Un ancien dirigeant qui dénonce la bassesse de la direction, des courants internes qui contestent les nouveaux statuts: les nuages s'amoncellent au-dessus de la patronne des Écologistes Marine Tondelier avant le futur congrès prévu en avril.
"Elle va être élue très tranquillement, c’est bien normal", jurait la semaine dernière un proche de la secrétaire nationale, qui postule pour un deuxième mandat.
Pourtant, en moins d'une semaine, les conflits ont ressurgi au sein du parti, longtemps connu pour ses querelles intestines, mais qui semblait apaisé depuis l'arrivée à sa tête en 2022 de l'élue à la célèbre veste verte.
Celle qui a rendu plus visible le parti et joué le rôle de trait d'union dans la création du Nouveau Front populaire avec les autres formations de gauche, a été attaquée vendredi par l'ancien patron d'Europe Écologie-les Verts (ancien nom des Ecologistes) Julien Bayou.
Innocenté la veille par la justice après des accusations de harcèlement moral et d'abus de faiblesse de la part de son ex-compagne, également militante du parti, il a déploré lors d'une conférence de presse "la frilosité, la médiocrité, la lâcheté et la bassesse" de la direction.
Il lui reproche d'avoir lancé deux enquêtes internes contre lui, dont la dernière comprenait un appel à témoignages adressé à 12.000 personnes, et de n'avoir jamais reconnu son innocence, alors que les investigations n'ont pas permis d'établir sa culpabilité.
"Je ne reconnais plus ce parti", a déclaré l'ex-député, qui a quitté le mouvement.
"Le parti a fait ce qu'il pouvait faire. Est-ce qu'à l'avenir on pourra mieux faire, sans doute", reconnait un proche de l'exécutif du parti.
Des militants réclament désormais à la direction de reconnaitre l'innocence de Julien Bayou et de lui présenter des excuses.
Un caillou de plus dans la chaussure de la secrétaire nationale, qui fait face depuis quelques jours à la fronde de ses concurrents internes pour le congrès.
Marine Tondelier a déjà le soutien de 1.200 personnalités, dont les ex-candidats écologistes à la présidentielle Yannick Jadot, Eva Joly et Noël Mamère, et de nombreux maires de villes écologistes.
- "Profonde trahison" -
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La secrétaire nationale des Ecologistes Marine Tondelier sur le perron de Matignon à Paris le 17 décembre 2024
LOU BENOIST - AFP/Archives
Mais plusieurs opposants à Marine Tondelier, et notamment les trois candidats qui briguent la tête du parti, l'ex-eurodéputée Karima Delli, l'élue bordelaise proche de Sandrine Rousseau, Harmonie Lecerf, et le maire-adjoint à Paris Florentin Letissier ont envoyé des courriers pour déplorer "le manque d'équité et de pluralisme" dans les modalités de participation au congrès.
Ils dénoncent notamment la récente modification de règles électorales qui les empêchent selon eux de recueillir le nombre de signatures nécessaires pour déposer une contribution ou pour être candidat aux différents postes du bureau exécutif.
Les nouvelles modalités "semblent avoir été taillées sur mesure pour consolider l’emprise" du courant de Marine Tondelier, écrit ainsi Karima Delli, qui menace de prendre "les dispositions légales nécessaires pour contester la légitimité" du processus.
"Les conditions de tenue du congrès constituent une profonde trahison de l’ADN de notre parti par la direction en place", écrit aussi Florentin Letissier.
"La réforme des statuts, votée très majoritairement (74%), visait à rompre avec la balkanisation artificielle de notre parti", défend à l'AFP l'eurodéputé David Cormand, proche de Marine Tondelier, qui souligne que la difficulté de certains à obtenir un nombre de parrainages suffisants est "symptomatique de leur division".
Pour une députée écologiste, le règlement du congrès "presque kafkaïen" vise à "éviter de parler politique. Ca va être juste un concours de signatures".
Elle dénonce le positionnement de Marine Tondelier: "On ne peut pas faire une liste indépendante aux européennes, et être ensuite l’héroïne de l’union de la gauche et des écologistes; pousser Yannick Jadot aux municipales à Paris, qui ne veut pas de LFI, et pousser un candidat LFI à Montpellier contre le maire PS sortant", détaille-t-elle.
Dans son propre courant, Marine Tondelier fait aussi l'objet de critiques de la part du maire de Grenoble Eric Piolle, dont elle dirigeait pourtant la campagne lorsqu'ils était candidat à la primaire de 2020.
Ce dernier, candidat au poste de porte-parole du parti, dit avoir été "banni" des listes de militants du courant de Marine Tondelier, pour l'empêcher d'obtenir le nombre de signatures nécessaires. Il déplore "cette façon d’éjecter ceux qui porteraient des nuances sur la stratégie".
Par Cécile AZZARO / Paris (AFP) / © 2025 AFP