Le secret du Bellerophon
Par Hervé Michel
()
À propos de ce livre électronique
Lorsque Marc Peterson et Alwin Stark, les deux experts vedettes de l’US Submarine Veterans, une association chargée d’enquêter sur des accidents de sous-marins, débarquent au Liban, ils sont loin de se douter qu’ils viennent de mettre les pieds sur un nid de frelons.
Missionnés pour identifier et répertorier une épave de submersible découverte par des pêcheurs locaux, les deux plongeurs vont se retrouver mêlés à un incroyable complot dont le pivot central est un mystérieux objet, nommé Artefact. En compagnie de Audrey Lebel, descendante du commandant du navire naufragé et de Omar, un gamin plein de ressources et de malice, ils devront remonter le temps jusqu’aux portes de la Seconde Guerre mondiale et entamer une haletante course contre la montre, depuis les profondeurs abyssales jusqu’aux tréfonds du désert de Hermel, pour découvrir les premiers ce qui se cache derrière l’Artefact. Tandis que des forces antagonistes s’affrontent dans l’ombre, ils devront aussi compter avec un tueur implacable, lancé sur leurs traces pour les empêcher de révéler l’incroyable vérité.
Un livre qui entraîne le lecteur dans un grand voyage, par-delà la Méditerranée et présente des héros aux valeurs humaines fortes : amitiés, solidarité, courage tout en leur reconnaissant des faiblesses humaines.
À PROPOS DE L'AUTEUR
Hervé Michel, ancien journaliste indépendant, écrivain, criminologue, se passionne depuis toujours pour l’aventure, le mystère et le crime. Des thèmes récurrents dans ses romans qui mêlent intrigue, suspense et action avec une seule intention : maintenir le lecteur en haleine jusqu’à la dernière page.
Lié à Le secret du Bellerophon
Livres électroniques liés
- Sur le quai de l'Orangerie: Roman policier Évaluation : 0 sur 5 étoiles0 évaluation
- L’Héritage Van der Meer: Policier Évaluation : 0 sur 5 étoiles0 évaluation
- Déroutes Évaluation : 0 sur 5 étoiles0 évaluation
- Barbicaut barbote en idées noires: Polar en banlieue Évaluation : 0 sur 5 étoiles0 évaluation
- L'Écarlate: Un thriller réunionnais Évaluation : 0 sur 5 étoiles0 évaluation
- Engrenages: Thriller Évaluation : 0 sur 5 étoiles0 évaluation
- L'écheveau de Blois: Emma Choomak, en quête d’identité - Tome 8 Évaluation : 0 sur 5 étoiles0 évaluation
- Le dossier Nuts: Roman policier Évaluation : 0 sur 5 étoiles0 évaluation
- Outrages: Thriller Évaluation : 0 sur 5 étoiles0 évaluation
- Elle s'en repentira: De Concarneau au Grand Nantes Évaluation : 0 sur 5 étoiles0 évaluation
- La Mort avec un grand M Évaluation : 0 sur 5 étoiles0 évaluation
- Les fantômes de l'Artiglio Évaluation : 0 sur 5 étoiles0 évaluation
- La Ville de la Peur (Un roman policier Ava Gold – Tome 2) Évaluation : 0 sur 5 étoiles0 évaluation
- Quai des disparus Évaluation : 0 sur 5 étoiles0 évaluation
- Prédateurs - Le Père des anges Évaluation : 0 sur 5 étoiles0 évaluation
- Les remparts de la colère: Roman policier Évaluation : 0 sur 5 étoiles0 évaluation
- L’admirateur Évaluation : 0 sur 5 étoiles0 évaluation
- La chute de l’étoile - Tome 2: La terre des oubliés Évaluation : 0 sur 5 étoiles0 évaluation
- Peste sur la ville: Un thriller angoissant Évaluation : 0 sur 5 étoiles0 évaluation
- La mort à pleines dents: Thriller Évaluation : 0 sur 5 étoiles0 évaluation
- Carton rouge Évaluation : 0 sur 5 étoiles0 évaluation
- Mort d'un notaire de province Évaluation : 0 sur 5 étoiles0 évaluation
- Le domaine des innocents Évaluation : 0 sur 5 étoiles0 évaluation
