L'amour de la montagne
Par Joël Magnan
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À propos de ce livre électronique
Claude dit Cloclo est un adolescent qui vit en Haute- Savoie. Son père, professeur au lycée technique de Chamonix et guide de haute montagne l'initie au ski et surtout à l'alpinisme. Cloclo suit les traces de son père et une découverte macabre en fera, malgré lui, un héros dans la ville. Nous passerons d'excursions en haute montagne sous des paysages somptueux, aux escalades dans le Vercors et à des sauvetages plus périlleux les uns que les autres. Encore lycéen, il fait la connaissance d'une jeune fille dont il tombe follement amoureux. Changera t-elle le cours de sa vie ?
Dans la deuxième partie, poursuivant ses exploits montagnards, Cloclo découvre son futur métier et fait une ascension fulgurante dans sa vie professionnelle. Par contre, côté coeur, sa vie amoureuse, plus chaotique, prend une direction inattendue. D'autre part, un événement tragique va profondément le bouleverser.
Comment surmontera t-il tout cela ?
Joël Magnan
Joël Magnan, né en 1949 en Allemagne et vivant actuellement dans le sud de la France est un retraité de l'éducation nationale. Il a trouvé dans l'écriture de romans, un moyen de s'évader de la vie quotidienne.
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Avis sur L'amour de la montagne
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Aperçu du livre
L'amour de la montagne - Joël Magnan
Veuillez m'excuser amis lecteurs, amis alpinistes ou
amis randonneurs, si certains lieux décrits dans ces
quelques pages et que vous allez certainement
reconnaître, ont été modifiés, ceci est uniquement
pour les besoins du roman.
Photo de couverture: Détours en France N° 152
Sommaire
Première Partie
Chapitre 1
Chapitre 2
Chapitre 3
Chapitre 4
Chapitre 5
Chapitre 6
Chapitre 7
Chapitre 8
Chapitre 9
Chapitre 10
Chapitre 11
Chapitre 12
Chapitre 13
Chapitre 14
Chapitre 15
Chapitre 16
Chapitre 17
Chapitre 18
Chapitre 19
Chapitre 20
Chapitre 21
Chapitre 22
Chapitre 23
Chapitre 24
Chapitre 25
Chapitre 26
Chapitre 27
Chapitre 28
Chapitre 29
Chapitre 30
Chapitre 31
Chapitre 32
Chapitre 33
Chapitre 34
Chapitre 35
Chapitre 36
Deuxième Partie
Chapitre 1
Chapitre 2
Chapitre 3
Chapitre 4
Chapitre 5
Chapitre 6
Chapitre 7
Chapitre 8
Chapitre 9
Chapitre 10
Chapitre 11
Chapitre 12
Chapitre 13
Chapitre 14
Chapitre 15
Chapitre 16
Chapitre 17
Chapitre 18
Chapitre 19
Chapitre 20
Chapitre 21
Chapitre 22
Chapitre 23
Première Partie
 Le silence de la montagne est encore plus beau lorsque les oiseaux se sont tus. 
 
Taisen Deshimaru
1
Nous sommes partis assez tard ce matin pour Annecy, environ quatre-vingt-dix kilomètres de notre habitation. Mon père a préféré attendre que le chasse-neige soit passé et que la température soit un peu plus favorable pour faire le trajet. Mes parents ont décidé de m'offrir, avec un peu de retard, une nouvelle paire de skis, pour fêter mon entrée en seconde.
Annecy est une belle ville très bourgeoise. La promenade en bateau sur son lac est à faire et l'été, de nombreux touristes envahissent les embarcations pour faire un petit tour sur les eaux calmes au plus chaud de la saison.
Nous longeons le lac par la rive gauche et au retour, nous passerons par la rive droite, c'est devenu une habitude. Arrivés en ville, la voiture est garée près de la mairie. Il est déjà onze heures et le soleil commence à darder ses rayons. Cela nous réchauffe un peu car la température ce matin à notre départ frôlait les moins dix en cette fin de février, période des vacances scolaires.
- Nous allons prendre une boisson chaude avant de faire les courses.
 
Me dit mon père. Au fait, j'ai oublié de vous indiquer nos prénoms: Joseph dit Jo pour papa et Claude dit Cloclo, pour moi, comme le chanteur qui était l'idole de maman, d'où certainement mon prénom. A peine entrés dans le bistrot que nous voila reconnus.
-Alors Jo, tu viens faire des courses avec ton fils, aujourd'hui? 
 
Lui lance le patron du troquet.
- Oui. Je viens lui acheter une nouvelle paire de skis. 
 
- Il a grandi le petit. Il est presque aussi grand que toi à présent. Encore deux ou trois ans et il va te dépasser. 
 
C'est vrai que mon père est grand. Un mètre quatre-vingt-huit pour quatre-vingt-dix kilos. C'est un beau gabarit et musclé en plus !
- Un café, comme d'habitude ? 
 
Lui demande le patron.
- Et pour le gamin? 
 
- Que veux-tu Cloclo ? 
 
- Un chocolat chaud avec beaucoup de lait. 
 
- Dans un bol ? 
 
- Oui, c'est parfait. 
 
Nous sirotons tranquillement nos boissons, assis tous les deux sur une banquette au fond de la salle, quand un homme de grande taille et de corpulence imposante entre dans le bar et jette un œil inquisiteur sur toute l'assemblée.
Il fouille et dévisage du regard tous les clients. S'arrêtant sur nous, il se met à hurler d'une voix rocailleuse avec un fort accent anglais:
- Salut Jo. Content de te rencontrer. Cela fait une paie que je ne t'ai pas vu. Qu'est-ce que tu fous ici ? 
 
C'est John, John Parker, le copain de longue date de mon père. Ils s'embrassent en se donnant de violents coups sur les épaules. Puis, il s'adresse à moi:
-" Salut Cloclo. Cela fait quelques temps que tu n'es pas venu à la maison. Il faudra y remédier. Myriam, ma fille se morfond sans te voir ! Ah Ah Ah !
Voyant que je rougis, il dit:
- C'est une plaisanterie, je sais que vous vous voyez très souvent devant le collège quand tu attends ta sœur puisqu'elles sont dans la même classe. 
 
Pendant une demi-heure ils se remémorent de bons et de plus mauvais souvenirs d'aventures vécues ensemble dans les montagnes.
- Salut John. Nous sommes obligés de te quitter. Cela m'a fait plaisir de te revoir mais il faut que l'on fasse nos courses. Je t'appelle un de ces jours afin que tu viennes à la maison avec ta famille pour passer une soirée au coin du feu et manger un petit graillon.
 
