Les tresses, entre accessoire de mode et revendication ultra populaire

Pendant longtemps, les défrisages et les tissages ont été plébiscités. Mais aujourd’hui, le cheveu tressé est roi. A la fois libéré, audacieux et créatif, mais aussi symbole d'un fort héritage culturel.
Rihanna
Pourquoi les tresses sont-elles plus en vogue que jamais en ce moment ?Tim Whitby/BFC/Getty Images

Quelle légitimité peut-on avoir à écrire un article sur les tresses, moi qui suis blanche, blonde, aux cheveux lisses ? N’ayant ni les codes ni l’expertise nécessaires pour mener à bien ce genre de décryptage, j’ai souhaité faire appel à des spécialistes, à des femmes tressées et qui tressent pour avoir leurs avis, leurs opinions, leurs regards, sur cette soudaine grande popularité.

Elles sont toutes unanimes : les stars de la pop culture y sont pour quelque chose. « Quand on voit des femmes comme Rihanna ou Solange Knowles en couverture de magazine oser différentes braides, de différentes couleurs, en étant si à l’aise dans l’espace public avec leurs tresses, forcément ça donne envie. On peut tout à coup s’identifier et s’inspirer. C’est important pour aider la jeune génération », nous explique Amelle Sokamessou, jeune femme tressée de 24 ans. Selon elle, la représentation est la clé. Et elles sont de plus en plus nombreuses à montrer la voie. Beyoncé, Jorja Smith et Zoë Kravitz ont elles aussi su donner un coup de pouce à la popularité des tresses. Evalyn Denis, tresseuse de référence, notamment à l’origine de la coiffure de Blue Ivy lors de la tournée Renaissance, souligne « l’appréciation croissante de la beauté et de la polyvalence des tresses » dans l’édition britannique de Vogue. Mais précise que « les gens les adoptent comme un moyen de célébrer leur héritage et d’exprimer leur individualité. »

Jorja Smith.Steve Jennings/Getty Images
Zoë Kravitz.Sean Zanni/Getty Images

L'individualité, justement. Si elle est aujourd’hui portée entre autres par le tressage, ça n’a pas toujours été le cas, surtout dans les pays occidentaux. Les tresses étaient surtout le moyen de cacher ses cheveux afro ou texturés. « Avant, quand j’étais même encore à l’école, je me tressais pour cacher mes cheveux naturels. Pour ne pas trop me faire remarquer. Je choisissais alors des tresses simples, faciles à faire, pour passer inaperçue. Maintenant, on s’autorise à être plus fou, plus extravagants. L’avènement des réseaux sociaux et la libération du corps noir ont aidé. On n'a plus peur de prendre de l’espace dans l’espace public », raconte Amelle.

Le pouvoir des réseaux sociaux

Les réseaux sociaux ont évidemment joué un rôle prépondérant dans la popularité des tresses. Les célébrités ont ouvert la voie, faisant de leurs cheveux tressés un véritable accessoire de mode. Ils ne sont plus pointés du doigt ou méprisés. Les regards changent, enfin. Grâce à Tiktok, Instagram ou encore Pinterest, les représentations sont nombreuses et les inspirations en grand nombre. Le champ des possibles est devenu immense. « Grâce aux réseaux sociaux, on voit beaucoup plus de femmes porter les tresses. Avant d’aller me faire coiffer, je regarde toujours des inspirations à donner à la coiffeuse. Les options n’ont jamais été aussi nombreuses », nous explique Amelle. Rihanna partage le même avis et souligne leur côté esthétique. « Il y a tellement de choses que l’on peut faire avec les tresses et tellement de looks que l’on peut obtenir », a confié la chanteuse lors d'une interview au magazine Vogue China.

Marianne, connue sous le nom de @ooomarianne sur Instagram, s’est servie des réseaux sociaux pour mettre la lumière sur ses différentes coiffures, dans l’objectif de réussir à retrouver confiance. Une fois coiffée, la jeune femme a l'habitude de filer dans le premier photomaton venu pour immortaliser son apparence. « J’ai commencé à aller au photomaton parce que j’étais dans une période où je me sentais vraiment mal dans ma peau et dans ma tête. (...) J’ai décidé d’aller me prendre en photo seule car je venais de me faire coiffer et je voulais simplement avoir des photos de ma coupe. J’ai posté ma première photo sur mon compte Instagram et quand j’ai vu l’engouement sur les réseaux sociaux, j’ai eu envie de continuer et j’ai décidé de pousser l’idée un peu plus loin, en essayant de mettre en valeur des coiffures que l’on ne voit pas souvent », a-t-elle confié dans un entretien accordé au magazine Ancré.

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Cette lumière a également permis au cheveu afro d’être enfin considéré. On s’intéresse alors à lui en apprenant à l’entretenir auprès de spécialistes, les écoles de coiffure françaises ne livrant aucune clé sur l’entretien et le coiffage des cheveux texturés. Bien qu’esthétiques, les tresses ont également une fonction de soin. « Les tresses peuvent aider à retenir l’humidité, réduire la casse et favoriser la pousse des cheveux, elles sont donc un choix populaire si vous souhaitez conserver des cheveux afro sains », explique Evalyn Denis.

« Amour et protection »

Dans son interview accordée à l'édition chinoise de Vogue en mars dernier, Rihanna avait évoqué le lien intime qu’elle entretenait avec le tressage. Au-delà du coiffage, il était considéré comme un moment de soin, permettant alors l'échange et la complicité. Elle explique même qu'il pouvait signifier amour et protection. « C’est une forme de protection. Ce sont nos racines. C’est une tradition laissée par nos ancêtres », avait souligné l’artiste. C’était alors une évidence : ses enfants porteraient des nattes.

Cet art ancestral est un héritage qui se transmet entre femmes, de mères en filles, depuis la nuit des temps. Mais le boom actuel semble être plus qu’une simple tendance : il souligne un regain d’amour et de respect pour les coiffures noires traditionnelles, et il contribue à faire tomber le stéréotype selon lequel elles pourraient être moins glamour, soignées ou attrayantes. Pour les femmes comme pour les hommes. Des rappeurs comme A$AP Rocky ou Kendrick Lamar ont aidé à populariser le tressage pour la gente masculine. Il n'est alors pas une affaire de genre mais bien d'héritage, d'engagement, de revendication, de singularité et d'appartenance culturelle. Le facteur esthétique en plus.

A$AP Rocky.Jacopo Raule/Getty Images