[go: up one dir, main page]

0% ont trouvé ce document utile (0 vote)
28 vues33 pages

Sociologie Des Migrations

Le document présente un cours sur la migration, abordant l'accès aux territoires et l'intégration des migrants, tout en déconstruisant les stéréotypes négatifs associés à la migration. Il examine les évolutions historiques, les caractéristiques contemporaines des migrations, ainsi que les théories économiques et politiques qui expliquent les flux migratoires. Enfin, il souligne l'importance des réseaux sociaux et des structures d'opportunités politiques dans le processus migratoire.

Transféré par

Crimson Nugget
Copyright
© © All Rights Reserved
Nous prenons très au sérieux les droits relatifs au contenu. Si vous pensez qu’il s’agit de votre contenu, signalez une atteinte au droit d’auteur ici.
Formats disponibles
Téléchargez aux formats PDF, TXT ou lisez en ligne sur Scribd
0% ont trouvé ce document utile (0 vote)
28 vues33 pages

Sociologie Des Migrations

Le document présente un cours sur la migration, abordant l'accès aux territoires et l'intégration des migrants, tout en déconstruisant les stéréotypes négatifs associés à la migration. Il examine les évolutions historiques, les caractéristiques contemporaines des migrations, ainsi que les théories économiques et politiques qui expliquent les flux migratoires. Enfin, il souligne l'importance des réseaux sociaux et des structures d'opportunités politiques dans le processus migratoire.

Transféré par

Crimson Nugget
Copyright
© © All Rights Reserved
Nous prenons très au sérieux les droits relatifs au contenu. Si vous pensez qu’il s’agit de votre contenu, signalez une atteinte au droit d’auteur ici.
Formats disponibles
Téléchargez aux formats PDF, TXT ou lisez en ligne sur Scribd
Vous êtes sur la page 1/ 33

Cours 1

Cours en deux parties :


- Partie 1 : question de l’accès aux territoires
- Partie 2 : intégration, assimilation, insertion des migrants (comparaison USA-Europe)
Livre « sociologie des migrations » comme support.
Examen : 1 question théorique, 1 question de réflexion.

Introduction
Comment définir ce qu’est ou ce que n’est pas un migrant ? On voit les premiers mouvements
massifs aux USA depuis l’Europe et l’Afrique. Le migrant a aujourd’hui une connotation
négative mais la migration est ancienne. Il faut déconstruire les images que véhiculent les
médias, etc.

1800-1925 : période pré-industrielle -> migration depuis l’Europe vers l’Argentine,


l’Australie, le Canada, la Nouvelle-Zélande, les USA.

1925-1960 : la migration est limitée notamment par des restrictions aux USA.

1960 : migration post-industrielle.

1990 : migration devient globale.

Quelques chiffres.

Deux évolutions structurelles :


- De plus en plus de personnes se déplacent, dans tous les pays du monde
- Les politiques migratoires sont de plus en plus fermées/sélectives, de plus en plus
injustes et de plus en plus coûteuses.

Migration :
- Espaces parcourus (interne-international)
- Durées : saisonnier, temporaire, durable
- Causes : forcée/volontaire, de travail/de peuplement, brain drain, traite des êtres
humains

Caractéristiques des migrations contemporaines (Castles & Miller, 2009 : The Age of
Migration) :
- Globalisation de la migration
- Accélération de la migration
- Différenciation de la migration
- Féminisation de la migration
- Politisation de la migration
- Industrie de la migration
- Entre circulation et installation

Catégorie sociale VS. Catégorie juridique


- Catégorie juridique : l’étranger (= non-national), mais dans l’UE trois catégories :
nationale, étranger ressortissant d’un pays de l’UE et l’étranger ressortissant d’un État
tiers
- Catégorie sociale : migration (connotation négative). Différence entre un migrant
Sud/Nord et un migrant Nord/sud ou Nord/Nord (expat) -> le migrant suscite un
soupçon de légitimité du motif de mobilité et un déclassement social
(indépendamment du niveau de diplôme) alors que l’expat bénéficie d’une légitimité
de la mobilité et d’une appartenance aux classes sociales moyennes et supérieures.
Migrants et demandeurs d’asile

Réfugiés et migrants = catégories d’Etat.


Loi sur l’étranger (toutes catégories confondues) mais politiques différenciées.
Asile = régime propre, institutions spécifiques (Office des étrangers / CGRA)
Immigrés : travail, études, regroupement familial
Opposition immigration choisie et immigration subie = conflit entre le pouvoir des États et le
développement des droits fondamentaux
Accroissement des droits des migrants : Différence entre Europe et Arabie Saoudite.

Les migrants = catégorisations de l’Etat


- La demande d’asile
- Le visa de courte durée (dit visa touristique)
- Le regroupement familial
- Les études
- Le travail
- Les raisons humanitaires ou médicales
Les théories relatives aux flux migratoires
1. Les théories relatives aux flux migratoires

Les analyses macro-économiques (Borjas, Todaro)


Approche économique classique
Migration répond à différence géographique de ration capital/travail
Migration et pression sur les salaires
Macro : grand nombre

Les analyses micro-économiques


Unité d’analyse : individus
Choix rationnels

La nouvelle économie de la migration (Stark, Taylor)


Approche économique
Unité d’analyse : famille
Revenus pas homogènes

Le marché du travail segmenté (Piore)


Marché du travail est segmenté : primaire, secondaire.
« Ethnic enclaves »

La théorie du système monde (Wallerstein, Sassen)


Centre/périphérie/semi-périphérie
Dimension politique

Cours 2
(2e cours : Principales approches théoriques vues la semaine passée (système monde,
approche économique, approche politique). Aujourd’hui, plus en lien avec les
questionnements actuels. Théories qui posent moins la question de l’existence que celle de la
persistance du mouvement migratoire.)

Les théories du capital social


Capital social comme somme des ressources réelles ou virtuelles qu’un individu ou un groupe
accumulent en possédant un réseau +- stable de relations.
Ex : activer notre réseau social de personnes connues en cours pour demander les slides d’un
cours raté. Ce n’est pas uniquement le nombre de contact mais la qualité de contact. Si on
connait quelque personne très bien, on aura plus de chance d’avoir les notes que si on connait
bcp de personnes de vues.
Réseau migrants (migrant network) : Dans l’étude migratoire, les migrants aussi ont des
réseaux de relation qui connectent ceux qui sont déjà partis, ceux qui partent et ceux qui
prestent.
L’existence d’un réseau diminue les couts et les risques de la migration, favorise l’adaptation,
etc. Si on est le premier à partir dans un pays qu’on connait pas du tout, ça va être compliqué
de trouver un emploi car pas de connexion, car on ne connait pas le système, intégration
sociale compliquée. Or, si qq de ma famille me rejoint je peux l’introduire. La migration aura
plus de probabilité de mieux se dérouler pour cette seconde personne. La migration est certes
une décision individuelle mais cette décision aura des effets sur d’autres personnes. Il est plus
probable que des personnes partiront vers un pays où il y a des gens qu’on connait.
Le capital social des migrants a un impact sur où ils partent, les modalités de départ (par où
passer, comment faire), les modalités d’installation (choix du quartier, travail). La
conséquence politique de ça c’est qu’on ne peut pas bloquer la migration. Une fois qu’une
personne est partie, une chaine de migration se crée vers ce pays. Peu importe les murs qu’on
construit. Il suffit une présence d’une communauté immigrée pour que d’autres personnes
continuent à arriver.

Cumulative causation (Douglas Massey, 1999)


Effet cumulatif des causes de migrations. A un moment, la migration devient son propre
moteur. Chaque acte change le contexte de la migration faisant en sortes que les prochaines
décisions rendront la migration plus probable. Cela explique pourquoi malgré qu’il ne soit
plus aussi avantageux en terme légal de venir par exemple en Belgique, mais les marocains
arrivent toujours -> la migration est devenue son propre moteur. Malgré les politiques
restrictives en Europe, la migration continue.

Les structures d’opportunités politique (Portes, 1993)


Les législations et les états (contexte d’opportunités ou pas de migration -> facteurs multiples
qui organisent la migration et le processus d’installation).
Ouverture/fermeture des politiques : les législations ouvrent ou restreignent les voies légales
liées à la migration. Ce contexte politique là impacte les choix de la migration. Pas
uniquement national mais aussi l’européanisation des politiques migratoires. Certaines sont
définies par des directives.

Découpage de la structure d’opportunités politique (Pécoud, 2004)


- Environnement politico-légal : catégories de migrants qui ont droit à certains droits via
certaines procédures (voies légales en tant que demandeur d’asile, visa étudiant,
regroupement familial), etc. L’État ne définit pas seulement la manière dont les
migrants arrivent mais aussi les conditions d’installation (citoyenneté, etc.).
- Environnement économico-institutionnel : politiques de l’état social (droits sociaux
auxquels ont droit les migrants, notamment au niveau de la santé, même si
difficilement accessibles), structuration du marché du travail qui est de plus en plus
fragmenté (de plus en plus types de contrats différents : sous-traitance, CDI, travail
saisonnier) et segmenté (jobs valorisés vs secondaires = three D jobs -> dirty,
demanding, danger). Cela détermine aussi les choix de la migration.
Le transnationalisme
Émergence de nouveaux schémas de migration, d’une multiplicité de liens. Globalisation de
la migration (moins de schémas pays d’arrivée-pays de départ) -> multiplicité des contacts.
Transnationalisme : processus par lequel les migrations créent et maintiennent de liens actifs.
On parle alors de migrants transnationaux ou de transmigrants (Glick-Schiler, 1992).
Communautés transnationales (Portes, 1999, Zhou, 1992, Faist 1998) : situation où ceux qui
sont parties et ceux qui sont déjà là sont tenus par des liens symboliques et sociaux forts.
Espaces transnationaux : ceux qui bougent créent des schémas collectifs et individuels.
Combinaison de tous ces liens crée des lieux où les communautés transnationales se
rencontrent. Ces espaces sont dans des processus dynamiques où il se reconfigurent.
Commerce et migration (Simmel et Schutz) : début du 20e siècle ???
Économie du bazar (Tarrius, 2002 ; Peraldi, 2001) : ???
Exemple d’application : la connaissance de politiques migratoires par les migrants

2. Théories relatives à l’Etat

Recherches plus actuelles, débat au sein et hors de l’université.

Etudier l’immigration c’est étudier l’Etat (Sayad, 1999) : Sayad, qui était le doctorant de
Bourdieu, met en avant une proposition forte : étudier l’immigration en étudiant l’Etat. C’est
fort car on s’intéressait à l’époque avant tout à la question démographique, des immigrés en
tant que telle. Mais que dit l’immigration de l’Etat ? Que fait l’Etat par rapport à la migration
(politique migratoire) ?

Politiques migratoires, que fait l’Etat ?


