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Constant

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Benjamin Constant Ecrits politiques

Auteur longtemps considéré comme mineur. Penseur libéral d’importance pourtant ; maître à
penser de Tocqueville, qui a lui-même été longtemps sous-estimé.
Grand observateur de son temps ; sait voir ce qui se joue à son époque. Forme de génie : il
n’est pas du tout évident de parvenir à le faire. Les libéraux et les marxistes : s’opposent mais
ont un grand point de convergence : se donnent pour objectif commun de comprendre la
modernité : quelque chose d’inédit est né, il faut comprendre ce qui a changé ; façon de relire
l’histoire. Le marxisme et le libéralisme sont les deux grandes pensées politiques de la
modernité ; elles la structurent. On peut même dire que la libéralisme a triomphé et est la
pensée politique qui a eu le plus d’impact sur le réel. A modifié le réel. Conformation que le
réel est le fruit de la pensée et se modifie par la pensée.
Lire pp. 310-336 et pp. 589-618.

I – L’histoire humaine a un sens, un fil directeur : tend vers toujours plus d’égalité.

La bataille qui s’est livrée n’est autre que la dernière de la longue série de batailles pour
l’égalité qui se sont succédé sans relâche depuis l’aube de l’histoire. Car tel se résume le sens
du devenir des sociétés : « la perfectibilité de l’espèce humaine n’est autre chose que la
tendance vers l’égalité ». L’établissement de l’égalité = le « rétablissement de l’égalité
naturelle ».
1- théocratie , régime des castes : hétérogénéité d’essence entre dominants et dominés.
2- La division en castes diffère de l’esclavage, en ce qu’elle établit deux races d’hommes
distinctes, dont l’une est supérieure à l’autre par la volonté divine et par une espèce de
nature mystérieuse. L’esclavage civil se fonde sur une inégalité de force, la division en
castes sur une distinction de races. L’esclavage du guerrier ou de l’agriculteur est un
homme comme lui, seulement plus faible ou moins favorisé du sort. L’esclave du
prêtre n’est pas un homme comme lui. Il est d’une nature intrinsèquement inférieure :
l’un q quelque chose d’immonde, l’autre quelque chose de divin ».
3- esclavage
4- féodalité
5- noblesse comme privilège ou noblesse sans féodalité ; ça a été l’enjeu central de la
dernière en date des grandes révolutions de l’égalité, que de renverser le lien de
sujétion qui, d’entente immémoriale, subordonnait l’ordre collectif à une volonté
tombée d’en haut et imposait sans coup férir l’autorité sociale globale aux individus.
Fini précisément ce rapport de production (pour ainsi dire) du social par le pouvoir, où
la cohésion de l’ensemble humain était censée dépendre de l’action informatrice des
gouvernants. Et c’est au moment où se défait cette dépendance instauratrice, où l’on
passe d’un pouvoir explicitement chargé de constituer la société à un pouvoir borné
désormais à l’exprimer, que par une confusion au demeurant explicable, on entreprend
d’en revenir à la subordination complète des individus à l’autorité d’ensemble, ou de
rétablir la supériorité directive des détenteurs du pouvoir.

atténuation progressive de l’inégalité. En fonction de ce parcours, la tendance d’ensemble se


dégage avec netteté : de moins en moins de différence de nature entre les hommes.
La montée historique de l’égalité apparaît comme progrès de la ressemblance intra-sociale et
de la reconnaissance mutuelle ».

1
Pour Constant, il s’agit, histoire à l’appui, d’éclairer le caractère inéluctable du présent ; de
démontrer que le mouvement vient de loin, qu’il est irrépressible, qu’il n’y a aucune issue que
de s’incliner devant lui.
Nécessité de cette évolution.
« Si l’espèce humaine suit une marche invariable, écrit Constant, il faut nous y soumettre.
Notre résignation seule nous épargnera des luttes insensées et d’affreux malheurs ».