- Ok, quand tu veux.
 
Nous nous rendons directement dans le magasin de sport attitré de mon père. Là encore, c'est l'effervescence. Le gérant semble ravi de revoir ce client tant connu.
- De quoi as-tu besoin aujourd'hui ? 
 
- Une nouvelle paire de skis pour le fils. 
 
- Très bien, nous allons voir cela. 
 
Il nous emmène dans le fond du magasin où peu de gens ont le droit d'aller.
- Quelle taille fais-tu? 
 
- Un mètre quatre-vingt. 
 
- Tu es grand. 
 
- Je te conseille ces skis. Je pense qu'ils te conviendront bien. 
 
Après les avoir examinés sous toutes les coutures, je les essaie.
C'est vrai qu'ils sont magnifiques et très souples. Je me retourne vers mon père qui me confirme leur qualité.
- Fie-toi à Robert, c'est un excellent spécialiste et il ne nous arnaquera pas sur ce genre de produit. 
 
- Jamais de la vie, tu me connais assez pour savoir que je ne volerai jamais mes amis. 
 
- C'est une boutade. Cela fait trente ans que je me sers chez toi et depuis nous sommes devenus de vrais copains. C'est d'accord, on prend cette paire si tu me fais un prix car elle n'est pas donnée. 
 
- C'est bien parce que c'est toi. Des 
Salomon avec cinquante pour cent de remise, ce n'est pas tous les jours que je le fais sinon je peux fermer boutique. 
 
- Tu n'exagères pas un peu ? 
 
- Allez, marché conclus. 
 
Mon père sort sa carte bleue et règle l'achat.
- Salut Robert. 
 
- Au revoir les jeunes, à bientôt de vous revoir. 
 
- Pas de si tôt quand même. 
 
Mon cadeau sur l'épaule, nous revenons dans le même bar que tout à l'heure pour manger un petit morceau: un bon plat de Crozet avec une Diot, la saucisse du coin et une tarte aux pommes.
Dehors, le ciel est redevenu menaçant et il se met à neiger. Il est dix-sept heures quand nous reprenons la route. Les montagnes que nous voyons en cette fin de journée sont à présent gantées d'un voile épais tendu par la main invisible de dame nature.
Il neige en abondance et mon père roule tranquillement sur la route qui mène à la maison. Je regarde, assis à ses côtés, le défilement lancinant de ce manteau neigeux. Les congères se forment au gré du vent dans les endroits découverts et non protégés par les arbres. La route est de plus en plus glissante, ce qui demande une attention encore plus soutenue de la part du conducteur. Heureusement, notre voiture est une Citroën de type BX 4x4, équipée de quatre pneus neige.
Comme toutes les voitures de cette catégorie, elle possède un système hydropneumatique de suspension qui permet de surélever la caisse pour franchir des obstacles et notamment des congères, une voiture classique n'y parvenant pas.
Assoupi sur mon siège, je me réveille en sursaut quand je sens une embardée de la voiture. J'ai juste le temps de voir une fourgonnette déraper devant nous. Trois solutions s'offrent à mon père: freiner en urgence mais c'est le dérapage assuré avec une voiture non maîtrisée; tenter de ralentir mais c'est la collision frontale; donner un coup de volant à droite, mais c'est le fossé qui nous attend.
C'est ce que fait mon père et nous voilà, nous aussi, en train de glisser vers le champ en contrebas. Une borne kilométrique nous arrête violemment alors que le champ nous tendait les bras. Mon père, qui n'avait pas attaché sa ceinture afin d'avoir une aisance plus grande pour manœuvrer sur la neige, est violemment projeté contre le pare-brise.
Mon bras heurte l'accoudoir de la portière. Nous sommes sonnés. J'ai mal, très mal à mon avant-bras. Mon père reste affalé sur le volant, inanimé. J'ai peur et je crie de toutes mes forces au secours. Le conducteur qui a dérapé devant nous, nous porte assistance.
Voyant mon père inconscient, il téléphone immédiatement aux pompiers qui arrivent un bon quart d'heure après, toutes sirènes hurlantes. Nous sommes toujours à l'intérieur de la voiture car le temps est déplorable. Une forte tempête de neige a occulté tout l'horizon et il fait froid, un froid glacial sous l'effet du vent. Mon bras me fait souffrir atrocement mais je suis soulagé car mon père a retrouvé ses esprits quoique encore un peu groggy.
Les pompiers nous installent dans l'ambulance et nous voila repartis pour Annecy.
Ma mère a été prévenue et nous rejoint à l'hôpital.
J'ai le bras droit dans le plâtre: fracture du radius et du cubitus, au dessus du poignet. Six semaines d'immobilisation et je serai guéri. Adieu le ski et ma nouvelle paire pour ces vacances.
Mon père, quant à lui, a subi un tas d'examens et de radios du crâne, sans montrer de traces de fractures ni de contusions graves, juste une plaie relativement profonde sur l'arcade sourcilière droite qui a été suturée immédiatement. Sa perte momentanée de connaissance a été due au choc violent contre le pare-brise. Il est costaud, le bougre. Nous nous en tirons bien, plus de peur que de mal.
Ma mère nous ramène à la maison dans la soirée avec sa voiture. La BX a été remorquée dans un garage pour des réparations.
Nous ne voulons pas rester une minute de plus à l'hôpital. Une bonne soupe de légumes bien chaude, préparée par ma sœur, nous redonne du cœur au ventre.
Maintenant, vous connaissez toute la famille. Ma mère s'appelle Lisbeth dit Lison et ma sœur cadette, Viviane dit Vivi.
2
Il est déjà neuf heures du matin quand je me réveille. L'odeur du petit déjeuner et des tartines grillées me chatouille les narines. Je n'ai pas très bien dormi car mon bras m'a fait souffrir et je ne savais pas comment l'installer confortablement. Je dois impérativement le poser en surélévation sur un coussin afin d'éviter que mes doigts n'enflent et ne se boudinent. Dire que j'en ai pour un mois et demi et en plus c'est le bras droit, moi qui suis droitier. Pas mal pour écrire ! Il va falloir que je me serve de la main gauche. Malheureusement, je ne suis pas ambidextre, à mon grand regret.
Je descends l'escalier qui dessert les quatre chambres, une salle d'eau et les WC de l'étage. J'arrive dans la cuisine où ma mère et Vivi sont en train de préparer le repas de midi. Mon bol est là qui m'attend sagement au bout de la table.
- Bonjour Maman, bonjour Vivi. 
 
