aux ennemis de Dieu


est en même temps le jour de la délivrance finale
de l'Église. Le prophète déclare, en parlant d'elle: «
Fortifiez les mains languissantes, et affermissez les
genoux qui chancellent; dites à ceux qui ont le
cœur troublé: Prenez courage, ne craignez point;
voici votre Dieu, la vengeance viendra, la
rétribution de Dieu; il viendra lui-même, et vous
sauvera. »

« Il anéantit la mort pour toujours; le Seigneur,


l'Éternel, essuie les larmes de tous les visages; il
1005
fait disparaître de toute la terre l'opprobre de son
peuple, car l'Éternel a parlé. » (Ésaïe 35:3, 4; 25:8)
Et tandis que le prophète contemple le Seigneur de
gloire descendant des cieux avec ses saints anges,
pour venir recueillir l'Église des derniers temps, il
entend les rachetés s'écrier: « Voici, c'est notre
Dieu, en qui nous avons confiance; et c'est lui qui
nous sauve; c'est l'Éternel, en qui nous avons
confiance; soyons dans l'allégresse et réjouissons-
nous de son salut. » (Ésaïe 25:9)

Alors retentit la voix du Fils de Dieu; elle


appelle les saints qui dorment dans les tombeaux.
Et tandis que le prophète les regarde sortir du lieu
où la mort les avait emprisonnés, il s'écrie: « Que
tes morts revivent! Que mes cadavres se relèvent!
Réveillez-vous et tressaillez de joie, habitants de la
poussière! Car ta rosée est une rosée vivifiante, et
la terre redonnera le jour aux ombres. » « Alors
s'ouvriront les yeux des aveugles, s'ouvriront les
oreilles des sourds; alors le boiteux sautera comme
un cerf, et la langue du muet éclatera de joie. »
(Ésaïe 26:19; 35:5, 6)

1006
D'après les visions du prophète, ceux qui auront
triomphé du péché et du sépulcre se réjouiront en
présence de leur Créateur. Ils s'entretiendront
librement avec lui, comme l'homme parlait avec
Dieu au commencement des âges. « Réjouissez-
vous plutôt, leur ordonne le Seigneur, et soyez à
toujours dans l'allégresse, à cause de ce que je vais
créer; car je vais créer Jérusalem pour l'allégresse,
et son peuple pour la joie. Je ferai de Jérusalem
mon allégresse, et de mon peuple ma joie; on n'y
entendra plus le bruit des pleurs et le bruit des cris.
» « Aucun habitant ne dira: Je suis malade! »
Jérusalem recevra « le pardon de ses iniquités ». «
Des eaux jailliront dans le désert, et des ruisseaux
dans la solitude; le mirage se changera en étang et
la terre desséchée en sources d'eaux. » « Au lieu de
l'épine s'élèvera le cyprès, au lieu de la ronce
croîtra le myrte. » « Il y aura là un chemin frayé,
une route qu'on appellera la voie sainte; nul impur
n'y passera; elle sera pour eux seuls; ceux qui la
suivront, même les insensés, ne pourront s'égarer. »
« Parlez au cœur de Jérusalem, et criez-lui que sa
servitude est finie, que son iniquité est expiée,
qu'elle a reçu de la main de l'Éternel au double de
1007
tous ses péchés. » (Ésaïe 65:18, 19; 33:24; 35:6, 7;
55:13; 35:8; 40:2)

Tandis que le prophète contemple les rachetés


dans la cité de Dieu, libérés du péché et de toutes
les marques de la malédiction, il s'écrie: «
Réjouissez-vous avec Jérusalem; faites d'elle le
sujet de votre allégresse, vous tous qui l'aimez;
tressaillez avec elle de joie. »

« On n'entendra plus parler de violence dans


ton pays, ni de ravage et de ruine dans ton
territoire; tu donneras à tes murs le nom de salut, et
à tes portes celui de gloire. Ce ne sera plus le soleil
qui te servira de lumière pendant le jour, ni la lune
qui t'éclairera de sa lueur; mais l'Éternel sera ta
lumière à toujours, ton Dieu sera ta gloire. Ton
soleil ne se couchera plus, et ta lune ne s'obscurcira
plus; car l'Éternel sera ta lumière à toujours, et les
jours de ton deuil seront passés. Il n'y aura plus que
des justes parmi ton peuple, ils posséderont à
toujours le pays; c'est le rejeton que j'ai planté,
l'œuvre de mes mains pour servir à ma gloire. »
(Ésaïe 66:10; 60:18-21)
1008
Le prophète entendit les accents de la musique
et des chants célestes, une musique et des chants
qu'aucun mortel ne saurait entendre, qu'aucun
esprit ne saurait concevoir, sinon en vision: « Les
rachetés de l'Éternel retourneront, ils iront à Sion
avec chants de triomphe; et une joie éternelle
couronnera leur tête; l'allégresse et la joie
s'approcheront, la douleur et les gémissements
s'enfuiront. » « La joie et l'allégresse se trouveront
au milieu d'elle, les actions de grâces et le chant
des cantiques. » « Et ceux qui chantent et ceux qui
dansent s'écrient: Toutes mes sources sont en toi. »
« Ils élèvent leur voix, ils poussent des cris
d'allégresse; des bords de la mer, ils célèbrent la
majesté de l'Éternel. » (Ésaïe 35:10; 51:3; Psaumes
87:7; Ésaïe 24:14)

