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219 9. Les monnaies – Marie-Laure Berdeaux-Le Brazidec L es quatre puits de l’agglomération routière ont livré chacun des monnaies antiques, en quantités variables toutefois. En dehors d’un nummus de Constantin I (M 538) et d’un autre de type Victoriae Dd Auggq Nn (M 620, 341-348) qui proviennent du comblement du puits PT103, 57 monnaies romaines ont été recueillies dans des niveaux correspondant à la période de fonctionnement de chacun des puits. PT117, situé en bordure de la voie Domitienne, en a fourni 27 ; PT19, 14 ; PT519, 11 ; PT103, 5. PT19 a livré les émissions les plus anciennes : la totalité des monnaies républicaines (2 deniers) et 8 des 10 monnaies Julioclaudiennes dont toutes les émissions augustéennes. Ce lot compte également la moitié des 6 monnaies en argent (deniers républicains et denier d’Auguste pour 1 denier dans PT519 et 2 autres dans PT117). Les empereurs les mieux représentés sont Domitien (4 bronzes dont 2 sesterces), Hadrien (2 deniers, 3 sesterces, 3 as ou dupondii), Antonin (11 bronzes dont 5 sesterces), Marc Aurèle (1 denier, 2 sesterces, 5 as) et Commode (4 bronzes dont 2 sesterces). L’exemplaire le plus récent est un sesterce de Sévère Alexandre, émis en 227, mais les sept ou huit as du puits PT117 coulés sur des types de la seconde moitié du IIe et du début du IIIe s. (Antonin-Caracalla) peuvent être un peu plus récents. RAN, supplément 42, 2012 – pp. 219-233 fichier EDITEUR destiné à un usage privé – M arie-Laure berdeaux-Le brazidec 220 1. puits pt19 Figure 142 Monnaies des niveaux d’utilisation du puits PT19. 1, 2- deniers républicains (M 1193, M 1187) ; 3- denier fourré d’Auguste (M 1192) ; 4, 5- moitiés de dupondii de Nîmes de type Ia (4, M 1198) et de type II (5, M 1199) ; 6 à 9- dupondii de Nîmes de type III (M 1195, M 1196, M 1197, M 1200) ; 10- semis d’Auguste (M 1194) ; 11- as de Claude I (M 1189) ; 12- dupondius d’Hadrien (M 1191) ; 13- as d’Hadrien pour Sabine (M 1188) ; 14- dupondius d’Antonin (M 1190). Situé en bordure de l’arrière-cour d’une auberge (zone 4), sa partie sommitale a fait l’objet d’une récupération ou d’une destruction, alors que le puits était déjà comblé. Ce comblement est intervenu, d’après les céramiques qu’il contenait, dans le courant du IIe s., alors que l’auberge a fonctionné jusque vers le milieu du IIIe s. Les monnaies (ig. 142), toutes déposées avant le bouchage du puits, ne contredisent pas la datation de cet abandon et permettent même de la situer dans la seconde moitié – voire le troisième quart – du IIe s. en raison de la présence d’un dupondius d’Antonin (M 1190). La sédimentation contemporaine de l’utilisation du puits s’est effectuée au-dessus d’une couche argileuse (US 4113), compacte et homogène, interprétée comme un aménagement du fond du puits lors de sa construction. Dans cette sédimentation, on a distingué deux couches qui ont livré des monnaies : à la base, un niveau sableux (US 4112), d’une quinzaine de centimètres d’épaisseur, dont la surface présente un encroûtement naturel constitué de sable, d’éclats de pierres et de tessons agglomérés entre eux ; audessus une couche d’argile de couleur brun-gris (US 4111), épaisse également de 15 cm. Si cinq monnaies seulement (M 1187 à 1191) ont été trouvées dans cette dernière US, celle-ci a livré, en revanche, un abondant mobilier : vases archéologi- raN, supplément 42, 2012 - Quatre puits d’Ambrussum