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Art et économie en France et en Italie au XIVe siècle Prix, valeurs, carrières EDL314.indb 1 02.11.20 09:29 ÉTUDES DE LETTRES no 314 Revue de la Faculté des lettres de l’Université de Lausanne fondée en 1926 par la Société des Études de Lettres Comité de rédaction Martine Hennard Dutheil de la Rochère, présidente Marc Escola Stefania Maffei Boillat Sébastien Moret Hugues Poltier Valentina Ponzetto Antonio Rodriguez Rédaction Florence Bertholet Catherine Chêne Contact Revue Études de lettres Bâtiment Anthropole CH-1015 Lausanne Tél. +41 (21) 692 28 80 redaction.edl@unil.ch www.unil.ch/edl Abonnement annuel Plein tarif : 60 CHF Tarif étudiant : 45 CHF Pour commander en CHF : www.unil.ch/edl en € : www.lcdpu.fr Prix de vente de ce numéro : 22 CHF Disponible en texte intégral une année après parution sur EDL314.indb 2 02.11.20 09:29 Art et économie en France et en Italie au XIVe siècle Prix, valeurs, carrières Volume édité par Nicolas Bock et Michele Tomasi Revue Études de lettres EDL314.indb 3 02.11.20 09:29 Comité éditorial et scientifique de ce numéro Nicolas Bock, Université de Lausanne Michele Tomasi, Université de Lausanne Nous remercions chaleureusement les membres du comité scientifique externe pour leurs expertises. Couverture Cocharelli, Treatise on the Vices and Virtues (fragment), c. 1330-1340. The British Library, Add MS 27695, f. 7v. <http://www.bl.uk/manuscripts/FullDisplay.aspx?ref=Add_MS_27695> Rédaction et mise en pages : Florence Bertholet Achevé d’imprimer en numérique sur les presses de la Reprographie de l’Université de Lausanne en décembre 2020 ISBN 978-2-940331-75-8 ISSN 0014-2026 © Université de Lausanne, Revue Études de lettres, Lausanne 2020. Bâtiment Anthropole, CH-1015 Lausanne www.unil.ch/edl redaction.edl@unil.ch Tous droits réservés. Réimpression ou reproduction interdite par n�importe quel procédé, notamment par microfilm, xérographie, microfiche, microcarte, offset, etc. Imprimé en Suisse EDL314.indb 4 02.11.20 09:29 TABLE DES MATIÈRES Nicolas Bock, Michele Tomasi À propos de ce livre 7 Étienne Anheim The consumption of Italian painting in Provence in the 14th century 23 Damien Cerutti Giotto & Cie. Stratégies entrepreneuriales et coûts décoratifs de chapelles funéraires dans la Florence des années 1330 43 Paola Vitolo Spese della morte : investimenti per l’aldilà (e per l’al di qua) e pratica artistica (Italia, XIV secolo). Studi sull’economia funeraria, primi appunti 73 Doron Bauer La peste noire et la rémunération des peintres au Royaume de Majorque 95 Giampaolo Distefano Sur Jean le Braelier, « aurifabro Parisiensi » et « varlet de chambre du Roy » Jean le Bon : art et économie 111 Alain Salamagne Le bois dit de Danemarche dans le décor de la demeure aristocratique vers 1400 135 Michele Tomasi Prix des œuvres et appréciation esthétique à la fin du XIVe siècle en France : quelques remarques à partir des chroniques de Jean Froissart et Michel Pintoin 155 EDL314.indb 5 02.11.20 09:29 À PROPOS DE CE LIVRE De l’argent on ne parle pas, on l’a. attr. à Jean Paul Getty Il y a plus d’un siècle, en 1899, le sociologue et économiste américain Thorstein Veblen publia son livre The theory of the leisure class 1. En développant le concept de « conspicuous consumption », Veblen décrit les motivations qui poussent les membres d’une société vers un usage ostentatoire d’objets dans le but d’élever leur propre rang social. Bien que Veblen soit devenu l’un des pères fondateurs de la sociologie moderne et que ses écrits aient été largement repris par des penseurs comme Pierre Bourdieu et Jean Baudrillard, sa réception directe dans le domaine de l’histoire de l’art a été bien moins intense 2. Son point de vue peut cependant beaucoup nous aider à comprendre, voire à expliquer, les goûts et les inclinaisons, quelquefois fort étonnants, des époques du passé dont nous admirons les œuvres artistiques, très souvent dans des musées ou loin de leur contexte d’usage d’origine. Certes, la question de la consommation est, depuis une quarantaine d’années, dans le sillage d’un article pionnier et provocateur de Robert S. Lopez 3, au cœur d’un débat engagé et stimulant parmi les spécialistes de la Renaissance italienne 4. À la 1. Th. Veblen, The theory of the leisure class. 