Jean-Baptiste Lamarck, 1744-1829, sous la dir. de G. Laurent, Paris, Comité des Travaux historiques et scientifiques, 1997, pp. 447-466, 1997
Il est communément admis que Jean-Baptiste Lamarck proposa, en 1802, dans les Recherches sur l'or... more Il est communément admis que Jean-Baptiste Lamarck proposa, en 1802, dans les Recherches sur l'organisation des corps vivans, l'un des premiers scénarios explicites de l'hominisation, esquissant les grandes lignes du processus grâce auquel l'homme est venu à l'existence. Apparemment, l'interprétation de ce bref extrait, qui comporte à peine trois phrases, ne pose pas la moindre difficulté : Lamarck semble clairement dire que nous descendons d'un jocco qui s'était mis à marcher debout, occasionnant ainsi toute une suite de transformations anatomiques dont l'ensemble a modelé progressivement le corps humain. Et pourtant, cette lecture canonique, qui semble aller de soi, n'est pas sans poser quelques problèmes. Il convient de remarquer que dans cette prétendue description de la genèse de l'homme, tous les verbes relatifs au processus, et il y en a six, sont employés au futur simple (contractera, aura, cesseront, acquerront, développera, rendra). Il est bien curieux qu'en évoquant les événements originels, Lamarck ait choisit le temps dont la valeur générale est de désigner des faits à venir par rapport au moment de la parole. L’auteur de l’article réunit des données qui corroborent l'hypothèse selon laquelle le passage incriminé concerne non pas des événements originels, mais des faits non advenus et futurs. La suite de l’article est consacré à expliquer cette énigme.
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Depuis son émergence au XIXe siècle, celle-ci nourrit une double ambition : édifier une connaissance objective de la société ; mettre en œuvre cette connaissance pour remédier aux déficiences de la société. Souvent tenues pour complémentaires, ces deux aspirations s’avèrent parfois difficiles à concilier. Quand l’empressement à refaire la société prend le pas sur le désir de la connaître, les théories académiques se muent en grandes visions du monde, au risque de rompre le lien entre les faits avérés et les conjectures explicatives.
Pour s’en convaincre, il suffit de démonter les rouages méconnus de la plus puissante synthèse jamais constituée à l’origine de la science sociale et aujourd’hui encore revendiquée comme fondatrice : l’œuvre d’Émile Durkheim. Confrontée aux données disponibles à l’époque et replacée sur le fond des grands débats qui enflammaient alors les esprits, elle révèle son principal ressort : la promesse d’un salut séculier accompli par les seules ressources de la raison. C’est que la science sociale naissante emprunta au christianisme, par l’intermédiaire de la philosophie, ses deux idées directrices : la conviction que le monde humain est affecté par un mal qui altère l’ordre légitime des choses ; l’espoir que ce mal pourra être un jour abrogé.
Quelles sont les contreparties de cette aspiration rédemptrice ?
En partant de cette énigme, l’analyse s’élargit progressivement à l’ensemble de l’œuvre de Lévi-Strauss. L’auteur ne se contente pas de mettre à profit les écrits de Lévi-Strauss ni de recourir à la foisonnante littérature exégétique qui lui a été consacrée et dont la majeure partie véhicule son lot inextricable de lieux communs. Son interprétation s’appuie sur des données nouvelles : il s’est entretenu avec Claude Lévi-Strauss à plusieurs reprises et a retrouvé des matériaux d’archives qui jettent une lumière inattendue sur le parcours intellectuel de l’anthropologue français, depuis ses premières publications dans les années 1920.
L’auteur fait ici le pari d’élucider les idées de Claude Lévi-Strauss non seulement comme celles de l’inventeur d’une théorie anthropologique, mais surtout comme celles d’un penseur qui propose, en deçà d’un système théorique, une vision du monde dont les postulats offrent la véritable clé de son œuvre. Réfractant la plupart des drames devenus tristement emblématiques du siècle passé, la pensée de Lévi-Strauss est irriguée par la réflexion sur le problème des imperfections du monde humain. Pour la comprendre, il est nécessaire de démêler l’écheveau de plusieurs conceptions qui, au XXe siècle, relevèrent le défi de ces deux questions parmi les plus obsédantes auxquelles les hommes eussent à faire face dans notre tradition culturelle : celle de la présence du mal et celle des remèdes à y apporter.
Through an analysis of the major theories of hominisation proposed during the nineteenth and twentieth centuries, the author shows that scientific conceptions of human origins, as well as modern schoolbooks and popular science, continue to perpetuate a number of old ideas inherited from myths and philosophical speculations.
