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Le Pouvoir de La Musique

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Le pouvoir de la musique

La musique a un pouvoir tel que, d’après bien des légendes, elle a été créée par les
dieux eux-mêmes. Les Grecs de l’Antiquité racontaient ainsi qu’Orphée avait reçu
le don de la musique de la main des dieux. Il jouait si bien de la lyre que sa
musique pouvait charmer les arbres, les montagnes et mêmes les bêtes sauvages.
Alors que de tels mythes célèbrent les origines divines du son, d’autres célèbrent
son pouvoir créateur. Ainsi un chant polynésien raconte que le monde a été créé
par les chansons du dieu Taaroa.
Autrefois, on associait à la musique des pouvoirs magiques qui pouvaient s’exercer
dans la vie quotidienne. Il existe ainsi des chants pour toutes les saisons du
calendrier rural, des chants que chantaient les bergers à leurs moutons. Il y a aussi
des chants plus utilitaires comme les chansons de navigation qui servaient à
rythmer l’effort des marins en train de tirer sur une corde.
Dans certaines cultures, on utilise la musique pour soulager la souffrance et la
maladie. En Occident, la musicothérapie se développe et commence à être
reconnue par le corps médical.

L’impressionnisme

Le terme d’Impressionnisme apparaît en 1874, lors de l’exposition, dans l’atelier


du photographe Nadar, d’un groupe d’artistes « indépendants ».
L’impressionnisme conserve une certaine cohésion jusqu’en 1884, soit une dizaine
d’années. Son développement n’en continuera pas moins dans l’oeuvre de quelques
peintres demeurés fidèles à leurs premières formules : ainsi, on ne saurait guère en
fixer la fin avant la disparition de Claude Monet, en 1926. Inversement, il n’est pas
né en un seul jour, et ses prémices peuvent être décelées dès le Salon des refusés de
1863, même si ses premières manifestations se mêlent alors étroitement avec les
courants réalistes du moment.
Mouvement français, l’Impressionnisme cristallise des préoccupations latentes en
des pays variés. Rejeté, méprisé par la bourgeoisie, qui lui préfère un art plus
conventionnel, il apparaît rapidement, aux yeux des artistes, comme ouvrant une
voie entièrement nouvelle à la pratique picturale.
Eldorado

L’Eldorado, mot espagnol qui signifie « le doré », désigne un pays imaginaire qui,
comme son nom l’indique, regorgerait d’or. Les conquistadors espagnols, venus
découvrir le Nouveau Monde, situaient ce lieu fabuleux en Amérique du Sud, entre
les fleuves Amazone et Orénoque.
Cette croyance reprenait diverses légendes remontant à l’Antiquité, comme celle
de l’âge d’or, ou des mythes plus tardifs, comme celui du « pays de Cocagne » où
tout est offert à volonté. Ces « pays de nulle part », tel l’Eldorado, dans lesquels
l’homme trouverait un bonheur absolu, sont appelés « utopies » et ont donné
naissance à de nombreuses œuvres littéraires ou philosophiques.
La meilleure évocation littéraire de l’Eldorado est due à Voltaire dans le célèbre
conte philosophique Candide, ou l’Optimisme. Au chapitre 17, Candide, chassé de
l’Europe, guidé par son serviteur Cacambo, arrive, après avoir longtemps navigué
sur une rivière inconnue, dans un lieu entouré de montagnes qu’il identifie à
l’ancien empire des Incas. En cet endroit, tout semble harmonieux : les gens sont
souriants, les constructions fastueuses, les repas raffinés. Les enfants jouent dans
les rues avec de gros cailloux qui sont des pépites d’or et des pierreries. Candide
pense avoir trouvé dans cette contrée nommée Eldorado le pays idéal. Mais, très
vite, il manifeste son désir de fuir, car la perfection de ce lieu le rend oppressant et
invivable. Le bonheur de l’homme, pour Voltaire, ne vient pas de l’abondance et
de la facilité, mais de la capacité de chacun à tirer parti de son travail.