En Angleterre, tous les citoyens qui se distinguent peuvent faire partie de la noblesse (être
ennoblis par le Roi ou la Reine) ; en France, la noblesse est fermée ; cela donnera la
Révolution française : c’est comme si l’aristocratie anglaise avait pressenti le mouvement de
l’histoire et l’aristocratie française l’avait ignoré. La vacuité originale du rôle de la noblesse
française a fourni le supplément déclenchant pour qu’éclate la revendication sociale préparée
de longue date par l’irrésistible dissolution du principe de supériorité.

II- Comparaison de la liberté des anciens avec celle des modernes :

Les hommes modernes entendent la liberté en un sens inédit : liberté civile, liberté
individuelle. Chez les anciens, « le peuple délibérait en souverain sur la place publique » le
citoyen s’était constitué en quelque sorte l’esclave de la nation dont il faisait partie, il
s’abandonnait tout entier aux décisions du souverain, du législateur ; nation assez peu
nombreuse pour que chaque citoyen fût une puissance. »
La « juridiction sociale presque illimitée à laquelle les républiques grecque ou romaine
soumettaient leurs membres avait pour contrepartie la participation directe, permanente et
complète de ceux-ci à la souveraineté collective les enserrant de toutes parts. Au lieu que dans
les Etats modernes l’étendue géographique et le nombre des habitants, sans commune mesure
avec ceux des Cités antiques – problème incontournable du « grand pays » - imposent à eux
seuls le recours à un exercice de la souveraineté par délégation ou représentation. C’est un
sacrifice, certes, concède Constant, mais un sacrifice qui correspond aux inclinations du plus
grand nombre. « Le bonheur de la majorité, dit-il, ne se place plus dans la jouissance du
pouvoir, mais dans la liberté individuelle. L’extension de l’autorité sociale composait chez les
anciens la prérogative de chaque citoyen. Elle se compose chez les modernes des sacrifices
des individus ».
Par rapport à l’époque où « chaque citoyen était en vue et soumis de fait à la souveraineté de
la place publique, les grands Etats ont créé de nos jours une garantie nouvelle, celle de
l’obscurité. Cette garantie diminue la dépendance des individus envers la nation ».
La liberté des Modernes, c’est le dédoublement de l’association humaine qui naît de la
soustraction au pouvoir de la partie de l’existence commune correspondant à la formation
spontanée, sinon naturelle, du lien de sociabilité.
Le despotisme moderne, est donc l’invasion de la sphère civile ou individuelle par la norme
politique, la méconnaissance de la disjonction des deux ordres, la réabsorption contraignante
de l’ensemble des hommes au sein du politique, au nom de la nécessaire fusion des volontés
particulières dans l’acte de la volonté générale, des impératifs supérieurs du salut public ou du
primat du point de vue collectif.

III – L’anachronisme (l’erreur) et la dangerosité de tous ceux qui voudraient restaurer


la liberté des anciens : cela ne pourra être établi et maintenu que par la violence.

2
Les révolutionnaires modernes ne sont que des imitateurs des républiques de l’antiquité.
Dissociation survenue entre l’existence individuelle et la vie publique.
Liberté des anciens : intégration à une collectivité se déterminant de manière autonome en
tant que totalité. C’est à l’individualisme de la société en train de naître par ses soins que
l’entreprise révolutionnaire a été dramatiquement aveugle.
D’un côté, ce sont les valeurs d’égalité, d’identité entre les individus qui ont entraîné la
dissolution des supériorités héréditaires et la revendication d’un pouvoir émanant du libre
choix de chacun. Néanmoins, c’est de l’autre côté, contradictoirement, à une réaffirmation à la
fois virulente et irréelle du primat du tout sur les parties, du nécessaire « sacrifice de
l’individu à l’ensemble » que l’empire invincible d’un passé non surmonté a ramené un
mouvement d’émancipation trop peu au fait de sa véritable visée ».
Le diagnostic de Constant a ceci de remarquable qu’il est resté valable pour à peu près
l’ensemble des embardées totalitaires qui se sont produites depuis lors.
Révolution individualiste-démocratique moderne.
Dans les républiques antiques, il n’y a qu’une liberté collective et un assujettissement
personnel à la collectivité.
Mirage d’une résorption dans le collectif de cet atome décrété souverain.

