Histoire - Memoria PDF
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AMMAR KHELIFA
amar.khelifa@eldjazaircom.dz
amar.khelifa@eldjazaircom.dz
N° 13
Mai- 2013
P.06 P.39
Fondateur Président du Groupe
AMMAR KHELIFA
Président d’honneur
Abdelmalek SAHRAOUI
Coordination :
Abla BOUTEMEN
Sonia BELKADI
Direction de la rédaction
Assem MADJID
D.A.F :
Meriem KHELIFA
générales (AN-MALG)
P.06 Histoire
Les massacres du 8 mai 1945 : Un crime contre l’humanité
P.45
P.39 Portrait
Contacts : Eurl COMESTA MEDIA Belkacem Zeddour : LE PREMIER ETUDIANT ALGERIEN MARTYR P.49
N° 181 Bois des Cars 3
Dely-Ibrahim - Alger - Algérie
Tél. : 00 213 (0) 661 929 726 / +213 (21) 360 915
P.45 Mouloud Belaouane : une figure marquante du mouvement
Fax : +213 (21) 360 899
E-mail : redaction@memoria.dz P.49 Mohamed-Rachid Amara : Mourir à 22 ans pour un idéal de
info@memoria.dz liberté
Supplément du magazine
ELDJAZAIR.COM
consacré à l’histoire
COPYRIGHT
COMESTA MÉDIA
GROUPE PROMO INVEST
Edité par COMESTA MÉDIA
Dépôt légal : 235-2008
ISSN : 1112-8860
SOMMAIRE
P.33 P.53
GUERRE DE LIBERATION
P.57
P.53 Histoire
13 mai 1958
Quand le centre du pouvoir se déplace à Alger
P.61 Portrait
Pierre Lagaillarde : un ultra parmi les ultras DE GAULLE
P.99
P.103 Sidi Bel Abbès : le « Petit Paris » des colons
Un crime
contre l’humanité
L
es manifestations de mai 1945 l’indépendance. Ayant prévu la révolte, l’administra-
avaient pour but de montrer l’in- tion coloniale avait pris ses précautions depuis plus
fluence du mouvement nationaliste d’une année et les plans de répression étaient prêts.
sur les populations algériennes et de Le gouvernement de la France Libre du général de
prouver l’adhésion de ces dernières à Gaulle avait bien tenté, mais en vain, de désamorcer la
l’idée d’indépendance qui avait beau- revendication nationale en promulguant l’ordonnance
coup progressé dans les années 1940. Elles eurent lieu de mars 1944 où pour la première fois des Algériens
à l’initiative d’un regroupement unitaire, les Amis du (une extrême minorité était concernée) pouvaient être
Manifeste pour la Liberté (AML) qui réunissait les citoyens français sans être obligés de renoncer à leur
nationalistes du PPA, les représentants statut de musulman.
des élus modérés et les partisans Les manifestations furent à
des oulémas, regroupés l’origine pacifiques, comme
autour d’une revendi- le reconnut plus tard le
cation commune : le ministre de l’Intérieur
rejet de l’assimila- de l’époque. L’inter-
tion et la reven- vention violente des
dication d’une forces de l’ordre
république dans certaines
algérienne villes déclencha
largement des émeutes qui
autonome, furent vite maî-
gérée par des trisées.
i nst it ut ions Ce fut le pré-
texte qu’atten-
démocra-
daient l’adminis-
tiques élues
tration coloniale
au suffrage
et les milices
universel. Elles
européennes
eurent lieu dans
pour déclencher la
un contexte inter-
répression terrible qui
national largement était préparée ; il fallait
favorable qui annonçait enlever aux populations
la fin proche des empires algériennes l’idée même de la
coloniaux. Au sein du peuple révolte.
algérien, le rejet de l’assimilation La direction du PPA, soumise à la
avait gagné les couches les plus larges de la forte pression des populations victimes des mas-
population. Pour la première fois, le mouvement na- sacres auxquelles elle voulait venir en aide, certaine-
tional populaire, exprimant les aspirations des couches ment grisée par l’exaspération populaire, surestima
pauvres des campagnes et des villes devenait prépon- ses forces et dans une grande improvisation lança un
dérant dans la lutte politique et avait attiré de plus en ordre d’insurrection, très inégalement suivi sur lequel
plus les couches moyennes et des lettrés. elle fut obligée de revenir quelques jours plus tard.
Devant le succès des premières manifestations, Mai 1945 annonça la guerre de libération nationale,
la direction du PPA décida d’élargir la mobilisation il en fut même une première phase. Les populations
populaire en mettant en avant la revendication de algériennes avaient montré, souvent avec violence, leur
Bouzid Saâl,
le premier martyr
des événements
Par Hassina Amrouni
8 Mai 1945
Portrait
D
ans le cadre de la célébration de
la fin des hostilités et de la vic-
toire des alliés sur les forces de
l’Axe, les partis nationalistes al-
gériens, profitant de l’audience
donnée à cette journée, déci-
dent d’organiser des manifestations pacifiques afin de
rappeler leurs revendications patriotiques.
Dès le matin à 10 heures, les Sétifis sortent dans les
rues, s’ébranlant de la mosquée de la gare en enton-
nant «Min djibalina » et en brandissant des pancartes
sur lesquelles sont inscrits des slogans hostiles au pou-
voir colonial tels que «A bas le colonialisme», «Vive
l’Algérie libre et indépendante», «Libérez Messali»…
Le chef d’une patrouille des scouts musulmans, un
certain Aïssa Cheraga défile en tête avec le drapeau
algérien. Il a été choisi pour précéder la marche en
raison de sa grande taille.
Les manifestants arrivent à proximité du café de
France, situé au bas d’un hôtel du même nom. Là,
quatre policiers en faction guettent le moindre geste
ou faux pas. Des Français, attablés à la terrasse du
café, visiblement irrités par la vue du drapeau algérien
et des inscriptions sur les pancartes, se ruent sur les
manifestants. Le commissaire Olivieri tente de s’em-
parer du drapeau, mais il sera jeté à terre. Assistant à
la scène, des Européens, qui se trouvaient en marge de
la manifestation, se précipitent sur la foule. C’est alors
que, dans le souci de préserver l’emblème national,
Bouzid Saâl s’en empare et se met à courir avec, mais
il sera freiné dans son élan par un policier qui lui tire
dessus, le tuant sur le coup. Il devient ainsi, à 26 ans, le
premier algérien à mourir en martyr en ce 8 mai 1945.
L
Messali Hadj
es douloureux
événements de
mai 1945 sont
d’une impor-
tance considé-
rable dans la
maturation du mouvement natio-
nal, sa consolidation et l’accéléra-
tion de sa marche vers la remise
en cause violente du système colo-
nial.
Au moment où ils eurent lieu, à
la fin de la Seconde Guerre mon-
diale, le mouvement national avait
réalisé de grandes avancées qui
s’avèreront décisives. Sa com-
posante populaire était devenue clameront la fin des mesures L’émergence d’un mou-
la force dominante. Le courant d’exception et l’égalité des droits vement populaire radical
qu’on a considéré comme modéré, entre tous les habitants de l’Algé- En décembre 1924, l’Union
représenté par des élus demandant
rie. L’Emir Khaled qui lutte pour intercoloniale, créée en 1922 par
une évolution graduelle des droits l’Internationale communiste pour
légalité et refuse la naturalisation
des Algériens, avait évolué en ne regrouper les travailleurs émigrés
est exilé en 1923. Il s’est distingué
réclamant plus l’assimilation à la en France, envoie un message aux
France. D’une manière générale, en cela du mouvement dit « Jeune
Algérien » qui exposait dès 1912 Marocains du Rif en clamant : «
la population algérienne, dans Vive l’indépendance des peuples
sa quasi-totalité, avait acquis une un certain nombre de revendica-
colonisés ». C’est au sein de l’émi-
conscience nationale qui faisait tions en échange de l’enrôlement
gration algérienne que s’exprime
qu’elle ne voyait plus son deve- des Algériens dans l’armée fran- une nette revendication d’indépen-
nir dans l’Etat français. Le senti- çaise. Une première revendication dance par la création en 1926 de
ment d’appartenance à une com- indépendantiste est formulée par l’Etoile Nord-Africaine dont le se-
munauté distincte par sa culture, un « comité algéro tunisien » qui crétaire général Messali Hadj pré-
ses traditions et son histoire avait adresse au congrès de Versailles sente au congrès international de
grandement évolué. La volonté de en janvier 1919 un mémoire ré- Bruxelles en février 1927 les « re-
rupture était très forte. Les dif- clamant l’indépendance des deux vendications algériennes » à la tête
férents courants politiques, dans desquelles il met l’indépendance.
peuples. Animé par les Tunisiens
leur quasi-totalité, avaient évolué En Algérie, les notables, qui
Ali et Mohammed Bach Hamba,
vers une démarche unitaire et des s’étaient distingués de l’Emir Kha-
il comprenait des notables et des
rapprochements entre militants led en réclamant l’assimilation,
s’étaient opérés dans l’action mili- oulamas tunisiens de la Zaytouna
constituent le 18 juin 1927 une «
tante sur le terrain. parmi lesquels Salah Chérif et Fédération des élus des musulmans
C’est avec la Première Guerre Mohamed El Khedir et des per- d’Algérie » qui réclame une éga-
mondiale qu’apparurent les pre- sonnalités algériennes telles que lité des droits pour les Algériens.
miers courants politiques algé- Mohamed Méziane, Mohamed La délégation envoyée auprès des
riens. Leurs représentants ré- Biraz et Hamdane Ben Ali. autorités françaises en juin essuie
tant une fédération avec la France. pour le recours à des solutions vio- rie est encadrée par une stratégie
Cela traduisait les transformations lentes. internationale qui soumet l’action
économiques, sociales et poli- Les communistes sont restés de tout mouvement communiste
tiques qu’avait connues l’Algérie isolés du regroupement de 1944. aux nécessités de la défense et de
depuis les années 1930. La paupé- Malgré le changement doctrinal l’extension de l’Union soviétique.
risation des campagnes, l’exode ru- qui les mena à considérer la reven- En 1944, il cherche à s’affirmer
ral vers les grandes villes, l’éveil de dication des Algériens comme comme le leader des luttes popu-
la conscience nationale, l’appui des spécifique, ils évacuèrent la ques- laires, le véritable représentant
masses à la revendication natio- tion nationale. En fait, la position des couches opprimées, ce que lui
naliste réduisaient l’influence des du parti communiste a été dictée contestait le PPA.