2. A. B. Trigg, « Veblen, Bourdieu, and conspicuous consumption ». 3. R. S. Lopez, « Hard times and investment in culture ». Pour un aperçu historiographique du débat suscité par cet article, voir W. Caferro, Contesting the Renaissance, p. 131-138. 4. Il suffira de mentionner ici les ouvrages marquants de R. A. Goldthwaite, Wealth and the demand for art in Italy, 1300-1600 ; L. Jardine, Wordly Goods ; E. Welch, Shopping in the Renaissance. Pour des bilans critiques sur ces études et les orientations actuelles de la recherche, on pourra se reporter à L. Martines, « The Renaissance and the EDL314.indb 7 02.11.20 09:29 8 ÉTUDES DE LETTRES différence de ce qui s’observe dans le domaine des études médiévales, l’Italie des XVe et XVIe siècles représente même un terrain d’enquête très significatif non seulement pour les historiens de l’art, mais également pour les historiens de l’économie 5. Ces discussions n’ont toutefois pas vraiment poussé les médiévistes à utiliser des grilles de lecture analogues pour interroger leur propre champ d’études ni à instaurer un dialogue interdisciplinaire aussi fécond. Pour mieux appréhender la valeur d’un objet d’art à l’époque de sa production, il ne faut cependant pas seulement s’intéresser à l’aspect de la demande et de la consommation, mais aussi aux conditions de sa production. Avec Martin Wackernagel, Frederick Antal, Peter Burke et Werner Jacobsen, une phalange de grands historiens de l’art a déjà abordé ce champ de recherche – mais leurs travaux touchaient eux aussi plutôt à la période de la Renaissance qu’au Moyen Âge 6. Pour ce dernier, les contributions les plus significatives ont été consacrées à la dimension économique des chantiers des cathédrales, en particulier pendant la période gothique, ici aussi à la suite des ouvertures stimulantes de Robert Lopez 7. Si l’on excepte l’architecture, les problèmes imbriqués birth of consumer society » et à B. Blondé, W. Ryckbosch, « In “ splendid isolation ” », qui contient d’amples indications bibliographiques. 5. Parmi les contributions des historiens de l’économie à propos de la Renaissance, on rappellera : S. B. Clough, Kultur und Wirtschaft ; A. Esch, « Über den Zusammenhang von Kunst und Wirtschaft in der italienischen Renaissance », « Überlieferungs-Chance und Überlieferungs-Zufall als methodisches Problem des Historikers » ; M. Hutter, « Kunst als Quelle wirtschaftlichen Wachstums » ; A. Esch, « Der Historiker und die Wirtschaftsgeschichte » ; J. Fried, Kunst und Kommerz ; R. A. Goldthwaite, Wealth and the demand for art in Italy, 1300-1600 ; M. North, E. L. Goldberg (eds), Economic history and the arts ; D. Degrassi, L’economia artigiana nell’Italia medievale ; A. Esch, Kunstförderung im Italien des 15. Jahrhunderts ; B. Roeck, Kunstpatronage in der frühen Neuzeit ; C. E. Gilbert, « What did the Renaissance patron buy ? » ; M. North, D. Ormrod (eds), Art markets in Europe, 1400-1800 ; M. Fantoni, L. C. Matthew, S. F. Matthews-Grieco (eds), The art market in Italy, 15th-17th centuries/ Il mercato dell’arte in Italia secc. XV-XVII ; W. Schmid, Dürer als Unternehmer ; F. Etro, « The economics of Renaissance art ». 6. M. Wackernagel, Der Lebensraum des Künstlers in der Florentinischen Renaissance ; F. Antal, Florentine painting and its social background ; P. Burke, Culture and society in Renaissance Italy, 1420-1540 ; W. Jacobsen, Die Maler von Florenz zu Beginn der Renaissance. 