- Avant Qu’il Ne Chasse (Un mystère Mackenzie White – Volume 8) Évaluation : 0 sur 5 étoiles0 évaluation
- Pâté de corbeau aux amandes amères: Les enquêtes gourmandes d’Arsène Barbaluc - Tome 1 Évaluation : 0 sur 5 étoiles0 évaluation
- L'épicerie Sansoucy 03 : La maison des soupirs Évaluation : 0 sur 5 étoiles0 évaluation
- Un Tours à la morgue: Roman policier Évaluation : 0 sur 5 étoiles0 évaluation
- Le serpent du Val d'Hérens Évaluation : 0 sur 5 étoiles0 évaluation
- L’ombre du soleil Évaluation : 0 sur 5 étoiles0 évaluation
- Caméléon Évaluation : 0 sur 5 étoiles0 évaluation
Mystère historique pour vous
- Le Collier de la Reine: Une nouvelle policière paru dans le recueil Arsène Lupin gentleman cambrioleur Évaluation : 0 sur 5 étoiles0 évaluation
- Meurtre au Manoir d’Archly: Une lady mène l'enquête, #1 Évaluation : 5 sur 5 étoiles5/5
- Le Trésor des Cathares: Rennes-Le-Château ou Montségur ? Évaluation : 0 sur 5 étoiles0 évaluation
- Le Château de Cerville Évaluation : 0 sur 5 étoiles0 évaluation
Avis sur Le secret du Bellerophon
0 notation0 avis
Aperçu du livre
Le secret du Bellerophon - Hervé Michel
Hervé Michel
Le Secret du Bellérophon
Suspense
ISBN : 979-10-388-0280-37
Collection : Rouge
ISSN : 2108-6273
Dépôt légal : janvier 2022
© couverture Ex Æquo
©2022 Tous droits de reproduction, d’adaptation et de traduction intégrale ou partielle, réservés pour tous pays.
Toute modification interdite.
Éditions Ex Æquo
6 rue des Sybilles
88370 Plombières Les Bains
www.editions-exaequo.com
***
Prologue
Le soleil disparaissait lentement, derrière l’horizon. Les gros nuages qui s’amoncelaient, au-dessus de la mer, loin vers l’ouest, commencèrent à s’enflammer pour se fondre en un camaïeu de jaune, d’orange et de pourpre. La houle, bien formée, venait se fendre avec des claquements secs sur l’étrave jaune et blanche de la vieille barque des frères Saliba. À chaque assaut des vagues, les planches rongées par les vers marins vibraient comme si elles allaient éclater. Cela restait tout de même une bonne barque. En tout cas, Izaak, le plus âgé des deux frères, un petit homme au ventre proéminent, portant une longue barbe noire en broussaille, avait confiance dans ce bateau qui le nourrissait, lui, son frère et leurs deux familles depuis près de vingt ans.
Sous l’embarcation, dont le pont était encombré de paniers d’osier et de caisses en plastique, l’eau perdait progressivement sa limpidité et sa belle couleur turquoise pour se teinter de sombre. Le fond, encore bien visible lorsqu’ils avaient quitté Batroun, un peu moins d’une heure auparavant, était désormais plongé dans l’obscurité la plus totale. C’était l’heure des monstres des vieilles légendes, l’heure où les créatures marines les plus terribles viennent happer les pêcheurs retardés sur la mer.
Izaak fixait l’eau, comme s’il cherchait à hypnotiser les poissons pour qu’ils se prennent enfin à ses lignes. Depuis le début de la crise économique, tant de personnes s’étaient mises à la pêche sauvage, simplement pour subsister, que la population des poissons s’était effondrée. Les pêcheurs professionnels, comme lui, devaient aller de plus en plus loin et rester en mer de plus en plus longtemps pour ramener des prises acceptables.
Un cri de terreur, à l’avant du bateau, le fit sursauter. Il ne comprit pas immédiatement ce qui se passait en voyant Zadok, son jeune frère, sauter par-dessus bord. D’un seul coup, il aperçut l’énorme masse sombre qui venait de surgir de la nuit et qui fonçait sur eux : un chalutier sans le moindre éclairage !
