À propos de ce livre électronique
Ces personnages, vous pourriez les croiser dans la rue. Ils et elles se côtoient parfois dans l’intimité, ou se rencontrent au supermarché, dans le hall d’un immeuble ou encore dans un autobus, en route pour leur labeur quotidien. Le chauffeur de bus, la caissière du supermarché, le professeur d’université, l’étudiante, l’agent de sécurité, le truand… Tous et toutes cheminent et s’affairent à ce qui fait leur ordinaire lorsqu’un grain de sable vient soudainement gripper les rouages du quotidien, chamboulant leurs parcours et liant leurs vies – et (peut-être ?) la vôtre – à jamais.
Roman choral, histoires imbriquées comme des poupées russes, narration qui avance avec des allures de passages de relais entre les personnages d’un chapitre à l’autre… "Labeur "est d’une inventivité remarquable et soulève, l’air de rien, des questions cruciales : avons-nous la maîtrise de nos destins ? Nos choix peuvent-ils réellement influencer notre parcours ? Et surtout : avons-nous les vies que nous méritons ?
À PROPOS DE L'AUTRICE
Julie Bouchard est née et vit à Montréal. Elle est l’autrice, aux éditions de la Pleine Lune, de deux recueils de nouvelles – "Nuageux dans l’ensemble et Férocement humaines". "Labeur" est son premier roman.
En 2020 et 2021, elle a reçu le Prix de la nouvelle Radio-Canada. En 2024, elle est la lauréate du Commonwealth Short Story "Prize "pour la région Canada et Europe.
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Aperçu du livre
Labeur - Julie Bouchard
LABEUR
JULIE BOUCHARD
Délaissant les grands axes, j’ ai pris la contre-allée
A. Bashung et J. Fauque
Paradoxalement, les institutions devraient garantir le droit à la fragilité des individus. Le droit, en somme,
de ne pas renoncer à sa propre humanité…
Roberto Scarpinato
La Contre Allée est une maison d’édition indépendante
qui fait confiance à votre curiosité depuis 2008.
Vous avez entre les mains la première impression
de Labeur, et nous vous en remercions.
© Julie Bouchard et Les éditions de la Pleine Lune, 2017
© (éditions) La Contre Allée (2025)
Collection
La
s
entinelle
There was this funny thing of anything could happen now that we realized everything had.
« On avait le sentiment bizarre qu’il pouvait arriver n’importe quoi maintenant qu’on s’était rendu compte que tout était fichu. »
Raymond Carver, Gloriette,
traduit de l’anglais par Jacqueline Huet
et Jean-Pierre Carasso, éditions de l’Olivier
À la sonnerie des réveille-matin, ils ouvrent les yeux. Dans un demi-sommeil, ils bougent un bras, une jambe puis l’autre, s’étirent, gémissent un peu.
Il n’est que 6 h 02.
Sur le matelas à mousse mémoire où ils reposent recouverts d’un duvet d’oie, aucun rai de lumière du jour naissant ne les atteint, puisqu’ils ont installé devant les baies vitrées des stores opaques à enrouleur de couleur gris acier qui les coupent de toute clarté.
Au tournant de 6 h 06, ils pivotent sur le flanc gauche, soupirent, puis d’une contraction des abdominaux se soulèvent du lit au ralenti, le corps mou, la tête lourde, encore rompus, dirait-on, par leur journée de travail de la veille. Mais aussi, bien sûr, par celle de l’avant-veille. Ainsi que par celles, à bien y réfléchir, de toutes les autres journées difficiles de toutes les autres années difficiles précédant cette nuit.
En somme, c’est une vieille fatigue qui les habite en ce 12 novembre de l’an deux mille quelque.
Sur leur visage, des sillons laissés par les plis de l’oreiller apparaîtront comme des cicatrices d’usure au creux de leurs joues pour le reste de la matinée.
Partout sur la planète, des millions de travailleurs ouvrent les yeux à cette seconde précise et quelques-uns, les plus chanceux, auront dormi auprès de l’aimé, alors que d’autres, plus esseulés, auront eu de la difficulté à trouver le sommeil, et ce, malgré les 5 mg de somnifère avalés avant le coucher. Vous verrez, les a-t-on pourtant rassurés, vous dormirez comme des bébés. Mais non. Ils ne dorment pas comme des bébés. Ils dorment au contraire très mal, car préoccupés, déçus, tendus. Et quoi encore ? Ah oui, désillusionnés, aigris, blessés dans leur orgueil par Untel qui a dit ci, Unetelle qui a dit ça. Et même si tous auront rêvé, peu se souviendront du contenu latent de leur rêve, qui aurait pu les guider vers l’avenir. Alors au lever du lit, ils glisseront leurs pieds dans des pantoufles de laine, tout aussi aveugles à leur propre vie que la veille, et, selon les rituels matinaux, s’assoiront les yeux collés devant un yogourt grec à 0 % de gras, une tranche de pain aux neuf grains, un bol de riz collant. Après la douche, ils auront un moment d’arrêt devant le miroir. Voyant leur visage fatigué, vieilli, ils se demanderont, en ce 12 novembre de l’an deux mille quelque, la bouche débordante de pâte dentifrice mentholée, si c’est vraiment la vie qu’ils méritaient. Puis, l’haleine fraîche, ils partiront au travail, certains de revenir le soir à la maison.
