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Dérivés Taux ENSAE

Le document traite des modèles de courbe des taux d'intérêt et des produits dérivés associés, en se concentrant sur leur évaluation et couverture. Il couvre des sujets tels que les taux monétaires LIBOR et EURIBOR, les instruments de taux, ainsi que les options et ajustements de convexité. La première partie introduit les concepts fondamentaux des taux d'intérêt, des zéro-coupons et des taux forward, établissant une base pour la compréhension des instruments financiers complexes.

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Dérivés Taux ENSAE

Le document traite des modèles de courbe des taux d'intérêt et des produits dérivés associés, en se concentrant sur leur évaluation et couverture. Il couvre des sujets tels que les taux monétaires LIBOR et EURIBOR, les instruments de taux, ainsi que les options et ajustements de convexité. La première partie introduit les concepts fondamentaux des taux d'intérêt, des zéro-coupons et des taux forward, établissant une base pour la compréhension des instruments financiers complexes.

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Modèles de la courbe des taux d’intérêt – 1ère partie

Produits dérivés de taux


Méthodes d’évaluation et de couverture

Antonin Chaix
avec la participation de Richard Guillemot
Table des matières

1 Préambule et notations 3

2 Les principaux instruments de taux et leur évaluation 6


2.1 Taux monétaires LIBOR et EURIBOR . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 6
2.2 FRA . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 8
2.3 Les contrats futures sur LIBOR . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 10
2.4 Swaps de taux . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 12

3 La courbe des taux 17


3.1 Définition, typologie . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 17
3.2 La courbe zéro-coupon . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 18
3.3 Le bootstrap de la courbe . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 19
3.4 Actualisation OIS (Richard Guillemot) . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 24

4 Options de taux 32
4.1 Evaluer les actifs en présence de taux stochastiques . . . . . . . . . . . . . . . . . 32
4.2 Caps et floors . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 34
4.3 Swaptions . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 37
4.4 Au delà du modèle de Black . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 39
4.5 Le modèle SABR . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 43
4.6 Risk-management des options de taux . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 45

5 Ajustements de convexité, exotiques de première génération 50


5.1 Le concept d’ajustement de convexité : cas d’un LIBOR in arrears . . . . . . . . . 51
5.2 Swaps CMS . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 54
5.3 Caps et floors CMS . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 57
5.4 Produits digitaux . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 59

6 Exotiques de taux et modèles de courbe 63


6.1 Modèles de taux court . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 63

ENSAE / 3ème année voie finance de marché / © Antonin Chaix & Richard Guillemot / mars 2015
6.2 Le cadre HJM . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 64
6.3 Le modèle Hull & White 1 facteur . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 65
6.4 Swaptions bermudas . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 74
6.5 Quelques autres produits exotiques . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 79

Bibliographie 83

7 Annexes 84
Formule de reconstruction des zéro-coupons dans le modèle Hull & White 1 facteur . 84
Différences finies dans le cadre Hull & White 1 facteur . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 85
Partie 1

Préambule et notations

Taux court

Un taux d’intérêt est un réél r qui peut être compris comme le “loyer” de l’argent. Si je place la
somme de 1 euro aujourd’hui, la valeur acquise par mon placement dans 1 an sera de manière
certaine :
1+r

Et V0 × (1 + r ) pour le placement d’une somme V0 . Si je décide de réinvestir les intérêts sur


plusieurs années, mon placement aura acquis la valeur

Vn = V0 × (1 + r )n

à l’issue de n années de placement. Supposons que les intérêts soient versés non plus annuel-
lement, mais m fois par an, et réinvestis à mesure qu’ils sont perçus. Dans ce cas, la valeur
acquise par mon placement aura atteint au bout des n années la somme de :
³ r ´n×m
Vn = V0 × 1 +
m
Quand cette fréquence de versement des intérêts tend vers l’infini, les intérêts sont alors com-
posés en continu et cette valeur acquise devient :
³ r ´n×m
Vn = lim V0 × 1 + = V0 e r ×n
m→∞ m
Le taux r est alors un taux instantané. Bien évidemment, dans un monde stochastique ce taux
aura changé entre aujourd’hui et demain, et on ne pourra pas placer notre capital au même
taux. On note r t sa valeur à la date t : il s’agit du taux court utilisé comme grandeur fonda-
mentale des modèles de taux, et plus généralement de l’évaluation risque-neutre. Dans cette
situation, la valeur de notre placement suit l’équation :

dVt = r t Vt d t

et la valeur acquise par le placement au bout d’un temps T est :


RT
rt d t
VT = V0 e 0

ENSAE / 3ème année voie finance de marché / © Antonin Chaix & Richard Guillemot / mars 2015
4

Zéro-coupon

Le zéro-coupon de maturité T est le titre financier qui verse un unique flux de 1 euro (une
unité monétaire) à la date T . On note B (t , T ) sa valeur à la date t ≤ T . Cette grandeur est égale-
ment appelée facteur d’actualisation (discount factor) pour la maturité T . Il existe sur le mar-
ché quelques obligations zéro-coupon (dits strips) délivrant, à leur échéance, un seul flux égal à
leur valeur nominale. Elles demeurent cependant très minoritaires par rapport aux obligations
classiques à coupons.

Sous l’hypothèse d’AOA, il existe une mesure dite risque-neutre qui rend martingale le prix des
actifs actualisés. Dans le cas du zéro-coupon cela implique :
³ RT ´
Q
B (t , T ) = Et e − t r s d s , ∀t ≤ T

Q
où l’opérateur Et désigne l’espérance sous mesure risque-neutre, sachant l’information dispo-
nible à la date t .

Taux zéro-coupon

Le taux zéro-coupon de maturité T est le taux associé au zéro-coupon de même maturité. Ce


taux est noté R(t , T ) et défini par :

B (t , T ) = e −R(t ,T )(T −t )

La durée (T − t ) est conventionnellement calculée en base Exact/365 (nombre de jours entre


les dates t et T divisé par 365). L’écriture ci-dessus utilise une convention de taux continu. Il
est également possible de définir le taux zéro-coupon de façon actuarielle :

1
B (t , T ) =
(1 + R(t , T ))T −t

Zéro-coupon forward

Si t ≤ T < U , B (t , T,U ) désigne le prix du zéro-coupon T -forward de maturité U . Autrement dit


c’est à la date t , le prix à payer en T pour recevoir un euro à la date U .

Il est facile de montrer que :


B (t ,U )
B (t , T,U ) =
B (t , T )
En effet il suffit de considérer la stratégie consistant, à la date t , à acheter un zéro-coupon de
maturité U et à vendre le zéro-coupon de maturité T en quantité B (t ,U )/B (t , T ).

Si les zéro-coupons de maturité T et U sont liquides, je peux donc me garantir dès aujourd’hui
(date t ) un taux d’emprunt pour la période future [T,U ] : c’est le taux forward défini ci-après.

ENSAE / 3ème année voie finance de marché / © Antonin Chaix & Richard Guillemot / mars 2015
5

Taux forward

Le taux forward F (t , T,U ) est le taux tel que :

B (t , T,U ) = e −F (t ,T,U )(U −T )

Il est donc relié au taux zéro-coupon de maturité T et U de la manière suivante :

R(t ,U )(U − t ) − R(t , T )(T − t )


F (t , T,U ) =
U −T
C’est le taux (zéro-coupon) que je peux me garantir à la date t pour la période future [T,U ].

Taux forward instantané

Le taux forward instantané de maturité T , noté f (t , T ), est le taux forward portant sur la période
d’intérêt débutant en T et finissant un instant (infiniment petit) plus tard. Il s’obtient donc
comme :
f (t , T ) = lim F (t , T,U )
U →T

On notera que le taux court r t est égal à f (t , t ).

Ce taux forward instantané n’a aucune réalité de marché, mais s’avère incontournable dans la
modélisation de la courbe des taux, notamment dans le cadre HJM.

Compte tenu de :
ln(B (t ,U )) − ln(B (t , T ))
F (t , T,U ) = −
U −T
la relation entre taux forward instantané et zéro-coupon est la suivante :

∂ ln B (t , T )
f (t , T ) = −
∂T
ou encore : RT
f (t ,s)d s
B (t , T ) = e − t

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Partie 2

Les principaux instruments de taux et leur


évaluation

2.1 Taux monétaires LIBOR et EURIBOR


Les taux LIBOR et EURIBOR sont des taux de dépôt entre banques de premier plan pour les
maturités de 1 semaine à 12 mois.

• L’EURIBOR correspond aux dépôts en euros et est publié par la BCE tous les matins à 11h00.
Il s’agit d’un taux moyen calculé à partir des contributions d’un échantillon de 43 grandes
banques de la zone euro.
• Les taux LIBOR sont cotés sur la place de Londres et servent de référence sur les autres de-
vises (USD, GBP, JPY,. . .)

Il est important de bien comprendre le fonctionnement de ces taux et leur mode de calcul car
ils servent de sous-jacents à une multitude d’instruments dérivés (swaps, caps, floors. . .)

Prenons l’exemple d’un placement à EURIBOR 6 mois :

• Aujourd’hui (date t ), l’EURIBOR 6M fixe à une valeur R


• La période de placement ne commence que deux jours ouvrés plus tard, à la date Tstart et
s’étend sur une durée de 6 mois.
• La date de fin de la période d’intérêt, Tend , est éventuellement décalée si elle tombe un week
end ou un jour férié (convention MODIFIED FOLLOWING)

Le nominal d’un montant N € est placé à la date départ Tstart . Il est récupéré à la date Tend
augmenté des intérêts. Ceux-ci sont calculés de la manière suivante :

Intérêts = N × R × δ

Où par convention δ est le nombre de jours de la période d’intérêt divisé par 360.
Tend − Tstart
δ=
360

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2.1 Taux monétaires LIBOR et EURIBOR 7

F IGURE 2.1 – EURIBOR 6 mois

Cette base de calcul est appelée Exact/360 ou Actual/360, ou encore money market. C’est une
convention très répandue parmi les taux monétaires, mais pas systématique. Le LIBOR GBP
(livre sterling) utilise par exemple la convention Exact/365.

En termes de flux, le placement à EURIBOR 6M se résume donc à :

• A la date Tstart : un flux de −N euros


• A la date Tend : un flux de +N (1 + δR) euros

Dans la suite, on notera L(t , T,U ) la valeur du taux l’EURIBOR fixant à la date t pour la période
d’intérêt (T,U ). Le fixing R de l’EURIBOR 6M ci-dessus s’écrit donc L(t , Tstart , Tend ).

Le bilan en termes de flux permet d’expliciter la relation entre le taux EURIBOR L(t , Tstart , Tend )
et les zéro-coupons. En effet l’EURIBOR étant le taux de marché, la valeur actuelle de l’opéra-
tion consistant à placer les fonds en date Tstart et à les récupérer en date Tend augmentés des
intérêts à EURIBOR doit être nulle :

−N B (t , Tstart ) + N (1 + δL(t , Tstart , Tend ))B (t , Tend ) = 0

Soit :
1 B (t , Tstart )
µ ¶
L(t , Tstart , Tend ) = −1
δ B (t , Tend )

Cette formule permettra donc :

• De calculer les zéro-coupons à partir du fixing des EURIBOR (étant étendu que B (t , Tstart )
aura été préalablement déterminé, en utilisant par exemple le taux de dépôt au jour le jour
et/ou 1 semaine). Et donc de déterminer la partie court-terme de la courbe zéro-coupon.
• Ou à l’inverse, de calculer la valeur des taux EURIBOR à partir d’une courbe zéro-coupon.

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2.2 FRA 8

2.2 FRA
FRA signifie Forward Rate Agreement et se traduit par accord de taux futur en français.

Il s’agit d’un contrat forward spécifiant à terme l’échange d’un taux fixe déterminé à l’avance et
d’un taux variable monétaire LIBOR ou EURIBOR. Contrairement aux futures qui sont l’objet
d’un marché organisé (cf. section suivante), ce type de contrat est négocié de gré à gré sur le
marché OTC 1 .

Prenons l’exemple d’un FRA de montant notionnel N euros et d’échéance 1 an sur EURIBOR 6
mois. Il se déroule de la manière suivante :

• Notons toujours t la date d’aujourd’hui, date de conclusion du contrat FRA


• L’échéance du FRA est la date T f = t + 1 an (ajustée si elle tombe un week end ou jour férié). Le
fixing de l’EURIBOR 6M se fera à cette date et à une valeur L(T f , T1 , T2 ), T1 et T2 définissant
le début et la fin de la période d’intérêt de l’EURIBOR.
• A la date t , les deux parties se mettent d’accord sur le taux fixe du FRA, que l’on notera
L(t , T1 , T2 ).
• L’échange de flux s’effectue à la date T1 de départ de l’EURIBOR (cash settlement). Le flux
net reçu par l’acheteur du FRA en T1 vaut :

[L(T f , T1 , T2 ) − L(t , T1 , T2 )] × δ
N× (2.1)
1 + δL(T f , T1 , T2 )

Où δ = (T2 − T1 )/360 est comme précédemment la fraction d’année de l’EURIBOR sous-


jacent, calculée en base Exact/360. Notons bien que ce montant peut s’avérer négatif (dans
ce cas, il est donc payé par l’acheteur du FRA à sa contrepartie).

F IGURE 2.2 – FRA sur EURIBOR 6 mois

L’acheteur du FRA reçoit (paye) donc en T1 un montant proportionnel à la différence entre le


taux du FRA, L(t , T1 , T2 ), contracté à la date initiale et l’EURIBOR 6 mois, L(T f , T1 , T2 ), qui vient
de fixer.
1. Over-the-counter

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2.2 FRA 9

Pourquoi procéder à l’achat d’un FRA ? Car si on le combine avec un emprunt à EURIBOR sur
la période d’intérêt (T1 , T2 ), il permet de répliquer un emprunt au taux fixe du FRA. En effet,
regardons la combinaison des deux opérations suivantes :

• En t : achat d’un FRA sur EURIBOR 6M, d’échéance T f et de montant notionnel N


• En T f : emprunt du notionnel N sur 6 mois au taux EURIBOR 6M

L’achat du FRA induit un unique flux en T1 : s’il est positif, ce montant peut être placé au taux
EURIBOR L(T f , T1 , T2 ) en T1 et jusqu’à la date T2 ; s’il est négatif, ce montant peut être em-
prunté au même taux EURIBOR. Le FRA se transforme donc en un unique flux à la date T2
d’une valeur :
N × [L(T f , T1 , T2 ) − L(t , T1 , T2 )] × δ

Par ailleurs, l’emprunt à EURIBOR consiste en un flux positif de N euros à la date T1 (emprunt
du principal) et un flux négatif −N (1+δL(T f , T1 , T2 )) à la date T2 (remboursement du principal
+ intérêts).

Au total, ces deux opérations génèrent les deux flux suivants :

• En T1 : +N euros
• En T2 : −N (1 + δL(t , T 1, T 2)) euros

On a ainsi répliqué sur la période (T1 , T2 ) un emprunt du montant N au taux L(t , T1 , T2 ) fixé de
manière anticipée à la date t . Autrement dit : combiné avec un emprunt à EURIBOR, l’achat
d’un FRA aujourd’hui permet de se garantir un taux d’emprunt pour une période future.

Cela permet d’obtenir la relation entre le taux fixe du FRA et les zéro-coupons. En effet, l’opéra-
tion décrite ci-dessus s’effectue dans le marché à un coût nul. La valeur actuelle des flux futurs
doit donc être égale à 0 :

−N B (t , T1 ) + N (1 + δL(t , T1 , T2 )) B (t , T2 ) = 0

Soit :
1 B (t , T1 )
µ ¶
L(t , T1 , T2 ) = −1
δ B (t , T2 )

Par conséquent, si l’on dispose des prix de marché d’une série de FRAs (FRA sur EURIBOR 6M
de maturité 6 mois, 12 mois, 18 mois etc.), on pourra aisément déterminer itérativement la
valeur des zéro-coupons.

Notons que l’expression du taux FRA en fonction des zéro-coupons est la même que pour l’EU-
RIBOR, la différence étant que la période d’intérêt se situe dans un futur plus lointain. En ce
sens le taux du FRA est qualifié de taux EURIBOR forward.

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2.3 Les contrats futures sur LIBOR 10

2.3 Les contrats futures sur LIBOR


Il s’agit de contrats sur taux interbancaires à 3 mois, tous fonctionnant sur le même modèle.
Ils ont été construits comme une version standardisée des contrats FRA traités de gré-à-gré. A
l’inverse des FRA, les futures sur LIBOR sont échangés sur un marché organisé, disposant d’une
chambre de compensation, et font l’objet d’appels de marge.

Les principaux contrats futures sur taux LIBOR sont les suivants :

• Le contrat future sur taux LIBOR 3 mois dollar, appelé improprement contrat Eurodollar,
et traité sur le Chicago Mercantile Exchange (CME). Il est coté également à Londres sur le
LIFFE en heure européenne, et à Singapour en heure asiatique. Les maturités de ce contrat
varient de 1 mois à 10 ans, avec des échéances mensuelles pour les maturités proches, et
40 échéances trimestrielles (le troisième mercredi des mois de mars, juin, septembre et dé-
cembre). Le nominal du contrat Eurodollar est 1,000,000 $.
• Le contrat future sur EURIBOR 3 mois. Sur le même modèle que le précédent, il est fondé
sur le taux EURIBOR 3 mois et porte sur un nominal de 1 million d’euros. Coté sur le LIFFE,
il dispose de 4 échéances mensuelles pour le court terme et de 20 échéances trimestrielles
(mars, juin, septembre, décembre), donc de maturités allant jusqu’à 5 ans.
• Et d’autres encore : les futures sur LIBOR GBP 2 , coté sur le LIFFE, sur LIBOR CHF 3 etc...

Le prix coté d’un contrat future sur LIBOR 3 mois s’exprime comme :

100 × (1 − R)

où R est le taux de référence du contrat. Par exemple un cours de 97.50 correspond à un taux
de référence de 2.50%. Dans le cas d’un contrat standard (LIBOR USD, EURIBOR) le nominal
est de 1,000,000 (de dollars ou d’euros) et la valeur du contrat s’exprime comme 4 :

1, 000, 000 × (1 − 0.25 × R)

si bien qu’un mouvement de 1 point de base (0,01%) du taux de référence induira une variation
de la valeur du contrat de 25 dollars (ou euros).

A la date de maturité du contrat, le taux de référence R du contrat est par définition égal au taux
LIBOR sous-jacent : le cash-settlement s’effectue avec la valeur du taux LIBOR ou EURIBOR 3
mois fixée le matin du jour d’expiration du contrat.

Prenons un exemple pour fixer les idées. Nous somme le 30 mars 2009 et nous souhaitons ache-
ter un contrat Eurodollar d’échéance juin 2009. Celui-ci mature le 17 juin (troisième mercredi
2. Livre sterling
3. Franc suisse
4. Le choix du facteur 0.25 vient du fait que le taux de référence du contrat porte sur une période de 3 mois (un
quart d’année). Les variations de la valeur du contrat seront ainsi homogènes à celles des intérêts d’un placement
de 1,000,000 de dollars ou d’euros sur une période de 3 mois.

ENSAE / 3ème année voie finance de marché / © Antonin Chaix & Richard Guillemot / mars 2015
2.3 Les contrats futures sur LIBOR 11

du mois). Aujourd’hui le contrat cote 98.840, soit un taux de référence de 1.160%. La valeur du
contrat est
1, 000, 000 × (1 − 0.25 × 1.160%) = 997, 100 $

Le taux LIBOR USD 3 mois cote aujourd’hui (30 mars 2009) à 1.22%. Supposons qu’arrivé à la
maturité 17 juin 2009, il ait augmenté de 40 points de base, et cote désormais à 1.62%. Dans
cette situation, la valeur du contrat à maturité sera

1, 000, 000 × (1 − 0.25 × 1.62%) = 995, 950 $

Soit pour nous, acheteurs du contrat, une moins-value de 1,150 dollars 5 .

En réalité, l’acheteur (le vendeur) du contrat future ne décaisse (n’encaisse) pas la valeur du
contrat. Il effectue un dépôt de garantie 6 au moment de l’opération (qu’il récupère à la ma-
turité du contrat), puis est soumis à un mark-to-market quotidien, sous forme d’appels de
marge 7 . Continuons sur l’exemple précédent pour clarifier ce dernier point. Nous sommes
le 30 mars 2009 ; nous venons de traiter le future à 98.840 et avons effectué le dépôt de ga-
rantie exigé par le CME. Supposons que le lendemain la cote du future grimpe de 3 points de
base pour atteindre 98.87 (le taux de référence du future a donc, lui, baissé de trois points de
base) : cela renchérit notre position de future de 3 × 25 = 75 $, qui vont nous être versés par la
chambre de compensation. A l’inverse, si le lendemain la cote du future baisse de 5 points de
base, notre position se déprécie de 5 × 25 = 125 $ que nous allons devoir verser à la chambre de
compensation. Ce processus se poursuit jusqu’à la maturité du contrat future, date à laquelle
nous effectuons notre dernier appel de marge (positif ou négatif ) et récupérons notre dépôt de
garantie. Au total la plus ou moins value réalisée correspond bien à la différence de valeur du
contrat entre sa date d’achat et sa date de maturité 8 .

Même si la création des futures sur LIBOR tient à une volonté de simplification et de standar-
disation, l’évaluation précise de ces contrats se révèle plus complexe que celle des FRA, et ce
pour deux raisons :

(1) Le cash-settlement du future s’effectue à la date de départ du taux LIBOR sous-jacent 9


(2) Il existe des appels de marge quotidiens

5. Que l’on peut calculer directement comme 46 (points de base de variation du taux de référence) × 25 (variation
de la valeur du contrat par point de base) = 1,150 $.
6. Le montant de ce dépôt sera en général au moins égal à la fluctuation quotidienne maximale autorisée pour
la valeur du contrat.
7. Ce mécanisme d’appels de marge (variation margin en anglais) permet d’éliminer presque totalement le
risque de contrepartie dans les transactions de futures.
8. Notons qu’il est bien sûr possible de solder la position avant la fin du contrat, en revendant le contrat future
sur le marché.
9. Comme on l’a vu dans la section précédente, un FRA est également dénoué à la date de départ du taux LIBOR
sous-jacent. Néanmoins le flux payé par le FRA est actualisé (cf. équation (2.1)), ce qui le rend équivalent à un flux
égal à la différence Taux LIBOR - Taux FRA reçu à la date de fin du LIBOR sous-jacent.

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2.4 Swaps de taux 12

Ces deux points vont induire un renchérissement du taux future (taux de référence du contrat
future noté R jusqu’ici) par rapport au taux forward du contrat FRA équivalent.

En effet, le point (1) implique un ajustement de convexité lié au paiement anticipé du taux LI-
BOR sous-jacent. Ce phénomène, analogue au cas d’un paiement in arrears du taux LIBOR, est
abordé en détail section 5.1.

Le point (2) a un impact qui peut s’avérer encore plus important, notamment pour les matu-
rités longues. Acheteur du contrat future, je vais être en mark-to-market positif si le prix coté
du future augmente (c’est à dire si les taux baissent), et négatif si les taux montent. Je suis donc
perdant car amené à placer des fonds en contexte de taux bas, et à en emprunter si les taux
sont hauts – phénomène que je ne subirai évidemment pas dans le cas d’un contrat forward
qui ne fait pas l’objet d’appels de marge. Pour compenser cela, le prix d’un future avec appels
de marge doit donc être plus bas : son taux de référence sera plus élevé 10 . La quantification
précise de cet ajustement n’est pas aisée ; elle requiert l’utilisation d’un modèle de courbe (Ho
et Lee, Hull & White...) et ne sera pas abordée ici.

2.4 Swaps de taux


Un swap de taux est un contrat par lequel deux contreparties A et B s’engagent, pendant une
durée donnée, à s’échanger des flux à taux fixe contre des flux à taux variable.

• Le montant des flux échangés est calculé proportionnellement à un notionnel N


• Les flux fixes sont déterminés à partir d’un taux fixe K contractuel
• Les flux variables sont généralement déterminés à partir de l’observation d’un taux moné-
taire LIBOR ou EURIBOR (suivant la devise).

Dans le schéma ci-dessus, c’est A qui paye le taux fixe à B : du point de vue de A, le swap est dit
payeur. Du point de vue de B, le swap est dit receveur.

L’ensemble des flux fixes payés par A à B est appelé la jambe fixe du swap. Les flux variables
payés par B à A en constituent la jambe variable (appelée aussi jambe flottante ou jambe LI-
BOR).
10. Si tel n’était pas le cas on pourrait faire l’arbitrage suivant : vente du future avec appels de marge et achat du
forward correspondant (sans appels de marge).

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2.4 Swaps de taux 13

Les flux fixes et variables sont payés sur des échéanciers distincts : la fréquence de paiement
de la jambe fixe peut différer de celle de la jambe variable. Le swap de taux standard sur l’euro
a par exemple une jambe fixe de fréquence annuelle et une jambe variable de fréquence semi-
annuelle (EURIBOR 6M). C’est le cas considéré dans le schéma ci-dessous :

F IGURE 2.3 – Flux d’un swap standard sur l’euro

Utilisons les notations du schéma : l’échéancier de la jambe fixe est constitué des dates (T0F ,
T1F ,...,TnF ) ; celui de la jambe variable des dates (T0V , T1V ,..., Tm
V
). Notons bien que les deux
V
échéanciers coïncident par leur date de début et de fin : T0 = T0F et Tm V
= TnF . Notons égale-
ment que les dates des échéanciers sont ajustées suivant des conventions précises lorsqu’elles
tombent sur des week-ends ou des jours fériés.

