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Mindfullness Based CBT

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2024 01:49

Santé mentale au Québec

Les thérapies basées sur l’acceptation et la pleine conscience


Acceptance and mindfulness-based cognitive-behavioral
therapies
Thanh-Lan Ngô, M.D., M.Sc, FRCPC

Volume 38, numéro 2, automne 2013 Résumé de l'article


La thérapie cognitivo-comportementale (TCC) est une des approches
Pleine conscience et psychiatrie principales en psychothérapie. Elle enseigne au patient à faire le lien entre les
cognitions dysfonctionnelles et les comportements mésadaptés et à réévaluer
URI : https://id.erudit.org/iderudit/1023989ar les biais cognitifs qui maintiennent les symptômes en utilisant des stratégies
DOI : https://doi.org/10.7202/1023989ar telles que le questionnement socratique. La TCC évolue constamment afin d’en
améliorer l’efficacité et l’accessibilité. Dans la dernière décennie, des
approches de plus en plus populaires basées sur la pleine conscience et
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l’acceptation sont proposées. Elles ne visent pas la modification des pensées
même si celles-ci peuvent paraître biaisées et dysfonctionnelles, mais
cherchent plutôt à changer la relation de l’individu à ses symptômes.
Éditeur(s) L’efficacité de ces approches commence à être documentée. Cet article vise à
présenter le contexte historique qui a permis l’émergence de ce courant, les
Revue Santé mentale au Québec
points de convergence et de divergence avec l’approche
cognitivo-comportementale traditionnelle ainsi qu’une brève présentation des
ISSN différentes thérapies basées sur l’acceptation et la pleine conscience.
0383-6320 (imprimé)
1708-3923 (numérique)

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Citer cet article


Ngô, T.-L. (2013). Les thérapies basées sur l’acceptation et la pleine conscience.
Santé mentale au Québec, 38(2), 35–63. https://doi.org/10.7202/1023989ar

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Cet article est diffusé et préservé par Érudit.


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l’Université de Montréal, l’Université Laval et l’Université du Québec à
Montréal. Il a pour mission la promotion et la valorisation de la recherche.
https://www.erudit.org/fr/
Les thérapies basées sur l’acceptation
et la pleine conscience

Thanh-Lan Ngô, M.D., M.Sc, FRCPC

résumé La thérapie cognitivo-comportementale (TCC) est une des approches


principales en psychothérapie. Elle enseigne au patient à faire le lien entre les
cognitions dysfonctionnelles et les comportements mésadaptés et à réévaluer les
biais cognitifs qui maintiennent les symptômes en utilisant des stratégies telles que
le questionnement socratique. La TCC évolue constamment afin d’en améliorer
l’efficacité et l’accessibilité. Dans la dernière décennie, des approches de plus en
plus populaires basées sur la pleine conscience et l’acceptation sont proposées.
Elles ne visent pas la modification des pensées même si celles-ci peuvent paraître
biaisées et dysfonctionnelles, mais cherchent plutôt à changer la relation de l’indi-
vidu à ses symptômes. L’efficacité de ces approches commence à être documentée.
Cet article vise à présenter le contexte historique qui a permis l’émergence de ce
courant, les points de convergence et de divergence avec l’approche cognitivo-
comportementale traditionnelle ainsi qu’une brève présentation des différentes
thérapies basées sur l’acceptation et la pleine conscience.
mots clés thérapie cognitivo-comportementale, acceptation, pleine conscience,
troisième vague

Acceptance and mindfulness-based cognitive-behavioral therapies


abstract Cognitive behavioral therapy (CBT) is one of the main approaches in
psychotherapy. It teaches the patient to examine the link between dysfunctional
thoughts and maladaptive behaviors and to re- evaluate the cognitive biases
involved in the maintenance of symptoms by using strategies such as guided
­discovery. CBT is constantly evolving in part to improve its’ effectiveness and acces-
sibility. Thus in the last decade, increasingly popular approaches based on
mindfulness and acceptance have emerged. These therapies do not attempt to
modify cognitions even when they are biased and dysfunctional but rather seek a

a. Psychiatre. Professeure adjointe de clinique, Faculté de médecine, Université


de Montréal. Chef du Programme des maladies affectives, pavillon Albert-
Prévost, Hôpital du Sacré-Cœur de Montréal.

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change in the relationship between the individual and the symptoms. This article
aims to present the historical context that has allowed the emergence of this trend,
the points of convergence and divergence with traditional CBT as well as a brief
presentation of the different therapies based on mindfulness meditation and
acceptance. Hayes (2004) described three successive waves in behavior therapy,
each characterized by “dominant assumptions, methods and goals”: traditional
behavior therapy, cognitive therapy and therapies based on mindfulness meditation
and acceptance. The latter consider that human suffering occurs when the indi-
vidual lives a restricted life in order avoid pain and immediate discomfort to the
detriment of his global wellbeing. These therapies combine mindfulness, experien-
tial, acceptance strategies with traditional behavior principles in order to attain
lasting results. There are significant points of convergence between traditional CBT
and therapies based on mindfulness meditation and acceptance. They are both
empirically validated, based upon a theoretical model postulating that avoidance
is key in the maintenance of psychopathology and they recommend an approach
strategy in order to overcome the identified problem. They both use behavioral
techniques in the context of a collaborative relationship in order to identify precise
problems and to achieve specific goals. They focus on the present moment rather
than on historical causes. However, they also present significant differences: control
vs acceptance of thoughts, focus on cognition vs behavior, focus on the relationship
between the individual and his thoughts vs cognitive content, goal of modifying
dysfunctional beliefs vs metacognitive processes, use of experiential vs didactic
methods, focus on symptoms vs quality of life, strategies used before vs after the
unfolding of full emotional response. The main interventions based on mindfulness
meditation and acceptance are: Acceptance and Commitment Therapy, Functional
Analytic Therapy, the expanded model of Behavioral Activation, Metacognitive
Therapy, Mindfulness based Cognitive Therapy, Dialectic Behavior Therapy,
Integrative Behavioral Couples Therapy and Compassionate Mind Training. These
are described in this article. They offer concepts and techniques which might
enhance therapeutic efficacy. They teach a new way to deploy attention and to
enter into a relationship with current experience (for example, defusion) in order
to diminish cognitive reactivity, a maintenance factor for psychopathology, and to
enhance psychological flexibility. The focus on cognitive process, metacognition as
well as cognitive content might yield additional benefits in therapy. It is possible to
combine traditional CBT with third wave approaches by using psychoeducation and
cognitive restructuring in the beginning phases of therapy in order to establish
thought bias and to then encourage acceptance of internal experiences as well as
exposure to feared stimuli rather than to continue to use cognitive restructuring
techniques. Traditional CBT and third wave approaches seem to impact different
processes: the former enhance the capacity to observe and describe experiences
and the latter diminish experiential avoidance and increase conscious action as well
as acceptance. The identification of personal values helps to motivate the individual

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Les thérapies basées sur l’acceptation et la pleine conscience  37

to undertake actions required in order to enhance quality of life. In the case of


chronic illness, it diminishes suffering by increasing acceptance. Although the
evidence base supporting the efficacy of third wave approaches is less robust than
in the case of traditional cognitive or behavior therapy, therapies based on mindful-
ness meditation and acceptance are promising interventions that might help to
elucidate change process and offer complementary strategies in order to help
patients.
keywords cognitive-behavioral therapy, acceptance, mindfulness, third wave