- Bonjour mon grand. As-tu passé une bonne nuit ? 
 
-" Non pas trop, maman; j'ai dû me lever pour prendre des cachets contre la douleur à trois heures du matin. Au bout d'une petite heure, ils ont fait effet et j'ai pu me rendormir.
- Tu aurais dû me réveiller. 
 
- Je ne voulais pas vous embêter car papa était bien fatigué hier soir. 
 
- Salut frérot. Viens là que je te fasse une bise. 
 Ma sœur m'embrasse et commence à me taquiner gentiment. Elle prend un stylo dans le tiroir de la table et dessine dessus mon plâtre un petit cochon qu'elle signe. C'est la première à marquer son empreinte et elle en est fière. 
Ma petite sœur est née quinze mois après moi et, par conséquent, nous avons été élevés ensemble: mêmes jeux, mêmes distractions, même école primaire, même collège et bientôt même lycée.
Elle me suit constamment dans les études. Je suis content de l'avoir à mes côtés car elle sait me rassurer quand j'ai un souci ou une mauvaise note. C'est réciproque d'ailleurs. Cette année, c'est à son tour de passer le brevet mais je ne m'en fais pas car elle est très forte de partout. C'est une élève brillante. Pour ma part, j'ai tendance à voyager un peu dans les étoiles et je me fais toujours tirer les oreilles par mes parents pour me mettre au travail, le soir en revenant du lycée, contrairement à ma sœur qui, à peine arrivée, s'enferme dans sa chambre pour bosser. Chacun son truc !
Maman, une belle petite brune aux cheveux longs, est très douce et câline. Elle nous domine tous par son calme serein et sait éviter les querelles entre moi et ma sœur ou bien entre moi et mon père contre qui je m'emporte assez facilement. Il faut dire que nous avons le même caractère, un caractère emporté et entier. Maman est professeur d'espagnol au lycée du Mont-Blanc à Chamonix.
Quant à mon père, il est également professeur mais de dessin industriel dans le même établissement dans lequel je suis aussi mais en tant qu'élève de seconde. C'est un homme généreux, volontaire et fier. Grand sportif, il fait mon admiration mais rend ma mère très inquiète quand elle le sait parti sur les toits du monde. Un esprit sain dans un corps sain, voilà en quelques mots le patriarche de la maison. Quand je dis patriarche, j'exagère un peu car il n'est pas si vieux que cela.
Fou d'escalade, il profite des vacances et des week-ends pour assouvir sa passion: gravir et gravir encore les parois souvent abruptes des montagnes environnantes et Dieu sait s'il y en a dans la région ! Souvent son pote John l'accompagne car ma mère ne veut pas qu'il parte seul. Ils sont tous les deux guides de haute montagne à Chamonix et sont les grands copains d'Eric, le commandant du PGHM, peloton de gendarmerie de haute montagne.
Dès qu'il y a un problème, que ce soit en hiver comme aux beaux jours, les spécialistes font appel à eux. Mon père, quand il est appelé en urgence, a le droit de quitter ses cours pour se rendre sur les lieux du drame.
C'est un partenariat qui a été conclu entre l'éducation nationale et le centre de secours de Chamonix. Dès mon plus jeune âge, il m'a initié aux randos et à l'escalade.
C'est mon idole, il fait mon admiration. Il ne se passe pas un jour sans que des élèves me parlent de lui au lycée car il est connu et respecté de tous y compris de ses collègues et de l'administration.
Une petite route sinueuse permet d'accéder à notre maison située sur un promontoire sur les hauteurs de Chamonix, donc pas très éloignée du collège et du lycée. La vue est imprenable sur la chaîne du Mont-Blanc et son sommet toujours majestueux et qui semble à portée de main.
Quand j'ouvre mes volets, un spectacle, à vous couper le souffle, m'émerveille tous les matins. Ce n'est jamais le même, tantôt noyé dans le brouillard, étincelant sous le soleil, blanc de givre ou simplement embrumé d'un halo de chaleur. Chamonix est vraiment une belle ville pour celui qui aime la montagne.
Son centre a conservé de beaux hôtels construits au dix-neuvième siècle et au début du vingtième. Certains sont devenus casino, musée alpin et même hôtel de ville. De plus, sa vallée a largement envoûté les alpinistes de par la magnificence et la grandeur de ses cimes aux neiges éternelles. Bordée par des colosses rocheux tutoyant le ciel, ses glaciers qui fondent inexorablement, sont d'immenses langues de glace aux anfractuosités à couper le souffle qui ne laissent pas insensibles tous les touristes venus les contempler.
Ces mêmes touristes, bien inconsciemment, se lancent parfois dans des excursions inadaptées, soit à leur tenue vestimentaire, soit à leur condition physique. Toutes les années, en été, les secours en montagne sont sollicités pour aller chercher soit: une femme en espadrilles, bloquée dans une ravine, un enfant qui grelote de froid, à la limite de l'hypothermie, un randonneur qui a fait une chute et s'est cassé la cheville ou un bras, un groupe perdu en montagne, ou un alpiniste mal équipé qui a décroché d'une falaise.
La liste est longue quand je discute avec Eric, le commandant de gendarmerie des secours en montagne.
3
Cela fait trois mois que je n'ai plus de plâtre et j'ai terminé la rééducation de mon bras la semaine dernière. Tout va bien, la grande forme est revenue.
En sortant du lycée je rejoins ma sœur à la sortie du collège afin que nous rentrions ensemble à la maison en cette fin de semaine de cours.
Une surprise nous y attend. Nous partons dans l'instant chez nos grands-parents maternels qui possèdent une résidence secondaire à la Chapelle en Vercors dans la Drôme. Mes parents ont préparé tous les bagages. Je reconnais alors les bâtons de marche et les souliers de montagne.
Il est vingt heures quand nous arrivons enfin à destination. Les grands-parents sont tout excités de nous revoir et les questions fusent de tous les côtés. Un bon souper et nous voilà au lit car demain le réveil se fera aux aurores. A cinq heures du matin mon père nous réveille en ce beau samedi du mois de juin. Une bonne randonnée nous attend: la montée au sommet du Grand Veymont, le point culminant de la chaîne du Vercors: 2346m de montagne à vaches.
Le temps de prendre un copieux petit déjeuner, s'équiper de sacs à dos bien chargés, prendre nos bâtons et mettre nos souliers de marche et nous voila dans la voiture. Maman, la veille avait préparé le repas de midi constitué de sandwichs, au jambon, au fromage, de quelques fruits, de barres énergisantes et surtout de bouteilles d'eau, vitales pour une randonnée qui va durer plusieurs heures. Nous passons par St-Agnan et la route commence à monter, se développe dans le flanc de la montagne en deux grands lacets et entre en forêt pour aboutir à 1348m d'altitude au lieu dit: Maison forestière de la Coche.
Fini la promenade en voiture. Il nous a fallu une grosse demi-heure pour atteindre la maison forestière. Nous ne sommes pas les seuls apparemment car plusieurs voitures sont déjà stationnées, vidées de leurs occupants. Il est six heures trente quand nous attaquons la marche. Les poids des sacs sont répartis en fonction de la force physique de chacun. Il est normal que les hommes aient les charges les plus lourdes: l'eau est certainement l'élément le plus pesant. Il faut prévoir deux à trois litres par personne. Cette charge est répartie sur mes épaules et celles de mon père.
Les femmes portent la nourriture solide et des vêtements secs pour se changer après l'ascension. Le soleil est bien installé dans un ciel parfaitement bleu. Mon père nous explique qu'il a étudié avec soin la météo de ce week-end avant de prendre la décision de nous emmener en excursion.
- Nous avons tous besoin de nous aérer l'esprit et le corps en cette fin de printemps. 
 