La date de départ d’un swap standard se situe deux jours ouvrés après la date où le contrat est
conclu : T0V = T0F = t + 2 jours ouvrés. Les flux – fixes ou variables – vont être payés à la fin de
chaque période, si bien qu’il n’y a pas d’échange de flux à la date de départ du swap. Les flux
échangés se calculent de la manière suivante :

La jambe fixe est définie comme suit :

• Les flux fixes sont payés par A à B aux dates T1F ,..., TnF
• A la date TiF , i = 1, ..., n, le flux payé par A à B vaut :

δFi × K × N

où δFi représente la fraction d’année de la période d’intérêt (TiF−1 , TiF ). Pour le swap standard
sur l’euro, cette fraction d’année est calculée en utilisant la base de calcul 30/360 (appelée
aussi bond basis).

Et pour la jambe variable :

• Les flux variables sont payés par B à A aux dates T1V ,..., Tm
V

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2.4 Swaps de taux 14

• A la date TiV , i = 1, ..., m, le flux payé par A à B vaut :

δVi × EURIBOR 6M × N

• δVi (fraction d’année de la période d’intérêt (TiV−1 , TiV )) est calculée dans la base de calcul de
l’EURIBOR, à savoir Exact/360.
• EURIBOR 6M est le fixing du taux EURIBOR 6 mois, deux jours ouvrés avant le début de la
f
période d’intérêt. Si l’on note Ti −1 = TiV−1 − 2J ouvrés cette date de fixing, le taux EURIBOR
f
pris en compte est donc L(Ti −1 , TiV−1 , TiV ). On notera que le premier flux variable est déjà
f
connu au moment de la mise en place du contrat swap (T0 = t ).

L’évaluation d’un swap en fonction des zéro-coupons est aisée. La valeur actuelle (Present Va-
lue) de la jambe fixe s’obtient directement en actualisant l’ensemble des flux fixes :
n
δFi × K × N × B (t , TiF )
X
PVF (t ) =
i =1

La valeur de la jambe variable PVF (t ) peut s’obtenir en remarquant qu’un flux d’intérêt futur à
taux EURIBOR est équivalent au taux du FRA correspondant :
m
δVi × L(t , TiV−1 , TiV ) × N × B (t , TiV )
X
PVV (t ) =
i =1

En utilisant l’expression des FRA en fonction des zéro-coupons :


V
à !
m 1 B (t , Ti −1 )
V
δi × V − 1 × N × B (t , TiV )
X
PVV (t ) =
i =1 δ i
B (t , T V
i
)

Et après simplification : ³ ´
PVV (t ) = N × B (t , T0V ) − B (t , Tm
V
)

On peut retrouver ce résultat directement et plus intuitivement de la manière suivante. Consi-


dérons la stratégie d’investissement consistant à :

• Placer le notionnel N au taux EURIBOR 6 mois de marché à la date de départ du swap T0V .
• Récupérer ce montant N augmenté des intérêts à EURIBOR en date T1V .
• Réinvestir immédiatement le montant N en date T1V au nouveau taux EURIBOR de marché.
• Récupérer N augmenté des intérêts à EURIBOR en date T2V .
V
• Poursuivre cette stratégie jusqu’à la date de fin de swap Tm , date à laquelle on récupère un
dernier flux d’intérêt à taux EURIBOR et le montant notionnel N .

Au total cette stratégie équivaut donc à :

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2.4 Swaps de taux 15

• Investir le montant N en date T0V


• Recevoir la jambe variable du swap
V
• Récupérer le montant N en date Tm

L’EURIBOR étant par hypothèse le taux de marché auquel peuvent être placés les fonds, cette
stratégie a une valeur actuelle nulle : −N × B (t , T0V ) + PVV (t ) + N × B (t , Tm
V
) = 0. Ce qui permet
de retrouver l’expression de la jambe variable en fonction des zéro-coupons.

La valeur de la jambe variable dépend uniquement des dates de début et de fin du swap ; au-
trement dit, la fréquence de la jambe variable n’a aucun impact sur sa valeur (et donc sur celle
du swap). Un swap taux fixe contre EURIBOR 12 mois vaudra en théorie la même chose si on
remplace l’EURIBOR 12 mois par de l’EURIBOR 3 mois. Dès lors, en termes d’évaluation, on ne
s’intéresse plus qu’à l’échéancier de la jambe fixe que l’on note désormais (T0 ,T1 ,...,Tn ).

Du point de vue de la contrepartie A, la valeur actuelle du swap est :


³ n ´
δi B (t , Ti )
X
PVS (t ) = PVV (t ) − PVF (t ) = N B (t , T0 ) − B (t , Tn ) − K
i =1

et l’opposé du point de vue de B.

Au moment de son émission, le swap doit être équitable pour les deux contreparties. Le taux
fixe du swap est donc choisi de telle sorte que la valeur actuelle des deux jambes soient égales.
On dit que le swap est au pair. Cela nous fournit l’expression du taux fixe K en fonction des
zéro-coupons :
B (t , T0 ) − B (t , Tn )
K = S(t , T0 , Tn ) = Pn
i =1 δi B (t , Ti )

S(t , T0 , Tn ) est appelé le taux swap. C’est au moyen de ce taux que sont cotés les swaps sur
le marché. L’écran Bloomberg suivant (fig. 2.4) est une page de cotation de swaps. A la date
considérée il était donc possible de rentrer dans un swap 7 ans receveur du taux fixe K = 4,64%,
ou de rentrer dans le swap inverse, payeur du taux fixe K = 4,67%.

Il est fréquent d’écrire la PV de taux fixe K du swap de la façon suivante :


³ ´
PVS (t ) = N × LVL(t , T0 , Tn ) S(t , T0 , Tn ) − K

avec :
n
δi B (t , Ti )
X
LVL(t , T0 , Tn ) =
i =1

La quantité LVL(t , T0 , Tn ) est appelée le level du swap, ou encore PVBP (Price Value of a Basis
Point). En effet si le taux swap bouge de 1 point de base (toutes choses égales par ailleurs), la

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2.4 Swaps de taux 16

F IGURE 2.4 – Cotation des swaps sur Bloomberg

valeur actuelle du swap variera de la quantité 11 N × LVL(t , T0 , Tn ) × 1 bp.

Deux remarques pour conclure sur les swaps de taux :

• Un swap est un instrument de taux extrêmement répandu, mais, comme le FRA, il est consi-
déré comme un produit dérivé : le notionnel est fictif ; il n’est pas échangé mais sert juste de
référence pour calculer les flux fixes et variables.
• Un swap est coté au moyen de son taux fixe et a une valeur actuelle nulle au moment de son
émission. Une fois en portefeuille, à mesure que le temps passe et que le marché des taux
bouge, sa valeur actuelle fluctue. Un swap payeur voit sa valeur augmenter si le marché des
taux monte et diminuer s’il baisse.

11. Ce résultat est exact si le swap est au pair. Il devient approximatif si le swap est loin du pair, car le taux swap
impacte le level du swap.

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Partie 3

La courbe des taux

3.1 Définition, typologie


La courbe des taux, ou structure par terme des taux d’intérêts, est la fonction qui à chaque
maturité (en abscisse) associe le niveau du taux d’intérêt associé (en ordonnée). Cette courbe
correspond à une date donnée ; c’est une “photo” de la structure par termes des taux d’intérêt
à cette date.

F IGURE 3.1 – Courbe des taux sur les emprunts d’état US (Bloomberg)

Il existe en réalité une multitude de courbes des taux, car peuvent varier :

(1) La nature du taux représenté


(2) Les instruments de marché à partir desquels la courbe est construite

Concernant le point (1), on peut en effet représenter un taux de marché en fonction de sa ma-
turité : taux swap, taux de rendement obligataire, taux FRA etc. On parle dans ce cas de courbe
de marché car le taux représenté est directement observable dans le marché. A l’inverse, notre

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3.2 La courbe zéro-coupon 18

courbe peut représenter un taux implicite, non observable en tant que tel : taux zéro-coupon
ou taux forward instantané par exemple. Il s’agit alors d’une courbe implicite.

Concernant le point (2), on distingue trois grands types de courbes :

• La courbe d’état : c’est la courbe des taux “sans risque” déduite à partir des cotations d’obli-
gations d’état : OAT, BTAN, BTF...
• Les courbes corporate : elles sont déduites du prix des obligations émises par les entre-
prises. On peut s’intéresser aux obligations d’une entreprise en particulier (si la liquidité
est suffisante), d’un groupe d’entreprises de rating équivalent (par exemple AAA), d’un sec-
teur industriel en particulier, d’une zone géographique etc. Ces courbes intègrent par nature
le risque de crédit des émetteurs : elles présentent donc un spread par rapport à la courbe
d’état. Cette catégorie de courbes ne sera pas abordée dans ce support.
• La courbe interbancaire : c’est la courbe utilisée par les banques pour évaluer les produits
fondés sur les taux LIBOR (FRA, swaps, caps & floors, swaptions, exotiques...), et plus géné-
ralement l’ensemble de leurs engagements du bilan, car cette courbe correspond à leur coût
de financement. Elle est déterminée à partir des taux de dépôt (LIBOR) à court terme, des
futures sur LIBOR pour les maturités intermédiaires, et des taux swaps pour les maturités
plus longues.

3.2 La courbe zéro-coupon


On représente souvent le taux zéro-coupon en fonction de la maturité. On parle alors de courbe
zéro-coupon 1 . Rappelons que le taux zéro-coupon de maturité T , noté R(t , T ) à la date t , est
relié au prix du zéro-coupon de la façon suivante :

B (t , T ) = e −R(t ,T )(T −t ) (convention continue)


1
ou B (t , T ) = (convention actuarielle)
(1 + R(t , T ))T −t

La courbe zéro-coupon est une courbe implicite au sens où les zéro-coupons ne sont pas di-
rectement observables sur le marché. Il existe bien sûr quelques obligations zéro-coupon (ne
serait-ce que les obligations couponnées à qui il ne reste plus qu’une date anniversaire), mais
elles sont rares et surtout peu liquides. Il va donc falloir déterminer la courbe zéro-coupon in-
directement, à partir de la cotation des instruments liquides (obligations d’état dans le cas de
la courbe d’état ; taux de dépôt, futures et swaps pour la courbe interbancaire).

L’intérêt de la courbe zéro-coupon est clair : comme elle permet d’obtenir la valeur des zéro-
coupons pour toute maturité T , on pourra par son biais calculer le prix de n’importe quel ins-
trument à revenus fixes, et plus généralement – comme on l’a vu dans la partie précédente –

1. Discount curve en anglais

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3.3 Le bootstrap de la courbe 19

celui des instruments standard fondés sur le LIBOR (FRA, swaps etc...). A l’inverse, une courbe
de marché représentant par exemple le taux swap en fonction de la maturité serait peu exploi-
table en tant que telle : comment faire dans ce cas si l’on souhaite coter un swap aux carac-
téristiques non standard (jambe fixe trimestrielle, swap loin du pair...) ou tout autre produit à
revenus fixes ?

La section suivante se propose de décrire la méthode de construction des courbes zéro-coupon


d’état et interbancaire.

3.3 Le bootstrap de la courbe


Le bootstrap de la courbe des taux, appelé aussi stripping, est le processus par lequel on va
déterminer de proche en proche les zéro-coupons (et donc la courbe zéro-coupon) à partir
des instruments de marché. Il s’agit en quelque sorte d’inverser la perspective : dans la partie
précédente, nous avons supposé les zéro-coupons connus afin d’évaluer les produits standard
sur LIBOR, comment faire maintenant pour les déterminer à partir de l’information de marché
disponible ?

3.3.1 Courbe d’état

La courbe d’état est déterminée à partir de la cotation des obligations d’état (OAT, BTAN, BTF...).
Rappelons qu’une obligation est une part d’emprunt qui rémunère son détenteur d’un cou-
pon C périodique (annuel en France), le principal de l’emprunt étant remboursé à maturité
de l’obligation, en même temps que le dernier coupon. Le prix coté d’une obligation, entendu
pour un nominal de 100, s’écrit donc de la façon suivante en fonction des zéro-coupons :
n
X
100 × B (t , Tn ) + C × B (t , Ti )
i =1

La méthode théorique de reconstitution des zéro-coupon est immédiate si l’on dispose des prix
d’une série d’obligation ayant :

• les mêmes dates anniversaire


• des maturités multiples de la fréquence de paiement des coupons

En effet, considérons n obligations de maturités T1 , T2 , ..., Tn et de coupons respectifs C 1 ,C 2 , ...,C n


respectant ces conditions 2 . Les prix cotés des obligations sont donnés par :

2. Cela signifie donc que l’obligation de maturité Ti a pour dates anniversaires T1 , ..., Ti

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3.3 Le bootstrap de la courbe 20

PV1Obl = (100 +C 1 )B (t , T1 )
PV2Obl = C 2 B (t , T1 ) + (100 +C 2 )B (t , T2 )
..
.
PVnObl = C n B (t , T1 ) + . . . +C n B (t , Tn−1 ) + (100 +C n )B (t , Tn )

Les zéro-coupons B (t , T1 ), . . . , B (t , Tn ) sont donc obtenus de proche en proche en résolvant ce


système triangulaire. On en déduit les taux zéro-coupon pour les horizons T1 , ..., Tn , qui dé-
finissent notre courbe zéro-coupon. Une méthode d’interpolation (typiquement linéaire ou
polynomiale) est ensuite requise pour calculer le taux zéro-coupon entre deux dates anniver-
saires.

Cette méthode théorique est bien sûr peu réaliste car on ne dispose pas en pratique d’une
série aussi régulière de prix d’obligations. Les obligations liquides ont des maturités réparties
aléatoirement dans le temps ; on dispose typiquement de :

• Quelques obligations zéro-coupon liquides de maturités inférieures à 1 an 3


• Une série d’obligations liquides de maturités T1 < T2 < . . . < Tn supérieures à 1 an.

Dès lors, on devra avoir recours à une méthode d’interpolation au sein même du processus de
bootstrap de la courbe. L’algorithme suivant est robuste et fonctionnera dans toutes les situa-
tions :

1. Les obligations zéro-coupon de maturité inférieure à 1 an fournissent directement les


zéro-coupons (et donc les taux zéro-coupon) correspondants à leur maturité. On note T
la maturité de la plus longue obligation zéro-coupon.

2. L’obligation de maturité T1 a potentiellement des dates de tombée de coupon inférieures


à T et au moins une date de tombée supérieure à T . Son prix coté s’écrit schématique-
ment comme :
X X
F T B (t , T ) + F T B (t , T )
T ≤T T >T

où les dates T représentent les dates de tombée de coupon de l’obligation de maturité T1


et F T la valeur du flux à la date T (C en général et 100+C s’il s’agit de la date de maturité).
Disposant du prix coté de l’obligation maturant en T1 , nous obtenons la valeur du zéro-
coupon de maturité T1 en faisant les deux hypothèse suivantes :

(a) Les zéro-coupons de maturité inférieure à T sont calculés par interpolation linéaire
des taux zéro-coupon calculés à l’étape précédente.
3. Il s’agit généralement d’obligations d’état en fin de vie sur lesquelles il reste suffisamment de liquidité.

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3.3 Le bootstrap de la courbe 21

(b) La courbe zéro-coupon est continue en T et le taux zéro-coupon est supposé affine
sur l’intervalle [T , T1 ]

3. La même méthode est appliquée pour déterminer le zéro-coupon de maturité T2 : inter-


polation linéaire des taux zéro-coupon sur l’intervalle [0, T1 ] et taux zéro-coupon affine
sur l’intervalle [T1 , T2 ].

4. On itère la stratégie pour chacune des obligations suivantes. Pour déterminer le zéro-
coupon de maturité Tk , on interpolera linéairement les taux zéro-coupon sur l’intervalle
[0, Tk−1 ] et on les supposera affines sur [Tk−1 , Tk ]

Voici un exemple pour préciser un peu chacun des points ci-dessus.

Exemple. Nous disposons de 4 obligations liquides de maturités respectives 3 mois, 9 mois, 2


ans et demi et 4 ans. Les deux premières n’on plus qu’un flux à verser : elles sont donc zéro-
coupon. Les deux suivantes vont verser respectivement 3 flux et 4 flux.

Obligation Maturité Coupon Prix


A 0.25 5.00 104.31
B 0.75 3.50 101.31
C 2.5 4.30 103.78
D 4 5.50 105.25

Les obligations zéro-coupon A et B nous donnent directement les zéro-coupons de maturités


0.25 et 0.75 :
105 103.50
104.31 = 105 × B (0.25) = et 101.31 = 103.50 × B (0.75) =
(1 + R(0.25))0.25 (1 + R(0.75))0.75
d’où :
B (0.25) = 0.9935 R(0.25) = 2.65% et B (0.75) = 0.9788 R(0.75) = 2.90%

L’obligation C a trois flux, aux dates 0.5, 1.5 et 2.5. Son prix est donc :

103.78 = 4.30 × B (0.5) + 4.30 × B (1.5) + 104.30 × B (2.5) (3.1)

B (0.5) est calculé par interpolation linéaire des taux zéro-coupon de maturité 0.25 et 0.75 obte-
nus précédemment. Nous cherchons à présent le zéro-coupon / taux zéro-coupon de maturité
2.5.

• On se donne R(2.5) quelconque. Il donne la valeur de B (2.5)


• Le zéro-coupon B(1.5) de (3.1) est calculé au moyen du taux zéro-coupon R(1.5) obtenu par
interpolation linéaire des taux zéro-coupon R(0.75) et R(2.5).

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3.3 Le bootstrap de la courbe 22

• On recherche numériquement le taux R(2.5) qui vérifie la relation (3.1)

L’obligation D a pour valeur :

105.25 = 5.50 × B (1) + 5.50 × B (2) + 5.50 × B (3) + 105.50 × B (4) (3.2)

B (1) et B (2) sont calculés en interpolant linéairement les taux R(0.75) et R(2.5) déterminés pré-
cédemment. On procède ensuite comme pour l’obligation C :

• On se donne R(4) quelconque. Il donne la valeur de B (4)


• Le zéro-coupon B(3) de (3.2) est calculé au moyen du taux zéro-coupon R(3) obtenu par
interpolation linéaire des taux zéro-coupon R(2.5) et R(4).
• On recherche numériquement le taux R(4) qui vérifie la relation (3.2)

Ce qui conduit après calcul à la courbe zéro-coupon suivante :

Maturité Taux zéro-coupon


0.25 2.65%
0.75 2.90%
2.5 3.61%
4 4.10%

3.3.2 Courbe interbancaire

La courbe interbancaire est déterminée à partir de la cotation des taux de dépôt pour la partie
court terme, des futures sur taux LIBOR pour les maturités intermédiaires, et des swaps pour la
partie long terme. Voici un exemple des instruments que l’on pourrait utiliser sur le dollar :

(a) Taux overnight et taux de dépôt LIBOR 1 semaine, 2 semaines, 1 mois, 2 mois et 3 mois
(b) 8 premiers contrats Eurodollar trimestriels
(c) Swaps de maturités 2, 3, 4, 5, 7, 10, 15, 20 et 30 ans

La détermination de la partie courte de la courbe (a) est immédiate. Le taux overnight s’ap-
plique à une durée de 1 jour (ouvré) pour un placement à départ spot. Les intérêts sont calcu-
lés de la même manière que pour un taux LIBOR. En notant T1J la maturité du taux overnight
(aujourd’hui + 1 jour ouvré) et δ1J la fraction d’année correspondante (base Exact/360) on a :
µ ¶
1 1
R OVN = ¢ −1
δ1J B 0, T1J
¡

¡ ¢
La cotation du taux overnight R OVN permet donc de déduire B 0, T1J , et le taux zéro-coupon
¡ ¢
correspondant R 0, T1J .

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3.3 Le bootstrap de la courbe 23

Comme on l’a vu dans la partie précédente le LIBOR 1 semaine s’exprime de la façon suivante
en fonction des zéro-coupons :
µ ¡ ¢
B 0, T2J

1
LIBOR1W = ¢ −1
δ1W B 0, T1W
¡

Où T2J est aujourd’hui + deux jours ouvrés et où T1W est la date de fin du LIBOR (à savoir T2J
+ 1 semaine, ajustée si jour férié). Une bonne approche consiste à calculer le zéro-coupon de
maturité T2J au moyen du taux zéro-coupon obtenu précedemment :
¡ ¢ 1
B 0, T2J = ¡ ¢¢T
1 + R(0, T1J 2J

Dès lors la cotation du LIBOR 1 semaine fournit le zéro-coupon de maturité T1W :


¡ ¢
¡ ¢ B 0, T2J
B 0, T1W =
1 + δ1W × LIBOR1W

On procède de même pour les autres taux LIBOR, qui fournissent la valeur des zéro-coupons
¡ ¢ ¡ ¢ ¡ ¢ ¡ ¢
B 0, T2W , B 0, T1M , B 0, T2M et B 0, T3M .

La partie intermédiaire (b) de la courbe est obtenue à partir de la cotation des contrats futures.
Rappelons que le taux de référence du future portant sur un LIBOR de période d’intérêt (T1 , T2 )
est relié au taux FRA par un ajustement de convexité :

R FUT (0, T1 , T2 ) = L(0, T1 , T2 ) + Adj

avec :
1 B (0, T1 )
µ ¶
L(0, T1 , T2 ) = −1
δ B (0, T2 )

A la date de départ du premier contrat future, le taux zéro-coupon sera interpolé à partir des
taux zéro-coupons déjà obtenus sur le court terme. Cela permet alors de déterminer le zéro-
coupon correspondant à la date de fin du contrat future. Pour les contrats suivants, le taux
zéro-coupon de la date de départ sera soit interpolé à partir de la courbe existante si la date de
départ tombe avant la date de fin du précédent contrat, soit extrapolé si elle tombe après.

La partie long terme (c) de la courbe s’obtient à partir de la cotation des taux swaps. Rappelons
que pour un swap débutant en T0 (typiquement aujourd’hui + 2 jours ouvrés), de maturité Tn ,
et dont les flux fixes sont versés aux dates T1 , T2 ,..., Tn avec fractions d’intérêt δ1 , δ2 ,..., δn , le
taux swap est :
B (0, T0 ) − B (0, Tn )
S(0, T0 , Tn ) = Pn
i =1 δi B (0, Ti )

Si l’on dispose de cotations pour les taux swaps de maturités T1 , T2 ,..., Tn , on va pouvoir dé-
terminer itérativement les zéro-coupons. En effet, le zéro-coupon de maturité Tk s’exprime en

ENSAE / 3ème année voie finance de marché / © Antonin Chaix & Richard Guillemot / mars 2015
3.4 Actualisation OIS (Richard Guillemot) 24

fonction du taux swap S(0, T0 , Tk ) et des zéros coupons de maturités Tk−1 et inférieures :

B (0, T0 ) − S(0, T0 , Tk ) ik−1


=1 δi B (0, Ti )
P
B (0, Tk ) =
1 + δn S(0, T0 , Tk )

En pratique on se heurte néanmoins aux problèmes suivants :

• Par le jeu des ajustements de dates, il se peut que les échéanciers des différents swaps ne
coïncident pas rigoureusement. Plus généralement, la méthode ci-dessus ne fonctionne pas
si la fréquence de la jambe fixe varie d’un swap à l’autre.
• Et surtout : il n’existe pas de liquidité sur toutes les maturités consécutives jusqu’à 30 ans.
Comme mentionné plus haut on dispose par exemple de la cotation des swaps 2, 3, 4, 5, 7,
10, 15, 20 et 30 ans.

Il faudra donc intégrer une méthode d’interpolation dans le bootstrap des zéro-coupons (à la
manière de la méthode décrite pour la courbe d’état, cf. section précédente).

3.4 Actualisation OIS (Richard Guillemot)

3.4.1 L’unicité de la courbe des taux

Jusqu’à présent nous avons supposé l’existence d’une "unique" courbe des taux dite sans risque.
Cette hypothèse a 2 conséquences très pratiques sur la méthode de valorisation :

• Première conséquence, il existe une structure des taux. Si on connaît le continuum des taux
zéro coupon au comptant (c’est à dire les dire les taux zéro coupon qui fixent aujourd’hui
et pour un tenor quelconque), il est possible fixer le taux d’un emprunt forward, que l’on le
réplique par 2 emprunts au comptant.
• Seconde conséquence, toutes les jambes variables de swap qui débutent et se terminent à
la même date et de fréquence quelconque ont la même valeur. Elles sont équivalentes à re-
cevoir le nominal en date de départ et a le rembourser à la fin : c’est la formule du double
nominal. Ainsi le prix d’une obligation qui paie un coupon égal au LIBOR ou à l’EURIBOR
vaut toujours 100 aux dates de son échéancier. Bien entendu les taux variables doivent être
payés en fin de période en utilisant la base de calcul Exact 360. Dans le cas particulier d’une
obligation qui paie quotidiennement le taux EONIA ou Federal Funds 4 , l’obligation est tous
les jours au pair (de valeur égale à 100).

Le taux sans risque signifie sans risque de crédit. Chacune des 2 contreparties respectera ses
engagements financiers. Dans le cas d’un prêt/emprunt, cette responsabilité repose entière-
4. Les taux EONIA (Euro Overnight Index Average) en euros et le taux Federal Funds sont les taux interbancaires
qui prévalent pour un emprunt du jour au lendemain ou "overnight".