Plus le temps de fuir, ni de virer de bord, il allait mourir ! Il ferma les yeux et pensa à sa femme et à ses enfants, restés à Batroun, qui ne le verraient pas rentrer, à l’aube. La barque se mit à tanguer et à rouler dans tous les sens, le choc allait être terrible. Soudain un incroyable vacarme vrilla les oreilles du pêcheur : le bruit d’un moteur qui s’emballe. Il attendit encore quelques secondes d’être pulvérisé, mais la collision ne se produisit pas. Il ouvrit les yeux et constata avec effroi que l’étrave du chalutier se trouvait à quelques mètres seulement de son bateau, immobile, comme figée par un magicien. Le bruit des moteurs déchirait la nuit. Les hélices du bateau, propulsées par les quatre cents chevaux d’un gros diesel poussif battaient l’eau, en surrégime, sans parvenir à faire avancer la coque ventrue. Sur le pont, plusieurs mètres au-dessus de Izaak, c’était le branle-bas. Des hommes couraient dans tous les sens en criant. On entendait des jurons, des ordres brefs. Finalement, les moteurs s’arrêtèrent et le calme revint sur la mer.
Izaak comprit soudain ce qui se passait. Le chalutier, qui naviguait sans feu de position, était un navire pirate qui ratissait les fonds à l’aide de son chalut. Il venait probablement d’accrocher un gros rocher ou une épave et avait été stoppé net au moment où il allait broyer sa pauvre coque de noix. Si ça, ce n’était pas une intervention divine… D’autant plus qu’à sa connaissance, les fonds, dans ce secteur, étaient aussi lisses que les fesses de son dernier fils de six mois.
La barque fut de nouveau secouée. C’était Zadok qui se hissait péniblement à bord. Izaak le tira par la chemise et eut envie d’éclater de rire en voyant ses longs cheveux noirs collés sur son visage ruisselant d’eau de mer.
Les deux frères examinèrent un instant le chalutier. C’était un navire local, en bois, qui affichait déjà pas mal d’heures de navigation. Il mesurait une quinzaine de mètres de long ; ce n’était pas à proprement parler une très grosse unité, mais il avait tout de même fallu une sacrée masse pour le stopper net. Peut-être que la tempête de la semaine précédente avait mis au jour une épave non répertoriée !
Izaak fit signe à son jeune frère de ne pas faire de bruit. Sur le bateau, on ne les avait pas encore aperçus. Mais si ces types étaient vraiment des pirates qui pêchaient sans autorisation, c’était mieux ainsi. Qui sait ce qu’ils auraient pu faire pour éliminer des témoins de leur forfait. Les deux frères s’éloignèrent doucement, à la rame, et remirent leur moteur en route lorsqu’ils furent suffisamment loin. Ils aperçurent encore un moment le chalutier qui faisait des manœuvres désespérées pour décrocher son chalut puis, peu à peu, sa silhouette se fondit dans la nuit.
***
Chapitre I
Marc Peterson lança un regard courroucé au gamin qui, deux rangées de sièges plus loin, dans l’allée de gauche, près des hublots, lui adressait des grimaces depuis une demi-heure. Ils étaient apparemment les deux seules âmes réveillées dans le vol Fort Lauderdale/Beyrouth. Afin de ne plus voir le mioche qui poursuivait ses pitreries, il relut, pour la troisième fois consécutive, l’article central du magazine Underwater Shipwrek Exploration. Sur une dizaine de pages s’étalait une enquête sur le Scorpion, l’un des quatre sous-marins mystérieusement disparus en 1968, une année où les théories les plus folles avaient circulé. Finalement, le Scorpion avait été retrouvé dans le Pacifique par près de trois-mille-quatre-cents mètres de fond.
Sous le titre, un sous-titre en caractère Arial Black indiquait : « Un article de Marc Peterson, enquêteur pour l’US Submarine Veterans ». Les photos étaient signées Alwin Stark, également membre de l’USSV. Créé au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, pour perpétuer la mémoire des sous-mariniers morts en service, l’USSV s’était doté, récemment, d’un service d’enquêtes, compétent pour déterminer les causes des naufrages de submersibles et identifier les unités inconnues. Marc et Alwin, anciens plongeurs de l’US Navy avaient été les premiers recrutés. Depuis, ils faisaient équipe ensemble.