courants modérés. Les militants par des conditions extérieures : la Les socialistes non plus, ne re-
du mouvement national prenaient lutte contre les nazis, les alliances connaissaient pas l’existence d’une
conscience de leur force. Ils mon- avec la résistance gaulliste, les exi- idée nationale et cherchaient à
traient une détermination toujours gences de la coexistence soviétique contrer l’influence du mouvement
plus puissante et une impatience avec les alliés. Sa lutte en Algé- national par une extension des
Du valeureux
combattant
à l’homme politique
A
li Kafi est né le 17 octobre 1928 Premiers pas dans le militantisme
à M’souna, près d’El Harrouch, En 1950, il rejoint Tunis pour s’inscrire à l’Univer-
dans la wilaya de Skikda, au sité Zitouna. C’est là qu’il fera la connaissance de na-
sein d’une famille membre de tionalistes tunisiens avec lesquels il se liera d’amitié et
la confrérie musulmane Rah- participera à plusieurs actions de militantisme, suite
maniya. Il fera ses débuts dans auxquelles, deux années plus tard, il sera expulsé de
l’enseignement par l’apprentissage du Coran. C’est Tunisie et retournera à Skikda où il est condamné à
son propre père, cheikh El Hocine, qui lui dispense 6 mois de prison pour activités nationalistes consé-
des cours sur les préceptes de l’Islam. En 1946, alors cutivement à un jugement datant de 1950. Une fois
âgé de 18 ans, il intègre une école coranique de re- libéré, et après une période d’inactivité forcée, Ali
nom à Constantine, l’Institut Kettenia, où il étudiera Kafi reprendra le chemin du militantisme politique et
jusqu’en 1949. Les événements du 8 mai 1945 à Sétif, sera désigné pour occuper le poste d’enseignant dans
Kherrata et Guelma, encore vivaces dans son esprit, une école affiliée au Mouvement pour le triomphe
le marquent à jamais et c’est à cette époque qu’il ad- des libertés démocratiques (MTLD). Repéré par les
hère aux idées politiques du Parti du peuple algérien stratèges du Front de libération nationale (FLN), il
(PPA), au sein duquel il militera avec abnégation en est contacté par Mourad Didouche, alors responsable
compagnie d’autres étudiants avec lesquels il affûtera de la Zone II, qui lui propose de rejoindre les rangs
ses armes de militant nationaliste. Il gravira un à un de l’Armée de libération nationale (ALN). C’est alors
les échelons de la responsabilité au sein du PPA à l’est qu’il rallie les maquis du Nord-Constantinois, au sein
du pays et sera tour à tour responsable de cellule puis de la Zone 2, devenue Wilaya II après le Congrès de
de groupe. la Soummam.
Figure emblématique de la Wilaya II semble, ils mettront en place une stratégie pour l’orga-
Après la mort de Mourad Didouche, Ali Kafi de- nisation d’actions armées contre les forces françaises
viendra l’un des principaux adjoints de Youcef Zi- et la structuration des instances du Gouvernement
ghoud, désigné chef de la Zone 2. Sous ses ordres, provisoire de la République algérienne (GPRA) et du
Ali Kafi participe à l’offensive du 20 août 1955 dans Conseil national de la révolution algérienne (CNRA).
le Nord-Constantinois et entre de plain-pied dans C’est à Tunis qu’il s’installera jusqu’à l’indépendance
la lutte armée contre l’occupant français. En août de l’Algérie, le 5 juillet 1962
1956, il fait partie de la délégation de la Zone 2 qui a
participé au Congrès de la Soummam, aux côtés de Parcours politique
Youcef Zighoud, Mostefa Benaouda et Lakhdar Ben- Au cours de la crise politique née au lendemain de
tobbal ; congrès qui devait mettre en place les struc- l’indépendance, Ali Kafi se rallie aux idées du GPRA.
tures de la Révolution algérienne. Après le Congrès En 1963, il est nommé ambassadeur d’Algérie à Bey-
de la Soummam, il sera nommé colonel puis prendra, routh (Liban) jusqu’en 1966, puis à Damas (Syrie)
après la mort de Youcef Zighoud en septembre 1957, de 1966 à 1975, année au cours de laquelle il sera en
le commandement de la Wilaya II qu’il dirigera de poste à Tunis, assurant en parallèle les fonctions de
1957 à 1959. C’est au cours de cette même année que représentant de l’Algérie auprès de la Ligue arabe, qui
Ali Kafi, en compagnie des principaux responsables avait alors son siège dans la capitale tunisienne, puis
militaires de l’ALN, en l’occurrence Bentobbal, Bous- consécutivement ambassadeur au Caire (Egypte), à
souf, Boumediene, Mohammedi Saïd, Hadj Lakhdar, Baghdad (Irak) et, enfin, à Rome (Italie). Après avoir
Yazourène, Dehiles et Lotfi, rejoint Tunis où, en- accompli ses missions dans la diplomatie, il rentre au
Le Président Abdelaziz Bouteflika entouré des Présidents défunts Ali Kafi, Ahmed Ben Bella et Chadli Bendjedid
pays en 1990 et occupera le poste de Mohamed Boudiaf, Ali Kafi est politique algérienne. En 2002, il
de secrétaire général de l’Organi- désigné, le 2 juillet 1992, président publie un livre* aux connotations
sation nationale des moudjahidine du HCE. Le 30 juin 1994, il sera très polémistes à propos des révé-
(ONM). Au mois de janvier 1992, le premier chef d’Etat algérien à lations qu’il contient, notamment
après l’arrêt du processus électo- remettre ses pouvoirs au nouveau concernant des acteurs célèbres de
ral des législatives et la démission président élu, Liamine Zeroual. la guerre de libération nationale et
du Président Chadli Bendjedid, sa De 1994 à 1996, Ali Kafi reprend certaines zones d’ombre de la Ré-
carrière politique prend une autre la direction de l’Organisation na- volution algérienne. Cet ouvrage
tournure avec sa nomination en tionale des moudjahidine avant lui vaudra d’être critiqué avec viru-
qualité de membre à part entière de se consacrer à l’écriture de ses lence du fait des révélations jugées
du Haut Comité d’Etat (HCE), mémoires. C’est ainsi que prend fin offensantes, entre autres sur Abane
un comité collégial composé de le parcours politique de celui qui, Ramdane. Ali Kafi est décédé le 16
Mohamed Boudiaf (président), du militantisme pour la cause algé- avril 2013 des suites d’une longue
Khaled Nezzar (membre), Ali rienne à la gestion des affaires de maladie. Il était âgé de 85 ans.
Haroun (membre) et Tidjani Hed- l’Etat en passant par un parcours
dam (membre), chargé de gérer la militaire des plus significatifs au Abderachid Mefti
situation de transition en attendant sein de la Wilaya II historique, a *Ali Kafi, Du militant politique au dirigeant
l’organisation d’élections générales. marqué de son empreinte la guerre militaire, Mémoires 1946-1962, Casbah Editions,
Après l’assassinat, le 29 juin 1992, de libération nationale et la scène 2002, 416 p.
Entre sacrifice
suprême et militantisme
politique
L
’Algérie indépendante a de quoi Rachid Amara, l’un des premiers militants étu-
se réjouir de ce que les étudiants diants du FLN à Alger, mort au combat dans la
martyrs et ceux toujours en vie Wilaya IV, en compagnie d’un autre militant étu-
ont accompli en sa faveur dans diant de la première heure, Mohamed Lounis.
le but de recouvrer sa légitimité Allaoua Benbatouche, pionnier du mouvement
et son autodétermination. Tout étudiant, vice-président de l’AEMAN et membre
autant que les étudiants algériens d’aujourd’hui, qui du comité directeur de l’UGEMA. Après avoir re-
peuvent être fiers de l’œuvre de l’Ugema et de ses joint l’ALN en 1957, il fut affecté dans la Wilaya II,
membres. où il fut promu au grade de commandant. Parti en
Qu’ils soient universitaires, lycéens ou collégiens, mission à Tunis, il périt sur le barrage électrifié de
hommes ou femmes, leurs noms s’inscrivent en l’Est, au moment où il réintégrait l’intérieur de sa
lettres de sang sur le livre d’histoire de la lutte de Wilaya.
libération nationale. Mohamed-Larbi Madhi, originaire de Souk-Ahras
Le premier étudiant à mourir sous la torture fut et l’un des premiers étudiants membres actifs du
Belkacem Zeddour, dont le nom a été cité dans FLN en France, arrêté et interné dans un camp en
l’Appel à la grève du 19 mai 1956. Son cadavre a été Algérie. II fut enlevé par la police française puis
retrouvé à l’embouchure du Hamiz, ficelé dans un disparut sans que le lieu de son inhumation soit
sac en toile de jute. Il a été enterré dans une fosse connu. II fut l’un des promoteurs les plus engagés
commune à Bordj El Kiffan. de l’Ugema.
Mohamed Taouti, natif de Laghouat, plus connu Brahim Tirichine, originaire de Ghardaïa, membre
sous le nom de Si Chabane, commandant à la Wilaya actif de l’AEMAN et de l’Ugema à Alger ; il dispa-
V, mort au combat. rut au cours d’opérations opposant l’ALN à l’armée
Abdelhamid Lamrani, l’un des proches collabora- française dans la Wilaya IV.
teurs de Mostefa Ben Boulaïd, perdit la vie à la suite Hassiba Benbouali, lycéenne d’Alger, perdit la vie
de l’explosion de la bombe qui emporta l’organisa- héroïquement lors du dynamitage par les parachu-
teur des opérations du 1er novembre 1954. tistes français de la cache des fidaïs de la Zone auto-
Mekki Hihi, pionnier de l’Association de la jeunesse nome d’Alger.
estudiantine musulmane (AJEM) de Constantine et Abderrahmane Taleb, le chimiste de l’ALN, perdit
l’un des cadres les plus en vue de la Wilaya I, mort au la vie sous le couperet de la guillotine.
cours d’un accrochage avec l’armée ennemie. Les frères Belhocine, tombés dans la Wilaya III.
