Les vampires et ceux qui les traquent
Par Arnaud Fornieles
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À propos de ce livre électronique
Bientôt d'autres nuits vont suivre, et d'autres disparitions.
Et bientôt plus aucun doute possible : la pire des créatures, celle que tout le monde pensait appartenir à un sanglant passé, est de retour.
Mais ses adversaires les plus redoutables aussi...
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Aperçu du livre
Les vampires et ceux qui les traquent - Arnaud Fornieles
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www.publishroom.com
ISBN : 978-2-38625-993-7
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Arnaud FORNIELES
Les vampires et ceux qui les traquent
Logo: Publishroom Factory.Les Landes, dans la nuit du 3 au 4 août 2012
Les enceintes vomissaient leurs décibels à travers les trois étages noirs de fêtards.
Boîte « de nuit », L’Éclipse ouvrait en fait ses portes bien avant que les derniers rayons du soleil ne se retirent. Et le jour, la nuit, les heures n’y étaient que des mots, n’ayant plus de prise sur les lieux et leurs occupants.
On y venait pour faire la fête, peu importe quand.
Et qu’importe jusqu’à quand.
Plus de repères temporels, plus de distinction entre le crépuscule et les matins rouge sang.
Mais avant de pouvoir pénétrer dans l’antre, un grand classique : les videurs.
Il fallait être dans leurs petits papiers, dans la mesure où ils jouaient leur rôle aux limites de la caricature.
Ça, c’était l’étape une. Étape deux : tatouage.
Chaque client était marqué à l’effigie de l’enseigne, plus ou moins classe selon les goûts de l’établissement. Visible sous une lampe spéciale. Disparaissant au bout de trois jours des poignets.
Et avec son flot continu d’invisibles tatoués, L’Éclipse faisait constamment salle comble.
Peu dispendieuse d’accès en comparaison d’autres boîtes, s’y mélangeaient diverses populations d’horizons multiples, réunies sous la seule et même obédience de l’éclate totale. Parfois, radicalement opposés les horizons…
On pouvait ainsi y croiser des fils de bonne famille venus dépenser leur argent de poche. Ils étaient accompagnés de leurs copines de l’instant, qui allaient généralement par paire.
À charge pour les observateurs de distinguer laquelle faisait tapisserie de celle partageant le lit du fils à papa.
Chemise d’un blanc éclatant, montre grosse comme une balle de base-ball, ils claquaient à eux seuls en une soirée la moitié des consommations de cinquante autres clients.
Réglés comme des horloges, ils sortaient à intervalles réguliers éponger leur budget cigarette, au grand air chaud de l’une des sorties de secours de l’établissement qui n’était en principe pas prévu pour cela, ce dont ils n’avaient royalement que faire.
Leurs copines, dont la fonction d’apparat ne les empêchait pas d’être généralement plus diplômées, plus bosseuses et plus autonomes qu’eux, les suivaient ou décidaient de rester à l’intérieur. Essayant de profiter des volutes de la climatisation quand elles parvenaient à se frayer un chemin parmi la forêt humaine.
Autre catégorie de pensionnaires plus ou moins réguliers : des post-bacs en bermudas décatis et t-shirts qui ne survivraient pas à l’été, jetés à la va-vite dans le premier sac de voyage venu.
Leur sport favori : se pinter le plus rapidement possible avant d’aller affronter les pistes de danse, puis de se faire éjecter par les gorilles de l’entrée et embarquer par la municipale, en patrouille quotidienne au volant de vieilles Citroën Visa brinquebalantes, qui sentaient la sueur et la lassitude.
Divers microcosmes s’entrechoquaient ainsi au sein d’un seul et même univers, qui chaque soir, chaque nuit, se déformait et reformait, sans discontinuer durant toute la saison.
L’Éclipse se composait de ce que l’on pourrait appeler un rez-de-chaussée, et de deux parties supérieures accessibles par d’étroits escaliers. Ils se découpaient dans les ténèbres via leurs marqueurs violets.
Rare couleur invariable, en comparaison des nombreux jeux de lumière que des projecteurs opéraient au gré et au rythme de la musique.