7. R. S. Lopez, « Économie et architecture médiévales » ; H. Kraus, Gold was the Mortar ; W. Vroom, Financing cathedral building in the Middle Ages. Voir aussi, toujours pour la Renaissance, R. A. Goldthwaite, The building of Renaissance Florence. EDL314.indb 8 02.11.20 09:29 À PROPOS DE CE LIVRE 9 de la fabrication et de la commercialisation des œuvres ont été abordés de manière systématique pour la fin de la période médiévale seulement. Ces enquêtes ont par ailleurs envisagé de manière presque exclusive un espace restreint, celui des Pays-Bas méridionaux, qui a suscité une littérature abondante et de qualité 8. Concevoir les œuvres d’art non seulement comme des objets appartenant à une sphère esthétique, religieuse ou politique, mais comme des biens de commercialisation, d’investissement, de vente et de consommation, nous pousse à considérer une série de facteurs économiques essentiels, mais très souvent ignorés : d’abord la valeur de la matière première dont elles sont fabriquées, mais aussi leur prix de vente, puis les conditions matérielles et pratiques de la production et les réseaux de vente, de distribution et de transmission. En prenant en compte ces circonstances économiques, nous pouvons estimer la valeur matérielle de l’œuvre d’art et, par conséquent, saisir une partie des motivations qui ont poussé les commanditaires et les artistes à sa création, voire les raisons de son appréciation par le public et sa signification sociale. Il s’agit donc de reconstruire le « period eye », pour utiliser la fameuse expression introduite par Michael Baxandall 9, mais cette fois-ci dans un sens réel, économique. Une telle approche économique place donc l’histoire de l’art entre la sociologie et l’histoire. Elle ne demande rien d’autre qu’un dialogue entre les disciplines, une démarche qui n’est pas facile, car elle exige des participants un savoir-faire et des connaissances qui dépassent leur propre domaine de prédilection. Une telle approche est rendue encore plus ardue par le fait qu’il n’existe, à ce jour, aucun manuel ou volume d’introduction, ni même un forum d’échanges régulier et institutionnalisé dédié à l’économie artistique du Moyen Âge 10. Comme il serait beau et pratique de disposer d’un volume de référence contenant une compilation de tous les prix connus des œuvres d’art médiévales ! Nous 8. On mentionnera ici seulement deux contributions pionnières : L. Campbell, « The art market in Southern Netherlands in the fifteenth century » ; J. M. Montias, Le marché de l’art aux Pays-Bas. 9. M. Baxandall, Painting and experience in fifteenth-century Italy, p. 29 sq. 10. Il faut toutefois mentionner les colloques et les publications réguliers de l’Istituto internazionale di storia economica Francesco Datini à Prato qui donnent aussi de la place à des réflexions concernant le domaine des arts, ainsi que V. Ginsburgh, Ch. D. Throsby (eds), Handbook of the economics of art and culture. EDL314.indb 9 02.11.20 09:29 10 ÉTUDES DE LETTRES en sommes encore loin, car nous ne disposons même pas de discussions méthodologiques sur les approches et les systèmes interprétatifs économiques modernes et leur applicabilité aux données du Moyen Âge. Chaque chercheur est donc obligé de suivre ses propres intuitions et de s’adapter aux possibilités offertes par son matériau. Bien entendu, il est alors d’abord confronté à la quantité et à la nature des données archivistiques à disposition, un élément de base aussi important qu’inégal selon les domaines. Cet état de fait explique l’absence d’axes de réflexion préétablis et le manque de travaux qui puissent fournir un matériel de comparaison. Nous nous trouvons encore aux marges d’un terrain de recherche peu exploré bien que fondamental. À cela s’ajoute le problème des périodes historiques : si l’intérêt pour des questions économiques commence déjà à s’établir dans le domaine de l’art contemporain – un développement induit