Abdelkader Belarbi, originaire de la région de Mamoun Mekkioui, de Mascara, moudjahid de la
Mostaganem, membre dirigeant de l’AEMAN et du Wilaya V, connu sous le nom de Si Abderrahmane,
Comité directeur de l’Ugema. De retour de Paris où autre pionnier du mouvement estudiantin, mourut
il poursuivait ses études tout en assumant des res- au cours d’un combat contre l’armée ennemie.
ponsabilités au sein de l’Ugema, il avait rejoint l’ALN Ahmed Inal, alors étudiant à Paris, décida de
dans la Wilaya V, puis la Wilaya IV où il devint un prendre part à la lutte de libération, puis perdit la
proche collaborateur du colonel Si M’hamed ; il vie au combat.
mourut en martyr au cours d’une bataille opposant Akli Aissiou, étudiant en médecine à Bruxelles,
l’ALN à l’armée française. membre de l’Ugema et militant du FLN, assassiné
LE PREMIER ETUDIANT
ALGERIEN MARTYR
C
’est dans le traditionnelles au quartier M’dina
quartier Saint Jdida. Au cours de ses premiers pas
Antoine à Oran, dans l’action politique, son magasin
au numéro servira de lieu d’activités secrètes
5 de la rue pour le compte du Parti du peuple
Cambronne, algérien (PPA), contraint alors à la
que voit le jour Mohamed Brahim clandestinité et auquel Kacem avait
Belkacem Zeddour (appelons-le par adhéré très jeune. C’est à l’intérieur
son pseudo, Kacem), le 2 février de ce magasin que se réunissent
1923. Il est membre d’une fratrie de régulièrement les militants du parti,
six enfants, dont deux frères et trois dont Hamou Boutlélis, chargé, avec
sœurs. Son père, cheikh Tayeb Al Abdelkader Maâchou (1931-2012),
Mahaji, est originaire d’El Gaâda, d’imprimer des tracts. En 1945, des
un village situé à 39 km au sud-est de archives du PPA sont découvertes
la ville d’Oran. Entre 1940 et 1952, d’études primaires à l’école publique par les services secrets français
la famille s’installe rue de Wagram, Pasteur, située à M’dina Jdida, non chez un militant. Ce qui déclenche
sur les hauteurs du quartier El Agba. sans cesser de suivre, jusqu’à l’âge une vague d’arrestations à travers
Dès sa jeune enfance, Kacem prend de 22 ans, les cours d’apprentissage toute la région de l’Ouest algérien.
le chemin de l’école où enseignait du Coran inculqués par son père. Kacem, qui a préparé l’organisation
son père les préceptes du Coran. Une fois ses études coraniques des manifestations du 8 mai, est
En 1937, il obtient, alors qu’il est terminées, il se lance dans arrêté dans son magasin au mois
âgé de quatorze ans, son certificat le commerce de couvertures d’avril de la même année, puis
cette marche avec deux slogans d’actualité et aux et rencontre des militants qu’il met au courant du
significations nobles. déclenchement imminent de la lutte armée.
Le 14 mars 1952, Kacem publie un article sur la Dans la semaine qui suit le 1er novembre 1954, il est
visite du ministre pakistanais des Affaires étrangères arrêté par la police française. Voulant avoir des nouvelles
Dhafrallah Khan au Caire après s’être rendu à Ankara, de son fils, son père se rend au siège de la DST où on lui
Damas et Beyrouth. Dhafrallah Khan était favorable répond qu’il a été transféré sur Alger. Après s’être rendu
à la création d’une alliance militaire au Moyen- dans la capitale, les autorités militaires et policières lui
Orient englobant, outre les pays arabes, le Pakistan, rétorquent qu’il a été emmené à Oran et qu’en cours de
l’Afghanistan, l’Iran et la Turquie. C’est Kacem qui route il s’est évadé. Le 30 novembre 1954, 23 jours après
servit d’interprète aux deux parties grâce à sa maîtrise l’arrestation de Belkacem Zeddour, l’Echo d’Alger
de la langue persane. parle d’une «curieuse découverte : un cadavre nu a été
Au mois de septembre 1952, après quatre années découvert à l’embouchure de l’oued Hamiz. Le corps se
passées en Egypte, il retourne définitivement en trouvait dans un sac de jute de fabrication française. Il
Algérie. Il reprend ses activités militantes dès 1954 a séjourné environ un mois dans l’eau...».
M
ouloud Belaouane est dési- notre frère aîné le docteur Benzerdjeb, après la tra-
gné président du Comité gique fin de notre jeune frère Brahimi du collège de
exécutif de la commission Bougie, brûlé vif dans sa mechta incendiée par l’armée
permanente chargée de pré- française pendant les vacances de Pâques, après l’exé-
parer le congrès constitu- cution sommaire dans un groupe d’otages de notre
tif, puis secrétaire général éminent écrivain Réda Houhou, secrétaire de l’institut
du premier comité exécutif en juillet 1955. Pour cet Ibn Badis de Constantine, après les odieuses tortures
étudiant en médecine, né à Collo, le 26 juillet 1928, qu’on a fait subir aux docteurs Haddam de Constan-
la mission qui lui est assignée revêt toute son impor- tine, Baba Ahmed et Tobbal de Tlemcen, après l’arres-
tance. La révolution vient de se déclencher et le rôle tation de nos camarades,
que doit jouer cette organisation estudiantine n’est Amara, Lounis, Saber et Taouti aujourd’hui arrachés
pas des moindres. Gardant un lien très étroit avec le aux geôles de l’administration française, celle de nos
Front de libération nationale (FLN), l’UGEMA mène camarades Ferrouki et Mahidi, après la déportation de
un combat sans discontinuer pour le recouvrement de notre camarade Mihi, après les campagnes d’intimida-
l’indépendance de l’Algérie. tion contre l’Ugema, voici que la police nous arrache
Mouloud Belaouane est élu président de l’UGEMA, des mains, un matin à la première heure, notre frère
en avril 1956, un mois plus tard, le 19 mai 1956, il Ferhat Hadjadj, étudiant en propédeutique et maître
lance un appel aux étudiants pour le boycott des cours d’internat au lycée de Ben Aknoun, le torture, le sé-
et des examens, dans lequel on lit ceci : « Étudiants questre pendant plus de dix jours (avec la complicité
algériens ! Après l’assassinat de notre frère Zeddour de la justice et de la Haute administration algérienne
Belkacem par la police française, après le meurtre de prévenues de son affaire), jusqu’au jour où nous ap-
prenons, atterrés sous le coup de cadrer ? … les ruines et les mor- de ceux qui luttent et meurent
l’émotion, la nouvelle de son égor- ceaux de cadavres sans doute, ceux libres face à l’ennemi.
gement par la police de Djijelli, de Constantine, de Tébessa, de Nous observons tous la grève
aidée de la milice locale. Philippeville, de Tlemcen et autres immédiate des cours et examens
L’avertissement donné par notre lieux appartenant déjà à l’épopée de et pour une durée illimitée. Il faut
magnifique grève du 20 janvier notre pays. Notre passivité face à la déserter les bancs de l’université
1956 n’aura-t-il servi à rien ? Effec- guerre qu’on mène sous nos yeux pour le maquis. Il faut rejoindre en
tivement, avec un diplôme en plus, nous rend complices des accusa- masse l’Armée de libération natio-
nous ne ferons pas de meilleurs ca- tions ignobles dont notre vaillante nale et son organisme politique
davres ! À quoi donc serviraient ces Armée nationale est l’objet. La le FLN. Étudiants et intellectuels
diplômes qu’on continue à nous of- fausse quiétude dans laquelle nous algériens, pour le monde qui nous
frir pendant que notre peuple lutte sommes installés ne satisfait plus observe, pour la nation qui nous
héroïquement, pendant que nos nos consciences. appelle, pour le destin héroïque de
mères, nos épouses, nos sœurs sont Notre devoir nous appelle à notre pays, serions-nous des rené-
violées, pendant que nos enfants, d’autres tâches plus urgentes, plus gats ? »
nos vieillards tombent sous la mi- coopératives, plus catégoriques, Les universitaires algériens ainsi
traillette, les bombes, le napalm. Et plus glorieuses. que les lycéens rejoignent les ma-
nous « les cadavres de demain », on Notre devoir nous appelle à la quis en masse. Mouloud Belaouane
nous offre d’encadrer quoi ? D’en- souffrance quotidienne aux côtés monte lui aussi au front, servant
Hassina Amrouni
Mourir à
22 ans pour
un idéal de
liberté
L
e chahid Moha- avocats du FLN. C’est en Kabylie que ger, une filière qu’il abandonnera une
med-Rachid Ama- le jeune Rachid débuta ses études. Au année plus tard pour suivre celle de
ra, de son nom de gré des mutations administratives de médecine.
guerre Si Musta- son père, il étudiera à Azazga dans le Ce nationaliste convaincu se lança
pha, est né le 6 primaire, à Bordj Ménaïel dans le se- très jeune dans le militantisme poli-
décembre 1934 à condaire, à la Médersa d’Alger, au ly- tique et fut président de l’Associa-
Oued Zenati, dans la wilaya de Guel- cée franco-musulman de Ben Aknoun tion des jeunes musulmans algériens
ma, de parents originaires de Bouad- (celui-ci porte actuellement son nom), (AJMA), aux côtés de Lounis Moha-
nane, dans la daïra de Beni Yenni, en au lycée Bugeaud (actuellement Emir med, Saber Mustapha, Touati, Salah
Haute-Kabylie. Installé à Guelma, Abdelkader), puis à Guelma où son Ben Kabbi, Hafsa Bisker, A. Benhas-
son père, Meziane, fut tour à tour ins- père a été muté. Après avoir obtenu sine et Zoulikha Belkaddour, puis
tituteur, puis interprète et exerça au son baccalauréat (la première partie membre fondateur de l’Union géné-
tribunal de grande instance de la ville. en 1954 et la deuxième en juin 1955), rale des étudiants musulmans algé-
Plus tard, il fera partie du collectif des il s’inscrira à la faculté de lettres d’Al- riens (Ugema). Amara Rachid s’était
De g. à dr. : Abane Ramdane, Bazi Safia, Mesli Fadhila, Belmihoub Meriem et Amara Rachid au maquis dans la Wilaya IV
lié d’amitié avec Ferhat Abbas, premier C’est Mohamed-Seddik Benyahia, qui ont rejoint l’Armée de libération
président du GPRA, et Benyoucef alors membre de l’Ugema et de la nationale (ALN) à la fin du mois de
Benkhedda qui lui avait succédé à ce délégation algérienne qui devait par- mai 1956. Il fut affecté en zone IV,
poste. Il était néanmoins en liaison ticiper à la première conférence afro- dans la région de Béni Misra (Tablat).