IV- Critique de Rousseau :

J’examinerai peut-être une fois le système du plus illustre de ces philosophes, de JJ Rousseau,
et je montrerai qu’en transportant dans nos temps modernes une étendue de pouvoir social, de
souveraineté collective qui appartenait à d’autres siècles, ce génie sublime qu’animait l’amour
le plus pur de la liberté a fourni néanmoins de funestes prétextes à plus d’un genre de
tyrannie.(…) J’éviterai certes de me joindre aux détracteurs d’un grand homme ».
Rousseau : doctrine du Contrat social : postulat d’une antériorité ontologique des individus,
supposés primitivement indépendants et auto-suffisants, sur tout lien de sociabilité donné ;
dans la mesure où la société procède de l’association volontaire des individus, l’unique mode
de gouvernement adéquat à son essence passe nécessairement par l’égale participation et
délibération de tous (ce que Constant appelle « le premier principe de Rousseau sur la source
de l’autorité sociale : toute autorité qui gouverne une nation doit être émanée de la volonté
générale »). Mais de l’autre côté, un idéal récurrent et indéfectible de l’intégration pleine dans
le collectif, la reconduction obstinée d’un modèle de société à base de cohésion globale et
sans faille, sans séparation personnelle, sans plus de distance de l’individu par rapport à la
communauté où il s’insère et se fond. Second principe de Rousseau, dit Constant, cette fois
« sur l’étendue de l’autorité sociale » - sur le mode d’exercice de l’autorité, en fait, une fois
définie sa source : « les clauses du contrat social se réduisent à une seule, savoir l’aliénation
totale de chaque associé avec tous ses droits à la communauté ».
Rousseau : conception individualiste de la genèse du corps politique ; parce que je le veux
bien , soumission comme garantie nécessaire d’un ordre social échappant en son principe à la
volonté des individus.
Chez Rousseau : pas d’antériorité et supériorité de l’ordre social sur l’action et le désir des
hommes. Disons qu’il substitue à l’antécédence une coïncidence, une correspondance ou une
contemporanéité, à la prééminence de la totalité, matérialisée dans la personne du Prince, une
immanence à la totalité. Postule une adhésion expresse et comme permanente de chacun au
fait collectif ; c’est en dernier ressort qu’il ne conçoit de société possible que moyennant
l’opération d’une volonté explicite de la produire et de la maintenir.
Principes de politique (1815)

3
Erreur de Rousseau : « il arrive qu’en se donnant à tous, il n’est pas vrai qu’on ne se donne à
personne ; on se donne au contraire à ceux qui agissent au nom de tous.
La démocratie est l’autorité déposée entre les mains de tous, mais seulement la somme
d’autorité nécessaire à la sûreté de l’association ; l’aristocratie est cette autorité confiée à
quelques-uns ; la monarchie, cette autorité remise à un seul. Le peuple peut se dessaisir de
cette autorité en faveur d’un seul homme ou d’un petit nombre ; mais leur pouvoir est borné
comme celui du peuple qui les en a revêtus.
Pas de pouvoir absolu.

V- Critique de la notion de souveraineté du peuple :

« On ne saurait trop répéter que la volonté générale n’est pas plus respectable que la volonté
particulière, dès qu’elle sort de sa sphère ».

Thèse de base : « il y a une partie de l’existence humaine qui, de nécessité, reste individuelle
et indépendante et qui est de droit hors de toute compétence sociale. La souveraineté n’existe
que de manière limitée et relative. Au point où commence l’indépendance de l’existence
individuelle s’arrête la juridiction de cette souveraineté ».
Principe architectonique : la circonscription de la souveraineté du peuple. La « limitation de
l’autorité sociale ». Question : de ce que le pouvoir social procède également et expressément
de la volonté de tous, résulte-t-il qu’il s’étende à tout ? Le peuple est source de tout pouvoir ;
par conséquent un pouvoir issu du peuple peut tout : équation funeste déduisant l’étendue du
pouvoir de son origine.