ENSAE / 3ème année voie finance de marché / © Antonin Chaix & Richard Guillemot / mars 2015
3.4 Actualisation OIS (Richard Guillemot) 25

ment sur l’emprunteur. Une fois qu’il a reçu le nominal, tous les flux suivants, le paiement des
intérêts et le remboursement, sont à sa charge. Dans le cas des produits dérivés, par exemple
un swap de taux, la situation est symétrique et dépend de l’évolution des taux d’intérêt relati-
vement au taux fixe du swap.

Avant la crise financière de 2008, les taux interbancaires LIBOR et EURIBOR étaient considérés
comme sans risque de crédit. Les courbes de taux associées étaient utilisées pour valoriser tous
les produits dérivés de taux. La faillite de la banque Lehman Brothers et le renflouement par les
Etats de plusieurs grandes banques d’investissement ont remis en cause cette hypothèse.

3.4.2 Multiples courbes des taux et risque de liquidité

Dans le cas d’un prêt emprunt/emprunt le risque de crédit est principalement supporté par
le prêteur, en effet le paiement des flux à venir est de la responsabilité de l’emprunteur. En
échange l’emprunteur fait face à un nouveau problème : le manque de liquidité. En d’autres
termes, l’emprunteur peut ne pas trouver de prêteur pour la durée dont il a besoin. Il devra
emprunter pour une durée plus courte et trouver un nouveau prêteur pour la période restante.
Il risque que le niveau des taux et la liquidité se soient dégradés à ce moment là. Le risque de
liquidité et le risque de crédit sont les 2 facettes d’un même problème : le prêteur doit avoir
confiance dans l’emprunteur et ce dernier ne doit pas trahir cette confiance.

Ce risque de liquidité se matérialise sur le marché des taux d’intérêt sous la forme de swap
de basis. 2 parties s’échangent des jambes variables de fréquences différentes. Par exemple un
swap 10Y EURIBOR 3M contre EURIBOR 6M - Xbps. La valeur théorique du taux 6M, obtenue
par composition des taux 3M, doit être réduite d’une certaine marge, la marge de basis, afin
que la valeur du swap lors de sa mise en place soit nulle. Cette marge nous indique l’existence
de plusieurs courbes de taux associées à chaque tenor 1D, 1M, 3M, 6M, 12M.

La courbe un jour, "one day", 1D ou OIS 5 joue un rôle bien particulier. Elle est associée au
prêt/emprunt à taux variable OIS. C’est le prêt/emprunt qui présente le moins de risque de
crédit pour le prêteur et qui par conséquent a le plus faible coût de liquidité pour l’emprunteur.
Chaque jour le prêteur récupère son nominal et il est libre de choisir une nouvelle contrepartie
moins risquée. Il apparaît donc comme une bonne solution de considérer cette courbe comme
la courbe sans risque.

3.4.3 L’usage du collatéral et l’actualisation OIS

L’usage du collatéral (ou hypothèque) est la méthode en pratique la plus utilisée pour suppri-
mer ou tout au moins réduire le risque de crédit d’un produit dérivé. Le débiteur met en gage

5. OIS (Overnight Indexed Swap) est un terme générique pour qualifier les swaps ou les taux d’intérêt de fré-
quence quotidienne (EONIA ou bien Federal Funds).

ENSAE / 3ème année voie finance de marché / © Antonin Chaix & Richard Guillemot / mars 2015
3.4 Actualisation OIS (Richard Guillemot) 26

de l’argent ou des actifs financiers à hauteur de sa dette. Chaque jour on constate l’évolution de
la valeur du produit et chacune des parties poste ou reçoit le montant qui couvre la nouvelle ex-
position, ce sont les appels de marge. Le détenteur du collatéral doit rémunérer sa contrepartie
à un taux dit taux de collatéral. Du fait des échanges quotidiens ce taux est le plus souvent le
taux OIS. On remarque que le futur est un cas particulier de la collatéralisation dans lequel le
taux de collatéral est nul.

En pratique l’usage du collatéral est régi par le Credit Support Annex (CSA) du contrat ISDA
(International Swaps and Derivatives Association), le contrat standard entre 2 contreparties
qui traitent des swaps. Le CSA définit tous les aspects techniques des échanges de collatéral et
en particulier la fréquence d’échange, la devise de paiement et le taux de collatéral.

En pratique l’usage du collatéral ne supprime pas complètement le risque de contrepartie pour


2 raisons :

• Le suivi du collatéral et le paiement des appels de marge ne sont pas effectués en continu.
Ainsi peu de temps avant le défaut, l’exposition de crédit peut fortement se dégrader sans
que les mouvements de valeurs soient capturés par les appels de marge.
• Les valeurs des actifs financiers mis en gage comme collatéral peuvent parfois être négative-
ment corrélées avec le défaut de la contrepartie. Ainsi la valeur du collatéral ne couvre plus le
montant emprunté par le créditeur une fois le défaut survenu. On parle alors de "Wrong Way
Risk" (risque de mauvais sens). Ce problème n’existe pas si le collatéral est dans la devise de
l’opération collatéralisée.

Vladimir Piterbarg [6] propose une adaptation du cadre classique de valorisation des produits
dérivés. Il démontre que le drift d’un actif collatéralisé doit être le taux de collatéral sous la pro-
babilité risque neutre. Par conséquent les flux des produits dérivés doivent être actualisés au
taux de collatéral. Le taux OIS est utlisé de façon standard dans les contrats CSA. Nous devons
donc actualiser les flux des dérivés standards (Money market, FRA, Swap) avec la courbe OIS.
Ce nouveau choix d’actualisation nécessite une adaptation de l’algorithme de calibration de la
courbe présenté précédemment. On appelle généralement cette technique actualisation OIS
ou OIS discounting.

3.4.4 Calibration des différentes courbes

La liquidité entraîne des cotations distinctes pour des swaps de même maturité mais faisant
intervenir des taux de tenors différents. On peut distinguer 2 catégories parmi les produits dis-
ponibles sur le marché :

• les swaps à taux fixe : on distingue les différentes cotations de ce swap suivant la fréquence
de la jambe variable K f . Nous supposerons que la fréquence de la jambe fixe est toujours la

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3.4 Actualisation OIS (Richard Guillemot) 27

même (annuelle en euro et semi-annuelle en dollar).


• les swaps de basis : ces produits échangent des jambes variables de fréquences différentes.
On retire une marge m f 1 − f 2 à la jambe de la fréquence la plus faible afin que la valeur du
swap soit nulle lors de sa mise en place.

Le tableau ci dessous illustre les différentes cotations possibles pour un tenor donné.

Jambe Fixe OIS 1M 3M 6M 12M


OI S 1M 3M 6M
Fixe K K K K K 12M
OIS m OI S−1M m OI S−3M m OI S−6M m OI S−12M
1M m 1M −3M m 1M −6M m 1M −12M
3M m 3M −6M m 3M −12M
6M m 6M −12M

Ces cotations sont redondantes et peuvent être reliées les unes aux autres par des arguments
de réplication. L’achat et la vente de 2 swaps payeurs de taux fixe et de fréquences variables
distinctes, réplique un swap de basis.

Soient 2 échéanciers de fréquences différentes et synchronisées. Nous supposons que le pre-


mier échéancier contient n flux et le second m flux. Nous disposons des 3 équations suivantes :
n
δni L(Tin−1 , Tin )B (t , Tin ) = K n LV L(T0 , Tn )
X
i =1
m
δm m m m m
X
i L(Ti −1 , Ti )B (t , Ti ) = K LV L(T0 , Tm )
i =1
n m
δni L(Tin−1 , Tin )B (t , Tin ) = δm m m n,m
]B (t , Tim )
X X
i [L(Ti −1 , Ti ) − m
i =1 i =1

• les quantités avec un exposant n sont associées à la jambe variable de la fréquence la plus
grande.
• les quantités avec un exposant m sont associées à la jambe variable de la fréquence la plus
faible.
• les quantités sans exposant sont associées à la jambe fixe des 2 swaps.

On en déduit ainsi que :


LV L m (T0m , Tm
m
)
Km −Kn = m n,m
LV L(T0 , Tn )

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3.4 Actualisation OIS (Richard Guillemot) 28

F IGURE 3.2 – Les différents échéanciers.

On peut approcher cette relation :


K m − K n ' m n,m

On en déduit une "sorte" de relation de Chasles pour les marges de basis :

m n,m + m m,p ' m n,p

m,n et p correspondent à trois fréquences différentes.

Pour établir les relations précédentes nous n’avons fait aucune hypothèse sur la courbe d’ac-
tualisation, c’est à dire comment sont calculés les facteurs d’actualisation B (t , Ti ) ou les diffé-
rents levels LV L n (T0 , Tn ),LV L m (T0 , Tn ),LV L(T0 , Tn ).

On peut considérer les cotations des swaps comme des invariants et elles vont être utilisées
comme valeurs cibles pour l’algorithme de calibration des courbes. L’objectif de l’algorithme
est de construire une courbe pour chaque fréquence OIS,1M,3M,6M et 12M, que l’on utilisera
pour estimer les taux forward des jambes variables associées. Le niveau des taux sera déterminé
afin que la valeur de ces swaps de marché soit nulle.

L’algorithme :

• Etape 1 : la courbe OIS


La courbe OIS joue un rôle bien particulier dans l’algorithme. En effet on utilisera la même
courbe pour estimer les taux forward des swaps OIS et actualiser leurs flux. Par conséquent

ENSAE / 3ème année voie finance de marché / © Antonin Chaix & Richard Guillemot / mars 2015
3.4 Actualisation OIS (Richard Guillemot) 29

l’algorithme classique sera utilisé.

• Etape 2 : les courbes de forward


Si l’on utilise l’algorihme classique de construction de la courbe des taux pour les index non
OIS, on ne respectera pas les cotations de marché du fait de l’actualisation. Le nouvel algo-
rithme déterminera donc de nouveaux taux forward pour chaque index (1M, 3M, 6M, 12M)
afin que les swaps de marché soient au pair.

Nous allons illustrer l’algorithme avec un exemple très simple. On considère :

• les 2 Money Market EURIBOR 6M et EURIBOR 12M,


• les 2 swaps de basis 6M vs. EONIA et 12M vs. EONIA, qui ont la même marge de basis,
• et enfin le swap taux fixe de maturité 12M et de tenor 6M (la jambe fixe est payée annuel-
lement et la jambe variable semi-annuellement). Son taux est égal à l’EURIBOR 12M. On
remarque que dans cet exemple la marge 12M vs 6M est nulle.

Produit Taux (%) Symbole


EURIBOR 6M 1% R1
EURIBOR 12M 1.5% R2
EONIA vs BOR 6M 50bps m
EONIA vs BOR 12M 50bps m
SWAP 12M vs 6M 1.5% R2
FRA 6M dans 6M ?? F

On veut calculer le taux forward 6M dans 6M, que l’on notera F. On actualisera tous les flux avec
la courbe OIS. Il nous faut donc résoudre l’équation suivante :

δ1 B OI S (t , T6M )R 1 + δ2 B OI S (t , T12M ) × F = (δ1 + δ2 )RB OI S (t , T12M ) (3.3)

Par souci de simplicité, on considère que les conventions de calcul des fractions d’années sont
les mêmes sur les jambes variables et les jambes fixes.

L’étape 1 consiste à déterminer les facteurs d’actualisation à partir des swaps OIS. Le choix de la
courbe OIS pour l’actualisation permet de les déduire directement par les formules classiques :

1
B OI S (t , T6M ) = 1+δ1 (R 1 −m)
1
B OI S (t , T12M ) = 1+(δ1 +δ2 )(R 2 −m)

L’étape 2 consiste simplement à résoudre l’équation (3.3) :

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3.4 Actualisation OIS (Richard Guillemot) 30

(δ1 + δ2 )R 2 1 + (δ1 + δ2 )(R 2 − m)


F= − R 1 δ1
δ2 δ2 (1 + δ1 (R 1 − m))
Après quelques simplifications :

F = L OI S (t , T6M , T12M ) + m 1 − δ1 L OI S (t , T6M , T12M ) ' L(t , T6M , T12M )


£ ¤

avec :

1 B OI S (t ,T6M ) 1 B (t ,T6M ) 1 1+(δ1 +δ2 )R 2


L OI S =
£ ¤ £ ¤ £ ¤
δ2 B OI S (t ,T12M ) −1 L= δ2 B (t ,T12M ) −1 = δ2 1+δ1 R 1 −1

La formule précédente nous indique que le nouveau taux F, prenant en compte l’actualisation
OIS, est très proche de la formule classique du forward L(T6M , T12M ). Le tableau suivant illustre
que l’ajustement, c’est à dire F − L(T6M , T12M ), est une fraction de point de base.

m=OIS-BOR F Ajustement
0 bps 1.9900% 0.00 bps
10 bps 1.9905% 0.05 bps
20 bps 1.9910% 0.10 bps
30 bps 1.9915% 0.15 bps
40 bps 1.9920% 0.20 bps
50 bps 1.9925% 0.25 bps

3.4.5 Gestion dans un environement multi courbes

Nous avons vu précédemment que les produits dérivés collatéralisés doivent être actualisés au
taux de collatéral standard OIS. L’algorithme de calage des courbes des taux doit être adapté
en conséquence. En pratique la formule de calcul des taux forward est légèrement ajustée. Si
l’on gère un portefeuille qui ne contient que des produits dérivés collatéralisés, l’actualisation
OIS a peu d’impact. Un banque se collatéralise seulement avec ses contreparties bancaires. En
effet le client d’une banque qui traite un swap adossé à une obligation ne souhaite pas que sa
trésorerie soit perturbée par des appels de marge sur lesquels il n’a aucun contrôle. La banque
devra alors couvrir des opérations non collatéralisées avec des opérations collatéralisées. Une
opération non collatéralisée ne sera pas actualisée au taux OIS mais au taux de financement de
la banque plus proche de l’EURIBOR.

Considérons un swap 20 ans, standard, non collatéralisé, d’un nominal de 100 Millions d’euros
payeur de taux fixe (Swap Client) couvert par un swap 20 ans, collatéralisé, receveur de taux
fixe (Swap de Marché). Les taux d’intérêt valent 2% et la marge OIS vs. EURIBOR 50 points de
base.

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3.4 Actualisation OIS (Richard Guillemot) 31

Le swap client sera actualisé au taux EURIBOR et le swap de marché au taux OIS. Ci-dessous la
sensibilité et la convexité de chacune des 2 opérations :

PV (Mios EUR) Sensi (kEUR) Convexité (EUR)


Swap de Marché 0 172 -333
Swap Client 2 -166 315

Il faudra traiter 96.5 millions d’euros (= 166


172 × 100 millions d’euros ) du swap de marché pour
couvrir le swap du client. Le portefeuille couvert au premier ordre génère une convexité néga-
tive de 6 euros bp2 , c’est à dire une perte de 30 kEUR ( 12 × 6 × 10000) pour un mouvement de
taux à la hausse ou à la baisse de 100 points de base.

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Partie 4

Options de taux

4.1 Evaluer les actifs en présence de taux stochastiques


Les résultats qui suivent sont présentés succinctement et sans démonstration. Pour plus de
détails on pourra se reporter au très bon support de cours de A. Lesniewski [5], disponible en
ligne.

Sous les hypothèses habituelles d’absence d’opportunités d’arbitrage, on sait qu’il existe une
mesure de probabilité Q, dite probabilité risque-neutre, sous laquelle les prix actualisés des ac-
tifs du marché sont des martingales. En d’autres termes si l’on considère un actif X du marché,
de prix X t à la date t, alors le processus :
Rt
rs d s
Mt = e − 0 Xt

est une Q-martingale. Cela implique que, connaissant la valeur en T > t de cet actif, on pourra
obtenir sa valeur en t par l’espérance :
³ RT ´
Q
X t = Et e − t r s d s X T

Cette formulation est suffisante si l’on suppose les taux d’intérêt déterministes, car le terme
d’actualisation peut être sorti de l’espérance. On fera la plupart du temps cette hypothèse sur
les dérivés sur actions ou change dans lesquels le risque de taux est négligeable par rapport
aux autres aléas. En revanche dès que l’on s’intéresse aux dérivés de taux, on devra par na-
ture supposer les taux aléatoires. Dans une telle situation l’évaluation risque-neutre n’est pas
adaptée car le terme d’actualisation (désormais stochastique) complique énormément les cal-
culs. Le concept de numéraire et la technique de changement de numéraire va nous faciliter
les choses.

Un numéraire est un actif financier ne distribuant pas de dividendes, et dont le processus de


prix N t reste toujours strictement positif. Sous l’hypothèse d’AOA, pour tout numéraire N , il
existe une mesure de probabilité Q N – appelée mesure martingale équivalente – telle que tout
actif du marché exprimé en unité de numéraire soit une Q N -martingale. Autrement dit, la me-
sure Q N est telle que pour tout actif X du marché de prix X t à la date t , le processus X t /N t est
une Q N -martingale.

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4.1 Evaluer les actifs en présence de taux stochastiques 33

Considérons à nouveau notre actif X . La propriété précédente implique qu’il existe une mesure
de probabilité Q N telle que :
Xt QN XT
µ ¶
= Et
Nt NT
Pour passer d’un numéraire N à un numéraire N 0 on écrira donc :

QN XT XT
µ ¶ µ ¶
N0
0 Q
X t = N t Et = N t Et
NT NT0

Ainsi, la probabilité risque-neutre est la mesure associée au numéraire :


µZ t ¶
N t = exp rs d s
0

qui n’est autre que la valeur de 1 euro placé à la date initiale et réinvesti en continu au taux sans
risque instantané.

Revenons à notre problème d’évaluation en présence de taux stochastiques. Pour faire sortir
l’actualisation de l’espérance, l’idée est d’utiliser comme numéraire le zéro-coupon de matu-
rité T . On pose donc N t = B (t , T ) et on note Q T la mesure martingale équivalente correspon-
dante. Cette mesure est appelée probabilité forward-neutre de maturité T . Sous cette nou-
velle mesure l’évaluation de X s’écrira :
XT
µ ¶
QT QT ¡
X t = B (t , T ) Et = B (t , T ) Et X T
¢
B (T, T )

Ce qui permet en effet de faire disparaître le taux court de l’espérance.

Voici sur un exemple très classique la façon d’exploiter ce résultat. Supposons que l’actif X
soit un call de maturité T sur un actif S sous-jacent (on suppose que S ne distribue pas de
dividendes). On a donc X T = (S T − K )+ , X t représentant la valeur de l’option à la date t < T . Ce
n’est pas directement l’actif S que l’on va modéliser mais le forward F t = S t /B (t , T ), qui n’est
autre que l’actif S exprimé en unités du numéraire B (t , T ). L’intérêt de la manœuvre est que ce
forward est par construction une martingale sous la mesure Q T , donc un processus sans drift ;
si l’on suppose sa dynamique log-normale on pourra écrire :
T

 d F t = σ F t dW Q
t
 où W Q T est un mouvement brownien standard sous la mesure Q T

L’évaluation de l’option est alors directe au moyen de la formule de Black & Scholes :

X t = B (t , T ) BScall (T − t , K , F t , σ)

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4.2 Caps et floors 34

avec : 


 BScall (τ, K , F, σ) = F N (d 1 ) − K N (d 2 )

BSput (τ, K , F, σ) = K N (−d 2 ) − F N (−d 1 )






 N : fonction de répartition de la loi normale centrée réduite

(4.1)
ln KF + 12 σ2 τ
 ¡ ¢

d1 =

 p
σ τ




p


d = d −σ τ

2 1

Pour résumer :

• L’évaluation des dérivés de taux utilise systématiquement la technique de changement de


numéraire.
• Ce changement de numéraire permet de sortir le terme d’actualisation de l’espérance et
d’écrire les payoffs optionnels sur des martingales, i.e. des processus sans drift.
• Cette technique est indispensable pour l’évaluation des caps, floors et swaptions détaillée
dans les paragraphes suivants.

4.2 Caps et floors


Un cap est un instrument de taux dont la structure est calquée sur celle d’une jambe variable
de swap.

Considérons un cap sur EURIBOR 6 mois, de strike K , de date de départ T0 et de fin Tn . Il est
défini sur un échéancier (T0 ,T1 ,...,Tn ) identique à celui de la jambe variable correspondante.
Dans ce qui suit nous supposons le notionnel unitaire. A chaque date Ti (i > 0), le cap verse un
flux égal à :
f
δi max L(Ti −1 , Ti −1 , Ti ) − K , 0
¡ ¢

où δi correspond à la fraction d’année de la période d’intérêt (Ti −1 , Ti ) (base Exact/360), et où la


f
date de fixing Ti −1 se situe deux jours ouvrés avant Ti −1 . Il s’agit donc du même taux EURIBOR
que dans la jambe variable d’un swap, sauf que dans le cas du cap le flux est égal au payoff d’un
call de strike K sur ce taux.

F IGURE 4.1 – Cap sur EURIBOR

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4.2 Caps et floors 35

Un cap peut donc être vu comme un panier d’options sur EURIBOR. Chacune de ces options est
appelée un caplet. Le prix du cap s’obtient comme la somme des prix des caplets le composant.

A l’instar du cap, un floor est composé de floorlets, chacun étant défini comme un put de strike
f
K sur EURIBOR. Le flux versé par le floor en date Ti vaut donc δi max K − L(Ti −1 , Ti −1 , Ti ), 0 .
¡ ¢

Exemples.

• CAP 10Y sur EURIBOR 6M, strike 4,50%, départ spot. Il consistera en 19 caplets consécutifs,
de même strike 4,50%. Le premier caplet est exclu car le fixing de l’EURIBOR correspondant
est d’ores et déjà connu au moment de l’émission du cap.
• FLOOR 1Y x 5Y (“1 by 5”) sur LIBOR USD 3M, strike 5,00%. Il s’agit d’un floor à départ
forward, composé de 16 floorlets. Le premier floorlet expire dans un an (paiement 3 mois
plus tard), le dernier floorlet expire dans 4 ans et 9 mois (paiement dans 5 ans). A la différence
de l’exemple précédent, le premier floorlet est pris en compte car il correspond à un fixing
de LIBOR encore inconnu.

L’utilisation des caps et des floors peut être la suivante. Remarquons tout d’abord que pour
toute variable aléatoire X :

• X cappé à la valeur C = X − (X −C )+
• X flooré à la valeur F = X + (F − X )+
• X cappé à C et flooré à F = X + (F − X )+ − (X −C )+

En conséquence, si on combine l’achat d’une jambe LIBOR/EURIBOR avec la vente d’un cap
et/ou l’achat d’un floor, on pourra synthétiser une jambe variable où le taux est cappé et/ou
flooré à certaines valeurs définies par les strikes du cap et du floor. Du point de vue de l’ALM,
une banque de détail proposant aux particuliers des emprunts immobiliers à taux variable
cappé pourra donc couvrir son bilan en empruntant à EURIBOR et en achetant des caps aux
strikes adéquats.

La parité call-put pour les caps et floors s’écrit de la façon suivante. Considérons l’achat d’un
cap de date de début T0 et de fin Tn combiné avec la vente d’un floor de mêmes caractéris-
tiques. A la date Ti le flux résultant est
f
δi L(Ti −1 , Ti −1 , Ti ) − K
¡ ¢

qui n’est autre que le flux net d’un swap payeur LIBOR contre taux fixe K (le taux fixe étant payé
sur les mêmes échéancier et base de calcul que le LIBOR). En valeur actuelle on a donc :

PVCAP (t ) − PVFLOOR (t ) = PVSWAP (t )


n
δi B (t , Ti )
X
= B (t , T0 ) − B (t , Tn ) − K
i =1

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4.2 Caps et floors 36

Par définition, le cap et le floor sont à la monnaie (At The Money) s’ils ont même valeur, ce qui
correspond au strike suivant :
B (t , T0 ) − B (t , Tn )
K ATM = Pn
i =1 δi B (t , Ti )
soit K ATM = le taux swap (forward) associé à l’échéancier du cap. Attention : ce taux swap dif-
fère légèrement d’un taux swap standard en raison des conventions utilisées sur la jambe fixe
(fréquence : celle du cap, base de calcul : celle du LIBOR soit Exact/360).

Notons enfin que ce strike ATM est un strike “moyen”. Aucun des caplets/floorlets ne sera réel-
lement à la monnaie ; il faudrait pour cela utiliser un strike différent pour chaque caplet/floorlet
égal au LIBOR forward (taux FRA) correspondant.

Passons maintenant à l’évaluation d’un cap. Considérons le caplet payé à la date Ti ; il verse à
cette date le payoff : ³
f
´ +
δi L(Ti −1 , Ti −1 , Ti ) − K

Utilisons les techniques de la section précédente, et évaluons ce flux futur en utilisant la mesure
forward-neutre associée à la date de paiement Ti :

Q Ti ¡
³ ¢+ ´
f
PViCaplet (t ) = δi B (t , Ti ) Et L(Ti −1 , Ti −1 , Ti ) − K

Le taux LIBOR L(t , Ti −1 , Ti ) sous-jacent à l’option est par construction une martingale sous
cette mesure forward :
1 B (t , Ti −1 ) 1 B (t , Ti −1 ) − B (t , Ti )
µ ¶ µ ¶
L(t , Ti −1 , Ti ) = −1 =
δi B (t , Ti ) δi B (t , Ti )

Il s’exprime en effet comme un actif du marché (1/δi × le portefeuille constitué de l’achat du


zéro-coupon de maturité Ti et de la vente du zéro-coupon de maturité Ti −1 ), exprimé en unité
du numéraire B (t , Ti ).