par les liens très étroits avec notre univers économique et le marché de l’art – d’autres périodes ne connaissent pas encore le même essor. Entre toutes, la période du Moyen Âge est sûrement celle qui est le plus en manque de telles considérations. Les articles réunis dans ce volume abordent les problèmes liés à une telle recherche de manières fondamentalement différentes entre eux et présentent alors de multiples pistes d’investigation : de la microanalyse économique de la production d’un seul artiste à la réflexion sur la structure organisationnelle de toute la chaîne de valeur, de la production jusqu’au discours autour des réseaux de commerce et d’échange de marchandises artistiques. Comme la majorité des contributions est issue d’un colloque organisé en 2017 à l’Université de Lausanne, portant sur le XIVe siècle et sur l’espace français et italien, ce livre ne représente qu’une petite portion du cadre général et laisse de côté toute une série de régions importantes pour le Moyen Âge, des îles Britanniques à la péninsule ibérique, du Saint Empire aux grands foyers méditerranéens. Ces aires conservent très souvent de riches trésors archivistiques et promettent donc des terrains féconds pour des recherches ultérieures. Tout au début de ce volume, Étienne Anheim propose une théorisation du développement économique concernant l’émergence d’un marché d’objets d’art, et en particulier de tableaux, en France et en Italie. Se basant sur l’observation que, en Toscane, la production de tableaux de petit format, souvent destinés à la dévotion privée, pour l’exportation en France commence puis augmente progressivement dans la deuxième moitié du XIVe siècle, il formule l’hypothèse que ces changements EDL314.indb 10 02.11.20 09:29 À PROPOS DE CE LIVRE 11 indiqueraient une mutation typologique du marché. La mobilité des producteurs qui serait la règle au début du XIVe siècle – c’est-à-dire l’immigration d’artistes italiens vers Avignon – serait suivie de la mobilité des produits. Avec la présence d’un grand nombre de cardinaux italiens, la curie papale à Avignon aurait donc servi de « trendsetter ». À travers leurs commandes à des artistes italiens, Avignon serait devenu un centre-relais (peut-être devrait-on même parler de hub ?) pour l’importation d’œuvres italiennes et aurait contribué à la transmission et à la diffusion d’un goût italianisant dans le royaume de France 11. Le changement d’un « marché de producteurs » vers un « marché de produits » aurait également entraîné une dé-contextualisation de la production, car la destination de l’œuvre n’était plus connue de l’artiste-producteur comme elle l’était au début du siècle. Cette approche combine ingénieusement une analyse de la production et de la diffusion de tableaux sur la longue durée (un siècle) d’un côté, avec une analyse typologique moderne du marché de l’autre côté. Anheim ouvre ainsi la porte à des questions qui mènent encore plus loin. Quelle fut la relation entre le développement d’une classe moyenne avec un pouvoir d’achat toujours plus important et la croissance de la demande de tableaux de petit format ? 12 Quel est le rôle d’une offre toujours plus forte de la part du réseau toujours plus dense des marchands florentins ? 13 Quel fut le lien entre cette production et l’émergence de nouvelles attentes que le public adressa à des objets d’art comme outils focalisateurs de la contemplation ? Comment des changements de religiosité pourraient-ils avoir affecté la hausse de la production ? S’agit-il vraiment d’un développement évolutif de deux types de marchés (marché des producteurs – marché des produits) qui va d’un stade plus primitif vers un stade plus avancé ? 14 Ou 11. E. Castelnuovo, C. Ginzburg, « Centro e periferia », p. 344. Pour une discussion des différents modèles scientifiques de transmission à partir de l’exemple de Naples, voir dernièrement : N. Bock, « Patronage, standards and transfert culturel ». 