La révolution est tyrannique. Embardée tyrannique de la révolution française est au centre de


la pensée de Constant. Despotisme napoléonien s’inscrit en continuité avec la dictature
jacobine : deux formes d’usurpation induite toujours par un seul et même principe : la
souveraineté du peuple. La destruction de l’hérédité et la victoire de la souveraineté du peuple
ont réactualisé l’idéal des républiques antiques. Pouvoir-peuple et peuple-pouvoir.
Voilà le phénomène fondamental de perversion que les débordements ou retournements du
processus révolutionnaire obligent à considérer : dès l’instant où, avec l’abolition de la
légitimité conférée par l’hérédité et garantie par la divinité, la communauté des hommes
recouvre plein pouvoir sur elle-même, ce pouvoir en théorie récupéré et maîtrisé s’avère en
réalité, plus radicalement que jamais, tendre à lui échapper. La réappropriation de principe se
renverse en dépossession de fait avec une facilité redoutable.

En lieu et place du peuple souverain, on voit surgir un pouvoir aux prétentions sans bornes –
pouvoir qui, se donnant comme investi par la volonté de tous, se pose en droit de s’étendre à
tout - ; un pouvoir d’essence arbitraire, délié en pratique de la loi, puisque c’est la volonté du
peuple qui fait la loi : sa volonté est la loi : la possibilité de déposer plainte contre
l’Etat est d’inspiration libérale ; logique du recours.

Fausse démocratie directe dans la modernité ; prise de conscience de ce que les démocraties
modernes ne peuvent être qu’indirectes.
Confusion trompeuse des représentants et des représentés : jacobinisme ; délégation sans
retour : un homme (bonaparte) ôte carrément au peuple toute faculté politique pour gouverner
en son nom et sans lui : le résultat n’est pas substantiellement différent pour celui qui subit
cette autorité d’autant plus impitoyablement retournée contre le corps social qu’elle est censée
en sortir.

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Le peuple souverain est un peuple en péril, comme nul autre, d’aliénation de sa souveraineté.
Investiture illimitée = exercice illimité du pouvoir. Etendue sans borne de l’autorité sociale.

Triomphe du principe démocratique = tyrannie d’un genre nouveau et d’une portée sans
précédent.
Platonicien : la tyrannie succède à la démocratie, à l’anarchie. Indétermination du poivoir :
défaillance (Termidore) ou excès (Napoléon).
Constant a un sentiment aigu de la spécificité du présent européen. La modernité est
étrangement inconsciente d’elle-même, de sa nouveauté, de son originalité foncière par
rapport aux sociétés antérieures. Du coup, ce sont les modèles politiques archaïques, voire
absolument anachroniques, qui ont fait retour avec l’irruption révolutionnaire et se sont
imposés.
L’une des sources majeures du despotisme révolutionnaire est la méconnaissance complète
des normes de la nouvelle organisation sociale , et corrélativement, l’appel à des schèmes du
passé, la volonté aberrante par ex. de faire rentrer dans le cadre d’une démocratie à l’antique
la vie d’une collectivité mue par des besoins et des idéaux littéralement antinomiques, en
réalité, avec ceux qui prévalaient dans les républiques grecque ou romaine.

Critique de la confiance naïvement accordée aux moyens gouvernementaux et aux ressources


du législateur.

La souveraineté doit être limitée et il y a des libertés que ni le peuple, ni ses délégués, n’ont le
droit d’avoir. C’est là ce qu’il faut déclarer, c’est la vérité importante, le principe éternel qu’il
faut établir. Aucune autorité sur la terre n’est illimitée.
La souveraineté du peuple n’étant pas illimitée, et sa volonté ne suffisant point pour légitimer
tout ce qu’il veut, l’autorité de la loi qui n’est autre chose que l’expression vraie ou supposée
de cette volonté, n’est pas non plus sans bornes. La souveraineté du peuple n’est pas
illimitée ; elle est circonscrite dans les bornes que lui tracent la justice et les droits des
individus ».

Constant s’érige contre l’aveugle recouvrement du présent par les formes ossifiées d’un
héritage obsédant. Anachronisme rédhibitoire de l’entreprise napoléonienne.
période révolutionnaire = défaut de prise profonde sur le réel d’une action prétendant à la
transformation de la société ; effet immédiat du libéralisme : resserrement, très vite, de
l’étreinte politique-policière à l’endroit d’un corps collectif dont on sent que la substance
échappe ».

