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Lorsqu’on parle de l’affaire Traoré, en pensant répondre à l’émotion que suscite l’assassinat de Madame Halimi, on ne parle pas d’une personne mais d’une décision juridique rendue sur base des lois existantes qui constituent notre état de droit. Mais le droit est technique et sans émotion. Ajouter la notion d’« éthique » au droit, lui confère par rapport à notre entendement le statut de « justice ». La question qui se pose est donc bien de savoir si « justice est rendue ». Et, justice est-elle rendue, lorsque techniquement elle ne répond pas à nos émotions face à la plus évidente spoliation de la notion d’éthique, celle qui porte atteinte à l’autre ? En l’occurrence : le meurtre dont on attend que la justice objective, bafouée par ses manquements subjectifs, agisse éthiquement. Mais, hélas, elle ne peut se référer qu’aux codes existants et à la doctrine. Chaque acte rendu en son nom dont elle mesure elle-même l’inadéquation - entre, d’une part le jugement qu’elle est obligée de tenir dans le cadre strictement légal et, d’autre part la réalité de notre sensibilité humaine meurtrie par sa décision, - doit faire l’objet d’un ajustement afin que la jurisprudence ne s’empare des manquements éthiques de cette décision. Voilà pourquoi le Président de la République, en respectant la séparation des pouvoirs, a dit et je le cite : "Décider de prendre des stupéfiants et devenir alors 'comme fou' ne devrait pas à mes yeux supprimer votre responsabilité pénale. Sur ce sujet, je souhaite que le garde des Sceaux présente au plus vite un changement de la loi" C’est ce travail que propose Emmanuel Macron, en demandant que soit étudié un ajustement, c’est-à-dire selon l’étymologie du mot, que soit rendue « justement » la loi et pas juste la loi, afin de pouvoir invoquer techniquement ses textes en nous rapprochant au mieux de notre exigence éthique. « L'éthique, n'est pas un ensemble de valeurs ni de principes en particulier. Il s'agit d'une réflexion argumentée en vue du bien agir. Elle propose de s'interroger sur les valeurs morales et les principes moraux qui devraient orienter nos actions, dans différentes situations, dans le but d'agir conformément à ceuxci.1 » 1 https://www.ethique.gouv.qc.ca/fr/ethique/qu-est-ce-que-l-ethique/quelle-est-la-difference-entre-ethiqueet-morale/ La notion de sécurité ne suffit pas si celle-ci n’est pas le reflet de la condamnation par le tribunal d’une décision qui implique l’ensemble des individus ce que seule la loi permet ! Nous pourrions nous dire qu’il vaut mieux que l’assassin soit interné en asile psychiatrique pour vingt ans incompressibles que jugé par ses pairs à une peine moins lourde et dont on sait que des aménagements seront possibles pour qu’elle ne soit effectuée dans sa totalité. S’il est indispensable de répondre au cas clinique du coupable dans cette affaire, je pense que la proposition du Président rejoint notre attente en ce qu’elle précise que cette analyse médicale n’exclut pas la notion de responsabilité qui doit être reconnue. Le contraire éveille des démons qui, en période de crise et de malaise, rôdent sous la surface ténue de l’harmonie sociale, profitant de la moindre faille pour se manifester sous forme de xénophobie et voire d’antisémitisme dans ce cas car il faut bien qualifier cet acte comme tel dès lors que le coupable est reconnu responsable de ses actes. Permettez-moi pour terminer de vous lire ce codicille au poème que le Pasteur Martin Niemöller avait écrit à Dachau et que l’histoire de Sarah Halimi m’inspire : « Quand les nazis sont venus chercher les communistes, Ceux qui n’étaient pas communistes, N’ont rien dit. Quand ils sont venus chercher les syndicalistes, Ceux qui n’étaient pas syndicalistes, N’ont rien dit. Quand ils sont venus chercher les juifs, Ceux qui n’étaient pas juifs, N’ont rien dit. Aujourd’hui ils sont venus la chercher, Ne restera-t-il que nous pour protester. Et nous recueillir au nom de Sarah Halimi ? » Je ne suis pas né sémite mais la peine que je ressens et la colère que je retiens font qu’aujourd’hui je me sens et revendique comme juif et que je suis venu pour adresser mes plus sincères condoléances à la famille Halimi et comme vous, leur témoigner mon soutien et ma sympathie car personne n’a plus le droit à l’indifférence quand la bêtise, le dogmatisme et l’obscurantisme se rallient pour commettre un meurtre. Savoir c’est agir. Et dans l’immédiat ce qui est urgent c’est de corriger ce qui doit l’être et de veiller à ce que nos lois permettent à nouveau dans ces temps difficiles de vivre ensemble de manière harmonieuse dans un pays laïc, ouvert et tolérant et ce en liberté, égalité et fraternité. A toi Sarah, Vive la République, Albert Galoy Le 25 avril 2021