constante avec Abane Ramdane. asiatique de Bandoeng (Indonésie) en Il fut accueilli par Si Sadek, (Slimane
Déterminé dans son action à lutter 1955, qui lui confia l’organisation de la Dehiles), alors adjoint d’Ouamrane.
contre le colonialisme, le jeune Rachid grève du 19 mai 1956, dont le slogan Amara Rachid était en compagnie des
s’engagea au sein de l’Union démocra- était «Avec un diplôme en plus, nous moudjahidate Meriem Belmihoub, Sa-
tique du manifeste algérien (UDMA), ne ferons pas de meilleurs cadavres». fia Bazi et Fadhila Mesli, infirmières.
aux côtés de Ferhat Abbas. C’est en Il était un jeune étudiant âgé d’à peine Il prit le nom de guerre de Si Mus-
compagnie de ce dernier et d’Ahmed 22 ans. Mohamed-Seddik Benyahia tapha. Là, avec ses trois camarades
Francis qu’il sera arrêté en novembre et Rachid Amara furent les premières femmes, il fonda un hôpital où il diri-
1955. Détenu durant cinq mois, il sera personnes à se réunir pour procéder gea des cours de secourisme dans une
libéré en mars 1956. A sa sortie de pri- à la préparation de la grève des étu- infirmerie qui eut la particularité de
son, il poursuit sans relâche son mili- diants. Amara Rachid faisait partie du servir aussi d’école pour les cadres
tantisme. contingent d’étudiants et de lycéens politiques, puis de PC de la zone IV.
L’itinéraire du chahid Amara Rachid a été remarquable à Belkacem Krim, Larbi Ben M’hidi, Amar Ouamrane, Saâd
plus d’un titre. Celui-ci a servi en tant qu’agent de liaison Dahleb et Benyoucef Benkhedda, Rachid était apparu aux
entre les responsables politiques du FLN et ceux de yeux de tous comme un homme de convictions et de prin-
l’ALN, une mission qui a fait de lui un homme de grande cipes qui a mis «entre parenthèses» de brillantes études
influence parmi les responsables politiques et militaires. au service d’un idéal qui l’a conduit au sacrifice suprême,
Il était notamment chargé de transporter des armes en à la suite de l’arrestation d’un moussebel en juillet 1956
direction des maquis et des tracts destinés aux Algériens qui, sous la torture, indiqua le lieu où se trouvait la cache
des villes et villages, en plus d’avoir une activité militaire dans laquelle étaient regroupés les maquisards de la zone
en qualité de combattant. Il fut à l’origine du ralliement IV. Une fois l’endroit repéré, les forces françaises procède-
d’un grand nombre d’étudiants et de lycéens à l’ALN, qui ront à son encerclement un certain vendredi 13, qui sera
jouèrent un rôle non négligeable dans les actions armées suivi d’un accrochage des plus meurtriers au cours duquel
menées contre l’ennemi. le meneur de la grève du 19 mai 1956 livrera son dernier
Le 19 mai 1956, la grève des étudiants et lycéens algé- combat. L’accrochage durera jusqu’au matin du 14 juillet.
riens avait ébranlé l’administration coloniale et leur départ Rachid Amara et plusieurs de ses compagnons tombèrent
massif en direction des maquis l’avait davantage secouée. les armes à la main et d’autres furent arrêtés, dont Meriem
Certains d’entre eux jouèrent un rôle politique et militaire Belmihoub, Safia Bazi. D’après le témoignage du com-
majeur. Des témoins de son action mettront en évidence mandant Azzedine, le corps du défunt a été sectionné en
l’intense engagement dans la mobilisation estudiantine, deux par une rafale de mitraillette. Il avait à peine 21 ans
politique et militaire. et 7 mois.
Ayant côtoyé les plus grands dirigeants de la Révolution, Abderrachid Mefti
dont il était très proche, à l’image de Abderrahmane Taleb,
D
ès le chauffée à blanc contre « les ca- général Massu annonce la créa-
d é b u t pitulards de Paris », réclame un tion d’un « Comité de salut pu-
du prin- pouvoir plus ferme. blic » civil et militaire, composé
t e mps Un jeune avocat, ancien lieute- d’officiers, de militants d’extrême
1958, les nant de parachutistes, Pierre La- droite et de gaullistes, et qui, dans
signes gaillarde, véritable tête de pont de un appel au président de la Répu-
avant-coureurs d’un chambarde- ce qui sera un coup blique, René Coty, exige la mise
ment apparaissaient déjà à Alger, en place à Paris d’un gouverne-
où l’effervescence, qui com- ment de salut public. Tout
mençait à gagner des pans se déroule rapidement,
entiers de la jeunesse donnant l’impres-
et de la popula- sion que tout était
tion européenne, manigancé de
jouera au profit longue date et
des plus radi- que tout était
caux dans fait suivant
l’armée et un scéna-
les orga- rio bien
nisations huilé.
pa ra m i- L e
l it a i res, gouver-
qui sen- neur so-
taient c i a l i st e
d é j à Robert
le dan- Lacoste,
ger de « jugé trop
l’aba ndon modéré
» – abandon par les par-
de l’Algérie tisans de l’Al-
française par le gérie française,
pouvoir de Paris. est vite déposé,
Salan levant les bras
Le 13 mai, à la pour laisser place au
suite d’une grève géné- « comité de salut public
rale, qui a été lancée par ».
des organisations estudiantines Le lendemain, le général Salan
liées aux « ultras », Européens monte au créneau et proclame,
et musulmans sont invités à un d’Etat, enflamme la foule avec dans un discours public, son at-
rassemblement devant « le mo- un discours incendiaire et lance tachement à l’Algérie française,
nument aux morts » Boulevard ses troupes de paras à l’assaut du puis scande un vibrant : « Vive
Laferrière d’Alger, pour protester siège du Gouvernement général, de Gaulle ! », dévoilant ainsi le
contre l’exécution, quelques jours symbole de l’autorité parisienne projet des généraux d’Alger, qui
plus tôt, de trois soldats français en Algérie, pour le saccager. est d’imposer Charles de Gaulle,
par l’ALN en Tunisie. Une foule Quelques heures plus tard, le donc un militaire, au pouvoir, à la
De Gaulle, deux
discours, des non-dits
Par Adel Fathi
Guerre de libération
Histoire
Q
Les généraux auteurs du putsch de 1961
uatre jours après avoir reçu
l’investiture de l’Assem-
blée nationale, le 1er juin
1958, à la suite du coup
d’Etat du 13 mai fomenté
par les généraux d’Alger, le
général de Gaulle entame
son premier voyage offi-
ciel en Algérie, pour tenter de rassurer les Français
là-bas, de la restauration du pouvoir de l’Etat et la
naissance de la Cinquième république. Il prononce
deux discours, le premier à Alger même, le 4 juin,
et le second, deux jours plus tard, dans la ville de
Mostaganem, à l’ouest du pays.
Une grande de foule composée d’une majorité foule enthousiaste qui s’est amassés sous le balcon
d’Européens, mais aussi d’Algériens, est venue en du Gouvernement général. Il enchaînera, sur un
ce 4 juin écouter le général, qui se présente en ras- ton romantique qui ne le quittera pas désormais,
sembleur, et en garant des institutions, de la sou- en disant : « Je sais ce qui s’est passé ici. Je vois
veraineté française et de la « rénovation », tout en ce que vous avez voulu faire. Je vois que la route
chantant le slogan de l’égalité des droits « entre tous que vous avez ouverte en Algérie, c’est celle de la
les habitants de l’Algérie et de la métropole. » Il rénovation et de la fraternité. » Il ramène tout à la
entame son discours avec un retentissant –mais ô notion de fraternité, et pour lui, il suffit donc de
combien énigmatique –, « Je vous ai compris ! », décréter la fraternité entre Algériens et Européens
qui soulève un tonnerre d’applaudissements dans la d’Algérie pour que tout revienne à la normale et
Adel Fathi
De Gaulle à Alger le 4 juin 1958 z
un ultra
parmi les ultras
P
ersonnage-clé du coup d’Etat du Jacques Massu, Pierre Lagaillarde devient membre
13 mai 1958, Pierre Lagaillarde du Comité de salut public d’Alger présidé par le gé-
n’avait pourtant aucune responsa- néral Raoul Salan.
bilité officielle dans la hiérarchie En novembre de la même année, Pierre La-
coloniale de l’époque. Rien, en gaillarde est élu député de la première circonscrip-
fait, ne le prédestinait à jouer un tion d’Alger-Centre. Il continuera, avec les « ultras
rôle de premier rang. Ancien avocat et député (sans », à défendre l’Algérie française, et va s’opposer, dès
étiquette) du département d’Alger, activiste natio- 1960, à l’idée d’autodétermination proposée par le
naliste et partisan de l’Algérie française, il s’est dis- président de Gaulle. Il se trouvera alors, avec Joseph
tingué lors du fameux rassemblement qui a précédé Ortiz, à la tête d’un second soulèvement à Alger, un
le pronunciamiento annoncé quelques heures plus « 13 mai bis », connu sous le nom de la Semaine
tard par le général Salan, en lançant ses « paras » des barricades (24 janvier-1er février 1960). Il est
sur le siège du Gouvernement général, et prépa- soutenu dans son combat par les unités du colonel
rant ainsi le terrain à l’intervention du haut com- Gardes, chef du 5e bureau à Alger et les respon-
mandement de l’armée pour retirer sa confiance au sables d’un parti d’extrême-droite, le Front national
gouvernement en Métropole et appeler de Gaulle français (FNF).