On peut donc, sous cette mesure, modéliser ce taux LIBOR comme un processus sans drift.
Le cas considéré ci-dessous est celui du modèle de Black, qui suppose une dynamique log-
normale sur le LIBOR :
T

 d L(t , Ti −1 , Ti ) = σ L(t , Ti −1 , Ti ) dW Q i
t
 où W Q Ti est un mouvement brownien standard sous la mesure Q Ti

Sous cette hypothèse, l’évaluation du caplet est directe au moyen de la formule de Black &
Scholes :
¡ f
PViCaplet (t ) = δi B (t , Ti ) BScall Ti −1 − t , K , L(t , Ti −1 , Ti ), σ
¢

où la fonction BScall est définie par (4.1).

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4.3 Swaptions 37

Attention : la date de paiement du caplet est bien Ti (ce qui justifie l’utilisation de la mesure
f
forward associée), mais la maturité intervenant dans la formule est la date Ti −1 de fixing du
taux LIBOR, car celui-ci diffuse uniquement de la date t à sa date de fixing.

Sous les hypothèses du modèle de Black, on sait maintenant évaluer chacun des caplets ; le prix
du cap correspondant est :
n
PViCaplet (t )
X
PVCAP (t ) =
i =1

4.3 Swaptions
Une swaption est une option dont le sous-jacent est un swap de taux commençant à une date
future.

Plus concrètement, notons T0 la date de départ du swap sous-jacent, Tn sa date de fin, (T0 ,T1 ,
...,Tn ) l’échéancier de sa jambe fixe, et (δ1 ,δ2 ,...,δn ) les fractions d’années correspondantes.
Pour alléger les notations on supposera le notionnel du swap égal à 1.

Une swaption payeuse de strike K sur ce swap sous-jacent est l’option, à la date de maturité
T f = T0 −2 jours ouvrés, d’entrer dans le swap payeur du taux fixe K . La swaption receveuse
correspondante est l’option d’entrer dans le swap receveur du taux fixe K .

F IGURE 4.2 – Swaption

Exemples. Le marché des swaptions est relativement liquide. Les swaptions cotées sur le mar-
ché sont écrites pour des swaps sous-jacents de caractéristiques standard (jambe fixe annual
bond basis vs. variable EURIBOR 6M money market sur l’euro ; jambe fixe semi-annual bond
basis vs. variable LIBOR USD 3M money market sur le dollar). Voici deux exemples sur l’euro :

• Swaption receveuse 1Y → 5Y (“1 into 5”), strike 5,50% : donne le droit à son détenteur de
rentrer dans 1 an dans le swap 5 ans receveur du taux fixe 5,50% et payeur de l’EURIBOR 6M.
Notons bien que la date de fin du swap sous-jacent se situe donc dans 6 ans = 1 an + 5 ans.
• Swaption payeuse 5Y → 10Y (“5 into 10”), strike 6,00% : donne le droit à son détenteur de
rentrer dans 5 ans dans le swap 10 ans payeur du taux fixe 6,00% et receveur de l’EURIBOR

ENSAE / 3ème année voie finance de marché / © Antonin Chaix & Richard Guillemot / mars 2015
4.3 Swaptions 38

6M.

L’évaluation des swaptions est aisée dès lors que l’on maîtrise la technique de changement de
numéraire. Nous reprenons ici les notations utilisées dans le paragraphe consacré aux swaps
de taux.

Le détenteur de la swaption payeuse exercera l’option si, arrivé à la maturité T f , le swap sous-
jacent s’avère profitable ; c’est à dire si PVV (T f ) − PVF (T f ) > 0. Dans ce cas, il “empoche” la PV
du swap (virtuellement car il rentre en fait physiquement dans le swap). Dans le cas inverse, le
¡ ¢+
gain est nul. Le payoff de la swaption en date T f s’écrit ainsi PVV (T f )−PVF (T f ) . En utilisant
la mesure forward-neutre associée à la date T f , la swaption payeuse peut donc s’évaluer ainsi :
T ³ ¢+ ´
Q f ¡
PVPSw (t ) = B (t , T f ) Et PVV (T f ) − PVF (T f )

Comme on l’a vu dans la section consacrée aux swaps de taux, la PV du swap peut s’écrire en
fonction du taux swap et du level du swap. Le prix de la swaption se réécrit :
T ³ ¢+ ´
Q f
PVPSw (t ) = B (t , T f ) Et
¡
LVL(T f , T0 , Tn ) S(T f , T0 , Tn ) − K

avec :
n B (t , T0 ) − B (t , Tn )
δi B (t , Ti ) et S(t , T0 , Tn ) =
X
LVL(t , T0 , Tn ) =
i =1 LVL(t , T0 , Tn )

Considérons le numéraire défini par le level du swap (panier de zéro-coupons), et notons Q LVL
la mesure martingale équivalente associée. L’évaluation de la swaption sous cette nouvelle me-
sure s’écrit :
Q LVL ¡
³ ¢+ ´
PVPSw (t ) = LVL(t , T0 , Tn ) Et S(T f , T0 , Tn ) − K

En utilisant la mesure associée au level du swap, dite aussi mesure swap-neutre, la swaption
payeuse peut s’interpréter comme un call sur le taux swap. De plus, le taux swap est une mar-
tingale sous la probabilité Q LVL puisque qu’il s’écrit comme la valeur d’un actif de marché (un
portefeuille constitué de deux zéro-coupons) divisée par le numéraire. Comme dans le cas du
cap, on peut donc modéliser le taux swap comme un processus sans drift au moyen du modèle
de Black :
 LVL
 d S(t , T0 , Tn ) = σS(t , T0 , Tn ) dW Q
t
 où W Q LVL est un mouvement brownien standard sous la mesure Q LVL

Avec pour résultat :

PVPSw (t ) = LVL(t , T0 , Tn ) BScall T f − t , K , S(t , T0 , Tn ), σ


¡ ¢

Quelques remarques pour conclure :

ENSAE / 3ème année voie finance de marché / © Antonin Chaix & Richard Guillemot / mars 2015
4.4 Au delà du modèle de Black 39

• Inversement, une swaption receveuse s’écrit comme un put sur le taux swap.
• La parité call-put est immédiate : l’achat d’une swaption payeuse (strike K ) combiné à la
vente d’une swaption receveuse de mêmes caractéristiques réplique exactement le swap
payeur du taux fixe K . En termes de prix on aura donc PVPSw (t ) − PVRSw (t ) = valeur du swap
payeur du taux fixe K .
• Une swaption est à la monnaie lorsque le swap sous-jacent est au pair (PV nulle), c’est à dire
pour le strike K ATM = S(t , T0 , Tn ).
• Un swap peut être vu comme un panier de taux forwards LIBOR – et donc une swaption
comme une option sur ce panier. Cela mène à une stratégie classique de valeur relative : par
exemple achat du straddle 1 swaption 1Y → 5Y contre vente du cap/floor straddle corres-
pondant 1Y × 6Y. Une telle stratégie permet de prendre position sur la corrélation entre les
taux LIBOR forwards et tirer bénéfice d’une inconsistance (supposée) entre la volatilité des
caps/floors et celle des swaptions.

4.4 Au delà du modèle de Black


Le modèle de Black utilisé jusqu’à présent spécifie la dynamique du forward (taux swap ou
LIBOR) comme un processus log-normal de volatilité σ constante, donc indépendante du ni-
veau du forward. L’existence d’un smile de volatilité assez prononcé sur les options de taux,
c’est à dire d’une dépendance de la volatilité implicite des options vis à vis de leur strike, met
en évidence les limites du modèle de Black.

Les opérateurs de marché ont bien conscience de l’inadéquation de ce modèle : de fait, il n’est
utilisé que comme un référent permettant de coter les options vanilles en termes de volatilité
implicite. Dès que l’on s’intéresse à la gestion du risque de ces options (via une couverture en
delta, éventuellement en véga), ou à l’évaluation de produits plus complexes, il est souhaitable
d’avoir recours à des modèles plus riches et d’une cohérence accrue avec le smile de volatilité.

La classe des modèles à volatilité locale est une piste pour améliorer le modèle de Black. Ces
modèles consistent à spécifier la volatilité instantanée du forward comme une fonction déter-
ministe σ(t , F ) du temps et du niveau du forward :

d F t = σ(t , F t )dWt

Même si l’on ne connaît pas réellement la nature de la volatilité (l’observation empirique montre
qu’elle est stochastique), on peut en revanche calibrer la fonction σ afin que le modèle repro-
duise au mieux les prix cotés des options (et donc les volatilités implicites correspondantes).
Parmi les modèles à volatilité locale, on peut notamment considérer les trois cas suivants qui
fournissent des solutions analytiques pour le prix des calls et puts :

1. Un straddle est une stratégie consistant à acheter simultanément un call et un put de mêmes strikes.

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4.4 Au delà du modèle de Black 40

• le modèle normal
• le modèle log-normal décalé
• le modèle CEV

4.4.1 Le modèle normal

Dans le modèle normal la dynamique du taux forward est défini de la manière suivante :

d F t = σ dWt

sous le numéraire adéquat. Le paramètre σ est appelé la volatilité normale (ou volatilité abso-
lue, ou encore “vol bp”). L’EDS s’intègre immédiatement en :

F t = F 0 + σWt

Ce qui met en évidence le principal problème du modèle normal : le taux forward F a une
probabilité non nulle de devenir négatif. Dans les circonstances habituelles d’utilisation du
modèle cette probabilité est néanmoins très faible.

Dans le modèle normal, le prix à la date t du call et du put de maturité T et de strike K s’écrivent :

PVcall (t ) = N (t ) Ncall (T − t , K , F t , σ)
PVput (t ) = N (t ) Nput (T − t , K , F t , σ)

Où N (t ) représente la valeur en t du numéraire utilisé (zéro-coupon de maturité la date de


fin du LIBOR pour un caplet, level du swap sous-jacent pour une swaption etc...), et où les
fonctions Ncall et Nput sont données par :
p ³ ´
Ncall (τ, K , F, σ) = σ τ d + N (d + ) + N 0 (d + )
p ³ ´
Nput (τ, K , F, σ) = σ τ d − N (d − ) + N 0 (d − )

avec :
F −K
d± = ± p
σ τ

Le modèle normal est souvent utilisé dans le monde des options de taux et a parfois tendance à
remplacer le modèle de Black. De nombreux opérateurs préfèrent parler en termes de volatilité
normale (plutôt que log-normale) car ils jugent que les variations des taux sont absolues plutôt
que relatives.

La figure 4.3 ci-après représente le smile de volatilité (Black-implicite) dans le modèle normal.
On remarquera que celui ci est décroissant en fonction du strike des options ; on parle dans ce
cas de skew de volatilité.

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4.4 Au delà du modèle de Black 41

F IGURE 4.3 – Smile Black-implicite du modèle normal.


Le taux forward est 5%. La volatilité normale σ est égale à
0,90%.

4.4.2 Le modèle log-normal décalé

En anglais on parle de shifted log-normal model. La dynamique du forward sous le numéraire


N adéquat s’écrit au moyen d’une volatilité σ et d’un paramètre d de décalage :

d F t = σ(F t + d )dWt

Il s’intègre donc en :
µ ¶
1 2
F T = (F t + d ) exp − σ (T − t ) + σ (WT − Wt ) − d
2

On en déduit :

PVcall (t ) = N (t ) SLcall (T − t , K , F t , σ, d )
PVput (t ) = N (t ) SLput (T − t , K , F t , σ, d )

avec :
SLcall/put (τ, K , F, σ, d ) = BScall/put (τ, K + d , F + d , σ)

Ce modèle est assez fréquemment utilisé en pratique. Il peut être vu comme un compromis
entre le modèle log-normal et le modèle normal. Le paramètre de décalage permet de se cali-
brer sur certaines formes de smile décroissantes en fonction du strike 2 , parfois observées sur
les marchés caps / floors / swaptions.
2. On parle dans ce cas de skew de volatilité.

ENSAE / 3ème année voie finance de marché / © Antonin Chaix & Richard Guillemot / mars 2015
4.4 Au delà du modèle de Black 42

F IGURE 4.4 – Smile Black-implicite du modèle log-normal décalé pour


différentes valeurs du paramètre d . Le forward est égal à 5%. Le paramètre
σ est calibré de telle sorte que la volatilité à la monnaie (strike 5%) demeure
égale à 18%.

4.4.3 Le modèle CEV

CEV = Constant Elasticity of Variance.

La dynamique du taux forward est spécifiée comme suit :

β
d F t = σ F t dWt

avec 0 < β < 1. Les cas aux limites (β = 1 et β = 0) donnent respectivement le modèle log-normal
(Black) et le modèle normal.

Le prix d’un call et d’un put dans le cadre du modèle CEV s’expriment via la fonction de réparti-
tion d’une loi du χ2 décentrée. Pour leurs expressions exactes on peut se reporter à [5] (Lecture
2).

Tout comme le modèle log-normal décalé, le modèle CEV peut être vu comme un moyen terme
entre l’approche log-normale et l’approche gaussienne. A l’instar du paramètre d du modèle
log-normal décalé, le β permettra de contrôler la pente du smile : proche de 1, la volatilité
Black-implicite sera constante en fonction du strike ; proche de 0, le smile sera celui du modèle
normal.

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4.5 Le modèle SABR 43

4.5 Le modèle SABR


Les modèles présentés dans la section 4.4 permettent d’obtenir un skew de volatilité, c’est à
dire une volatilité implicite décroissante en fonction du strike. Ces améliorations du modèle de
Black sont pourtant insuffisantes. Elles ne permettent pas de reproduire les formes de volatilité
implicites observées en pratique – notamment la forme en U (le fameux smile), très fréquente
sur les maturités courtes. Une autre limitation de ce type de modèle, plus subtile, concerne la
dynamique parfois incohérente du smile de volatilité 3 .

En réponse à ces insuffisances on pourra considérer deux nouvelles catégories de modèles.


Tout d’abord les modèles à volatilité stochastique, où la volatilité est elle même modélisée
comme un processus aléatoire ; mais aussi les modèles à sauts (écrits au moyen de processus de
Levy) où la dynamique du taux sous-jacent présente des discontinuités. Dans ce qui suit nous
nous intéressons à un modèle à volatilité stochastique particulier : le modèle SABR, devenu une
référence dans le monde des options de taux.

SABR est l’acronyme de Sigma-Alpha-Beta-Rho. C’est une extension du modèle CEV spécifié
de la manière suivante sous le numéraire adéquat 4 :

β

1
 d F t = σt F t dWt

d σt
 = α dWt2
σt

Etant donné une valeur initiale F 0 pour le taux forward, le modèle SABR se définit donc au
moyen des quatre paramètres suivants :

• σ0 : valeur initiale de la volatilité


• α : volatilité (log-normale) de la volatilité (volvol)
• β : exposant CEV, compris entre 0 et 1
• ρ : corrélation entre les deux browniens (d < W 1 ,W 2 >t = ρd t , ρ ∈ [−1, 1])

Sauf dans le cas dégénéré où β = 0 (modèle gaussien à volatilité stochastique), on ne connaît


pas de solution explicite pour évaluer les calls et les puts dans le modèle SABR. Dans le cas
général, on utilise une méthode approximative de développement asymptotique, au moyen de
la perturbation ε = T α2 , où T est la maturité de l’option considérée 5 . Cette méthode conduit
3. Par dynamique du smile on entend la façon dont le smile se déplace (dans le modèle) lors d’une variation
du taux sous-jacent. Si, en toute généralité, les modèles à volatilité locale permettent un calibrage parfait au smile
de volatilité (notamment via la formule de Dupire (1994)), ils sont connus pour induire une dynamique du smile
incohérente avec la réalité empirique.
4. i.e. le numéraire rendant le taux modélisé martingale
5. En général ε est petit, ce qui rend l’approximation assez précise.

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4.5 Le modèle SABR 44

F IGURE 4.5 – Impact des paramètres sur le smile de volatilité SABR. On considère une
option de maturité 1 an sur un taux sous-jacent de forward F 0 = 5.00%. On part du jeu de
paramètres SABR suivant : σ0 = 0.03, α = 0.60, ρ = −0.10, β = 0.40. Le smile correspondant
(vol. implicite de l’option en fonction de son strike) est représenté en pointillé sur les quatre
graphiques. On modifie ensuite chacun des paramètres en le décalant de la valeur indiquée,
conduisant au smile représenté en trait plein. Pour le décalage de β, on recalibre au préalable
le paramètre σ0 afin que la volatilité à la monnaie reste inchangée.

à une formule approchée donnant la volatilité Black-implicite 6 du call/put de maturité T et de


strike K :
σ0 x
µ ¶
σbs (T, K ; F 0 , σ0 , α, β, ρ) = 1−β (1−β)2 (1−β)4
n ³ ´ ³ ´ o
(F 0 K ) 2 1 + 24 log2 FK0 + 1920 log4 FK0 + . . . y(x)
) (4.2)
σ20
( " #
(1 − β)2 1 ρβσ0 α 2 − 3ρ 2 2
× 1+ + + α T +...
24 (F 0 K )1−β 4 (F K ) 1−β
2
24
0
Avec :
α F0
 µ ¶
1−β
 x = (F 0 K ) 2 log
σ0

K


Ãp !
 1 − 2ρx + x 2 + x − ρ
 y(x) = log


1−ρ

6. On peut dériver une formule analogue pour la volatilité normale-implicite.

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4.6 Risk-management des options de taux 45

Le prix d’un call de maturité T et de strike K sera donc :

PVcall = N (0) BScall T, K , F 0 , σbs (T, K ; F 0 , σ0 , α, β, ρ)


¡ ¢
(4.3)

où N (0) désigne la valeur initiale du numéraire associé au taux F .

L’impact des paramètres SABR sur le smile de volatilité est bien résumé par la figure 4.5 précé-
dente. On retiendra que :

• Une augmentation du paramètre σ0 induit une translation à la hausse du smile de volatilité


• Le paramètre α impacte la convexité du smile. Plus la volvol est importante, plus le smile est
convexe.
• Les paramètres β et ρ jouent sur la pente du smile : la diminution d’un de ces paramètres
induit un mouvement de “pentification” du smile de volatilité.

4.6 Risk-management des options de taux

4.6.1 Le cube de volatilité

Les prix des caps / floors / swaptions sont représentés par leur volatilité implicite. On parle
alors de volatilités de marché ; elle sont organisées par :

(a) Maturité de l’option


(b) Tenor 7 du sous-jacent
(c) Strike de l’option

Cet objet à trois dimensions est appelé cube de volatilité. On dispose typiquement d’une série
de points liquides en maturité (1 mois, 3 mois, 6 mois, 1 an, 2 ans etc.), tenor (3 mois, 6 mois,
1 an, 2 ans etc.) et strike (ATM, ATM + 50 bp, ATM – 50 bp, ATM + 100 bp, ATM – 100 bp etc.),
comme illustré par la figure 4.6. Le tout est ensuite d’interpoler (ou extrapoler) intelligemment
pour obtenir la volatilité implicite d’un instrument de maturité / tenor / strike quelconque.

Ce cube de volatilité, combiné à la donnée d’une courbe des taux, permet l’évaluation des por-
tefeuilles optionnels, vanilles et/ou exotiques. Les options vanilles sont évaluées par interpola-
tion de la volatilité implicite dans le cube ; les options exotiques dépendent tout aussi directe-
ment du cube de volatilité car elles sont évaluées via des modèles calibrés sur les volatilités de
marché (voir chapitres suivants). La problématique du trader option est alors d’utiliser tous les
produits vanilles disponibles (monétaire, futures, swaps, caps & floors, swaptions) pour couvrir
au mieux son portefeuille. Cette couverture s’implémente généralement comme suit :
7. i.e. la “longueur” de l’instrument LIBOR / EURIBOR sous-jacent : un caplet est de tenor 6 mois s’il porte sur
de l’EURIBOR 6 mois. Une swaption est de tenor 20 ans si elle porte sur un swap sous-jacent 20 ans.

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4.6 Risk-management des options de taux 46

F IGURE 4.6 – Cube de volatilité (partiel) sur les caps / floors / swaptions
EURIBOR. Chaque sous-tableau correspond à un tenor particulier (3 mois,
6 mois, 1 an, 2 ans...) et représente la volatilité implicite en fonction de la
maturité et du strike des options.

• Calcul du véga. On calcule la sensibilité du portefeuille vis-à-vis de chacun des points du


cube de volatilité. En d’autres termes, on perturbe une par une les volatilités de marché de
1% et on calcule la nouvelle valeur du portefeuille. Le véga correspond à la différence entre
la valeur perturbée et la valeur initiale du portefeuille.
• Couverture en véga (vega-hedge). Pour chacun des points du cube, on traite des caps/floors
et swaptions en proportion du véga, de telle sorte qu’au total, le portefeuille résultant soit
véga-neutre. Exemple : si notre portefeuille a un véga de +50,000 € par rapport à la volatilité
5Y/10Y strike 5.00%, on traitera une quantité de swaptions 5Y/10Y strike 5.00% ayant pour
véga – 50,000 € (en l’occurence, on vendra les swaptions en quantité nécessaire).
• Calcul du delta. On calcule le Delta du portefeuille résultant (portefeuille initial + vega-
hedge) sur la courbe des taux, pilier par pilier. Ce delta est calculé en décalant successive-
ment tous les inputs de la courbe de 1 point de base (taux monétaires, prix des futures, taux
swap).
• Couverture en delta. Il s’agit ici de réaliser le delta-hedge du portefeuille global (initial +

ENSAE / 3ème année voie finance de marché / © Antonin Chaix & Richard Guillemot / mars 2015
4.6 Risk-management des options de taux 47

vega-hedge). On va traiter les instruments de la courbe en proportion du delta (prêts/emprunts


sur le court terme, futures sur le moyen terme, et swaps sur le long terme), de telle sorte que
le portefeuille résultant soit localement insensible aux variations des taux. Exemple : si le
portefeuille présente un delta de – 10,000 € vis-à-vis du taux swap 10 ans, on traite le mon-
tant nominal de swap 10 ans ayant pour delta +10,000 € (i.e. on rentre dans un swap 10 ans
10,000
payeur de nominal N = LVL(10Y )×0,01% ).

Ce processus de couverture est nécessairement dynamique : entre aujourd’hui et demain, le


temps s’est écoulé ; les taux (et les volatilités) ont bougé, si bien que le portefeuille n’est plus
ni véga, ni delta-neutre. Il faut donc ajuster la position au moyen de caps / floors / swaptions
pour retourner à la véga-neutralité, et de cash / futures / swaps pour rendre l’ensemble de la
position à nouveau delta-neutre.

4.6.2 SABR, une alternative au cube de volatilité

L’utilisation d’un cube de volatilité telle que présentée dans le paragraphe précédent rencontre
les limites suivantes :

• La liquidité des options de taux est limitée : on dispose en général de quelques couples ma-
turité / tenor liquides, pour des strikes à la monnaie ou légèrement décalés. La figure 4.6
représente en réalité des données qui sont pour la plupart extrapolées à partir des points de
marché disponibles.
• Par conséquent la mise en place d’un vega-hedge point par point est peu réaliste.
• L’évaluation et le risk-management des options est dépendante du choix de la discrétisation
dans la dimension strike, et de la façon dont les interpolations / extrapolations sont réalisées.

Pour ces raisons, le modèle SABR s’est peu à peu imposé comme outil de market making et
de risk-management des options de taux. La logique, illustrée par la figure 4.7 ci-après, est la
suivante : pour chaque couple maturité / tenor, le smile de volatilité du taux sous-jacent est
représenté par un modèle SABR, c’est à dire par quatre paramètres σ0 , α, ρ, β. Pour un strike
donné, la volatilité implicite correspondante est alors obtenue avec (4.2). En général, comme ρ
et β ont un impact similaire sur la forme du smile, on choisit de figer β et de ne jouer que sur
les trois paramètres restants 8 .

L’intérêt de cette démarche est multiple :

• Les volatilités de marché sont représentées par un “vrai” modèle. Cela exclut en particulier
les risques d’arbitrage pour le market-maker.
• La question épineuse de l’interpolation / extrapolation des volatilités est évacuée.
8. On verra dans la suite que la valeur choisie pour β permet de jouer sur la dynamique du smile de volatilité.

ENSAE / 3ème année voie finance de marché / © Antonin Chaix & Richard Guillemot / mars 2015
4.6 Risk-management des options de taux 48

• Le risk-management des portefeuilles d’options est considérablement facilité. Les sensibili-


tés aux différents paramètres SABR s’interprètent en terme de risque vis-à-vis des principales
déformations du smile (niveau, convexité, pente). Pour chaque couple maturité / tenor, on
pourra donc mettre en place un vega-hedge “global” au moyen des caps/floors/swaptions
liquides afin de se rendre insensible aux déformations du smile.

F IGURE 4.7 – Surface SABR sur les caps / floors / swaptions EURIBOR. Le premier
tableau représente la valeur du paramètre σ0 suivant la maturité et le tenor des op-
tions, les tableaux suivants représentent α, ρ et enfin β (figé à la valeur 0.40).

4.6.3 Risk-management avec SABR

Précisons le dernier point de la section précédente. On dispose d’une représentation SABR des
volatilités de marché. On cherche à réaliser le vega-hedge d’un portefeuille d’options de taux.
Pour chaque sous-jacent présent dans notre représentation SABR (c’est à dire chaque couple
maturité/tenor, voir figure 4.7) on procède comme suit :

ENSAE / 3ème année voie finance de marché / © Antonin Chaix & Richard Guillemot / mars 2015
4.6 Risk-management des options de taux 49

1. calcul de la sensibilité de notre portefeuille vis-à-vis de σ0 (vega), α (volga) et ρ (vanna).