fichier EDITEUR destiné à un usage privé 9. LeS MoNNaieS 221 quement complets, petit mobilier, cerclages et fragments de douelles de seau notamment. Voici la liste chronologique des monnaies de l’US 4111 : - 1 denier serratus fourré de Ti. Claudius Nero, Rome, 79 av. n. è., RRC 383/1 (M 1187 ; 2,86 g) ; - 1 as de Claude I de style gaulois, 41-54, type RIC 95 (M 1189 ; 8,70 g) ; - 1 dupondius d’Hadrien, Rome, 125-128, RIC 655 (M 1191 ; 12,17 g) ; - 1 as d’Hadrien pour Sabine, Rome, 128-136, RIC 1046 (M 1188 ; 11,31 g) ; - 1 dupondius d’Antonin, Rome, 151-152, RIC 891 (M 1190 ; 10,77 g). monétaire et de possibilité d’échange de la période, avec des deniers (29 %) et des moyens (dupondii et moitiés de dupondii) et petit bronzes (semis) (71 %). On observe à peu près le même cas de igure dans le niveau du IIe s., avec une monnaie d’argent (20 %) et des moyens bronzes (80 %) : on pourra toutefois s’étonner de l’absence de grands bronzes (sesterces), plus courants à cette période que pour la précédente. 2. puits pt103 Ce puits est implanté dans un espace entre deux rues (zone 10), délimité à l’ouest par une maison privée (zone 9) et à l’est par l’enclos cultuel (zone 11). Il a livré sept monnaies (ig. 143) dont quatre, ci-dessous, proviennent de la sédimentation du fond (US 1013310132) : Si la présence d’un denier serratus frappé dans la première moitié du Ier s. av. n. è. illustre la longue - 1 as indéterminé de Domitien, période 81-96 (M 1144 ; circulation des deniers républicains, l’as de Claude et 8,20 g ; 26 mm) ; les monnaies du IIe s. s’inscrivent dans une chronolo- - 1 sesterce d’Hadrien, Rome, 134-138, RIC 579 (M 1145 ; gie plus basse que le numéraire, plus abondant, de la 25,77 g ; 30 mm) ; - 1 as indéterminé d’Antonin, période 138-161 (M 1142 ; couche sous-jacente. En effet, du premier niveau d’utilisation du puits (US 4112) proviennent neuf monnaies : - 1 denier de D. Silanus L.f., Rome, 91 av. n. è., RRC 337/3 (M 1193 ; 3,68 g) ; - 1 denier fourré d’Auguste, Gaule atelier auxiliaire, 2 av.4 apr. J.-C., RIC 207 (M 1192 ; 3,21 g) ; - 1 moitié de dupondius de Nîmes de type Ia, vers 27 av. n. è., RPC 522 (M 1198 ; 8,67 g) ; - 1 moitié de dupondius de Nîmes de type II, 16/15-10 av. n. è., RPC 524 (M 1199 ; 6,90 g) ; - 4 dupondii de Nîmes de type III, 10-14, RPC 525 (M 1195, 13,35 g ; M 1196, 13,58 g ; M 1197, 14,18 g ; M 1200, 13,49 g) ; - 1 semis d’Auguste, Lyon, 9-14, RIC 234 var. (M 1194 ; 4,33 g). 7,86 g ; 25 mm) ; - 1 as ou dupondius d’Antonin pour Marc Aurèle césar, Rome, 140-144, RIC 1238 (M 1143 ; 11,77 g ; 25 mm). On remarquera la présence uniquement de bronzes, dans ce petit lot, avec une majorité de petites déno- Figure 143 Monnaies du puits PT103. 1- as de Domitien (M 1144) ; 2- sesterce d’Hadrien (M 1145) ; 3- as d’Antonin (M 1142) ; 4- as ou dupondius d’Antonin pour Marc Aurèle (M 1143) ; 5- dupondius de Vespasien (M 1141) ; 6- nummus de Constantin I (M 538). Les nos 1 à 4 proviennent des niveaux d’utilisation (10132 et 10133) ; le no 5 de l’US 10129 et le no 6 de la partie haute du bouchage (10003). La plupart des neuf monnaies retrouvées à ce niveau sont des dupondii de Nîmes au crocodile (M1195-1200) ; un denier républicain (M1193), un denier et un semis augustéens (M1192, M1194) complètent cet ensemble dont le faciès diffère nettement de celui des monnaies de l’US 4111. La constitution de la couche 4112 pourrait ainsi être datée de la première moitié du Ier