Introduction
La thérapie cognitivo-comportementale (TCC) est une des approches
principales en psychothérapie. Il s’agit d’une thérapie structurée, limitée
dans le temps, dont l’efficacité a été démontrée dans le traitement de la
plupart des pathologies psychiatriques (Butler, Chapman, Forman et
Beck, 2006 ; Chambless et al., 1998 ; Epp et Dobson, 2010 ; Hofmann et
Smits, 2008). Elle est recommandée comme traitement de première
intention dans plusieurs guides de pratique dont ceux produits par le
National Insitute for Health and Clinical Excellence (www.nice.org.uk)
et l’American Psychiatric Association (www.psych.org/psych_pract/).
Elle fait partie du curriculum des programmes de résidence en psychia-
trie (Collège royal des médecins et chirurgiens du Canada, 2009 ; Sudak,
Beck et Wright, 2003). Elle regroupe un ensemble d’interventions
(Mansell, 2008 ; Roth, 2008) dont les prémisses sont les suivantes
(Dobson et Dozois, 2001) : les pensées ont une influence sur les émo-
tions et les comportements, les pensées peuvent être évaluées et remises
en question, les changements comportementaux désirés peuvent
découler d’une modification cognitive. La TCC intervient sur les situa-
tions actuelles, plutôt que les situations passées, se base sur les principes
d’apprentissage et sur l’empirisme d’un point de vue épistémologique.
La TCC évolue constamment afin, entre autres, d’en améliorer
l’efficacité et l’accessibilité. Ainsi, dans la dernière décennie, des
approches de plus en plus populaires basées sur la pleine conscience et
l’acceptation ont émergé. Il s’agit d’un ensemble varié de thérapies,
incluant la thérapie cognitive basée sur la pleine conscience (TCBPC ;
Segal, Teasdale et Williams, 2001), la thérapie dialectique comporte-
mentale (TDC ; Linehan, 1993), la thérapie métacognitive (TMC ; Wells,

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2000 ; 2008), la thérapie analytique fonctionnelle (TAF ; Kohlenberg et


Tsai, 1991), la thérapie de couple comportementale intégrative (TCCI ;
Jacobson et Christensen, 1996), l’activation comportementale (AC ;
Martell, Addis et Jacobson, 2001) et la thérapie d’acceptation et d’enga-
gement (Acceptance and commitment therapy ou l’acronyme ACT ;
Hayes, Strosahl et Wilson, 1999) ainsi que d’autres (p. ex., la psycho-
thérapie par le système d’analyse cognitivo-comportementale de
McCullough, 2000 ; la prévention de la rechute basée sur la méditation
de Marlatt et Gordon, 1985 ; la thérapie comportementale basée sur
l’acceptation du trouble d’anxiété généralisée de Roemer et Orsillo,
2005 ; l’entraînement à l’auto-compassion de Gilbert, 2005). Ces thé-
rapies favorisent la pleine conscience des expériences internes et
développent l’acceptation plutôt que la modification des sensations
internes et des pensées, même lorsque celles-ci sont biaisées ou dys-
fonctionnelles. Elles cherchent à changer la relation entre l’individu et
ses symptômes (Herbert, Forman et England, 2009).
Kahl, Winter et Schweiger (2012), dans une revue de la documen-
tation, concluent que ces approches (ACT, AC, TDC, TMC, TCBPC)
sont efficaces et efficientes. Une méta-analyse de 29 études cliniques
aléatoires de Öst (2008) documente des tailles d’effet modérées pour
l’ACT et la DBT, mais rapporte que la méthodologie des recherches
démontrant l’efficacité de ces nouvelles approches n’est pas aussi rigou-
reuse que celle qui concerne la TCC. Une méta-analyse portant sur les
thérapies basées sur la pleine conscience (dont la TCBPC) démontre
des tailles d’effet modérées pour diminuer les symptômes d’anxiété et
de dépression pour les 39 études retenues (Hofmann, Sawyer, Witt et
Oh, 2010).
Le présent article vise à décrire le contexte historique qui a favorisé
l’émergence de ce courant en thérapie, les points de convergence et de
divergence avec l’approche cognitivo-comportementale traditionnelle
ainsi qu’une brève présentation des différentes thérapies cognitivo-
comportementales basées sur l’acceptation.

Contexte historique et définition de la troisième vague


en thérapie cognitivo-comportementale
Hayes (2004) décrit trois vagues successives ou présomptions, méthodes
et buts dominants en thérapie comportementale. Chacune émergeant
de la vague précédente, les trois vagues ont donc plusieurs points en
commun. L’objectif de la première vague était l’observation, la prédic-

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Les thérapies basées sur l’acceptation et la pleine conscience  39

tion et la modification du comportement pour promouvoir la santé


mentale (Skinner, 1953 ; Watson, 1924 ; Wolpe, 1958). Elle s’est déve-
loppée dans les années 1950 et 1960 en réaction aux limites posées par
l’approche psychanalytique. Les principes d’apprentissage ont d’abord
été développés et raffinés au sein d’études menées auprès d’animaux.
Ils ont ensuite été appliqués en clinique et ont fait l’objet d’études
empiriques.
Cette vague a évolué à partir des années 1960 lorsque les chercheurs
(p. ex., Bandura, 1977) ont réexaminé le lien entre les cognitions dys-
fonctionnelles et les comportements mésadaptés. En se basant sur les
neurosciences de l’époque ainsi que sur l’observation des phénomènes
en clinique, ils ont découvert qu’en aidant les patients à réévaluer les
biais cognitifs par la découverte guidée, ces derniers rapportaient une
amélioration symptomatique. Il s’agissait de la deuxième vague de
thérapie qui comprend la thérapie émotivo-rationnelle (Ellis, 1957), la
thérapie cognitive (Beck, 1976) et la modification cognitivo-comporte-
mentale (Meichenbaum, 1977). En thérapie cognitive, les cognitions
sont centrales dans le traitement des troubles psychologiques : les
émotions et les comportements sont influencés par les processus
cognitifs. Le but fondamental de la TCC est de découvrir les pensées
automatiques négatives dérivées des croyances fondamentales et condi-
tionnelles au sujet de soi, des autres et du monde. En réévaluant la
signification de ces croyances et en aidant la personne à formuler des
pensées et croyances plus réalistes, le modèle TCC propose que les
émotions et comportements seront aussi modifiés (Clark, 1995). Dans
les années 1980 et 1990, les thérapies cognitive et comportementale
ont fusionné pour former la TCC contemporaine, la thérapie qui a fait
l’objet du plus grand nombre d’études cliniques à ce jour (Roth et
Fonagy, 2005).
Les critiques de la deuxième vague soutiennent que la recherche
n’a pas démontré de façon convaincante qu’il est avantageux d’ajouter
des stratégies cognitives à la thérapie comportementale (Longmore et
Worrell, 2007) et qu’elles pourraient parfois nuire (Forman et Herbert,
2009) car la tentative de modifier les pensées automatiques pourrait
paradoxalement les intensifier, entre autres en favorisant l’évitement
expérientiel (Cloud, 2006). En effet, selon Heeren et Philippot (2009),
« analyser les cognitions ou débusquer leurs aspects irrationnels ou
biaisés serait une forme de non-acceptation de l’expérience ». Par
contre, certains avancent que les techniques cognitives comme la psy-
choéducation peuvent faciliter l’exposition (Craske, Antony et Barlow,