VI – L’Etat et la société :

D’un pouvoir déterminant la société, le pouvoir se mue en pouvoir déterminé par la société.
Mais aussi avènement d’une division ouverte entre la société civile et l’Etat.
Du pouvoir-cause au pouvoir-effet : les philosophes retiennent les maux produits par les
vexations et les mesures ineptes de l’autorité. Mais novices dans la science, ils pensèrent
qu’un usage différent de cette même autorité ferait autant de bien que son usage vicieux avait
causé de mal. « Ils ne sentirent point que le vice était dans son intervention même et que, loin
de la solliciter d’agir autrement qu’elle n’agissait, il fallait la supplier de ne point agir. En
conséquence, vous les voyez appeler le gouvernement au secours de toutes les réformes qu’ils
proposent : agriculture, industrie, commerce, lumières, religion, éducation, morale ».

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Telle est donc la deuxième méconnaissance constitutive de la nouveauté des temps qui a
emporté la démarche révolutionnaire à la fois vers la tyrannie et vers le naufrage : la
méconnaissance du renversement complet du rapport entre l’Etat et société allant de pair avec
l’émancipation de l’individu. Insertion contraignante de l’individu au sein d’une organisation
d’ensemble à laquelle il doit se sacrifier et se soumettre, et domination d’une volonté
supérieure chargée de veiller au maintien, si ce n’est de contribuer à la création, de la
collectivité comme telle, nous l’avons vu, c’est tout un. Emancipation de l’individu il y a
lorsqu’en vient à se défaire la croyance agissante en la nécessité de l’intervention d’un
pouvoir placé au-dessus et hors des hommes, comme dit Burke, pour que persiste entre eux un
lien de société ; lorsque s’impose comme évidence efficace la notion d’une consistance
autonome du social n’ayant pas besoin pour être produite de l’opération concertée d’une
autorité ou des consciences conjointes.

D’un Etat producteur de la société, on passe à un Etat produit par la société.


Retournement du pouvoir-cause en pouvoir-effet.
Renversement de la conception de la loi : « l’on a défini les lois l’expression de la volonté
générale. C’est une définition très fausse. Les lois sont la déclaration des relations des
hommes entre eux. Du moment où la société existe, il s’établit entre les hommes certaines
relations ; ces relations sont conformes à leur nature, car si elles n’étaient pas conformes à
leur nature, elle ne s’établiraient pas. Les lois ne sont autre chose que ces relations observées
et exprimées. Elles ne sont pas la cause de ces relations qui au contraire leur sont
antérieures. Elles déclarent que ces relations existent. Elles sont la déclaration d’un fait. »

Une loi est une régulation ; il faut que ce dont elle parle existe déjà pour qu’elle veuille le
réguler.
Faire une loi n’est donc qu’instituer ce qui existait déjà précédemment.

L’idéal d’un pouvoir-cause, mainteneur et inspirateur de la société va de pair avec l’idéal d’un
ordre des choses essentiellement immuable, et correspond à un âge où s’il y a certes sentiment
de l’altération des êtres, des formes établies et des notions reçues dans le temps, il n’y a pas
place pour l’idée d’une nécessité transformatrice inhérente à l’organisation même de
l’établissement humain.
Révolution individualiste. Le pouvoir-effet, émanation de la société, c’est un pouvoir dont la
définition intègre par avance la dimension de ce changement dont on sait d’une part qu’il naît
obligatoirement de l’action des hommes et d’autre part qu’il a son siège, sa source ou sa cause
entre eux, de sorte qu’aucune volonté particulière, ni même la supposée volonté de la société
entière ne peut prétendre le régenter. Tout ce qu’il est possible de faire, c’est en prendre acte
et le « déclarer », comme dit Constant. Le pouvoir intervient après.
Constant le dit à maintes reprises : « le gouvernement est stationnaire, l’espèce humaine est
progressive. Il faut que la puissance du gouvernement contrarie le moins possible la marche
de l’espèce humaine ». retournement nécessaire de l’Etat-volonté-de-sosicté en Etat-
expression et sanction du fait social ; gestion collective de l’inéluctable changement.