au secours. La démarche a eu un succès fulgurant, Après l’avortement de la tentative, il est arrêté le
puisque quelques jours plus tard le gouvernement 1er février 1960 et incarcéré à la prison de la Santé
de Pierre Pflimlin a annoncé sa démission, ce qui à Paris après que son immunité parlementaire fut
ouvrit la porte grande ouverte au retour du « plus levée. Libéré en 1960, il en profite pour s’exiler à
illustre des Français », comme le qualifia le prési- Madrid où il rejoint le général Raoul Salan et Jean-
dent René Cotty. Jacques Susini. Ensemble, ils fondent l’OAS (Or-
Qui est Pierre Lagaillarde ? Comment a-t-il pu ganisation armée secrète), le 3 décembre 1960. Un
s’affirmer parmi les activistes les plus radicaux de cheminement plutôt naturel pour le jusqu’au-bou-
l’Algérie française ? Né le 15 mai 1931 à Courbe- tiste de sa trempe, qui voyait l’étau se resserrer sur
voie (Hauts-de-Seine), d’une famille venue s’instal- sa cause. Mais encore une fois, ce fut l’échec pour
ler à Alger dès 1936. Après des études de droit à lui et ses acolytes. En mars 1961, il est condamné
l’Université d’Alger, il exerce le métier d’avocat à à dix ans de réclusion criminelle, et en mai il est
la cour de Blida, département d’Alger. Jusqu’à en déchu de son mandat de député. Exilé en Espagne,
1957, il n’était qu’un officier subalterne parachutiste à Alicante sur la côte espagnole, il a été respon-
de réserve. sable de l’économat à la fin 1966 puis surveillant
Au début de 1958, il est propulsé à la tête de l’As- général du Lycée Français d’Alicante (LFA); son
sociation générale des étudiants d’Algérie (AGEA) épouse y a été professeur. À l’époque s’y est établie
et a intégré le groupe des « ultras » de l’Algérie fran- une importante communauté de pieds-noirs exilés,
çaise, le « Comité révolutionnaire » présidé par le à la suite des vagues de rapatriement des Français
colonel Thomazo. Le 13 mai, vêtu de sa tenue de d’Algérie correspondant aux accords de cessez-le-
parachutiste (de réserve), il défonce la grille interdi- feu et à l’imminence de l’indépendance de l’Algérie
sant l’accès au bâtiment du Gouvernement général entre mars et juillet 1962. Amnistié en 1968, Pierre
de l’Algérie au volant d’un camion GMC des para- Lagaillarde rentre en France, reprend son métier
chutistes. Il permet ainsi à l’insurrection populaire d’avocat et tente de tourner définitivement la page,
de gagner le bâtiment du ministre de l’Algérie rési- en se réfugiant dans un mutisme qui en dit long sur
dent, Robert Lacoste alors à Paris, et de le mettre à ses folles aventures. Il est aujourd’hui âgé de 82 ans.
sac. A la suite de la prise temporaire du comman-
dement civil et militaire en Algérie par le général Adel Fathi
A
nnoncé par qui font du retour du général de constitués sur l’ensemble du ter-
le général Gaulle leur principal leitmotiv. ritoire algérien. Ces hommes, qui
Salan, le jour Le 15 mai, le général Massu ouvrent à leurs compatriotes le
même du adresse un message à « la popula- chemin de l’intégration, ont droit,
putsch du tion musulmane », à travers lequel dès à présent, à la reconnaissance
13 mai 1958, il tente de jouer la carte de la fra- de la Patrie. Nous leur deman-
pour tenter d’instaurer le nou- ternité, et dont voici le texte : dons de persévérer dans les comi-
veau pouvoir militaire, surtout « Le Comité de salut public, tés locaux et dans l’action enga-
en Algérie, le Comité de salut constitué à Alger le 13 mai 1958, gée en rassemblant autour d’eux
public a fonctionné comme une a enregistré avec fierté l’émouvant les populations encore indécises
milice politique avec ses comités rassemblement des populations qui, hier encore, s’interrogeaient
locaux qui essaimaient toutes les musulmanes autour des comités sur l’irrésolution de la France.
villes du pays, puis, en Corse, et locaux qui se sont spontanément Qu’ils sachent que la France ne
les abandonnera jamais. Tous en-
semble nous jetterons l’ennemi au
service de l’étranger hors de notre
territoire. Nous construirons une
Algérie libérée de la peur, une
Algérie fraternelle et humaine où
les mots égalité, fraternité et jus-
tice retrouveront tout leur sens.
Nous tous, qui avons pris le com-
bat pour affirmer la permanence
de la France en Algérie, nous en
faisons ici le solennel serment. »
Encadrés par d’anciens com-
battants, des groupes politiques
liés aux militaires ultranationa-
listes, ces comités ont aussi réussi
à enrôler bien des Algériens à
qui des postes de responsabilité
avaient été confiés
Le principal Comité de salut
public, commandé par le géné-
ral Massu, était composé de 45
membres, dont 4 Algériens :
Mohamed Berkani, comptable,
Thaieb Chikh, agriculteur, Mo-
hand Saïd Madani, contremaître,
Saci Mahdi, commandant en re-
traite. Certains d’entre eux ont
même fait preuve de zèle dans
leurs discours antinationalistes.
La mémoire collective retient
Le général Salan
Adel Fethi
L’enfant otage
d’un régiment de
parachutistes
Par Abderrachid Mefti
Guerre de libération
Histoire
Q
u’est-ce qui militaire ! Maxime porte sur son principale interarmes de l’Afrique
a bien pu béret l’insigne des commandos du Nord, alors que l’adoption
pousser l’ar- de l’air : un cercle qui réunit l’aile plénière ne sera effective qu’au
mée fran- et l’étoile, entrant dans la compo- 9 décembre 1959. Il aura pour
çaise à faire sition du personnel navigant de parrain Jean Pandrigue de Mai-
d’un enfant l’armée de l’air et la dague, sym- sonseul, directeur départemen-
musu l ma n bole des actions du commando. tal de l’Habitat à Alger et ardent
algérien, dont les soldats venaient Maxime sera baptisé en oc- défenseur de la cause algérienne,
de raser le village et tué ses pa- tobre 1959 par le père Lepoutre, et pour marraine, son épouse
rents, la mascotte de leur régi- aumônier militaire de la 5e ré- Mireille, qui avaient comme
ment ? Le mystère reste entier... gion aérienne en Algérie. Chose amis Albert Camus, Le Cor-
Aussi, cet enfant qui marche à curieuse, il portera déjà le nom busier, Pablo Picasso, Max-Pol
peine grandira-t-il sur une base de sa mère adoptive, l’assistante Fouchet et le philosophe André
Mandouze. Le 26 mai 1956, il est
arrêté par l’armée française puis
emprisonné pour avoir essayé de
négocier une trêve avec le FLN.
Défendu énergiquement par Al-
bert Camus, il retrouvera rapi-
dement la liberté. En 1962, Jean
de Maisonseul reste en Algérie et
devient conservateur du Musée
national des Beaux Arts d’Alger.
Il entreprendra et réussira des dé-
marches auprès de l’Etat français
pour la restitution à l’Etat algé-
rien de trois cents toiles détenues
par le Musée du Louvre. En 1975,
il quitte l’Algérie pour s’installer
à Cuers, près de Toulon (Var) où
il décède le 3 juin 1999.
Quand Maxime est arrivé à la
base militaire 146 de Réghaïa, il
a passé la première nuit chez le
médecin-chef de la base, le capi-
taine Roger Joseph. C’est lui qui
a rédigé le compte rendu de la
visite médicale de cet enfant ré-
cupéré à Palestro, qui deviendra
la mascotte du GCPA 40/541.
Lors de la visite médicale, le
médecin-chef, le capitaine Roger
Joseph, de la base aérienne 146
de Réghaïa, établit un certificat
Le certificat médical établi par le capitaine Roger Joseph, médecin-chef de la base aérienne 146 de Réghaïa
Abderachid Mefti
D
e tout temps, des enfants ont Du fait de la multiplication de conflits à travers
été entraînés, souvent contre le monde, de plus en plus d’enfants sont exposés
leur gré, dans des conflits aux risques de violence consécutifs à la guerre.
armés et leur présence sur Dans bon nombre de pays, des garçons et des filles
les fronts de guerre demeure sont recrutés dans le but de combattre aussi bien au
un véritable drame que l’Or- sein des forces gouvernementales que des groupes
ganisation des Nations unies n’est jamais arrivée armés incontrôlés. Beaucoup d’entre eux prennent
à endiguer, en dépit des actions de bonne volonté part aux combats et d’autres sont utilisés à des fins
des uns et des autres. De nos jours, le recours à des sexuelles, comme espions, domestiques, porteurs,
enfants dans des conflits armés internes pour sup- éclaireurs. D’autres sont drogués, humiliés, violés
pléer les armées régulières ou des groupes rebelles et utilisés comme démineurs ou poseurs de mines,
non identifiés se fait principalement dans des pays une exploitation qui continue de se faire en toute
d’Afrique. Les causes de ce fléau tirent leur origine impunité et au mépris du droit international.
des affrontements armés internes au cours desquels Plusieurs textes et conventions internationales ont
un nombre incalculable d’armes de guerre prolifère, été ratifiés dans le but de protéger les enfants des
ce qui explique le nombre grandissant d’enfants sol- violations de leurs droits, notamment la Convention
dats. internationale pour les droits de l’enfant (1989), la
En dépit des traités internationaux et des mesures Résolution du Parlement européen sur les enfants
prises en faveur des enfants par les gouvernements soldats (1998), la
des pays en situation de conflit, leur nombre était Charte afri-
estimé, au début des années 2000, à près de caine des
300 000 à travers le monde, dont 120 000 droits
d’entre eux, dont l’âge est compris entre
8 et 17 ans, combattaient en Afrique,
selon le Centre de recherche et
d’action pour la paix (Cerap). Les
lois internationales ont de tout
temps qualifié de crime de
guerre le recrutement d’en-
fants de moins de 15 ans par
les armées régulières ou les
groupes rebelles et en 2002
un protocole à la Conven-
tion sur les droits de l’en-
fant a porté l’âge minimum
d’engagement à 18 ans et la
Charte africaine des droits
et du bien-être de l’enfant
interdit le recrutement de per-
sonnes en dessous de cet âge et
leur utilisation dans des conflits
armés internes ou internationaux.