s. On notera que si les dupondii de Nîmes des deux premiers types sont coupés, ce n’est le cas pour aucun des quatre exemplaires du type III, plus récent ; cela pourrait par ailleurs justiier un resserrement de la datation dans le premier tiers du Ier s. Cette première couche d’utilisation de PT19 illustre bien le type de circulation RAN, supplément 42, 2012 – pp. 219-233 fichier EDITEUR destiné à un usage privé – M arie-Laure berdeaux-Le brazidec 222 minations (3 as), lot dans lequel seule une monnaie - 1 sesterce d’Hadrien, Rome, 119-121/122, RIC 568 lavienne est associée aux exemplaires des Antonins, (M 1100 ; 24,54 g ; 32 mm) ; - 1 sesterce d’Antonin, Rome, 138, RIC 519C var. (M 1101 ; représentés jusqu’au milieu du IIe s. 24,04 g ; 30 mm) ; - 1 sesterce d’Antonin pour Faustine I divinisée, Rome, 141161, RIC 1103 (M 1103 ; 20,50 g ; 30 mm) ; - 1 sesterce d’Antonin pour Faustine I divinisée, Rome, 141161, RIC 1125 ? (M 1104 ; 26,36 g ; 30 mm) ; - 1 as coulé d’Antonin, type de Rome, 140-144, RIC 686 (M 1119 ; 7,13 g ; 23 mm) ; - 1 denier de Marc Aurèle, Rome, décembre 169-décembre 170, RIC 222 (M 1121 ; 3,51 g) ; - 1 as de Marc Aurèle, Rome, décembre 174-automne 175, RIC 1144 (M 1107 ; 10,49 g ; 24 mm) ; - 1 as coulé de Marc Aurèle, type de Rome, décembre - 1 dupondius de Vespasien, Lyon, 72-73 ?, RIC indét. 162-décembre 163, RIC 847 à 850 (M 1116 ; 4,42 g ; 23 mm) ; (M 1141 ; 8,90 g ; 27 mm). - 1 as coulé de Lucius Verus, type de Rome, décembre 165Enin, le bouchage a livré, dans l’US 10003, un num- été 166, RIC 1448 (M 1117 ; 6,77 g ; 22 mm) ; mus de Constantin I, frappé en 321-322 (M 538 ; - 1 as de Marc Aurèle pour Lucille, Rome, 179-181, RIC 3,10 g) et, dans l’US 10012, un nummus de type Vic- 1752 (M 1112 ; 8,51 g ; 24 mm) ; toriae Dd Auggq Nn, émis pendant la période 341- - 1 sesterce subferratus de Marc Aurèle pour Faustine 348 (M 620 ; 1,34 g). La perte de ces deux monnaies II, type de Rome, 161-175, RIC 1688 (M 1106 ; 22,65 g ; antérieures au milieu du IVe s. à une période plus tar- 28 mm) ; dive apporte un indice de leur durée de circulation, - 1 sesterce subferratus de Marc Aurèle pour Lucille, type de Rome, 164-169, RIC 1756 (M 1105 ; 21,85 g ; 30 mm) ; surtout pour le nummus de Constantin I. - 1 as de Marc Aurèle ?, période 161-180 (M 1108 ; 8,49 g ; 23 mm) ; 3. puits pt117 - 1 sesterce de Commode, Rome, 189, RIC 544 (M 1111 ; Situé en bordure de voie Domitienne (zone 3), ce 19,72 g ; 27 mm) ; puits de forme circulaire et pourvu d’une base de - 1 as coulé de Commode, type de Rome, 181, RIC 319 margelle a livré un total de 27 monnaies provenant (M 1118 ; 5,90 g ; 23 mm) ; des niveaux d’utilisation (ig. 144-146) : 23 (M 1099 à - 1 as coulé de Commode, type de Rome, période de la in 1121) dans l’US 3012 et 4 (M 1122 à 1125) dans l’US du règne d’après le portrait (M 1113 ; 8,99 g ; 24 mm) ; inférieure 3013. Son comblement a offert un maté- - 1 as coulé de Caracalla, type de Rome, 205, RIC non référiel céramique qui ne dépasse pas le milieu du IIIe s. rencé, Cohen 423 (M 1115 ; 6,31 g ; 23 mm) ; Les monnaies, qui proviennent de couches liées à la - 1 as coulé de Caracalla pour Plautille, type de Rome, 211sédimentation au cours de l’utilisation, ne contre- 212, RIC 581 (M 1114 ; 7,56 g ; 22 mm) ; disent pas cette datation. Il est cependant probable - 1 sesterce de Sévère Alexandre, Rome, 227, RIC 456 que l’abandon de cette structure située en bordure (M 1110 ; 22,55 g ; 28 mm). L’utilisation du puits a ensuite été interrompue par le rejet de matériaux correspondant à la destruction de la maison située au-dessus (zone 9). Mais le puits a fonctionné à nouveau lors de la réoccupation de l’Antiquité tardive (3e quart du IVe s.), moment où il a servi de charnier avant d’être entièrement comblé (Manniez, Mathieu 1998). Une monnaie a été recueillie dans l’US 10129, qui correspond au charnier, mais compte tenu de sa chronologie, elle a vraisemblablement pu tomber dans le puits avec les matériaux de destruction de la terrasse voisine : d’une voie encore utilisée au IVe s. soit intervenu après la date que suggèrent les documents archéologiques issus sans doute des bâtiments voisins, qui ont effectivement été abandonnés vers le milieu du IIIe s. 3.1. US 3012 Voici la liste chronologique récapitulative des 23 monnaies de l’US 3012 : - 1 sesterce de Domitien, Rome, 81, RIC 232 à 240 (M 1102 ; 21,35 g ; 32 mm) ; - 1 sesterce indéterminé de Domitien, période 85-95 (M 1099 ; 22,41 g ; 33 mm) ; - 1 dupondius de Domitien, période 81-96 (M 1109 ; 9,31 g ; 27 mm) ; - 1 denier d’Hadrien, Rome, 117-122, RIC indét. (M 1120 ; 2,63 g) ; Soit 2 deniers, 10 sesterces dont 2 subferrati, 1 dupondius et 10 as dont 7 coulés se répartissant entre Domitien (3 ex., 13 %), les Antonins (17 ex., 74 %) et les Sévères (3 ex., 13 %) jusqu’à Sévère Alexandre (frappe de Rome de 227). 3.2. US 3013 Cette US, rencontrée au fond du puits, correspond à la partie inférieure de 3012. Compte tenu de l’épaisseur des sédiments, les monnaies s’y rencontrent en moins grand nombre que dans l’US précédente (2 monnaies/10 cm en 3013 ; 4/10 cm en 3012). Voici la liste chronologique récapitulative des monnaies de l’US 3013 : raN, supplément 42, 2012 - Quatre puits d’Ambrussum fichier EDITEUR destiné à un usage privé 9. LeS MoNNaieS 223 Figure 144 Monnaies des niveaux d’utilisation du puits PT117 (de Domitien à Antonin). 1, 2- sesterces de Domitien (M 1102, M 1099) ; 3- dupondius de Domitien (M 1109) ; 4- denier d’Hadrien (M 1120) ; 5- dupondius de Nerva (M 1123) ; 6- sesterce d’Hadrien (M 1100) ; 7, 8 - sesterces d’Antonin (M 1101, M 1122) ; 9, 10 - sesterces d’Antonin pour Faustine I divinisée (M 1103, M 1104). 3.3. Remarques - 1 dupondius de Nerva, Rome, 96-98, RIC 65, 86 ou 100 (M 1123 ; 10,05 g ; 27 mm) ; - 1 sesterce d’Antonin, Rome, 140-144, RIC indét. (M 1122 ; 20,05 g ; 30 mm) ; - 1 sesterce de Commode, Rome, 190, RIC 563 (M 1124 ; 21,89 g ; 27 mm) ; - 1 as d’une impératrice du IIe s., indéterminé (M 1125 ; 4,87 g ; 22 mm), suspect. Le puits PT117 a livré 27 monnaies dans ses niveaux d’utilisation : la couche 3012 en totalise à elle seule 23 dont 7 monnaies coulées ; la couche 3013, regroupant quatre bronzes des Antonins, de Nerva à Commode, s’accorde avec la structure de l’autre lot, sans toutefois apporter d’autres monnaies coulées. Soit uniquement des monnaies de bronze, illustrant toutefois les dénominations les plus courantes (sesterces, dupondius et as). Chronologiquement, les exemplaires de l’US 3012 s’échelonnent de Domitien à Sévère Alexandre avec une majorité de monnaies des Antonins (74 %) et RAN, supplément 42, 2012 – pp. 219-233 fichier EDITEUR destiné à un usage privé – M arie-Laure berdeaux-Le brazidec 224 Figure 145 Monnaies des niveaux d’utilisation du puits PT117 (de Marc Aurèle à Sévère Alexandre). 