If palaeanthropology is so often at one with ordinary thinking, this is because both depend on a common legacy of highly structured ideas which constitute a naive anthropology profoundly rooted in the Western tradition. This naive anthropology imposes upon us a stereotyped and simplistic view of human evolution and of the mechanisms of Culture. An analysis of the emergence of these commonsensical certainties promises to expose their numerous shortcomings and to reveal their role in the production of anthropological knowledge.
Une analyse des principales conceptions de l'anthropogenèse, proposées entre le début du XIXe siècle et nos jours, montre que la science, après avoir rejeté les traditionnels récits mythiques, ne parvient pas à se libérer entièrement de leur influence. La pensée scientifique continue encore à reproduire la trame des anciennes conceptions.
Rationnels que nous nous efforçons d'être, nous n'en restons pas moins croyants, car nous croyons savoir, et s'il arrive fréquemment que la noble science rejoint dans ses conclusions la pensée ordinaire, c'est parce que l'une comme l'autre peuvent être tributaires d'un ancien imaginaire où se reflète toute une anthropologie naïve : notre simpliste manière de voir l'homme, sa culture et les vicissitudes de son histoire.
Nesta obra o autor pretende abordar as concepções sábias que aspiram a explicar a antropogénese. As reflexões sobre as origens do homem e da cultura fazem parte dos constantes esforços do pensamento humano. Cada cultura possuindo concepções que relatam os primordiais acontecimentos na sequência dos quais o homem se tornou no que hoje é. Até uma época relativamente recente, a cultura ocidental satisfazia-se das explicações míticas. No século XIX, as respostas tradicionais foram questionadas e a ciência encarregou-se de as substituir por um saber positivo, livre de ideias preconcebidas, severamente controlado e solidamente fundamentado nos vestígios materiais do passado. Com a evolução, a ciência rejeitou as explicações sobrenaturais características dos mitos, sem ter conseguido isentar-se dos esquemas conceptuais da especulação conjectural. Alimentou-se deles, sem saber, e tornou-se o seu instrumento e prolongamento. Os pré-historiadores e os paleontólogos, preocupados como estão em estudar os traços do passado, esquecem frequentemente que os dados factuais só respondem às questões postas pelo investigador. Ora, se as questões continuam tão convencionais e estereotipadas, são muito poucas as oportunidades de as respostas o serem menos. Estas questões apenas têm uma fonte: a imaginação! A imaginação dos científicos continua, curiosamente, condicionada por uma enorme carga de imitações cuja aparência plausível seduz e consolida. Assim, algumas obras dos pré-historiadores e dos paleontólogos acabam por ensinar-nos menos acerca das origens do homem e mais sobre as crenças dos investigadores e do seu público. Actuando como etnólogo, o autor, nesta obra, procura reconstituir as raízes filosóficas destas crenças e a sua história, descreve a forma como os professores as inculcam nos seus alunos e apresenta os seus avatares científicos mais recentes. Embora sejamos racionais, não ficamos menos crentes e se a venerável ciência encontra frequentemente, nas suas conclusões, o pensamento comum é porque, quer uma quer outro, são tributários de um imaginário antigo onde se reflecte uma antropologia ingénua: a nossa forma simplista de ver o homem, a sua cultura e as vicissitudes da sua história.
Rien ne prouve cependant que les croyances insolites qui foisonnent dans notre culture soient le fruit de l’«irrationalité». Au lieu d’y voir une création des égarés qui renoncent à l’usage de la raison, on peut tenter d’y découvrir, au contraire, un produit du fonctionnement habituel de la rationalité telle qu’elle est réellement.
Pour connaître la véritable marche de la raison, il ne suffit pas d’analyser les exploits intellectuels de grands savants : il vaut mieux scruter le spectacle de la pensée ordinaire qui se joue quotidiennement devant nos yeux.
Dans les années soixante, plusieurs dizaines de millions de personnes furent séduites, dans le monde entier, par une théorie qui expliquait l’origine de l’homme par une intervention de mystérieux astronautes venus des étoiles. En s’interrogeant sur la genèse de cette conception et sur les raisons de son succès, on invite ici le lecteur à un voyage au travers de recoins peu connus de la culture occidentale, où l’on croise les médiums spirites, les invisibles maîtres tibétains, les guerriers de l’Atlantide, les soucoupes volantes et les occultistes travestis en scientifiques.