Lorsque la boîte avait ouvert pour la première fois en 1982, son fond sonore était largement dominé par la new wave de l’époque, inondant la masse des occupants, plus compacte au dernier étage, et plus mouvante, car en transition permanente à l’étage du dessous. Quatre décennies après, elle avait cédé sa place à un électro standard, industrialisé, informe et passe-partout.
Norah était assise à l’une des tables faisant immédiatement face au bar, de dos par rapport à la piste de danse principale. Elle discutait avec trois autres filles, discussion animée par leurs éclats de rire qui se noyaient dans le joyeux bazar sonore ambiant.
Loin, bien loin du troisième étage.
C’est pourtant depuis ce dernier qu’il la repéra pour la première fois.
Oui, elle était loin, mais ses yeux ne le trompaient pas. Ils ne le trompaient jamais.
Plusieurs longues minutes après le début de son observation, elle se leva et rejoignit avec l’une de ses amies l’un des hauts tabourets du bar.
Échange de verres vides contre cocktails n°2.
Il quitta sa tour de vigie momentanée et improvisée, et se rapprocha.
La traversée s’avéra plus longue qu’il ne l’avait calculée, mais, à son grand soulagement, elle était toujours sur son siège lorsqu’il ne fut plus qu’à quelques mètres du bar.
Sauf que l’amie était toujours présente elle aussi, et lui parlait à l’oreille.
Désignant quelqu’un ou quelque chose hors de son champ de vision.
Son soulagement s’était érodé d’un coup.
L’autre accueillit les insaisissables paroles avec un sourire qui ne la rendit que plus belle encore. Devant elles, le bar et ses bouteilles multicolores formaient un tableau aussi vulgaire qu’étrangement hypnotique.
Il n’attendit pas que l’amie reparte d’où elle était venue et arriva à sa hauteur, s’asseyant sur le tabouret voisin du sien.
Il pouvait sentir le regard de l’intruse sur lui, et imaginait sans peine l’air dédaigneux qui se dessinait peu à peu sur son visage.
Elle finit par s’en aller, lui donnant enfin le loisir de se retourner.
Norah aspirait sans précipitation quelques gorgées de son cocktail. Elle le regarda à son tour, d’un air témoignant clairement qu’elle n’était pas dupe de son jeu.
C’était une jolie brune qui ne devait pas avoir encore dépassé les vingt ans. Coiffée d’un chignon serré, presque à la mode asiatique, elle portait un tailleur qui lui donnait l’allure d’une femme d’affaires venue fêter la signature d’un gros contrat avec sa société.
D’un simple signe de tête, il fit non au barman. Un chauve qui ne lui inspirait aucune sympathie, et qui se dirigeait vers lui après s’être acquitté de commandes antérieures.
— Tu ne bois rien ? parvint-elle à lui glisser par-dessus la musique.
— Non.
— Tu es au régime sec ?
— On peut dire ça comme ça.
Surprise, mais sans jugement. Et sans se départir de son charmant sourire.
— Abstinent, peut-être ?
— Disons que les gens comme moi ne peuvent avoir accès à certaines choses.
— Les gens comme toi ?
Pour toute réponse, il se contenta à son tour de sourire. Le sourire d’un charmeur sûr de lui.
Puis après avoir laissé passer quelques secondes, il plongea à nouveau son regard dans le sien.
— Tu m’as subjugué dès l’instant où mes yeux ont croisé les tiens.
— Ah ! Un poète, ça me change.
— De… ?
— De tous les lourdingues que je me coltine toute l’année et qui essaient de draguer tout ce qui bouge sans retenue. Pardon… à m’entendre, on croirait que ça m’arrive tout le temps. Ça a dû sonner prétentieux.
— Mais pas du tout. Tu t’appelles comment ?
Elle hésita, plus que jamais consciente qu’il tentait de la séduire, mais également perturbée par autre chose. Une chose indéfinissable.
— C’est Norah !
— Norah, c’est joli.
— Merci. Et toi, c’est comment ?
Son « comment » faillit ne pas sortir, car elle comprit soudainement ce qu’était cette chose qui la déstabilisait. Si elle devait presque crier pour lui parler, lui s’exprimait normalement, se faisant entendre comme si le chaos sonore les entourant n’existait pas.
— J’ai envie de toi, de Norah.
Le sourire de cette dernière, qui avait déjà commencé à s’effacer, disparut complètement.
— Désolée, je… je te préférais en version poète.