11- as de Marc Aurèle (M 1107) ; 12- denier de Marc Aurèle, Rome (M 1121) ; 13- as de Marc Aurèle pour Lucille (M 1112) ; 14- as de Marc Aurèle ? (M 1108) ; 15- sesterce subferratus de Marc Aurèle pour Faustine II (M 1106) ; 16- as d’une impératrice du IIe s. (M 1125) ; 17- sesterce subferratus de Marc Aurèle pour Lucille (M 1105) ; 18, 19- sesterces de Commode (M 1111, M 1124) ; 20- sesterce de Sévère Alexandre (M 1110). surtout une importante proportion de bronzes coulés (30 %) (ig. 146) : sept – uniquement des as – aux noms d’Antonin, de Marc Aurèle, de Lucius Verus, de Commode, de Caracalla et de Plautille. Ce lot comprend des bronzes de tous modules (as, dupondii et sesterces, ces derniers étant toutefois les plus nombreux) et deux deniers d’Hadrien et de Marc Aurèle. La quantité et la variété des exemplaires présents pourraient laisser penser qu’il s’agit d’une bourse perdue, dans laquelle les plus petites dénominations seraient majoritairement des imitations coulées d’époque sévérienne, voire plus tardives. Dans cette hypothèse, il faut toutefois noter que le contenant ne pourrait pas être du cuir, car il se serait conservé dans l’eau et n’aurait pas manqué d’être retrouvé ; il faudrait alors envisager une bourse en tissu qui ne se serait pas conservée ou qui n’aurait pas pu être retrouvée, alors que cette matière peut se conserver dans l’eau (un exemple dans un puits de Lattes, Moulhérat 2005). Le terminus serait alors à situer après le règne de Sévère Alexandre (222-235), le sesterce de ce règne étant daté de 227 ; les différents règnes présents s’accorderaient sans problème avec ce que l’on connaît de la circulation monétaire à cette période. Il serait ainsi possible d’envisager que cette bourse ait été perdue vers le milieu du IIIe s., mais sans doute pas après. Toutefois, la qualité de plusieurs de ces bronzes coulés n’étant pas irréprochable, on pourrait également penser qu’ils ont été rejetés et qu’ils puissent alors venir témoigner d’une production locale. Dans ce sens, on noterait alors que deux des sesterces présents sont fourrés (éléments visuels) et que dans la même US se trouvait un petit « médaillon », ou plutôt une sorte de jeton, fabriqué à partir de deux feuilles de cuivre doré étampées, plaquées sur une âme en plomb, c’est-à-dire un objet également lié au travail du métal. Nous avons pu établir (voir annexe) qu’un type monétaire du règne de Caracalla a pu servir de modèle pour l’iconographie de cet objet, ce qui nous place chronologiquement dans la même période que les monnaies les plus récentes de raN, supplément 42, 2012 - Quatre puits d’Ambrussum fichier EDITEUR destiné à un usage privé 9. LeS MoNNaieS 225 ce lot. Tous ces éléments restent bien évidemment hypothétiques dans la mesure où on ne dispose pas d’autres indices probants, comme de l’outillage lié à ce type de fabrication ; la question reste donc en suspend. Mais dans tous les cas, la « perte » de ces exemplaires ne semble pas pouvoir dépasser de beaucoup le milieu du IIIe s. Quant à la couche 3013, elle regroupe quatre bronzes des Antonins, de Nerva à Commode et s’accorde avec la structure de l’autre lot, sans toutefois apporter d’autres monnaies coulées. 