Dans le cas d’un call vanille, partant de (4.2) et (4.3) :

∂PVcall ∂BScall ∂σbs


vega = = N (0)
∂σ0 ∂σ ∂σ0
∂PVcall ∂BScall ∂σbs
volga = = N (0)
∂α ∂σ ∂α
∂PVcall ∂BScall ∂σbs
vanna = = N (0)
∂ρ ∂σ ∂ρ
2. construction, au moyen des caps/floors ou swaptions liquides, d’un vega-hedge présen-
tant les vega, volga et vanna inverses. Le portefeuille résultant est donc vega/volga/vanna-
neutre, c’est à dire (localement) insensible aux principales déformations du smile de vo-
latilité (changements de niveau / convexité / pente).

Le delta-hedge d’un portefeuille géré avec la représentation SABR se trouve également modifié.
La perturbation du taux forward sous-jacent implique un mouvement sur la volatilité implicite.
Schématiquement :
F 0 → F 0 + ∆F 0
σbs (T, K ; F 0 , σ0 , α, β, ρ) → σbs (T, K ; F 0 + ∆F 0 , σ0 , α, β, ρ)
La façon dont la volatilité implicite est affectée dépend de la valeur du paramètre β. On dit que
le β contrôle le backbone du smile, c’est à dire sa dynamique lorsque le taux sous-jacent varie.

• β = 1 (vol. stochastique log-normale) : la volatilité (Black)-implicite à la monnaie se conserve


lorsque le forward bouge. Le smile se translate horizontalement.
• β = 0 (vol. stochastique normale) : la volatilité normale à la monnaie se conserve lors d’un
mouvement du forward. La volatilité Black-implicite à la monnaie a tendance à décroître
lorsque le taux forward augmente.
• β = 0.5 (vol. stochastique CIR) : c’est l’ordre de grandeur généralement utilisé sur les mar-
chés euro et dollar. La volatilité Black-implicite à la monnaie diminue lors d’une hausse du
forward, mais dans des proportions moindres que dans le cas gaussien (β = 0).

Le choix du paramètre β est censé représenter la dynamique “habituelle” du smile de volatilité


lors des mouvement du taux forward sous-jacent. Ce faisant on apporte une modification au
delta Black classique, en y intégrant une partie du véga (celle correspondant aux mouvements
de la volatilité implicite liés aux variations du sous-jacent). Dans le cas d’un call, partant de
(4.3), cela se traduira par :
∂PVcall ∂BScall ∂BScall ∂σbs
µ ¶
∆= = N (0) +
∂F 0 ∂F 0 ∂σ ∂F 0
Le delta Black habituel est donc corrigé par le terme ∂BS call ∂σbs
∂σ ∂F 0 , c’est à dire par le véga Black
multiplié par la variation de volatilité prévue par le modèle lors d’une variation du forward.

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Partie 5

Ajustements de convexité, exotiques de pre-


mière génération

En plus des options vanilles (caps & floors, swaptions), le marché des dérivés de taux s’est en-
richi de produits plus complexes faisant intervenir d’autres types de payoffs (digitales, corri-
dors, spread options...) ou le paiement d’un taux de référence à des dates non standard. Voici
quelques exemples de produits très populaires 1 :

Swap in-arrears. Ce produit est identique à un swap standard à ceci près que le taux LIBOR de
la jambe variable, payé à la fin de chaque période d’intérêt, est fixé au moment où il est payé
(on rappelle que dans le cas d’un swap standard, il est fixé en début de période). L’évaluation
d’un tel swap fait intervenir des ajustements de convexité. C’est l’objet de la section 5.1.

Corridor sur LIBOR. C’est un swap où l’investisseur paye le LIBOR contre réception d’un cou-
pon “exotique”. Celui-ci est défini comme un taux fixe multiplié par le pro-rata sur la période
d’intérêt du nombre de jours où le LIBOR a fixé dans un certain intervalle [K min , K max ]. Par
exemple l’investisseur reçoit à la fin de chaque période d’intérêt 6%×n/N où n est le nombre
de jours de la période d’intérêt où le taux EURIBOR 6M a fixé en dessous de 4,50%, et N le
nombre total d’observations de l’EURIBOR 6M sur la période d’intérêt 2 . Le cas de cette struc-
ture est traité en détail section 5.4.2.

Swaps CMS, caps et floors CMS. Il s’agit de produits faisant intervenir dans leurs paiements la
valeur d’un taux swap (par exemple 10 ans, 20 ans...). On parle alors de produits CMS (Constant
Maturity Swap). Le fait que le taux swap en question soit payé à une date unique (et non sur
l’échéancier de la jambe fixe du swap) implique là aussi des ajustements de convexité. Ces pro-
duits sont abordés en détail dans les sections 5.2 et 5.3.

CMS spread option. Une telle option versera par exemple la différence entre le taux swap 20
ans et le taux swap 2 ans telle qu’observée à maturité de l’option. Le caractère optionnel vient
1. Cette liste n’est bien sûr pas exhaustive
2. Intérêt de ce produit : si le taux EURIBOR reste bas (ce dont l’investisseur a parfois la conviction), le corridor
délivre un coupon de 6%, nettement plus important que le taux fixe du swap standard correspondant.

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5.1 Le concept d’ajustement de convexité : cas d’un LIBOR in arrears 51

du fait que cette différence est floorée (souvent à 0) et parfois cappée. Au delà de la convexité
liée à l’aspect CMS, un tel produit présente de plus un important risque de corrélation taux
court/taux long. Ce type de structure ne sera pas abordé dans ce support de cours.

Ces différents produits sont souvent qualifiés d’exotiques de première génération. Bien que plus
complexes (et moins liquides) que les options vanilles, ils peuvent néanmoins être évalués avec
des outils relativement simples et sans avoir recours aux modèles stochastiques de la courbe
de taux. En effet, leur caractère européen (une date de maturité, sous-jacent bien identifié, ab-
sence de caractère bermudéen ou path-dependent) permettent d’obtenir des formules d’éva-
luation fermées ou quasi analytiques.

5.1 Le concept d’ajustement de convexité : cas d’un LIBOR in arrears


Considérons une période d’intérêt future (T1 , T2 ). Le taux LIBOR L(T f , T1 , T2 ) prévalant pour
cette période fixe donc à la date T f , deux jours ouvrés avant T1 .

Imaginons à présent les deux contrats forwards suivants, conclus à la date t :

¡ ¢
• Le contrat A, qui verse à son acheteur le flux L(T f , T1 , T2 ) − R A à la date T2
¡ ¢
• Le contrat B, qui verse à son acheteur le flux L(T f , T1 , T2 ) − R B à la date T1

Chacun de ces contrats n’engendre qu’un flux (respectivement en T2 et T1 ). Les deux taux R A et
R B sont donc déterminés de manière à ce que la valeur des deux contrats soit nulle au moment
de leur conclusion à la date t . Que valent alors R A et R B ? Sont ils différents ?

Le contrat A s’apparente au FRA étudié en détail section 2.2. Le taux R A n’est autre que le taux
du FRA, L(t , T1 , T2 ), qui s’exprime directement en fonction des discount factors :

1 B (t , T1 )
µ ¶
R 1 = L(t , T1 , T2 ) = −1
δ B (t , T2 )

On peut également retrouver ce résultat au moyen de la probabilité forward neutre de maturité


T2 . En effet, le fait que le réglement du contrat A s’effectue en T2 implique :

Q T2
B (t , T2 ) Et (L(T f , T1 , T2 ) − R A ) = 0

Ce qui permet de conclure :

Q T2
R A = Et (L(T f , T1 , T2 )) = L(t , T1 , T2 )

La dernière égalité s’obtenant grâce à la propriété de martingale du processus L(t , T1 , T2 ) sous


la mesure forward de maturité T2 .

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5.1 Le concept d’ajustement de convexité : cas d’un LIBOR in arrears 52

Le contrat B va être plus problématique. En effet le taux LIBOR n’est plus payé à sa date natu-
relle de paiement (fin de la période d’intérêt), mais à la date T1 de début de la période d’intérêt
du LIBOR. On parle de LIBOR in arrears.

R B s’exprime de la manière suivante :


Q T1 Q T1
B (t , T1 ) Et (L(T f , T1 , T2 ) − R B ) = 0 ⇒ R B = Et (L(T f , T1 , T2 ))

La différence entre les taux des deux contrats vient du fait qu’ils s’expriment comme l’espé-
rance du LIBOR sous deux mesures différentes. Dans le cas de R A (contrat FRA), c’est la mesure
naturelle de paiement du LIBOR qui intervient. Dans le cas de R B c’est celle associée à la date
T1 .

Pour calculer R B on procède en passant de la mesure forward de maturité T1 à celle de maturité


T2 :
Q T1
R B = Et (L(T f , T1 , T2 ))
B (t , T2 ) Q T2 B (T f , T1 )
µ ¶
= Et L(T f , T1 , T2 )
B (t , T1 ) B (T f , T2 )
Les ratios de zéro-coupons peuvent être exprimés en fonction du taux LIBOR forward L(t , T1 , T2 )
et du taux LIBOR spot L(T f , T1 , T2 ) :
1 Q T2 ¡
³ ´
Et 1 + δL(T f , T1 , T2 ) L(T f , T1 , T2 )
¢
RB =
1 + δL(t , T1 , T2 )
Q T2 ¡ (5.1)
L(t , T1 , T2 ) + δ Et L(T f , T1 , T2 )2
¢
=
1 + δL(t , T1 , T2 )
Compte tenu de la convexité de la fonction carré, l’inégalité de Jensen implique :
Q T2 ¡ Q T2 ¡ ¢2
Et L(T f , T1 , T2 )2 > Et L(T f , T1 , T2 ) = L(t , T1 , T2 )2
¢

ce qui nous permet de conclure que le taux R B du contrat B est toujours supérieur au taux for-
ward “naturel” R A = L(t , T1 , T2 ). On dit que le taux R B fait l’objet d’un ajustement de convexité.

Cette propriété, obtenue très formellement, peut être également comprise plus intuitivement.
Imaginons un instant que les deux contrats forwards aient le même taux R B = R A = L(t , T1 , T2 )
(le taux FRA standard). Dans ce cas, j’ai une nette préférence pour le contrat B. En effet, si les
taux montent entre la date de début du contrat et la maturité T f , le flux du contrat B est positif,
et je peux placer ce flux à un taux LIBOR élevé jusqu’en T2 . A l’inverse si les taux baissent,
le flux du contrat est négatif, et je peux emprunter ce montant jusqu’en T2 à un taux LIBOR
avantageusement bas. Dans les deux cas je suis gagnant 3 . Pour compenser, le taux R B doit
donc être plus élevé que le taux R A du FRA standard.
3. Plus précisément, cela se matérialise par l’arbitrage suivant : achat de 1 contrat B, vente de (1 + δL(t , T1 , T2 ))
contrats A. Arrivé à la date T f je place (ou emprunte) le flux du contrat B au taux LIBOR L(T f , T1 , T2 ) jusqu’en
T2 . Le solde de ces deux opérations en date T2 est δ × (L(T f , T1 , T2 ) − L(t , T1 , T2 ))2 , qui se révèle toujours positif et
strictement positif avec une probabilité non nulle.

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5.1 Le concept d’ajustement de convexité : cas d’un LIBOR in arrears 53

Intéressons nous au calcul exact de l’ajustement de convexité. D’après l’équation (5.1), il né-
cessite l’évaluation de l’espérance du carré du taux LIBOR à horizon T f : nous sommes donc
contraints de spécifier une dynamique pour le taux LIBOR. Dans ce qui suit, on considère à
nouveau un modèle de Black sur le taux LIBOR :

d L(t , T1 , T2 )

Q T2
= σdWt


L(t , T1 , T2 )
T2
avec W Q mouvement brownien standard sous la mesure Q T2

L’expression du taux LIBOR à horizon T f est alors :


µ ´¶
1 ³
Q T2 Q T2
L(T f , T1 , T2 ) = L(t , T1 , T2 ) exp − σ2 (T f − t ) + σ WT − Wt
2 f

Elevé au carré :
Q T2 Q T2
³ ³ ´´
L(T f , T1 , T2 )2 = L(t , T1 , T2 )2 exp −σ2 (T f − t ) + 2σ WT − Wt
f
µ ´¶
2 2 1 2
³
Q T2 Q T2
= L(t , T1 , T2 ) exp σ (T f − t ) exp − (2σ) (T f − t ) + 2σ WT − Wt
¡ ¢
2 f

La dernière exponentielle est par construction d’espérance 1, ce qui conduit à :


Q T2 ¡
Et L(T f , T1 , T2 )2 = L(t , T1 , T2 )2 exp σ2 (T f − t )
¢ ¡ ¢

D’où on déduit la valeur du taux R B :

1 + δ L(t , T1 , T2 ) exp σ2 (T f − t )
¡ ¢
R B = L(t , T1 , T2 )
1 + δL(t , T1 , T2 )

Cet ajustement de convexité in arrears reste cependant limité. Dans le cas d’un LIBOR 12 mois,
avec une hypothèse de volatilité de 20%, il se limitera à 1 ou 2 points de base si le contrat est
d’échéance 1 an, et à une petite dizaine de points de base pour une échéance 10 ans. Il en serait
bien sûr autrement si, dans le contrat B, le taux LIBOR était par exemple payé 5 ou 10 ans après
son fixing. Néanmoins, lorsque l’on considère un swap in arrears (identique à un swap standard
sauf que le LIBOR de la jambe variable est fixé ET payé en fin de période), cette différence de
quelques points de base a un impact non négligeable sur la PV du swap.

Finissons sur cette remarque : dans le contrat B, le fait que le taux LIBOR ne soit pas payé à sa
date naturelle de paiement implique un ajustement de convexité qui renchérit le taux forward.
Cette prime supplémentaire peut s’expliquer du point de vue de la gestion du risque. Le taux
forward in arrears (B) est une fonction convexe du taux FRA standard (A). Autrement dit, si l’on
cherche à couvrir (en delta-neutre) un contrat B par une certaine quantité de contrat A, cette
quantité (le delta) sera variable selon le niveau des taux. On devra donc réajuster la quantité de
contrat A au fil du temps, à mesure que les taux bougent. L’ajustement de convexité correspond
précisément au coût de ces réajustements.

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5.2 Swaps CMS 54

5.2 Swaps CMS


Les instruments CMS (Constant Maturity Swaps) sont de plus en plus répandus sur les marchés
fixed income. On parle de CMS lorsqu’un produit dépend de fixings futurs d’un ou plusieurs
taux swap. Le cas le plus classique est celui du swap CMS, dont voici un exemple :

• La jambe fixe paye annuellement un coupon fixe (base 30/360)


• La jambe variable CMS paye tous les 6 mois le taux swap 10 ans fixé deux jours ouvrés avant
le début de la période d’intérêt correspondante. Le paiement s’effectue en base Exact/360.

Le swap CMS est donc en tout point semblable au swap de taux classique, si ce n’est que le taux
LIBOR de la jambe variable est remplacé par le taux swap 10 ans.

Intéressons nous à un des flux de la jambe variable du swap CMS. Son paiement s’effectue à la
date T p (fin de la période d’intérêt considérée). Il est proportionnel à la valeur du taux swap 10
ans qui a fixé à la date T f , à savoir 2 jours ouvrés avant le début de la période d’intérêt. Ce taux
swap 10 ans, noté S(T f , T0 , Tn ), correspond au swap de taux sous-jacent qui débute à la date
T0 (deux jours ouvrés après T f ) et qui se termine 10 ans après, en date Tn . Ces notations sont
rappelées dans le schéma suivant.

F IGURE 5.1 – CMS

Évaluer ce flux du swap CMS équivaut à répondre à la question : quelle est la valeur aujourd’hui
(à la date t ) de recevoir à la date T p le taux swap S(T f , T0 , Tn ) qui a fixé en date T f ? On cherche
donc à calculer :
Q Tp ¡
PVCMS (t ) = B (t , T p ) Et
¢
S(T f , T0 , Tn )

Nous voilà de nouveau confrontés au calcul de l’espérance d’un taux sous une mesure qui n’est
pas sa mesure naturelle de paiement, c’est à dire sous une mesure qui ne rend pas ce taux
martingale. Comme dans le cas LIBOR in arrears, l’idée est de repasser sous la mesure adaptée
(au taux swap cette fois ci) :

B (T f , T p )
µ ¶
Q LVL
PVCMS (t ) = LVL(t , T0 , Tn ) Et S(T f , T0 , Tn )
LVL(T f , T0 , Tn )

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5.2 Swaps CMS 55

Le terme B (t , T p )/LVL(t , T0 , Tn ), tout comme le taux swap S(t , T0 , Tn ), est une martingale sous
la mesure Q LVL car il s’écrit comme le quotient du prix d’un actif de marché par le numéraire. En
se plaçant dans le modèle de Black on peut donc écrire leurs dynamiques de la façon suivante :



 X (t ) = B (t , T p )/LVL(t , T0 , Tn )

 LVL
 d S(t , T0 , Tn ) = σS(t , T0 , Tn ) dW Q


t
0 Q LVL
 d X (t ) = σ X (t ) dWt




LVL
WQ mouvement brownien standard sous la mesure Q LVL

Notons que nous avons utilisé le même brownien pour modéliser X et S : on suppose implici-
tement que les deux processus sont parfaitement corrélés, autrement dit que la dynamique de
la courbe des taux est mono-facteur.

La résolution des EDS de X et S conduit à :


µ ´¶
1 02

Q LVL Q LVL
³
0
 X (T f ) = X (t ) exp − σ (T f − t ) + σ WT f − Wt


2
µ ´¶
1 ³ LVL LVL
 S(T f , T0 , Tn ) = S(T f , T0 , Tn ) exp − σ2 (T f − t ) + σ W Q − WtQ


2 Tf

D’où le produit de X par S :


µ ¶
Q LVL Q LVL
− 21 (σ+σ0 )2 (T f −t )+(σ+σ0 ) WT −Wt
X (T f )S(T f , T0 , Tn ) = X (t )S(t , T0 , Tn ) e σσ (T f −t ) e
0
f

La seconde exponentielle est par construction d’espérance 1, d’où :

Q LVL
³ ´
X (T f )S(T f , T0 , Tn ) = X (t )S(t , T0 , Tn ) e σσ (T f −t )
0
Et

On en conclut finalement :

PVCMS (t ) = B (t , T p )S(t , T0 , Tn ) e σσ (T f −t )
0

Le taux CMS est défini comme l’espérance du taux swap sous la mesure forward associée à la
date de paiement T p :
Q Tp ¡
CMS(t , T0 , Tn , T p ) = Et
¢
S(T f , T0 , Tn )

de sorte que PVCMS (t ) = B (t , T p ) CMS(t , T0 , Tn , T p ). Sous les hypothèses du modèle de Black on


obtient donc :
CMS(t , T0 , Tn , T p ) = S(t , T0 , Tn ) e σσ (T f −t ) > S(t , T0 , Tn )
0
(5.2)

qui met en lumière l’ajustement de convexité dont fait l’objet le taux CMS par rapport au taux
swap.

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5.2 Swaps CMS 56

Cependant nous n’avons pas tout à fait terminé. La volatilité σ du taux swap pourra se calculer
de manière implicite à partir du prix de la swaption (T0 → Tn ) à la monnaie. En revanche, il
nous faut estimer la volatilité σ0 du terme B (T f , T p )/LVL(T f , T0 , Tn ). L’idée est d’approcher ce
terme par une fonction du taux swap. Notons m la fréquence de la jambe fixe du swap sous-
jacent (m = 1 pour une fréquence annuelle, m = 2 pour une fréquence semi-annuelle etc...).
On a :
B (T f , T p ) B (T f , T p )
= S(T f , T0 , Tn )
LVL(T f , T0 , Tn ) B (T f , T0 ) − B (T f , Tn )
Les zéro-coupons sont calculés approximativement en actualisant avec le taux swap :


 B (T f , T0 ) ≈ 1

S(T f , T0 , Tn ) −n

 µ ¶

B (T f , Tn ) ≈ 1 +

 m
S(T f , T0 , Tn ) −m×(Tp −T f )

 µ ¶


 B (T f , T p ) ≈ 1 +

m

Ces expressions sont quasi exactes lorsque la courbe des taux est plate, mais deviennent plus
approximatives lorsque la courbe est pentue.

On en déduit l’approximation de B (T f , T p )/LVL(T f , T0 , Tn ) :

x −m×(T p −T f )
¡ ¢
B (T f , T p ) x 1+ m
≈ f (S(T f , T0 , Tn )) avec f (x) = ¡ x −n
¢
LVL(T f , T0 , Tn ) 1− 1+ m

Le lemme d’Itô nous fournit la dynamique de f (S) :

d f (S(t , T0 , Tn )) = f 0 (S(t , T0 , Tn )) d S(t , T0 , Tn ) + (. . .)d t

Compte tenu de l’hypothèse log-normale sur le taux swap (volatilité σ), on a :

d f (S(t , T0 , Tn )) f 0 (S(t , T0 , Tn )) Q LVL


= S(t , T0 , Tn ) σdWt
f (S(t , T0 , Tn ) f (S(t , T0 , Tn ))

La volatilité Black σ0 de f (S) est en réalité stochastique, car elle dépend de la trajectoire du taux
swap entre t et T f . On l’approxime de manière déterministe en figeant le taux swap à sa valeur
de départ :
f 0 (S(t , T0 , Tn ))
σ0 = S(t , T0 , Tn ) σ
f (S(t , T0 , Tn ))

Ce qui permet d’achever le calcul du taux CMS avec (5.2).

Remarques :

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5.3 Caps et floors CMS 57

• Ce qui précède permet de calculer un flux de la jambe CMS de notre swap. Si on note (T0 ,T1 ,
...,T q ) l’échéancier de la jambe CMS, la PV totale de la jambe CMS est :
q
δi B (t , Ti ) CMS(t , Ti −1 , Ti −1 + 10 ans, Ti )
X
PVJambeCMS (t ) =
i =1

• La méthode d’ajustement de convexité présentée ici est très approximative. En pratique on


utilisera une méthode dite par réplication prenant en compte le smile de volatilité sur les
swaptions. Cela est abordé brièvement dans le paragraphe suivant.

5.3 Caps et floors CMS


On pourrait définir un cap CMS de la façon suivante : Il est à la jambe CMS ce que le cap stan-
dard est à la jambe LIBOR.

Le cap CMS est donc fondé sur un échéancier constitué de n périodes d’intérêt. Il est composé
de n caplets payant chacun en fin de période le payoff δ×max(CMS−K , 0), où CMS est un taux
swap de maturité constante fixé en début de période. Dans ce qui suit, nous nous intéressons à
l’évaluation d’un seul caplet CMS. Le cap CMS sera obtenu en sommant les prix des n caplets.

Reprenons les notations de la section précédente : le fixing du taux swap à lieu à la date T f
(deux jours ouvrés avant le début de la période d’intérêt). La jambe fixe du swap sous-jacent
a pour échéancier (T0 ,T1 ,...,Tn ). Le flux du caplet CMS est payé à la date T p (fin de la période
¢+
d’intérêt) et vaut δ S(T f , T0 , Tn ) − K . Son prix en t est :
¡

Q Tp
³¡ ¢+ ´
PVCapletCMS (t ) = δB (t , T p ) Et S(T f , T0 , Tn ) − K

Cette écriture est peu commode car le taux swap sous-jacent à l’option n’est pas martingale
sous la mesure forward associée à la date de paiement T p . L’idée est d’utiliser le taux CMS(t , T0 , Tn , T p )
défini dans le paragraphe précédent :
Q Tp ¡
CMS(t , T0 , Tn , T p ) = Et
¢
S(T f , T0 , Tn )

Par construction celui-ci est une martingale sous la mesure de paiement, et il coïncide avec le
taux swap S(T f , T0 , Tn ), pour t = T f . Dès lors il suffit de spécifier la dynamique de ce taux au
moyen d’un modèle de Black :
T

 d CMS(t , T0 , Tn , T p ) = σ CMS(t , T0 , Tn , T p ) dW Q p
t
 où W Q Tp est un mouvement brownien standard sous la mesure Q Tp

et d’utiliser la formule de Black & Scholes :

PVCapletCMS (t ) = δ B (t , T p ) BScall (T f − t , K , CMS(t , T0 , Tn , T p ), σ)

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5.3 Caps et floors CMS 58

Le forward CMS(t , T0 , Tn , T p ) intervenant dans la formule d’évaluation peut être obtenu par
ajustement de convexité, comme décrit dans la section précédente. En première approxima-
tion, la volatilité σ est prise égale à la volatilité implicite de la swaption de sous jacent le swap
(T0 → Tn ) et de strike K .

On voit néanmoins les limites de cette approche :

• Le forward CMS a été obtenu par un ajustement de convexité plus qu’approximatif ne pre-
nant pas en compte le smile de volatilité sur les swaptions.
• La dynamique du taux CMS est supposée la même que celle du taux swap. A cet égard, est-il
légitime de prendre comme volatilité de pricing du caplet CMS la volatilité implicite de la
swaption de strike K ?