Elle se leva de son tabouret.
— J’ai été sincèrement ravie de papoter, mais c’est non. Non merci, sans façon.
— Et pourtant, Norah, tu vas m’accompagner.
Quelque chose changea à nouveau dans le regard de la jeune femme, parce que quelque chose, à nouveau indicible, qu’elle n’aurait su décrire, passa dans son regard à lui.
Son amie qui était repartie à leur table, comme les deux autres, n’eut pas le temps de la voir prendre le chemin des toilettes, à la suite de l’inconnu.
Elles se situaient au bout d’un long couloir non continuellement éclairé. De la partie dames sortit un employé de la boîte, tenant une jeune fille du même âge ou pas loin de celui de Norah. Des traces de vomi étaient visibles sur le haut de son chemisier.
Ils franchirent l’issue de secours les bordant, une fois l’employé et la fêtarde éloignés, tandis que s’effaçaient les notes d’un morceau que Norah connaissait, mais sans en connaître le titre : Das Ende der Träume de Die Krupps.
Un vieux pensionnaire des lieux depuis son ouverture.
Pêchu en 1982, expérimental, mais écouté alors par le plus grand nombre.
Disparu comme beaucoup, puis ressuscité comme musique de fond d’une publicité pour voiture.
Là aussi, comme beaucoup d’autres.
L’air chaud les cueillit, comme le calme, proche du silence, en contrepoint presque parfait de la furie de la boîte de nuit.
Pas de fumeurs nocturnes, pas de promeneurs inopportuns, les alentours étaient déserts.
Seconde après seconde, Norah comprenait de moins en moins ce qui lui arrivait. Tout en elle criait de retourner à l’intérieur, de retrouver ses amies qui l’avaient convaincue de l’accompagner. Mais c’était plus fort qu’elle, bien plus fort.
Elle s’adossa au mur, et se passa une main moite sur son visage puis dans ses cheveux. Elle transpirait plus que de raison. Cependant, elle se sentait en même temps glacée. Mais ce n’était pas les seules sensations contradictoires, illogiques qui l’assaillaient.
Elle ressentait un profond malaise en même temps que peu à peu une certaine forme de quiétude inexpliquée, et absurde. Mais surtout, elle éprouvait envers l’autre une violente et irrépressible attraction, mêlée à autre chose. Une chose qui portait un nom, un seul : la terreur.
Dans la semi-pénombre, elle parvenait tant bien que mal à distinguer son visage, pour y lire le même sourire qu’au bar.
— Ne t’inquiète pas, tout va bien, dit-il.
Il passa à son tour et furtivement sa main dans les cheveux de Norah. Puis il arracha son haut, et plaqua sa main sur sa bouche…
Un filet de sang ne tarda pas à couler entre les seins à demi dénudés de la jeune femme.
1
Un amour de vacances
« Le ciel est bleu, le soleil éclatant, mais il ne faut pas oublier que partout on peut trouver le mal sous le soleil. » (Peter Ustinov, Meurtre au soleil)
30 septembre 2018, le matin
— Je n’ai jamais dit que Norah Vincent était la première.
On s’imagine toujours, en se basant sur des images puisées entre autres dans des films puis remodelées dans nos têtes trop imaginatives, que l’interrogé dans une commission d’enquête se retrouve seul au milieu d’une pièce.
Une pièce à la lumière basse, au centre de laquelle il se contorsionnerait sur une petite chaise inconfortable, se gelant des fesses paradoxalement en train de chauffer sous les regards invisibles et inquisiteurs de ses bourreaux.
Il n’en est rien.
Il n’en est rien parce que personne n’aime s’abîmer les yeux dans une pièce mal éclairée. Parce que, la plupart du temps, ce genre d’entrevue ressemble en réalité à une banale réunion dans une anonyme PME de quartier.
Et parce que, dans le cas présent, il en aurait fallu, et il en fallait tout court, bien plus qu’une chaise, ayant fait son temps, une lumière faiblarde et une pointe de mystère inquiet pour perturber, ne serait-ce que quelques secondes Timothé Scavolino, né le 10 février 1988 à Nantes, profession officielle régulièrement changeante et précautionneusement changée au fil des temps, demeurant et domicilié un peu partout.