Que nous y guide l’injonction de Fontenelle : « Étudions l’esprit humain dans l’une de ses plus étranges productions : c’est-là bien souvent qu’il se donne le mieux à connaître ».
Il s'agit de la version complète de l'article abrégé paru en 2024 dans la revue Commentaire.
Depuis son émergence au XIXe siècle, celle-ci nourrit une double ambition : édifier une connaissance objective de la société ; mettre en œuvre cette connaissance pour remédier aux déficiences de la société. Souvent tenues pour complémentaires, ces deux aspirations s’avèrent parfois difficiles à concilier. Quand l’empressement à refaire la société prend le pas sur le désir de la connaître, les théories académiques se muent en grandes visions du monde, au risque de rompre le lien entre les faits avérés et les conjectures explicatives.
Pour s’en convaincre, il suffit de démonter les rouages méconnus de la plus puissante synthèse jamais constituée à l’origine de la science sociale et aujourd’hui encore revendiquée comme fondatrice : l’œuvre d’Émile Durkheim. Confrontée aux données disponibles à l’époque et replacée sur le fond des grands débats qui enflammaient alors les esprits, elle révèle son principal ressort : la promesse d’un salut séculier accompli par les seules ressources de la raison. C’est que la science sociale naissante emprunta au christianisme, par l’intermédiaire de la philosophie, ses deux idées directrices : la conviction que le monde humain est affecté par un mal qui altère l’ordre légitime des choses ; l’espoir que ce mal pourra être un jour abrogé.
Quelles sont les contreparties de cette aspiration rédemptrice ?
En partant de cette énigme, l’analyse s’élargit progressivement à l’ensemble de l’œuvre de Lévi-Strauss. L’auteur ne se contente pas de mettre à profit les écrits de Lévi-Strauss ni de recourir à la foisonnante littérature exégétique qui lui a été consacrée et dont la majeure partie véhicule son lot inextricable de lieux communs. Son interprétation s’appuie sur des données nouvelles : il s’est entretenu avec Claude Lévi-Strauss à plusieurs reprises et a retrouvé des matériaux d’archives qui jettent une lumière inattendue sur le parcours intellectuel de l’anthropologue français, depuis ses premières publications dans les années 1920.
L’auteur fait ici le pari d’élucider les idées de Claude Lévi-Strauss non seulement comme celles de l’inventeur d’une théorie anthropologique, mais surtout comme celles d’un penseur qui propose, en deçà d’un système théorique, une vision du monde dont les postulats offrent la véritable clé de son œuvre. Réfractant la plupart des drames devenus tristement emblématiques du siècle passé, la pensée de Lévi-Strauss est irriguée par la réflexion sur le problème des imperfections du monde humain. Pour la comprendre, il est nécessaire de démêler l’écheveau de plusieurs conceptions qui, au XXe siècle, relevèrent le défi de ces deux questions parmi les plus obsédantes auxquelles les hommes eussent à faire face dans notre tradition culturelle : celle de la présence du mal et celle des remèdes à y apporter.
Through an analysis of the major theories of hominisation proposed during the nineteenth and twentieth centuries, the author shows that scientific conceptions of human origins, as well as modern schoolbooks and popular science, continue to perpetuate a number of old ideas inherited from myths and philosophical speculations.
If palaeanthropology is so often at one with ordinary thinking, this is because both depend on a common legacy of highly structured ideas which constitute a naive anthropology profoundly rooted in the Western tradition. This naive anthropology imposes upon us a stereotyped and simplistic view of human evolution and of the mechanisms of Culture. An analysis of the emergence of these commonsensical certainties promises to expose their numerous shortcomings and to reveal their role in the production of anthropological knowledge.
Une analyse des principales conceptions de l'anthropogenèse, proposées entre le début du XIXe siècle et nos jours, montre que la science, après avoir rejeté les traditionnels récits mythiques, ne parvient pas à se libérer entièrement de leur influence. La pensée scientifique continue encore à reproduire la trame des anciennes conceptions.
Rationnels que nous nous efforçons d'être, nous n'en restons pas moins croyants, car nous croyons savoir, et s'il arrive fréquemment que la noble science rejoint dans ses conclusions la pensée ordinaire, c'est parce que l'une comme l'autre peuvent être tributaires d'un ancien imaginaire où se reflète toute une anthropologie naïve : notre simpliste manière de voir l'homme, sa culture et les vicissitudes de son histoire.