La littérature africaine

Dans la littérature africaine d’expression française, le roman a trouvé une force


créatrice originale à la fin de la décennie 1980. Abandonnant les thèmes
traditionnels comme la défense des valeurs du monde noir, la dénonciation du
colonialisme ou du néocolonialisme, les romanciers, anciens ou nouveaux, créent
des oeuvres à la fois plus personnelles et plus ouvertes sur l’universel. On assiste à
l’africanisation de la langue française, à l’intégration des richesses de la littérature
orale précoloniale dans les oeuvres littéraires et à une attention plus soutenue
accordée à la forme : polyglottisme, esthétique ludique, émergence d’une parole
anthropologique au service de l’initiation de l’Africain des temps nouveaux.
En réalité deux générations de romanciers vont continuer à coexister. Arlette
Chemin distingue les récits qui traduisent l’exacerbation des conflits de la société
post coloniale, la confusion dans les valeurs, l’absurdité d’un univers désarticulé,
et les récits qui prônent une sorte de catharsis salutaire, condition de la renaissance
africaine.

L’eau

L’eau est partout présente dans l’Univers. Sous forme de glace ou de vapeur d’eau,
on la trouve dans les galaxies, dans le milieu interstellaire, dans les étoiles, dans les
planètes ou encore dans les comètes et les astéroïdes. Sur Terre, l’eau ne constitue
que 0,03 p. 100 de la masse de la planète. Mais elle présente la particularité
d’exister sous ses trois états : glace ou neige aux pôles et en altitude, vapeur d’eau
dans l’atmosphère et eau liquide dans les océans et les mers principalement. Cette
spécificité fait de la Terre une planète singulière, où la vie a pu apparaître, se
développer et se maintenir.
Le cycle de l’eau assure un renouvellement permanent des réservoirs. Mais la
vitesse de renouvellement, appelée temps de résidence, varie d’un réservoir à
l’autre : de une à deux semaines pour l’eau de la biosphère et de l’atmosphère à 4
000 ans pour celle des océans et des mers. Les activités humaines ont un impact
important sur ce cycle. La construction de barrages, l’irrigation, la correction des
cours d’eau, l’urbanisation, l’agriculture ou l’industrie sont autant de facteurs qui
le perturbent.
Malgré l’abondance évidente de l’eau sur la Terre, la quantité directement
utilisable par les hommes est très réduite. Près des trois quarts de l’eau douce sont
emprisonnés dans les glaciers aux pôles et en altitude, et sont donc inaccessibles.
Finalement, 1 p. 100 des réserves d’eau douce est utilisable, soit moins de 0,01 p.
100 des réserves terrestres en eau.
En raison de son rôle essentiel et vital, l’eau fait l’objet de deux enjeux : un enjeu
économique – l’existence d’eau en quantité suffisante est un facteur favorable au
développement d’un pays – et un enjeu stratégique – les réserves d’eau sont
souvent partagées entre plusieurs populations. Dans de nombreuses régions du
monde, l’eau est à l’origine de contentieux ou de conflits. Avec l’augmentation de
la population et une pénurie qui risque de s’accroître, l’eau sera certainement
demain à l’origine de nombreuses tensions. Les conflits pourraient même
s’accentuer ou se multiplier dans les décennies à venir.
Le nouvel obscurantisme
Sale temps pour les penseurs. Données scientifiques majeures diffusées en douce,
poursuites judiciaires visant à faire taire des esprits critiques, destitution de
fonctionnaires
gênants, muselage de scientifiques cherchant à des endroits politiquement
incorrects,
condamnation sur la place publique d’intellectuels hors norme... Depuis le début de
l’année,
les signes d’atteinte à la libre circulation des idées se multiplient étrangement un
peu
partout au pays. Comme ailleurs dans le monde occidental d’ailleurs. Et forcément,
ces
caillots en formation dans les artères de la connaissance font résonner de plus en
plus fort
une question : sommes-nous en train d’entrer collectivement dans une nouvelle ère
d’obscurantisme?
« Il y a un risque réel », s’inquiète Pierre Noreau, président de l’Association
francophone pour le savoir (ACFAS), qui a mis en ligne sur son site Internet une
pétition contre cette
culture émergente du secret et de la noirceur. Scientifiques, penseurs et simples
passants
sont invités depuis ce matin à la signer. « C’est un geste nécessaire, poursuit-il. Les
derniers
mois ont mis en évidence cette tentation de l’obscurantisme qui est plus forte que
jamais, et
nous devons réagir. »
Le phénomène semble d’ailleurs avoir été stimulé par l’humidité de l’été et ses
ciels sombres
orageux. Des preuves ? En deux mois, le gouvernement fédéral a en effet orchestré
la sortie
en catimini de deux importants rapports scientifiques financés pourtant avec des
fonds
publics. […] Cette timidité à rendre publics des faits n’est pas un sport en
expansion seulement de
l’autre côté de la rivière des Outaouais. L’administration publique du Québec l’a
aussi
alimentée le printemps dernier avec le rapport quinquennal de l’Office québécois
de la
langue française (OQLF) sur la situation du français au Québec. Quantifiant un
certain recul
de la langue de Molière sur l’île de Montréal, le document a été dévoilé en effet
après
quelques fuites et surtout un an de retard, dans une logique apparente de «
camouflage »,
de « paranoïa » et de « secret », ont dénoncé plusieurs ténors de la libre circulation
des
idées, à l’époque. Et tous ces ingrédients ont bien sûr attisé la controverse et les
soupçons
d’obscurantisme.