Tant ce pour quoi il était plutôt bien payé le conduisait à visiter tous les recoins de l’hexagone. Lequel « pourquoi » ne cesserait jamais d’exister.
Et lequel était justement l’objet de la présente commission, qui s’égrainait à travers un temps semblant infiniment rallongé maintenant.
Une heure et peu ou prou quarante minutes. Cela faisait une fichue heure et quarante interminables minutes qu’il leur faisait poliment face, à répondre poliment à des questions poliment posées, et enfin grand Dieu, enfin on y arrivait.
— Excusez-moi, monsieur Scavolino, mais il me semble bien que vous nous ayez dit l’inverse il y a, à peine, quelques minutes.
Il aurait dû se sentir énervé de cet emploi du « Monsieur », mais en même temps, il ne pouvait pas lui en vouloir. Quand on appartenait au monde auquel il appartenait, difficile de donner dans le grade ou la dénomination clinquante. D’autant que ce monde n’existait pas, ne pouvait pas exister.
Tellement pas, qu’en plusieurs siècles d’existence, personne n’avait pensé ni même cherché, à lui conférer un nom officiel.
Pas d’acronyme pompeux, pas de dénomination ronflante, juste un vague nom, même pas un surnom : la « Section ».
Scavolino était un agent depuis longtemps, depuis trop longtemps peut-être, de la « Section ».
Aux yeux de la majorité des acteurs de la sécurité en France, elle n’avait aucune existence réelle, tout simplement parce que son existence n’était connue que par la plus infime des minorités.
Et ceux, la connaissant, se contentaient de la regarder de loin, sans vouloir en savoir plus. Personne ne savait qui la peuplait, combien la peuplaient, et peu de gens connaissaient quelqu’un, connaissant quelqu’un y travaillant.
Un secret d’alcôve, à l’épaisseur sans fond, qui se transmettait avec une infinité de précautions. Il y avait le secret des codes nucléaires, il y avait celui de la Section.
Personne ne savait davantage où étaient ses bureaux, s’il y avait des bureaux. Policiers, espions, simples militaires ou autre chose, ses agents échappaient à toute définition précise.
On ne les désignait pas, on évitait de parler d’eux, c’est tout. Ils étaient au-delà de considérations classiques. On ne pouvait se contenter de parler de méfiance, et elle était trop obscure pour générer du respect.
Timothé Scavolino était un acteur de ce monde. Certainement pas l’un des plus vieux, au regard de son jeune âge, mais assurément l’un des plus respectés par ses pairs. Le plus trouble aussi.
Oui, quand on appartenait au monde auquel il appartenait, quand on avait fait ce qu’il avait fait et par-dessus tout vu ce qu’il avait vu, il en fallait beaucoup, beaucoup et bien plus encore pour le malmener.
Ceux lui faisant face ce jour en avaient totalement conscience, et l’intelligence de ne pas l’oublier. Du moins, l’avaient-ils eue jusqu’à présent.
Mais Scavolino savait pertinemment que de ses réponses dépendrait son avenir au sein de La Section, et, peut-être, celui de La Section tout court, quoique personne d’assez sensé n’avait d’intérêt à la voir disparaître.
Comme il savait, sans se l’expliquer, c’était instinctif, une sensation immuable, que cette entrevue pour l’heure polie pour ne pas dire gentiment policée n’allait pas perdurer ainsi.
Les choses allaient bientôt déraper, il en était certain, maintenant que ses interrogateurs semblaient enfin décidés à remonter le fil noueux l’ayant conduit ici.
— Je vous prie de bien vouloir m’excuser si j’ai dit quelque chose qui le sous-entendait. Non, Norah, Vincent n’était pas sa première victime. C’était notre victime zéro, celle au centre de la fresque.
— Au centre de la fresque ?
— La victime qui nous a permis de faire le lien entre tous les événements passés, entre toutes les victimes passées. Et celle qui a nous a fait comprendre que le nombre de celles qui ont suivi dépassait tout ce que l’on aurait pu imaginer.
Oui, il en fallait plus pour déstabiliser Scavolino. Mais pas davantage aux membres de la commission pour enfin commencer.
À se sentir mal.
2
Premières Morsures
« Vous n’avez pas idée de quel être diabolique il s’agit, ou des choses terribles qu’il commet. »
(Valerie Gaunt, Le cauchemar de Dracula)
2023
— Je m’appelle Lana. Lana Fulci.