• La restriction (Block et Bonjour, 2012) : forteress Europe
Il y a de plus en plus de restriction, idée de fermer les frontières et de se barricader.
• La sélection (De Haas et al, 2018) : (un)desirable migrants ; class and race.
Depuis les années 2000, les différentes restrictions relatives à la politique migratoire ont été
étudiées comme un tournant restrictif mais plus récemment, on a l’idée que cette restriction
s’applique de manière restrictive. On n’applique pas la restriction de manière indifférenciée
(forteresse), il y a toujours des personnes qui arrivent. Les politiques migratoires sélectionnent
en réalité les migrants. Cette littérature pose la question de savoir qui est sélectionné et ce que
cela dit. C’est l’idée qu’il y aurait des migrants désirables du point de vue des gouvernements
et d’autres seraient indésirables. Par exemple, Sarkozy parlait d’immigration subie et
d’immigration choisie par l’État. L’immigration qualifiée de subie par les politiques fait
souvent référence à l’immigration relative à des droits mais pas spécialement pour chercher
de l’emploi. L’immigration dit choisie serait plutôt productrice. On est donc dans de la
sélection sur base de la « désirabilité des migrants ».

Qu’est-ce qui peut nous dire qu’il y a désirabilité ou non ?


En théorie, toute personne n’ayant pas la nationalité belge est étrangère. Or, dans les
politiques migratoires sont sélectives sur certaines catégories d’étrangers. Quels sont les
critères définissant ces catégories ? Les chercheurs (Bonjour et al.) mettent en avant des
enjeux de genre, de la classe sociale et de l’origine ethnique à partir d’une étude des débats
parlementaires :
- La classe sociale : par les nouvelles législations, on essaie d’attirer les migrants qui
vont travailler -> modification du regroupement familial en 2011 ajoutant une
condition de revenus stables et suffisants. On ne veut pas des personnes précaires ou
au chômage. On veut des familles auto-suffisantes d’un point de vue économique.
- L’origine ethnique : débat sur les politiques d’intégration -> on demande à certaines
catégories d’étrangers de suivre des politiques d’intégration, or ces très rarement aux
citoyens européens et américains qu’on demande. Ce sont en effet plutôt les personnes
d’origine turque, marocaine, sub-saharienne qui sont désignées comme indésirables et
à contrôler dans les débats parlementaires, mais jamais des personnes américaines ou
françaises par exemple. Ce sont les personnes considérées et construites comme autres
du fait de leur origine.
- Le genre : les femmes d’origine étrangère sont plus souvent considérées comme
devant être protégées que contrôlées. On va notamment contrôler certains hommes
étrangers par les législations contre le mariage forcé par exemple. Les hommes et les
femmes ne sont pas considérées de la même façon. Cette dimension s’agence avec
celles de l’origine ethnique et de la classe sociale.

Pourquoi, malgré le fait que les politiques appellent de plus en plus à la restriction depuis les
années 2000 (discours durçi sur la question migratoire), pourqoui il y a-t-il toujours de
l’immigration -> les obectifs ne correspondent pas aux résultast sur les terrains.

Control gap debate (top down approach)


Débats en sciences politiques : Les politiques appellent de plus en plus à la restriction depuis
les années 2000 (discours durci sur la question migratoire avec une volonté restrictive) MAIS
en pratique, l’immigration continue. Pourquoi les objectifs ne correspondent pas aux résultats
sur le terrain ? « Why state accept unwanted migration » (Joppke, 1998).

Quels éléments au sein de l’État peuvent expliquer ce « control gap », cette différence entre
ce qui est annoncé et la réalité ? 3 hypothèses explicatives (Bonjour, 2011) :
- Les hommes politiques ont perdu leur capacité à édicter les politiques restrictives
qu’ils désirent. Il s’agit de l’influence des contre-pouvoirs au sein de l’Etat et
notamment du pouvoir judiciaire. Celui-ci est saisit par les migrants qui défendent
leurs droits (la migration c’est aussi des droits, des conventions internationales, la
convention européenne des droits de l’homme, la convention de Genève, etc. que les
États libéraux se doivent de respecter). Les juges en défendant ces droits ne permettent
pas aux hommes politiques de mettre en œuvre les politiques restrictives qu’ils
désirent. Par exemple, dans le cadre du regroupement familial, la Hollande avait mis
une condition de revenu à l’arrivée des familles assez stricte et définie (seuil
minimum) en 2010. Cette décision a été invalidée par la cour de justice européenne
qui avait été saisie par un migrant.
- Distribution des intérêts au sein de l’État : outre l’opinion publique, les groupes
économiques ont plutôt intérêt à favoriser l’immigration, notamment pour faire baisser
les salaires (besoin de main d’œuvre). Les politiques servent également ces groupes
d’intérêts, outre les discours sur les politiques restrictives qui visent l’opinion
publique.
- Structures institutionnelles dans lesquelles se font ces politiques : les lois au niveau
Européen sont élaborées par des personnes qui sont beaucoup moins exposées que les
politiques nationaux aux pressions de l’opinion publique (pas d’annonce devant les
journalistes, etc.). Il y a donc moins tendance aux attitudes restrictives. Il faut savoir
que les directives européennes ont une influence majeure sur la politique migratoire
nationale. Elles sont en effet contraignantes (sanctions si pas respectées) et doivent
être transposées dans la législation nationale. Elles peuvent également contenir des
closes optionnelles qui ne sont alors pas obligatoires, bien que l’État qui les met en
œuvre annoncent parfois qu’elles sont obligatoires.

Street-level approach (bottom up approach)


Approche plutôt sociologique. Question de l’approche par le bas de l’État : les administrations
qui mettent en œuvre les politiques. Littérature sur les politiques sociales et pourquoi elles ont
été un véritable échec sur le terrain aux USA dans les années 60’ (différence objectifs-
résultats). La mise en œuvre de la loi fait aussi partie du processus de d’élaboration des
politiques publiques -> les administrations qui les mettent en œuvre font un travail de
redéfinition de l’action publique. On reçoit des lois parfois pas très claires, il faut redéfinir
tout ça. Exemple : comment évaluer des revenus stables et suffisants ? Il y a une grosse marge
de manœuvre car peu de critères précis. Les politiques publiques existent concrètement à
travers ce que font les agents de terrain. Ce que vont décider les personnes au guichet par
exemple sera la signification pratique de la politique publique.

Appliqué à la politique migratoire : Un policier à la frontière voit une masse de gens passer, il
ne peut pas contrôler tout le monde sinon ça bloque complètement la frontière. Ces gardes-
frontières doivent prioriser. Ils contrôlent en premier ceux qu’ils pensent qu’ils sont plus
susceptibles de frauder, afin d’avoir le plus de chance de trouver une fraude car pas les
ressources pour contrôler tout le monde. Il s’agit donc de catégorisation entre les migrants à
risque qu’il faut contrôler et ceux dignes de confiance -> débat du contrôle au faciès. Cette
catégorisation repose sur la construction de savoirs pratiques : par la pratique, les agents de
terrain « savent » qui contrôler. Cela est d’autant plus valable aux frontières où on n’a pas
accès à un avocat pour défendre ses droits. Ruse de la mise en œuvre : les états font des
politiques qui respectent en apparence les droits des migrants mais ils laissent en pratique une
marge de manœuvre suffisante pour que ces droits soient nuls. En effet, si on refuse l’entrée à
un migrant à la frontière, il n’a pas la possibilité de prendre un avocat afin de mettre ses droits
en avant.

Prendre en compte les différents niveaux d’analyse

Carrières migratoires (Martiniello et Rea, 2014)


Reprendre le concept de carrière de Becker pour l’appliquer à la migration : des
apprentissages qui vont transformer notre identité et nos choix. C’est un processus de
construction déterminé par plusieurs niveaux :
- Les structures d’opportunités : conditions structurelles, institutionnelles et politiques -
> comment l’état nous considère en tant que migrant
- Les caractéristiques individuelles (âge, sexe, situation familiale, nationalité, etc.)
Notre identité et les opportunités dont on dispose rencontre la médiation d’un notre niveau :
- La mobilisation des réseaux sociaux (apprentissage des savoirs) ou du capital
économique
En fonction des structures d’opportunités et de qui on est, on va activer des réseaux et
mobiliser les ressources dont on dispose. On prend donc différent niveaux institutionnels
(macro), individuels (micro) et le niveau intermédiaire dans les carrières migratoires.

Genre et migration
Débat du genre et de la migration : Les oiseaux de passage sont aussi des femmes.
Inscription dans un modèle patriarcal la position des femmes, statut dérivé des hommes
Androcentrisme des études migratoires (Kofman, 2004) : on oublie toute la sphère
domestique (care) qui fait aussi partie du marché du travail. C’est là qu’on retrouve les
femmes migrantes. Ex : titres-services à Bruxelles, aide à la personne en Italie. On envisage le
travail et les migrations d’un manière qui invisibilise le rôle des femmes. Nouveaux travaux
sur les trois marchés de l’emploi : sur le care, le travail domestique et la prostitution.
Importance des rapports sociaux de sexe dans le pays d’origine pour comprendre les
migrations féminines. Les femmes de certaines régions du monde ont des carrières et doivent
alors jongler avec un double travail : le travail domestique et le travail traditionnel. Ce
manque de main d’œuvre est comblé par les femmes migrantes. Exemple : migration
philippine.

Migration : politics of belonging


La migration comme politique d’appartenance : Les travaux sur la migration se concentrent
sur l’économique, la contrainte judiciaire et la pression électorale mais on oublie le rôle des
identités et de la culture dans l’élaboration de la politique migratoire.

Depuis 2000 en UE : culturalisation du débat sur la politique migratoire. On justifie les


politiques migratoires restrictives par l’échec de l’intégration des migrants -> débats
parlementaires qui ont mené à la loi de 2011 : idée qu’il faut mettre des conditions restrictives
pour les belges aussi qui se marient dans le pays d’origine. Les belges étaient dans un régime
privilégié mais on met la en évidence certains belges qui devraient avoir les mêmes conditions
que les étrangers car ils feraient l’objet des mêmes mariages de complaisance.
Exemple des politiques de regroupement familial : définir la famille légitime comme la
famille nucléaire. On ne prend par exemple pas en compte le mariage polygame.

Illustration : modification du RGF en 2011 et les « nouveaux belges »


Migration et héritage colonial

Question de l’héritage colonial (Hajjat, 2014) : « ensemble de pratiques construites dans la


situation coloniale (…) qui sont réactivées dans la situation de l’immigration postcoloniale. »
Historien : question de l’héritage colonial / fracture coloniale -> reproduction à l’identique ?

Sociologie de l’immigration :
- Sayad : la condition de l’immigré postcoloniale (issu des anciennes colonies) doit être
étudiée dans une histoire plus longue, car ces pays ont une relation historique. On ne
peut pas comprendre l’immigration Algérienne sans la replacer dans un contexte
historique par exemple. Homologie de la position entre les indigènes durant la période
coloniale et l’immigré postcoloniale, avec une différence importante concernant le
territoire.
- On peut étudier les représentations ou étudier les catégories : l’altérité de l’intérieur ;
pratiques d’encadrement et agents d’État ; reconversion des agents de l’État ; question
de catégories

Cours 3 (20.02.2020)

Sociologie politique des migrations en Europe


Europe : l’ordre des migrations ordonnées (1945-1974)
On considère souvent que la politique migratoire a émergé entre 45 et 75. C’est le moment où
l’État entre en jeu et organise la mobilité. L’immigration devient une affaire d’États.

Les migrations touchent plusieurs États européens avec des caractéristiques similaires : les
migrants sont des ouvriers peu qualifiés, des hommes seuls mis en marge de la société. En
Belgique, les premiers italiens venus travailler étaient logés dans des anciens bâtiments de
prisonniers de guerre. La migration était alors considérée comme temporaire.