« ce n’est pas de l’autorité, dit Constant, que les améliorations doivent partir, c’est de
l’opinion qui, transmise à la masse populaire par la liberté dont sa manifestation doit être
entourée, repasse de cette masse populaire à ceux qu’elle choisit pour organes ».
Constant ne pense toutefois pas que le reste de gouvernement soit un mal, ni que l’autonomie
de l’individu doive être totale. La coexistence de la contrainte sociale et de la liberté
personnelle lui semble aller sans difficulté. Il ne pense pas non plus que l’Etat soit amené à

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disparaître ; car il est des tâches dans lesquelles l’Etat est irremplaçable. Police et armée,
restriction de l’Etat à des ces fonctions de défense contre les agressions intérieures et contre
les agressions extérieures. Pour le reste, « liberté en tout », en fait « d’économie politique »,
« en fait d’opinion, de croyances, de lumières ». Appel réitéré, systématique, à la restriction
des interventions de l’autorité, que ce soit dans le domaine de la propriété, de l’industrie, de la
population, ou de l’éducation.
La sphère civile doit se suffire à elle-même et affirmer sa force créatrice autonome ;
séparation et autonomisation de la société civile.

VII - Séparation de l’économique et du politique : autonomisation de la sphère


économique :

Séparation des activités économiques au sein de l’activité sociale d’ensemble, valorisation


propre, constitution en un domaine autonome, désintrication du système des attaches
hiérarchiques d’homme à homme. Perte de priorité de la visée de tenir les hommes ensemble ;
le politique de l’emporte plus sur l’économique.
L’action politique et morale sur soi (praxis) ne l’emporte plus sur l’action sur la matière
(poiésis). Les agents se trouvent relevés du souci de participer à une communauté qui n’est
plus censée avoir besoin de la coopération complète et consciente de tous pour survivre –
relève qui leur donne aussi le droit, comme le dit pour sa part Constant, de se consacrer
exclusivement à leurs « affections privées ».
L’économie (domestique) devient un secteur spécifique où l’ordre se forme spontanément.
Les lois faites pour l’utilité commune (l’intérêt commun) ont plus d’influence que celles du
gouvernement (intérêt général).
Constant penche pour la « liberté d’industrie et du commerce ». Mais il dit aussi concevoir
qu’on ne veuille pas « mettre sur la même ligne la liberté commerciale et la liberté civile ».
En clair il est une donnée fondamentale, sur laquelle il est exclu de transiger, « les droits
inaliénables des individus », et une donnée secondaire et sujette à controverse, l’appartenance
(ou non) à ces droits le la liberté dans l’ordre économique ».

Distinction communauté-société : moderne.

.
VIII - Pourtant, le rôle de l’Etat n’a cessé de croître durant la modernité :

Toutefois, la puissance publique n’a cessé de croître. Les fonctions de l’Etat se sont élargies,
sa pénétration de la société civile a gagné du terrain et s’est affinée. Appesantissement de
l’étreinte étatique et l’expansion de la zone d’indépendance individuelle.

Constant : 1ère génération de libéraux ; Tocqueville, 2ème génération.


Emancipation de l’existence humaine vis-à-vis du politique.
On se leurre en décrivant en termes de « limitation de la souveraineté » ou du « pouvoir
social », la scission et l’extériorité nouvellement apparues entre l’instance étatique et la sphère
de l’existence individuelle. La souveraineté sociale, pour se séparer radicalement en effet de
l’existence commune et l’abandonner à son autonomie, n’en demeure pas moins complète,
indivise et « absolue ».
Tocqueville : théoricien mais aussi historien et sociologue : plus réaliste. Découvre que ce
n’est pas dans le principe, dans « le dogme » comme il dit, que gît la source de la tyrannie,
mais dans les circonstances et les formes de son application.

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Accroissement inexorable de la puissance publique, sans davantage, au reste, de violence,
d’arbitraire ou de tyrannie à l’ancienne. L’Etat est régulier, prévoyant et doux. Il ne vise
qu’une vaste substitution. Tendance à la relève pacifique de la société par l’Etat.
Les progrès irrésistibles de la libéralisation s’avèrent aller de pair avec le renforcement des
prérogatives publiques.