Nous dit-il.
Nous passons devant la cabane de Pré -Grandu, et prenons à droite, un chemin plat, droit, en bon état qui se transforme vite en chemin rocailleux, défoncé par de profonds trous creusés par le ravinement de l'eau de pluie.
Il est large et serpente maintenant en pente douce puis rapidement s'étrangle entre deux falaises qui se resserrent sur lui, l'ombre de la forêt nous enveloppe d'une chape glaciale. Nous pressons le pas. Après une demi-heure de marche dans ce froid, au débouché de cet étranglement, une plaine herbeuse s'étale à nos pieds et les rayons d'un soleil aveuglant nous surprennent et nous réchauffent bien agréablement. Notre allure se ralentit afin de profiter au maximum de cette chaleur toute relative car l'air est vif en ce début de journée de juin. Il ne fait pas plus de quatre degrés et les endroits exposés en plein nord sont recouverts de gelée blanche
Nos trois épaisseurs, nos bonnets et nos gants sont les bienvenus. Mon père est en tête du cortège, je le suis, puis ma sœur, ma mère ferme la marche.
Nous nous engageons sur cette plaine faiblement pentue qui se prolonge jusqu'au pied du Grand Veymont. Les bois aux alentours sont en fête en ce mois de juin, tout bourgeonne et tout chante.
Le muguet est en fleurs. Le sol, autour de nous est recouvert d'un beau tapis d'herbe fraîche émaillée de fleurs de toutes sortes où domine le myosotis. En juillet et en août, viendront les airelles et les framboises en grande quantité. C'est certainement le plus beau des plateaux du Vercors, d'un accès relativement facile grâce aux nombreux sentiers qui le traversent.
Nous marchons déjà depuis une heure et demie d'un pas soutenu quand la fontaine de Gerlan, située à 1497m, se profile parmi un bosquet d'arbres rabougris. Un arrêt s'impose comme à l'accoutumée pour ce circuit. Nos sacs à terre, nous nous désaltérons à cette eau qui coule avec violence d'un tuyau enfoncé entre deux pierres d'un promontoire rocheux. L'eau, abondante en cette période de l'année à cause de la fonte des neiges, est glacée et nous gèle les dents, le tube digestif avant d'arriver dans notre estomac. Un petit panneau indique : Eau impropre à la consommation, réservée uniquement aux troupeaux.
 Ma mère en fait la remarque à mon père qui lui répond: 
-  Le maire est obligé de l'indiquer car il ne veut pas payer des analyses d'eau tous les mois, cela couterait trop cher à la commune. Mais je vous garantis qu'elle est excellente, tous les chasseurs et tous les bergers s'y abreuvent. 
 