Migration coloniale : Les années 45-60 sont caractérisées par un grand manque de main
d’œuvre. Certains pays font appel à la main d’œuvre de leurs colonies, comme la France qui
fait venir des Algériens, tout comme l’a fait la Grande Bretagne. La Belgique est une
exception qui n’a pas fait appel à sa colonie malgré un grand besoin de main d’œuvre : mise à
distance des ressortissants des colonies.
Les conventions bilatérales : L’Allemagne signe des conventions avec l’Italie, l’Autriche avec
la Turquie. Ces conventions sont importantes car elles sont les premiers accords entre États
sur des questions de mobilité.

Une politique négociée État-Patronat-Syndicat : Commission tripartite -> dans un objectif de


faire face à une demande de main d’œuvre à faible coût, l’état, le patronat et les syndicats se
rencontrent pour discuter de la mise à l’œuvre de ces migrations.

Une politique d’adaptation conjoncturelle de la main-d’œuvre : ?

Le modèle du Gastarbeiter ou Guestworker : ces sont des travailleurs temporaires. On


envisage d’expluser ces travailleurs quand on en aura plus besoin. L’immigration n’est
envisagée qu’à travers le prisme du travail.

Ethno-stratification du marché de l’emploi (stratification en fonction de la nationalité) : les


travailleurs étrangers sont intégrés de manière segmentaire dans la classe ouvrière. Ils sont
discriminés dans le secteur du travail. On ne les engage que dans certains secteurs particuliers.
Ils sont considérés comme agitateur par l’Etat.

Solidarité sociale :
- Travail industriel et masculin (les femmes migrantes ne font qu’accompagner leurs
maris)
- Intégration dans le modèle fordiste et salarial : ils reçoivent un salaire et ont accès aux
organisations syndicales bienq u’ils n’ont pas de droits civils. Les droits des immigrés
sont alors dérivés de leur travail et du rapport salarial. Les droits acquis le sont par les
conventions de travail, les conventions bilatérales, etc.
- Intégration sociale plus que culturelle et nationale (conscience de classe : ouvrier,
national, machisme)
- Racisme plus dans les lieux de vie que sur les lieux de travail

Le cas de la Belgique :
- Entre deux-guerre
Les entreprises font face à un manque de main d’œuvre, on importe alors des travailleurs
migrants de Pologne et d’Italie. 170.000 étrangers arrivent en une décennie. Il y a alors un
changement de profil des immigrés. Il s’agissait avant la guerre des personnes aisées. Ce sont
maintenant des paysans.
Régime de la double autorisation ; il faut un permis de travail et un permis de séjour pour
venir travailler en Belgique. Ce régime est toujours d’application aujourd’hui. Il n’y avait
alors pas encore d’accords entre Etats.

- Après la deuxième guerre mondiale : bataille du charbon


Il y a un déficit charbonnier qui impacte les autres secteurs et ainsi la reconstruction de la
Belgique après-guerre. L’objectif était alors de gagner cette bataille du charbon afin de
reconstruire économique la Belgique. On va dans un premier temps tenter d’attirer les belges
dans les mines mais ça ne marche pas. On va ensuite y faire travailler les prisonniers de
guerre mais ceux-ci sont libérés en 1947.
Première convention bilatérale en 49 : « bras contre charbon » -> 150.000 travailleurs italiens
sont envoyés contre du charbon. Il faut ensuite se tourner vers d’autres pays car l’Italie se met
à critiquer les conditions de travailleurs des mineurs italiens en Belgique. En effet, le 8 aout
1956, un accident dans une mine provoque la mort de 262 mineurs dont 136 italiens.
- Migration et rétablissement démographique (Rapports Sauvy en 46 et Delpérée en 62)
Face à l’affaiblissement démographique en Wallonie, on mobilise la dimension familiale en
faisant venir les familles des travailleurs temporaires. On contre par la même occasion la
mobilité de ces travailleurs qui pourraient trouver un meilleur salaire ailleurs. Un arrêté royal
rembourse la moitié des coûts de voyage pour les familles avec au moins 3 enfants. En 62, on
n’applique plus la double-autorisation afin de faciliter encore plus la venue des travailleurs
étrangers.
Le laisser faire à lieu jusqu’en 65 et le contrôle migratoire apparaît en 1967.

L’ordre de « l’immigration zéro » (1974-2000)

1974 : La Belgique décide d’arrêter l’arrivée organisée de main d’œuvre étrangère.


1974 : La Belgique décide d’arrêter l’arrivée organisée de main d’œuvre étrangère. Double
mouvement de fermeture et d’assouplissement avec la régularisation des étrangers déjà
présents sur le territoire.

Politique de retour : on incite les étrangers à retourner dans leur pays en les payant par
exemple. Elle n’est alors pas encore associée aux centres fermés. Il s’agit alors d’un
changement de politique migratoire et non d’un arrêt de l’immigration qui continue toujours.
Cette décision de fermeture implique trois changements :
- Passage d’une stratégie patronale à une stratégie d’opinion publique
- Passage d’une logique instrumentaliste à une logique de contrôle des populations sur
le territoire
- ?
Avancées législatives : loi sur le séjour permanent : La mobilisation commence dans les
universités autour des étudiants étrangers. Elle s’étend à tous les secteurs de la société. Ces
mobilisations poussent les autorités à régler ces questions. La commission Rolin est chargée
d’étudier la question du statut des étrangers. Le rapport de cette commission donne lieu à une
loi en 1980 visant à donner aux étrangers un statut et des moyens des contestations des
décisions prises à leur égard.

Politique d’acquisition de la nationalité : ?

Européanisation de la migration :
- Traité de Rome (1957)
- Libre circulation (accords Schengen, traité de Maastricht) : les étrangers ressortissants
européens peuvent franchir les frontières sans visa poru le tourisme. Interdiction de
discrimination des étrangers sur le marché du travail. Les Italiens, Grecs, Portugais,
Espagnols ne sont plsu considérées comme travailleurs étrangers mais comme citoyen
d’Etats membres.
- Frontière externe : groupes de travail vont mettre en avant une approche sécuritaire, de
police -> les immigrés sont perçus comme des menaces : reconfiguration de la sécurité
intérieure de l’espace européen.
- Attribution de la citoyenneté européenne
- Lutte contre le racisme
Voir plus loin.

Européanisation de la politique migratoire et policy-making : Quel impact sur la manière dont


les États « font » leur politique migratoire ?
Européanisation horizontale VS européanisation verticale (soft law VS hard law) : la première
est dans une logique non coercitive. L’UE met en place des espaces de collaboration. Elle
n’impose rien mais favorise les contacts entre Etats qui vont être amenés à adopter des
politiques convergentes. ???
- Analyse centrée sur les acteurs et les espaces sociaux : ?
- Impact de la jurisprudence européenne sur les politiques nationales : ?
L’ordre des migrations postfordiste (1990 - ….)
Après la fermeture des années 1974 à 1999, on entre dans une péroide de maitrise de la
migration.

La crise de l’asile
Il y a une augmentation des demandes d’asile en Europe mais une diminution des taux de
reconnaissance (obtention d’un statut légal).

Globalisation et circulations migratoires :


- Shop tourists : mobilité des personnes attachées à des biens de consommation ( ?)
- Commerce à la valise : les personnes vendent à l’étranger -> nouveaux espaces de
circulation -> auto-entrepreneurs. Circulations sur des logiques commerciales. ( ?)
- Entrepreneurs sans entreprise (formel/informel)
- Brain drain, hautes qualifications : migration des travailleurs qualifiés
- Circulation des services, comme les call-center.

Cours 27.02.2020

L’ordre des migrations post-fordistes (1990 - …)


A partir des années 90’, il y a un changement dans le déroulement de la migration. La
globalisation de l’économie entre en lien avec les circulations migratoires -> on voit une
globalisation des migrations en lien avec la circulation des capitaux, biens et services,
l’exportation des modèles consuméristes, la révolution des moyens de communication et de
transports. Il y a un besoin économique de main d’œuvre migrante.

Après la tentative politique de restreindre l’immigration, l’immigration a de manière générale


bien repris en Europe depuis les années 90.
- Nouvelle immigration du travail : on a renoué avec l’immigration de travail et
particulièrement l’immigration saisonnière.
- Nouvelle mobilité qui n’est plus entre le sud et le nord mais entre l’est et l’ouest, avec
les nouveaux Etats membres de l’UE (Pologne, Roumanie, Bulgarie). Il y a une
internalisation de l’immigration au sein de l’espace européen.
On peut distinguer 4 caractéristiques des migrations postfordistes :
- Immigration clandestine : il faut laisser passer les individus. Elle est favorisée par le
marché économique, la pensée libérale (marché sans frontières). Elle n’est plus
organisée par l’État dans les voies légales mais elle amène des travailleurs. Ce n’est
plus une immigration ordonnée, organisée comme dans les périodes précédentes.
- Phénomène de délocalisation des grosses entreprises + délocalisation interne pour les
services qui ne peuvent être exportés comme la santé par exemple : arrivée de
travailleurs migrantes comme des infirmières étrangères, etc. Même chose pour
l’agriculture.
- Paradoxe : criminalisation des migrants + tolérance vis-à-vis de leur présence sur le
territoire.
- Nouvelles politiques d’accords bilatéraux, notamment avec la Pologne. Législation sur
le détachement du personnel : entreprise polonaise peut faire travailler temporairement
ses employés en Belgique tout en payant les cotisations sociales en Pologne.

Fragmentation de la figure du « travailleur immigré ».


Le travailleur étranger était principalement un ouvrier masculin peu éduqué venant au nord
vendre sa force de travail. Exemple de l’ouvrier italien venant des zones très rurales et
catholiques. Maintenant ça se complexifie. Le travailleur immigré peut être un travailleur
saisonnier dans l’agriculture, un travailleur illégal, un travailleur avec un permis de travail
temporaire. Il s’agit également de sous-traitance en cascade : selon la législation, un contrat
peut être sous-traité à maximum 7 sociétés -> problème des boites fictives qui permettent de
payer les cotisations sociales à l’étranger tout en faisant travailler les employés en Belgique.
La circulation des services favorise le recours à des travailleurs irréguliers.
L’idée du guestworker disparait (travailleur immigré intégré). Avec cette fragmentation et le
maintien des immigrés dans des statuts de séjours précaires, on les maintient aux frontières
des institutions et des droits. Ils ne bénéficient que de l’aide médicale urgente sans avoir droit
à une mutuelle, etc. Les travailleurs sont physiquement présents mais sont totalement exclus
du marché du travail régularisé et de l’État de droit.

Déplacement des secteurs d’activités, de l’emploi industriel à l’emploi dans les services et le
bâtiment : L’agriculture, la construction et la rénovation, les services aux personnes, le
nettoyage, la domesticité, les hôtels-restaurants.
Ce sont les femmes migrantes qui assument le travail du « care ». Ce sont les nouveaux
secteurs demandeurs de main d’œuvre étrangère. La mondialisation conduit de plus en plus
l’appel de travailleurs migrants pour les « 3D-jobs » : « dirty, dangerous and demanding ». Ce
sont les secteurs où les nationaux ne veulent plus travailler.