4. puits pt519 Installé sous la galerie de façade d’une hôtellerie réservée au transport d’État (zone 12/20), ce puits était libre d’accès jusqu’au moment où cette galerie a été fermée vers le début du IIIe s. Ce sont là encore les niveaux profonds, explorés en 2005, qui ont livré des monnaies : l’aménagement du fond avec un mortier sablonneux (US 12826) correspondant à des réparations après une première utilisation qui n’a laissé que peu de traces, et l’accumulation, au-dessus d’un sédiment gris sableux (US 12825), marquant le fonctionnement du puits après cette réparation. Des sept monnaies de l’US 12826, l’une a disparu avant identiication (M 1018). Voici la liste chronologique des six autres (ig. 147) : - 1 as de Caligula pour Agrippa, Rome, 37-41, RIC 58 (M 1019 ; 9,55 g) ; - 1 dupondius d’Hadrien, Rome, période 119-121/122 (M 1022 ; 9,29 g) ; - 1 denier fourré d’Hadrien, Rome, 134-138, RIC 276 (M 1024 ; 2,96 g) ; - 1 as d’Antonin, Rome, 143-144, RIC 736a (M 1023 ; 11,13 g) ; - 1 dupondius ou as d’Antonin pour Marc Aurèle césar, Rome, 153-154, RIC 1319 (M 1020 ; 10,95 g) ; - 1 as ou dupondius du IIe s. (M 1021 ; 12,04 g). Il s’avère donc que la réparation dont témoigne cette couche est intervenue après le milieu du IIe s. Ainsi, les quatre monnaies ci-dessous (US 12825), perdues après cette réparation, sont postérieures à la date de celle-ci même si leur chronologie est pratiquement identique : Figure 146 Monnaies des niveaux d’utilisation du puits PT117 (monnaies coulées). 21- as d’Antonin (M 1119) ; 22- as de Marc Aurèle (M 1116) ; 23- as de Lucius Verus (M 1117) ; 24, 25- as de Commode (M 1118, M 1113) ; 26- as de Caracalla (M 1115) ; 27- as de Caracalla pour Plautille (M 1114). - 1 as de Claude I, Rome, 50-54, RIC 113 (M 1027 ; 11,53 g) ; - 1 as de Trajan, Rome, 98-117, (M 1028 ; 11,14 g) ; - 1 sesterce d’Hadrien, Rome, 119-121, RIC 598 (M 1029 ; 24,53 g) ; - 1 sesterce d’Antonin pour Faustine II, Rome, 145-161, RIC 1367 (M 1030 ; 19,28 g). Ces deux séries de monnaies, qui s’arrêtent donc au cours du règne d’Antonin, a priori, apportent chacune une monnaie du Ier s. et plusieurs du IIe s., mais aucune postérieure qui aurait pu être liée à l’utilisation du puits après sa « privatisation », comme indiqué plus haut. C’est un élément à prendre en compte pour l’interprétation de la présence de monnaies dans les puits, comme nous le verrons plus loin. RAN, supplément 42, 2012 – pp. 219-233 fichier EDITEUR destiné à un usage privé – M arie-Laure berdeaux-Le brazidec 226 Figure 147 Monnaies des niveaux d’utilisation du puits PT519. 1- as de Caligula pour Agrippa (M 1019) ; 2- as de Claude I (M 1027) ; 3- as de Trajan (M 1028) ; 4- sesterce d’Hadrien (M 1029) ; 5- dupondius d’Hadrien (M 1022) ; 6- denier fourré d’Hadrien (M 1024) ; 7- as d’Antonin (M 1023) ; 8- dupondius ou as d’Antonin pour Marc Aurèle (M 1020) ; 9- sesterce d’Antonin pour Faustine II (M 1030) ;10- as ou dupondius du IIe s. (M 1021). 5. r emarques et Comparaisons 5.1. Les monnaies de ces quatre puits Au total, les quatre puits de la station routière d’Ambrussum ont livré 57 monnaies (ig. 148) : 27 dans le PT117, 11 dans le PT519, 5 dans le PT103 et 14 dans le PT19 ; soit une moyenne d’un peu plus de 14 monnaies par puits. Nous observons donc une abondance relative du mobilier numismatique, qui pourrait s’expliquer dans un cas (PT117) par la perte d’une bourse. Les exemplaires rencontrés s’échelonnent du Ier s. av. jusqu’au milieu du IIIe s. de n. è. Cela correspond pour partie aux périodes d’utilisation de ces différents puits, mais toutefois nous notons dans deux cas (PT117 et PT519) qu’il ne se trouve pas de monnaies liées aux réutilisations constatées au IVe s. : pourrait-on alors y voir un usage différent, ou des « pertes » de monnaies moins fréquentes ? Il n’est pas en effet impossible qu’à partir de la seconde raN, supplément 42, 2012 - Quatre puits d’Ambrussum fichier EDITEUR destiné à un usage privé 9. LeS MoNNaieS 227 moitié du IIIe s., notamment, on fasse plus attention au contenu de sa bourse qu’avant, du moins cela peut être une hypothèse. Mais il faut avant tout se poser la question du statut des monnaies découvertes dans les puits galloromains : comment, en effet, interpréter la présence de monnaies dans les puits, en dehors de la perte accidentelle de bourses ou d’un rejet intentionnel, relevant de cas exceptionnels ? Autant on peut comprendre la chute d’une cruche, d’un seau ou tout autre objet lié au puisage de l’eau, ou bien la perte d’une intaille ou d’une épingle de coiffure par exemple, mais pour les autres catégories de matériel, et plus particulièrement les monnaies, qu’en est-il ? Les monnaies pouvaient-elles « glisser » de la bourse, en fonction de la position du corps et de la hauteur de la margelle du puits ? Ou bien peut-il s’agir d’un geste spéciique – offrande comme pour les sources (Van Andringa 2002) et les gués (Bonnamour, Dumont 2011 : 616-617) – au moment d’aller chercher de l’eau, vitale pour l’homme et ses activités ? Ou encore un geste de remerciement des voyageurs de passage pouvant se désaltérer ou de ceux venant de franchir le pont et faisant une étape juste après ? Au regard des découvertes d’Ambrussum, il semble qu’il faille distinguer deux catégories de puits : d’un côté, PT117 et PT519, situés tous les deux dans un espace public ou semi-public et donc plus accessibles, de même que PT19. Ce sont les puits qui ont livré le plus de monnaies. D’autre part, PT103, plus retiré, offre le plus petit nombre d’exemplaires, pour un horizon monétaire peu différent des PT519 et PT19. Il en résulte que les puits en bordure de voie et accessibles aisément – jusque dans la cour d’une auberge – montrent des quantités de monnaies plus importantes, dans les mêmes périodes chronologiques, ce qui pourrait les lier soit à un usage plus fréquent, soit à une sorte de rite de passage, invitant les voyageurs ou les simples passants à faire une offrande pour remercier de la présence de l’eau. Nous privilégions cette dernière hypothèse, d’autant plus que le puits situé en bordure de rue (PT117) était pourvu d’une margelle protectrice, rendant plus dificiles les pertes accidentelles. Par ailleurs, en considérant que les puits existent au moins depuis le milieu du Ier s. de n. è. et que leur utilisation, d’un point de vue monétaire, s’étend jusque vers la in du IIe s., voire le milieu du IIIe s., cette pratique spéciique pourrait correspondre plus particulièrement au Haut-Empire. En fonction donc de la présence de trois des quatre puits dans un quartier voué à l’accueil des voyageurs, usagers temporaires, nous proposons d’identiier dans la présence de ces nombreuses monnaies un rite de passage, très différent de l’utilisation d’un puits par les habitants d’un quartier, en milieu urbain. Dans ce sens, nous avons cherché quelques éléments de comparaison. 