Marc se tourna vers Alwin qui dormait profondément sur le siège de droite, en poussant de petits grognements. C’était un grand type, aux joues creuses, et aux cheveux coupés en brosse, qui râlait pour tout et n’importe quoi.
Marc passa une main dans sa barbe couleur chaume mûr en souriant. Son vieux copain bougonnait même entre les bras de Morphée. Depuis cinq ans qu’ils faisaient équipe, pour l’USSV, il s’était habitué au mauvais caractère de ce garçon un peu plus jeune que lui, qui voyait des complots partout et se méfiait de tout et de tout le monde. C’était un des meilleurs photographes sous-marins du moment.
À l’exception de Marc et de ce satané gamin, tous les autres dormaient, dans l’avion. Marc consulta sa montre. Il était quatre heures du matin. Encore deux heures avant de se poser à Beyrouth. Il soupira. Cela faisait près de trente-deux heures qu’ils avaient quitté Fort Lauderdale et il commençait à en avoir plein les godasses d’avoir les fesses vissées dans un fauteuil.
Comme il ne parvenait pas à trouver le sommeil, il se replongea une nouvelle fois dans le magazine qui relatait ses aventures.
Une hôtesse passa dans l’allée centrale. Elle adressa un sourire à Marc, sourire qu’il lui rendit. Il la suivit des yeux, jusqu’à ce qu’elle disparaisse derrière le rideau qui séparait les passagers du local du personnel de bord. C’était un joli brin de fille, moulée dans son uniforme couleur café au lait. Elle marchait avec un adorable déhanchement.
Alwin ouvrit les yeux et consulta sa montre.
— Putain, encore deux heures. Je suis sûr que le pilote a fait un détour exprès pour nous faire payer un supplément, grommela-t-il en se tournant sur le côté.
Dans son geste, il posa la joue sur l’épaule d’une jeune femme qui occupait le siège voisin. Cette dernière dormait si profondément, qu’elle ne se rendit compte de rien.
Marc avait fini par s’endormir, lorsque le petit bruit de cloche qui précède un message du commandant de bord résonna dans les haut-parleurs. Les lumières se rallumèrent progressivement.
— Ladies and gentlemen… blabla, blabla…
Le pilote susurra le baratin habituel dans le micro pour demander aux passagers de redresser leurs sièges, replier leurs tablettes et de l’applaudir en cas d’atterrissage réussi. Dans le cas contraire, de toute manière, il s’en foutait. Le type était un ancien pilote de chasse qui avait pour devise qu’un atterrissage réussit lorsque l’avion est en mesure de redécoller.
Les passagers ne se rendirent même pas compte que les roues touchaient le sol, tant l’ancien chevalier du ciel opéra avec dextérité, mais il n’eut pas droit aux applaudissements. Tant pis !
Lorsqu’ils passèrent de la carlingue climatisée au tunnel mobile, Marc et Alwin eurent l’impression de prendre un coup de batte de base-ball sur la nuque, tant la température était élevée. Il n’était pourtant que sept heures trente et l’air était encore relativement frais, par rapport à ce qui allait leur tomber dessus dans quelques heures.
Ils suivirent le flot des passagers qui se rendait au tapis roulant. Ils attendirent une bonne vingtaine de minutes avant que ce dernier recrache leurs bagages.
Lorsqu’ils eurent enfin récupéré leurs valises, chargées de matériel et de quelques sous-vêtements, ils se dirigèrent vers le contrôle douanier.
Il y avait peu de monde, à cette heure-là, dans les allées de l’aéroport international Rafic Hariri. Leurs bagages et leurs passeports furent rapidement inspectés par une femme au visage souriant qui les gratifia d’un « Welcome in Lebanon » avant de leur restituer leurs passeports.
Le séjour commençait plutôt bien. Ils se rendirent ensuite au comptoir de la société de location auprès de laquelle ils avaient réservé un véhicule. Une jolie brune à la peau mate leur tendit une liasse de feuillets imprimés, prit le numéro de la carte bancaire de Marc et lui donna un trousseau de clés en retour.