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2006 ; Craske et Barlow, 2008) et possiblement améliorer l’efficacité


du traitement dans le cas de certains protocoles (Clark et al., 2006).
D’autre part, les recherches n’ont pas toujours démontré que le chan-
gement cognitif est le mécanisme ou le médiateur par lequel la TCC
produit ses résultats (Longmore et Worrell, 2007), quoique certaines
études le suggèrent (p. ex., Beck, 2008 ; Hofmann et Asmundson,
2008 ; Maric, Heyne, MacKinnon, vanWidenfelt et Westenberg, 2013).
Ilardi et Craighead (1994) soulignent également que les TCC sont
associées à une amélioration symptomatique rapide qui précéderait
l’introduction d’interventions cognitives spécifiques mais ceci est
aussi remis en question puisque, par exemple, il est possible d’observer
une amélioration soudaine dans la séance suivant une modification
cognitive et ce, dès les premières sessions de thérapie (Hofmann et
Asmundson, 2008 ; Tang et DeRubeis, 1999). On note, finalement, que
les modifications cognitives peuvent être obtenues sans effectuer une
réévaluation cognitive, par exemple par le biais de la pharmacothé-
rapie (McManus, Clark et Hackman, 2000 ; Œi et Free, 1995 ; Simons,
Grafield et Murphy, 1984). Beck (1984) considère que ceci s’explique
par le fait que les cognitions font partie du système psychobiologique.
Néanmoins, cette série d’observations amène les critiques à se poser
la question suivante : « Doit-on remettre en question les pensées en
TCC ? » (Longmore et Worrell, 2007).
Cette remise en question se manifeste par l’émergence d’une variété
de thérapies proposant de nouvelles méthodes qui permettent de
composer avec les expériences internes problématiques. Certaines sont
des extensions de la thérapie cognitive (par exemple, la thérapie cogni-
tive basée sur la pleine conscience, la thérapie métacognitive) et d’autres
de la thérapie comportementale (la thérapie analytique fonctionnelle,
la thérapie d’activation comportementale, la thérapie de couple com-
portementale intégrative, la thérapie d’acceptation et d’engagement).
Selon Herbert et Forman (2011), les premières intègrent des stratégies
de modification cognitive avec des principes dérivés de la pleine cons­
cience et de l’acceptation. Les deuxièmes mettent l’accent sur la défu-
sion psychologique (prendre du recul et voir les pensées comme étant
des pensées) et l’acceptation plutôt que sur les stratégies de change-
ments cognitifs ou affectifs. Les adeptes de cette troisième génération
de TCC suggèrent l’abandon ou l’utilisation prudente des interventions
cognitives visant à modifier le contenu des pensées.
Les nouvelles thérapies proposent des stratégies telles que la pleine
conscience et elles suggèrent de cultiver une attitude d’acceptation afin

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d’améliorer le bien-être psychologique. La pleine conscience comporte


deux aspects essentiels, soit l’attention soutenue focalisée sur le moment
présent et une attitude d’ouverture et de curiosité, une acceptation de
l’expérience sans la juger (Bishop et al., 2004). L’acceptation est la
volonté d’être en contact avec des événements psychologiques sans
chercher à les éviter ou leur permettre d’influencer le comportement
(Butler et Ciarrochi, 2007). Notons que la non-acceptation psycholo-
gique est associée à la psychopathologie et que des modifications sur
le plan de l’acceptation prédisent des gains thérapeutiques (Cardaciotto,
Herbert, Forman, Moitra et Farrow, 2008 ; Herbert et al., 2010). Préci­
sons par contre qu’en TCC, l’acceptation n’est pas un but en soi mais
plutôt une étape qui permettra de modifier le comportement afin de
réaliser les buts du patient.
Selon Hayes (2004), les approches de la troisième vague mettent
l’accent sur les thèmes suivants : l’acceptation, la pleine conscience, la
défusion cognitive, la dialectique, les valeurs du patient et la spiritua-
lité, la relation thérapeutique. Elles mettent aussi l’accent sur le contexte
et la fonction des événements psychologiques (les conséquences de ce
comportement dans l’environnement) plutôt que de remettre en ques-
tion leur validité, réduire leur fréquence ou modifier leur forme (p. ex.,
le contenu de la pensée, la nature de l’émotion), ce qui a conduit au
développement de stratégies de changement contextuelles et expérien-
tielles venues s’ajouter à des techniques plus directement didactiques.
Elles encouragent les individus à établir une approche ouverte, cons­
ciente, active relativement à la vie (Hayes, Villatte, Levin et Vildebrandt.,
2011). Elles visent l’élargissement des répertoires comportementaux,
un accroissement de la flexibilité et de l’efficacité plutôt que l’élimina-
tion des symptômes. Elles soulignent que les questions sur lesquelles
elles se penchent concernent autant les cliniciens que leurs clients.
Un thérapeute inspiré par les approches comportementales de la
troisième vague peut utiliser les stratégies suivantes avec un patient
souffrant de dépression. Il peut explorer le contexte environnemental
qui permet l’émergence de ruminations dépressives (p. ex., recevoir des
rappels de factures non payées) et mettre en évidence la fonction de ce
symptôme (p. ex., éviter la douleur ou l’inconfort associés à l’exposition
à des situations déplaisantes) plutôt que de l’inviter à remettre en
contenu cognitif (p. ex., « je suis nul ») afin d’en diminuer la fréquence.
Il peut alors l’inviter à répéter la phrase « je suis nul » selon la technique
« milk, milk, milk » (proposée par l’ACT) jusqu’à ce que la pensée « je
suis nul » perde sa signification (intervention abordant le contexte

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socioverbal qui a attaché une signification arbitraire particulière à ces