Dans les mois chauds de l'année et souvent jusqu'aux premières neiges, les moutons sont en estive, gardés par les Patous
, ces gros chiens blancs qui se fondent dans les troupeaux et peuvent vous mettre en pièces si, par malheur, vous vous approchez trop près des moutons ou que vous vous trouvez par mégarde au sein de l'enclos qui peut couvrir plusieurs hectares. Ces chiens sont fort utiles aux bergers car ils font fuir les loups qui s'attaquent au troupeau. Mais, toutes les années, ces carnivores prélèvent plusieurs dizaines de bêtes au grand désarroi des bergers. Deux meutes de plusieurs individus ont élu domicile, une sur le plateau et une sur les contreforts du Diois. 
En ce mois de juin, les moutons sont là. Quelques chamois, chevreuils et sangliers, règnent, cachés dans les sous-bois. Un couple de vautours plane à haute altitude au dessus de nos têtes. Ces charognards ont été introduits dans la région afin de nettoyer les carcasses des animaux sauvages ou non, qui pourrissent la nature. Le malheur des uns fait le bonheur des autres. Dame nature recycle tout ou presque.
Notre pause est finie. Nos épaules supportent à nouveau nos lourds sacs à dos. Il fait plus chaud et nous sommes obligés de quitter une épaisseur de vêtement, de mettre les casquettes et les lunettes de soleil. Après quelques centaines de mètres, nous laissons sur la droite, en direction du sud, le chemin qui mène à la bergerie de Pré Peyret et au pas de Chabrinel.
Le notre continue vers l'est, vers le pied du Grand-Veymont. Une petite heure et nous voilà arrivés à la Grande-Cabane. Dire qu'il y a quelques années en arrière, nous y venions en voiture avant que les transhumances en interdisent l'accès afin de ne pas nuire aux troupeaux et surtout parce que le site est devenu le parc national régional du Vercors. Son altitude moyenne, 1563m en fait un refuge idéal pour les bergers qui gardent pendant trois mois les troupeaux de moutons.
Ils ne sont pas totalement isolés car le chemin que nous avons emprunté pour arriver jusqu'à eux est praticable en 4X4.
Les denrées fraiches sont donc amenées toutes les semaines La vie de ces bergers doit être assez rude, peut-être moins que par le passé car, à ce jour, ils ont l'électricité grâce aux cellules photovoltaïques posées sur la toiture, donc un frigo, une télé; somme toute un petit confort quoiqu'un peu spartiate. Je ne pense pas qu'ils aient le temps de s'ennuyer. S'occuper des moutons et des brebis est une lourde tâche, notamment quand il faut les soigner ou aider certaines femelles à mettre bas et ceci par tous les temps et à n'importe quelle heure du jour ou de la nuit.
Un des bergers nous invite à partager un morceau de fromage, de brebis évidemment. Nous acceptons volontiers l'offre car nos petits estomacs commencent à crier famine et nos corps réclament du carburant pour continuer sereinement notre route.
De grosses tranches de pain de campagne sur lesquelles coulent de succulentes tomes bien faites, nous réconfortent. Les discussions vont bon-train et mon père évoque l'histoire du petit berger. Il y a déjà quelques années, un petit berger gardait ses moutons au pied du Veymont, pas très loin d'ici, dans un coin appelé le Purgatoire. Comme l'indique son nom, c'est un lieu pas très charmant, creusé d'une multitude de scialets, failles étroites ou béantes telle la gueule d'un loup, de toutes formes, ouvertes dans le sol et souvent cachées par la végétation. Il est fortement déconseillé de s'y aventurer sans être accompagné par quelqu'un qui connaît parfaitement les lieux. Mais revenons à notre petit berger. Un soir, ses collègues ont vu revenir son âne tout seul, sans son maître. Inquiets, ils sont partis à sa recherche le lendemain matin, fouillant tous les coins et les recoins sans trouver âme qui vive. Le troupeau de moutons était bien là par contre. Les hommes ont cherché pendant des jours et des jours avec l'aide des gendarmes et des chiens. Impossible d'explorer tous les scialets. A l'évidence, on ne le retrouverait pas, du moins dans l'immédiat. Un jour, peut-être, la nature rendra son corps ou un spéléologue découvrira ses restes !
Les hauts plateaux du Vercors sont en majorité calcaires. Les eaux de pluie acide dissolvent la roche et s'infiltrent dans les profondeurs du massif, créant de nombreuses galeries et grottes dont parfois la voûte supérieure s'effondre laissant un trou qui, avec le temps, se comble petit à petit et que l'on nomme doline
. Cette eau ressort au pied du massif en cours d'eau appelés résurgences telle la Goule-Noire sur la route de La Chapelle à Villars de Lans. 
La conversation s'éternise et mon père qui a vu l'heure, s'empresse de remercier poliment le berger pour son accueil si chaleureux et lui indique qu'il nous reste encore pas mal de chemin à parcourir si l'on veut espérer regagner la voiture avant la nuit via le sommet de la grande montagne.
Nous voilà repartis. Le sentier, devenu beaucoup plus étroit et sinueux, prend de la pente. Mon pied droit me fait souffrir et je dois m'arrêter.
Plus de peur que de mal, un petit caillou s'est glissé dans ma chaussure et m'abîme le talon. Quelques gorgées d'eau pour tout le monde car il commence à faire très chaud sous le soleil qui se trouve maintenant assez haut dans le ciel et nous reprenons la marche. Le spectacle est magnifique, un véritable tableau s'offre à nos yeux, une multitude de verts qui vont du clair des hêtres au foncé des épicéas explosent en cette fin de printemps. Une trouée attire mon regard, est-ce un géant qui s'est amusé au bowling en prenant les arbres pour des quilles ? Sur une cinquantaine de mètres de large, ceux-ci sont couchés, renversés, brisés et les morceaux entrelacés.
Mon père qui a vu la surprise dans mon regard, m'explique qu'une tornade doit être à l'origine de cette particularité. Elle détruit tout sur une certaine largeur, juste là où elle passe, laissant intacts les autres arbres qui ne se trouvent pas sur sa trajectoire. Un instant plus tard, ma sœur se fige en désignant du doigt une silhouette.
Saisissant mes jumelles, je regarde dans la direction et un bouquetin lève la tête en nous apercevant. Il doit se trouver à une bonne centaine de mètres. C'est un magnifique mâle avec de belles cornes et au pelage encore bien épais. Surpris certainement plus que nous, il détale à grands bonds et disparaît dans le sous-bois.
Nous atteignons enfin le Pas des Chattons à 1827m d'altitude. De là, la plaine de la Cléry s'étale en direction du sud après le Pas du Fouillet et le Pas des Bachassons.
Un quart d'heure de pose et nous attaquons le flanc sud du Grand Veymont. La montée est raide, voire très raide sur certains tronçons. Il faut s'arrêter fréquemment afin de reprendre notre souffle. Des jeunes nous croisent en dévalant la pente en courant et nous souhaitent bon courage. Une heure d'escalade, parfois à quatre pattes sur un vague sentier de chèvres et le sommet se profile enfin à 2346m au dessus du niveau de la mer.
Mais pour ce qui est de la tranquillité, on repassera. On se croirait sur les Champs-Elysées, vu le nombre de personnes qui se reposent, allongées sur l'herbe et contemplant le paysage. C'est tout juste si nous pouvons poser nos affaires et nous asseoir pour profiter, nous aussi, du spectacle. Il est somptueux, grandiose. Le ciel étant parfaitement limpide, la vue est splendide sur les vallées, du Rhône, de l'Isère et du Drac, sur les Cévennes, les glaciers des Alpes et du Pelvoux et en prime, sur le Mont-Blanc. Au sud-est, la masse imposante du Mont-Aiguille se dresse telle une cathédrale.
Après nous être déchaussés, nous avons changé nos hauts trempés de sueur. Ma mère déballe de quoi nous sustenter et surtout nous désaltérer. Les choucas, sorte de corbeaux, virevoltent au dessus de nos têtes et se posent sans vergogne à nos côtés pour picorer les bribes de nourriture qui tombent à terre. Certains touristes n'hésitent pas à jeter en l'air des morceaux de pain que les oiseaux attrapent à la volée. Il est déjà treize heures, le soleil, au zénith, nous a bien réchauffés et a surtout séché nos vêtements. Heureusement que maman a pensé à la crème solaire qui nous a protégés de ses ardents rayons.
Nous levons l'ancre difficilement car nos articulations sont engourdies et endolories par l'ascension. Il nous faudra un petit moment d'adaptation pour reprendre notre pleine puissance de marche. Nous circulons maintenant sur la crête, en forte déclivité, de la chaîne du Grand-Veymont. Le sol est constitué de petits cailloux qui roulent sous nos pieds et qui, à tout moment, peuvent nous faire perdre l'équilibre.
Je n'aime pas ce genre de sentier; ma mère et ma sœur s'en plaignent également. Le plus beau reste à venir ! Un passage que tout le monde redoute. Ce sentier toujours caillouteux et instable, passe sur une lèvre entre deux à-pics: à droite, la vallée du Drac et à gauche, la vallée de la Chau. Les pentes de chaque côté sont vertigineuses et avoisinent les 60 à 70 degrés.
- Attention où vous mettez les pieds. 
 