— Nous sommes désolés, vous aviez retenu un 4x4, mais tous sont sortis ce matin. Nous avons été obligés de vous attribuer un véhicule de gamme inférieure. Mais vous vous y retrouverez au niveau de la consommation. Et puis dans Beyrouth, les grosses voitures…
Devant le sourire désarmant de la jeune femme, ni Marc ni même Alwin n’osèrent protester. Ils signèrent les documents et se rendirent au parking. Leur mâchoire se décrocha, lorsqu’un employé leur désigna une Fiat 500 jaune canari, flambant neuve.
— Ce sera nous ou les valises ! murmura Alwin en regardant la volumineuse Samsonite contenant son matériel photo, d’un air consterné.
Après avoir bataillé longuement, ils réussirent tout de même à caser leurs bagages. Marc, plus petit qu’Alwin, prit le volant, tandis que son compagnon se glissait péniblement à la place du mort.
Raffinement suprême, la petite Fiat possédait un GPS dernière génération, dans lequel Marc entra l’adresse du Lancaster Plaza, un hôtel luxueux sur le front de mer. L’amiral Bob Rayan, leur boss n’avait pas été radin, sur ce coup-là. Il faut dire que, lorsque Kamal Greig, avait contacté l’USSV avec cette histoire de sous-marin inconnu, découvert suite aux renseignements que lui avaient fournis deux pêcheurs de ses amis, Bob avait saisi la balle au bond. Pour justifier ses subventions, l’USSV devait mener à bien un maximum de missions et en ce moment, le planning des disparitions de sous-marins était plutôt calme. Alors, l’exclusivité d’un tel dossier valait bien un bonus pour ses gars.
Le voiturier suivit un instant des yeux la petite voiture jaune tandis qu’elle s’insérait dans le trafic. Il avait un peu mal à la tête et ses idées n’étaient pas très claires. Il se sentait comme un lendemain de cuite, sauf que, depuis plusieurs jours, il n’avait absolument rien bu.
Le jeune homme sentit son malaise s’accentuer lorsqu’un individu plutôt athlétique, pas très grand, la peau extrêmement pâle et les cheveux d’un blanc éclatant, s’approcha de lui. Ce dernier plongea son regard d’un vert intense dans le sien.
— Alors, tu as fait ce que je t’ai demandé ?
Le voiturier hocha mécaniquement la tête. Il ne savait plus exactement ce qu’il avait fait, mais il l’avait fait.
— Oui, Monsieur.
L’autre sourit et posa une main sur sa joue. Le voiturier trouva ce geste malsain. Il aurait voulu envoyer promener ce type, pourtant, il le laissa faire.
— C’est bien, c’est très bien.
L’homme ne dit rien de plus. Il s’éloigna et rejoignit un gros 4x4 Hyundai Terracan noir garé près de la sortie du parking.
— C’était qui ?
Le voiturier sorti de sa torpeur, sa migraine s’était estompée, d’un seul coup. Il se retourna et sourit à Leila, sa collègue de travail qui attendait un autre client.
— C’étaient des types de la marine américaine ou un truc comme ça, je crois. Pas sûr !
Leila le regarda, surprise.
— Non, je te parle du mec aux cheveux blancs avec qui tu parlais, à l’instant ; le pervers qui t’a caressé la joue.
Le garçon la dévisagea comme si elle avait dit une bêtise. Il haussa les épaules et décrocha le téléphone pendu à sa ceinture qui sonnait et vibrait en même temps.
***
Chapitre II
Le Lancaster Plaza se trouvait à cinq ou six kilomètres de l’aéroport, ce qui représentait douze minutes de trajet à peine selon le GPS. Malgré la fatigue du voyage, Marc conduisait détendu, le bras à la portière. Il faisait une telle chaleur qu’ils avaient dû ouvrir les vitres, car Alwin ne supportait pas la clim : une saloperie, sûrement inventée par les Russes, pour vous bombarder de microbes et de virus, histoire de faire crever les honnêtes Américains, d’après lui.
Sur la route de l’hôtel, la circulation devenait de plus en plus difficile. Soudain, les feux de la voiture qu’ils suivaient s’allumèrent et la file ralentit d’un seul coup. Marc freina brutalement en poussant un juron :
— Merde qu’est-ce qu’il se passe ?