12. Concernant l’importance de la classe moyenne pour la production et le développement artistique, voir dernièrement P. Hohti Erichsen, Artisans, objects and everyday life in Renaissance Italy. 13. B. Figliuolo, « I mercanti fiorentini e il loro spazio economico nel Medioevo » ; K. Prajda, « Florentines’ trade in the Kingdom of Hungary in the fourteenth and fifteenth centuries ». À propos du rôle des marchands pour la diffusion culturelle (dans les deux directions !) à l’époque moderne, voir R. Du Plessis, The material Atlantic. 14. Pour des hypothèses évolutives abstraites, voir par exemple le livre désormais devenu classique de F. Braudel, Civilisation matérielle, économie et capitalisme, XVe et XVIIIe siècles. EDL314.indb 11 02.11.20 09:29 12 ÉTUDES DE LETTRES y a-t-il eu une coexistence des deux formes de marché, car le marché des producteurs continua à fonctionner – il faut juste penser à l’immigration, voir l’importation d’artistes italiens aux XVe et XVIe siècles sous René d’Anjou (Francesco Laurana, Pietro da Milano) et François Ier (Primatice et le Rosso florentin). Les réflexions si stimulantes d’Anheim ouvrent ainsi des perspectives nouvelles et sollicitent d’autres travaux inspirés par ses propositions. Des questions similaires sont adressées par Damien Cerutti qui choisit toutefois une approche fondamentalement différente en analysant les conditions de production artistique et les stratégies entrepreneuriales à Florence au début des années 1330. Pour ce faire, il se focalise sur un ensemble d’œuvres limité et sur un moment bien précis dans l’activité d’un seul artiste, Giotto. En s’appuyant sur deux chapelles florentines construites et décorées dans les années 1328-1333 dans l’église Santa Croce de Florence, pour les Bardi et les Peruzzi, de puissantes familles de banquiers, Cerutti tâche de comprendre le raisonnement économique à l’origine de la division du travail artistique : si le retable a été fait par Giotto et son atelier, la décoration à fresque des chapelles est attribuée à son élève Taddeo Gaddi. Cerutti analyse alors les conditions juridiques régissant le métier de peintre pour établir la taille des ateliers et, partant, leur puissance de production. Compte tenu des lacunes de la documentation, il propose une perspective sur la longue durée, qui permet non seulement de jeter un coup d’œil sur le Quattrocento, mais aussi de comprendre les changements organisationnels de la profession au XIVe siècle et donc l’évolution importante des méthodes de production. Une compilation des prix payés pour différents monuments peints et sculptés à Florence, Pise, Sienne et Rome lui permet d’évaluer le coût moyen des différentes commandes artistiques pendant ces années. Ainsi, Cerutti peint un portrait coloré de Giotto comme entrepreneur qui développa des stratégies lucratives – il les appelle des « patterns » – pour la domination du marché de l’art dont il voulait contrôler les commandes prestigieuses pour en retirer le profit maximal. Dans le but de minimiser son implication personnelle et profiter ainsi au mieux de l’inventivité de ses collaborateurs, qu’il avait formés lui-même, Giotto leur laissa une grande marge décisionnelle. La liberté artistique s’avère donc être le résultat d’intérêts financiers. Son analyse pousse par ailleurs à se demander comment ces conclusions s’articulent avec la valeur attribuée à la maîtrise individuelle des artistes. De quelle manière l’organisation EDL314.indb 12 02.11.20 09:29 À PROPOS DE CE LIVRE 13 entrepreneuriale efficace d’une équipe s’articulait-elle avec le souhait de plus en plus largement répandu parmi les commanditaires de s’assurer que le chef de l’atelier exécutât la commande sua propria manu ? 