Croissance Et Développement Durable NP
Croissance Et Développement Durable NP
Piluso
Au XVIIIè siècle, dans un contexte marqué par l'essor du machinisme et de l'industrie, les
économistes n'établissent pas de distinction entre les termes de croissance et de
développement. Ils s'attachent à établir des lois naturelles et universelles qui régissent le
processus d'accroissement des richesses produites et la répartition du produit global.
Nombreux sont ceux qui doutent néanmoins de la capacité des économies à faire croître
durablement les richesses. T.R Malthus (1798) émet l'idée que la population croît selon une
progression géométrique alors que la production, bornée par la fertilité des sols, croît selon
une progression arithmétique. Selon l'auteur, des mesures de régulation démographique
s'imposent pour empêcher un blocage de la croissance. Dans une autre perspective, le modèle
construit par Ricardo (1815) prédit sur la longue période l'atteinte d'un état stationnaire en
raison de la fertilité décroissante des terres mises en culture. Celle-ci engendre un
accroissement de la rente qui induit une baisse du taux de profit. Or, le profit est tout à la fois
source et mobile de l'accumulation. Le néoclassique Stanley Jevons (1865) met en avant
quant à lui le caractère épuisable des ressources en charbon qui, associé à une population en
croissance, va empêcher le processus de croissance de se poursuivre. Cependant, même que
les physiocrates faisaient de la nature la source même de la création de richesses, les
économistes classiques puis néoclassiques vont l'exclure de l'analyse; ils ne s'attachent qu'aux
biens reproductibles et à ce titre, les ressources libres et disponibles gratuitement ne font pas
l'objet de leurs recherches.
Dans la seconde moitié du XXè siècle, l'essor rapide des pays occidentaux engendre une
réflexion sur la capacité de l'ensemble des pays du monde à atteindre le niveau de vie des
pays industrialisés, et débouche sur la formation d'une économie du développement. Le
concept de développement, distinct de celui de croissance, se dessine et l'on doit sa célèbre
définition à François Perroux en 1961; alors que la croissance désigne l'augmentation
soutenue, pendant une ou plusieurs périodes longues d'un indicateur de dimension, le
développement est la combinaison des changements mentaux et sociaux aptes à faire croître,
cumulativement et durablement, le produit réel global. L'objectif des programmes d'aide au
développement visent alors le rattrapage des pays du "Sud", avec la mise en place
d'infrastructures à même de développer le capital technique, la productivité et le revenu
distribué. Il s'agit de poser les bases d'une croissance économique soutenue. Le
développement est conçu comme un processus linéaire qu'il s'agit de parcourir pour atteindre
le niveau de richesses des pays occidentaux. Telle est la conception qui se dégage de l'analyse
de Walt Whitman Rostow (1960), indépendamment de toute considération sur les questions
environnementales. Le développement serait caractérisé par la succession de 4 étapes (la
société traditionnelle, le décollage, la maturité et la consommation de masse) plus ou moins
longues selon les politiques publiques mises en œuvre.
A cette époque, la pollution est conçue comme la contrepartie acceptable du développement
économique. Les régulations environnementales sont totalement absentes, en conséquence de
quoi les entreprises n'internalisent pas les externalités liées cette pollution.
Le premier coup d'arrêt à cette apologie de la croissance est donné par le rapport Meadows en
1972. Une équipe de chercheurs du MIT modélise les relations entre la population mondiale,
la production agroalimentaire, la production industrielle, le niveau de pollution et l'utilisation
des ressources non renouvelables. Ils mettent en évidence un lien de causalité robuste entre la
croissance, les émissions polluantes et l'épuisement des ressources naturelles, si bien que le
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Club de Rome préconise une croissance zéro. A la même époque, en 1971, l'économiste
Nicolas Georgescu Roegen soutient le point de vue selon lequel le principe de la
thermodynamique s'applique à l'économie. Ce principe établit que dans un système isolé qui
ne reçoit pas d'énergie ou de matière en provenance de l'extérieur, l'énergie se dégrade en
chaleur de façon irrécupérable. Les ressources naturelles s'épuisant inévitablement, la
croissance matérielle illimitée est impossible. La seule voie possible pour l'économie est donc
la décroissance. En tout état de cause, le débat sur les liens entre croissance, développement et
environnement est alors ouvert.
Ainsi, une première conférence des Nations Unies sur l'environnement humain se tient à
Stockholm en 1972. Les participants signent une déclaration faisant état d'"une conception
commune et des principes communs " qui doivent inspirer et guider les efforts des peuples du
monde en vue de préserver et d'améliorer l'environnement.
Dans un contexte de fortes tensions sur le prix des matières premières et de catastrophes
écologiques marquant les esprits (tchernobyl), les Nations Unies créent la Commission.