Alwin engagea sa tête à la fenêtre et se décrocha le cou pour tenter de voir ce qui provoquait ce brusque ralentissement.
— Des soldats, ils arrêtent tous les véhicules. Il ne nous manquait plus que ça !
Ils roulèrent au pas durant plusieurs minutes et durent se faufiler dans une chicane mobile, constituée de gros cubes en béton rouges et blancs, qui ne permettait le passage que d’une seule voiture à la fois. Un jeune militaire en tenue camouflé, béret noir et fusil d’assaut à la main, leur fit signe d’avancer.
Marc se tourna vers Alwin.
— File-moi ton passeport !
Il tendit les deux documents au militaire, avant que celui-ci n’ait eu le temps de les lui réclamer. Le soldat inspecta du regard l’intérieur de la petite voiture chargée de bagages. Il se pencha un peu dans l’embrasure de la fenêtre pour comparer le visage d’Alwin à la photo de son passeport. Ce dernier lui adressa un large sourire qui n’eut aucun effet sur l’air sévère du militaire. Ce dernier rendit les papiers à Marc et lui fit signe d’avancer.
Les deux Américains ne prêtèrent aucune attention au 4x4 Hyundai qui les avait pris en filature depuis l’aéroport. Lorsque le gros véhicule se présenta au check point, le militaire demanda à son collègue de lever la barrière et la voiture passa sans même que le conducteur eût à baisser la vitre. L’homme jeta un coup d’œil à la tablette tactile accrochée au tableau de bord, sur laquelle clignotait le point rouge qui indiquait la position des deux Américains. Le traceur qu’il avait fait installer par l’employé de l’aéroport fonctionnait parfaitement. Une technologie assez primitive, mais finalement efficace.
À moins de cinq cents mètres de là, la Fiat 500 avait repris sa place dans le trafic, mais bientôt Marc dut de nouveau ralentir. Une ribambelle de mômes sales et dépenaillés avait envahi la chaussée. Ils se précipitaient sur les véhicules en brandissant des CD et des DVD qu’ils tentaient de vendre aux chauffeurs indifférents, enfermés dans les habitacles clos de leur voiture.
En apercevant la petite Fiat, dont les vitres étaient ouvertes, la troupe convergea d’un seul coup.
— One dollar, sir, one dollar. Good movies…
Ils durent repousser les mains intrusives et, à regret, Marc avança dès que la file se remit en branle. Ils ne firent que quelques mètres avant de se retrouver de nouveau à l’arrêt, mais cela leur avait suffi pour remonter les glaces et verrouiller les portières.
Alwin soupira en secouant la tête.
— Pauvres gosses, ils me font de la peine.
Marc acquiesça. Décidément, la misère a partout le même visage et les mêmes yeux.
Ils parvinrent finalement au Lancaster Plaza. À peine étaient-ils garés devant la façade élancée du luxueux établissement, qu’un employé vint à leur rencontre, pensant qu’il pouvait s’agir de touristes qui cherchaient leur chemin. Les clients habituels arrivaient plutôt dans de grosses limousines.
Il se garda bien d’afficher sa surprise lorsque Marc lui annonça qu’ils avaient réservé des chambres pour une semaine. L’homme adressa un signe à deux bagagistes qui se précipitèrent pour vider la petite Fiat.
— Pas mal ! murmura Alwin en entrant dans le hall pavé de marbre noir.
Le réceptionniste, derrière son comptoir, fronça les sourcils en apercevant ces deux touristes en jeans et chemise froissés. C’était un type costaud, au crâne dégarni portant un costume beige et une cravate rouge.
— Bonjour, Messieurs, que puis-je pour vous ?
— Marc Peterson et Alwin Stark, nous avons réservé deux chambres.
Le réceptionniste consulta l’écran devant lui et acquiesça avec empressement.
— Tout à fait, Messieurs. Je vais vous demander vos passeports, dit-il en posant deux cartes magnétiques sur le comptoir.
Marc et Alwin tendirent les documents et signèrent le registre que leur présenta l’homme.
— Chambres 308 et 309, indiqua-t-il aux deux bagagistes qui s’empressèrent d’emporter les valises vers l’ascenseur.