Avertit mon père.
Ce petit intermède, en forte déclivité, dure quand même près d'un bon kilomètre à serpenter au dessus du vide.
Ouf, le passage délicat est franchi. Après une heure de marche avec beaucoup de concentration et 400m de dénivelé plus bas, nous voilà rendus au Pas de la Ville à 1925m.
C'était, dans le temps, l'accès le plus court entre la vallée du Drac et La Chapelle en Vercors, via les hauts plateaux.
Nous laissons à droite le chemin qui descend vers le Drac en passant par les villages de: La Ville et de Gresse en Vercors et nous continuons notre descente en direction du nord-est.
Un sol herbeux parsemé de nombreuses racines de pins a fait place au sol caillouteux. Il faut faire attention dorénavant à ne pas buter et trébucher sur une de ces foutues racines qui affleurent.
Le paysage a totalement changé, une forêt de pins a remplacé les flans abrupts et rocailleux du massif du Veymont Une bonne heure supplémentaire et une pause à la Nouvelle Jasse de la Chau est la bienvenue. Quelques touristes, visiblement étrangers à la région, qui arrivent de la vallée de St Agnan, nous questionnent sur l'ascension du sommet par la face nord: difficulté, temps du trajet, conditions météo, etc.
Ils sont lourdement chargés et nous expliquent qu'ils ont l'intention de camper au sommet afin d'assister au lever du soleil. C'est un spectacle fabuleux leur dit mon père qui a pu en faire l'expérience. Ils nous quittent car ils souhaitent arriver avant la nuit. Quelques biscuits énergétiques et quelques bonnes rasades d'eau plus tard et nous voilà repartis, les sacs à dos plus légers qu'au départ.
Une belle plaine fait suite à la forêt puis le chemin s'élargit et un nouvel espace forestier nous incite à remettre un pull supplémentaire, les casquettes et les lunettes de soleil sont rangées dans les sacs.
La fatigue qui commence à se faire sentir sérieusement, ralentit notre allure. Mon père en a conscience et c'est lui-même qui diminue la cadence. Le terrain est plus facile et la déclivité plus faible ce qui facilite les derniers kilomètres. Mais il faut encore une bonne heure pour voir enfin apparaître la maison forestière de Pré-Grandu.
Dix minutes après, nous posons notre matériel dans le coffre de la voiture. Immédiatement, toute la famille quitte ses chaussures de marche et nous restons là, assis sur l'herbe, un peu hébétés, mais ravis d'avoir réussi ce long périple de quelques trente cinq kilomètres et de près de dix heures de marche. Le soleil a disparu dernière les montagnes de l'ouest et le ciel rougeoyant enflamme la forêt en un immense brasier que seule la nuit saura éteindre. Rendus chez les grands-parents, ceux-ci nous posent des tas de questions sur notre excursion.
Il faut dire qu'ils connaissent bien ce circuit pour l'avoir pratiqué plusieurs fois durant leur jeunesse. Fourbus, éreintés, les yeux pleins de paysages les plus magnifiques les uns que les autres et après un rapide souper, nous sombrons dans un sommeil profond et réparateur.
Le lendemain soir, nous sommes de retour à la maison.
4
C'est branlebas de combat à la maison. Ma mère, comme à son habitude, est dans tous ses états quand nous recevons du monde à manger. Ce midi, la famille du copain de mon père,
John, est invitée pour déjeuner.
- Enfin maman, ils ne sont que trois. 
 
Lui dis-je, quand, descendant de ma chambre, je la croise aux pieds des escaliers.
- Déjeune vite et va au village chercher le pain pour ce midi. En vélo, tu auras vite fait et cela m'évitera de sortir la voiture.
 
- Oui maman, je déjeune, prends ma douche et j'y vais. Où sont papa et Vivi ? 
 
- Papa est au jardin en train d'arracher des pommes-de-terres et des salades et ta sœur dort encore. 
 
Je me dirige vers la cuisine où le petit déjeuner est déjà sur table. Tout est là: le beurre, la confiture, le chocolat et le pain coupé en tranches. Il ne manque rien, c'est bien ma mère ! Elle m'a suivi. Elle remplit mon bol de lait, ajoute le chocolat en poudre et le met dans le micro-ondes.
- Laisse-moi faire maman, je ne suis plus un bébé. 
 
- Je le sais bien mon fils, mais c'est l'habitude. 
 
Ma sœur me rejoint et l'habitude recommence !
Nous parlons de la randonnée de la dernière fois dans le Vercors, de l'ascension, du nombre impressionnant de personnes au sommet du Grand Veymont et des grands-parents qui commencent à vieillir. Ma mère nous écoute d'une oreille distraite, sourit souvent et s'immisce à notre conversation de temps à autre.
- Laissez les bols sur la table, je m'en occuperai. 
 
Nous n'obéissons pas. Ma sœur rince les bols et les couverts et les place dans le lave-vaisselle pendant que je range dans les placards tous les ingrédients du petit déjeuner.
- Merci les enfants; vous êtes des anges. 
 
En remontant dans nos chambres, nous croisons notre père qui rentre du jardin avec une tonne de légumes.
-Comment allez-vous les enfants, avez-vous bien dormi ? Je crois qu'il ne faut pas contrarier votre mère aujourd'hui, elle est surexcitée. C'est comme ça toutes les fois que quelqu'un vient manger à la maison. 
 
- Je prends ma douche et je vais chercher le pain. C'est maman qui me l'a demandé.
 
- Très bien, cela m'évitera d'aller au village, de faire des rencontres qui vont me retarder et rendre furieuse ta mère. 
 
- Je peux venir avec toi ? 
 
Me demande ma sœur.
- Oui, mais prépare-toi vite. Ne passe pas une heure devant le miroir à te demander si tu es belle ou pas. Il ne te répondra pas. 
 
