« Ma Bohème »
Présentation générale
Titre : « Ma Bohème » in Les Cahiers de Douai
Auteur : Arthur Rimbaud
Siècle : XIXe - fugue d’octobre 1870
Genre : poème métalittéraire, il parle lui-même de poésie
Parcours : émancipations créatrices
Objet d’étude : thèmes de la fugue/vagabondage/nature
Mouvement littéraire : inspirations classiques, parodie romantique
Présentation du passage et de son intérêt principal
Situation du poème : dernier poème, excipit = conclusion ou synthèse du
recueil
construit l’art poétique de Rimbaud > illustration de son projet littéraire
Résumé de l’extrait : errance insouciante du poète + métamorphoses qu’il
impose au paysage.
Lecture de l’extrait
Points de vigilance :
Projet de lecture : Quel sens le poète donne-t-il à ses voyages ?
Annonce du plan : 2 mouvements
I- Un jeune homme libre et enthousiaste aimant le vagabondage :
quatrains
II- Un jeune poète inspiré et créatif : tercets
Développement
Le titre « Ma Bohème (Fantaisie) »
Bohème = vie libérée des conventions sociales adoptées par les artistes parisiens
de la deuxième moitié du XIXe s. (s’affranchir de la mode de l’époque, ne pas
être marié…)
Rimbaud parlerait du pays des bohémiens, nomades et libres.
Avec l’article « Ma » déterminant possessif, Rimbaud s’approprie le thème de la
bohème, venant des Romantiques (XVIIIe et XIXe s.). Il le personnalise, montrant
sa vision des choses.
I- Un jeune homme libre et enthousiaste aimant le vagabondage.
Informations essentielles à aborder :
V.1 : évocation autobiographique « je » Rimbaud fugueur : « Je m’en allais »
+ imparfait d’habitude « allais » suggérant une expérience passée se répétant
Pas une simple promenade pour Rimbaud : errance sans destination
précise
« mes poches crevées » indique la pauvreté associé à l’errance
Quête de liberté / révolte pousse Rimbaud sur les routes
« les poings » de la révolte
V.2 : « Mon paletot aussi devenait idéal »
Le paletot si usé n’est plus qu’une idée de paletot. Paradoxalement, la pauvreté
n’est pas une source de malheur pour Rimbaud. Il laisse place au rêve et à la joie
> « idéal »
Idée de sobriété heureuse : vivre bien avec peu de choses
En étant pauvre, Rimbaud s’affranchit des codes bourgeois qui
l’oppressent
V.3 : décalage entre pauvreté du poète / noblesse de sa quête poétique
Rimbaud est le vassal (« féal ») soumit à sa maitresse (« Muse ») > lien de
fidélité sans bornes
« Muse » = divinité guidant le poète et régnant sur son inspiration
personnification, il s’adresse à elle
Champs lexical : poésie romantique
V.4 : Jusque-là, le poème = prosaïque, trivial on bascule mtn dans le lyrisme
Rupture avec « Oh ! là ! là ! » > interjection créant suite de monosyllabes
désarticulant le vers
+ Hyperbole : « amours splendides » > adresse à la Muse
alexandrin disloqué
montre l’enthousiasme du poète devant les rêves qui ont été les siens
puis tourne en dérision ses exaltations passées, les excès de la poésie
amoureuse
> ironique ; Rimbaud parodie le style romantique pour mieux s’en
détourner
La forme du poème participe à son sens
Versification irrégulière rend compte de la flânerie sans but de Rimbaud
Bilan sur le premier quatrain :
La bohème choisie par le poète se caractérise par :
- insouciance matérielle
- liberté
Elle autorise l’imagination et le rêve, restitué avec lyrisme et humour
(autodérision).
V.5 : « Mon unique culotte » = prosaïque avec thème de la pauvreté : « large
trou »
V.6 : « ma course » indique marche rapide A nouveau, Rimbaud se moque de
lui-même
Transformation du réel en conte merveilleux par la poésie
V.6/7 : image du « Petit-Poucet rêveur » sur plusieurs vers métaphore filée
Le poète s’identifie au Petit Poucet, or lui ne sème pas des cailloux mais
des rimes
> rejet « Des rimes » met en valeur le terme « rimes »
De plus, l’errance des deux est provoquée par une souffrance causée par les
adultes.
+ champ lexical de la marche (« j’égrenais ») associé : au rêve, à l’écoute de la
Nature, à la fraicheur et à l’ivresse.
Ces sensations agréables traduisent la libération des sens et de l’imagination du
poète. Il ressent et éprouve le monde plus intensément > sensations nouvelles.