— Encore une chose, précisa Marc au réceptionniste, un ami doit nous rejoindre, vers 18 heures. Pourriez-vous me prévenir lorsqu’il arrivera ?
— Mais certainement, Monsieur. Et si, en attendant, vous désirez déjeuner, le repas va bientôt être servi.
Les chambres étaient de véritables petits appartements, presque des suites, décorées dans des tons beiges et chocolat. Elles étaient meublées dans un style moderne et donnaient, toutes les deux, directement sur le front de mer. À cet étage, on apercevait toute la côte et une partie de Beyrouth dont les toitures des maisons s’étendaient à perte de vue, vers l’intérieur des terres.
Marc et Alwin se douchèrent rapidement et descendirent prendre leur déjeuner au restaurant de l’hôtel. Après le café, ils remontèrent, s’allongèrent tout habillés, puis plongèrent avec délectation dans les bras de Morphée.
Lorsque Marc ouvrit les yeux, la lumière passant par la grande baie vitrée qui donnait sur la mer avait faibli. Le ciel, embrasé par le soleil couchant, n’allait pas tarder à s’éteindre. Dehors, les feux de la ville commençaient à s’allumer les uns après les autres.
Marc consulta sa montre. Il se leva d’un bond ; il était près de vingt heures. Bon sang ! le réceptionniste avait oublié de le prévenir et Kamal était certainement en train de les attendre dans le hall, à moins qu’il ne soit déjà reparti.
Il récupéra sa carte magnétique, qu’il avait déposée sur le chevet du lit et sortit. Il tambourina à la porte voisine. Quelques secondes plus tard, Alwin ouvrit, encore partiellement endormi.
— Magne-toi, Alwin, le réceptionniste nous a zappés.
Le photographe secoua la tête. Il avait tout de suite vu qu’on ne pouvait pas se fier à ce gus et à son sourire hypocrite.
— C’est tout de même curieux que Kamal n’ait pas appelé. Ton téléphone n’était pas coupé ? demanda Alwin, tandis que l’ascenseur les emmenait vers le rez-de-chaussée.
Marc vérifia. Le téléphone n’était pas coupé. Lorsque les portes s’ouvrirent, un lointain brouhaha parvint jusqu’à eux. De l’autre côté du hall d’accueil, le restaurant était déjà plein et l’on entendait les rumeurs des clients qui étaient à table.
Ils se dirigèrent vers la réception où une charmante jeune femme aux cheveux raides et noirs comme la nuit avait remplacé le type chauve. Elle leur adressa un beau sourire qui plissa un peu ses yeux d’un bleu profond.
— Nous attendions un ami, dit Marc, avec amabilité. Votre collègue devait nous avertir, mais il a dû oublier.
Le sourire de la fille s’accentua.
— Tout à fait, Monsieur ! Georges m’avait prévenue, mais votre ami n’est pas venu. Allez prendre un apéritif, je suis sûre qu’il ne va pas tarder ! Vous savez, au Liban, le temps ne passe pas à la même vitesse qu’ailleurs.
Marc la remercia et s’éloigna un peu pour composer le numéro de Kamal. Il tomba directement sur la messagerie.
— Salut, Kamal, nous sommes arrivés ce matin et nous t’attendons, comme convenu, au Lancaster Plaza. Rappelle dès que tu peux.
Après avoir raccroché, Marc se tourna vers Alwin, le regard soucieux. Ils ne disposaient que d’une petite semaine pour plonger sur l’épave et ce contretemps l’ennuyait. Il savait que Bob ferait la tête s’ils devaient rester plus longtemps. Il avait déjà fourni un gros effort financier en leur payant le séjour dans cet hôtel, il ne fallait pas trop pousser non plus, même si l’USSV disposait de moyens substantiels.
Ils dînèrent en parlant de choses et d’autres. Marc rappela Kamal à plusieurs reprises, durant le repas, mais tomba à chaque fois sur sa messagerie.
Vers dix heures, ils décidèrent de regagner leurs chambres. Le contretemps était fâcheux, car une première plongée était prévue le lendemain matin, sur l’épave. Certes, pour les deux hommes, anciens nageurs de combat de la Navy, la profondeur à laquelle se trouvait l’épave n’était pas exceptionnelle, mais ce n’était pas non plus une baignade