15 C’est un fait bien établi que les dépenses de la vie ne finissent pas avec la mort. Paola Vitolo offre au lecteur, presque comme des pompes funèbres de nos jours, un catalogue de toutes les formes possibles d’ensevelissement et dresse un vaste panorama sur les catégories et les frais des monuments funéraires sculptés dans l’Italie du XIVe siècle. Le lecteur a toute raison d’être étonné des énormes écarts entre les prix pour de simples dalles funéraires et ceux pour des monuments somptueux qui pouvaient être plus de cent fois plus cher. En adoptant une perspective large qui embrasse les différentes régions de la péninsule, Vitolo met en évidence les problèmes de la conversion des devises historiques et souligne la nécessité pour la recherche de s’ouvrir à une vision économique plus ample en prenant en considération non seulement les conditions locales, mais aussi, dans une démarche comparative, la valeur économique sur une échelle plus large, voire « internationale » 16. Ce souhait ne naît pas d’une pure curiosité scientifique, mais tient compte du fait que des commanditaires (comme les membres de la dynastie des Anjou) avaient très souvent un horizon d’attente qui dépassait les frontières locales. Cet « Anspruchsniveau », pour utiliser un terme de Martin Warnke 17, souligne une fois encore les liens étroits entre les études d’économie de l’art et la sociologie. C’est dans cette même direction que s’orientent aussi certaines réflexions de Doron Bauer dans son article sur la rémunération des artistes à Majorque. Ce royaume jouit de contacts intellectuels et économiques très étroits avec les états italiens et la cour papale en Avignon, 15. Le contrat signé en 1308 avec Duccio pour la Maestà de la cathédrale de Sienne stipulait que le peintre serait payé uniquement pour les journées où il « laborabit suis manibus » : G. Milanesi, Documenti per la storia dell’arte senese, p. 166. En 1372, dans le contrat pour la chapelle Saint-Jacques de la basilique Saint-Antoine à Padoue, l’architecte et sculpteur Andriolo de’ Santi s’engage à exécuter certains éléments « di soa mano » : A. Sartori, « Nota su Altichiero », p. 311. Voir les discussions sur les clauses sua propria manu dans les contrats de la fin du Moyen Âge et de la Renaissance en Italie proposées par Ch. Seymour Jr., « “ Fatto di sua mano ” » et par M. O’Malley, The business of art, p. 92 sq. 16. A. Bocchi, B. Figliuolo, L. Passera (a cura di), Ragioni di mercatura. 17. M. Warnke, Bau und Überbau, p. 13. EDL314.indb 13 02.11.20 09:29 14 ÉTUDES DE LETTRES comme l’a montré Gottfried Kerscher en étudiant l’exemple de la décoration du palais des Papes et du cérémonial qui s’y déployait 18. À une première lecture, Bauer confirme les observations faites par Étienne Anheim pour Avignon concernant la transformation d’un marché des producteurs vers un marché des produits. En accord avec les constats de Vitolo et Cerutti, il confirme également l’augmentation nette des salaires après la peste noire, un phénomène européen connu aussi par ailleurs 19. Bauer montre cependant clairement que ces chiffres ne peuvent pas être expliqués uniquement par l’hypothèse d’une inflation monétaire. En s’appuyant sur une documentation extrêmement riche, il constate, au contraire, que pour la période entre 1308 et 1323 les salaires des peintres avaient déjà fortement augmenté et qu’à la fin du siècle les peintres reçoivent des salaires proches de ceux des charpentiers, les artisans les mieux payés. La croissance des salaires est donc aussi le résultat d’une valorisation différente du travail artistique et d’une ascension sociale des artisans-producteurs et, parmi eux, surtout des peintres 20. On s’interroge alors de nouveau sur les modèles théoriques de l’interprétation économique : quel poids faut-il donner aux changements de production et à la forte augmentation de la demande pour les produits artistiques pendant les premières décennies du XIVe siècle ? D’autres questions concernent la diversification