Le travail irrégulier : transformation des stratégies entrepreneuriales qui sont de plus en plus
fondées sur l’externalisation des coûts salariaux (sous-traitance en cascade, flexibilité du
travail). C’est un nouvel usage de l’emploi et de nouveaux modes de gestion. Gestion
néolibérale des travailleurs sans type de séjours (depuis les restrictions des années 80 :
l’immigration continue mais les titres de séjour ne sont plus autant octroyés). Le travail
irrégulier permet une main d’œuvre flexible qui est prête à accepter différents types de
conditions de travail. Cela permet une réduction des charges patronales sur les emplois fixes
et de faire face aux fluctuations ponctuelles (on engage quand on a besoin voir à la journée).
Ces travailleurs ne sont pas sous-contrats ou sont facilement licenciables, ce qui permet donc
une grande flexibilité aux patrons. Le refus de donner un permis de travail permet de créer des
catégories de salariés de plus en plus bridés. Cette flexibilisation et précarisation du
travailleur sert parfaitement aux entreprises qui doit faire face aux fluctuations conjoncturelles
et saisonnières ainsi qu’à la concurrence internationale.

Caractéristiques du travail des nouveaux migrants.


Les Italiens venus travailler en Belgique après la GM2 n’avaient pas accès à tous les droits
mais étaient intégrés. Dans l’ordre des migrations fordistes, ce n’est plus le cas. On entre de
plus dans une solidarité de pairs (connivence ethnique). Il appartient de moins en moins au
monde du travail (droits du travail, syndicats) -> le travailleur n’est pas déclaré ou est sur des
périodes de travail très courtes, ou travail invisible (travail du care) -> beaucoup plus difficile
de se mobiliser.
Logique de connivence ethnique : dans certains secteurs où le poids du travail irrégulier est
très fort, on fait appel aux gens qui se connaissent par la même origine. Ethnicisation des
rapports de travail : les personnes d’une certaine nationalité engagent des travailleurs de la
même nationalité.
Les rapports entre salariés et syndicats changent également en raison de la sous-traitance et la
précarité : travails temporaires donc mobilisation temporaires, précarité des titres de séjours
fait que les travailleurs n’ont pas envie de se rendre visibles, etc. -> peu de mobilisation.
Disposition favorable à l’entreprenariat (par rapport à la période fordiste où la perspective des
travailleurs immigrés était d’être un bon salarié) : les travailleurs immigrés montent plus
leurs propres entreprises. Exemple : commerces de nuit des pakistanais à Bruxelles.

L’européanisation de la politique migratoire


Traité de Rome : démarre l’européanisation de la politique migratoire, qui n’est pas une
période circonscrite mais qui est en construction encore aujourd’hui.
Multiplication des statuts faisant tomber les mesures qui limitaient le droit d’accès au marché
du travail des étrangers. L’opposition entre étranger et national est devenue plus complexe :
les étrangers européens sont juridiquement ressortissants d’un État membre contrairement aux
ressortissants des états tiers.

Traité de Maastricht : Sur quoi se joue cette citoyenneté européenne ?Le traité de Maastricht
fixe la citoyenneté européenne comme étant le fait de posséder la citoyenneté d’un État
membre -> ça conclue la frontière entre l’Europe et les États tiers. Cela avalise toutes les
législations nationales sur l’accès à la nationalité.

Libre-circulation : 5 pays signent les accords de Schengen et une charte d’intervention qui
vise à abolir les frontières. Cette charte se concrétise par des groupes de travail composés des
fonctionnaires de l’intérieur -> logique de police : contrôle et criminalisation de l’immigration
clandestine. L’affaiblissement des frontières intérieures va alors de pair avec le renforcement
des frontières extérieures. Il y a une volonté des fonctionnaires de se détourner des contraintes
nationales : créer un espace où se définissent les politiques migratoires sans être soumis aux
contraintes de l’espace national. La criminalisation de l’immigration légitime cette logique de
police + contexte historique de l’effondrement du bloc soviétique et l’arrivée de réfugiés, 11
septembre et l’émergence d’un terrorisme islamiste -> renforcer les frontières externes.

Traité d’Amsterdam : les accords de Schengen sont intégrés dans un protocole -> tous les
nouveaux États membres doivent s’inscrire dans l’accord de Schengen. Ce traité consacre la
compétence de l’UE en matière d’asile et de l’immigration (qui étaient la compétence des
États). Toutes les politiques ne sont pas maintenant définies au niveau supranational, cela
reste des décisions intergouvernementales. Les États-membres gardent un poids important
dans les décisions des politiques européennes migratoires car il y a une méfiance envers les
institutions européennes qui adoptent des logiques et une vision qui sont peu dans la
surveillance et le contrôle mais plutôt dans une volonté d’étendre la liberté de circulation aux
pays-tiers, de politiques migratoires plus généreuses. Ce traité stipule donc que l’entrée et le
transit dans l’espace Schengen est soumis aux logiques de Visa pour ceux qui n’ont pas la
citoyenneté européenne.

Renforcement des frontières extérieures de l’Union Européenne : quels dispositifs ?


• Frontex (fondé en 2004) :
Agence européenne chargée de la gestion des frontières extérieures. Image de « forteresse
Europe », mission de coopération des États-membres.
Elle est compétente pour trois types de frontières : les frontières classiques, maritimes et
aériennes.
Gros budget, en augmentation (254 millions d’€ en 2016).
Différents dispositifs : un inventaire de tous les dispositifs et équipements techniques
mobilisables par les Etats membres, des gardes-frontières mobilisables en cas de pression
migratoire exceptionnelle (1500 en 2015), participation aux opérations de refoulement ou
d’expulsion (15850 expulsions en 2015), système de surveillance des frontières, système
d’enregistrement des entrées et sorties des ressortissants des pays tiers, etc.
Ce n’est toutefois pas parce qu’on contrôle plus que l’immigration diminue (l’immigration
devient son propre moteur), mais cela a pour effet que les migrants prennent des routes de
plus en plus dangereuses : changements dans les routes migratoires.
• Externalisation du contrôle migratoire :
Processus de sous-traitance en dehors du territoire du contrôle des frontières. Les pays du sud
ont alors des responsabilités croissantes dans la gestion et le contrôle des migrations vers
l’Europe. On ne contrôle plus qu’à la frontière mais en amont de l’immigration. On demande
aux pays de contenir les immigrés indésirables (réfugiés, pays en voie de développement)
contrairement à l’immigration considérée comme utile (travail, migrants qualifiés). Ce n’est
pas uniquement bloquer mais trier les migrants.
2 logiques selon Boswell :
- Transfert des outils traditionnels de contrôle aux frontières : formations du personnel
et appui dans les pays du sud pour renforcer leurs capacités à contrôler les frontières,
notamment dans les pays de transit. Il y a également des accords de réadmission avec
ces pays (pour renvoyer les personnes expulsées).
- Logique de prévention : agir sur les causes de la migration -> opérations d’information
financées par l’UE pour expliquer les dangers de l’immigration dans les pays
d’origine.
Il y a un transfert de la responsabilité du contrôle en tant que tel mais aussi du respect des
droits des migrants. Accords entre l’Italie et la Lybie par exemple.
Instrumentalisation de l’aide au développement : les chefs européens adoptent une approche
globale de l’immigration -> réduire la « pression » migratoire par le développement des pays-
tiers. La logique de contrôle migratoire est de plus en plus liée à la question du
développement. On conditionne l’aide au développement : accords de réadmission, etc.
Ouverture d’un marché de la sécurité dont bénéficie les entreprises privées.

La crise de l’asile (2015)


A l’échelle mondiale, il s’agit de 65,3 millions de personnes, avec une augmentation des
arrivées sur le continent Européen (principalement en Turquie, Allemagne, Russie et en
France). Ces réfugiés proviennent principalement de la Syrie, d’Afghanistan et de Somalie.
La principale zone d’accueil n’est pas l’Europe mais la Turquie et le Liban.
Qui est un migrant ? Qui est un réfugié ?
La différence se fixe sur la « légitimité » du motif de voyage.

Le terme « réfugié » vient du droit international (convention de Genève) : statut accordé


prima facies par le HCR dans les territoires frontaliers de conflits et dans l’UE suite à enquête
avec une protection subsidiaire (prendre en compte les personnes faisant l’objet de conflits de
masse, avec une limite dans le temps). En droit, le passage d’une frontière sans documents en
vue de demander l’asile n’est pas un acte illégal, bien que ce soit décrit comme tels par
certains médias et organismes. Certains pays ne sont pas membres de la convention de
Genèse, elle ne s’applique donc pas partout.

Débat sur la question des chiffres : les données chiffrées ont été très mobilisées mais il faut
être attentifs.
- Différents acteurs proposent des chiffrent : Eurostat compte les demandeurs d’asiles
enregistrés dans l’UE, Frontex compte les passages illégaux en Europe, OIM compte
les morts en Méditerranée et HCR compte les réfugiés et migrants arrivant dans les
pays.
- Ces comptages influencent les perceptions du public -> il peut y en avoir des
mésusages politiques. On peut utiliser politiquement les chiffres de Frontex par
exemple pour mettre en avant une vague d’immigrants sans précédent, or Frontex
compte les franchissements des frontières -> il peut compter plusieurs passages d’une
même personne (double-comptage). Il faut être conscient d’où viennent ces chiffres et
ce qu’ils signifient réellement.
- Il y a en effet des arrivées plus importantes en 2015 mais se pose la question des
durées dans le temps. L’accord avec la Turquie fait diminuer fortement les chiffres
(augmentation ponctuelle et pas significative sur le long terme).
- Il faut prendre également en compte les chiffres relatifs, proportionnellement à la
population -> 0,2% de la population UE contre 25% de la population au Liban.

Contexte social et politique (facteurs expliquant cette réaction surdimensionnée) :


- Tout le système de sélection de la migration est mis à mal par l’augmentation des
demandeurs d’asile
- Changement et augmentation dans la manière dont les migrants arrivent avec une
visibilité accrue (masse de migrants aux frontières, dans des camps)
- Externalisation du contrôle migratoire et forteresse Europe : ça augmente le recours à
des voies non légales et la visibilité -> question des morts en mer (contre les migrants
arrivant autrefois avec un visa par avion).
- Opinion publique moins accueillante vis-à-vis des demandeurs d’asile par rapport à la
chute de l’URSS où il fallait accueillir les réfugiés du communisme
- Inconfort vis-à-vis de l’intégration des migrants d’Afrique du Nord et de Turquie ;
peur de l’Islam et du terrorisme ; montée de l’extrême droite

Crise de l’asile ou crise de l’accueil ?


Commission Européenne propose de mettre ne place des hots-sports au frontières extérieures
(centres de tri qui traitent les demandes d’asile), surtout en Grèce et en Italie et la
réinstallation de régions entre les États-membres. Suite à de grosses divergences, on a
réinstallé très peu de réfugiés. Accords avec la Turquie en 2016 : renvoi vers la Turquie de
tout migrant non admis à la protection internationale parvenu dans les iles grecques apd 2016
avec un mécanisme de 1 pour 1 -> externalisation du contrôle -> chute des demandeurs
d’asile.

Cours 5.03.2020
Prof absente

Cours 12.03.2020

Des concepts à leur application (exercices)

Faire le lien entre un fait d’actualité et les concepts vus au cours -> expliquer le phénomène
en citant les concepts, leur définition et en faisant le lien avec l’article, le fait d’actualité.

La frontière gréco-turque
On retrouve l’européanisation de la migration avec l’externalisation de l’aide.
On retrouve aussi la délégitimation du motif migratoire (migrant vs. expat) -> on passe de
personnes à aider à des personnes à contenir. Concept de bombe démographique.
Lien avec la crise de l’asile de 2015 en Turquie et de l’accord de 2016.