- C'est malin, pauvre idiot. Je m'en fou si toi, tu sors tout crotteux et puant, mais pour moi, il n'en est pas question, j'ai ma dignité.
 
Sur ce, elle gravit quatre à quatre les escaliers pour prendre la première place sous la douche. Je la suis et la laisse faire. C'est ma petite sœur.
Une demi-heure après, elle sort de la salle de bain en criant tout fort:
- C'est à toi, la place est libre. 
 
Mon Dieu, un miracle, d'habitude, elle la monopolise au moins une heure pendant les vacances.
Le pain est là, tout chaud, sur le plan de travail de la cuisine et maman nous demande de mettre le couvert sur la table de la terrasse.
- Pensez à ouvrir le parasol. S'il fait trop chaud, nous mangerons à l'intérieur. 
 
- C'est dommage avec la jolie vue que l'on a sur les montagnes. A midi, le soleil est au zénith et le parasol nous protègera. 
 
Lui dit Vivi.
J'approuve sa réflexion. Une bonne odeur de poulet rôti et de gratin dauphinois me fait saliver. La sonnette se met à vibrer. Les voilà. Je n'ai même pas entendu le bruit de leur voiture.
Mon père va leur ouvrir et c'est la fête aux embrassades. John tend à mon père une bonne bouteille de vin et sa femme, Sandra, pose sur la table de la cuisine une tarte aux framboises faite maison. Tout ce beau monde se retrouve sur la terrasse devant un verre d'apéritif, les hommes un pastis et les femmes un vin cuit. Il est amusant John avec son accent anglais et il a toujours une, voire plusieurs bonnes blagues, surtout de fesses, à raconter ce qui énerve un peu sa fille qui se trouve à mes côtés. Je suis bien entouré, entre ma sœur et Myriam dite Mimi.
La copine de ma sœur que je connais depuis déjà plusieurs années est une belle blonde aux cheveux longs et, ma foi, bien mignonne. Elle est assez grande mais pas autant que moi. Son haut moulant laisse deviner une généreuse poitrine qui ne me semble pas être soutenue par un soutien-gorge. Pas désagréable !
Mais mon regard se fixe un peu trop sur cet endroit et ma voisine s'en aperçoit. Son visage devient écarlate. Sa mère qui se trouve assise en face d'elle, lui en fait la remarque. Mimi met cet embrasement sur le compte de la chaleur et du vin.
Toute l'après-midi les parents restent dans le jardin à l'ombre des arbres. Nous, les jeunes, allons écouter de la musique dans ma chambre. J'entraîne Myriam dans des rocks endiablés. La chaleur, le vin, nous excitent terriblement. Je sens son corps contre le mien et ses seins nus sous son chemisier me mettent dans un état second. Son parfum m'envahit et la douceur de sa peau m'enivre. Jamais, je n'oublierai l'intensité de cette trop brève sensation.
Ma sœur s'en rend compte et décide d'arrêter la musique et les danses. Elle nous emmène dehors pour profiter de la fraîcheur du soir qui s'installe progressivement. Il est vingt heures quand nos invités nous quittent. J'en profite pour déposer sur les joues de ma cavalière un gros baiser bien langoureux. Quelle belle journée !
- Elle te plaît ma copine hein mon gros cochon. Tu aurais pu être un peu plus discret dans tes regards.
 
Mon père, qui a entendu la réflexion, rit à gorge déployée en se moquant de moi. Il va de ce pas mettre ma mère au courant et je les entends tous les deux discuter à mi-voix.
Je m'endors en pensant à la copine de ma sœur que je viens de découvrir vraiment. Pourtant, nous nous connaissons depuis des années et je n'avais jamais fait attention à elle. C'est vrai que nous avons grandi et elle est devenue une jolie jeune fille, comme Vivi d'ailleurs.
Le lendemain, mon père me demande:
- Veux-tu te joindre à moi pour l'ascension du Mont Aiguille, situé pas très loin du Grand-Veymont où nous étions il n'y a pas très longtemps ? Attention, ce n'est plus de la montagne à vaches et cela va te demander un minimum de condition physique. C'est prévu pour la fin de la semaine si le temps persiste au beau. John et Mimi seront de la course. Es-tu d'accord ? 
 
A ces mots, mon cœur acquiesce plus vite que mes lèvres.
- Bien sûr. 
 
- Parfait, je vais avertir John. Il sera ravi mais pas tant que sa fille, je crois. 
 
Mon père s'en va en riant aux éclats voir ma mère pour lui fait part de ma décision.
Je suis fou d'enthousiasme et je me précipite dans la chambre de ma sœur pour lui annoncer la nouvelle. Elle se met à rire elle aussi, tout le monde semblait être au parfum, sauf moi.
- Ils ont décidé cette sortie durant l'après-midi où tu faisais le fou avec ta danseuse et tu es le dernier mis au courant, mon pauvre. 
 
Je l'ai toujours admiré ce Mont-Aiguille quand nous faisions avec mes parents et ma sœur des balades sur le plateau du Veymont. C'est une dent avancée de la partie orientale du massif du Vercors au sud du département de l'Isère. Elle est considérée comme une des sept merveilles du Dauphiné. L'alpinisme rocheux y est pratiqué en particulier sur sa face nord-ouest.
5
Nous sortons de Chamonix très tôt le matin et mon père prend la direction de Grenoble puis de Gresse-en-Vercors. A partir de là, il traverse la chaussée et prend le chemin que suit un ruisseau pendant une bonne heure avant d'escalader la berge et de rejoindre une piste tout juste assez large pour le 4X4. A une fourche, mon père arrête la voiture et nous descendons nous dégourdir les jambes.
Le matériel de l'expédition est rangé dans le coffre à l'arrière. Tout a été prévu: les chaussures de marche et d'escalade, les bâtons, les piolets, les cordes, les pitons, les provisions pour les deux jours, les tentes et bien sûr les vêtements chauds. John et sa fille discutent avec mon père pendant que, caché derrière un buisson, j'assouvis un besoin pressant, ma vessie ayant été fortement secouée sur ces chemins caillouteux. Nous remontons dans le 4x4 et mon père s'engage à droite, sur une nouvelle piste étroite qui rejoint une longue montée sur la crête suivante.
Une fois au sommet, il s'arrête à nouveau et tend le bras en direction d'une montagne toute proche qu'il me dit avoir gravie l'an dernier et qui s'étire vers le nord formant un U très large. Nous atteignons le centre de la crête face à cette montagne. Sa longue arrête rocheuse se termine par une splendide falaise en forme de gueule, avec à son sommet deux effleurements rocheux pareils à deux oreilles. Bien plus haut, une petite vire ressort perpendiculairement et donne l'apparence d'une longue patte de chat.
La piste s'arrête un demi-kilomètre plus loin et la voiture est garée à l'abri d'un énorme rocher. Tout le matériel est sorti et mis à plat sur l'herbe sèche d'un petit méplat. Nous couvrons le véhicule d'une bâche militaire que les chasseurs alpins lui ont donnée.
- Il faut le rendre invisible, on ne sait jamais avec les nombreux vols qui sont commis actuellement. 
 