Pour ces raisons, les praticiens privilégient une approche par (sur)réplication. L’idée est d’écrire
le payoff du caplet CMS comme un panier de swaptions cash-settled. Par opposition à la swap-
tion à physical settlement utilisée jusqu’à présent, une swaption (payeuse) à cash settlement fait
l’objet d’un règlement unique à sa date de maturité, d’un montant :
³ ´+
LVLCASH (T f , T0 , Tn ) S(T f , T0 , Tn ) − K

où le level cash est défini de la façon suivante :


n
X δi
LVLCASH (T f , T0 , Tn ) = ¢i
i =1 1 + δi S(T f , T0 , Tn )
¡

Autrement dit, dans le level cash, les zéro-coupons habituels sont remplacés par les facteurs
d’actualisation calculés à partir du taux swap. Le payoff du caplet CMS est une fonction linéaire
par morceaux du taux swap, alors que celui d’une swaption cash-settled est concave au delà du
strike du fait du level cash en facteur de son payoff. Comme le montre la figure suivante, il est
possible de sur-répliquer le payoff du caplet CMS au moyen de plusieurs swaptions cash-settled
prises à différents strikes. Plus le nombre de strikes considérés sera important (et donc plus les
strikes seront resserrés), plus cette sur-réplication s’approchera d’une réplication exacte.

Cette technique permet donc d’obtenir le prix du caplet CMS de strike K comme celui d’un
panier de swaptions cash-settled prises à une multitude de strikes K 1 = K , et K 2 , K 3 ,...,K m > K .
A l’inverse, un floorlet CMS pourra être (sur)répliqué par un panier de swaptions cash-settled
de strikes plus petits que K .

Le forward CMS peut être déduit de la parité call-put sur le caplet et le floorlet de strike K
évalués par réplication. En effet :
¡ ¢
PVCapletCMS (t ) − PVFloorletCMS (t ) = B (t , T p ) CMS(t , T0 , Tn , T p ) − K

d’où :
PVCapletCMS (t ) − PVFloorletCMS (t )
CMS(t , T0 , Tn , T p ) = +K
B (t , T p )

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5.4 Produits digitaux 59

F IGURE 5.2 – Sur-réplication d’un caplet CMS au moyen de swaptions cash-settled

L’approche par réplication se révèle bien plus cohérente que l’ajustement de convexité stan-
dard, car elle correspond à une stratégie couverture statique par des swaptions dont on connaît
le prix 4 . On constate en pratique que le forward CMS (tout comme le prix de caplets/floorlets
CMS) est extrêmement sensible au smile de volatilité des swaptions. Le fait que la volatilité im-
plicite sur les strikes extrêmes (les ailes du smile) soit généralement plus élevée que la volatilité
à la monnaie implique que les forwards CMS obtenus par réplication sont sensiblement plus
élevés que les forward obtenus par l’ajustement de convexité classique. Les différences obser-
vées peuvent être très importantes – de l’ordre de plusieurs dizaines de points de base sur le
taux – pour les maturités longues et grands tenors (e.g. taux CMS 30 ans payé dans 20 ans).

5.4 Produits digitaux


Pour terminer cette partie, abordons brièvement le cas des options digitales (dites aussi options
binaires). De telles options vont payer à leur détenteur une somme d’argent prédéterminée
suivant que le taux sous-jacent (e.g. LIBOR) fixe au dessus ou en dessous d’un seuil contractuel.
On parle alors d’option cash-or-nothing.

Il existe également des produits binaires où l’on reçoit un taux (LIBOR, CMS ou autre) condi-
tionnellement au niveau du LIBOR à maturité. Il s’agit alors d’une option asset-or-nothing. Ce
second cas ne sera pas abordé ici.
4. Même s’il n’existe pas nécessairement de liquidité sur l’ensemble des swaptions impliquées dans la réplica-
tion, le pricing des CMS sera néanmoins cohérent avec le smile de volatilité swaption contribué par la banque.

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5.4 Produits digitaux 60

5.4.1 Une digitale sur LIBOR

Prenons le cas le plus standard : celui d’une option binaire sur LIBOR payée à la date de fin du
LIBOR. Une telle option versera 1 euro à la date de fin du LIBOR si celui-ci a fixé au dessus d’un
strike K (l’option duale verserait 1 euro si le LIBOR a fixé en dessous de K ).

En reprenant les notations habituelles (T f : date de fixing du LIBOR pour la période d’intérêt
(T1 , T2 )), le payoff de la digitale (reçu à la date T2 ) s’écrit formellement sous forme de l’indica-
trice 1L(T f ,T1 ,T2 )>K . L’évaluation est donc directe au moyen de la mesure forward neutre Q T2 :
Q T2 ¡
PVDigitale (t ) = B (t , T2 ) Et 1L(T f ,T1 ,T2 )>K
¢

Q T2 ¡
= B (t , T2 ) Pt
¢
L(T f , T1 , T2 ) > K

L’évaluation “naïve” d’une telle option consisterait à spécifier un modèle de Black sur le LIBOR
(volatilité σ) :
µ ´¶
1 2 ³
Q T2 Q T2
L(T f , T1 , T2 ) = L(t , T1 , T2 ) exp − σ (T f − t ) + σ WT − Wt
2 f

Ce qui fournit le prix de l’option digitale au moyen de la fonction de répartition de la loi nor-
male centrée réduite :
ln K /L(t , T1 , T2 ) + 12 σ2 (T f − t )
¡ ¢
PVDigitale (t ) = B (t , T2 ) 1 − N (d ) , avec d =
¡ ¢
σ Tf − t
p

Néanmoins cette approche est à proscrire, car elle peut être source d’arbitrage. En effet une op-
tion binaire sur un sous-jacent donné peut être répliquée approximativement par la différence
de deux calls de strikes voisins 5 sur ce sous-jacent, comme le montre la figure 5.3 ci-après.

F IGURE 5.3 – Réplication d’une digitale sur LIBOR de strike K


par la différence de deux calls de strikes K −ε et K +ε (call spread).

Dans le cas de la digitale sur LIBOR, on utilise donc deux caplets de strike voisins. Le prix de la
digitale s’approche alors comme :
1 1³ ´
PVDigitale (t ) ≈ PVCaplet,K −ε (t ) − PVCaplet,K +ε (t )
2ε δ
5. On parle d’approximation par call spread.

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5.4 Produits digitaux 61

Où PVCaplet,K (t ) désigne à la date courante t le prix du caplet de strike K et de maturité T f sur


notre LIBOR de période d’intérêt (T1 , T2 ), où δ est la fraction d’année de la période d’intérêt du
LIBOR, et où ε est pris “suffisamment” petit 6 . Notons que, même si cela ne peut être mis en
oeuvre en pratique, la réplication est exacte pour ε infiniment petit :
1 1³ ´
PVDigitale (t ) = lim PVCaplet,K −ε (t ) − PVCaplet,K +ε (t )
ε→0 2ε δ
∂ 1
µ ¶
=− PVCaplet,K (t )
∂K δ
En présence d’un smile de volatilité, le prix obtenu par la réplication en call spread peut s’avérer
très différent du prix obtenu par la méthode naïve (modèle de Black à volatilité unique). La
différence observée sera d’autant plus grande que le smile de volatilité sur les caplets de sous-
jacent le LIBOR (T1 , T2 ) est pentu au voisinage du strike K . En effet, si l’on note σ(x) la volatilité
implicite du caplet sur le LIBOR (T1 , T2 ) de strike x, on a :
1
PVCaplet,K (t ) = B (t , T2 ) BScall T f − t , K , L(t , T1 , T2 ), σ(K )
¡ ¢
δ
d’où on déduit :
∂BScall ¡
µ
T f − t , K , L(t , T1 , T2 ), σ(K )
¢
PVDigitale (t ) = −B (t , T2 )
∂K
∂BScall ¡

0
+ σ (K ) T f − t , K , L(t , T1 , T2 ), σ(K )
¢
∂σ
qui met en lumière via le terme σ0 (K ) l’impact de la pente du smile sur le prix de la digitale.

5.4.2 Le corridor sur LIBOR

Le corridor sur LIBOR, appelé aussi Corridor Range Accrual dans le jargon des salles de marché,
a été évoqué en introduction de cette partie. Une jambe corridor a la même structure qu’une
jambe de swap ; elle va verser à la fin de chaque période d’intérêt un coupon égal à :
n
δ×R ×
N
où δ est la fraction d’année de la période d’intérêt (base à définir), R un taux fixe (par exemple
6%), n le nombre de jours de la période d’intérêt où un taux LIBOR (par exemple l’EURIBOR 6
mois) fixe dans un intervalle [K min , K max ] (par exemple [0 ; 4.50%]), et N le nombre total d’ob-
servations de ce taux LIBOR durant la période d’intérêt. Le receveur de cette jambe corridor
percevra donc le coupon plein de 6% si l’EURIBOR 6 mois est resté en dessous du seuil de
4.50% tout au long de la période d’intérêt.

Formellement le coupon corridor peut donc s’écrire au moyen des indicatrices suivantes :

1 X N
δ×R × 1© ª
N i =1 K min <L(ti )<K max

6. Le ε choisi en pratique est typiquement de l’ordre de 10 points de base.

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5.4 Produits digitaux 62

Où les t i désignent les dates ouvrées de la période d’intérêt, et où L(t ) représentent le fixing à
la date t du taux LIBOR considéré 7 .

Pour évaluer ce flux on utilise la mesure forward-neutre Q Tp associée à la date de paiement T p


du coupon corridor (c’est à dire la date de fin de la période d’intérêt correspondante) :

1 N µ ¶
Q Tp
PVCoupon Corridor (t ) = δ × R × Et 1©K <L(t )<K ª
X
B (t , T p ) (5.3)
N i =1
min i max

avec : µ ¶ µ ¶ µ ¶
Q Tp T
ª = EQ p 1©
T
ª − EQ p 1©
Et 1©K t L(t t L(t
ª
min <L(t i )<K max i )>K min i )≥K max

Nous voilà donc en présence d’une série de 2N options digitales. Elles se révèlent légèrement
plus complexes à évaluer que la digitale standard de la section précédente du fait que leur
date de paiement ne coïncide pas avec la date de fin du taux LIBOR observé. Néanmoins on
conserve l’approche par call spread, en utilisant des caplets non standard, payés à la date T p .
Considérons le cas de la digitale fixant à la date t i de strike K = K min ou K max . Elle sera évaluée
de la manière suivante :
µ ¶ µ ¶
Q Tp 1
Et 1 L(t )>K = BScall t i − t , K − ε, L i (t ), σ(K − ε) − BScall t i − t , K + ε, L i (t ), σ(K + ε)
© ª ¡ ¢ ¡ ¢
e e
i 2ε

où σ(x) est la volatilité implicite du LIBOR au strike x (déduite du prix du caplet standard) et
où L
ei (t ) est le forward :
Tp ¡
ei (t ) = EQ L(t i )
¢
L t

Comme T p n’est en général pas la date de fin du taux L(t i ), L


ei (t ) ne correspond pas au taux
FRA standard. Il en est déduit par un ajustement de convexité suivant une technique analogue
à celle présentée section 5.1.

Les 2N digitales étant évaluées de cette manière, il ne reste plus qu’à les sommer selon (5.3)
pour obtenir la valeur actuelle du flux de notre corridor. Il faudra réitérer ce calcul pour chacun
des flux du corridor pour arriver à la valeur de la jambe corridor dans son intégralité.

7. Pour reprendre les notations utilisées jusqu’ici : L(t ) := L(t , T1 , T2 ) avec T1 = t+2jours ouvrés et T2 = T1 + 6mois
(ajusté).

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Partie 6

Exotiques de taux et modèles de courbe

Cette partie a pour objectif d’aborder les produits plus complexes, c’est à dire ceux qui ne
peuvent s’évaluer avec les méthodes présentées dans les parties précédentes. Le premier – et
le plus populaire – de ces produits est la swaption bermuda, étudiée en détails dans la section
6.4. Dans un tel produit, la multiplicité des dates d’exercice ne permet pas d’identifier un seul
taux sous-jacent, si bien qu’une modélisation de la courbe des taux dans sa globalité est re-
quise. Cette approche est a fortiori nécessaire pour les structures annulables plus complexes
(callable reverse floater, callable corridor range accrual, callable CMS spread etc.), de même que
pour les produits path-dependent. Ces exotiques sont abordés dans la section 6.5, en insistant
tout particulièrement sur les risques de ces produits et le choix d’un modèle adapté à leur éva-
luation.

Plutôt que de faire un “catalogue” des modèles de la courbe des taux (ce que de nombreux
ouvrages font très bien, notamment [1]), on préférera s’intéresser en détail à un modèle parti-
culier : le Hull & White 1 facteur. C’est probablement le plus simple des modèles de taux utili-
sables en pratique, mais il se révèle tout à fait adapté à l’évaluation des bermudas et de certains
autres swaps annulables. Son étude détaillée (section 6.3) permet d’appréhender beaucoup
des questions que l’analyste quantitatif doit se poser lorsqu’il développe et utilise un modèle :
analytiques pour les caps/floors/swaptions, stratégie de calibration, effet des paramètres sur
les instruments non calibrés et sur la volatilité forward... Bien que très utilisé dans les salles
de marché, dans sa version standard ou dans des versions “améliorées”, le modèle BGM (Li-
bor Market Model) ne sera pas abordé. On pourra à nouveau se reporter à [1] pour une revue
détaillée, ou à [5] pour une présentation plus succincte.

6.1 Modèles de taux court


Historiquement, ce sont les premiers modèles de la courbe des taux. Ils partent d’une modéli-
sation directe du taux court, sous la mesure risque-neutre :

d r t = A(t , r t )d t + B (t , r t )dWt

Les deux exemples les plus connus sont :

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6.2 Le cadre HJM 64

• Le modèle de Vasicek :
d r t = λ(b − r t )d t + σdWt

• Le modèle CIR :
p
d r t = λ(b − r t )d t + σ r t dWt

Ce type de modèle est inutilisable en pratique, car la courbe de taux est endogène au modèle.
Avec le peu de paramètres disponibles, il est impossible de calibrer la courbe des taux initiale.
Et même si c’était le cas, il ne resterait plus de degrés de liberté pour se calibrer sur des prix de
caps, floors ou swaptions !

Le cadre HJM évoqué dans le paragraphe suivant est une réponse à cette problématique. Concrè-
tement, cela revient à remplacer le paramètre b constant dans les modèles ci-dessus par une
fonction déterministe b(t ) calibrée sur la courbe des taux initiale.

6.2 Le cadre HJM


Le cadre HJM propose une modélisation directe des zéro-coupons de toutes maturités ou, de
manière équivalente, des taux forwards instantanés. La dynamique du zéro-coupon de matu-
rité T est spécifiée comme :

d B (t , T ) Q
= r t d t + Γ(t , T ) · dWt (6.1)
B (t , T )

où W Q est un mouvement brownien standard d -dimensionnel sous la probabilité risque-neutre


Q. A ce stade, aucune hypothèse n’est formulée sur le processus de volatilité d -dimensionnel
Γ(t , T ) : il peut être déterministe ou stochastique.

Le taux forward instantané de maturité T est défini par :

∂ ln(B (t , T )) RT
f (t ,s)d s
f (t , T ) = − , c’est à dire B (t , T ) = e − t
∂T
La dynamique de f (t , T ) sous la mesure risque-neutre est alors :

Q
d f (t , T ) = −γ(t , T ) · Γ(t , T )d t + γ(t , T )dWt

avec
∂Γ(t , T )
γ(t , T ) = −
∂T

L’intérêt du cadre HJM est que la valeur initiale de la courbe des taux (les zéro-coupons B (0, T )
pour toute maturité T , ou les taux forwards instantanés f (0, T )) est prise comme un input. Le
modèle est donc automatiquement calibré sur cette courbe initiale.

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6.3 Le modèle Hull & White 1 facteur 65

6.3 Le modèle Hull & White 1 facteur


Le modèle Hull & White 1 facteur est la “version HJM” du modèle de Vasicek. Dans la littérature
(et les salles de marché), on l’appelle aussi HJM gaussien 1 facteur, Linear Gauss-Markov (LGM)
ou encore Extended Vasicek.

6.3.1 Spécification

Un modèle HJM (§ 6.2) est dit gaussien si les volatilités γ(t , T ) et Γ(t , T ) sont deterministes. On
considère le cas 1 facteur (d = 1), de telle sorte que γ(t , T ) and Γ(t , T ) sont des scalaires. Le
modèle Hull & White 1 facteur spécifie la volatilité du forward instantané de la façon suivante :
½ Z T ¾
|γ(t , T )| = σ(t ) exp − λ(s)d s
t

où σ et λ sont des fonctions déterministes. Dans ce cas, le modèle devient markovien, i.e. la
dynamique du modèle pour les dates s > t peut être entièrement déduit de son état à la date t .

Dans la suite on fait l’hypothèse que la fonction σ est constante par morceaux et que λ est une
constante. En conséquence :

σ(t ) ³ −λ(T −t ) ´
γ(t , T ) = σ(t )e −λ(T −t ) , Γ(t , T ) = e −1
λ

Dans le cadre Hull & White, étant donnée la courbe des taux initiale, le modèle sera donc en-
tièrement déterminé par :

• Le paramètre de mean reversion λ


• La fonction de volatilité σ(t ) du taux court, constante par morceaux

Par ailleurs , le caractère déterministe des volatilités γ(t , T ) et Γ(t , T ) implique que :

• Le taux court et les taux forwards instantanés sont des processus gaussiens
• Les zéro-coupons sont des processus log-normaux (cf. éq. (6.1))

Dans ce qui suit on notera simplement W le mouvement brownien standard unidimensionnel


associé à la mesure risque-neutre.

6.3.2 Taux forward instantané

La dynamique du taux forward instantané de maturité T est la suivante :

d f (t , T ) = −γ(t , T ) · Γ(t , T )d t + γ(t , T )dWt

ENSAE / 3ème année voie finance de marché / © Antonin Chaix & Richard Guillemot / mars 2015
6.3 Le modèle Hull & White 1 facteur 66

Donc, dans le cas d’une volatilité Hull & White :


t σ(s)2 ³ −2λ(T −s) t
Z ´ Z
f (t , T ) = f (0, T ) − e − e −λ(T −s) d s + σ(s)e −λ(T −s) dWs (6.2)
0 λ 0

6.3.3 Taux court

Par définition le taux court s’écrit r t = f (t , t ), soit :

σ(s)2 ³ −2λ(t −s)


t
Z ´ Z t
r t = f (0, t ) − e − e −λ(t −s) d s + σ(s)e −λ(t −s) dWs
0 λ 0
(6.3)
e −2λt t −λt Z t Z t
e
Z
2 λs
= f (0, t ) − 2 2λs
σ(s) e d s + σ(s) e d s + e −λt
σ(s)e λs dWs
λ 0 λ 0 0

D’une part : ³ ´
d e λt r t = e λt d r t + λe λt r t d t

D’autre part, en utilisant (6.3) :


³ ´ · Z t ¸
λt λt λt
d e rt = λe f (0, t ) + e ∂2 f (0, t ) + e −λt
σ(s) e d s d t + σ(t )e λt dWt
2 2λs
0

En combinant les deux équations précédentes, on obtient :


· Z t ¸
d r t = λ( f (0, t ) − r t ) + ∂2 f (0, t ) + e −2λt σ(s)2 e 2λs d s d t + σ(t )dWt (6.4)
0

6.3.4 Formule de reconstruction des zéro-coupons

L’équation (6.4) se réécrit :


d X t = φ(t ) − λX t d t + σ(t )dWt
£ ¤

avec Z t
X t = r t − f (0, t ) et φ(t ) = σ(s)2 e −2λ(t −s) d s
0

X t est par construction une variable d’état gaussienne de valeur initiale nulle. Pour toute date
t , et pour toute maturité T ≥ t , le zéro-coupon B (t , T ) peut s’écrire comme une fonction déter-
ministe de X t :

B (t , T ) = B t ,T (X t )
B (0, T ) (6.5)
½ ¾
1 2
= exp − β(t , T ) φ(t ) − β(t , T )X t
B (0, t ) 2
avec
1 − e −λ(T −t ) T
Z
β(t , T ) = = e −λ(u−t ) d u
λ t

ENSAE / 3ème année voie finance de marché / © Antonin Chaix & Richard Guillemot / mars 2015
6.3 Le modèle Hull & White 1 facteur 67

Ce résultat est démontré en annexe page 84.

Cette formule de reconstruction des zéro-coupons est très importante ; c’est elle qui fait toute
la simplicité (et l’attrait) du modèle. Elle nous dit que la dynamique de l’ensemble de la courbe
des taux est régie par une unique variable d’état gaussienne : cela nous permettra notam-
ment d’évaluer les swaptions et d’implémenter facilement des méthodes numériques de pri-
cing (EDP, arbre, Monte Carlo...).

6.3.5 Evaluation des caps & floors

Un cap (resp. un floor) est composé de plusieurs caplets (resp. floorlets). Chaque caplet est un
call de strike K sur taux LIBOR. Notons T f la maturité du caplet (date de fixing du LIBOR), T1 ,
la date de départ du LIBOR sous-jacent (située deux jours ouvrés après T f ), T2 sa date de fin, et
δ la fraction d’année correspondante (base Exact/360). Le caplet délivre en date T2 le flux :
¢+
δ L(T f , T1 , T2 ) − K
¡

En utilisant la mesure forward Q T2 rendant le taux L(t , T1 , T2 ) martingale, le caplet s’évalue


donc comme suit :
1 B (t , T1 )
µ ¶
Q T2 £¡ ¢+ ¤
PVCaplet (0) = δB (0, T2 ) E0 L(T f , T1 , T2 ) − K avec L(t , T1 , T2 ) = −1
δ B (t , T2 )

Soit : ¶+ ¸
B (T f , T1 )
·µ
Q T2
PVCaplet (0) = B (0, T2 ) E0 − (1 + δK )
B (T f , T2 )
Le caplet apparaît donc comme un call de strike (1 + δK ) sur zéro-coupon forward. Dans le
cadre Hull & White, B (t , T1 )/B (t , T2 ) est une Q T2 -martingale log-normale de volatilité instanta-
née Γ(t , T1 ) − Γ(t , T2 ) (utiliser le lemme d’Itô). En conséquence :

B (0, T1 )
µ ¶
PVHW
Caplet (0) = B (0, T 2 ) BScall T f , 1 + δK , , σ
B (0, T2 )

Avec :
à !2
1 Tf 1 Tf e −λ(T1 −t ) − e −λ(T2 −t )
Z Z
2
¢2 2
σ = Γ(t , T1 ) − Γ(t , T2 ) d t = σ(s)
¡
dt
Tf 0 Tf 0 λ

Soit : Ã !2
2 1 e −λ(T1 −T f ) − e −λ(T2 −T f )
σ = φ(T f )
Tf λ
Où φ(T f ) est la variance du taux court à horizon T f , définie dans la section précédente.

Le floorlet s’évalue de manière analogue, en remplaçant BScall par BSput .

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6.3 Le modèle Hull & White 1 facteur 68

Remarque. On notera au passage que la dynamique d’un taux LIBOR dans le modèle Hull &
White est log-normale décalée (cf. section 4.4.2), avec comme paramètres la volatilité σ défi-
nie précédemment et le décalage d = 1/δ. Le modèle Hull & White présente donc un skew de
volatilité intrinsèque, c’est à dire une volatilité implicite décroissante en fonction du strike. Le
paramètre de décalage étant fixe, il ne sera pas possible, dans ce modèle, de contrôler la pente
du skew.

6.3.6 Evaluation des swaptions

Les swaptions sont décrites en détail section 4.3. Nous utilisons ici les mêmes notations (T f :
maturité de la swaption, T0 , T1 , . . . , Tn : échéancier de la jambe fixe, δ1 , . . . , δn : fractions d’an-
nées correspondantes).

Pour un notionnel unitaire, le prix de la swaption payeuse de prix d’exercice K s’écrit :


Tf
³¡ ¢+ ´
Q
PVPSw (0) = B (0, T f ) E0 PVV (T f ) − PVF (T f )
T h³ n ´+ i
Q f
= B (0, T f ) E0 δi B (T f , Ti )
X
B (T f , T0 ) − B (T f , Tn ) − K
i =1
Tf h³ n ´+ i
Q
= B (0, T f ) E0
X
B (T f , T0 ) − c i B (T f , Ti )
i =1

Où les coefficients c i sont définis par :

c i = δi K pour i = 1, . . . , n − 1
c n = 1 + δn K

Passons sous la mesure forward Q T0 :


"Ã !+ #
n B (T f , Ti )
Q T0
PVPSw (0) = B (0, T0 ) E0
X
1− ci
i =1 B (T f , T0 )

Utilisons maintenant la formule de reconstruction des zéro-coupons (6.5). Compte tenu de la


positivité des coefficients c i , la fonction :
n
X B T f ,Ti (x)
x 7→ ci
i =1 B T f ,T0 (x)

est décroissante et réalise une bijection entre R et ]0, +∞[, si bien qu’il existe un unique réél x 0
(dit frontière d’exercice) tel que :
X n B T f ,Ti (x 0 )
ci =1 (6.6)
i =1 B T f ,T0 (x 0 )

Posons maintenant :
B T f ,Ti (x 0 )
Ki =
B T f ,T0 (x 0 )

ENSAE / 3ème année voie finance de marché / © Antonin Chaix & Richard Guillemot / mars 2015
6.3 Le modèle Hull & White 1 facteur 69

Et regardons le produit payant à la date T0 :


n B (T f , Ti ) +
µ ¶
X
ci K i − (6.7)
i =1 B (T f , T0 )

Dans le modèle, les n options apparaissant ci-dessus ont toutes la même frontière d’exercice
que la swaption (à savoir {X T f > x 0 }) : elles sont exercées simultanément. Par ailleurs, le choix
des K i implique que la valeur du payoff (6.7) coïncide avec celui de la swaption en cas d’exer-
cice. La swaption peut donc s’évaluer comme :
n ¶+ ¸
B (T f , Ti )
·µ
Q T0
PVPSw (0) = B (0, T0 ) c i E0
X
Ki −
i =1 B (T f , T0 )

C’est à dire comme la somme de n puts sur zéro-coupon forward. Chaque processus B (t , Ti )/B (t , T0 )
étant une Q T0 -martingale log-normale de volatilité instantanée Γ(t , Ti ) − Γ(t , T0 ), on obtient :
n µ
B (0, Ti )

PVPSw (0) = B (0, T0 ) , σi
X
c i BSput T f , Ki ,
i =1 B (0, T0 )

où (cf. section précédente) :


à !2
1 e −λ(T0 −T f ) − e −λ(Ti −T f )
σ2i = φ(T f )
Tf λ

Le prix de la swaption receveuse correspondante est obtenu en remplaçant BSput par BScall .