— Oui, je sais qui vous êtes.
Benjamin avait répondu d’un ton gêné.
Le même qu’un fan d’une superstar s’il croisait son idole sans s’y attendre.
Lana n’en était pas une et il n’avait pas du tout ce rapport-là vis-à-vis d’elle, mais un ancien timide maladif, même repenti, le reste toujours un petit peu.
Il ne l’avait pas vue arriver, à travers les larges fenêtres de la cuisine, car il se trouvait à l’opposé quand elle avait frappé ses trois coups discrets contre la porte.
Il était tout simplement enfoncé dans son canapé, s’offrant un moment de lecture, et à dire vrai, un début de pointage de piquage de nez.
— Mais entrez, je vous prie.
Il aurait beau se poser la question un peu plus tard dans la matinée, impossible de se souvenir si, au moment de la laisser pénétrer, il avait eu un doute.
Si derrière la courtoisie il y avait eu le minimum syndical de méfiance.
Il vit d’emblée, à son regard, que la maison lui avait tapé dans l’œil. Il n’en était pas peu fier. C’était un vieux bout de ferme qu’il avait entièrement retapé de fond en comble.
Les briques rouges des façades extérieures, région toulousaine oblige, certains éléments à l’intérieur comme une vieille cheminée, face à son canapé préféré, tous ces petits détails faisaient office de vestiges du tas de débris qu’avaient été les lieux avant qu’il n’en fasse l’acquisition et ne leur redonne vie.
Lui de son côté s’attardait sur son invitée surprise.
Elle était belle, vraiment belle.
Rousse, vraiment rousse, elle devait faire vingt bons centimètres de moins que lui.
Très sportive, du genre à avoir tâté un sport de combat un peu plus jeune. Ou ancienne militaire, du genre à boulotter du parcours du combattant les yeux fermés.
Il s’attendait à ce qu’elle sorte une phrase bateau, bidon du style « désolée, de débarquer à l’improviste un dimanche matin, je visite le coin », car en réalité, il se doutait déjà de la – vraie – raison de sa venue.
Sans se connaître, ils avaient un passé commun.
Il espérait juste qu’elle n’était pas venue jouer les groupies.
Alors, il posa mécaniquement la question, car rien d’autre ne lui vint sur l’instant : « Je peux vous offrir quelque chose ? Un café ? »
— Un café. Oui, merci. Je suis désolée de m’imposer ainsi.
— Pas de soucis.
Ô dialogues passe-partout et idiots comme la lune un soir d’hiver, suspendez votre vol par pitié !
Elle lui avait répondu tandis qu’il se dirigeait vers la cuisine, tout droit sortie du magasin d’ameublement et d’électroménager le plus onéreux de la place.
Et alors qu’il s’était retourné vers elle et s’apprêtait à remettre des pièces dans la machine à phrases toutes faites, du style « aucun problème, j’aime qu’on débarque chez moi sans prévenir et qu’on m’empêche de continuer mon super bouquin », elle le sécha direct.
— Écoutez, je ne voudrais pas paraître discourtoise, mais je dois vous avouer que je ne suis pas venue sans raison. Enfin, je veux dire…
— Que vous n’êtes pas là uniquement pour mon charme incomparable.
Un bout de sourire se dessina sur le coin inférieur droit de la bouche de la visiteuse.
Ancien timide maladif, oui, mais il avait quand même fait du chemin.
Elle n’avait pas l’air méchante, mais coincée comme un tiroir de commode oubliée dans une cave en Sibérie.
— Est-ce que vous avez entendu parler d’une dénommée Norah Vincent ?
Sa cafetière commença son barnum quand il lui répondit qu’effectivement ça lui disait quelque chose.
Elle éluda, quand il lui demanda, chacun son tour, si elle reprenait l’enquête.
Puis le gratifia d’un sourire, un chouïa plus étendu que le précédent et tout mignon lorsqu’il lui tendit la tasse.
Et enfin, se décida à poser la question à laquelle il s’attendait : « Votre frère vous en a parlé ? »
Eh oui, c’était bien cela. Forcément cela. Non, elle n’était pas venue pour ses beaux yeux, pour la ferme, pour cet insupportable vent d’autan qui pour l’heure était en pause, mais pour ses gènes.