Nesta obra o autor pretende abordar as concepções sábias que aspiram a explicar a antropogénese. As reflexões sobre as origens do homem e da cultura fazem parte dos constantes esforços do pensamento humano. Cada cultura possuindo concepções que relatam os primordiais acontecimentos na sequência dos quais o homem se tornou no que hoje é. Até uma época relativamente recente, a cultura ocidental satisfazia-se das explicações míticas. No século XIX, as respostas tradicionais foram questionadas e a ciência encarregou-se de as substituir por um saber positivo, livre de ideias preconcebidas, severamente controlado e solidamente fundamentado nos vestígios materiais do passado. Com a evolução, a ciência rejeitou as explicações sobrenaturais características dos mitos, sem ter conseguido isentar-se dos esquemas conceptuais da especulação conjectural. Alimentou-se deles, sem saber, e tornou-se o seu instrumento e prolongamento. Os pré-historiadores e os paleontólogos, preocupados como estão em estudar os traços do passado, esquecem frequentemente que os dados factuais só respondem às questões postas pelo investigador. Ora, se as questões continuam tão convencionais e estereotipadas, são muito poucas as oportunidades de as respostas o serem menos. Estas questões apenas têm uma fonte: a imaginação! A imaginação dos científicos continua, curiosamente, condicionada por uma enorme carga de imitações cuja aparência plausível seduz e consolida. Assim, algumas obras dos pré-historiadores e dos paleontólogos acabam por ensinar-nos menos acerca das origens do homem e mais sobre as crenças dos investigadores e do seu público. Actuando como etnólogo, o autor, nesta obra, procura reconstituir as raízes filosóficas destas crenças e a sua história, descreve a forma como os professores as inculcam nos seus alunos e apresenta os seus avatares científicos mais recentes. Embora sejamos racionais, não ficamos menos crentes e se a venerável ciência encontra frequentemente, nas suas conclusões, o pensamento comum é porque, quer uma quer outro, são tributários de um imaginário antigo onde se reflecte uma antropologia ingénua: a nossa forma simplista de ver o homem, a sua cultura e as vicissitudes da sua história.
Rien ne prouve cependant que les croyances insolites qui foisonnent dans notre culture soient le fruit de l’«irrationalité». Au lieu d’y voir une création des égarés qui renoncent à l’usage de la raison, on peut tenter d’y découvrir, au contraire, un produit du fonctionnement habituel de la rationalité telle qu’elle est réellement.
Pour connaître la véritable marche de la raison, il ne suffit pas d’analyser les exploits intellectuels de grands savants : il vaut mieux scruter le spectacle de la pensée ordinaire qui se joue quotidiennement devant nos yeux.
Dans les années soixante, plusieurs dizaines de millions de personnes furent séduites, dans le monde entier, par une théorie qui expliquait l’origine de l’homme par une intervention de mystérieux astronautes venus des étoiles. En s’interrogeant sur la genèse de cette conception et sur les raisons de son succès, on invite ici le lecteur à un voyage au travers de recoins peu connus de la culture occidentale, où l’on croise les médiums spirites, les invisibles maîtres tibétains, les guerriers de l’Atlantide, les soucoupes volantes et les occultistes travestis en scientifiques.
Que nous y guide l’injonction de Fontenelle : « Étudions l’esprit humain dans l’une de ses plus étranges productions : c’est-là bien souvent qu’il se donne le mieux à connaître ».
Il s'agit de la version complète de l'article abrégé paru en 2024 dans la revue Commentaire.
Menées souvent au nom de la liberté d’expression, ces attaques portent atteinte à la liberté académique. Dans cette situation, il est important de rappeler les différences substantielles entre la liberté d’expression et la liberté académique, trop souvent confondues, jusque dans le Code de l’éducation.
https://www.liberation.fr/debats/2020/01/29/arretons-de-penser_1775805/
La fonction et l'activité principale d'un intellectuel est de penser. C'est notre métier, et même, dit-on, toute la dignité des clercs, celle qui leur vaut des tribunes dans les journaux et l'accès aux plateaux télé. C'est donc là le terrain où doit se manifester notre soutien au mouvement social : nous invitons les intellectuels et les universitaires à arrêter de penser.
it is generally admitted or as the result of the permanence of a Durkheimian foundation which transcends other oppositions, such a simplistic dichotomy was not conceivable. Certainly, Didier Fassin claimed a direction of studies in political and moral anthropology
whereas Wiktor Stoczkowski put stress on some potentially negative consequences of the moral stances in anthropology, but we shared a common conviction that our discipline should not be moral in the sense of telling and promoting the good. In fact, since we had prepared our papers separately, we discovered, as the session progressed, that our confrontation was to be less the anticipated duel than a discussion made
necessary by recent evolutions in anthropology.