mots). Il peut l’encourager à tolérer la présence de ces pensées et émo-
tions en lui enseignant des techniques qui favorisent la pleine conscience
(p. ex., la méditation centrée sur la respiration amène l’individu à
observer les pensées comme si elles étaient des nuages qui traversent
le ciel tout en demeurant ancré dans le moment présent, en ressentant
chaque respiration sans tenter de chasser les pensées ni nourrir les
processus cognitifs persévératifs) afin de diminuer les conséquences
négatives associées au fait de croire à ces pensées et d’agir comme si
elles étaient un reflet exact de la réalité (ex. abandonner, se réfugier
dans le sommeil, s’isoler). Il peut alors tenter de clarifier les valeurs
profondes de l’individu et l’encourager à poser des actions en accord
avec ses aspirations profondes, d’agir en fonction de ce qui fonctionne
au moment présent (p. ex., sortir pour aller travailler, appeler ses
proches si le travail et la famille sont des valeurs centrales pour lui,
plutôt que de rester alité). Il lui expliquerait que les symptômes dépres-
sifs peuvent être présents (puisque ces approches ne visent pas l’élimi-
nation des symptômes) sans qu’il s’empêche de construire une vie qui
vaut la peine d’être vécue. Par l’enseignement de différentes techniques
comportementales et expérientielles, le patient pourrait agir de façon
plus efficace et flexible tout en tenant compte du contexte environne-
mental. Le thérapeute, pour sa part, s’il enseigne la méditation de
pleine conscience, devrait la pratiquer lui-même de façon régulière afin
d’en incarner les principes. Il devrait également faire preuve de flexi-
bilité cognitive et être en contact avec le moment présent, pleinement,
en tant qu’être humain conscient, et selon la situation, modifier ou
maintenir son comportement thérapeutique.
En résumé, les thérapies basées sur l’acceptation et la pleine cons­
cience considèrent que la souffrance humaine survient lorsque l’indi-
vidu a tendance à éviter la douleur ou l’inconfort immédiat, au détriment
de sa qualité de vie. Ces thérapies comportementales combinent des
interventions expérientielles, de pleine conscience, et d’acceptation
avec des principes comportementaux traditionnels afin d’obtenir une
amélioration durable (Hayes, Luoma, Bond, Masuda et Lillis, 2006).

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Les thérapies basées sur l’acceptation et la pleine conscience  43

Points de divergence et de convergence entre les TCC


traditionnelles et les thérapies basées sur l’acceptation et la
pleine conscience
Les TCC traditionnelles et les thérapies basées sur l’acceptation et la
pleine conscience partagent plusieurs points en commun : ce sont des
traitements dont l’effet est mesurable, basés sur l’hypothèse que l’évi-
tement est un élément clé du maintien de la psychopathologie. Il s’agit
donc de thérapies qui recommandent des stratégies d’approche relati-
vement aux symptômes.
Elles font usage de techniques comportementales dans le cadre
d’une relation collaborative afin de déterminer des problèmes précis et
atteindre des buts spécifiques, mesurables, réalistes et atteignables.
Elles interviennent dans le moment présent plutôt que sur les causes
historiques possibles des problèmes dont l’exploration ne serait ni
nécessaire ni suffisante pour atteindre des gains thérapeutiques.
Plusieurs auteurs tentent de distinguer la TCC traditionnelle des
thérapies basées sur l’acceptation et la pleine conscience (p. ex., Dionne
et Neveu, 2010 ; Hayes, 2004). Dans la TCC traditionnelle, même si
Alford et Beck (1997) suggèrent d’éviter de contrôler la pensée direc-
tement (p. ex., par l’arrêt de la pensée), selon Hayes (2004), l’approche
cognitive vise une certaine forme de contrôle des pensées via l’identi-
fication des pensées et des émotions, la modification des pensées
(adaptées vs mésadaptées) et via l’analyse logique et les expériences
comportementales. Dans les thérapies basées sur l’acceptation et la
pleine conscience, il est considéré que les efforts pour contrôler les
pensées maintiennent la détresse. Or, les pensées et émotions sont
transitoires et se modifient naturellement avec le temps (p. ex., Hayes,
2004). Ainsi la détresse diminuera s’il n’y a pas d’escalade attribuable
aux stratégies de contrôle. L’objectif ciblé est initialement l’acceptation
des symptômes.
Par ailleurs, plusieurs approches de la troisième vague considèrent
que les cognitions et processus cognitifs sont des comportements
privés (Hayes et al., 2006 ; Hofmann et Asmundson, 2008) et ciblent
davantage les réponses émotionnelles aux situations. En TCC tradi-
tionnelle, les cognitions sont au centre du modèle. Il y a une relation
bidirectionnelle entre les pensées et les émotions ; on considère que les
pensées agissent sur les réactions émotionnelles et que les émotions
influencent les pensées, mais les cognitions priment : c’est pourquoi
l’intervention cible le contenu cognitif.

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Les TCC basées sur la pleine conscience et l’acceptation visent


surtout la fonction des cognitions et à agir sur la relation aux pensées
en prévenant la suppression de la pensée ou l’évitement expérientiel
(Hofmann, 2008). Ceci contraste avec la TCC traditionnelle qui agit
plus directement sur la fréquence et la validité des pensées, les émo-
tions et le comportement, et qui cible les situations ou les facteurs
précipitants qui génèrent une réponse émotionnelle par le biais de
l’évaluation cognitive de ces facteurs précipitants et qui vise une modi-
fication du contenu des cognitions.
Forman et Herbert (2009) soulignent que même si les deux appro­
ches se basent sur les principes comportementaux, les thérapies de la
deuxième vague utilisent des stratégies comportementales pour modi-
fier les croyances dysfonctionnelles et réduire les symptômes alors que
les thérapies de la troisième vague utilisent des stratégies comportemen-
tales pour modifier les processus métacognitifs (par exemple l’insight
métacognitif que les pensées ne sont que des pensées). Rappelons par
contre que Beck (1976) vise le même résultat puisqu’il veut amener
l’individu à réaliser éventuellement que les pensées ne sont que des
événements mentaux plutôt qu’un reflet exact de la réalité (« thoughts
as psychological phenomena rather than as identical to reality »), d’une
vérité objective.
Les approches de la troisième vague utilisent des méthodes plus
expérientielles que didactiques (Hayes, 2004) puisque le langage est
une partie constituante du problème, les méthodes traditionnelles de
restructuration cognitive peuvent parfois être contreproductives (p. ex.,
remplacer une règle par une autre règle) et sont donc à utiliser avec
prudence. Elles proposent donc des stratégies tels les exercices de la
pleine conscience, l’acceptation des pensées et des émotions non dési-
rées, et la défusion cognitive (prendre du recul et voir les pensées
comme étant des pensées) pour modifier les processus cognitifs même
si elles font aussi appel à des éléments des thérapies cognitives et com-
portementales traditionnelles tels l’établissement des buts, l’exposition
et l’acquisition des compétences (Hayes et al., 2006).
Les deux approches sont orientées vers un but, mais les thérapies
de la deuxième vague ciblent davantage les symptômes. Les thérapies
de la troisième vague visent d’emblée de façon explicite une cible plus
large, la qualité de la vie. Dans la TCC classique, la qualité de vie était
travaillée d’une façon plus implicite.
Selon Hofmann et Asmundson (2008), les TCC basées sur l’accep-
tation et la pleine conscience ciblent surtout l’évitement expérientiel

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Les thérapies basées sur l’acceptation et la pleine conscience  45

et les stratégies inadaptées de régulation des émotions (p. ex., suppres-


sion des émotions). Les stratégies prescrites par ces approches (p. ex.,
la méditation de pleine conscience) interviennent après le déclenche-
ment complet de l’émotion. La TCC traditionnelle, quant à elle, cible le
stimulus qui provoque l’émotion (les pensées). Elle enseigne des straté-
gies de régulation des émotions ciblant l’antécédent : elle encourage la
ré-évaluation cognitive des situations qui déclenchent les émotions
avant que la réponse n’ait été complètement activée.
Les tableaux 1, 2 et 3 présentent un résumé des différences et simi-
litudes entre la TCC et deux approches de la troisième vague, soit la
thérapie cognitive basée sur la pleine conscience et l’ACT.