L’arrivée des migrants et frontières fermées


Concept de forteresse Europe et du marché de la sécurité avec l’intervention de la police.
Catégorisation des migrants comme « armes », etc.
Droit d’asile et convention de Genève.
Politique paradoxale : tolérance d’ouverture mais qui s’accompagne d’aspects négatifs (on
criminalise mais en même temps on laisse passer).

Les gilets noirs à Paris

Filmer les visages, les images d’un quartier

Cours 19.03.2020

Cours en ligne car confinement : vidéos du collège de France + quizz sur l’UV.

Vidéo de Camille Schmoll : émergence de la question des frontières


Introduction de la prof :
Évolution des études migratoires qui passent de la question du transnationalisme et des
mouvements des individus à l’émergence de la question des frontières, avec l’émergence du
débat sur ce que sont les frontières aujourd’hui. On passe d’un questionnement sur ce qu’est
l’essence de la frontière (vision traditionnelle de la frontière comme une ligne de démarcation
fixe et presque naturalisée -> frontières cours d’eau entre deux territoires) à l’évolution de la
frontière et sa déterritorialisation (frontière commence avant même la frontière physique.
Elles sont aussi aériennes et maritimes). On remet donc en question de la frontière comme une
ligne et une donnée naturelle et immuable (linéarité et naturalisation de la frontière).

Des nouvelles formes migratoires aux nouvelles formes de frontières

Questionner la fausse évidence que serait la frontière stable, immobile, intangible, etc.
Tendance dans le débat politique à naturaliser la frontière (débat sur l’éventuelle entrée de la
Turquie dans l’UE). Tension entre frontière comme ligne et une idée plus complexe de la
frontière comme autre chose qu’une ligne.
Bernard Reitel (géographe) : définition classique (frontière linéaire comme séparation entre 2
territoires, États, qui se matérialise par une discontinuité où deux systèmes politiques se font
face, tout ça séparé donc par une ligne. Lieu de blocage mais aussi d’échanges, pour profiter
des différentiels créent par cette frontière) vs définition plus complexe qui émergent
(émergence de nouveaux pouvoirs : d’autres formes de frontières) -> s’intéresser à d’autres
formes, d’autres façons de représenter les frontières.
On va également voir que la dichotomie entre ces deux définitions est en réalité plus
complexe.

1990’ : développement du champ des études migratoires, même si la pensée sur la migration
est beaucoup plus ancienne. Mais c’est le moment où les sciences sociales intègrent un
discours global sur les migrations. Moment marqué par la réflexion sur la mondialisation.
« L’entre-deux de l’espace migratoire : que se passe-t-il entre A et B ? » : questionnement qui
nous intéresse ici. Cet entre-deux a un double sens : ce qui passe et ce qui se passe +
articulation. Réfléchir aux multiples passages et circulations, pas uniquement humaines
(question des objets du passage).

Deux étapes depuis les années 90 de la réflexion sur la migration et la frontière.

- Tout début 90 à mi 2000


Les « nouvelles migrations ».
Dans les travaux : Contexte de questionnement sur la mondialisation et contexte d’évaluation
de la migration du fait de transformation du marché du travail (disparition de la figure du
travailleur immigré, ouvrier traditionnel pour de nouvelles formes de segmentation du marché
du travail et sa tertiairisation, et la mondialisation des migrations : les pays attirent des
migrants du monde entier). On voit aussi la part croissante des réfugiés dans les flux
migratoires en montrant un continuum entre les formes migratoires économiques et celles
d’asile. Les auteurs utilisent des termes très forts : nouvelles migrations, turbulence,
brouillage des cartes, formes migratoires mondialisées. Cette phase est donc caractérisée par
le changement ainsi que par la montée d’un courant d’étude qui va véritablement marquer la
réflexion sur les migrations, qui est celle du transnationalisme et les travaux sur la circulation
migratoire -> elles amènent une réflexion sur la notion de frontière.
Le transnationalisme (90’) : procédés par lesquels les migrants forgent et maintiennent des
relations sociales multiples et créent de la sorte des liens entre la société d’origine et la société
où ils s’installent -> ils traversent les frontières géographiques, culturelles et politiques
traditionnelles. Le transnationalisme dépasse donc dans une certaine mesure les frontières :
caractère transfrontalier.
La circulation migratoire : activités de mobilité, de circulation mises en place par les
migrants. Ces travaux s’inscrivent dans la tradition importante de réflexion sur les réseaux
sociaux mis en place par les migrants, les chaines migratoires, les territoires, etc. Ex : travail
d’A. Tarrius sur les circulants maghrébins -> ce sont des petites circulations de marchandise
qui vont initier des mouvements d’ensemble qui vont contribuer à la transformation des
espaces urbains qui deviennent de véritables lieux-frontières. Réseaux de circulation qui se
mettent en place et transforment les places marchandes.
Beaucoup d’enthousiasme de la part des chercheurs sur la façon dont les personnes
contournent les frontières nationales et profitent de celles-ci pour leurs activités
commerciales. Influence des travaux des socio-anthropologues qui mettent en avant le fait de
suivre et rester dans le mouvement -> pratiquer une ethnographie mobile.

Lieu frontière : lieux urbains où le sens de la frontière se retourne et se transforme de lieux en


lieux. La frontière est une microsociété capable de tirer socialement et économiquement profit
de sa position frontalière. Le cosmopolitisme n’est pas propre aux élites de la mondialisation
mais aussi aux petits acteurs de celle-ci. La frontière c’est donc celle qu’on dépasse, dont on
tire profit. On dépasse donc le nationalisme méthodologique, en limitant nos investigations
aux limites de notre état-nation. On critique toutefois à ces travaux une forme de naïveté,
d’enthousiasme pour ces nouvelles formes de migrations. Paradigme de capabilité migrante.

- Depuis une quinzaine d’années :


Tournant au cours des années 2000, la disparition progressive du transnationalisme. Il perd de
son importance dans les travaux. Le transnationale s’est banalisée mais le transnationalisme
comme théorie spécifique a beaucoup perdu de son importance. On voit un développement
très important des travaux sur la frontière, notamment sur celle entre le Mexique et les USA.
On voit également le moment du 11 septembre aux USA qui va marquer un tournant dans les
travaux sur la frontière : idée qu’il y aurait un lien très fort entre les questions de migration et
celles de sécurité, de contrôle.
Migreeurop : collectif qui rassemble des militants et chercheurs sur la question d’ouverture
des frontières. Ils réfléchissent ensemble à la question des frontières ainsi qu’à leur
représentation -> atlas des migrants en Europe. La carte des morts : matérialisation de la
frontière par le nombre de morts notamment en Méditerranée.
Autre fonction de la frontière : celle qui trie, qui filtre et qui tue. Question de ce qui passe et
ce qui ne passe pas. C’est un tournant dans les travaux sur la question qui est aussi liée à la
dureté du contexte -> dérégularisation de la migration, restriction des voies légales d’entrée,
externalisation du contrôle, régimes d’expulsion, etc.
Ces travaux rappellent l’existence des frontières, elle est plus que jamais présente et
importante mais qu’elle a aussi changé de formes. Elle se présente de façon différente : zones,
régions, pays. Le rapport entre frontière et territoire évolue. La frontière comme processus.
On questionne la linéarité de la frontière. Ex : naturalisation de Lampedusa comme île
frontière -> ce sont des frontières construites et non naturelles. Avant d’être des lignes dans la
mer et dans le sable, ce sont des lieux.
Idée de frontière réseau, frontière réticulaire -> carte de camps de migreurop : extension
progressive du domaine des camps en Europe et au-delà. La frontière s’étend comme une toile
d’araignée sur l’ensemble des territoires.
Idée de lieu frontière : certains lieux se fixent à un moment donné toutes les caractéristiques
de la frontière (contrôle et visibilisation de celle-ci, tri, filtrage) -> îles, enclaves, aéroport.
Une île peut devenir un lieu où se concentrent un ensemble de mécanisme frontalier. L’île
peut être à un moment donné un lieu frontière mais en plein cœur de la crise migratoire cesser
de l’être -> Lampedusa voit sa fonction de lieu frontière diminuer pendant la crise migratoire
car arrestation en mer. Pareil pour l’île de Malte qui est pourtant au cœur de la route
migratoire de cette crise. On produit donc ce qui est une frontière et ce qui n’en est pas
(diplomatie, etc.).
Idée de zone frontière : celle par excellence aujourd’hui c’est la méditerranée comme zone
dans laquelle apparaissent différents acteurs qui se contestent et ont des visions de la frontière
différentes. ONG, militants, États, migrants, etc.
Idée de la frontière mouvante : corps des femmes comme frontière mouvante.
La frontière est aussi un lieu de rapport de force, de contestation et de confrontation des
différentes définitions de la frontière. Aussi de négociation et où advient la définition de
différents régimes de légalité, de légitimité.

Comment travailler sur ces frontières qui ne cessent de bouger et qui sont en tension
constante ? Ethnographie mobile continue d’être importante ; chercher la trace des passages et
des obstacles pour documenter ce qui se passe ; étudier sur le long terme pour capter
notamment la labilité des lieux-frontières (les dispositifs évoluent très vite).
Conclusion : Est-ce qu’on peut observer un tournant critique dans l’étude des migrations ? La
description de la migration aujourd’hui peut difficilement s’émanciper d’une réflexion sur ce
qui se fait et ce qui se passe à la frontière. Façon dont a été pensée la frontière entre État et
frontière linéaire. Importance de circuler en faisant du terrain. Intérêt pour les subjectivité
transnationale en captant celles qui se créent, qui se jouent aujourd’hui à la frontière.

Questionnaire de la prof
Les liens qu'entretiennent les migrants entre les société d'accueil et de départs et que le
transnationalisme est un phénomène qui dépasse les frontières
è Le transnationalisme est défini comme le fait que les migrants construisent et
entretiennent des liens entre les sociétés d'accueil et de départs et que ce phénomène
dépasse les frontières traditionnelles. Ce courant a donné lieux à plusieurs travaux sur
les circulations transnationales.

Il a été reproché aux études sur le transnationalisme et celles sur la circulation migratoire une
certaine naïveté
è Le transnationalisme est un courant qui est très stimulant pour les chercheurs qui
étudient les individus qui se jouent/passent les frontières. Ceci a permis de s'éloigner
d'un certain nationalisme méthodologique. Mais, corollairement, cette vision
d'individus passant et se jouant des frontières se caractérise par une certaine naïveté.

Dans les années 2000, les études migratoires critiquent la conception de la frontière comme
étant une ligne et sa naturalisation
è Les travaux déconstruisent la frontière et la manière dont on pense la frontière.
Différents auteurs insistent sur les PROCESSUS qui construisent la frontière et
questionnent la linéarité de frontière, c'est-à-dire la frontière comme ligne de
séparation entre des espaces. Ces travaux remettent en cause la naturalisation de la
frontière pour s'intéresser aux processus qui construisent la frontière et aux
lieux/moments où se "matérialisent" ces processus.