Commencera ainsi une autre journée de labeur où ils devront trimer, découper, déplacer, congédier, conduire, prier, transmettre, compter, dépecer, surveiller, taper, punir, ramasser, polir. Puis trier, charger, décrasser, demander, quémander, redonner. Puis encore couper, cisailler, écouter, se promener, s’envoler, s’écarter, s’offrir, délivrer, perdre, souffrir. Encore souffrir. Encore souffrir. Mourir un peu.
Le chauffeur du 102
Il ouvre les yeux à 5 h 59, une minute avant que le réveille-matin ne sonne, après avoir dormi huit heures d’un trait. Gaston Leblanc, le chauffeur du 102, dort bien. « Je sais dormir », explique-t-il à son collègue Jerry Bernier qui, lui, doit avaler des somnifères depuis plusieurs années avant de se coucher. « Il s’agit d’avoir la conscience tranquille, mon Jerry : rien à reprocher à quiconque, rien à se reprocher à soi-même. Et par-dessus tout, tu dois avoir l’estomac vide trois heures avant de te mettre au lit. »
Mais Jerry a une maîtresse et aime les snacks de fin de soirée.
À 6 h 02, Gaston gigote, se tourne sur le flanc droit et puis attend. Sur le réveille-matin, trois chiffres de cristaux liquides rouges indiquent l’heure en donnant l’étrange et rassurante impression qu’ils ne changeront plus jamais. Puis, sans surprise, le 2 disparaît au bout de quelques secondes pour laisser place à un 3.
Gaston restera ainsi allongé sur le côté encore quelques minutes, à regarder calmement le temps passer.
« Moi, au fond, je demande peu à la vie », a-t-il expliqué à Jerry Bernier pas plus tard qu’hier, exerçant une légère pression sur l’avant-bras de celui-ci, alors que l’un et l’autre se dirigeaient côte à côte vers leurs bus respectifs, le 102 et le 23, dans leurs habits de travail bleus, sous le ciel bas et menaçant de la ville de M. « Je suis, en gros, un homme juste assez heureux. »
Puis, s’arrêtant de marcher après heureux, Gaston avait fixé les hauts buildings de béton qui, par beau temps, empêchaient les rayons de soleil d’atteindre les vivants. Jerry, ne trouvant rien à répliquer à tant de contentement, avait observé Gaston contempler les buildings, tout en pensant à Lucie, sa maîtresse, qui lui causait beaucoup de souci. En reprenant la marche, Jerry Bernier s’était dit qu’il devait ignorer quelque chose concernant le bonheur.
À 6 h 10, en avance sur son horaire, car plus fébrile qu’à l’accoutumée, Gaston s’assoit sur le bord de son lit capitaine. Dans son pyjama de flanelle grise, dos voûté, le surplus de gras abdominal chutant sur ses cuisses, les mains posées sur les genoux tel un écolier, il fixe quelques instants, comme perdu dans ses pensées, le tapis vert à poil ras sous ses pieds – un tapis usé, défraîchi par les années, infesté d’acariens depuis qu’Arlette est partie.
En ce 12 novembre de l’an deux mille quelque, Gaston Leblanc se prépare à entreprendre sa dernière journée de travail.
Sortant de sa rêverie au moment où Jack, son vieux chat roux, lui saute sur les genoux, il élance les bras vers le plafond, joint les mains, étire le dos, émet un fantastique gémissement de contentement qui, perçu de l’autre côté de la cloison, pourrait laisser penser qu’il se passe des choses dans la chambre de Gaston. Mais non. Il se passe peu de choses dans cette chambre. D’ailleurs, Gaston Leblanc n’a pas eu de « relations intimes » depuis huit ans et demi.
Viennent après le gémissement, dans une suite d’actions routinières et répétées dans le même ordre depuis des années, la douche froide qui revigore, la préparation du sandwich au jambon sans moutarde, le costume bleu bien repassé qu’il enfile, puis un dernier tour de la maison pour s’assurer que les lumières sont éteintes partout, oui elles le sont, le chauffage réglé à 16 degrés, parfait, et le grille-pain débranché. Tout va bien. Gaston Leblanc peut partir l’esprit en paix.
Avant de sortir, il s’incline péniblement vers Jack – vu son surplus de poids et son arthrose – en lui murmurant de façon paternelle et en passant la main dans un va-et-vient sur son flanc, Papa s’en va, bonne journée, je reviens bientôt, sois sage, papa reviendra. Et ainsi rempli d’amour félin, il se dirige en chantonnant vers sa Toyota Corolla 4 portes.
Casquette bleue sur la tête, il s’apprête à entamer sa dernière journée de travailleur en croyant que l’avenir lui sourit, comme il sourit lui-même à l’avenir.
Depuis trente-trois ans jour pour jour, Gaston Leblanc conduit un autobus articulé d’une longueur de 19 mètres – le plus souvent appelé bus accordéon –, dont la capacité d’accueil atteint 110 passagers (60 assis, 50 debout) aux heures étourdissantes de grand achalandage. Monté sur dix roues et trois essieux, ce véhicule surdimensionné de la ville de M. roule fièrement au gaz naturel (tel qu’indiqué sur le derrière de l’engin). Et même si l’Agence internationale de l’énergie évaluait en 2012 les émissions mondiales de CO2 dues au gaz naturel à 6 440 Mt (millions de tonnes), en progression de 69 % depuis 1990, et que ces émissions représentaient 20 % des émissions dues à l’énergie contre 44 % pour le charbon et 35 % pour le pétrole, et que le secteur gazier génère en outre des émissions de méthane (CH4), gaz dont le potentiel de réchauffement global est 25 fois plus élevé que celui du CO2, Gaston s’assoit