Mondiale pour l'environnement et le développement (CMED) chargées d'étudier les relations
entre développement économique et environnement. La commission publie en 1987 le rapport
intitulé "Notre avenir à tous", encore appelé "rapport Brundtland". Ce dernier souligne que
l'utilisation intensive des ressources naturelles et l’accroissement des émissions polluantes
mettent en péril le mode de développement même des pays occidentaux. Le développement
doit être durable, c'est-à-dire permettre la satisfaction des besoins des générations présentes
sans compromettre la capacité des générations futures à répondre aux leurs. Pour la première
fois, le développement est conçu comme l'articulation de préoccupations sociales, à travers la
satisfaction des besoins présents, mais aussi de préoccupations environnementales, à travers la
préservation du bien-être des générations futures. Elle concilie ainsi une exigence de
croissance et de développement (notamment pour les pays du Sud) et une exigence de
préservation de l'impact environnemental des activités économiques (notamment pour les
pays du Nord). Le rapport, bien que très novateur, n'est pas aussi radical que les
préconisations du Club de Rome puisque la croissance est vue comme un instrument
permettant de mettre en œuvre un tel développement durable. L'hypothèse implicite du
rapport Brundtland est qu'il sera toujours possible de substituer aux ressources épuisables des
ressources produites industriellement grâce au progrès technique.
Le rapport Brundtland sera au centre des discussions de la conférence mondiale de Rio en
1992; tous les pays du monde présents à ce "Sommet de le Terre" reconnaissent le principe de
développement durable en signant une déclaration commune, juridiquement non
contraignante. Ils établissent programme d’actions à mener pour améliorer la gestion de
l'environnement et des ressources naturelles (programme d'action pour le XXIe siècle, appelé
Agenda 21 en anglais, qui énumère 2 500 recommandations). Elle débouche également sur la
mise en place de conventions sur la biodiversité, la lutte contre la désertification et le
changement climatique.
C'est en 1997 que sont réunis les pays du monde pour appliquer la convention sur le
changement climatique établie cinq ans plus tôt. 38 pays signent le protocole poursuivant un
objectif de réduction des émissions de Co2 par l'application de trois mécanismes: un marché
de permis d'émissions sur lesquels les différents acteurs peuvent échanger librement leurs
droits à polluer; un mécanisme de "mise en œuvre conjointe" par lequel sont financés des
projets de réduction d'émission en sein des pays industrialisés; pour finir, un "mécanisme de
développement propre" permettant aux pays du Nord de financer des projets de réduction des
pollutions dans les pays du sud. Cependant, la mise en œuvre concrète de ces engagements a
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tardé puisqu'il a fallu attendre, pour ce qui concerne l'Europe, l'année 2005. Entre temps, le
sommet de Johannesbourg s'est tenu en 2002. Il avait pour but d’établir un plan d’action
mondial sur de nombreux thèmes tels que la pauvreté, les droits de l’homme, la gestion des
ressources naturelles, la consommation d’énergie… Cependant, les divergences entre grandes
puissances n'ont pas permis la signature d'un tel plan. Les dossiers des droits de l'homme dans
les pays du Sud, de la réduction de la pauvreté ou bien encore le protocole de biosécurité ont
empêché les différents participants de trouver un terrain d'entente. Enfin, le sommet Rio+20
tenu en 2012 avait quant à lui entre autres objectifs de susciter un engagement politique
renouvelé en faveur du développement durable. Elle a lancé un processus d’élaboration
d’objectifs de développement durable, « en nombre limité, concis et tournés vers l’action », à
même de remplacer les objectifs du millénaire (Agenda 21).
Dans le champ théorique, la résurgence du problème d'exploitation de ressources naturelles
non renouvelables date des années 30 avec les travaux d’Harold Hotelling. Il entraîne dans
son sillage toute une discussion sur les moyens d'obtenir un "invariant" sur la longue période,
en référence à l'idée de soutenabilité ou de durabilité. Se constitue ainsi progressivement
l'école néoclassique dite de la durabilité faible. Elle montre notamment que la croissance peut
parfaitement être durable à compter du moment où les différents types de capitaux sont
substituables; une telle substituabilité, on le devine, pourrait être obtenue grâce au progrès
technique. A cette approche s'oppose celle de la durabilité forte, qui affirme la nécessité de
définir et de préserver un certain niveau de stock de ressources disponibles. Encore plus
radical, le courant de la décroissance nie toute possibilité de développement durable et
considère que seule la décroissance peut assurer la préservation des ressources naturelles et de
l'environnement.
1
The Economics of Exhaustible Resources, 1931, Journal of Political Economy
2
"Intergenerational Equity and the Investment of Rents from Exhaustible Resources" American Economic
Review, 67, December, pp. 972-74.
3
A Unified Perspective on Resource Allocation : Limited Arbitrage is Necessary and Sufficient for the
Existence of a Competitive Equilibrium, the Core and Social Choice, Papers 96-20, Columbia - Graduate School
of Business."