L’évaluation pratique d’une swaption dans le modèle Hull & White est donc directe et exacte ;
elle nécessite néanmoins la recherche numérique 1 de la frontière d’exercice (racine de l’équa-
tion (6.6)).

6.3.7 Procédure de calibration

La calibration de la volatilité σ(t ) du modèle s’effectue à partir de prix de marché de caplets


(ou floorlets) et swaptions. Les instruments de calibration se choisissent méticuleusement, au
cas par cas, suivant la nature et les caractéristiques du produit que l’on cherche à évaluer. Cet
aspect est abordé plus loin dans le cadre des swaptions bermudas et autres produits exotiques
(sections 6.4 et 6.5).

La problématique est la suivante : on se donne une n instruments de calibration (caplets, floor-


lets, swaptions) de maturités distinctes T1 < T2 < . . . < Tn . On choisit une valeur du paramètre
de mean reversion λ ; on cherche à calibrer la fonction σ(t ) (constante par morceaux) afin que
le modèle réévalue correctement les n instruments de marché. Les maturités des instruments
considérés sont nécessairement distinctes car il est impossible de jouer sur le smile du modèle,
et donc de calibrer plusieurs strikes par maturité (cf. remarque en fin de section 6.3.5).
1. Pour des raisons d’efficacité, on préférera une méthode du type Newton-Raphson.

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6.3 Le modèle Hull & White 1 facteur 70

Le prix de l’instrument de calibration de maturité Ti dépend de σ(t ) via la variance φ(Ti ) (cf.
deux précédents paragraphes). Cela conduit à la stratégie de calibration suivante :

1. Calcul des variances φ. Pour chaque instrument i = 1, . . . , n, déterminer la valeur φ(Ti )


qui rend le prix Hull & White de l’instrument égal à son prix de marché. Cela requiert un
méthode numérique de recherche de racine.

2. Bootstrap de σ(t ). Pour i = 0, . . . , n −1, avec pour convention T0 = 0 (date initiale), utiliser
φ(Ti ) et φ(Ti +1 ) pour déterminer la valeur σi de la fonction σ sur l’intervalle [Ti , Ti +1 [ :
Z Ti +1
−2λ(Ti +1 −Ti )
φ(Ti +1 ) = e φ(Ti ) + σ(t )2 e −2λ(Ti +1 −t ) d t
Ti
σ2i ³ ´
= e −2λ(Ti +1 −Ti ) φ(Ti ) + 1 − e −2λ(Ti +1 −Ti )

de telle sorte que :
φ(Ti +1 ) − e −2λ(Ti +1 −Ti ) φ(Ti )
σ2i = 2λ (6.8)
1 − e −2λ(Ti +1 −Ti )

L’étape 2 ci-dessus pose problème si φ(Ti +1 ) < e −2λ(Ti +1 −Ti ) φ(Ti ) car l’équation (6.8) n’a alors
pas de solution 2 . Cela peut arriver en cas de baisse brutale de la volatilité implicite d’une ma-
turité à la suivante, ou si les instruments de calibration sont hétérogènes (e.g. une swaption
de tenor 30 ans juste après un caplet). Par ailleurs, pour la stabilité des méthodes numériques
utilisées en aval, on souhaite que la volatilité du modèle soit bornée inférieurement, i.e. :

∀t , σ(t ) ≥ σmin

Si l’équation (6.8) n’a pas de solution ou fournit une solution inférieure à σmin , on procédera
de la manière suivante :
1. Poser σi = σmin

2. Mettre à jour la valeur suivante de φ :

σ2min ³ ´
φ(Ti +1 ) e i +1 ) = e −2λ(Ti +1 −Ti ) φ(Ti ) +
φ(T 1 − e −2λ(Ti +1 −Ti )

et passer au calcul de σi +1 .
Dans cette situation, l’instrument de maturité Ti +1 sera surévalué par le modèle, mais les sui-
vants seront correctement calibrés s’il n’y a pas d’autre variance squeeze.

Remarque. Dans ce qui précède, on a figé la mean reversion λ puis calibré σ(t ) sur une série
d’instruments de marché. Il est possible d’itérer la procédure afin de calibrer également le pa-
ramètre λ. Un stratégie fréquente, dans le cadre de produits callable (swaptions bermuda et

2. On parle de variance squeeze.

ENSAE / 3ème année voie finance de marché / © Antonin Chaix & Richard Guillemot / mars 2015
6.3 Le modèle Hull & White 1 facteur 71

autres produits annulables) est de calibrer σ(t ) sur une diagonale de swaptions 3 , et λ sur un
cap à la monnaie 4 . Cependant la calibration de λ n’est pas indispensable ; beaucoup d’opéra-
teurs préfèrent gérer ce paramètre manuellement, en le choisissant à un niveau qu’ils jugent
conservateur. C’est l’objet du paragraphe 6.4.5.

6.3.8 Effet de la mean reversion

La mean reversion λ joue un rôle important dans l’évaluation et le risk-management de nom-


breux exotiques de taux (voir plus loin le cas de la swaption bermuda).

Prix des produits non calibrés. Le paramètre λ a d’une part un impact sur le prix des options
que l’on a pas calibrées. Prenons un exemple : si on calibre le modèle sur un caplet LIBOR 6
mois de maturité 2 ans, le prix d’une swaption de même maturité et de tenor 20 ans sera affecté
par la mean reversion. En effet, la calibration sur le caplet implique que la volatilité suivante
reste constante 5 : Ã !2
2 1 e −λ(T1 −T f ) − e −λ(T2 −T f )
σ0 = φ(T f )
Tf λ
Or la swaption de tenor 20 ans est évaluée dans le modèle au moyen de plusieurs volatilités de
la forme 6 : Ã !2
2 1 e −λ(T1 −T f ) − e −λ(Ti −T f )
σ = φ(T f ) avec Ti > T2
Tf λ
Soit : Ã !2
2 e −λ(T1 −T f ) − e −λ(Ti −T f )
σ = σ20
e −λ(T1 −T f ) − e −λ(T2 −T f )
qui s’avère décroissante en fonction du paramètre λ. Autrement dit, si on augmente la mean
reversion λ (et recalibre le modèle au prix du caplet), le prix de la swaption de même maturité
va diminuer. On peut généraliser ce résultat : si on calibre le modèle sur un instrument de tenor
donné, alors le prix d’un instrument de même maturité et de tenor plus long diminuera si on
augmente la mean reversion. A l’inverse, si on calibre le modèle sur un instrument de tenor
donné, alors le prix d’un instrument de même maturité et de tenor plus court augmentera avec
la mean reversion.

Impact sur la volatilité forward. Le deuxième aspect concerne la forme de la volatilité instan-
tanée dans le modèle. Prenons le cas d’un caplet de maturité T f (la période d’intérêt du LIBOR
sous-jacent étant comme d’habitude notée (T1 , T2 )). Comme on l’a vu la dynamique Hull &

3. Par diagonale de swaptions, on entend une série de swaptions vérifiant maturité + tenor = constante (les swaps
sous-jacents ont donc tous même date de fin). Par exemple, une diagonale 10 ans serait constituée des 9 swaptions
suivantes : 1Y/9Y, 2Y/8Y, 3Y/7Y,. . . , 9Y/1Y.
4. On va donc faire varier λ pour atteindre le prix de marché du cap, en recalibrant σ(t ) sur la diagonale de
swaptions à chaque itération.
5. cf. section 6.3.5.
6. cf. section 6.3.6.

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6.3 Le modèle Hull & White 1 facteur 72

White du LIBOR sous-jacent est de type log-normale décalée. Le processus log-normal associé
est B (t , T1 )/B (t , T2 ), dont la volatilité instantanée s’écrit :

σ(t ) ³ −λ(T1 −t ) ´
Γ(t , T1 ) − Γ(t , T2 ) = e − e −λ(T2 −t )
λ
³ ´ σ(t )
= e −λT1 − e −λT2 e λt
λ
Pour λ > 0 cette volatilité instantanée est donc exponentiellement croissante avec le temps. Si
R Tf
on calibre le modèle sur le prix du caplet, on fixe la valeur de l’intégrale 0 (Γ(t , T1 )−Γ(t , T2 ))2 d t .
En changeant la valeur de mean reversion (et recalibrant le modèle sur le caplet), on va affec-
ter la forme de la volatilité instantanée entre t = 0 et T f (son intégrale quadratique restant
constante). Pour λ = 0 la volatilité instantanée est constante ; plus λ est grand plus la volatilité
a tendance à se répartir vers la fin, au voisinage de la maturité T f de l’instrument de calibration.
On dit que la volatilité forward est d’autant plus grande que la mean reversion est importante.
Ce phénomène est illustré par la figure 6.1 suivante.

F IGURE 6.1 – Volatilité instantanée d’un caplet de maturité 20 ans sur LIBOR 1
an. On calibre le modèle sur le prix du caplet pour différentes valeurs de la mean re-
version λ. Pour chaque valeur de λ, on représente en fonction du temps la volatilité
instantanée du ratio de zéro-coupons B (t , T1 )/B (t , T2 ) où T1 = 20 ans, et T2 = 21
ans. La calibration au caplet implique que l’intégrale quadratique de cette volatilité
instantanée demeure constante, mais plus λ est grand, plus la volatilité sera faible
au début et importante au voisinage de la maturité du caplet.

Cet effet est crucial pour comprendre le prix des swaptions bermudéennes (section 6.4).

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6.3 Le modèle Hull & White 1 facteur 73

6.3.9 Monte Carlo

Considérons un produit exotique générant les flux aléatoires F (T1 ), F (T2 ), . . . , F (Tn ) aux dates
T1 , T2 , . . . , Tn . Son prix s’exprime de la manière suivante :
n
Q Ti ¡
B (0, Ti ) E0
X ¢
PVexot = F (Ti )
i =1

Soit, en passant toutes les espérances sous la mesure Q Tn associée à la date finale de paiement :
n µ
F (Ti )

Q Tn
B (0, Tn ) E0
X
PVexot =
i =1 B (Ti , Tn )

Pour évaluer ce produit en Monte Carlo, une stratégie consiste donc à simuler la variable d’état
X t du modèle Hull & White sous la mesure terminale Q Tn . Le changement de drift entre les
mouvements browniens risque-neutre et forward neutre fait intervenir la volalitité du zéro-
coupon de maturité terminale :

Q Tn Q
dWt = dWt − Γ(t , Tn )d t

de sorte que :
Q
d X t = φ(t ) − λX t d t + σ(t )dWt
¡ ¢

Q Tn
= φ(t ) − λX t + σ(t )Γ(t , Tn ) d t + σ(t )dWt
¡ ¢

On peut donc simuler le processus X t de façon exacte sous Q Tn , sur une discrétisation
0 = t 0 < t 1 < . . . < t m = Tn incluant les dates T1 , T2 , . . . , Tn :
µ Z tj Z tj ¶
Q Tn
X t j = e −λt j e λt j −1 X t j −1 + e λt φ(t ) + σ(t )Γ(t , Tn ) d t + σ(t )e λt dWt
¡ ¢
, j = 1, . . . , m
t j −1 t j −1

En effet, la première intégrale ci-dessus est déterministe et se calcule en fonction de λ et σ(t ),


tandis que l’intégrale stochastique se simule comme :
sZ
tj
ε× σ(t )2 e 2λt d t avec ε ,→ N (0, 1)
t j −1

A chaque date t j , les zéro-coupons nécessaires à l’évaluation des payoffs F (Ti )/B (Ti , Tn ) sont
calculés en fonction de la valeur du processus X t via la formule de reconstruction (6.5).

6.3.10 Evaluation par EDP

Considérons un modèle de taux réprésenté par une variable d’état X t uni-dimensionnelle et


dont la dynamique est la suivante sous la mesure risque-neutre Q :

d X t = µ(t , X t )d t + σ(t , X t )dWt

ENSAE / 3ème année voie finance de marché / © Antonin Chaix & Richard Guillemot / mars 2015
6.4 Swaptions bermudas 74

avec µ et σ fonctions déterministes. Dans le cadre Hull & White 1 facteur, µ et σ sont définies
par :
µ(t , x) = φ(t ) − λx et σ(t , x) = σ(t )

Nous cherchons à écrire l’EDP d’évaluation d’un produit (typiquement une option) dont la
valeur en t s’écrit v(t , X t ). Le produit en question s’assimile à un actif liquide : sous hypothèse
d’AOA, sa valeur actualisée est donc une Q-martingale, ce qui implique :
¡ ¢
d v(t , X t ) = r (t , X t )v(t , X t )d t + . . . dWt

Par ailleurs, d’après le Lemme d’Itô, le drift intervenant dans la diffusion de v(t , X t ) s’écrit :

∂v ∂v 1 ∂2 v
(t , X t ) + µ(t , X t ) (t , X t ) + σ(t , X t )2 2 (t , X t )
∂t ∂x 2 ∂x
En identifiant les deux drifts il vient :
∂v ∂v 1 ∂2 v
r (t , X t )v(t , X t ) = (t , X t ) + µ(t , X t ) (t , X t ) + σ(t , X t )2 2 (t , X t )
∂t ∂x 2 ∂x
Ce qui aboutit à l’EDP suivante :

∂v ∂v 1 ∂2 v
(t , x) + µ(t , x) (t , x) + σ(t , x)2 2 (t , x) − r (t , x)v(t , x) = 0 (6.9)
∂t ∂x 2 ∂x

Cette équation est résolue numériquement via un schéma de différences finies de type Crank-
Nicholson. Cette méthode est décrite en annexe page 85 et suivantes.

6.4 Swaptions bermudas

6.4.1 Définition

Une swaption bermuda (bermudéenne) est une option permettant de rentrer dans un swap
de taux à différentes dates d’exercice. Supposons que le swap sous-jacent commence en T0
et finisse en Tn , avec pour échéancier T0 , T1 , . . . , Tn sur la jambe fixe. Une swaption Bermuda
permettra par exemple de rentrer dans le swap sous-jacent à la date T0 , puis, si l’exercice n’a
pas eu lieu en T0 , d’y rentrer à la date T1 , puis si l’exercice n’a pas eu lieu en T1 , d’y rentrer à
la date T2 etc (cf. figure 6.2 ci-après). Comme dans le cas des swaptions standard, on parle de
bermuda payeuse (on rentre dans un swap où l’on paye le taux fixe) ou receveuse (on reçoit le
taux fixe).

En pratique la fréquence d’exercice ne correspond pas nécessairement à celle de la jambe fixe.


Généralement :

• La périodicité des exercices est un multiple de la periodicité de la jambe du swap versant ses
flux le moins fréquemment. Exemple : pour un swap sous-jacent payant LIBOR 3M contre

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6.4 Swaptions bermudas 75

F IGURE 6.2 – Swaption bermuda

taux fixe semi-annuel, la fréquence d’exercice sera au maximum semi-annuelle, mais pourra
être annuelle ou même bisannuelle.
• Les dates d’exercice se situent au plus tard deux jours ouvrés avant la date anniversaire du
swap sous-jacent, mais sont souvent situées quelques jours auparavant (5, 10, 15 jours ou-
vrés...). On parle de notice period ou encore de call notice.

6.4.2 Utilisation et intérêt du produit

Les swaptions bermudas permettent de structurer des swaps annulables (cancellable ou cal-
lable swaps en anglais). En effet, si on combine un swap payeur et une bermuda receveuse de
sous-jacent le même swap, on crée un swap annulable aux dates d’exercice de la bermuda, car
le fait d’exercer la bermuda nous fait rentrer dans un swap dont les flux sont rigoureusement
inverses à ceux du swap initial. En résumé :

Swap annulable receveur = Swap vanille receveur + bermuda payeuse


Swap annulable payeur = Swap vanille payeur + bermuda receveuse

Exemple. Swap 10 ans payeur (rec. LIBOR 6M Exact/360 contre pay. taux fixe 4.00% annuel
30/360) annulable tous les ans à partir de la deuxième année. Ce swap annulable peut être
synthétisé en rentrant dans le swap 10 ans payeur du taux fixe 4% et en achetant la swaption
bermuda 2Y/8Y receveuse de strike 4% et exerçable annuellement. Le swap ne pourra pas être
annulé au cours des deux premières années : on dit qu’il y a une no call period de deux ans.

En général le taux fixe (4% dans l’exemple ci-dessus) est choisi de tel sorte que le swap annu-
lable soit au pair. Si la banque traite un tel produit avec un client 7 , l’intérêt pour le client est
que le taux fixe qu’il va recevoir de la part de la banque va être “bonifié” c’est à dire supérieur
au taux swap standard de maturité 10 ans, car il vend implicitement l’option d’annulation à la
banque. C’est la logique de tous les produits annulables (callable reverse floater, callable corri-
dor, callable spread options, etc., voir section 6.5) : l’option d’annulation détenue par la banque
permet de rendre plus attractifs les coupons exotiques reçus par l’investisseur final.
7. En réalité le client final investit un capital. La banque place ce capital à taux EURIBOR et traite un swap pour
convertir ce taux variable en un taux fixe qu’il verse à l’investisseur. En cas de swap annulable, l’investisseur récu-
père donc son capital de manière anticipée si l’option d’annulation est exercée par la banque.

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6.4 Swaptions bermudas 76

6.4.3 Evaluation dans le modèle Hull & White

Le modèle Hull & White 1 facteur est tout à fait adapté à l’évaluation des bermudas. La forme du
produit nous incite fortement à calibrer la fonction σ(t ) du modèle sur la diagonale de swap-
tions (c’est à dire sur chacune des swaptions européennes (T0 → Tn ), (T1 → Tn ), . . . , (Tn−1 → Tn )
de la figure 6.2). Dans l’exemple du paragraphe précédent (swap annulable 10 ans, taux fixe 4%,
no call 2 ans), on calibrerait donc le modèle sur les 8 swaptions suivantes :

• swaption 2Y / 8Y, strike 4.00%


• swaption 3Y / 7Y, strike 4.00%
• ...
• swaption 9Y / 1Y, strike 4.00%

Le paramètre de mean reversion λ est soit choisi “manuellement” (cf. discussion dans les para-
graphes suivants), soit calibré sur un instrument de tenor court (typiquement sur le cap 10 ans
à la monnaie).

D’un point de vue numérique, les bermudas sont évaluées par une méthode backward (arbre
ou différences finies), caractère bermudéen oblige. La description du schéma de différences
finies figure en annexe page 85 et suivantes. La discrétisation en temps contient toutes les dates
d’exercices T0 , T1 ,. . . , Tn−1 et s’étend de t = 0 à t = Tn−1 . L’évaluation de la swaption bermuda
dans ce schéma se déroule comme suit :

1. La valeur finale v(Tn−1 , x) de la bermuda est initialisée pour chaque x de la discrétisation


en espace avec le payoff du dernier exercice, qui n’est autre que celui d’une swaption
vanille :
¡ n−1 ¢
v(Tn−1 , x) = max Vswap (x), 0
n−1
où Vswap (x) représente la valeur à la date Tn−1 et dans l’état x du swap sous-jacent à
l’exercice en Tn−1 . Cette valeur s’exprime en fonction de zéro-coupons, calculés via la
formule de reconstruction (6.5).

2. La valeur de la bermuda v(t , x) est rétro-propagée dans le schéma jusqu’à la précédente


date d’exercice Tn−2 . A cette date, la fonction valeur est mise à jour sur la grille de la
manière suivante :
¡ n−2 ¢
v(Tn−2 , x) = max Vswap (x), v(Tn−2 , x)
n−2
où comme à l’étape 1, Vswap (x) représente la valeur à la date Tn−2 et dans l’état x du
swap sous-jacent à l’exercice en Tn−2 . On traduit donc ainsi la stratégie optimale d’exer-
cice consistant à exercer la bermuda si le bénéfice lié à l’exercice (rentrer dans le swap
sous-jacent) est plus important que celui lié à la conservation de l’option pour les dates
d’exercice ultérieures.

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6.4 Swaptions bermudas 77

3. On poursuit la rétro-propagation en mettant à jour la fonction valeur à chaque date


d’exercice comme à l’étape 2. Une fois arrivé en t = 0 le prix de la swaption bermuda
est la valeur v(0, 0).

6.4.4 Switch option et effet de la mean reversion

la swaption bermuda peut s’exercer à chaque date d’exercice : son prix est donc supérieur à ce-
lui de chacune des swaptions européennes sous-jacentes. La bermuda vaut même strictement
plus que la plus chère d’entre elles. Ce surplus de valeur est appelé switch option. On écrit :

Bermuda = Swaption européenne la plus chère + Switch option

Vue d’aujourd’hui, la swaption européenne la plus chère est celle qui a la plus grande proba-
bilité d’être exercée. La switch option correspond à la possibilité future de retarder ou avancer
l’exercice si le moment venu les conditions de marché rendent cela plus intéressant.

La calibration du modèle sur les swaptions diagonales permet, via un vega-hedge composé de
swaptions, d’évacuer l’essentiel du risque “vanille” de la bermuda. La switch option corres-
pond à un risque “orthogonal”, purement exotique, dit risque de volatilité forward. La valeur
de la switch option est en effet déterminée par la façon dont, depuis chaque date d’exercice, les
swaptions restantes sont évaluées dans le modèle. En d’autres termes, le paramètre d’intérêt est
la volatilité forward de chaque taux swap, vue des différentes dates d’exercice. On l’a vu dans
la section 6.3.8, cette volatilité forward est d’autant plus importante que la mean reversion est
élevée. Cela conduit au résultat suivant :

Plus la mean reversion λ est grande, plus la volatilité forward des taux swaps est importante,
et donc plus la bermuda est chère.

6.4.5 Choix de la mean reversion

La valeur de mean reversion – et plus généralement la forme de la volatilité forward – est donc
déterminante dans l’évaluation des produits annulables. Voilà quelques pistes pour la déter-
miner.

Mean reversion implicite. Il existe parfois suffisamment de liquidité sur le marché des swap-
tions bermudas 8 pour déterminer des mean reversions implicites à partir des prix observés. A
la manière des volatilités implicites, on peut alors maintenir des grilles de λ suivant la maturité
et la no call period des produits.

Volatilité historique des FRAs. En comparant la volatilité historique d’un forward LIBOR à long

8. Ce fut notamment le cas il y quelques années sur le marché US, les bermudas étant alors très utilisées par les
banques dans la couverture des mortgages.

ENSAE / 3ème année voie finance de marché / © Antonin Chaix & Richard Guillemot / mars 2015
6.4 Swaptions bermudas 78

terme et d’un forward à court terme, on peut estimer statistiquement une mean reversion. Cette
méthode est peu utilisée (tout comme la volatilité historique dans l’évaluation des options).

Swaption longue vs. swaption courte. Sur données historiques, on calibre tous les jours un
modèle Hull & White sur une swaption de tenor long (e.g. 20 ans). On choisit une valeur de λ
telle que, en moyenne, une swaption de tenor court (e.g. 2 ans) ou un caplet soit correctement
évalué par le modèle.

Volatilité forward vs. volatilité de marché. Sur données historiques, on calibre tous les jours un
modèle Hull & White sur la diagonale de swaptions, et, vu de la maturité de la swaption la plus
chère, on compare les volatilités forward Hull & White des swaptions restantes aux volatilités
implicites de marché des swaptions de même tenor et maturité.

Back-testing de la gestion delta/vega-neutre. Sur données historiques, on vega-hedge tous les


jours la bermuda au moyen des swaptions diagonales et delta-hedge l’ensemble de la position.
On étudie ensuite la moyenne et l’écart-type du P&L pour différentes valeurs de mean reversion,
et choisit le meilleur compromis moyenne-variance.

6.4.6 1 facteur vs. multi-facteurs

Pour conclure sur les bermudas, on peut se demander si un modèle 1 facteur tel que le modèle
Hull & White est suffisant pour évaluer et gérer le risque des swaptions bermudas. La question
peut se formuler ainsi : de quelle manière la décorrélation des taux affecte-t-elle le prix des
bermudas ?

Pour tenter d’appréhender cette question, intéressons nous au cas d’une bermuda à deux dates
d’exercices T1 et T2 . La date de fin du swap sous jacent est notée Tend :

F IGURE 6.3 – Bermuda, deux dates d’exercice

Le payoff à la date T1 de la swaption bermuda (payeuse) peut s’écrire comme :


³ ¢+ ¤´
LVL £¡
max LVL1 (T1 ) S 1 (T1 ) − K , LVL2 (T1 )ET 2 S 2 (T2 ) − K
¡ ¢
1

où S 1 et LVL1 désignent le taux swap et le level associés au premier swap exercé (T1 → Tend ), et
S 2 et LVL2 les équivalents pour le second swap exercé (T2 → Tend ). Dans le payoff précédent, le
premier argument du max est le gain d’un exercice immédiat (i.e. en T1 ) de la bermuda, tandis
que le second argument correspond à un exercice différé en T2 .