Suite au tournant pris dans les années 2000, des images sont utilisées pour décrire et saisir la
frontière :
- une frontière réseau / réticulaire : idée d'une frontière qui s'étend comme une toile
d'araignée sur l'ensemble des territoire
- le lieu-frontière : qui étudie comment des processus de frontières se fixent dans
certains lieux à un moment donné
- frontière mouvante : insistance sur les corps et la mobilité de la frontière
- zone de frontière : qui étudie les rapports de force et sous-jacents aux lieux de
frontières

La principale difficulté méthodologique pour les chercheurs qui désirent étudient la frontière
aujourd'hui est la labilité de la frontière et la re-territorialisation constante de la frontière. Si la
frontière est en perpétuelle évolution et n'est plus une ligne de séparation entre deux espaces,
où et comment l’approcher ?

Précision sur la frontière mouvante fait partie des métaphores qui insistent sur cette idée que
la frontière est déterritorialisée et ne peux plus être étudiée comme une séparation fixe entre
deux territoires. Le frontière mobile (ou la frontière mouvante) met en avant que avec les
dispositifs de suivi des migrants et migrants (=prise des empreintes, cartes biométriques,
constitutions de base de données pour "suivre" les migrants, etc...). Avec ces dispositifs, la
frontière n'est plus fixe mais mobile: la frontière "bouge avec" et se déplace avec les migrants.
Par conséquent la frontière ne s'incarne plus dans un lieu fixe (le poste de frontière entre deux
pays qu'il faudrait passer) mais bien dans les corps eux-mêmes (la frontière qui "bouge avec"
le migrants et s'active à différents moments: demande de visa, embarquement sur un
avion/bateau, arrivée dans un nouveau pays).

Vidéo de Virgine Guiradon : la frontière européenne

Introduction de la prof
Questionnement appliqué à la frontière européenne. Au-delà de l’européanisation des
politiques migratoires, il y a une déterritorialisation de la frontière de l’UE qui passe
notamment par l’externalisation de celle-ci. La logique de Schengen : la préoccupation est de
prévenir et empêcher l’arrivée des migrants « indésirables » sur le sol européen, c’est l’enjeu
d’un système d’écluse et de remote-control -> avant même la frontière européenne, il y a un
enjeu de frontières-réseau, frontière réticulaire : la frontière n’est plus une ligne mais passe à
travers différents ponts -> image de la toile d’araignée : elle commence dès la demande de
VISA, elle passe par les transporteurs aériens, les consulats.
Zones frontières : différents acteurs avec des définitions et des enjeux qui s’opposent.
L’extrême droite parle de frontières passoires, les ONG parlent d’une frontière forteresse, les
académiques parlent de filtre. Groupes de travail imposent une logique très sécuritaire.
Lieu frontière : lieu qui concentre des processus de frontière à un moment donné. Ex : route
des Balkans qui a été fortement investie, suite à l’accord gréco-turque.
Une frontière n’est donc pas immuable, elle peut se déplacer en fonction des lieux et des
moments. Certains lieux vont concentrer à un moment donné des processus de frontières qui y
seront plus visibles qu’ailleurs.
L’Europe et les Etats-Unis : deux forteresses ?
Logiques de la politique européenne de gestion des frontières et ses effets sur les migrations.
On s’intéresse à al gestion des frontières et pas aux politiques de migration (regroupement
familial, migration de travail, etc.). L’Europe intervient sur une politique assez ancienne de
gestion des frontières qui vise à réguler les entrées et qui a donc des effets sur les migrations,
sur les stratégies de migrants, sur les carrières individuelles de migration.

2 forteresses ? Les photos choc à la frontière (enfants morts noyés, brûlés, etc.).
Représentation de la frontière, spectacles de la frontière avec des images très choquantes ->
débat émotionnel. On oppose une rhétorique très sécuritaire à une rhétorique humanitaire
alors qu’il y a en réalité des logiques sous-jacentes comme la logique économique et celle des
droits de l’homme. Il faut se détacher du migrant soit comme menace, soit comme victime.

La frontière comme différentiel : le golf de Melilla (enclave espagnole au Maroc) -> on voit
des migrants qui essaient d’escalader un mur. La frontière est un différentiel car en la
traversant on entre dans un autre système économique où l’on pourra bénéficier d’un salaire
plus élevé, etc.

On traverse la frontière européenne bien avant le poste frontière et pas uniquement en


escaladant un mur.

Schengen 1985 : 5 états membre de l’Union Européenne signe un accord qui n’est pas dans le
cadre l’UE à ce moment-là. Cet accord entre 5 pays est présenté comme un laboratoire,
comme une expérience en dehors de ce qui existe déjà. Il va très vite impliquer les agences de
sécurité (garde-frontière, gendarmerie, police, renseignements généraux). C’est
essentiellement du personnel issu des ministère d’intérieur qui va rédiger dans des groupes
l’accord de Schengen signé en 1990 et mis en oevure 1995 et qui sera incorporé dans le droit
européen en 1997 (accord d’Amsterdam).

Inauguration du premier hotspot (centre de tri) européen à Moria (île grecque de Lesbos) en
octobre 2015. C’est un camp qui existait déjà et où arrivaient environ 200 personnes par jour.
C’est devenu une officiellement une politique européenne). Ce camp est constitué de
préfabriqués où sont enregistrés les arrivants et sont présentes beaucoup d’agences
européennes (frontex, europol, etc.). Les personnes dorment à l’extérieure des barbelés et ne
rentrent dans le camp que pour s’enregistrer.

Comment concevoir les frontières ?


Ni forteresse ni passoire. L’extrême droit parle de passoire, les ONG parlent de forteresse. On
préfère ici utiliser la frontière comme un filtre (membrane de Szostak) et comme ruban de
Moebius. Le rôle d’une politique de gestion de frontière est bien de filtrer comme une
membrane ceux qu’on veut laisser entrer et ceux qu’on ne veut pas laisser entrer. On veut
rendre la traversée de ceux qu’on souhaite accueillir la plus fluide possible (touriste,
étudiants, etc.) tout en bloquant les indésirables. Image du ruban : il y a des contrôles en
amont des frontières (agences européennes et étatiques qui agissent en amont) ainsi qu’à
l’intérieur des frontières (contrôle au sein des États) : pas une frontière comme une ligne mais
à la fois intérieure et extérieure en impliquant énormément de différents types d’acteurs.

Les frontières de l’Etat-nation : un phénomène récent -> coopération européenne de la gestion


des frontières. Le fait d’avoir des frontières étatiques en Europe est un phénomène très récent
(1 siècle environ au moment de Schengen). L’invention du passeport, des cartes d’identité,
etc. sont récents. Avant cela, d’autres acteurs (villes, seigneuries, Église, etc.) géraient les
entrées et sorties du territoire. En 85, parler de coopération européenne est extraordinaire.

Schengen : comprendre les débuts de la coopération européenne


L’espace Schengen. On a maintenant beaucoup plus d’États membres, la plupart des États
membres de l’UE sauf UK et Irlande ( ?) et certains qui ne font pas partie de l’UE mais qui en
font partie comme la Suisse ainsi que ceux en attente (Roumanie, Chypre, etc.). C’est un
espace complexe qui ne recouvre par l’Union Européenne et qui rassemble des statuts
différents.
Logique Schengen : la logique initiale est restée la même, les mêmes raisons, les mêmes
instruments alors qu’on a aujourd’hui une vingtaine de pays et plus seulement 5. Il n’y a eu
aucune réforme en 30 ans, ce qui fait beaucoup de conséquences négatives avec les
changements externes qu’il y a eu.
Les 5 pays initiaux sont ceux qui ont accueillis après-guerre des migrations postcoloniales et
qui ont fait venir des travailleurs étrangers jusqu’en 1973-74 pour la plupart. Dans les
ministères d’intérieur, préoccupation par rapport aux demandeurs d’asile qui arrivent dans les
années 80. Ils peuvent arriver et demander simplement l’asile, c’est un droit constitutionnel à
l’époque en Allemagne notamment. Il y a alors une volonté d’empêcher l’arrivée de ces
personnes, dans un contexte compliqué étant donné le droit d’asile et les droits fondamentaux.
Il est compliqué de renvoyer des personnes qui sont déjà arrivées. Idée de résoudre les
contradictions, le trilème : système de frontière laissant entrer certaines personnes dans une
logique économique, qui montre que l’État est bien en contrôle de ses frontières pour rassurer
l’opinion politique, tout en réglant le dilemme entre la volonté de contrôle des flux par les
politiques et le système juridique qui protègent les arrivants.
Groupes de négociation de Schengen : idée d’être entre homologues (ministère d’intérieur)
pour rédiger l’accord et le mettre en œuvre, sans se préoccuper de l’œil du juge et des
parlementaires (qui vont accepter ou pas l’accord mais pas le négocier).

Déplacer la frontière et externaliser sa gestion


Contenu et instruments du Schengen : empêcher les indésirables d’arriver sur le sol européen
et ainsi bénéficier d’une aide légale et de droits (difficile à renvoyer) -> système d’écluses
avec de multiples points de contrôle an amont de la frontière (remote control/contrôle à
distance) : visa Schengen qui doit être contrôlé par toutes les compagnies de voyage. C’est
une révolution à l’époque. La première frontière rencontrée en tant que ressortissant d’un pays
hors OCDE est celle du consulat où l’on va devoir fournir beaucoup d’informations et de
papiers pour obtenir un Visa Schengen afin de prouver qu’on n’est pas un risque migratoire. Il
faut donc déjà disposer d’un passeport valide ; La seconde frontière rencontrée est l’aéroport
où la compagnie aérienne vérifie tous les documents afin de ne pas s’exposer à des sanctions
financières. Avec le temps, ces contrôles existaient au niveau national mais là tous les pays
doivent pratiquer le même code et harmoniser leurs pratiques quant à l’obtention du Visa.
Cela a pris beaucoup de temps et par le bas (échanges au niveau local dans les consulats) ainsi
que par la privatisation (externalisation de la délivrance des visas à une compagnies privé
notamment deux grosses compagnies qui ont permis de tout harmoniser). Accords et
protocoles avec les compagnies aériennes par rapport à tous ces contrôles -> un gros marché
de la sécurité aérienne et du contrôle migratoire se met en place.
Chaque pays Schengen a ses pays dont il a peur -> cela concerne énormément de pays où il
faut un Visa Schengen, même si ce n’est que pour un transit.

Les conséquences de Schengen


Conséquences : effet immédiat car il est devenu très difficile voire impossible pour les
demandeurs d’asile de monter dans un avion ou un bateau sans papiers ni visa. C’est le début
des arrivées irrégulières, quelle que soit la voie (maritime, terrestre) et le développement
d’autres solutions (faux papiers, faux visa). Quand d’autres pays veulent rentrer dans
Schengen, il faut un gros investissement dans les contrôles. On commence alors à compter les
morts en mer, etc. Les routes sont plus périlleuses. C’était une conséquence qui affecte les
flux migratoires qui arrivent de façon irrégulière et dangereuse et qui va donc demander une
réaction de solutions un peu ad hoc des états européens confrontés à cette nouvelle situation.
Par exemple, 27 ressortissants africains dont le bateau a chaviré qui sont restés 3 jours
attachés à un filet de pêche en pleine mer. Durant ces 3 jours, les pays européens se renvoient
la balle pour savoir qui va les accueillir. Droit maritime : qui est censé sauver les personnes en
mer ? Basculement dans les années 2000 : on a le droit de quitter son pays -> il faut les
sauver. Réponse d’abord militaire : création de l’agence Frontex en 2004, mais aussi une
réponse diplomatique : coopération avec les pays tiers -> accords de réadmission, etc. Pour
empêcher que les gens arrivent sur le sol européen, il faut obtenir la coopération des États dit
de transit ou en tout cas les États qui exploitent leur rente géographique dans leurs
négociations avec l’UE. Cas emblématique de la Lybie : d’abord des négociations bilatérales
avec l’Italie et la France mais ensuite des négociations avec l’UE. Fond d’urgence pour
l’Afrique en faveur de la stabilité et de la lutte contre les causes profondes de la migration
irrégulière -> donner de l’argent pour toute sorte de projet et en théorie pour le
développement mais en pratique pour développer le système de contrôle de leurs propres
frontières.