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D'une part, l'exploitant a intérêt d'extraire la ressource épuisable jusqu'à ce que la valeur
d'extraction (P-c) égalise sa valeur en terre (T), soit: P-c=T. Le prix de la ressource net du
coût d'extraction doit être égal au coût d'opportunité de l'épuisement représenté par T. On en
déduit que le prix de marché d'une ressource épuisable est supérieure à son coût d'extraction:
P=c+T. En effet, extraire la ressource conduit à diminuer le stock disponible, ce qui entraîne
une diminution des profits futurs potentiels. C'est pourquoi il existe une rente T payée par le
consommateur qui s'accroît au fur à mesure que la rareté augmente.
D'autre part, l'exploitant arbitre entre extraire et vendre aujourd'hui (P-c=T) , et extraire et
vendre demain (P(t+1)-c(t+1)=T(t+1). L'équilibre de l'exploitant est atteint lorsque le bénéfice
marginal actualisé de la ressource est égal à toutes les périodes, soit: T=T(t+1)(1+r), soit:
r=T(t+1)-T/T
A l'équilibre, le taux de croissance du bénéfice marginal doit être égal au taux d'intérêt. La
ressource naturelle est considérée comme un capital parmi d'autre; son taux de rendement doit
être identique à celui des autres capitaux.
Cette situation est un équilibre. En cas d'augmentation du taux d'intérêt, l'exploitant privilégie
la revente immédiate, ce qui fait augmenter p(t+1) et redresse le taux de croissance du prix de
la ressource. Au contraire, si le taux d'intérêt diminue, l'exploitant arbitre en faveur de la
revente future, ce qui fait diminuer le taux de croissance de la ressource. Dans tous les cas,
l'extraction continue de la ressource aboutit, en tendance, à son épuisement. Le
développement n'est donc pas durable si les agents économiques n'intègrent pas dans leurs
préférences la conservation de la ressource épuisable en tant que telle.
Si on suppose que le coût d'extraction est nul, alors on peut dire que le prix de marché de la
ressource est égal au coût d'opportunité de l'épuisement et qu'il augmente à un rythme fixé par
le taux d'intérêt.
Lorsque la firme détient un monopole sur le marché, l'arbitrage est du même type, mais alors
l'entreprise fixe à la fois le taux d'extraction et le prix de marché de la ressource. La recette
marginale tirée de la vente de la ressource n'est plus égale au prix mais dépend également de
l'élasticité de la demande par rapport au prix.
Si l'élasticité de la demande par rapport au prix augmente au cours de la période
d’exploitation, le monopole choisira d'extraire plus lentement la ressource de sorte que son
prix augmente moins vite, pour éviter une diminution trop importante de la demande. Ainsi, la
situation de monopole est préférable à la concurrence parfaite du point de vue du rythme
d'extraction de la ressource.
Revenons au cadre de concurrence parfaite. Le modèle d'Hotelling peut être reformulé, du
point de vue du consommateur, de la façon suivante4:
4
La présentation de ces modélisations est empruntée au cours de G. Rotillon (Université Paris Ouest La
Défense).
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5
On Growth, Resource Amenities and the Preservation of Natural Environments,” Review of Economic Studies
52, pp. 153-170
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Si la condition d'Inada est respectée, le résultat n'est pas différent du modèle précédent.
Autrement dit, si le consommateur accorde une importance de premier ordre à la
consommation de la ressource, cette dernière finit par s'épuiser. Dans le modèle, le
développement durable, conçu comme la conservation d'une ressource naturelle sur la longue
période, n'est concevable que si on modifie les hypothèses sur les préférences du
consommateur. Il faut en particulier que u'(0)<+∞.
Si donc le consommateur n'est plus "obsédé" par la consommation et que la fonction d'utilité
est séparable (U=u(c(t)) +u(S(t)), alors on aboutit à une condition d'optimalité selon laquelle
la perte d'utilité liée au renoncement à la consommation est compensée par le gain lié à la
conservation du stock de ressources. A l'état stationnaire, la consommation de la ressource
doit être nulle. Le résultat selon lequel l'utilité sociale des consommateurs n'émane que de la
contemplation de la nature peut sembler surprenant. Mais, comme le précise avec justesse G.
Rotillon (2011), " de même que le concept de chien n’aboie pas, comme nous l’a appris
Spinoza, le concept de consommation ne nourrit pas. Ce que nous dit très concrètement ce
modèle, c’est que ce nous appelions « consommation » dans le modèle précédent n’est plus
essentiel pour procurer de l’utilité sociale. Dit autrement, un développement durable basé sur
des ressources épuisables n’est possible que si notre mode de consommation change. On
retrouve ici précisément un des thèmes de société qui est au cœur des interrogations sur la
possibilité d’un développement durable, et dont tout le monde sait plus ou moins confusément
qu’il n’est pas possible en espérant généraliser à la planète le mode de vie des américains".