tableau 1 Similarités entre la TCC et la TCBPC


Intention Comprendre et soulager la souffrance
Persistance de « Pensée irréfléchie » (Beck, 1979)
la détresse Douleur vs souffrance (problème vs élaboration cognitive au sujet du
problème)
Identification à la pensée
Biais cognitifs
Élaboration/prolifération (processus cognitifs itératifs tels que la
rumination)
Évitement/aversion
Attachement à ce qui est plaisant/devrait l’être
Causes et La détresse est le produit de patrons cognitifs et comportementaux
conditions habituels appris et déclenchés par l’humeur actuelle et le contexte
Moment Ce qui est important est ce qui se passe maintenant : c’est ce dont on peut
présent devenir conscient et le point de départ d’une transformation possible
Apprendre de Source de connaissance de soi
ce qui est Apprendre à accueillir la difficulté, être curieux, explorer
difficile Y répondre avec sagesse et intentionnellement
Mécanisme de Conscience métacognitive : réaliser à chaque exercice que les pensées
changement sont des événements mentaux transitoires plutôt qu’un reflet fidèle de la
réalité
Processus Expérientiel (le cœur et la tête)
d’appren- Interactif : questionnement et expérimentation
tissage Apprentissage étape par étape
Accent mis sur la pratique dans la session et entre les sessions pour
favoriser l’acquisition d’habiletés utilisées de façon indépendante à long
terme
Rencontre Chaleur, validation
thérapeu- Collaboration respectueuse
tique Esprit de curiosité

Tableau basé sur Fennell et Segal, 2011

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46  Santé mentale au Québec, 2013, XXXVIII, no 2

tableau 2 Différences entre la thérapie cognitivo-


comportementale et la thérapie cognitive basée sur la pleine
conscience
TCC TCBPC
Contributions Cadre conceptuel de la Techniques de méditation
dépression Acceptation et compassion
Options pour travailler avec les
pensées automatiques
négatives
Activation comportementale
Prévention de la rechute
Empirique
But Changement Non-attachement au résultat car il
restreint la perception de
l’expérience actuelle
Méthodologies Changer les cognitions Changer la relation aux cognitions
(pas analyser ou remettre en
question le contenu des cognitions
car ce serait une forme de non-
acceptation de l’expérience)
Focus sur le Selon le problème Central pendant toute la durée de
corps l’intervention
Formation du Expérience personnelle de TCC Pratique quotidienne de méditation
thérapeute non essentielle à vie pour incarner (« embody »)
l’esprit de la pleine conscience

Tableau basé sur Fennell et Segal, 2011

Sante mentale au Q.38.2.corr 2.indd 46 14-03-17 11:39 AM


Les thérapies basées sur l’acceptation et la pleine conscience  47

tableau 3 Similarités et différences entre la TCC et ACT


TCC ACT Réponse aux critiques
Modèle Mécaniste (métaphore Contextuel : l’action en En TCC, on ne vise pas
explicatif de l’ordinateur dont on contexte. On considère nécessairement la
doit changer la les pensées et les modification cognitive
mémoire ou le comportements dans (surtout si le pensées
logiciel) : l’individu le contexte socioverbal sont adaptées) mais on
remplace ses (apprentissage) et croit que l’accès aux
cognitions environnemental pour émotions se fait via les
dysfonctionnelles en comprendre la pensées
dont découlent les fonction
émotions et les Problème se situe dans
comportements l’interaction
Problème
intrapsychique
But du Changement de Changement de En TCC, les émotions et
traitement premier ordre deuxième ordre sensations corporelles
(changer le symptôme (élargissement des ne sont pas modifiées
pour lequel le patient horizons personnels) directement mais via les
consulte) cognitions inadaptées.
On vise également des
changements de
deuxième ordre tels que
l’amélioration de la
qualité de vie de façon
implicite. Dans la TCC,
les modifications
cognitives entraînent
des modifications sur le
plan des symptômes, ce
qui améliore la qualité
de vie. Dans l’ACT,
l’atteinte d’une flexibilité
psychologique améliore
la qualité de vie
directement sans que la
modification de
symptômes ne
contribue au résultat
Stratégies de Didactique, direct (ex. Expérientiel, indirect
changement techniques cognitives (ex. méditation)
et comportementales) Défusion cognitive
Restructuration (distanciation par
cognitive (ré-évaluer rapport aux pensées)
les cognitions) Approche
Techniques transdiagnostique
spécifiques, protocoles visant des principes
de traitement selon les généraux (ex.
pathologies acceptation)

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48  Santé mentale au Québec, 2013, XXXVIII, no 2

Lien entre les La thérapie se base La thérapie découle En TCC, le


sciences surtout sur des d’un programme de développement des
cognitives et insights cliniques recherche qui tente de neurosciences établit les
la thérapie La recherche porte valider les processus bases neurobiologiques
surtout sur l’efficacité thérapeutiques qui sous-tendent
du traitement sous-jacents l’efficacité du
traitement (par exemple,
le contrôle du néocortex
sur les systèmes
émotionnels tels que
l’amygdale via
l’apprentissage)
Quelques études
démontrent la
médiation cognitive
Rôle des Processus cognitif Comportement privé
cognitions Focus sur le contenu Focus sur la fonction
cognitif des cognitions (ciblé
Relation en encourageant le
bidirectionnelle entre patient à accepter la
les pensées et les présence de la pensée
émotions mais les sans adopter un
cognitions priment comportement
automatique). On
analyse comment un
événement
environnemental
cause un
comportement
(incluant les
cognitions)
Comme les émotions,
cognitions et
comportements sont
interdépendants et
mutuellement
déterminés, on ne
devrait pas attribuer
un rôle causal aux
cognitions
Stratégies de Cible l’évitement Cible le stimulus qui Dans l’ACT, les
régulation expérientiel élicite l’émotion interventions
des émotions Cible les stratégies Stratégie de régulation d’acceptation peuvent
inadaptées de des émotions ciblant agir dès que l’émotion
régulation des l’antécédent survient ; en évitant de
émotions (ex. (encourage la lutter contre
suppression des réévaluation cognitive l’expérience et en
émotions) : intervient des situations qui élargissant le répertoire
après le déclenchent les comportemental, on
déclenchement émotions avant que la peut diminuer la
complet de l’émotion réponse n’ait été détresse à long terme :
complètement elles peuvent donc être
activée) des stratégies de
régulation ciblant
l’antécédent

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Les thérapies basées sur l’acceptation et la pleine conscience  49

Fondement Pas de philosophie Contextualisme


philo- particulière fonctionnel : analyse
sophique Rationalisme critique du comportement à
(Popper, 1959) : l’intérieur du contexte
acquisition des socioverbal
connaissances en (incorporant tous les
falsifiant les apprentissages),
hypothèses dérivées environnemental
de théories (milieu social et
scientifiques culturel avec ses
normes et ses valeurs),
la relation
thérapeutique (miroir
des relations à
l’extérieur de la
thérapie et laboratoire
de changement via
des expériences
correctrices). Ne
cherche pas à dévoiler
la vérité mais à
influencer le
comportement. Le
critère de vérité est
basé sur le
pragmatisme (faire ce
qui fonctionne)
Relation Thérapeute favorise Comme la pathologie
théra- une bonne relation vient de la condition
peutique thérapeutique pour humaine, les principes
pouvoir enseigner les s’appliquent au
techniques thérapeute
(acceptation et
défusion afin de
développer une
flexibilité
psychologique pour
pouvoir adapter
l’approche au patient
et à sa culture)