Il s’agit d’un complément important
à d’autres normes internationales prohi-
bant le recours à des enfants soldats.
non plus oublier les différentes m’ont considéré apte à être enrô-
raisons d’ordre contextuel qui lé avec eux et m’ont donné une
Il ya 53 ans
« gerboise bleue »
explosait dans le ciel
de Reggane
I
l y a cinquante-trois ans, plus exactement nus, au plus fort de la lutte de Libération, mais aussi
le 13 février 1960, la France faisait exploser dans une conjoncture internationale marquée par la
la première bombe atomique «Gerboise course à l’armement nucléaire, induite par la guerre
bleue» à Reggane, dans le Sahara algérien. froide entre les blocs Est et Ouest. En ce temps-là,
Sa puissance était quatre fois supérieure à l’intérêt de la France pour l’arme nucléaire s’est sen-
celle de la bombe d’Hiroshima. De nom siblement accru, surtout après que les USA l’eurent
de code «Gerboise blanche », «Gerboise rouge » et développée en 1945, suivis de l’ex-URSS en 1949 et de
« Gerboise verte », et autres, des essais atmosphériques l’Angleterre en 1952. La France, qui accusait un retard
et souterrains ont suivi jusqu’en 1966. Ils sont interve- de 15 ans, a décidé de lancer son programme nucléaire
Le plan Reggane
« Gerboise bleue »,
« Gerboise blanche » et
« Gerboise rouge »
La conception de la bombe « A »
française a suivi plusieurs étapes.
A commencer par la mise en place
d’un Commissariat à l’énergie ato-
mique qui a été créé par le général
de Gaulle, le 8 mai 1945. S’ensui-
vra alors la phase qui s’étend de
1945 à 1951, ayant été consacrée
aux différentes études scienti-
fiques et techniques. A partir de
1952, il s’est agi de mettre sur pied
un budget spécial pour le soutien
logistique et le programme d’ac-
quisition du plutonium. Et à partir
de 1955, la dernière étape a abouti
à la construction de la bombe ato-
mique.
Pour la réalisation des pre-
miers essais nucléaires, le choix
Mannequins utilisés lors des essais nucléaires
Les conséquences
et effets de la bombe
L
e matin du 13 février à 6 heures, De nombreuses pathologies
jour « j », heure « h » du premier Lors du 2e colloque international sur les explo-
tir nucléaire de la France. Les mili- sions nucléaires dans le Sahara algérien, organisé en
taires français somment les habi- 2010, le président de la Fondation nationale pour la
tants de Reggane d’accrocher à promotion de la santé et le développement de la re-
leur cou des pendentifs en forme cherche (Forem), le docteur Mostéfa Khiati, a ainsi
de clichés. Quelques instants plus tard, une violente noté l’apparition de formes de cancer étrangères à
déflagration est entendue. L’armée française, une la région, notamment celui de la peau, des atteintes
fois son forfait accompli, n’a même pas pris le soin oculaires et pulmonaires, des cas d’avortement, de
de décontaminer la zone de tir de Hamoudia, à 15 mortalité, de stérilité. Le professeur Kamel Bouzid,
du Centre Pierre-et-Marie-Curie, pour sa part a in-
km de la ville de Reggane, ou d’enlever tout le maté-
diqué, que dans les rapports médicaux sur le cancer
riel et outils radioactifs. Les retombées radioactives
dans les trois régions, Adrar, Timimoun et Taman-
des essais qui ont été effectués sur un rayon de 60 rasset, il a été décelé une importance de cas de
km, ont été enregistrées jusqu’à plus de cancers de la thyroïde, de la peau et
3000 km du site (Ouagadougou, une affectation de l’ADN chez
Bamako, Abidjan, Dakar, les enfants. Et plus grave
Khartoum), soutiennent encore, il fait état de la
les chercheurs. Que naissance d’un cyclope
à Timimoun. Pour
dire alors des popula-
le chercheur Abdel
tions locales séden-
Khadum Al Abou-
taires ou nomades di, docteur en phy-
de la région ? De sique nucléaire,
nombreux témoi- il y a un lien
gnages récoltés par entre les fausses
les chercheurs ou couches, malfor-
historiens, auprès mations, cancers
et autres maladies
de personnes ayant
rares observées
assisté ou participé
dans la région et les
de près ou de loin aux essais nucléaires effec-
essais nucléaires français tués par l’armée fran-
de 1960 à 1966, sont una- çaise entre 1960 et 1966.
nimes sur le fait que ces expé- «On a enregistré 87 fausses
riences ont laissé des traces indélé- couches en une année dans une
biles sur la faune, la flore et les hommes. Des petite commune de cette région», a-t-il
effets qui sont encore palpables de nos jours, sur la relevé. A cela s’ajoute un effet encore méconnu que
sont le stress et l’instabilité psychologique chez les
population de Reggane qui continue d’enregistrer
irradiés, et que révèle l’étude de scientifiques sou-
un taux important de cancers de la peau, de leucé- mise par Abdel Khadum Al Aboudi, de l’université
mies, des malformations chez les nouveau-nés et des d’Oran, qui explique, que ceci résulte du fait que «
hémorragies internes pour les femmes, et d’innom- la population ne disposait de connaissances suffi-
brables cas de pathologies liées à cette catastrophe. santes et cohérentes sur le sujet ». Selon son étude,
NI RECONNAISSANCE
NI INDEMNISATION
S
Le puits utilisé pour les explosions nucléaires souterraines
ur un total de 30.000 victimes
algériennes des essais nucléaires
français, selon les estimations de
Mohammed Abdelhak Bendjebbar,
président de l’Association des
victimes des essais nucléaires, 400
demandes de dédommagements seulement ont
été déposées, souligne Michel Verger, président
de l’association des victimes des essais français
au Sahara. Et encore le gouvernement français,
qui oppose systématiquement un déni de
responsabilité à toute revendication en rapport
avec son passé colonial en Algérie, a fini par rejeter
trente-deux dossiers algériens de reconnaissance et
d’indemnisation des victimes des essais nucléaires,
en décembre dernier par la commission ad hoc
mise sur pied à la faveur de la loi Morin, car jugés
«incompatibles» avec cette loi. Ils ont été refusés
au motif que les pathologies déclarées «ne rentrent
pas dans le cadre de la loi».
Espoirs d’indemnisation
La promulgation d’une loi dite «loi Morin» au nom
d’Hervé Morin, ministre de la Défense français qui
l’a introduite à l’Assemblée nationale en 2010, avait exposées à des radiations et d’immenses territoires
pourtant, bien suscité un espoir d’indemnisation sont désormais contaminés durablement ».
pour les victimes civiles de Reggane qui en avaient Cependant, cinquante-trois ans après, des
été exclues de fait, contrairement aux vétérans des associations de la société civile de défense
essais nucléaires et les populations de la Polynésie des droits des victimes des essais nucléaires
qui sont reconnus en tant que tels. français s’insurgent : « La loi Morin n’indemnise
Cette loi, qui a été arrachée de haute lutte, grâce pratiquement personne. » C’est sans surprise qu’elles
à la pression de la société civile et des médias, a annoncent que, depuis l’entrée en vigueur de cette
fait bien du chemin depuis. Deux députés Marie- loi, seules deux personnes ont pu bénéficier d’une
Hélène Aubert et Michèle Rivasi avaient déposé indemnisation, sans compter que les questions
la première proposition le 17 janvier 2002. Il aura environnementales ne sont pas prises en compte
fallu attendre six ans et 17 autres propositions par la loi Morin. La réaction des militants des droits
pour que le gouvernement français accepte enfin, des victimes a été de rejeter sans ambages ce texte,
qu’une loi soit adoptée. Un rapport sur «les soulignant l’impératif de prendre en charge tous les
incidences environnementales et sanitaires des malades causés par ces essais pas seulement ceux
essais nucléaires effectués par la France entre 1960 qui étaient vivants en 1960.
et 1996» avait préparé le lit à ce rapport, finalisé Un appel pour la modification de la loi Morin de
par le Sénat français, le 6 février 2002, et qui avait 2010 sur l’indemnisation des victimes des essais
démontré, sans détour que, « c’est volontairement nucléaires français dans le Sahara algérien et en
que des populations de pays colonisés ont été Polynésie a été donc lancé par l’Association des
Le faucon de djebel
Bouzegza
L
e commandant de laquelle il apprend le métier de pays du joug colonial. Agé de 20
Rabah Mokra- maçon, seule activité accessible ans au début de l’année 1954, il
ni, de son nom aux individus d’origine indigène, à est contacté par le Front de libéra-
de guerre Si une époque où une grande misère tion nationale pour organiser les
Lakhdar, est a été engendrée par la Seconde cellules locales chargées du recru-
né le 6 février Guerre mondiale, ponctuée par tement de combattants appelés
1934 à Guergour, un douar situé les massacres du 8 mai 1945 et à rejoindre les maquis en vue du
à l’ouest de l’ex-Palestro, au sein les exactions de l’armée française déclenchement de la lutte armée.
d’une famille de paysans. Dès l’âge contre les Algériens, privés d’un Après le 1er novembre 1954, il
de six ans, il est inscrit dans une minimum de survie. se retrouve à la tête de plusieurs
école primaire dans des conditions Agé de dix-sept ans en 1951, le groupes de maquisards dissémi-
difficiles d’adaptation puisqu’il jeune Rabah Mokrani se met en nés à travers les régions de Pales-
devait parcourir une dizaine de quête d’un travail. Durant trois tro et Aïn Bessem et au début de
kilomètres à pied entre sa région années, il est employé tour à tour 1955 il en devient responsable po-
natale et le chef-lieu de la com- par des particuliers pour lesquels litico-militaire. Au mois de mai de
mune pour pouvoir poursuivre il effectue de menus travaux afin la même année, il fait la rencontre
ses études. Malheureusement, du de subvenir aux besoins de sa fa- d’Ali Khodja, un ancien sergent
fait des conditions sociales très mille. Bon an, mal an, ce maçon qui venait à peine de déserter les
modestes de sa famille, il est mis d’un genre particulier se forge une rangs de l’armée française en dé-
fin de façon prématurée à son personnalité et prend conscience tournant un important lot d’armes
cursus scolaire, pour rejoindre de la nécessité de se lancer dans le vers les maquis des monts de
une école d’apprentissage au sein combat pour la libération de son Bouzegza.