Double mouvement d’atomisation individualiste, de désagrégation anarchique, de dérive


globale et de maîtrise étatique, de dépendance envers un être (l’Etat) qui veille à la
sauvegarde générale

IX - La guerre et le commerce :

De l’esprit de conquête
Napoléon est à contre-sens du sens de l’histoire.
« Nous sommes arrivés à l’époque du commerce, époque qui doit nécessairement remplacer
celle de la guerre, comme celle de la guerre a dû nécessairement la précéder ». « La guerre et
le commerce ne sont que deux moyens différents d’arriver au même but : celui de posséder ce
que l’on désire. Le commerce n’est autre chose qu’un hommage rendu à la force du
possesseur par l’aspirant à la possession. C’est une tentative pour obtenir de gré à gré ce
qu’on n’espère plus conquérir par la violence. Un homme qui serait toujours le plus fort
n’aurait jamais l’idée du commerce. C’est l’expérience qui, en lui prouvant que la guerre, cad
l’emploi de sa force contre la force d’autrui, est exposée à diverses résistances et à divers
échecs, le porte à recourir au commerce, cad à un moyen plus doux et plus sûr d’engager
l’intérêt des autres à consentir à ce qui convient à son intérêt. La guerre est donc antérieure au
commerce. L’une est l’impulsion sauvage, l’autre le calcul civilisé. Il est clair que plus la
tendance commerciale domine, plus la tendance guerrière doit s’affaiblir ».
« Chez les modernes, une guerre heureuse coûte infailliblement plus qu’elle ne rapporte ».
« un gouvernement qui, de nos nours, voudrait imiter la république romaine, aurait ceci de
différent, qu’agissant en opposition avec son peuple, il rendrait ses instruments tout aussi
malheureux que es victimes ».
« le commerce a modifié jusqu’à la nature de la guerre. Les nations mercantiles étaient
autrefois toujours subjuguées par les peuples guerriers. Elles leur résistent aujourd’hui avec
avantage ». « un gouvernement qui voudrait aujourd’hui pousser à la guerre et aux conquêtes
un peuple européen, commettrait donc un grossier et funeste anachronisme. Il travaillerait à
donner à sa nation une impulsion contraire à la nature ».
« le commerce s’appuie sur la bonne intelligence des nations entre elles ; il ne se soutient que
par la justice ; il se fonde sur l’égalité ; il prospère dans le repos ; et ce serait pour l’intérêt du
commerce qu’on gouvernement rallumerait sans cesse des guerres acharnées, qu’il appellerait
sur la tête de son peuple une haine universelle, qu’il marcherait d’injustice en injustice, qu’il
ébranlerait chaque jour le crédit par des violences, qu’il ne voudrait point tolérer d’égaux ».

X – défense de la monarchie constitutionnelle :

« le pouvoir royal (j’entends celui du chef de l’Etat, quelque titre qu’il porte), est un pouvoir
neutre. Celui des ministres est un pouvoir actif.
Le pouvoir exécutif, le pouvoir législatif, et le pouvoir judiciaire, sont trois ressorts qui
doivent coopérer, chacun dans sa patrie, au mouvement général : mais quand ces ressorts
dérangés se croisent, s’entrechoquent et s’entravent, il faut une force qui les remette à leur
place. Cette force ne peut pas être dans l’un des ressorts, car elle lui servirait à détruire les