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6.5 Quelques autres produits exotiques 79

Etant donné que le modèle utilisé est calibré sur les deux swaptions européennes (T1 → Tend ) et
(T2 → Tend ), le prix de notre bermuda à deux dates d’exercice dépend principalement de deux
choses :

• La volatilité forward du taux swap S 2 entre les dates T1 et T2 : plus grande est cette volatilité,
plus élevée est le prix de la bermuda.
• La corrélation entre le taux swap S 1 (T1 ) et le taux swap forward S 2 (T1 ) : plus grande est cette
corrélation, plus petit est le prix de la bermuda.

Considérons un modèle 1 facteur et un modèle multi-facteurs tous deux calibrés sur les deux
swaptions diagonales. Supposons également que l’on paramètre les deux modèles afin d’obte-
nir les mêmes grandeurs de volatilité forward pour le taux swap S 2 . Alors, étant donné que la
corrélation est égale à 1 dans le modèle 1 facteur et à ρ < 1 dans le modèle multi-facteur, le prix
1 facteur obtenu pour la bermuda va être plus faible que le prix multi-facteur.

Néanmoins cet effet corrélation est marginal dans le prix de la bermuda, notamment du fait
que les deux taux swap considérés sont “imbriqués” et ont donc structurellement une corré-
lation très proche de 1 – y compris dans un modèle multi-facteur. La petite différence de prix
entre les deux modèles peut se compenser en augmentant légèrement la mean reversion dans le
modèle 1 facteur, qui s’avère en conséquence suffisant pour évaluer les produits bermudéens.

6.5 Quelques autres produits exotiques


Le but de cette dernière section est de présenter succinctement quelques autres produits exo-
tiques de seconde génération populaires. On s’intéresse plus particulièrement aux risques de
ces produits ; leur compréhension est une étape indispensable dans le choix du modèle d’éva-
luation et de sa stratégie de calibration.

6.5.1 Callable reverse floater

Un reverse floater est un swap taux variable LIBOR/EURIBOR (+ marge) contre coupon exotique
défini par :
¢+
K − α LIBOR
¡

Ou α est un coefficient positif (dans le cas négatif on parle de cap floater). En tant que tel, le
reverse floater est un produit vanille car la jambe exotique s’apparente à un floor sur LIBOR. Un
callable reverse floater est un swap reverse floater assorti d’une option d’annulation. En général,
comme dans le cas de la plupart des produits callable, la banque reçoit LIBOR de la part du
client, lui verse périodiquement le coupon (K − α LIBOR)+ , et détient l’option d’annulation (ce
qui, comme on l’a déjà vu, a tendance à rendre le coupon plus attractif pour le client).

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6.5 Quelques autres produits exotiques 80

L’intérêt d’un tel produit est qu’en contexte de courbe pentue (les taux LIBOR spot sont moins
élevés que les taux LIBOR forwards) l’investisseur a le sentiment de recevoir un gros coupon
“à bas coût”. Autrement dit, le marché cote des taux LIBOR forwards qui, dans la perception de
l’investisseur ne vont pas se réaliser 9 .

L’option d’annulation du callable reverse floater présente deux principaux risques : (a) un ca-
ractère bermudéen induit par l’option d’annulation (à la manière d’une bermuda) et (b) les
options sur LIBOR de la jambe exotique. Un modèle candidat à l’évaluation de cette option
d’annulation doit donc :

• Etre calibré sur les swaptions diagonales afin d’évaluer correctement l’option d’annulation.
• Etre calibré sur les caplets/floorlets (strikes K /α), afin de réévaluer correctement le swap
sous-jacent

Ces deux points sont cruciaux. La prise en compte de l’aspect bermudéen doit être réalisée
de la même façon que pour les swaptions bermudas 10 , et implique donc une calibration à la
diagonale de swaptions et une gestion du risque de volatilité forward. Le second point est tout
aussi important : lorsque l’option d’annulation se trouve très dans la monnaie (i.e. va être exer-
cée), sa valeur tend vers celle du swap reverse floater sous-jacent qui se doit d’être correctement
évaluée par le modèle (il y a arbitrage sinon).

Le modèle Hull & White ne permet pas en tant que tel cette double calibration. Deux possibili-
tés :

• Utiliser un autre modèle, plus riche, permettant la calibration simultanée à la diagonale de


swaptions et aux caplets de strike K /α.
• Utiliser une version “transformée” du modèle Hull & White : on modifie l’évaluation de l’op-
tion d’annulation au niveau de la méthode de différences finies. A chaque date d’exercice,
au lieu d’évaluer les options de la jambe exotique dans le modèle, on les évalue par formules
fermées (modèle normal) avec des volatilités forward calibrées de telle sorte que, vu d’au-
jourd’hui, la jambe exotique soit correctement évaluée.

9. Le développement du marché des structurés de taux, tout comme celui de nombre d’autres marchés dérivés,
repose beaucoup sur cette différence entre les anticipations du marché et celles des investisseurs.
10. En effet, les coupons reverse floater sont souvent très dans la monnaie (notamment au moment de l’émission
du produit), si bien qu’ils s’apparentent à (K − α LIBOR) (sans le floor à 0). Le swap reverse floater est alors presque
un swap vanille (notionnel (1 + α), taux fixe K /(1 + α)). Dans ce cas l’option d’annulation reverse floater ressemble
fortement à une swaption bermuda. La méthode d’évaluation doit donc être la même que pour la bermuda sous
peine d’incohérence, voire d’arbitrage.

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6.5 Quelques autres produits exotiques 81

6.5.2 Autres produits annulables

Callable corridor range accrual. Il s’agit de la version annulable du swap décrit dans le pa-
ragraphe 5.4.2. Le swap en question paye des coupons proportionnels au nombre de jours où
un taux LIBOR a fixé dans un intervalle donné. Comme dans le cas du callable reverse floater,
l’évaluation d’un tel produit requiert un modèle qui (a) soit calibré sur valeur du swap exo-
tique sous-jacent et (b) évalue correctement le caractère bermudéen du produit (calibration
aux swaptions diagonales, gestion efficace du risque de volatilité forward).

Callable CMS spread. Le swap CMS spread paye LIBOR contre un coupon exotique défini par
(CMS1 − CMS2 − K )+ , où CMS1 et CMS2 représentent les fixings de deux taux swaps (e.g. tenors
20 ans et 2 ans). Le tout est annulable au gré de la banque. L’évaluation du swap sous-jacent
n’est pas évidente (ajustements de convexités sur les taux CMS, co-dépendance à spécifier...),
celle de l’option d’annulation le sera encore moins ! Les mêmes contraintes que pour le corridor
ou le reverse floater sont de mise (prise en compte du caractère annulable et réévaluation cor-
recte des spread options sous-jacentes). De plus, la valeur du swap sous-jacent étant fondée sur
la décorrélation entre taux court et taux long, l’utilisation d’un modèle (au moins) 2-facteurs
est indispensable.

et bien d’autres encore. . .

6.5.3 Produits path-dependent

Ratchet cap. C’est une jambe payant à chaque période d’intérêt i un coupon de la forme
¡ ¢+ ¡ ¢
LIBORi − K i avec K i = f LIBORi , LIBORi −1 , K i −1 . Autrement dit, le coupon a la forme d’un
caplet sur LIBOR à ceci près que le strike du caplet est aléatoire et se définit en fonction du LI-
BOR prévalant pour la période d’intérêt, du précédent fixing de LIBOR (période d’intérêt pré-
cédente), et également du strike utilisé pour le précédent coupon. Le caractère path-dependent
du produit implique une évaluation par méthode de Monte-Carlo 11 . La calibration du modèle
s’effectue sur la volatilité des caplets. L’incertitude sur les strikes rend préférable l’utilisation
d’un modèle permettant de calibrer l’ensemble du smile de volatilité des caplets (quadratique
gaussien, BGM ou Hull & White à volatilité stochastique etc...). Enfin, le modèle utilisé doit
idéalement être multi-facteur afin d’obtenir une décorrélation réaliste entre taux LIBOR suc-
cessifs.

Snowball. Une jambe snowball verse à la fin de chaque période d’intérêt i un coupon de la
¡ ¢+
forme cpni = cpni −1 + K i − LIBORi , où les strikes K i sont fixés à l’avance. Comme son nom
l’indique, ce produit présente un effet “boule de neige” : en contexte de taux bas la valeur des
coupons peut croître très rapidement. Du point de vue de l’analyse des risques, ce genre de
produit est comparable au ratchet cap : on utilisera généralement le même genre d’approche

11. On peut également procéder par différences finies, en ajoutant des variables d’état supplémentaires corres-
pondant aux fixing passés du LIBOR et du strike.

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6.5 Quelques autres produits exotiques 82

pour l’évaluation. Si le snowball est de plus annulable (swap LIBOR contre coupon snowball,
le tout annulable au gré de la banque), il faudra de plus calibrer les swaptions diagonales et,
du fait de l’aspect forward-backward du produit, utiliser un Monte Carlo “américain” (e.g. une
méthode par régression de type Longstaff & Schwartz).

Vol bond. Une jambe vol bond verse à chaque période i un coupon de type |CMSi −CMSi −1 |, où
C M S k représente le fixing d’un taux swap (e.g. 10 ans) au début de période k. On reçoit donc à
la fin de chaque période d’intérêt la différence absolue entre le fixing d’un taux swap au début
de la période d’intérêt et le fixing du même taux au début de la période d’intérêt précédente.
Ce type de produit est hautement exotique : il n’a quasiment pas de delta / gamma par rapport
à la courbe des taux, et dépend exclusivement de la volatilité swaption future (du fait que les
coupons s’apparentent à des CMS straddles 12 presque à la monnaie). Nous sommes donc en
présence d’un pur produit de volatilité forward. Difficile dans ces conditions de s’affranchir
d’un modèle à volatilité stochastique.

Target redemption note. Ou TARN pour faire plus court. Ce type de produit est structuré sous
¡ ¢+
forme d’un swap LIBOR (+ marge) contre coupon exotique (typiquement K −α LIBOR , comme
dans le cas du reverse floater). Le caractère complexe du produit vient du fait que le swap s’ar-
rête dès que le montant des coupons versés atteint un montant cible X prédéterminé. Exemple :
le client paye LIBOR et reçoit (8% − LIBOR)+ pendant 10 ans, mais le swap s’arrête de ma-
nière anticipée si le montant reçu par le client atteint 14%. L’analyse du produit est la sui-
vante : (1) la jambe couponnée est assez peu sensible au niveau des taux, car la somme X
perçue est connue, (2) le risque porte principalement sur la jambe LIBOR qui s’arrête lorsque
le montant X est atteint : si les taux baissent, la valeur de cette jambe baisse doublement car
(a) les LIBORs sont plus bas et (b) le montant X va être atteint plus rapidement, ce qui am-
pute la jambe variable d’autant plus de flux. Chaque flux de la jambe variable est de la forme
(LIBORi +marge) 1 j ≤i (K − αLIBOR j )+ ≤ X . Le modèle candidat à l’évaluation du TARN doit
¡P ¢

donc : (1) être multi-facteur pour générer des décorrélations réalistes entre fixings successifs
du LIBOR et (2) être calibré au smile des caplets pour évaluer correctement l’option digitale qui
intervient lorsque la somme des coupons perçus approche du montant cible X .

12. Straddle : combinaison de l’achat d’un call et d’un put de même strike sur un sous-jacent donné.

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Bibliographie

[1] B RIGO D. AND M ERCURIO, F. (2006) : Interest Rate Models - Theory and Practice, Springer
Verlag.
[2] H AGAN P., KUMAR D., L ESNIEWSKI A. AND W OODWARD D. (2002) : Managing Smile Risk,
Wilmott Magazine, novembre 2002.
[3] H ULL J. (1999), Options, futures and other derivatives, Prencice Hall.
[4] H ULL J. (2008), Options, futures et autres actifs dérivés. Version française, Pearson Educa-
tion, 6ème édition.
[5] L ESNIEWSKI A. (2007) : Interest Rate and Credit Models, excellent support d’un cours donné
à NYU, disponible en ligne à l’adresse http ://www.math.nyu.edu/ alberts/spring07/.
[6] P ITERBARG V. (2012), Cooking with collateral, Risk Magazine
http ://www.risk.net/digital_assets/5658/risk_0812_piterbarg.pdf .
[7] M ARTELLINI L. ET P RIAULET P. (2000), Produits de taux d’intérêt : méthodes dynamiques
d’évaluation et de couverture, Economica.
[8] M ARTELLINI L., P RIAULET P. ET P RIAULET S. (2003), Fixed-Income Securities : Valuation,
Risk Management and Portfolio Strategies, Wiley.
[9] M USIELA M. AND RUTKOWSKY M. (2005) : Martingale Methods in Financial Modelling,
Springer.
[10] R EBONATO R. (2005) : Interest Rate Option Models, Wiley.

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Partie 7

Annexes

Formule de reconstruction des zéro-coupons dans le modèle Hull &


White 1 facteur
On considère la variable d’état gaussienne :

d X t = φ(t ) − λX t d t + σ(t )dWt


£ ¤

avec Z t
X t = r t − f (0, t ) et φ(t ) = σ(s)2 e −2λ(t −s) d s
0
L’objectif est d’écrire les zéro-coupons comme des fonctions déterministes de la variable d’étatX t ,
c’est à dire :
∀(t , T ), B (t , T ) = B t ,T (X t )

où x 7→ B t ,T (x) est une fonction déterministe.

Déterminons tout d’abord l’expression du taux forward instantané f (t , T ) en fonction de X t .


Pour ce faire, il suffit de noter que f (t , T ) et e −λ(T −t ) r t ont le même terme stochastique, et de
calculer la différence f (t , T ) − e −λ(T −t ) r t pour obtenir le résultat. L’équation (6.3) conduit à :

e −λ(T −t ) r t = e −λ(T −t ) f (0, t )


σ(s)2 ³ −2λ(t −s)
Z t ´ Z t
−λ(T −t ) −λ(t −s)
−e e −e ds + σ(s)e −λ(T −s) dWs
0 λ 0

En utilisant (6.2) :

σ(s)2 ³ −2λ(T −s)


t
Z ´
f (t , T ) − e −λ(T −t ) r t = f (0, T ) − e − e −λ(T −s) d s
0 λ
σ(s)2 ³ −2λ(t −s)
Z t ´
+ e −λ(T −t ) e − e −λ(t −s) d s − e −λ(T −t ) f (0, t )
0 λ

En réarrangeant et introduisant X t = r t − f (0, t ) on obtient finalement :


t σ(s)2 ³ −λ(T +t −2s)
Z ´
f (t , T ) = f (0, T ) + e −λ(T −t ) X t + e − e −2λ(T −s) d s
0 λ

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85

Pour arriver à l’expression du zéro-coupon, il nous faut à présent calculer :


Z T Z T Z T
f (t , u)d u = f (0, u)d u + X t e −λ(u−t ) d u
t t t
T t σ(s)2 ³ −λ(u+t −2s)
Z Z ´
+ e − e −2λ(u−s) d s d u
t 0 λ

La première intégrale à droite de l’égalité ci-dessus est :


Z T Z T Z t
f (0, u)d u = f (0, u)d u − f (0, u)d u
t 0 0
= − ln B (0, T ) + ln B (0, t )

L’intégrale double se calcule directement :

T t σ(s)2 ³ −λ(u+t −2s)


Z Z ´
e − e −2λ(u−s) d s d u
t 0 λ
1³ ´2 Z t µ σ(s) ¶2
= − 1 − e −λ(T −t ) e −2λ(t −s) d s
2 0 λ
à !2
1 1 − e −λ(T −t )
=− φ(t )
2 λ

Définissons β(t , T ) par :

1 − e −λ(T −t ) T
Z
β(t , T ) = = e −λ(u−t ) d u
λ t

Alors :
µ Z ¶ T
B (t , T ) = exp − f (t , u) d u
t
B (0, T )
½ ¾
1
= exp − β(t , T )2 φ(t ) − β(t , T )X t
B (0, t ) 2

Ce qui prouve le résultat de la section 6.3.4

Différences finies dans le cadre Hull & White 1 facteur


Le but de cette section est de présenter le schéma de différences finies associé à l’EDP (6.9).
On utilise une grille temps/espace (t i ) × (x i ). Dans ce qui suit, si x = x i , x + doit être compris
comme x i +1 et x − comme x i −1 . De manière analogue, si t = t j , t + correspond à la date t j +1 .

Les opérateurs discrets dans la dimension espace sont :

∂v v(t , x + ) − v(t , x − )
(t , x) ↔ D 1 v(t , x) =
∂x x+ − x−

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v(t ,x + )−v(t ,x) −


∂2 v x + −x − v(t ,x)−v(t
x−x −
,x )
(t , x) ↔ D 2 v(t , x) =
∂x 2 x + +x −
2 − x+x
2
+
v(t , x ) − v(t , x) v(t , x) − v(t , x − )
½ ¾
=2 − +
(x − x )(x − x) (x − x − )(x − x − )
+ − +

Définissons l’opérateur A :

1
Av(t , x) = µ(t , x)D 1 v(t , x) + σ(t , x)2 D 2 v(t , x)
2
avec :
·Z t+ ¯ ¸
µ(t , x) = E[X t + − X t | X t = x] = E µ(s, X s )d s ¯ X t = x
¯
t
·Z t+ ¯ ¸
2 2
σ(t , x) = V [X t + − X t | X t = x] = E σ(s, X s ) d s ¯ X t = x
¯
t

De manière analogue, définissons r (t , x) comme :


·Z t+ ¯ ¸
r (t , x) = E r (s, X s )d s ¯ X t = x
¯
t

On a alors les correspondances suivantes entre les formes continues et discrètes :

∂v µ(t , x)
µ(t , x) (t , x) ↔ D 1 (t , x)
∂x t+ − t
1 ∂2 v 1 σ(t , x)2
σ(t , x)2 2 (t , x) ↔ D 2 v(t , x)
2 ∂x 2 t+ − t−
r (t , x)
r (t , x)v(t , x) ↔ + v(t , x)
t −t
de telle sorte que :

∂v 1 ∂2 v 1 £
µ(t , x) (t , x) + σ(t , x)2 2 (t , x) − r (t , x)v(t , x) ↔ +
¤
Av(t , x) − r (t , x)v(t , x)
∂x 2 ∂x t −t

La version discrète de l’EDP (6.9) est donné par le θ-schema :

v(t + , x) − v(t , x) θ £ ¤ 1−θ £


Av(t + , x) − r (t , x)v(t + , x) = 0
¤
+
+ + Av(t , x) − r (t , x)v(t , x) + +
t −t t −t t −t

ou de manière équivalente :

v(t + , x) − v(t , x) + θ[Av(t , x) − r (t , x)v(t , x)] + (1 − θ)[Av(t + , x) − r (t , x)v(t + , x)] = 0

En laissant dans le membre de gauche les termes en t et en déplaçant dans le membre de droite
ceux en t + , on obtient :

v(t , x) − θ[Av(t , x) − r (t , x)v(t , x)] = v(t + , x) + (1 − θ)[Av(t + , x) − r (t , x)v(t + , x)] (7.1)

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Si θ = 0, le schéma est dit explicite, i.e. les valeurs v(t , x) peuvent être directement calculées
à partir des valeurs v(t + , x). Si θ > 0, le schéma devient implicite, impliquant qu’un système
linéaire (tri-diagonal) doit être inversé pour calculer les v(t , x) à partir des v(t + , x). On préfère
néanmoins utiliser des schémas implicites pour des raisons de stabilité, car un schéma expli-
cite nécessite une discrétisation en temps très fine pour converger. Le cas θ = 1/2 (schéma de
Crank-Nicholson) est souvent utilisé en pratique.

Réécrivons l’équation (7.1). Pour A, nous avons :

Av(t , x) = αu v(t , x + ) + αc v(t , x) + αd v(t , x − )

où :

σ(t , x)2 + µ(t , x)(x + − x)


αu =
(x + − x − )(x + − x)
σ(t , x)2 − µ(t , x)(x − x − )
αd =
(x + − x − )(x − x − )
· ¸
2 1 1
αc = −σ(t , x) +
(x + − x − )(x + − x) (x + − x − )(x − x − )

L’EDP discrète (7.1) devient alors :

p ul v(t , x + ) + p cl v(t , x) + p dl v(t , x − ) = p ur v(t + , x + ) + p cr v(t + , x) + p dr v(t + , x − ) (7.2)

où on a défini :

p ur = (1 − θ)αu
p dr = (1 − θ)αd
p cr = (1 − θ)αc + 1 − (1 − θ)r (t , x)
(7.3)
p ul = −θαu
p dl = −θαd
p cl = −θαc + 1 + θr (t , x)

En pratique, l’EDP est résolue numériquement sur un domaine borné en espace (les bornes
dépendent généralement de la date t où on se trouve, cf. plus loin). Si x est la borne supérieure
de notre grille pour une date t donnée, on ne dispose pas de v(t , x + ) et la dérivée première sera
approchée par :
v(t , x) − v(t , x − )
D 1 v(t , x) =
x − x−
On utilise la condition aux limites de Neumann, qui suppose que la dérivée en espace de v reste
constante au niveau de la frontière. Cela implique :

v(t , x + ) − v(t , x) v(t , x) − v(t , x − )


=
x+ − x x − x−

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De telle sorte que :


D 2 v(t , x) = 0

L’opérateur A se réduit alors à :

Av(t , x) = αc v(t , x) + αd v(t , x − )

avec :
µ(t , x) µ(t , x)
αc = et αd = −
x − x− x − x−
L’EDP discrète s’écrit alors :

p lc v(t , x) + p ld v(t , x − ) = p rc v(t + , x) + p rd v(t + , x − ) (7.4)

où les p sont définis comme les p , en remplaçant α par α (cf. équations (7.3)).

De manière analogue, si x est la borne basse de notre domaine à l’étape t :

Av(t , x) = αu v(t , x + ) + αc v(t , x)

avec :
µ(t , x) µ(t , x)
αu = et αc = −
x+ − x x+ − x
et l’EDP devient :
p l v(t , x + ) + p l v(t , x) = p r v(t + , x + ) + p r v(t + , x) (7.5)
u c u c

Les différences finies en pratique. On considère les discrétisations en temps 0 = t 0 < t 1 < . . . <
t n et en espace x 0 < x 1 < . . . < x m . On procède en remontant le temps, partant de la condition
terminale v(t n , x), et déduisant itérativement les valeurs v(t j , x) des valeurs v(t j +1 , x) depuis
j = n − 1 jusque j = 0. A chaque date t j , les valeurs v(t j , x) peuvent être modifiées suivant le
payoff du produit évalué (par exemple, pour un produit bermudéen, les valeurs v(t j , x) seront
modifiées si t j est une date d’exercice). Supposons connaître les valeurs v(t j +1 , x) pour tous
les états x. On cherche maintenant à déterminer les valeurs v(t j , x). A la date t j , la frontière
basse (resp. haute) en espace est x i d (resp. x i u ). En utilisant les équations (7.2), (7.4) et (7.5), le
passage de t j +1 à t j s’écrit :

Si i d < i < i u :

p ul v(t j , x i +1 ) + p cl v(t j , x i ) + p dl v(t j , x i −1 ) = p ur v(t j +1 , x i +1 ) + p cr v(t j +1 , x i ) + p dr v(t j +1 , x i −1 )

Si i = i u :
p lc v(t j , x i ) + p ld v(t j , x i −1 ) = p rc v(t j +1 , x i ) + p rd v(t j +1 , x i −1 )

Si i = i d :
p l v(t j , x i +1 ) + p l v(t j , x i ) = p r v(t j +1 , x i +1 ) + p r v(t j +1 , x i )
u c u c

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Les membres de droite des équations ci-dessus sont connus ; il reste à inverser ce système tri-
diagonal pour obtenir les valeurs v(t j , x).

Cas du Modèle Hull & White. Dans le cas du modèle Hull & White 1 facteur, on a identifié une
variable d’état X t = r t − f (0, t ), dont la dynamique sous Q risque-neutre est donnée par :

d X t = (φ(t ) − λX t )d t + σ(t )dWt

En reprenant les précédentes notations, le modèle Hull & White correspond donc au cas parti-
culier :
µ(t , x) = φ(t ) − λx et σ(t , x) = σ(t )

Comme précédemment, on considère les discrétisations en temps / espace t 0 < t 1 < . . . < t n et
x 0 < x 1 < . . . < x m . Les bornes de la grille en espace sont déterminées via la variance φ(t n ) de
X tn : x 0 = −nstdev × φ(t n ) et x m = +nstdev × φ(t n ), où nstdev est typiquement de l’ordre
p p

de 5 ou 6. En remontant le temps dans le schéma, les bornes sont modifiées en fonction de la


variance, i.e. à chaque pas t j , les indices i d et i u mentionnés dans le précédent paragraphe sont
choisis tels que x i d ≈ −nstdev × φ(t j ) et x i u ≈ +nstdev × φ(t j ).
p p

On supposera que les dates de discontinuité de σ(t ) sont incluses dans la discrétisation t 0 <
t 1 < . . . < t n . Les fonctions σ, µ et r intervenant dans les coefficients des différences finies sont
prises égales à :

φ(t j ) + φ(t j +1 )
µ ¶
σ(t j , x i )2 = σ2j (t j +1 − t j ) et µ(t j , x i ) = − λx i (t j +1 − t j )
2

Compte tenu r t = r (t , X t ) = X t + f (0, t ) :


Z t j +1
r (t j , x i ) = x i (t j +1 − t j ) + f (0, t )d t
tj
B (0, t j )
µ ¶
= x i (t j +1 − t j ) + ln
B (0, t j +1 )

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