Tableau basé sur Hofmann et Asmundson, 2008 ; Pérez-Alvarez, 2013 ; Herbert et Forman,
2013 ; Hofmann, Asmundson et Beck, 2013

Notons, par contre, qu’il existe un débat certain dans la documen-


tation concernant les similarités et les différences entre les approches
de la deuxième et de la troisième vague. Ainsi, certains chercheurs
croient que les deux vagues ne sont pas distinctes et affirment que les
TCC basées sur l’acceptation n’ajoutent que des techniques ou n’offrent
qu’une différence subtile sur le plan théorique. Par exemple, Arch et
Craske (2008) avertissent qu’en distinguant ces thérapies, on risque de
manquer les mécanismes communs de changement. Elles avancent que

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50  Santé mentale au Québec, 2013, XXXVIII, no 2

la restructuration cognitive est un exercice d’exposition en imagination


qui vise un but similaire à la défusion cognitive ; que dans les deux cas,
on atteint une conscience métacognitive ; que dans les deux approches,
le patient peut acquérir un sentiment de contrôle en apprenant des
stratégies pour composer avec les émotions ; que les deux favorisent
l’acceptation des émotions. Hofmann et Asmundson (2008) soutiennent
que même si l’ACT et les autres thérapies de la troisième vague offrent
des nouvelles stratégies thérapeutiques, il n’y a pas assez d’évidence
pour qu’on considère qu’il s’agit d’une approche entièrement différente.
D’autres contredisent cette assertion (Gaudiano, 2010 ; Herbert et
Forman, 2011).
Finalement, des critiques rappellent que malgré leur grande popu-
larité, les approches de la troisième vague ne bénéficient pas encore
d’une base empirique aussi solide que les approches de la deuxième
vague (Ost, 2008).

Les TCC basées sur la pleine conscience et l’acceptation


Ce qui suit est un bref survol des différentes thérapies cognitivo-­
comportementales basées sur la pleine conscience et l’acceptation.
Certaines sont des modèles généraux de psychothérapies alors que
d’autres se concentrent sur un trouble particulier.

La thérapie d’acceptation et d’engagement (ACT)


Pour Hayes et al. (1999), les pensées, émotions, sensations négatives ne
sont pas toxiques en soi pour la santé des êtres humains, leurs com-
portements ou leur bien-être. Deux contextes psychologiques peuvent
créer la toxicité : l’évitement expérientiel et la fusion cognitive.
L’évitement expérientiel est la tentative de changer, éviter, éliminer des
pensées, émotions ou sensations physiques indésirables (évitement
cognitif et comportemental des situations qui peuvent engendrer des
expériences internes non désirées). La fusion cognitive est l’identifica-
tion de l’individu à ses pensées et ses émotions, lorsqu’il ne voit pas
que les pensées ne sont que des pensées et non un reflet de la réalité,
lorsque le contenu psychologique domine le comportement. Dans
l’ACT, le thérapeute cherche à modifier la relation entre l’individu et
ses pensées/émotions/sensations difficiles, afin qu’il ne tente plus
d’éviter les symptômes qui deviennent ou ne deviennent pas des évé-
nements psychologiques transitoires inconfortables (Harris, 2006). La
réduction des symptômes n’est qu’un produit dérivé du traitement. Le

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Les thérapies basées sur l’acceptation et la pleine conscience  51

but réel est le développement de la flexibilité psychologique (c.-à-d. être


en contact avec le moment présent, pleinement, en tant qu’être humain
conscient et, selon la situation, modifier ou maintenir le comportement
selon les contextes) en ciblant six processus centraux : (1) la défusion
cognitive (percevoir les pensées, les images, les émotions et les souve-
nirs tels qu’ils sont plutôt que comme ils se présentent) ; (2) l’accepta-
tion (permettre aux pensées et émotions d’aller et venir sans lutter
contre elles) ; (3) le contact avec le moment présent (conscience et
réceptivité au moment présent) ; (4) l’utilisation du soi observateur
(accès au soi transcendant, la conscience de la conscience) ; (5) les
valeurs personnelles (principes directeurs qui nous guident et qui nous
motivent dans notre vie, découvrir ce qui est le plus important pour le
soi authentique) ; et (6) l’action engagée (faire ce qu’il faut pour vivre
selon nos valeurs, choisir des buts selon les valeurs et les mettre en
action de façon efficace) (Hayes et al., 1999). Le traitement comprend
une psychoéducation sur les mécanismes clés de la maladie, des exer-
cices de pleine conscience et de défusion cognitive ainsi que des
méthodes comportementales traditionnelles, telles que l’exposition,
l’enseignement d’habiletés et la détermination de buts de traitement.

La thérapie analytique fonctionnelle


La thérapie analytique fonctionnelle (Kohlenberg et Tsai, 1991) cible
les difficultés interpersonnelles dues à des déficits de discrimination
ou à un répertoire comportemental déficient, excessif ou aversif. Elle
repose sur le contextualisme fonctionnel qui cible l’apprentissage des
émotions, pensées et comportements et qui les resitue dans le contexte
de leurs fonctions interpersonnelles. Le focus est la relation entre le
patient et le thérapeute. Les comportements cliniquement significatifs
(CCS) sont activés et observés. Ces derniers sont des comportements
susceptibles de se produire dans le contexte de la thérapie et qui sont
étroitement reliés à l’histoire du client et à sa problématique. Les CCS1
sont les comportements problématiques à modifier, les CCS2 sont les
comportements adaptés et les CCS3 sont les règles au sujet des chan-
gements positifs à apporter. Le thérapeute identifie les CCS2 et leur
apporte un renforcement naturel immédiat (plutôt qu’un renforcement
artificiel tel que la récompense matérielle). La relation thérapeutique
est un laboratoire de changement qui permet au patient de mettre en
action des nouveaux comportements dans des situations d’intimité.
Elle est un contexte interpersonnel équivalent sur le plan fonctionnel
à l’environnement réel à l’extérieur de la thérapie. Le thérapeute for-

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52  Santé mentale au Québec, 2013, XXXVIII, no 2

mule des interprétations au sujet des CCS en termes fonctionnels


(antécédents, réponses et conséquences) et fait un lien avec l’histoire
du patient.