En somme,
-il est possible de conserver sur le long terme un stock de ressources naturelles à compter du
moment où les préférences sociales sur la consommation sont doublement modifiées: il faut
retirer de l'existence de la ressource une certaine utilité; l'utilité marginale procurée par une
unité de bien doit être finie; autrement dit, le consommateur ne doit être pas "addict" à la
consommation;
-il est impossible de maintenir constant dans le temps le niveau de consommation des
individus à compter du moment où les consommateurs ont une préférence pour le présent; le
critère utilitariste actualisé conduit à privilégier la consommation des générations présentes,
au détriment de celles des générations futures.
Cette règle stipule que la consommation peut être constante dans le temps, tout au long d'une
trajectoire d'équilibre, si et seulement si la valeur de l'investissement net à chaque période est
nulle. La condition d'obtention d'un tel résultat est l'hypothèse de substituabilité des capitaux.
Supposons l'existence d'un capital technique reproductible et d'un capital naturel.
L'exploitation du capital naturel à des fins productives contribue à l'épuisement de la
ressource et pousse son prix à la hausse. La diminution du capital naturel doit être compensée
par l'augmentation des quantités de capital technique disponibles. Le capital technique doit
augmenter du même montant que la rente tirée de l'exploitation de la ressource épuisable.
D'après ce modèle, le développement durable est possible si les différents types de capitaux
sont substituables et que les investissements adéquats sont mise en place. Par ailleurs, le
progrès technique est absent du modèle. Or, celui-ci permet d'augmenter la productivité des
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facteurs de production et laisse donc entrevoir la possibilité d'une augmentation dans le temps
de la consommation. Reste à déterminer la nature et le timing des investissements à réaliser
pour qu'une telle durabilité du développement soit garantie.
Cet optimisme en matière de développement durable est partagé par Gene Grossman et Alan
Krueger (1993)6. Ces économistes montrent que la pollution par le dioxyde de souffre
augmente avec la croissance du PIB par tête jusqu'à un certain point, pour diminuer ensuite.
La courbe de pollution prend la forme d'un U inversé, si bien que le département
Environnement de la Banque mondiale a rebaptisé ce résultat "courbe environnementale de
Kuznets". Il est possible de mettre en exergue trois facteurs permettant la réduction à long
terme de la pollution:
-au fur et à mesure que PIB par habitant augmente, l'économie peut consacrer des ressources
toujours plus importantes à la Recherche Développement; le progrès technique, portant à la
fois sur les processus de dépollution et l'amélioration de l'efficacité énergétique des activités
économiques, permet de diminuer l'impact environnemental de la croissance.
-par ailleurs, la croissance économique s'accompagne de mutations sectorielles; le secteur de
l'industrie (le plus polluant) décline au détriment du secteur des services dont l'impact
environnemental est moindre.
-enfin, l'environnement peut être considéré comme un bien supérieur dont la demande
augmente plus vite que le revenu. Au-delà d'un certain niveau de richesses, les besoins de
base des consommateurs sont satisfaits et les exigences des individus en matière de
préservation de l'environnement augmentent. Ces derniers se tournent alors vers la
consommation de produits à faible impact environnemental et font pression sur les firmes et
les gouvernements pour mettre en place une gestion des activités économiques assurant un
développement durable.
Le critère "maxmin" quant à lui n'est guère plus satisfaisant. Tiré de la définition de l'équité
de J. Rawls, ce critère consiste à maximiser l'utilité de la génération la moins favorisée. Mais
il aboutit à une croissance nulle. Imaginons par exemple que la génération présente soit
6
Grossman, G.M. and Krueger, A.B.. (1993). Environmental Impacts of a North American Free Trade
Agreement. In "The Mexico-U.S. free trade agreement", P. Garber, ed. Cambridge, Mass.: MIT Press.
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défavorisée. Il sera toujours possible d'augmenter l'utilité de cette génération en diminuant son
taux d'épargne. La maximisation de l'utilité implique de diminuer l'épargne des ménages
jusqu'au point où il n'est plus possible de le faire, c'est-à-dire jusqu'au point où la croissance
économique est nulle.
C'est en partant de ce constat que G. Chichilinsky propose un modèle alternatif dans lequel le
critère à maximiser ne constitue ni une dictature du présent, ni une dictature du futur, mais
une moyenne pondérée des deux.
La maximisation d'un tel programme a pour résultat la conservation d'un stock de ressources
supérieur à celui obtenu avec le critère utilitariste actualisé, et inférieur avec la critère de la
croissance verte privilégiant les générations futures. La consommation décroît puis devient
nulle une fois ce stock atteint.
Le problème posé par ce critère est celui de la détermination de la pondération exacte des
deux critères: quel poids accorder à la dictature du présent et à la dictature du futur? Il existe
pour cette approche autant de solutions que de pondérations possibles.