Un succès retentissant
du
commando Ali Khodja
L
Ali Khodja
e vendredi tants. Le lieu de l’embuscade se
18 mai 1956, trouve près de Ouled Djerrah,
quelque part un douar parmi plusieurs autres
dans les monts que compte cette région. Au ma-
escarpés qui tin de cette journée du 18 mai,
culminent au à 6h 30 précisément, l’unité du
nord de Lakhdaria, ex-Palestro, 9e RIC commandée par l’aspi-
la 2e section du 9e Régiment rant Hervé Arthur, progresse
d’infanterie coloniale (RIC), vers les douars Béni Dahmane,
composée de 21 soldats, basée au où elle se retrouve deux heures
cantonnement de Béni Amrane, plus tard. Là, aucun incident
d’où elle est partie en opéra- n’est à signaler, ce qui rassure le
tion de reconnaissance dans les chef de l’unité, qui poursuit son
montagnes de Ammal, est prise ascension vers Ouled Bellemou
en embuscade par des éléments où elle arrive à 9h 30. C’est à cet
de l’Armée de libération natio- endroit que le dernier contact a
un silence majestueux enveloppe
nale (ALN). Ce haut fait d’armes eu lieu avec le PC du fait d’une
qui s’est soldé par une éclatante les lieux, entrecoupé par les
mauvaise liaison radio. En dépit
victoire a été l’œuvre du célèbre de cet aléa des transmissions, bruits provenant des douars visi-
commando Ali Khodja, composé l’unité pousse plus loin. A mesure tés où la population observe avec
d’une quarantaine de combat- de son avancée dans les maquis, méfiance la venue de ces soldats
Commando Ali Khodja dirigé par le commandant Azzedine. En médaillon, Abdelkader Blidi
LA bataille
DE Tighremt (Wilaya III)
L
a Kabylie a été
au cœur de la
résistance contre
le colonialisme.
Historiens et
anciens maqui-
sards, qui reconnaissent cette
vérité, rappellent que ce fief du
mouvement nationaliste, qui lui
a donné de prestigieux chefs, a
vu se former les premiers maquis
au lendemain des massacres du 8
mai 1945. L’on rappelle qu’en 1947
Krim Belkacem entre en clan-
destinité, prend sa mitraillette et
rejoint le maquis. Il est suivi par
quelques fidèles. Et lorsque le
signal a été donné pour le déclen-
chement de la révolution armée
en 1954, accrochages, batailles et
autres hauts faits d’armes se sont
multipliés pour ne point connaître
de répit qu’au jour du départ défi-
nitif du colonialisme de cette ré-
gion d’Algérie.
L’Histoire retient que la pre- depuis des années. Pour les auto- Blida et un dépôt de chêne liège à
mière bataille armée entre l’armée rités coloniales, l’occasion est ainsi Boufarik.
de l’occupation et les premiers offerte pour des représailles de la Lors de son témoignage, le mou-
moudjahidine de la Wilaya III participation des enfants de la ré- djahid Si Ahmed Morsli, qui avait
historique eut lieu à Tighremt, un gion au déclenchement de la révo- rejoint le maquis en 1958, raconte
lieu-dit de la commune de Makou- lution du 1er Novembre 1954. qu’au moment des faits les sol-
da, situé à une vingtaine de kilo- A cette époque, la commune de dats de l’armée coloniale rame-
mètres au nord du chef-lieu de la Makouda comptait plus de 700 nés à bord de cinq camions GMC
wilaya de Tizi-Ouzou, un certain militants-adhérents à la section s’apprêtaient à descendre des vé-
14 novembre 1954, soit deux se- MTLD, dirigée par Rabia Ali, dit hicules pour entamer leur opéra-
maines après le déclenchement de Si Ali Cheikh Mhend, dont plus de tion de ratissage, quand ils furent
la révolution du 1er novembre. 80 avaient participé aux premières accueillis par une salve des rafales
Les faits remontent, en effet, au actions annonciatrices du déclen- d’une douzaine de nos valeureux
14 novembre 1954, date à laquelle chement de la guerre de libération moudjahidines qui étaient embus-
l’armée coloniale française entre- nationale et étaient recherchés par qués derrière des rochers et des
prit une opération de ratissage des les autorités coloniales pour leurs oliviers et tiraient avec sang- froid
maquis de la région de Makouda, activités en faveur de l’indépen- en direction du convoi et des sol-
connue pour être, depuis les mas- dance. Sur ces 80 moudjahidine, dats à bord.
sacres du 8 mai 1945, un fief de quatre avaient participé en compa- Pris de panique, les soldats de
militants nationalistes, dont cer- gnie du colonel Amar Ouamrane l’armée coloniale descendaient un
tains sont entrés en clandestinité à l’attaque contre une caserne à par un des camions pour se réfu-
gier sous les véhicules criblés de dans le guet-apens tendu par ces datesque coloniale sont à méditer.
balles, tout en ripostant aux tirs valeureux moudjahidine, dont Au lendemain de ce premier ac-
des valeureux combattants de Kasri Si Ouakli, natif de Sidi Naâ- crochage avec l’armée coloniale au
la liberté. Au bout de plusieurs mane, Babou Ali, natif de Makou- niveau de la Wilaya III historique,
heures d’accrochage avec les élé- da (chahid), Arab Mohamed, natif l’armée coloniale entreprit, comme
ments de l’armée coloniale, Akli également de Makouda (chahid), à son habitude, de faire subir à la
Babou, qui était chef de ce groupe Youtrane Chaâbane, natif d’Ighil population locale d’insuppor-
de premiers moudjahidine, ordon- Imoula (chahid), et Moh Ouyidir tables représailles. Des citoyens
na à ses compagnons de se replier (chahid). furent torturés dans les prisons
pour ne pas subir trop de pertes, Après une résistance de plu- coloniales pour les contraindre à
vu le nombre important de sol- sieurs heures et devant l’inégalité renoncer à leurs activités en fa-
dats et les armes lourdes dont ils des forces, l’on déplora la mort au veur du recouvrement de l’indé-
disposaient. Plusieurs soldats de champ d’honneur d’Arab Moha- pendance. Au vu de l’engagement
l’armée coloniale avaient été tués med et de Moh Ouyidir, dont le sans faille de la population de
et plusieurs autres blessés, dont courage et la détermination à en cette région du nord de la wilaya
l’officier chef du convoi tombé découdre avec le convoi de la sol- de Tizi-Ouzou, située non loin de
Djamel Belbey
LA FIN HEROÏQUE DU
COMMANDO
DEBBIH CHERIF
I
Debbih Chérif
ls étaient quatre agissant sur dénonciation, encer-
vaillants combattants claient la demeure de la famille
de l’ALN à tomber au Rodaci, située précisément au 4,
champ d’honneur le 26 impasse Saint-Vincent-de-Paul, où
août 1957, à l’issue d’un Si Mourad et Ramel avaient ins-
dur accrochage avec tallé leur PC, ainsi que l´ensemble
les forces coloniales au niveau de de la Basse Casbah. Des fusils
l’impasse Saint-Vincent-de-Paul mitrailleurs et des armes légères
(aujourd’hui Mokrane-Zouaoui) à furent pointés en direction de la
la Casbah d’Alger. Ils, c’étaient Ha- maison où ils étaient assiégés de
dji Othmane dit «Ramel», Debbih toutes parts.
Cherif dit «Si Mourad», Zahia Ha- Les soldats défoncèrent la porte
mitouche et Nouredine Benhafid. d´entrée principale pour se diri-
Tous membres d’un réseau de fabri- ger vers l´étage supérieur. En les
cation de bombes qui opérait dans voyants débouler dans le patio,
la Zone autonome d’Alger (ZAA), Ramel et ses compagnons les
mise en place à la suite du congrès accueillirent par des tirs nourris
de la Soummam en août 1956. abattant un sous-officier et un ca-
Profitant du désordre, Nourre-
Ce jour-là, à 13 heures, les mili- poral-chef des zouaves. Pris de pa-
dine Benhafid se glissa en rampant
taires parachutistes du 3e RPC nique, les assaillants durent battre
jusqu´à la pièce voisine pour rame-
commandés par le colonel Bigeard, en retraite.
ner des munitions et des bombes.
En face de la maison cernée, les
mitrailleuses des paras tiraient sur
la façade sans interruption.
« Si Mourad » tomba au champ d´honneur à son tour. d’une grave accusation qui touchait à son honneur.
Ainsi moururent les héros que l´Algérie a enfantés : C’était en 1956, convaincu de son innocence, Yacef
- Hadji Othmane dit «Ramel», né en 1939. Il résidait Saadi, le premier responsable de la Zone autonome
à la Casbah. Mobilisé en 1953 dans l’armée française d’Alger, intercéda en sa faveur et le sauva d’une mort
et dès sa libération en 1956 a rejoint les rangs de la certaine, avant de le garder à Alger et de l’associer
Révolution où il s’est illustré dans la lutte de libéra- avec Ramel (Hadji Othmane) pour confectionner des
tion, avec son compagnon d’armes, le chahid Abder- engins explosifs, vu ses grandes dispositions dans ce
rahmane Arbadji. domaine.
- Debbih Cherif dit «Si Mourad» a vécu toute sa Lors d’un hommage rendu à Debbih Chérif et à
vie comme militant nationaliste, depuis son entrée trois autres martyrs du même groupe, le moudjahid
dans les scouts jusqu’à sa mort au champ d’honneur. Mustapha Fettal, un des chefs des réseaux de l’Armée
Debbih Chérif, dépanneur d’appareils électroména- de libération nationale dans la capitale, a affirmé que
gers dans le « civil », s’occupera à titre provisoire de « le chahid Debbih Chérif était parmi les militants
l’organisation politico-administrative. Plus tard, il qui auraient pu donner un autre essor à la Révolu-
deviendra l’un des responsables du réseau « bombes tion à Alger au départ, s’il n’y avait pas eu la scis-
». Debbih Chérif avait pour ami Didouche Mourad, sion nationale ». Le moudjahid Yacef Saâdi a, de son
ils s’étaient rencontrés au cours des années 1947-1948, côté, déclaré avoir décelé chez le chahid Debbih des
dans l’Organisation secrète (OS). A la suite de la dé- qualités de militant et de baroudeur, ajoutant l’avoir «
chéance de cette dernière, Debbih Chérif décida de orienté vers un groupe spécialisé dans la fabrication
partir en France pour lutter dans le Mouvement pour de bombes.
le triomphe des libertés démocratiques (MTLD). Il - Zahia Hamitouche, était chargée de la liaison et
rentra en Algérie en 1953 et prit contact avec le Front du courrier. Un CEM à Bourouba (Alger) est baptisé
de libération nationale (FLN) juste après le déclen- en son nom.