Ordinary knowledge and fascination with extraordinariness
Summary
Much as they have long pretended to be interested on ordinary knowledge, social scientists have in practice shown a marked predilection towards extra-ordinary phenomena, as grasped through exceptional informers. The following contribution, drawing on examples from social anthropology, history and science studies, proposes a series of reflections on the causes of this state of affairs, and on its consequences for our understanding of ordinary knowledge. Could it be that the social sciences are in danger here of overlooking a profound truth which human beings tell us about themselves, through all the ordinary, mundane, uninspired and mediocre products of their mind?
Résumé
Bien qu’ils déclarent de longue date s’intéresser aux savoirs ordinaires, les chercheurs en sciences sociales manifestent une étrange prédilection pour l’étude des phénomènes extraordinaires, sur lesquels ils s’instruisent auprès d’informateurs exceptionnels. À partir de quelques exemples empruntés à l’anthropologie, à l’histoire et aux études sur les sciences, cette contribution propose une série de conjectures sur les causes de cette situation, et sur ses conséquences pour notre connaissance des savoirs ordinaires. Il se peut que les sciences sociales passent à côté d’une vérité profonde que l’être humain nous livre sur lui-même à travers tout ce que sa raison produit d’ordinaire, de récurrent, de vulgaire et de médiocre.
Nous avons l’habitude paradoxale d’appeler croyances les idées auxquelles nous ne croyons pas, tandis que nous réservons la dénomination de savoirs aux idées auxquelles nous croyons fermement. Cette distinction subjective entre croyances et savoirs présente deux inconvénients : premièrement, elle prive les deux notions de toute valeur opératoire ; deuxièmement, elle dissimule le fait que la plupart des idées auxquelles nous croyons ne nous paraissent pas comme des croyances, mais comme des savoirs. L’auteur se propose de redéfinir la notion de croyance et d’en distinguer deux types, dont chacun regroupe à la fois des représentations dites religieuses et des représentations tenues pour scientifiques. Une telle redéfinition permet de porter un regard nouveau sur nos savoirs ordinaires : souvent présentés comme ancrés dans la connaissance scientifique, ils forment une partie considérable des croyances contemporaines.
Émile Durkheim n’était pas un historien. Il a pourtant consacré plusieurs centaines de pages à l’histoire. L’article se propose, dans un premier temps, de reconstituer la conception durkheimienne des principales étapes de l’histoire occidentale, la seule qui l’intéressait. Dans un second temps, en s’interrogeant sur la fonction remplie par cette histoire dans sa vision du monde, il s’agit de montrer que la narration historique était avant tout une étiologie du présent de la société française de la seconde moitié du XIXe siècle, en particulier une étiologie des maux qui, selon Durkheim, accablaient sa propre société. Solidaire de l’idée de dualité de la nature humaine, l’étiologie historienne débouche sur une thérapie que Durkheim aspirait à proposer à la société française et, plus généralement, à toutes les sociétés civilisées, prétendument en proie à une profonde crise morale.
La question que suscitent les ambitions axiologiques des sciences sociales n’est pas uniquement celle, souvent débattue, de savoir si la recherche peut s’astreindre au respect des valeurs morales : c’est aussi celle, encore plus délicate, de savoir si la recherche parvient à honorer simultanément les valeurs morales et les valeurs de la connaissance. C’est cette dernière question que je me propose d’examiner ici, en prenant comme exemple l’anthropologie et les mutations qu’elle a connues depuis son émergence jusqu’à nos jours. Il est probable que les conclusions tirées à partir des vicissitudes de cette discipline particulière peuvent valoir également pour d’autres sciences sociales.