L'approche de la durabilité forte est attachée au nom d'H. DalY et K.N Townsend. Ce courant
de pensée se distingue de deux manières de la théorie néoclassique:
-l'hypothèse de substituabilité parfaite des différents capitaux est relâchée, au profit de
l'hypothèse de complémentarité;
-la méthodologie est différente: le degré d'abstraction est moindre puisque les tenants de la
durabilité forte cherchent à identifier concrètement les capitaux qui ne doivent pas décroître.
Au total, la croissance économique ne doit pas induire une diminution du stock de capital
naturel. Il revient au système économique de s'adapter et de contraindre les activités
économiques de manière à respecter les limites de notre environnement. Reste alors à évaluer
7
Invariance in Growth Theory and Sustainable Development », Journal of Economic Dynamics and Control,
vol. 31, n°8, pp. 2827-2846, 2007
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ou quantifier le stock de capital naturel pour définir des seuils de capitaux naturels en dessous
desquels il convient de ne pas descendre. Certains tenants de la durabilité forte proposent une
mesure physique, d'autres une mesure monétaire. Les approches sont ainsi plurielles.
Dans le cadre d'une conception de la durabilité faible, il est aisé de définir des indicateurs de
durabilité puisque les actifs sont considérés comme substituables. L'analyse coût bénéfice
appliquée permet de hiérarchiser différentes alternatives possibles de développement. A
l'inverse, il est très difficile de construire une liste exhaustive d'indicateurs de développement
soutenable dans une optique durabilité forte puisque les capitaux sont considérés comme
complémentaires. Il est donc nécessaire d'avoir autant d'indicateurs que de capitaux naturels.
G. Rotillon (2010) souligne à cet égard que des problèmes surgissent:
-à quelle échelle on doit mesurer les capitaux critiques?
-comment sélectionner de façon pertinente les capitaux naturels à considérer?
-comment et qui décide des seuils critiques de capitaux à respecter?
Dans la mesure où on considère que les limites d'épuisement des ressources sont déjà atteintes
et que les écosystèmes sont dores et déjà mis en danger, la durabilité forte aboutit à l'idée que
plus rien ne doit croître, y compris le PIB, pour éviter de dégrader encore un peu plus
l'environnement. En poussant à l'extrême de ce point de vue, les tenants de l'écologie
profonde Dans un article des années 70, Arne Naese8 considère que le capital naturel doit être
impérativement conservé non pas pour des raisons d'impossibilité technique de substitution,
mais pour des raisons éthiques. Une valeur égale est accordée aux formes de vie humaines et
non humaines, et l'homme n'a pas le droit de réduire les formes de vie non humaines, sauf
pour satisfaire des besoins vitaux. L'épanouissement de la vie humaine doit s'apprécier en
termes de qualité de vie et non de niveau de vie; une telle qualité de vie ne peut être améliorée
que si la population humaine diminue. Ainsi, le courant de l'écologie profonde se distingue de
ce que Naese appelle l'écologie superficielle qui n'aurait d'autre objectif que l'augmentation du
niveau de vie de la population des pays riches.
Una approche beaucoup plus nuancée de la durabilité forte a été proposée par M. A Toman
(1992)9. Elle consiste à distinguer parmi les capitaux naturels ceux dont la dégradation est
irréversible et ceux dont la détérioration est réversible et source de dommages moins
importants. Dans le premier cas, l'hypothèse de complémentarité des capitaux doit être
maintenue, alors que l'hypothèse de substituabilité reprend ses droits dans le second cas. Tous
les capitaux substituables peuvent faire l'objet d'une règle de gestion donnée par les travaux
néoclassiques sur la croissance; les autres doivent impliquer la définition de seuils critiques de
conservation. En somme, la constance du capital naturel totale ainsi que l'arrêt de la
croissance ne sont plus requis dans le cadre de cette conception.
8
The shallow and the deep, long-range ecology movement. A Summary" (1973).
9
Toman M.A., 1992, The Difficulty in Defining Sustainability. Resources, 106, 3-6.
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-la distinction entre développement et croissance n’a aucun sens car historiquement, l’un n’a
jamais été constaté sans l’autre et provoquent les mêmes dommages écologiques,
économiques et sociaux.
Tout d'abord, les partisans de la décroissance rejettent, comme les auteurs de la durabilité
forte, l'hypothèse de substituabilité des capitaux. Par ailleurs, la mutation sectorielle, c'est-à-
dire le passage d'une économie industrielle à une économie tertiaire n'est pas à même de
garantir la sauvegarde de l'environnement, et cela pour plusieurs raisons:
-une partie non négligeable de cette tertiarisation est liée à l’externalisation d’un certain
nombre d’activités autrefois comptabilisées dans le secondaire,
-la tertiarisation ne signifie pas désindustrialisation, autrement dit, la réduction de la part de
l’industrie dans le PIB ne signifie pas une réduction en valeur absolue de son activité ;
-il n’est pas sûr que les activités tertiaires soient toujours moins polluantes.
10
Enjeux et limites du développement soutenable, 2007, in La pensée alternative en économie, Fondation
Gabriel Peri.