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autres. Il faut qu’elle soit en dehors, qu’elle soit neutre, en quelque sorte, pour que son action
s’applique nécessairement partout où il est nécessaire qu’elle soit appliquée, et pour qu’elle
soit préservatrice, réparatrice, sans être hostile. La monarchie constitutionnelle crée ce
pouvoir neutre, dans la personne du chef de l’Etat. L’intérêt véritable de ce chef n’est
aucunement que l’un des pouvoirs renverse l’autre, mais que tous s’appuient, s’entendent et
agissent de concert. On n’a distingué jusqu’à présent dans les organismes politiques, que trois
pouvoirs. J’en démêle cinq, de nature diverses, dans une monarchie constitutionnelle : 1- le
pouvoir royal ; 2- le pouvoir exécutif : 3- le pouvoir représentatif de la durée ; 4- le pouvoir
représentatif de l’opinion ; 5- le pouvoir judiciaire.
Le pouvoir représentatif de la durée réside dans une assemblée héréditaire ; le pouvoir
représentatif de l’opinion dans une assemblée élective ; le pouvoir exécutif est confié aux
ministres ; le pouvoir judiciaire aux tribunaux. Les deux premiers pouvoirs font les lois, le
troisième pourvoit à leur exécution générale, le quatrième les applique aux cas particuliers. Le
pouvoir royal est au milieu, mais au-dessus des quatre autres, autorité à la fois supérieure et
intermédiaire, sans intérêt à déranger l’équilibre, mais ayant au contraire tout intérêt à le
maintenir. » Modèle anglais.
défense de la monarchie constitutionnelle :
un monarque héréditaire peut et doit être irresponsable ; c’est un être à part au sommet de
l’édifice.
Un gouvernement républicain a besoin d’exercer sur ses ministres une autorité plus absolue
qu’un monarque héréditaire : car il est exposé à ce que ses instruments deviennent ses rivaux.
Quand il est question de nominations, le monarque décide seul ; c’est son droit incontestable.

Impossible en effet de comparer la soustraction de pouvoir qu’impliquait une institution


monarchique « modifiée par le temps, adoucie par l’habitude, entourée de corps
intermédiaires qui la soutiennent à la fois et la limitent » avec la dépossession radicale dont la
libre disposition du peuple à l’égard de lui-même en matière de gouvernement introduit la
virtualité. Pas de contre-pouvoir, de limitation du pouvoir. Omnipotence du pouvoir.

Doctrine des limites à l’action de l’autorité, idée du pouvoir neutre.


Or, l’hérédité monarchique = pouvoir neutre. Idée de Constant : matérialiser, en quelque sorte,
à l’intérieur d’un système fondé sur la représentation, un élément dérivé de l’ancienne vision
monarchique du pouvoir.

Idée que le pouvoir doit en partie échapper à la représentation, à la passion d’un vote. Le
Conseil constitutionnel. Rôle supposé devoir être joué par le Président de la République en
France mais personne n’y crois puisqu’il n’a été élu que par une majorité. La monarchie est
défendue dans une partie de l’Europe selon ce motif. Ex : le roi des Belges fait l’unité de son
pays, alors que les votes politiques tendraient à la dissoudre. « Pouvoir neutre ».

Le problème fondamental d’une « constitution fondée uniquement sur l’élection temporaire »,


c’est celui des dimensions illusoires d’unité et de totalité que crée l’immanence de principe de
la volonté générale. Le but est d’empêcher la substitution du pouvoir à la société, comme à
l’opposé la résorption du pouvoir au sein de la société ; régler en un mot la différence entre
pouvoir et société de façon à éviter aussi bien les empiétements de l’autorité que sa
dissolution.

Pb de l’articulation entre l’instance exerçant effectivement la puissance et la société au nom


de laquelle, pour laquelle, mais aussi sur laquelle cette autorité s’exerce.

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Conclusion générale : les libéraux veulent inscrire l’histoire dans la nature, la naturalité. Ils
postulent que le mouvement de l’histoire doit suivre celui de la nature ; comme pour le
mouvement historique vers l’égalité. Idée que les réglementations perturbent la nature
humaine et retardent, troublent le mouvement naturel de l’histoire. Dans le marxisme, le
postulat est inverse : pas de nature humaine, tout est historique. Idée marxienne que l’idée de
nature humaine est idéologique et sert à justifier toutes les dominations ; idée que le concept
philosophique de nature humaine participe de la philosophie comme superstructure au service
de l’infrastructure. Prestidigitation bourgeoise et auparavant aristocratique. Il y a-t-il ou non
une nature humaine : deux postulats en débat perpétuel. Mobilité ou non de l’histoire ; tout est
possible pour le marxisme, ; on peut changer l’homme ; tout ne l’est pas pour le libéralisme.

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