L’activation comportementale
L’activation comportementale « manualisée » (une approche manua-
lisée est un traitement bien défini dont l’application est formalisée dans
un manuel) par Jacobson et al. (1996) est une thérapie comportemen-
tale traditionnelle qui inclut l’enseignement de la relaxation, des habi-
letés sociales, de la résolution de problèmes, de l’auto-observation des
activités et l’assignation des tâches graduées. Se basant sur les modèles
comportementaux originaux de la dépression (Lewinsohn, 1974), plus
récemment, Martell, Addis et Jacobson (2001) ont introduit une
approche contextuelle de la dépression. Ce modèle suggère que des
facteurs contextuels (plutôt que les cognitions, par exemple) expliquent
de façon plus efficiente l’apparition et le maintien de la dépression et
sont une cible de traitement plus efficace. Des événements amènent un
surplus de punitions environnementales et un déficit sur le plan des
renforcements positifs. Les comportements adoptés pour minimiser
les émotions négatives fonctionnent à court terme mais les augmentent
à long terme via un processus de renforcement négatif. Le comporte-
ment d’évitement (l’inactivité, l’isolement, les ruminations) est un
facteur de maintien clé de la dépression. L’analyse fonctionnelle permet
d’évaluer de façon détaillée comment la dépression se maintient chez
cet individu en particulier et ce qui est renforçant pour lui en observant
la fonction du comportement (ses conséquences sur l’humeur).
L’individu apprend à conceptualiser et à mettre en pratique des buts
comportementaux, peu importe les pensées et les émotions négatives
(Hopko, 2003). Pour ce faire, le patient apprend à être en contact avec
des expériences internes déplaisantes (acceptation) tout en continuant
à travailler pour atteindre ses objectifs (changement). Il agit en fonction
d’un plan plutôt qu’en fonction de son humeur. Dans cette thérapie, on
utilise des stratégies comportementales traditionnelles telles que l’uti-
lisation de registre d’activités quotidiennes à des fins d’auto-observa-
tion, l’enseignement de la relaxation, la planification des activités
plaisantes mais aussi des techniques de pleine conscience afin d’aider
le patient à participer pleinement à l’expérience au moment présent
plutôt que de se perdre dans les pensées (Dobson et Dozois, 2001).

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Les thérapies basées sur l’acceptation et la pleine conscience  53

La thérapie métacognitive
Wells (1997 ; 2008) rapporte que dans la TCC traditionnelle, le contenu
cognitif est ciblé (ce qu’une personne pense : les pensées automatiques,
les croyances dysfonctionnelles) et les émotions dysfonctionnelles. Il
soutient qu’on s’adresse à un nombre trop limité de cognitions (i. e. le
contenu des pensées et des croyances) au détriment des processus
cognitifs comme le déploiement de l’attention et d’autres types de
cognitions (par exemple, les connaissances métacognitives, soit les
pensées au sujet des pensées et les plans qui guident le traitement de
l’information). La thérapie métacognitive est basée sur la prémisse que
la dépression et l’anxiété sont maintenues par la suppression de la
pensée et la persévération des processus cognitifs, difficiles à contrôler,
tels les ruminations ou les inquiétudes et le focus sur soi excessif. La
suppression de la pensée (Wenzlaff et Wegner, 2000) demande un effort
répété et soutenu qui est voué à l’échec et qui amène une intensification
paradoxale de la pensée (par exemple dans le trouble obsessionnel
compulsif, le trouble d’anxiété généralisée, la dépression majeure). Les
ruminations (soit les pensées et comportements qui ciblent l’attention
sur les symptômes de la dépression, leurs causes possibles et leurs
conséquences) amplifient les affects et les pensées négatives (Lyuybor­
misky et Nolen-Hoeksema, 1995), altèrent la capacité à résoudre les pro-
blèmes (Watkins, 2002) et coexistent avec les inquiétudes (Segerstrom,
Tsao, Alden et Craske, 2000). La tendance à ruminer prédit l’apparition
et le maintien de la dépression tel qu’il a été défini par Nolen-Hoeksema,
1991). Le focus sur soi (Ingram, 1990), soit l’attention démesurée sur ses
pensées et sentiments, est un facteur déclenchant et de maintien dans
les troubles émotifs. Il intensifie l’affect et amène une sensibilité accrue
aux effets négatifs d’une situation. Il déclenche les schémas négatifs et,
conséquemment, les comportements dysfonctionnels. Ces processus
cognitifs sont déclenchés par les métacognitions positives (ex. « si j’y
pense assez longtemps, je trouverai la cause de ma dépression » ; « si je
m’inquiète, je pourrai prévenir les dangers ») et les métacognitions
négatives (« si je m’inquiète trop, je pourrais devenir fou, malade »). La
thérapie métacognitive incorpore des techniques basées sur la médita-
tion de pleine conscience tels l’entraînement de l’attention afin de
favoriser l’observation des pensées et un contrôle flexible de l’attention.
La pratique de l’entraînement de l’attention permet de diminuer les
processus cognitifs dysfonctionnels par l’écoute active et le focus de
l’attention sur des sons simultanés présentés à différentes intensités et

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54  Santé mentale au Québec, 2013, XXXVIII, no 2

localisations spatiales. Il vise également la modification des métacogni-


tions positives (ex. « réfléchir aux causes de la dépression va me per-
mettre de la prévenir ») et négatives (ex. « je ne peux rien faire face à
mes pensées ») au sujet des ruminations. Elle a été étudiée pour le
traitement de l’anxiété généralisée et la dépression (Wells et al., 2009 ;
2010 ; 2012). Hofmann et Asmundson (2008) notent que Wells ne
considère pas que la thérapie métacognitive fait partie des TCC de la
troisième vague. Il considère plutôt qu’il s’agit d’une TCC qui cible le
contenu métacognitif ainsi que d’autres processus cognitifs.

La thérapie cognitive basée sur la pleine conscience (TCBPC)


La TCBPC (Segal, Williams et Teasdale, 2002) est une approche inté-
grative combinant une approche visant une réduction du stress par la
pleine conscience dans un milieu médical (la MBSR, mindfulness
based stress reduction de Jon Kabat Zinn, 1982 ; 1990) et la thérapie
cognitivo-comportementale de la dépression (Beck, Rush, Shaw et
Emery, 1976). Cette thérapie vise à diminuer les rechutes dépressives
chez les patients actuellement en rémission d’un épisode dépressif
majeur. Elle se base sur la théorie des sous-systèmes connectés et
interactifs (Teasdale et Barnard, 1993 ; Teasdale, 1999), qui explique,
entre autres, que chez les patients déprimés en rémission, la dysphorie
réactive des schémas de pensée similaires à ceux présents dans la
dépression aiguë et que ces schémas maintiennent et intensifient l’état
dysphorique via des cycles auto-perpétuants ruminatifs cognitivo-
affectifs. La méditation pleine conscience permet de passer du style
ruminatif analytique au style expérientiel (observation directe de la
réalité par les modalités sensorielles). Elle permet de développer l’in-
sight métacognitif suivant : les pensées ne sont que des pensées, elles
ne sont pas forcément un reflet de la réalité. On n’atteint pas cet insight
par la réévaluation cognitive mais par l’observation des pensées dans
l’esprit de la pleine conscience (de façon intentionnelle, au moment
présent, sans porter de jugement), car l’objectif n’est pas de changer les
pensées dysfonctionnelles mais de changer la relation de l’individu
relativement à ses pensées. Des études cliniques aléatoires (revue par
Irving et Segal, 2013) démontrent qu’elle diminue de moitié le risque
de rechutes pour la dépression récurrente lorsqu’il y a eu plus de trois
épisodes à vie.