La crise de 2015 : quelles leçons ?


La crise syrienne. Idée qu’il faut déplacer le plus loin possible la frontière européenne et
engager une coopération avec les états tiers se retrouve ici. 2 millions de syriens en Turquie,
beaucoup de flux notamment par la Grèce, la route des Balkans dans une situation de tensions
internes en Europe (leaders populistes, etc.). La réponse à cette crise : effort de solidarité
interne avec la répartition des demandeurs d’asile coincés en Grèce et en Italie mais cela n’a
pas fonctionné -> solution externe : Accord UE-Turquie en mars 2016 -> déclaration
conjointe de high-politics car négociée par Angela Merkel et le premier ministre néerlandais
avec le premier ministre turc, et ensuite avec les hauts dirigeants européens. Volet financier
de 6 milliards d’euros pour financer en partie l’accueil des migrants mais aussi pour la
construction de frontières électroniques et physiques au sud de la Turquie avec la Syrie.
En 2018, l’agence Frontex montre que la signature de cet accord avec la Turquie a fait
s’effondrer les flux migratoires. Plus personne ne prend cette fameuse route centrale pour
arriver en Europe.

Conclusion
Le monde d’hier, souvenir d’un européen (Stephan Zweig) : description du monde des visas
et des passeports, de l’expérience du consulat.
Quelle macrologique ? Perspectives historiques ou nouvelle globalisation ? Ce qu’on observe,
est-ce le retour à des moments de fermeture connus dans les années 1940 par exemple ou est-
ce qu’il faut expliquer ces flux par la situation actuelle du monde capitaliste qui a tellement
transformé les pays africains (nouvelle globalisation) ?

Questionnaire de la prof

Virginie Guiraudon utilise l’image de filtre pour décrire la frontière.


La logique de Schengen se caractérise par son inertie : il n’y a pas eu de réforme majeure.

Le Remote control (visa Schengen + sanctions sont les transporteurs) a eu comme effet le
déplacement de la question des frontières et une difficulté grandissante pour les demandeurs
d’asile d’atteindre le sol européen sans papier.

La réponse européenne à l’augmentation de l’immigration irrégulière est double : elle est


militaire (opération de Frontex) et diplomatique (accords de coopération).

Cours 26.03.2020 via powerpoint et audios (pas cours car confinement)

Le concept d’intégration
C’est à la fois un concept scientifique utilisé par les sociologues et les psychologues, afin
d’interpréter la manière dont la société intègre ses membres et inversement, et à la fois une
injonction normative qui vient polluer l’utilisation même du concept d’intégration. C’est
aujourd’hui un mot du langage courant auquel sont associées certaines représentations
souvent péjoratives lorsqu’on l’évoque dans le cadre migratoire. C’est donc un concept
scientifique dont le point normatif dont le poids de l’injonction normative est tellement
puissant dans la société qu’il en perd sa valeur explicative. Le poids du sens commun
recouvre complètement le sens scientifique du terme.

Historiquement, le concept scientifique d’intégration est essentiel. Durkheim, dans son


ouvrage sur la division du travail social il compare les prédispositions des individus au suicide
et ressort la composante dominante du religieux. Les protestants se suicident plus que les juifs
car dimension collective très forte chez les juifs qui agit comme une forme de prévention du
suicide. Le religieux a une charge collective plus forte que l’autonomie individuelle. Selon
Durkheim, au moment où la société s’industrialise, cela engendre un arrachement à
l’économie locale qui va générer une individualisation de l’humain -> Durkheim questionne
la façon dont la société va intégrer ses membres face à ces changements.

Or, aujourd’hui dans le langage courant on parle d’être intégré ou non mais on ne cherche
plus la façon dont la société intègre. On cherche une conformité des individus par rapport à ce
qu’on imagine être l’intégration. Cette seconde partie du cours est basée sur l’intégration et
l’assimilation des migrants. Les premiers ayant pensé ces concepts en contexte migratoire ce
sont les sociologues de l’École de Chicago.

L’École de Chicago
Elle a été fondée en 1895. Dans le cadre de ce cours on va analyser les principaux travaux de
cette école se situant entre 1910 et 1940. Ce sont les textes fondateurs de la sociologie de
l’immigration aux États-Unis. Elle vise à étudier les relations que les individus nouent dans
un monde en transformation, qui est celui de l’entre-deux guerre. Ce monde connait une
industrialisation et une urbanisation forte, avec un accroissement rapide des villes et des flux
migratoires. A Chicago en 1840, on compte 4.000 habitants. 60 ans plus tard ils sont 1
millions. Donc croissance très forte qui s’opère au tournant du 20e siècle. La source d’arrivée
de ces populations grandissantes sont issues de l’immigration. D’une part l’immigration
européenne (russes, ukrainiens, italiens) et d’autre part l’immigration interne, notamment les
personnes noires qui quittent les états du sud pour les villes industrielles du nord, les « terres
promises » (promised land). Le Chicago des années 20-30 est une ville en pleine urbanisation
qui va concerner les secteurs de l’énergie, de l’automobile et du textile principalement. Les
gens quittent donc les campagnes pour travailler dans les usines et entreprises en ville. La
ville est donc transformée par cette urbanisation et cette migration.

On étudie la ville comme un laboratoire social. On étudie les relations raciales. C’est une
sociologie conçue comme un instrument d’action pour réformer la ville -> naissance de
l’écologie sociale. On est loin de la sociologie biologique qui trouvaient ses explications dans
les caractéristiques biologiques des individus. Ici, on cherche à expliquer les transformations
et les changements induits par ceux-ci à partir du milieu dans lequel ces transformations se
produisent. C’est une rupture de paradigme : déplacement du savoir vers l’environnemental,
le social, le culturel.

C’est également une sociologie fortement marquée par l’empirie, le travail de terrain. Il y a 3
équipes de chercheurs pionnières :
- Thomas & Znaniecki
- Park & Burgess
- Lewis-vers
Ces chercheurs sont entourés d’étudiants qui sont en partie des travailleurs sociaux. Ils font de
l’observation participante et utilisent beaucoup des méthodes qualitatives, approches assez
négligées jusqu’ici (position de surplomb). On fait appel à une série d’autres disciplines :
histoire, psychologie, littérature, etc. -> interdisciplinarité dans la manière de penser les
questions sociales. Leurs questions principales concernent la ville, la migration et la
délinquance/criminalité.

• William Thomas et Florian Znaniecki (1918) : The polish peasant in Europe and
America
Ils étudient le cycle de désorganisation et de réorganisation.

Il semble y avoir des différences sociales entre les immigrants polonais et la population
nationale. Thomas commence par rassembler du matériau à la fois aux États-Unis ainsi qu’en
Pologne où il rencontre Znaniecki, philosophe qui a lui-même rassemblé beaucoup de donnée
sur les migrants. Ils conçoivent ensemble un ouvrage volumineux sur lequel ils ont travaillé
10 ans. L’objectif est de décrire la situation vécue par les immigrés polonais sans prendre la
race comme facteur explicatif. Ils luttent activement contre le réductionnisme biologique. Ils
cherchent donc les facteurs explicatifs dans l’environnement social et culturel. Ils y décrivent
des cycles :
- Organisation : ensemble des conventions et des valeurs acceptées par un groupe
social, ce sont les normes qui régissent et organisent une société
- Désorganisation : survient quand les règles perdent leur impact sur les individus d’une
société ou collectivité -> en Pologne, la famille traditionnelle polonaise est confrontée
à un déclin des valeur sociales admises jusqu’ici comme le choix matrimonial contre
les mariages arrangés, ce qui crée une désorganisation car les pratiques individuelles
ne sont pas reconnues par les institutions du pays. L’immigration résulte notamment
de cette désorganisation
- Réorganisation : par la migration les polonais arrivent dans un autre contexte social,
économique et culturel. Ils réorganisent donc leur vie collective autour de valeurs et de
pratiques du pays d’origine (émigration) -> langue, valeurs religieuses, relations
communautaires, gastronomie, etc. On assiste donc à une recréation d’une culture
polonaise à Chicago qui est donc différente de la culture polonaise en Pologne. On
voit donc une communauté au sein du pays d’accueil avec une solidarité et entraide
entre ses membres -> identité polonaise-américaine. C’est dans l’immigration,
l’altérité qu’on découvre qui on est. Cette phase de réorganisation est indispensable
pour l’intégration, l’assimilation. Les migrants ne doivent pas perdre leur culture en
arrivant.

A retenir de ces travaux :


- En étudiant l’immigration, il faut s’intéresser à la fois au pays d’accueil et au pays
d’origine. Il faut le point de départ et celui d’arrivée pour pouvoir comprendre les
modes de fonctionnement des communautés migrantes.
- Le cœur de la pensée des migrations c’est que ce sont les communautés qui intègrent
et pas l’État. La question de l’intégration se pose donc par rapport au groupe et non
par rapport à l’État.
- L’assimilation n’est pas nécessairement garantie au terme de ce cycle. Certains
individus échappent aux effets bénéfiques de la réorganisation et se retrouvent dans
une situation de démoralisation qui se caractérisent par des pratiques déviantes :
délinquance, alcoolisme. Celle-ci concerne surtout les descendants des migrants (2e
génération). De plus, l’assimilation est ici considérée comme un processus collectif de
type psychosociologique. Ce ne sont pas les effets des lois et institutions américains
qui sont analysées mais bien les processus collectifs. Ces processus sont en grande
partie inconscient. Ce ne sont pas des stratégies visant à mettre en œuvre l’assimilation
mais cette dernière émerge bien de toutes les interactions. Dans cette conception, les
conflits entre nationaux et immigrés ne sont pas des obstacles à l’assimilation car ils
permettent aux migrants de se révéler à eux-mêmes leur identité et pratiques
culturelles.

Ce cycle est utilisé dans la plupart des études réalisées à Chicago.

• Robert Park & Ernst Burgess (1921) : Le cycle des relations raciales
Ils proposent une définition de la notion d’assimilation comme processus en 4 étapes conçu
dans une logique évolutionniste sensée aboutir in fine à l’assimilation = cycle des relations
raciales. On s’intéresse ici à la description qu’ils vont faire de ce cycle.