Cours de N. Piluso
-les dégâts passés occasionnés par la croissance impliqueront des réparations; de même, la
modification de l'habitat, de l'urbanisme, des modes de transport et autres impliqueront
nécessairement un processus de croissance économique.
-un quart du PIB est socialisé sous forme de services non marchands, tandis qu'un autre quart
est redistribué par le biais des revenus de transfert; la décroissance n'aboutirait-elle pas à un
recul de la solidarité au sein de la collectivité?
L'ouvrage de Tim Jackson (Prospérité sans croissance: la transition vers une économie
durable) s'inscrit dans une conception "faible" de la décroissance. Le point de départ de sa
thèse est que le découplage entre la croissance et la consommation de ressources naturelles est
impossible. Même si le progrès technologique est à même de faire diminuer l'intensité de la
consommation en énergie, cette baisse n'est que relative et reste compensée par un effet
rebond de la croissance: la croissance de la production a tendance à être plus rapide que la
diminution de la consommation énergétique par unité produite. Il s'en suit que l'abandon de
l'objectif de croissance apparaît comme une nécessité. Selon Tim Jackson néanmoins,
abandonner la croissance n'implique pas d'abandonner le capitalisme. Selon lui, il existe
différentes variétés de capitalisme qui n'ont pas la même capacité à générer de la croissance.
J. M. Harribey conteste vigoureusement cette idée: " Deuxièmement, hormis les périodes de
récession à cause d’une chute de la rentabilité du capital et d’une surproduction, quels
exemples d’économie capitaliste qui ne croisse pas peut-on observer ? Aucun. Le capitalisme
est indissolublement lié à une dynamique d’accumulation du capital. C’est sa raison d’être, sa
finalité et son moyen de se perpétuer11".
On peut donc parler d'une version "faible" de la théorie de la décroissance puisque Jackson se
prononce en faveur de la décroissance d'un grand nombre d'activités polluantes, mais aussi
pour la croissance d'autres types activités.
A. Beitone12 synthétise quant à lui les autres critiques qu’il est possible de formuler à
l’encontre de cette conception. Il souligne dans de nombreuses régions du monde, il semble
indispensable d’accroître la production pour augmenter le niveau de vie. D’autre part en
raison du fait que si une redistribution est toujours possible, on sait qu’elle est d’autant plus
facilement acceptée par les populations avantagées qu’elle s’opère dans un contexte de
croissance. En dépit des critiques adressées au développement et à la croissance, on constate
qu’ils ont entraîné des effets bénéfiques incontestables. On observe dans de nombreux pays
pauvres, une augmentation de l’espérance de vie à la naissance et il existe, au niveau mondial,
une corrélation positive entre niveau de vie et espérance de vie. Même si la croissance peut
produire, à l'évidence, un certain nombre de pathologies, le bilan global reste
indiscutablement positif. A l’inverse, on peut souligner que les pays qui se sont enfoncés
11
"Prospérité sans croissance et croissance sans prospérité", janvier 2011, document de travail.
12
Préparation au CAPES de Sciences Economiques et Sociales, CNED, 2008.
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-on trouve ensuite les légalistes sont les entreprises respectant parfaitement la règlementation
en vigueur, mais qui considèrent que cette dernière est suffisamment contraignante pour ne
pas aller au-delà. On trouve parmi elles les entreprises exerçant une activité exposée aux
risques environnementaux et qui sont soumis à une pression de l’opinion publique
particulièrement forte (énergie, chimie, transport, traitement des déchets etc).
-enfin, les volontaristes sont les entreprises qui ont pris conscience de leur responsabilité
sociale et environnementale. Elles font le pari d’un développement de leur activité axé sur une
forte communication auprès de la clientèle.
Deux grands facteurs explicatifs peuvent être évoqués pour expliquer ce degré d’implication :
d’une part, l’horizon temporel des stratégies construites au niveau de l’entreprise et la
pression plus ou moins forte de la rentabilité à court terme ; d’autre part, l’exposition plus ou
moins forte à la pression des pouvoirs publics, des consommateurs et des organisations de
protection de l’environnement.
Or, les principes de la valeur actionnariale et la financiarisation de l’économie s’opposent à la
logique du développement durable à au moins 4 niveaux.
1-toute mesure incitative ou règlementaire consistant à appliquer le principe du pollueur
payeur constitue, comme toutes les autres sources de coûts, une double peine pour l’entreprise
en quête de valeur actionnariale. Comme nous évoqué précédemment, la valeur actionnariale
est la différence entre deux grandeurs, le profit et le coût de l’apport en fond propre. Pourquoi
beaucoup d’économistes ont dénoncé le fait que les managers ont tenté de reporté le risque sur
les salariés ou flexibilisant les contrats de travail et les rémunérations ? Pourquoi a-t-on pu
dire que la valeur actionnariale a contribué à affaiblir les créations d’emplois ou encore
l’investissement productif ? La raison précise, qui n’a jamais été clairement mis en évidence
dans la littérature, est que tout supplément de coût de production constitue diminue deux fois
la valeur actionnariale ; une fois par le biais des profits dégagés, une seconde fois par
l’augmentation de la prime de risque. Cette dernière dépend directement en effet de la
contribution de la firme au risque du marché. Les coûts fixes contribuent à alourdir cette
contribution. Le transfert de risque des actionnaires vers les salariés, c’est précisément
l’allègement de la contribution de la firme au risque du marché et la diminution de la prime de
risque. Du point de vue environnemental, la firme en recherche de création de valeur tout
intérêt à faire supporter aux autres les conséquences négatives des externalités qu’elle génère.