Poursuite du récit de la fugue en pleine nature
Il dort à la belle étoile : « Mon auberge était à la Grande-Ourse » > métaphore
Rimbaud insiste sur le thème de l’auberge, endroit qu’il trouve rassurant et
sensuel (« La Maline »)
liberté de création et de mouvement lui permet de trouver l’inspiration
+ opposition entre auberge à la Grande-Ourse // pauvreté
> dimensions COSMIQUE VS PROSAIQUE
V.8 : « Mes étoiles au ciel avaient un doux frou-frou »
Les étoiles s’animent et émettent un léger bruit, allusion sensuelle des
danseuses étoiles avec leurs jupons ?
Le vagabondage du poète prend des dimensions cosmiques > registre du
merveilleux ouvrant la voie à l’univers fantastique.
« frou-frou », terme normalement proscrit car trop familier, renvoie au sous-titre
« Fantaisie »
> sonorité enfantine et naïve Rimbaud se moque de la poésie romantique
« trou » et « frou-frou » = rime insolite Rimbaud s’amuse avec les mots
+ assonance en « ou » dans 2e quatrain
Bilan sur le deuxième quatrain :
Les deux quatrains mêlent des registres nobles, poétiques et de liberté
formelle : alexandrin disloqué, rimes insolites.
Rimbaud s’inscrit dans une poésie non classique, désinvolte. Il choisit le
II- Un jeune poète inspiré et créatif
Informations essentielles à aborder :
Les deux tercets ne forment qu’une phrase + lien fort entre les quatrains et les
tercets
Les rimes des quatrains sont embrassées > classique
Or Rimbaud ne respecte pas la règle du même jeu de rime pour les 2 quatrains
(ABBA et CDDC).
V.9 : ce vers enjambe le dernier vers du 2e quatrain : « Et je les écoutais »
+ Rimbaud « assis au bord des routes » est en marge de la société :
Sa marginalité fait de lui un poète de génie, sans elle, il ne peut pas écrire
Forte communion avec la nature ; rôle de la nature dans le bonheur de
Rimbaud.
Elle est protectrice, bienveillante et aiguise ses sens > la « rosée » avec
parfum et goût
Plusieurs sens sont convoqués au même endroit : synesthésie
V.10/11 : rejet « je sentais des gouttes » laisse une libre interprétation au
lecteur
La « rosée » = nourriture spirituelle pour Rimbaud, elle est comparée à un vin
+ « ces bons soirs de septembre » = période de vendange
le poème comme le fruit arrivent à maturité
+ « vin de vigueur » = élan vital de la nature
la nature lui fait l’effet d’un vin > ivresse
V.12 : l’errance est accompagnée d’une transfiguration du paysage
La nature devient mystérieuse/menaçante : « ombres fantastiques »
+ Champs lexical de la poésie : « rimant »
Rimbaud exprime encore la joie d’écrire des vers dans cette nature (cf.
quatrains)
V.13 : « lyre » = premier instrument des poètes (Orphée)
+ retour du prosaïque : « je tirais les élastiques »
Rimbaud tourne en dérision ses émois poétiques avec la lyre associée aux
élastiques
fantastique, univers du conte de fée filé tout le long du poème
La forme du vers n’est pas classique > pas de césure à l’hémistiche mais à
« je »
le poète déforme les codes du vers pour former une nouvelle poétique
V.14 : « mes souliers blessés » = métonymie (désigne le contenant pour le
contenu)
pieds blessés véritablement à cause des heures de marche du vagabond
+ nouveau signe de pauvreté
pauvreté apparait comme une épreuve surmontable pour le poète ;
permettant peut-être une idylle avec la Muse ?
Par contagion, le terme « cœur » semble blessé aussi.
> Le chemin poétique de Rimbaud est semé d’embuches et de pannes
d’inspiration ?
Le dernier hémistiche du V.14 est énigmatique :
- Double sens du terme « pied » (champ lex : poésie/marche)
- Jeu sur le contraste entre « pied » et « cœur »
> Prosaïsme du pied touchant le sol // symbole de l’amour du cœur
Rimbaud se moque à nouveau des clichés de la poésie romantique
La chute du poème est loufoque.
Conclusion
Réponse au projet de lecture :
« Ma Bohème » est placé en conclusion du recueil des Cahiers de Douai. Rimbaud
se dépeint comme un troubadour vagabond. Il y parle de pauvreté, de son attrait
pour le voyage, de révolte, de l’enfance, d’une mère Nature nourricière, d’amour
et de poésie.
Tous ces thèmes sont les thèmes de prédilection de Rimbaud. Il refuse de se
prendre trop au sérieux : il parodie, casse les élans lyrique en utilisant du langage
familier ou oral, joue avec les mots et utilise l’autodérision.
« Ma Bohème » est une sublimation poétique de l’errance ; le manifeste d’une
poésie nouvelle et iconoclaste (=qui s’oppose à la tradition).
Ouverture Rimbaud, Cahiers de Douai, « Sensation »
> sorte d’amour bohème, pas métalittéraire contrairement à « Ma Bohème »