et le caractère spécifique de la production artistique majorquine : si les peintres travaillaient majoritairement, semble-t-il, pour un marché interne à l’île, la production de catelles servait aussi d’autres régions, comme le montre justement le cas du palais des Papes en Avignon 21. Giampaolo Distefano, quant à lui, choisit plutôt une approche de microhistoire en présentant les détails économiques de la carrière d’un des orfèvres les plus importants au milieu du XIVe siècle, Jean le Braelier. Même si la documentation sur l’artiste semble être peu abondante, elle révèle des informations économiques importantes. L’auteur arrive ainsi à reconstruire la distribution des dépenses pour l’une des œuvres les plus prestigieuses de l’époque, le faudesteuil du roi. Il est étonnant de voir que 18. G. Kerscher, Architektur als Repräsentation. 19. Pour une étude évaluant l’évolution des salaires des artistes en Angleterre avant et après la Peste noire, voir Ph. Lindley, « The Black Death and English art ». 20. Pour une plus ample discussion sur cette question, voir M. P. J. Martens, « The position of the artist in the fifteenth century ». 21. G. Kerscher, Architektur als Repräsentation. EDL314.indb 14 02.11.20 09:29 À PROPOS DE CE LIVRE 15 Jean le Braelier reçut plus que 30 % de la somme totale pour son travail, alors que seulement 14 % des frais furent engagés pour l’achat de l’or. Il serait souhaitable d’avoir plus de données de ce type pour pouvoir estimer la valeur monétaire que l’on attribuait à la maîtrise d’un artiste 22. Les données mises en avant par Distefano montrent l’importance de son approche pour amplifier et contrebalancer le discours sur la renommée artistique qui se base d’habitude sur des sources de préférence théoricolittéraires. L’étude de l’économie de l’art par la comptabilité peut révéler des informations importantes concernant le développement du goût et des pratiques artistiques dont peu de traces nous restent aujourd’hui. Alain Salamagne arrive ainsi à restituer l’évolution de la décoration à lambris des murs et des plafonds des grandes demeures nobiliaires dès ses débuts autour de 1300 jusqu’à sa diffusion plus large autour de 1400. L’utilisation préférentielle de certains types de bois provenant de pays nordiques tels que le Danemark, l’Allemagne voire même la Lettonie pour ce type de revêtement lui permet de retracer les longs cheminements nécessaires pour le transport du matériel, mais aussi de restituer les réseaux des maîtres et des marchands impliqués dans le commerce et la réalisation du travail. Cette étude offre une approche comparative innovatrice à l’histoire de l’architecture et invite ainsi à analyser de la même manière d’autres dépenses pour d’autres types d’édifices. En mettant encore plus en relation les travaux sur des archives différentes, une reconstruction des intermédiaires aidera également à mieux connaître les fournisseurs qui ont façonné par leur offre le marché de l’art. L’économie de l’art n’est pas seulement une affaire dont nous parlent les livres de comptes. La valeur d’un produit artistique doit être reconnue par les spectateurs et il faut se demander si ce ne sont pas davantage les consommateurs, les invités, les témoins extérieurs qui l’établissent, plus encore que le propriétaire lui-même. Ce recueil ne serait donc pas 22. Pour le statut social et économique des orfèvres, voir récemment K. Prajda, « Goldsmiths, goldbeaters and other gold workers in early Renaissance Florence, 13781433 », ainsi que les contributions d’Élise Banjenec, Sophie Cassagnes-Brouquet, Glyn Davies, Anna Molina i Castellà et Dana Stehliková dans É. Antoine-König, M. Tomasi (éds), Orfèvrerie gothique en Europe. Pour des données concernant le coût relatif des matériaux précieux et de ce que les documents appellent la « façon » (c’est-à-dire le travail de l’artiste), autour de 1400, voir