L’introduction de taxes ou de quotas risque dans ce contexte d’être une nouvelle fois reporté à
la charge des salariés sous la forme d’austérité salariale, de plans de rationalisation de la main
d’œuvre, etc, à défaut d’inciter les firmes à être moins polluantes.
2-le second niveau d’opposition complète le premier. Confronter les principes de la finance à
ceux du développement durable amène à un choc de temporalités. Le développement durable
implique du temps, de la recherche, des investissements, une évolution lente des
comportements. Or le temps de la finance est celui du court terme voire de l’immédiateté. Sa
capacité de prélèvement de richesses sur la sphère réelle lui vient précisément de son extrême
mobilité et de la rapidité avec laquelle elle peut convertir des titres en monnaie et
réciproquement.
Gabriel Colletis montre dans son ouvrage collectif (« Les nouveaux horizons du
capitalisme », 2008) que les quatre grandes ressources de l’économie (le capital financier, le
capital productif, le travail qualifié et le travail non qualifié) sont rémunérées au prorata de
leur degré de mobilité différentielle. Le capital financier serait le premier « servi » dans la
mesure où son degré de mobilité est quasi-absolu. A l’inverse, le travail bénéficie d’une
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rémunération résiduelle dans la mesure où il est le facteur le moins mobile. Quel est le
facteur qui permettrait d’expliquer qu’un actif, de quelque nature soit-il, puisse posséder un
degré de mobilité plus ou moins grand ? Il s’agit de la liquidité, non pas la liquidité objet,
mais la liquidité attribut, définie comme la capacité d’un actif à être converti en monnaie sans
délais ni risque de perte en capital. Plus un actif est liquide, plus il a la capacité de se déplacer
d’un marché à un autre, d’un territoire à un autre. L’ensemble des bouleversements structurels
constitutifs de la globalisation financière a eu pour fin d’accroître la liquidité financière, en
augmentant la négociabilité des titres d’un point de vue quantitatif d’une part : le processus
d’ouverture des marchés, création de nouveaux marchés, de standardisation des produits et de
l’information, contribuent à élargir la sphère de circulation des titres. D’autre part, c’est aussi
la négociabilité au sens qualitatif du terme, c’est-à-dire sa représentativité (possibilité de
réaliser des transactions au prix affiché), qui s’en trouve déployée : accroissement de la
concurrence entre intermédiaires par la déspécialisation bancaire, suppression du monopole
des agents de change dont les courtages étaient fixés par arrêté ministériel, libéralisation des
commissions, instauration de la Cotation Assistée en Continue… L’intégration financière
internationale consiste donc à élargir la sphère de circulation du capital financier, donc sa
négociabilité, accroître le degré de liquidité et donc asseoir la domination de l’activité de
spéculation sur l’activité d’entreprise, ou dit autrement, celle du capital financier sur le capital
industriel. Au niveau du capital productif, la liquidité dépend du degré de spécificité des
actifs, des différents coûts de transaction, des barrières à l’entrée…La libéralisation des
échanges, les progrès en matière de transport et de télécommunication ont favorisé la liquidité
et donc la mobilité de ce capital. La liquidité engendre la mobilité qui elle-même confère aux
actifs un pouvoir de sanction sur le marché dans lequel elle se déploie. Le marché financier
exerce une pression sur les entreprises grâce à son extrême mobilité. Les entreprises exercent
elles-mêmes une pression sur les pouvoirs publics grâce à leur possibilité de se délocaliser. La
pression émanant des marchés financiers incite même les entreprises à accroître leur mobilité
pour les satisfaire. Mais ces dernières sont soumises à un autre type de sanction, d’une autre
nature : la sanction a posteriori du marché, ou de la demande qui leur est adressée. Le capital
productif est donc aujourd’hui assujetti non seulement à la sanction a posteriori du marché,
mais aussi à la sanction a priori du marché financier, née de l’accroissement de la liquidité-
mobilité. La logique imprimée par la finance s’étend donc à l’ensemble de l’économie et nuit
au changement des mentalités, des comportements et des stratégies économiques nécessaires à
la mise en œuvre du développement durable.