Remarque, il ne pouvait pas lui en vouloir. Elle était là parce qu’il était frère de, mais après tout, elle était elle-même fille de.
Ils parlaient donc la même langue.
Alors, autant jouer le jeu, après tout que risquait-il ?
— Je ne sais pas grand-chose. C’est une histoire qui commence à remonter, mine de rien. Je sais que cette jeune fille a été vampirisée.
— Mais cette histoire n’a pas débuté en 2012, vous le savez ?
— Oui, je le sais.
Il but une gorgée de son café même s’il n’avait aucune envie de café à cet instant précis. Elle l’imita. Il se dit qu’ils devaient tous deux avoir le même âge ou pas loin. Elle comme lui avait coché la trentaine, il n’y avait pas si longtemps, mais paraissait un poil en dessous.
Faire plus jeune que son âge, pas sûr que ça soit un avantage dans la branche professionnelle qu’elle s’était choisie.
— Ça a commencé dans les années quatre-vingt-dix, je crois.
*
1998, une nuit d’été
On l’appelait le lac de cristal.
Son chemin d’accès était à l’époque escarpé.
Si à la lumière du jour, il offrait un cadre paisible aux promeneurs et pêcheurs, à la nuit tombée la musique changeait.
Majestueux et réconfortants le jour, annonçant pour certains, Noël avant l’heure à tout moment de l’année, les nombreux sapins qui le bordaient se muaient en créatures angoissantes la nuit, bercés par le vent qui les faisaient se pencher vers les visiteurs, comme pour les dévorer tout cru.
C’était, en ces temps-là, un lieu de promenade, le départ d’un sentier de randonnée, un spot de pêche donc, parfois un coin des amoureux, aussi.
Personne n’a jamais vraiment su ce qu’il était venu y faire en cette nuit de juillet 98.
La Section avait consciencieusement creusé la question, bien que les témoins de l’époque se soient éparpillés.
Sauf, que pas grand-chose n’en était ressorti. Rien qu’une certitude : le lac de cristal avait vu naître la chose qui s’en prendrait des années plus tard à Norah Vincent au sortir d’une boîte de nuit, un autre soir d’été.
*
— Ça sent bon.
— Merci.
Il remit en place le couvercle de la vieille cocotte en fonte.
Cadeau de sa mère datant de plusieurs années auparavant.
Ça mijotait calmement. Tout l’inverse de l’impatience qu’il sentait monter en lui. Il aimait cuisiner, mais pas faire partie du repas. Et il n’aimait pas jouer les historiens.
Lana semblait le prendre pour une sorte de Père Castor de secours, là pour combler les blancs, les trous et les vides.
Alors, il décida de s’y mettre à son tour, après tout…
— Quand est-ce que vous êtes entrée à la Section exactement ?
Ça ne loupa pas, il se prit un mur, puisqu’elle répondit à sa question par une autre question. Classique…
— Qu’est-ce que vous savez de la Section au juste ?
Bingo. Père Castor devait en remettre une couche.
— Rien de plus que le strict minimum, je dirai.
Il termina son café refroidi, elle lui refit son discret sourire de coin de bouche.
— Je ne sais pas quoi vous dire de plus. Mon frère ne s’est jamais vraiment penché sur la question. Je sais qu’à l’époque où le vampire de Norah s’est fait ses premières dents la Section, il était déjà trois ou quatre fois centenaire.
En réalité, il en savait tout de même un peu plus.
Parce que son frère s’appelait Timothé Scavolino, parce qu’il faisait partie de ce monde. La mère de Lana aussi. Et Lana désormais.
Et il savait que la chose du lac de cristal était née après avoir été mordue par ce qui l’avait guettée entre les sapins.
La chose, avant de le devenir, s’appelait Christian. Quatorze ans plus tard, au moment de son attaque, il aurait la même apparence que celle qui était la sienne lors de sa transformation.
Cette même jeunesse qui lui avait permis d’approcher Norah sans éveiller le moindre soupçon, parce que donnant l’impression d’avoir à peu près le même âge qu’elle.
Norah avait presque vingt ans et était sortie il n’y avait pas si longtemps que cela, finalement, du lycée.
Au moment de se faire vampiriser, lui s’y