L’albatros
Souvent, pour s’amuser, les hommes d’équipage
Prennent des albatros, vastes oiseaux des mers,
Qui suivent, indolents compagnons de voyage,
Le navire glissant sur les gouffres amers.
À peine les ont-ils déposés sur les planches,
Que ces rois de l’azur, maladroits et honteux,
Laissent piteusement leurs grandes ailes blanches
Comme des avirons traîner à côté d’eux.
Ce voyageur ailé, comme il est gauche et veule !
Lui, naguère si beau, qu’il est comique et laid !
L’un agace son bec avec un brûle-gueule,
L’autre mime, en boitant, l’infirme qui volait !
Le Poète est semblable au prince des nuées
Qui hante la tempête et se rit de l’archer ;
Exilé sur le sol au milieu des huées,
Ses ailes de géant l’empêchent de marcher.
BAUDELAIRE, Charles, Les fleurs du mal, 1861.
Lorsque le pélican, lassé d’un long voyage,
Dans les brouillards du soir retourne à ses roseaux,
Ses petits affamés courent sur le rivage
En le voyant au loin s’abattre sur les eaux.
Déjà, croyant saisir et partager leur proie,
Ils courent à leur père avec des cris de joie
En secouant leurs becs sur leurs goitres hideux.
Lui, gagnant à pas lent une roche élevée,
De son aile pendante abritant sa couvée,
Pêcheur mélancolique, il regarde les cieux.
Le sang coule à longs flots de sa poitrine ouverte ;
En vain il a des mers fouillé la profondeur ;
L’océan était vide et la plage déserte ;
Pour toute nourriture il apporte son coeur.
Sombre et silencieux, étendu sur la pierre,
Partageant à ses fils ses entrailles de père,
Dans son amour sublime il berce sa douleur ;
Et, regardant couler sa sanglante mamelle,
Sur son festin de mort il s’affaisse et chancelle,
Ivre de volupté, de tendresse et d’horreur.
Mais parfois, au milieu du divin sacrifice,
Fatigué de mourir dans un trop long supplice,
Il craint que ses enfants ne le laissent vivant ;
Alors il se soulève, ouvre son aile au vent, Et, se frappant le coeur avec un cri
sauvage,
Il pousse dans la nuit un si funèbre adieu,
Que les oiseaux des mers désertent le rivage,
Et que le voyageur attardé sur la plage,
Sentant passer la mort se recommande à Dieu.
MUSSET, Alfred de, extrait de « La nuit
de mai », Poésies nouvelles, 1835.

Fatigué par la chaleur et le travail, il s’endormit sous les lambris rouges de sa