3-le troisième niveau est celui de la répartition des richesses caractéristique de l’économie
financiarisée. Depuis le début des années 80, le partage de la valeur ajoutée s’est largement
déformé au détriment des salariés. Lorsqu’on s’attache à étudier l’évolution de la part des
dividendes dans le profit des entreprises, on voit que la tendance est celle de la hausse
continue des dividendes distribués ; ils représentaient 34% en 1997 contre 44% aujourd’hui.
Aux Etats-Unis, celle-ci double entre 1980 et 1990 : elle passe de 24.7% à plus de 50%. De
1992 à 1997, cette part se stabilise mais poursuit son ascension à la période suivante alors
même que les profits déclinent. Elle atteint jusqu’à 87% en 2003. On observe donc une hausse
continuelle, en valeurs relative et absolue, des profits distribuée sous forme de dividendes
indépendamment des variations conjoncturelles des profits. En France. Or, le développement
durable nécessite une mobilisation particulièrement importante des ressources des firmes pour
le financement de la recherche développement. La diminution de l’autofinancement implique
un accroissement soit un accroissement de la dette, dont le coût constitue un manque à gagner
supplémentaire pour la recherche, ou la réduction directe de l’effort de RD.
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L’hyper-développement de la sphère financière pourrait laisser penser que les firmes ont
désormais à leur disposition d’importantes sources de financement alternatives au crédit
bancaire. Néanmoins, contrairement à ce que laisse présager la théorie de l’allocation
optimale des ressources dans un univers dérégulé, la contribution nette du marché boursier à
l’investissement est très faible : les émissions d’actions ne financent l’investissement qu’à
hauteur de 5%. De plus en plus d’actions sont bien émises, mais les entreprises en achètent de
plus en plus d’autres. Ces émissions et acquisitions tendent à s’annuler, si bien qu’au total, le
recours au marché boursier ne finance guère les activités réelles. Au cours de certaines
périodes, on a pu même observer des émissions nettes négatives. La finance se finance donc
elle-même et une part très modeste des intérêts, dividendes et rachats de titres revient à
l’investissement productif.
4-Le quatrième niveau est celui des risques inhérents à la recherche-développement. On sait
que l’une des stratégies clé de la création de valeur est le transfert des risques liés à l’activité
productive vers des acteurs situés dans l’environnement de l’entreprise. Or, la recherche-
développement peut potentiellement générer deux types de progrès techniques : un progrès
technique viable, qui sera source de gains de productivité, d’ouverture de nouveaux marchés
et de débouchés supplémentaires ; ou alors un progrès technique non viable, qui, en l’absence
de donnée fiable sur son innocuité environnementale, ne peut pas déboucher sur l’ouverture
d’un nouveau marché. Le développement durable passe en effet par le respect d’un principe
de précaution. La précaution et la prévention renvoient respectivement aux concepts
d’incertitude et de risque. Dans le premier cas, le futur est totalement opaque et il est
impossible d’identifier les différents états de la nature possibles ; dans le second, les différents
états futurs de la nature sont identifiables et probabilisables. Le cas des nanotechnologies est
particulièrement éclairant sur cette question. Les industriels ont investi des sommes
considérables pour parvenir à des résultats révolutionnaires. Or, les conséquences du
développement de ces nouvelles technologies sont pour l’heure imprévisibles ; par ailleurs, les
textes législatifs sont totalement inadaptés pour réglementer leur usage. L’application du
principe « pas de donnée, pas de marché » semble incontournable pour les associations
environnementalistes mais les industriels et les actionnaires, attentifs à la rentabilité de leurs
investissements, ne sont pas prêts d’adhérer à cette approche.
Enfin, indépendamment du problème de la finance, l’effort d’investissement pose un autre
type de problème. Nous avons vu que l’une des clés de la croissance soutenable est la
recherche-développement. Porteuse de progrès technologiques, elle pourrait permettre aux
agents économiques de réduire considérable leur emprunte écologique. Or, comme a pu le
formaliser Romer, l’accumulation du capital peut être une source d’externalités positives, de
sorte que la performance d’une entreprise dépend non seulement de son propre effort
d’investissement, mais aussi de l’effort d’investissement de ses concurrents. Comme cette
externalité positive n’a pas de contrepartie monétaire et reste ignorée du marché,
l’investissement se situe à un niveau sous-optimal ; l’intervention de l’Etat est nécessaire pour
inciter les firmes à investir plus. Mais cette externalité positive pose aussi le problème d’être
une source possible de défauts de coordination. En effet, les externalités positives sont source
de complémentarités stratégiques ; si ces dernières sont suffisamment fortes, elles sont de
nature à générer des équilibres multiples. Il y a défaut de coordination lorsque les agents se
coordonnent sur un équilibre inefficace alors même qu’il existe d’autres équilibres de qualité
supérieure. L’économie peut ainsi se retrouver piégée dans une trappe à faible investissement
vert et un développement porteur de dégâts écologiques. Le rôle de l’Etat est alors
déterminant pour inciter au glissement d’un équilibre vers un autre.