É. Taburet-Delahaye, « Parures et bijoux de la reine Isabeau de Bavière », p. 246 sq. EDL314.indb 15 02.11.20 09:29 16 ÉTUDES DE LETTRES complet sans prendre en compte la réception des valeurs économiques des objets d’art dans le contexte de l’interaction sociale. Michele Tomasi illustre le rôle prééminent de la perception économique des œuvres d’art dans la littérature française du XIVe siècle. À la place des livres de comptes, ce sont donc des chroniqueurs comme Jean Froissart et Michel Pintoin qui servent comme référence pour les facteurs économiques qu’ils rendent avec une précision étonnante. Leur attention aux faits économiques ne concerne pas seulement l’orfèvrerie et les frais occasionnés par des entreprises artistiques, mais porte tout aussi bien sur la valeur des vêtements et des cadeaux. La lecture de ces chroniques révèle à quel point la société médiévale était imbue de préoccupations économiques, consciente de la valeur matérielle et monétaire des choses, voire de la vie tout court. Les récits littéraires, historiques, narratifs nous permettent donc de dépasser les chiffres et de ré-établir une partie importante de l’économie de l’art, notamment celle de la « conspicuous consumption ». Contrairement à l’avis de Jean Paul Getty cité en exergue, nous sommes donc convaincus qu’il faut parler davantage d’argent dans le domaine de l’histoire de l’art. Les sept contributions de ce volume, tout en mettant en œuvre des approches fort différentes, témoignent de ce souci commun. Elles se distinguent non seulement par le choix des objets et des lieux qu’elles envisagent, mais aussi, ce qui est plus important, par leurs méthodes et les angles sous lesquels elles analysent l’économie artistique du XIVe siècle. Il devient clair que, au-delà de leur caractère esthétique, leur signification politique ou religieuse, les œuvres d’art sont des objets clés dans une vie sociale caractérisée par la consommation. Ces articles nous confrontent cependant à un problème de méthodologie, comparable à la discussion encore non résolue autour de la priorité entre la poule et l’œuf, sur les mécanismes de l’économie artistique. Est-ce le changement du marché (Anheim), les mutations dans le processus de production (Cerutti), les besoins de représentation induisant le choix de tel artiste (Distefano, Cerutti) ou de tel matériau (Salamagne), le pouvoir d’achat des commanditaires (Vitolo) ou les attentes du public (Tomasi) qui produisaient les innovations artistiques ? Il devient alors évident que même le mot « économie » est tellement varié et riche d’aspects divergents que, à l’avenir, son utilisation nécessitera une discussion méthodologique plus détaillée qui prenne en compte les différentes positions théoriques EDL314.indb 16 02.11.20 09:29 À PROPOS DE CE LIVRE 17 des disciplines impliquées 23. Le présent volume voudrait contribuer à jeter les bases d’une telle discussion. L’importance du thème est évidente et exige des efforts plus vaillants encore que ceux qui ont abouti à cet opusculum. Dans le domaine de l’histoire de l’art aussi, on peut donc dire avec les mots de James Carville, conseiller du futur président américain Bill Clinton lors de sa campagne électorale : « It’s the economy, stupid ! ». Nicolas Bock Université de Lausanne Michele Tomasi Université de Lausanne 23. F. Ammannati (a cura di), Dove va la storia economica ? EDL314.indb 17 02.11.20 09:29 18 ÉTUDES DE LETTRES BIBLIOGRAPHIE Ammannati, Francesco (a cura di), Dove va la storia economica ? Metodi e prospettive, sec. XIII-XVIII, Firenze, Firenze University Press, 2011. Antal, Frederick, Florentine painting and its social background. The bourgeois Republic before Cosimo de’ Medici’s advent to power : XIVth and early XVth century, London, K. Paul, 1948, repr. Cambridge (Mass.)/London, Harvard University Press, 1986. 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