grotte humide. Au milieu de la nuit son sommeil fut troublé par un bruit
extraordinaire. Il se dressa sur son séant, et le silence profond qui régnait lui permit
de reconnaître l’accent alternatif d’une respiration dont la sauvage énergie ne
pouvait appartenir à une créature humaine. Une profonde peur, encore augmentée
par l’obscurité, par le silence et par les fantaisies du réveil lui glaça le coeur. Il
sentit même à peine la douloureuse contraction de sa chevelure quand, à force de
dilater les pupilles de ses yeux, il aperçut dans l’ombre deux lueurs faibles et
jaunes. D’abord il attribua ces lumières à quelque reflet de ses prunelles; mais
bientôt, le vif éclat de la nuit l’aidant par degrés à distinguer les objets qui se
trouvaient dans la grotte, il aperçut un énorme animal couché à deux pas de lui.
Était-ce un lion, un tigre, ou un crocodile ? Le Provençal n’avait pas assez
d’instruction pour savoir dans quel sous-genre était classé son ennemi ; mais son
effroi fut d’autant plus violent que son ignorance lui fit supposer tous les malheurs
ensemble. Il endura le cruel supplice d’écouter, de saisir les caprices de cette
respiration, sans en rien perdre, et sans oser se permettre le moindre mouvement.
Une odeur aussi forte que celle exhalée par les renards, mais plus pénétrante, plus
grave pour ainsi dire, remplissait la grotte ; et quand le Provençal l’eut dégustée du
nez, sa terreur fut au comble, car il ne pouvait plus révoquer en doute l’existence
du terrible compagnon, dont1 l’antre royal lui servait de bivouac. Bientôt les reflets
de la lune qui se précipitait vers l’horizon éclairant la tanière firent insensiblement
resplendir la peau tachetée d’une panthère. Ce lion d’Égypte dormait, roulé comme
un gros chien, paisible possesseur d’une niche somptueuse à la porte d’un hôtel ;
ses yeux, ouverts pendant un moment, s’étaient refermés. Il avait la face tournée
vers le Français. Mille pensées confuses passèrent dans l’âme du prisonnier de la
panthère ; d’abord il voulut la tuer d’un coup de fusil ; mais il s’aperçut qu’il n’y
avait pas assez d’espace entre elle et lui pour l’ajuster, le canon aurait dépassé
l’animal. Et s’il l’éveillait ? Cette hypothèse le rendit immobile. En écoutant battre
son coeur au milieu du silence, il maudissait les pulsations trop fortes que
l’affluence du sang y produisait, redoutant de troubler ce sommeil qui lui
permettait de chercher un expédient salutaire. Il mit la main deux fois sur son
cimeterre dans le dessein de trancher la tête à son ennemi ; mais la difficulté de
couper un poil ras et dur l’obligea de renoncer à son hardi projet.

J’étais venu chercher la paix. J’avais cru pouvoir oublier le monde, mais le monde
revient
me hanter. Sous forme d’ectoplasmes de fer-blanc, le monde me survole en pièces
détachées,
enfermé dans les flancs des Jumbo Jets de tous les pays. Il n’en passe pas souvent,
heureusement. Le taux d’achalandage de l’aéroport, en cet été 1983, continue de
couvrir le
pays de ridicule. Mais quand la brise vient du nord et descend doucement des
premiers
contreforts des Laurentides, les gros Boeing s’orientent en sens inverse, se frottent
la panse
contre le ventre du vent et grimpent le ciel avec effort, juste au-dessus de ma tête
promise
au vide qu’ils s’appliquent à remplir de leur rugissement et de leurs traînées
laiteuses.
Quand le vent vient du nord, les avions viennent du sud et vont à sa rencontre.
Parfois, quand je ferme les yeux, ce bruit d’enfer devient le mugissement d’un
immense
aspirateur, un aspirateur de rêve qui aurait été promené à la grandeur du pays, et je
vois les
oiseaux prendre de l’altitude, s’élever à l’envers, former des vols compacts dans le
sillage de
l’appareil, puis s’engouffrer en nuées sombres dans les réacteurs vomissant les
flammes.
Ensuite, c’est au tour des écureuils, arrachés à la ténuité des rameaux, de monter à
la
verticale, la queue ouverte en parachute. Les lièvres les suivent, pattes détendues,
oreilles
droites, pour un dernier grand saut, puis les ratons laveurs, crachés des troncs creux
comme de la gueule de noirs canons, et les porcs-épics, roulés en boule comme des
bogues
meurtrières, et les chevreuils devenus de vrais cerfs-volants, et jusqu’aux pesants
orignaux,
soustraits dans un bruit de succion à la gluante gravité des marécages.
Si un autre avion suit de près le premier, les arbres, eux aussi, déploient leurs
racines jaillies
du sol, les font tournoyer comme des hélices et montent droit aux cieux, et toutes
les
plantes de la terre repoussent ensemble le substrat nourricier et agitent leurs
feuilles
comme de fines ailes nervurées. Chaque arbuste, buisson, broussaille et fleur subit
le même
sort, s’arrache au sol et s’envole vers le soleil, et bientôt c’est l’humus lui-même
qu’emporte
ce vaste soulèvement, le grand courant ascendant le roule comme un tapis et
dénude le
sable, le sol minéral, puis le tuf, la roche-mère, chaque strate proprement délitée et
convertie à la verticalité, la terre devenue une vaste pâte feuilletée sous
l’étincelante
fourchette céleste, jusqu’à ce que le magma originel, pour finir, fuse dans l’air en
un geyser
formidable avalé là-haut par les sphincters en feu des quatre moteurs.
Lorsque je rouvre les yeux, tout est resté en place, sauf dans ma tête, et le grand
déracinateur s’éloigne lentement, lourdement, en virant sur l’aile pour reprendre
son cap.
Ce matin, quand mon iris a refait contact avec la lumière, un renard roux me
regardait.
Il n’avait pas eu peur de l’avion. Il est resté là un instant à m’observer, assis au
pied du
raidillon, avec une sorte de sourire ou de ricanement retenu sur ses babines
découvertes.
Puis il a fait volte-face et il a gravi la côte, gagnant de l’altitude à sa façon à lui, en
posant
une patte devant l’autre, avec précaution.
HAMELIN, Louis, La rage, Montréal, XYZ, « Romanichels poche », 1995, p. 24-
25.