Dans la nouvelle terre les rachetés s'adonneront


aux occupations qui faisaient le bonheur d'Adam et
d'Eve. Ce sera l'Eden retrouvé, une vie passée dans
les jardins et dans les champs. « Ils bâtiront des
maisons et les habiteront; ils planteront des vignes
et en mangeront le fruit. Ils ne bâtiront pas des
1009
maisons pour qu'un autre les habite, ils ne
planteront pas des vignes pour qu'un autre en
mange le fruit; car les jours de mon peuple seront
comme les jours des arbres, et mes élus jouiront de
l'œuvre de leurs mains. » (Ésaïe 65:21, 22)

Là, toutes les facultés s'épanouiront, tous les


talents se développeront, les plus grandes
entreprises prospéreront, les aspirations les plus
sublimes se réaliseront, les plus belles ambitions
seront atteintes. Et de nouveaux sommets se
dresseront toujours devant nous, de nouvelles
merveilles s'offriront à notre admiration, de
nouvelles vérités se présenteront à notre
compréhension, de nouveaux sujets d'études feront
appel à nos facultés.

Les prophètes qui contemplèrent ces scènes


sublimes désiraient ardemment en comprendre la
signification. Ils en faisaient « l'objet de leurs
recherches et de leurs investigations, voulant
sonder l'époque et les circonstances marquées par
l'Esprit de Christ qui était en eux. ... Il leur fut
révélé que ce n'était pas pour eux-mêmes, mais
1010
pour vous, qu'ils étaient les dispensateurs de ces
choses, que vous ont annoncées maintenant ceux
qui vous ont prêché l'Évangile. » (1 Pierre 1:10-12)

Pour nous qui sommes à la veille de


l'accomplissement de ces choses, comme la
description de ces événements imminents doit nous
paraître grave et digne d'un profond intérêt! Car ce
sont eux que les enfants de Dieu ont attendus,
souhaités et demandés depuis que nos premiers
parents furent chassés du jardin d'Eden. Pèlerins
sur cette terre, nous sommes encore dans les
ténèbres et le tumulte des activités de ce monde;
mais bientôt apparaîtra notre Sauveur qui nous
apportera délivrance et repos. Contemplons par la
foi cet avenir bienheureux, tel qu'il nous est dépeint
de la main de Dieu. Celui qui est mort pour les
péchés ouvre toutes grandes les portes du Paradis à
tous ceux qui croient en lui. Bientôt, la lutte
prendra fin, et la victoire sera remportée. Bientôt,
nous verrons celui sur lequel se sont concentrées
toutes nos espérances. En sa présence, les épreuves
et les souffrances de cette vie nous paraîtront alors
bien insignifiantes.
1011
« On ne se rappellera plus les choses passées,
elles ne reviendront plus à l'esprit. » «
N'abandonnez donc pas votre assurance, à laquelle
est attachée une grande rémunération. Car vous
avez besoin de persévérance, afin qu'après avoir
accompli la volonté de Dieu, vous obteniez ce qui
vous est promis. Encore un peu, un peu de temps:
celui qui doit venir viendra, et il ne tardera pas. » «
C'est par l'Éternel qu'Israël obtient le salut, un salut
éternel; vous ne serez ni honteux, ni confus, jusque
dans l'éternité. » (Ésaïe 65:17; Hébreux 10:35-37;
Ésaïe 45:17)

Levez les yeux! Regardez en haut! Que votre


foi augmente sans cesse! Qu'elle vous guide dans
l'étroit sentier qui aboutit aux portes de la cité
céleste, dans la gloire infinie réservée aux rachetés.
« Soyez donc patients, frères, dit l'apôtre Jacques,
jusqu'à l'avènement du Seigneur. Voici, le
laboureur attend le précieux fruit de la terre,
prenant patience à son égard, jusqu'à ce qu'il ait
reçu les pluies de la première et de l'arrière-saison.
Vous aussi, soyez patients, affermissez vos cœurs,
1012
car l'avènement du Seigneur est proche. » (Jacques
5:7, 8)

Les rachetés ne connaîtront d'autre loi que celle


du ciel. Ils formeront une famille heureuse et unie;
ils seront revêtus de vêtements de louange et
d'actions de grâces. Alors retentiront les saintes
mélodies des étoiles du matin. Tous les fils de Dieu
feront éclater leurs accents joyeux, et Dieu et le
Christ proclameront ensemble: « Il n'y aura plus de
péché, et la mort aura disparu pour toujours. »

« A chaque nouvelle lune et à chaque sabbat,


toute chair viendra se prosterner devant moi, dit
l'Éternel. » « Alors la gloire de l'Éternel sera
révélée, et au même instant toute chair la verra. » «
Le Seigneur, l'Éternel, fera germer le salut et la
louange, en présence de toutes les nations. » « En
ce jour, l'Éternel des armées sera une couronne
éclatante et une parure magnifique pour le reste de
son peuple. »

« L'Éternel a pitié de Sion, il a pitié de toutes


ses ruines; il rendra son désert semblable à un
1013
Eden, et sa terre aride à un jardin de l'Éternel. » «
La gloire du Liban lui sera donnée, la magnificence
du Carmel et de Saron. » « On ne te nommera plus
délaissée, on ne nommera plus ta terre, désolation;
mais on t'appellera mon plaisir en elle, et l'on
appellera ta terre, épouse. ... Comme la fiancée fait
la joie de son fiancé, ainsi tu feras la joie de ton
Dieu. » (Ésaïe 66:23; 40:5; 61:11; 28:5; 51:3; 35:2;
62:4, 5)

1014

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