Cycle de relations raciales :


- Étape de la compétition : les individus entrent en compétition pour l’accès à des
ressources principalement économiques. Ex : obtenir un emploi, un logement, etc.
Cette compétition oppose immigrés et nationaux. Il s’agit d’une intégration sans
contact social. C’est également un concept de proximité : on considère son voisin
comme un rival mais pas son patron. Aux États-Unis à ce moment-là, les nationaux
considèrent les nouveaux-venus comme des envahisseurs.
- Étape du conflit : la compétition, lorsqu’elle devient consciente, se transforme en
conflit. Cela se passe lorsque les compétiteurs identifient les autres comme des rivaux,
des ennemis. Ce passage se fait donc par l’acquisition d’une conscience collective
d’appartenance à un groupe collectif qui fournit donc des ressources à la
revendication. C’est une compétition consciente et organisée pour avoir des accès à
des ressources ou acquérir un statut dans l’ordre social. Le conflit suppose donc un
contact social. Le groupe va alors acquérir une conscience commune de sa culture.
Pour les auteurs, ce conflit n’est pas négatif. Il permet aux groupes qui ne se
connaissent de se rencontrer et de s’opposer -> fonction socialisatrice, intégratrice.
- Étape de l’accommodation : résultat du conflit. Elle ne réduit pas les antagonismes, les
oppositions mais elle suspend ou diminue les effets du conflit. Il s’agit d’une forme de
consensus suite à des ajustements qui ont permis aux pratiques et habitudes de changer
-> nouvelles normes sont adoptées. Ex : affirmation d’un patriotisme américain.
- Étape de l’assimilation : processus d’interpénétration et de fusion où les individus
deviennent des semblables dans la société américaine. Il s’agit d’un processus
d’ajustement qui réduit les conflits et contrôle la compétition pour assurer la sécurité
de l’ordre social. Ex : le partage d’une langue commune et la connaissance de
l’histoire du pays d’accueil sont deux vecteurs essentiels à l’assimilation. Celle-ci se
fait par l’organisation et la multiplication des occasions de participation des immigrés
à la société -> c’est le moyen et le but de l’assimilation. Les auteurs rappellent
toutefois que cela ne peut se faire par la suppression de la mémoire des migrants. Elle
reste importante dans ce processus. Là où la 3e étape est assez rapide, cette dernière
étape est beaucoup plus lente -> de plusieurs années à plusieurs générations.

Ce cycle est en fait à la base de la définition de l’assimilation. A cette époque, on pousse à


l’assimilation, il s’agit d’un concept clef. Pour Park, ce cycle est linéaire, progressif et
irréversible. Il va toutefois se rendre compte que son modèle en fonctionne par pour les
personnes noires notamment car les relations sociales entre les blancs et les noirs restent
inégalitaires dans le temps, y compris au fil des générations. Les personnes noires installées
de longue date continuent de connaitre une situation plus défavorable que les nouveaux
immigrants européens arrivées après eux. Ceci s’obverse d’ailleurs toujours aujourd’hui. Il
s’agit donc de concepts importants mais qui ne s’appliquent pas toujours en pratique ->
conception optimiste de l’assimilation qui se révèle souvent impossible.

• Ernst Burgess (1926) : La croissance de la ville


La sociologie européenne prend essentiellement pour objet la société en insistant sur l’État
alors que les chercheurs américains étudient prioritairement la ville et les communautés qui y
vivent. Les institutions étatiques ne font donc l’objet d’aucune interrogation. Par exemple, la
politique migratoire en tant que telle n’est jamais évoquée dans les analyses de Chicago. Park
et Burgess font donc de l’écologie urbaine.

Burgess plus particulièrement va se pencher sur le développement urbain de Chicago et se


rendre compte que les migrants qui arrivent par vague successive vont transformer la ville ->
mode de vie éclaté marqué par l’impersonnalité et la superficialité des contacts ainsi qu’une
perte des contacts. Face à cette désorganisation, le développement communautaire des
populations va finalement renforcer l’ordre social. Cela implique un renforcement
communautaire des populations installées à Chicago.

Pour expliquer le processus d’expansion de la ville, Burgess va utiliser une représentation de


la ville en cercle concentriques. Il va projeter le cycle des relations raciales sur l’espace
urbain. Il met en parallèle le processus d’extension de la ville, qui est lié aux arrivées
migratoires, et le processus de la concentration des populations.
Graphique de la croissance la ville :
- Zone 1 (« loop ») : activités économiques (industrielles, commerciales et
administratives)
- Zone 2 (zone de transition) : bas quartier où vivent les communautés immigrées
récentes -> Little-Sicily, Chinatown, etc. Les logements sont généralement de piètre
qualité. Les communautés ethniques résidentielles s’y créent et permettent la
réorganisation des migrants
- Zone 3 (logement ouvrier) : elle est liée à une mobilité sociale des migrants qui
quittent la zone de transition lorsqu’ils changent de statut social. Elle est plus
résidentielle et le poids de la communauté y est généralement moins lourd. Il peut
s’agir de la deuxième génération de migrants qui quittent la zone d’arrivée de leurs
parents.
- Zone 4 (résidentiel) : belles maisons, bonne situation socioéconomique. Il s’agit d’une
zone cosmopolite sans véritablement de distinction ethnique. Elle est surtout
caractérisée par le statut social élevé de ses résidents.
- Black Belt : quartier d’installation des populations noires. Elle est transversale sur
plusieurs zones. Il s’agit qu’en réalité, lorsqu’un individu noir change de statut et
intègre la classe moyenne, il est toujours installé dans la partie noire du quartier. La
mobilité sociale conduit à une mobilité spatiale, sauf pour les afro-américains qui se
retrouvent généralement confinés dans le quartier noir de la zone d’installation quelle
qu’elle soit.

On cherche ici à voir le lien entre mobilité sociale et mobilité résidentielle -> spatialisation
des groupes liées à la position économique et à la qualité du logement. Burgess projette les
migrants sur sa carte en distinguant les quartiers spécifiques aux migrants -> spécialisation
ethnique forte des quartiers.
Parallèle avec Bruxelles : le croissant pauvre -> communes d’Anderlecht, Molenbeek,
Schaerbeek, Saint-Josse, centre-ville, etc. Il s’agissait d’une zone industrielle à l’origine aux
alentours du canal. Avec le déclin industriel, ce centre va progressivement se paupériser. Les
migrants vont s’y installer. 45% de la population d’origine marocaine en Belgique se trouve
dans ce croissant pauvre. Les populations ouvrières sont donc parties et ont été remplacées
par les migrants. Il s’agit des mêmes processus dans plusieurs villes européennes comme
Londres. Le déclin industriel implique une transformation de la ville : les classes moyennes
quittent les centres urbains pour les quartiers périphériques et la campagne = périurbanisation.
On observe aujourd’hui un phénomène de gentrification : les centres sont réinvestis par les
classes moyennes-supérieures, ce qui fait que les classes moyennes et basses sont éjectées à
l’extérieur de la ville par l’augmentation des loyers -> Saint Gilles, bords du canal, etc.

• Louis Wirth (1928) : the ghetto


Monographie sur le quartier juif de Chicago. Ce sont des juifs d’Europe -> histoire des
ghettos juifs européens où ils remplissent des fonctions économiques essentielles tout en étant
maintenu à l’écart dans la vie quotidienne (ségrégation accompagnée de discrimination et
parfois même de persécution). Il montre que le ghetto est un espace résidentiel à la fois
autonome et socialement hétérogène. Il permet à ses habitants d’entretenir des relations
communautaires de proximité, de pratiquer une langue commune (yiddish), etc.

Il restitue dans son analyse les différences de traitement réservé aux juifs dans les pays
d’Europe de l’ouest et d’Europe de l’est. En Europe de l’ouest, les juifs connaissent des
formes d’émancipation qui leurs permettent de participer à la vie collective du pays où ils
vivent et aussi d’en partie se disperser. Inversement, dans les pays d’Europe de l’est, ils sont
souvent persécutés et sont victimes de pogroms. Ils y sont généralement confinés dans des
zones souvent rurales. Ils ont donc davantage un statut de minorité. Cette différence de
traitement dans les pays d’origine va avoir des incidences sur la constitution de ghetto juif de
Chicago lorsque ces populations s’y installent.

Notion de ghetto : ce mot a historiquement été attribué pour la première fois 1884 pour
qualifier le lieu où vivaient les juifs à Venise dans un confinement acté sur base d’une
décision politique. Pendant la journée, ils pouvaient circuler librement mais une fois le soir
venu, leurs logements étaient rassemblés au même endroit. Ce n’est que deux siècles plus tard
sous Napoléon que ce confinement a été levé. Aujourd’hui, trois principes organisent le
ghetto :
- Organisation d’un confinement territorial -> concentration sur un territoire qui induit
obligations et contraintes pour ceux qui y sont assignés.
- Cela concerne une population spécifique généralement axé sur base de critères
ethniques et/ou religieux.
- Cela induit en réalité une hétérogénéité sociale -> on y retrouve à la fois des ouvriers,
des médecins, des ingénieures, etc. On y retrouve donc toutes les classes sociales. Le
ghetto ne suppose donc à la base pas la pauvreté mais on a tendance à superposer les
deux dans le langage courant -> superposition de la catégorie ethnique/religieuse avec
la composante pauvre/riche. Le ghetto des pauvres est imposé alors que celui des
riches est choisi. Mais il faut garder à l’esprit que cette superposition n’est pas un fait
historique.

Les premiers juifs installés à Chicago sont originaires d’Allemagne et s’intègrent dans le
commerce. Progressivement vont arriver des juifs de Pologne, de Russie et de Roumanie qui
eux ont été très persécutés dans leurs pays d’origine qui sont très antisémites, contrairement
aux juifs d’Allemagne. Ces arrivées successives vont consolider et étendre le ghetto juif de
Chicago. Des institutions communautaires vont se créer : écoles, synagogues, etc. L’usage du
Yiddish y est donc très fréquent. Une vie communautaire s’organise mais distingue également
ceux qui y vivent. Une distance due à leur histoire mais également économique s’instaure
entre les différents juifs -> ceux qui quittent le ghetto sont les juifs d’origine allemande. Ce
sont ceux qui sont issus des classes favorisées et qui visent une respectabilité marquée par une
distance résidentielle avec les autres habitants du ghetto. Au fur et à mesure qu’ils connaissent
une ascension sociale, les juifs d’Europe de l’ouest vont quitter le ghetto pour s’installer un
peu plus à l’ouest dans un quartier nommé « Deutschland » en référence aux juifs
d’Allemagne qui y habitent.

En étudiant l’immigration il faut donc restituer une histoire qui commence bien avant
l’arrivée dans le pays d’accueil.

Concept d’assimilation
Naissance de la sociologie américaine et de l’École de Chicago :
- Dans la société américaine de l’époque et la sociologie qui est faite de cette société,
l’accent est mis sur les facteurs endogènes aux immigrés. Les processus de migration
ne sont jamais confrontés aux politiques publiques (législations relatives à
l’immigration, politiques urbains et sociales, etc.) -> l’analyse part du bas, de la
communauté (vs l’État, les instituions) -> l’assimilation des immigrés résulte d’un
processus collectif centré sur les groupes ethniques et dans lequel les institutions ne
jouent aucun rôle.
- Le concept d’assimilation ne fonctionne pas. Les sociologues américains s’en sont
rendus compte rapidement. L’histoire des noirs aux États-Unis invalide complètement
les 3 étapes du cycle migratoire puisque la ségrégation persiste ainsi que toutes les
pratiques de discrimination, en tout cas de façon évidente dans les situations
résidentielles. Cette différence qui est faite avec les noirs provoque l’émergence du
concept d’ethnicité comme fierté d’être différent et la culture de cette différence ->
exemple : mouvement « Black is Beautiful ».

Vous aimerez peut-être aussi