chement de la guerre de libération. Debbih avait re- - Nouredine Benhafid (frère maternel de Hadji Oth-
joint le maquis à Lakhdaria (ex-Palestro) et qu’il avait mane dit «Ramel»).
quitté les lieux par la suite, après qu’une condamna-
tion fut prononcée contre lui par Ouamrane à propos Djamel Belbey
d'une
ville
Sidi Bel Abbès
B
ien que d’existence Touat ou du Gourara, Berbères de l’Oranie
plutôt récente puisque et du Maroc, Hamianes, Kabyles, Moza-
construite sous occu- bites, Tlemcéniens, Nédromis ou Chéra-
pation française, il n’en gas (habitants de l’est de l’Oranie autour de
demeure pas moins Mazouna et Relizane), tous cohabiteront,
qu’aux alentours de la certains travaillant pour d’autres.
ville ont été retrouvés des vestiges attes- Dès le 10 novembre 1835, le maréchal
tant d’une présence antique. Bertrand Clauzel se lance à partir d’Oran
En effet, les terres du Tessala, appelées dans une grande expédition visant la des-
à l’époque romaine Astasilis et, avec l’ar- truction de Mascara. Dans son trajet vers
rivée des Arabes, « terres du blé », sont la capitale de l’Emir Abdelkader, il éta-
couvertes de ruines antiques. Dès le XIe blit plusieurs relais fortifiés à des endroits
siècle, la région connaît de vastes mouve- stratégiques dont un sur le plateau de Sidi
ments de populations nés de la poussée des Bel Abbès et ce, afin de surveiller voire de
tribus Beni Hillal et de la domination des contrôler les indigènes des régions entre
Almoravides. A partir du XVIe siècle, les Mascara et Tlemcen ou encore entre Oran
Espagnols voient leurs multiples tentatives et les hauts plateaux. Ce poste est érigé sur
d’intrusion mises en échec, notamment du la rive droite de la Mekerra, face au mauso-
côté de Sidi Bel Abbès avec, en sus, la perte lée de Sidi Bel Abbès.
de plus de 1000 soldats. Dès 1842 et afin d’avoir un œil sur les tri-
bus environnantes, ce gîte d’étape se trans-
Naissance de Sidi Bel Abbès forme en campement provisoire avant de
C’est vers 1780 que décède le saint pa- devenir poste permanent. Un an plus tard,
tron de la ville, Sidi Bel Abbès El Bou- le général Bugeaud y installe un campe-
zidi (voir encadré). Aussi, à la création du ment retranché. Toutefois, la région est
centre de colonisation, c’est sous le nom trop isolée rendant la vie quasiment invi-
de cet homme de foi qu’il sera désigné. vable. Aussi, afin de rendre leur quotidien
Aux quelques indigènes implantés autour moins difficile, les Français entreprennent
de la place du modeste village, sont venus des travaux de drainage des marais et de
s’ajouter de nombreux Européens, attirés débroussaillage du sol. Pour cela, ils font
par les terres fertiles. Qu’ils soient noirs du bien sûr appel à la main-d’œuvre autoch-
d'une
ville
Sidi Bel Abbès
nord, la porte de Daya au sud, la porte de essor agricole et à ses constructions méca-
Tlemcen à l’ouest et la porte de Mascara à niques.
l’est. Les nombreuses fermes coloniales oc-
Les voyageurs sont nombreux à transi- cupent de grandes superficies de labour
ter par-là, devenant pour eux une sorte de et de vigne. Un concours agricole est,
relais, ils la surnomment alors et à juste d’ailleurs, organisé en 1883 où l’on fait
titre « biscuitville » car elle est considérée connaître la qualité et la quantité de la pro-
comme une ville étape pour le ravitaille- duction-pastorale de toute cette région de
ment pour les troupes, en route vers le sud. l’Oranie, allant des différents spécimens
En 1881, la ville qui compte 16840 habi- de races d’élevage (bovine, ovine et cheva-
tants émerge avec ses quartiers bien agen- line) aux machines agraires utilisées pour
cés, ses jolies places et ses commerces flo- faciliter le travail de la terre et en fructifier
rissants. Deux quartiers distincts, militaire le rendement.
et civil, se font face. Ce dernier possède Hassina Amrouni
une église, un théâtre, un marché couvert,
un hôtel de ville et des écoles. La ville for-
gera peu à peu sa réputation grâce à son
L
a ville de Sidi Bel Abbès tient son nom d’un saint homme qui y a vécu
et y est décédé. Ce dernier faisait partie de la descendance du prophète
Mohamed (QSSSL) par son grand-père qui s’était établi au Maghreb
afin de répandre la parole de Dieu. Bel Abbès a accompagné son père
à Tlemcen où il était enseignant à la médersa de la ville. C’est là que le
jeune homme aurait reçu comme une illumination l’ordre de porter la
parole de Dieu aux deux tribus arabes installées au Maghreb depuis 1052. Dès lors, les
autochtones vécurent dans la paix et la sérénité.
Toutefois, ce climat de quiétude sera dérangé lorsqu’un djinn, prenant l’apparence
d’un saint homme, viendra tromper la population, les incitant à chasser le marabout
Sidi Bel-Abbès. A la suite de cette trahison, ils seront frappés de famines et d’épidémies.
Ce châtiment divin leur fera prendre conscience de leur terrible erreur, ils décident
alors de ramener Sidi Bel Abbès parmi eux. Cependant, les deux tribus – les Amarnas
et les Ouled Brahim – se disputent pour accaparer le marabout et ce climat belliqueux
insupporte le saint homme qui, pour leur échapper, se transforme en une colombe
qui ira se poser sur la rive gauche de la Mekerra. Les habitants, témoins de ce miracle,
décident de faire la paix. Et c’est ainsi qu’ils vécurent en parfaite communion jusqu’à la
disparition de Sidi Bel Abbès en 1782. Il sera enterré dans une kobba (mausolée) érigée
à l’endroit où la colombe s’était posée.
C
d'une
’est grâce à un habitant
de la région que cette
découverte a été ren-
persécuter. Ainsi, du IIIe jusqu’à la fin du
Ve siècle, les dissidents (donatistes) et les
catholiques s’affrontèrent moult fois en
ville
due possible. En effet, des combats sanglants.
en labourant les terres, En 303, l’empereur Dioclétien ordonne
il est tombé sur ces la destruction des églises et des livres de la
ville
Sidi Bel Abbès
C
ertains sont plus charismatique de Sidi Bel Abbès. Père
populaires que de la bande dessinée algérienne, il a
d’autres, à l’image créé en 1964, les personnages de Zina,
de Belaïd Lacarne Bouzid et El GatMdigoutti. Des per-
ou le regretté Dji- sonnages qui ont fait rêver des généra-
lali Amarna (voir tions de bédéphiles. Sid Ahmed Med-
encadré). Le premier, né en octobre dah dit Sid a lui aussi apporté une part
1940, est sorti de l’anonymat, en de- de rêve au public. Inspecteur de la jeu-
venant l’idole de toute une jeunesse nesse et des sports, ce natif de Sidi Bel
en 1982 lorsqu’il officia en tant qu’ar- Abbès en 1956, est aussi un marionnet-
bitre international durant la Coupe du tiste de talent et il est en de même pour
monde de football en Espagne. MeslemSeddik dit « Mahi », conteur et
Le second, Djilali Amarna, fut l’un auteur (Goual des Beni Amers).
des membres fondateurs du groupe Ministre de l’Agriculture et de la
mythique Raïna Raï. Durant des an- Révolution agraire du troisième gou-
nées, il en fut l’une des figures emblé- vernement Boumediene du 23 avril
matiques, il contribuera à la reconnais- 1977 au 8 mars 1979, Mohamed Tayebi
sance acquise par le groupe sur la scène Larbi est également connu pour son
internationale. riche parcours révolutionnaire, durant
Né en 1962, Djilali Amarna, Raz- la guerre de libération nationale. Mili-
kallah, de son vrai nom, est décédé en tant au sein du mouvement nationa-
2010 des suites d’une longue maladie. liste qu’il rejoint très jeune, il anime
Slim – Menouar Merabtène, de son plusieurs rencontres de sensibilisa-
vrai nom – est un autre personnage tion. Arrêté à plusieurs reprises par les
Né en 1980, Raïna Raï fut l’un des groupes phares des années 1980.
Originaire de la ville de Sidi Bel Abbès, le style de musique proposé par
cette formation était un savant mélange entre raï traditionnel, rock et
gnaoui
C
’est à Paris, en plein saient à déchaîner les foules. Le premier al-
ville
mois de décembre que bum Zina sort en 1983, un succès immense.
Tarik Naïmi Chikhi, Il sera suivi d’autres opus tels que Raïna
Kaddour Bouchentouf, Hak en 1984, Rana Hna en 1985, Mama en
L
ville e son de Raïna Raï est qui ont apporté un nouveau souffle sous
reconnaissable parmi la houlette de l’excellent guitariste Lotfi
mille grâce aux riffs du Attar. Raïna Raï reste encore une légende
guitariste attitré Lotfi vivante qui influence beaucoup d’artistes
Attar. Ils reprennent à et de groupes tels que l’Orchestre national
Sidi Bel Abbès
leur sauce les anciennes de Barbès et Gnawa Diffusion.
chansons composées des Aigles noirs et
d’autres encore comme « Zina Diri Latay
» du chanteur Kada Ziri et « Hmama » de
Blaoui Houari. Ils sortent leur premier
album Zina en 1983 qui connaît un très
grand succès puis enchaînent avec d’autres
albums qui les consacrent au sommet de
la chanson raï moderne grâce notamment
aux tubes Zina, Til Taila ou encore Hagda
qui animent les fêtes et soirées algériennes.
Les membres de Raïna Raï interrompent
leur carrière en 1992 avant de refaire
surface et se reforment en 2001 pour
donner naissance à l’album Datni.
Certains ont quitté la formation en
laissant la place à de nouvelles recrues
Discographie
Les albums
• Raina Hak, 1984, Sadi Disques.
• Hagda, 1983, auto-production (HTK
Productions) dont deux titres furent utilisés
dans la bande originale du film Tchao Pantin deClaude Berri avec Coluche.
• Rana Hna, 1985, Édition Rachid & Fethi.
• Mama, 1988, Édition Rachid & Fethi.
• Zaama, 1993, Musidisc.
ville
Sidi Bel Abbès