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Les thérapies basées sur l’acceptation et la pleine conscience  55

La thérapie dialectique comportementale (TDC)


La TDC a été développée pour traiter les patientes souffrant de troubles
de personnalité qui sont chroniquement suicidaires ou qui présentent
des comportements d’automutilation (Linehan, 1993). Des modifica-
tions ont été proposées pour la toxicomanie et les troubles alimen-
taires. La pathologie résulte de l’interaction entre la vulnérabilité
émotionnelle de l’individu et un environnement invalidant qui favorise
l’émergence de comportements dysfonctionnels. La TDC favorise
l’acceptation de soi-même, de son passé, de la situation présente tout
en travaillant à changer son comportement et son environnement afin
de construire une vie qui vaut la peine d’être vécue. La dialectique
entre l’acceptation et le changement dans un contexte d’acceptation et
de validation est explorée tout en développant des nouvelles aptitudes
pour modifier la régulation émotionnelle. Les groupes d’enseignement
des compétences comportent quatre modules : les aptitudes de pleine
conscience ; l’efficacité interpersonnelle ; la régulation des émotions ; et
la tolérance à la détresse. Hofmann et Asmundson (2008) notent que
Linehan ne considère pas que la DBT fait partie de la troisième vague
en TCC mais qu’elle est plutôt une forme de TCC qui inclut des stra-
tégies d’acceptation. Des études cliniques aléatoires démontrent qu’elle
diminue le comportement parasuicidaire (pour une revue, voir Kliem,
Kröger et Kossfelder, 2010).

La thérapie comportementale de couple intégrative (TCCI)


La TCCI (Jacobson et Christensen, 1998) est une thérapie contextuelle
qui se base sur la distinction effectuée par Skinner entre les compor-
tements modelés par les contingences et ceux qui sont dominés par les
règles. Elle vise un équilibre entre l’acceptation et le changement. Le
thérapeute favorise l’acceptation émotionnelle en établissant un climat
d’empathie qui permet de résoudre le problème (par exemple, en aidant
les partenaires à mieux comprendre leur histoire comportementale, en
attirant l’attention du partenaire blâmant sur ce qui peut susciter une
empathie), en aidant les partenaires à prendre une distance relativement
aux problèmes, à mieux tolérer les actions désagréables du conjoint et
à être en mesure de prendre soin de soi devant les actions désagréables
du conjoint (Boisvert et Beaudry, 2010). Il en résulte une réorganisation
des comportements en faveur d’un répertoire potentiellement dispo-
nible qui va bloquer les comportements problématiques ou interférer
avec eux (par exemple, tenter de changer l’autre par des comporte-
ments aversifs tels que les menaces).

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56  Santé mentale au Québec, 2013, XXXVIII, no 2

L’entraînement à l’auto-compassion
Les principes clés de l’entraînement à l’auto-compassion (Gilbert,
2005 ; Gilbert, 2009) sont de motiver l’individu afin qu’il soit apte à
prendre soin de lui-même, à être sensible à ses propres besoins et sa
détresse, à être chaleureux et compréhensif envers lui-même (Gilbert,
2009). En développant cette façon d’être, l’individu peut générer des
comportements prosociaux que l’environnement peut récompenser et
qui promeut l’engagement social (Allen et Knight, 2005). À l’intérieur
de la relation thérapeutique, le thérapeute encourage le patient à choisir
des actions auto-apaisantes avec des techniques TCC, la méditation de
la compassion et l’imagerie.

Conclusion
La troisième vague de psychothérapies comportementales est un
domaine important du développement de la psychothérapie moderne.
La TCC, bien que reconnue efficace, ne l’est pas pour tous (Herbert et
Forman, 2013). Les approches basées sur l’acceptation et la pleine
conscience ont ajouté des méthodes (Leahy, 2003) à la gamme de
traitements soutenus empiriquement pour les troubles mentaux, ce qui
peut contribuer à en augmenter l’efficacité (par exemple, Kocovski,
Fleming et Rector, 2009). Elles sont reconnues efficaces pour de nou-
velles indications (par exemple, les troubles de la personnalité limite,
la dépression chronique, la douleur chronique). Elles enseignent de
nouvelles façons de déployer l’attention et d’entrer en relation avec
l’expérience (décentration, défusion) afin de diminuer la réactivité
cognitive, source de maintien des symptômes, facteur de rechute et
afin d’augmenter la flexibilité psychologique (Rector, 2013). Le focus
sur les processus cognitifs, les métacognitions en plus du contenu
cognitif peuvent améliorer l’efficacité des interventions. Notons par
exemple que selon une étude (Deacon, Fawzy, Lickei et Wolitzky-Taylor,
2011), la défusion et la restructuration cognitive amélioraient de façon
aussi efficace l’image corporelle chez des étudiants mais que la défusion
agissait plus rapidement que la restructuration cognitive et avait des
effets plus durables. Comment combiner les deux approches afin
d’augmenter l’efficacité de nos interventions ? Herbert et Forman (2011)
proposent, par exemple, d’effectuer une restructuration cognitive en
début de thérapie afin d’établir que la pensée est biaisée puis d’encou-
rager le patient à accepter la présence des expériences internes tout en

Sante mentale au Q.38.2.corr 2.indd 56 14-03-17 11:39 AM


Les thérapies basées sur l’acceptation et la pleine conscience  57

continuant à s’exposer aux stimuli anxiogènes plutôt que de continuer


à effectuer une restructuration cognitive. Il existe donc une complé-
mentarité possible entre les deux approches. Elles ciblent, selon cer-
tains auteurs, des processus distincts. Ainsi, selon Forman, Herbert,
Moitra, Yeomans et Geller (2007), les résultats obtenus en TCC tradi-
tionnelle semblent être attribuables à la capacité d’observer et de
décrire les expériences alors que ceux obtenus dans l’ACT seraient dus
à la diminution de l’évitement expérientiel, à la capacité d’agir de façon
consciente et à l’acceptation.
En effet, plusieurs approches de la troisième vague se basent sur le
behaviorisme radical. Elles permettent de dissocier l’expérience sub-
jective du comportement ouvert, d’éviter l’attachement excessif à
l’histoire personnelle (Herbert et Forman, 2011). L’identification des
valeurs et l’établissement de buts en lien avec les valeurs peuvent servir
de facteurs de motivation (Arch et Craske, 2008) et amener le patient
à adopter les comportements requis pour améliorer sa qualité de vie
sans attendre la rémission des symptômes pour lesquels il se présente
initialement.
Finalement, l’équilibre entre les stratégies de changement et d’ac-
ceptation de leur état peut aussi permettre aux patients aux prises avec
des pathologies chroniques de mieux composer avec leur condition
(Dobson, 2013). Donc, même si en comparaison de la TCC classique,
il existe moins de preuves et d’évidences scientifiques de leur efficacité,
les approches basées sur la pleine conscience et l’acceptation sont
prometteuses, permettraient d’éclaircir les processus de changement
et offriraient des stratégies complémentaires afin d’aider les patients.

RÉFÉRENCES
Allen, B. A. et Knight, W. E. J. (2005). Mindfulness, compassion for self and
compassion for others : implications for understanding the psychopathology
and treatment of depression. Dans P. Gilbert (dir.), Compassion : Conceptuali­
sations, Research and Use in Psychotherapy. Hove, UK : Routledge.
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