Nous étions à l'Étude, quand le Proviseur entra, suivi d'un nouveau habillé en
bourgeois et
d'un garçon de classe qui portait un grand pupitre. Ceux qui dormaient se
réveillèrent, et
chacun se leva comme surpris dans son travail.
Le Proviseur nous fit signe de nous rasseoir ; puis, se tournant vers le maître
d'études :
– Monsieur Roger, lui dit-il à demi-voix, voici un élève que je vous recommande,
il entre en
cinquième. Si son travail et sa conduite sont méritoires, il passera dans les grands,

l'appelle son âge.
Resté dans l'angle, derrière la porte, si bien qu'on l'apercevait à peine, le nouveau
était un
gars de la campagne, d'une quinzaine d'années environ, et plus haut de taille
qu'aucun de
nous tous. Il avait les cheveux coupés droit sur le front, comme un chantre de
village, l'air
raisonnable et fort embarrassé. Quoiqu'il ne fût pas large des épaules, son habit-
veste de
drap vert à boutons noirs devait le gêner aux entournures et laissait voir, par la
fente des
parements, des poignets rouges habitués à être nus. Ses jambes, en bas bleus,
sortaient d'un
pantalon jaunâtre très tiré par les bretelles. Il était chaussé de souliers forts, mal
cirés,
garnis de clous.
On commença la récitation des leçons. Il les écouta de toutes ses oreilles, attentif
comme au
sermon, n'osant même croiser les cuisses, ni s'appuyer sur le coude, et, à deux
heures, quand la cloche sonna, le maître d'études fut obligé de l'avertir, pour qu'il
se mît avec nous
dans les rangs.
Nous avions l'habitude, en entrant en classe, de jeter nos casquettes par terre, afin
d'avoir
ensuite nos mains plus libres ; il fallait, dès le seuil de la porte, les lancer sous le
banc, de
façon à frapper contre la muraille en faisant beaucoup de poussière ; c'était là le
genre.
Mais, soit qu'il n'eût pas remarqué cette manoeuvre ou qu'il n'eût osé s'y soumettre,
la
prière était finie que le nouveau tenait encore sa casquette sur ses deux genoux.
C'était une
de ces coiffures d'ordre composite, où l'on retrouve les éléments du bonnet à poil,
du
chapska, du chapeau rond, de la casquette de loutre et du bonnet de coton, une de
ces
pauvres choses, enfin, dont la laideur muette a des profondeurs d'expression
comme le
visage d'un imbécile. Ovoïde et renflée de baleines, elle commençait par trois
boudins
circulaires ; puis s'alternaient, séparés par une bande rouge, des losanges de velours
et de
poils de lapin ; venait ensuite une façon de sac qui se terminait par un polygone
cartonné,
couvert d'une broderie en soutache compliquée, et d'où pendait, au bout d'un long
cordon
trop mince, un petit croisillon de fils d'or, en manière de gland. Elle était neuve ; la
visière
brillait.
FLAUBERT, Gustave, Madame Bovary, Montréal, Gallimard, Folio, 2001, p. 47.

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