Dit-il.
Chacun a son matériel et nous voilà, lourdement chargés, partis sur un étroit sentier de chèvres qui coupe à travers une pente abrupte faite d'éboulis rocheux. Mon père ouvre la marche suivi de John.
Les heures passent sous un soleil de plomb et le sentier n'en finit pas de monter. La chaleur est étouffante et nos arrêts sont fréquents afin de nous hydrater et de nous sustenter de quelques barres multivitaminées.
Je suis pris tout à coup d'un doute. Nous n'aurons jamais assez d'eau pour toute l'expédition, mon père m'ayant demandé de ne pas trop me charger en ce liquide si précieux pourtant. Sur le coup je n'ai pas compris sa demande, mais maintenant j'ai des doutes, nous allons manquer cruellement d'eau pour la suite de l'ascension.
Celle-ci continue, interminable. Ne voulant pas laisser Myriam toute seule, je freine un peu l'allure soutenue que nous imposent nos deux paternels depuis notre départ de la voiture. Voyant la distance qui nous sépare augmenter avec le temps, les deux adultes comprennent qu'ils doivent s'arrêter. Les ayant rejoints, une courte halte est nécessaire et bienfaisante. La chaleur que nous avons supportée, s'atténue, le soleil baisse sur l'horizon et dans peu de temps, il aura disparu derrière la montagne.
J'entrevois un motif subtil d'ombres jouant sur la face de la falaise qui nous domine. Ce n'est pas simplement les entrailles d'un rocher mais les ouvertures des cavernes que mon père m'avait décrites pendant une pause.
- Nous y serons à l'abri pour cette nuit. 
 
Me dit-il d'un ton affectueux.
- De ces cavernes qui se fondent dans la montagne, nous aurons une vue imprenable sur le col que nous avons franchi ainsi que sur la vallée en contrebas. Courage les enfants, vous saviez que la course serait ardue, nous vous avions prévenus. Encore une petite heure et vous pourrez vous reposer sur un bon matelas. 
 
Ajoute John.
Enfin, à quelques centaines de mètres, les grottes s'ouvrent face à nous. Un air frais nous fait frissonner, et après la chaleur intense de la journée, il nous faut enfiler une veste chaude. Surtout, ne pas prendre froid car nos corps sont transpirants. Sous les regards amusés de nos deux pères, j'aide Mimi à mettre à terre son lourd fardeau qu'elle porte sur ses épaules depuis le début de cette longue marche.
- Il est galant ton fils.
 
Dit John à mon père, un sourire narquois au bord des lèvres.
- C'est de famille, il tient ça de son père. 
 
- Je n'en doute pas, ah ah ! 
 
Epuisés mais heureux que cette grimpette s'achève enfin, nous observons, assis côte à côte tous les deux, les hirondelles qui évoluent en piaillant au dessus de nos têtes, attrapant toute sorte d'insectes afin de les rapporter à leur nichée. Mon père nous invective:
- Vous êtes encore fatigués ? Vous êtes jeunes et plein de force. Allez, levez-vous et venez avec moi, je vais vous montrer quelque chose. 
 
Contraints et forcés, nous obéissons et suivons mon père qui nous entraîne, plus à droite, au pied de la falaise. Cinq petites minutes plus tard, les bouches béantes de deux autres grottes nous font face telles les gueules ouvertes de deux énormes monstres prêts à nous dévorer. Entre elles, une petite résurgence d'où s'écoule un mince filet d'une eau limpide.
- Vous pouvez vous y désaltérer, elle est potable. C'est une eau très pure car elle a traversé tout le massif avant de ressurgir ici. 
 
A genoux, Mimi et moi, goûtons à ce breuvage qui commençait à nous faire défaut. Je comprends mieux mon père qui m'avait dit de ne pas me charger outre mesure de bouteilles d'eau. Il savait bien le bougre que nous trouverions de quoi nous désaltérer et il nous avait caché ce fait. Est-ce volontaire ou simplement un oubli ?
- Elle est glacée. 
 
Dis-je en me relevant brusquement.
- Elle nous brûle l'œsophage et l'estomac. 
 
- C'est normal, sa température n'excède pas six degrés en été et l'hiver, elle est gelée. Idéale pour le pastis ! Dommage que personne n'ait pensé à en amener une bouteille, j'aurais bien bu un petit 51. 
 
Nous partons tous les trois d'un rire communicatif.
Mon père nous invite à entrer dans une des grottes. L'air y est frais en comparaison à la fournaise que nous avons supportée toute la journée. C'est une cavité naturelle qui n'est pas profonde; à peine dix mètres de long sur cinq de large et la voûte, quant à elle, n'excède pas les six mètres dans sa plus grande hauteur. Des stalactites et des stalagmites relativement fines me font penser à des chandeliers. Quelques chauve-souris, pendues la tête en bas, commencent à étirer leurs ailes et s'apprêtent à prendre leur envol pour aller, comme les hirondelles, chercher leur pitance dans les alentours. A peine sortis de la grotte que John qui vient de nous rejoindre nous dit
- Nous passerons la nuit ici. Allez chercher le reste du matériel. 
 
- C'est sympa comme coin n'est-ce pas ? Et personne ne viendra nous déranger, à part peut-être des serpents ou des grosses araignées. 
 
Dit-il en regardant sa fille dont la figure commence à changer de couleur.
-" Pourquoi blêmis- tu comme ça ? Je plaisante; c'est pour te faire marcher. Ne t'inquiète pas, il n'y a aucunes bestioles à
part nous et quelques chauve-souris. " Rassurée, elle me sourit.
- Tu es un imbécile de me faire peur, tu sais très bien mon aversion pour les bêtes rampantes. 
 
- Oui, et c'est bien pour cela que je l'ai fait. 
 
En levant les yeux, je découvre un
