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French Studies, Vol. 00, No. 0, 1 REVIEW Empathie et ironie sont les deux pôles de la remarquable étude que Pierre Hartmann mène à propos de l’œuvre marivaudienne qu’il situe à la croisée de l’esthétique de la métapoétique et de l’éthique d’un ‘humanisme chrétien laı̈cisé’ (p. 16). Par empathie, l’auteur entend la sympathie, la compassion, la sensibilité que les personnages se communiquent entre eux et transmettent aux lecteurs/spectateurs. Sur ces deux plans se déploie symétriquement l’ironie, dédoublée entre ironie interne — ‘les traits que se décochent les personnages’ — et ironie ‘externe ou surplombante’, celle dont l’auteur gratifie ses personnages (p. 14). L’ironie se manifeste notamment dans les instances du discours métapoétique, que l’auteur définit alors comme ‘forme supérieure d’ironie réflexive qui concerne l’art même’ (p. 14). La méthode heuristique adoptée est justifiée par l’autoréférentialité du texte marivaudien ‘dont les parties proprement réflexives et théoriques montrent assez qu’il ne veut avoir affaire qu’à lui-même’ (p. 11). Tout en attribuant une dynamique dialectique à ce couple axiologique, Hartmann soutient qu’ironie et empathie peuvent se combiner sans s’annuler au motif qu’elles désignent des ‘postures discursives labiles, opposées mais corrélatives’ (p. 14). Dans la première partie, consacrée à l’œuvre narrative, il insiste sur le rôle formateur des premiers romans, dans lesquels il décèle les balbutiements de ‘la grammaire du roman marivaudien’, à savoir une structure narrative formée de l’enchâssement de récits à la première personne et comportant un lecteur interne, chargé de pointer du doigt les artifices littéraires (p. 39). Dans la deuxième partie, Hartmann se livre à une dissection détaillée d’une vingtaine de comédies avec le but de révéler un théâtre comique, solaire, qui transmet l’‘humanisme souriant’ de Marivaux par la ‘contagion empathique’ (p. 330). Hartmann met en lumière les passages autoréférentiels des pièces où les énoncés métapoétiques sont des signes de connivence adressés à un public averti. Il conclut de cette étude que ‘l’esthétique marivaudienne est tout à la fois une poétique et une axiologie’ (p. 337). Au terme d’une analyse fine et très personnelle, hérissée de quelques piques lancées ici et là contre les excès de la critique contemporaine, Hartmann renouvelle notre compréhension de l’extraordinaire richesse de l’œuvre marivaudienne. Ce Marivaux archaı̈que qui ne se préoccupe que de son œuvre ressemble toutefois étrangement au critique qui pratique la même inactualité assumée et la même autoréférentialité, en ignorant volontairement les ouvrages les plus récents, à de rares exceptions près. Certes, on ne peut qu’acquiescer quand Hartmann note que ‘la fréquentation des grands auteurs du passé devrait nous conduire à regarder avec circonspection les prétentions exorbitantes de notre époque à tout juger à son aune’ (p. 18), mais, dans cet écrit crépusculaire, les mises en garde contre d’éventuelles déviances interprétatives prennent un peu trop souvent le pas sur la célébration du génie de Marivaux. https://doi.org/10.1093/fs/knab179 SARAH BENHARRECH UNIVERSITY OF MARYLAND # The Author(s) 2021. Published by Oxford University Press on behalf of the Society for French Studies. All rights reserved. For permissions, please email: journals.permissions@oup.com Downloaded from https://academic.oup.com/fs/advance-article/doi/10.1093/fs/knab179/6421674 by guest on 05 November 2021 Marivaux, entre ironie et empathie. Par PIERRE HARTMANN. (LES DIX-HUITIÈMES SIÈCLES, 211.) Paris: Honoré Champion, 2020. 346 pp.