of Marxism as an inspiration which then influenced him throughout his work as an anthropologist. This claim has become a leitmotif of commentaries on Lévi-Strauss, but without anyone verifying its truthfulness. However, there are several indications that he was engaged in an autobiographical mystification. To understand this, the article attempts to reconstruct the context of Parisian intellectual milieu of the 1950s, when the mystification began, and to explain why Lévi-Strauss maintained this fiction thirty years later. The purpose is to show that the subtle autobiographical ruse, far from being just a hermeneutical obstacle, can also provide a means to lift the veil on forgotten parts of history
Baptiser «Lucy» les restes fossiles d’une telle créature pourrait malgré tout sembler anodin, pas moins qu’appeler un chien Oscar ou Socrate. D’ailleurs, les mobiles des découvreurs du fossile furent plus complexes et importent peu ; c’est la réaction complaisante du grand public qui est plus significative. L’enthousiasme à accueillir dans les rangs de l’humanité un être simien ayant vécu il y a trois millions d’années paraît étrange comparé aux réticences qu’éprouvent d’aucuns à admettre la qualité d’homme à part entière de certains de leurs voisins de palier. Il est curieux que beaucoup de nos concitoyens se sentent apparentés à une guenon préhistorique d’origine africaine, tandis que d’autres refusent l’idée de la parenté avec les Africains qui habitent leur quartier. Comment se fait-il que les uns sont prêts à inclure dans l’humanité un être qui leur est très éloigné, pendant que les autres en excluent ceux qui leur sont proches ? Cette question incite à examiner la pensée de l’exclusion, dont les conceptions racistes ne sont qu’un avatar, en la mettant en parallèle avec celle qui semble être son antithèse, mais qui en réalité s’en rapproche par l’apparente arbitraire qui la gouverne : la pensée de l’inclusion.
ZUSAMMENFASSUNG
Wiktor Stoczkowski, Die Vorgeschichte in den Schulbüchern oder unser Mythos von den Ursprüngen.
— Der vorgeschichtliche Mensch wurde erfunden, bevor er entdeckt wurde, und die imaginäre Vorgeschichte von einst beeinflußt noch heute unsere Sicht von den ersten Vorfahren. Wir haben zu zeigen versucht, daß seit mehr als zwei Jahrtausenden die « naturalistische » Spekulation über den Ursprung der Kultur dieselben Klischees benützt und daß diese aus einer Umwandlung alter mythischer Motive hervorgegangen sind.
RESUMEN
Wiktor Stoczkowski, La Prehistoria en los manuales escolares o nuestro mito de los orí
genes.
— El hombre prehistórico fue inventado antes de ser escubierto y la prehistoria imaginaria de antaño influencia todavía hoy la visión de nuestros primeros antepasados. Hemos tratado de mostrar cómo, desde hace mas de dos milenios, la especulación « naturalista » acerca del origen de la cultura, mobiliza los mismos clichés, inspirados de una transformación de viejos motivos míticos.
Au XVIIIe siècle, en supprimant dans le mythe de la fin de l’âge d’or le motif d’une intervention surnaturelle, des penseurs matérialistes ont imaginé que la culture humaine était née au moment où nos ancêtres, privés de conditions protectrices d’une « nature mère », avaient dû affronter une existence périlleuse mais stimulante au sein d’une « nature marâtre ». L’explication de l’origine de l’homme défendue par Yves Coppens, qui associe le début de l’anthropogenèse au passage de nos premiers aïeux d’une forêt bienveillante à une savane hostile, reprend le vieux schème mythique. Science ou fiction ? Pourquoi cette théorie a-t-elle été spontanément perçue comme crédible ?
Pomysłodawcą projektu był Paweł Przyrowski, aktualnie wybitny witrażysta, zaś drukarzem i wydawcą Jerzy Owsiak, dziś powszechnie znany w Polsce dziennikarz radiowy i telewizyjny, showman, działacz charytatywny i społeczny. Redaktorem całości został „Franciszek Sędziwoj” czyli Wojciech Michera, przyszły kulturoznawca i adiunkt w Zakładzie Filmu i Kultury Wizualnej w Instytucie Kultury Polskiej Uniwersytetu Warszawskiego.
Teksty oryginalne pozostały anonimowe. Mój mikro-esej został zainspirowany jakimś zapomnianym dziś artykułem psycho-socjologicznym na temat wskaźników samobójstw w Europie i w Polsce. Statystyki ilustrowały trzy interesujące zjawiska. Po pierwsze, wskaźnik samobójstw był najwyższy w państwach „realnego socjalizmu”. Po drugie, w PRL-u lat 1970-tych wskaźnik samobójstw był najwyższy wśród klasy robotniczej, a najniższy wśród kadr partyjnych. Po trzecie, te ostatnie proporcje odwróciły się po sierpniu 1980 roku.
Tekścik bezpretensjonalny, pełen omyłek typograficznych typowych dla samizdatu, ale chyba godny uwagi, bowiem proponuje on hipotezę interesującą: statystyka samobójstw może być nie tylko wskaźnikiem stanu moralnego społeczeństwa (anomie), jak chciał Durkheim, ale również wskaźnikiem jego stanu politycznego.