5.2. Comparaisons Il n’est pas aisé de présenter des exemples de comparaison à la fouille des puits d’Ambrussum, car inalement peu de ces structures ont été fouillées et encore moins publiées. Il ne serait pas inintéressant d’ailleurs de pouvoir disposer d’un corpus des trouvailles monétaires de puits, ain de les mettre en perspective selon leurs contextes, mais nous sommes encore loin PT19 République · denier Auguste · denier · dupondius · semis Caligula · as Claude I · as Vespasien · dupondius Domitien · sesterce · dupondius · as Nerva · dupondius Trajan · as Hadrien · denier · sesterce · dupondius · as Antonin · sesterce · dupondius · as Marc Aurèle · denier · sesterce · dupondius · as Commode · sesterce · as Caracalla · as Sévère Alexandre · sesterce Indéterminés Haut-Empire · sesterce · as Total PT103 PT117 PT519 Total 2 2 1 6 1 1 6 1 1 1 1 1 2 1 1 2 1 2 1 1 1 1 1 1 1 1 1 1 1 1 1 2 3 2 1 4 1 1 1 5 2 4 1 1 1 2 1 1 2 1 2 5 5 2 2 2 2 2 2 1 1 1 14 5 27 1 11 1 1 57 Figure 148 Répartition des monnaies des puits d’Ambrussum. RAN, supplément 42, 2012 – pp. 219-233 fichier EDITEUR destiné à un usage privé – M arie-Laure berdeaux-Le brazidec 228 de l’établissement d’un tel outil et il ne nous appartient pas de le faire ici. Toutefois, nous pouvons proposer quelques exemples de comparaison régionaux et extra-régionaux, pour nous permettre de situer les découvertes numismatiques des puits d’Ambrussum et asseoir ainsi le propos développé plus haut. En Narbonnaise, la publication récente des puits de Lattes (Hérault) (Piquès, Buxó dir. 2005) permet de proposer une comparaison régionale, dans un centre urbain. Plusieurs puits ont été explorés dans l’agglomération portuaire, à différentes époques. Lors des fouilles H. Prades, ce sont onze puits qui ont tout d’abord été fouillés, comme la publication récente en a fait état (Piquès 2005). Sur ce total, nous n’en avons relevé qu’un seul contenant des monnaies, en petite quantité : il s’agit du puits 1 du sondage 26 (Ibid. : 17-18), situé entre les secteurs 12 et 15a, apparemment dans un espace privé, dont la période d’utilisation est estimée entre le début du Ier s. de n. è. et la in du IIe s. ; il contenait deux monnaies, non détaillées, dans la couche retrouvée entre 1,30 m et 2 m de profondeur. Ce n’est donc qu’un très modeste apport, qu’il conviendrait d’ailleurs de pouvoir examiner. Les fouilles récentes ont également permis de fouiller onze nouveaux puits, dont seulement six ont livré des monnaies antiques, assez mal conservées, soit 14 exemplaires au total (Berdeaux-Le Brazidec 2005). - PT615, îlot 15, comblé au Ier s. av. n. è. : un petit bronze de Marseille et un fragment indéterminé ; - PT234, îlot 3, comblé au Ier s. av. n. è. : une drachme légère de Marseille, un petit bronze de Marseille (US 3456) et un bronze des Volques arécomiques au personnage en toge (US 3246) ; - PT35038, îlot 35, comblé au Ier s. : un moyen bronze de Marseille et une moitié de dupondius de Nîmes de type Ib (US 35164) ; - PT471, îlot 9, comblé au IIe s. : un as du Haut-Empire (US 9167) ; - PT348, îlot 8, comblé au IIe s. : 3 as laviens et 1 imitation de Claude I ; - PT290, îlot 4-sud, comblé au IIe s. : un dupondius de Nîmes de type III (US 4324) et un sesterce de Faustine II (US 4339). Comme on peut le constater, les six puits de Lattes ayant livré des monnaies n’offrent pas plus d’exemplaires que la moyenne d’Ambrussum pour un seul puits ! Chacun des puits n’a permis de découvrir que de faibles quantités, entre une et quatre monnaies maximum, ce qui est peu en comparaison des exemples d’Ambrussum. La plupart de ces puits se trouvent dans des espaces privés. Les trois puits qui sont localisés dans des rues et qui ont été également fouillés (PT129011, PT129028 et PT116006) n’ont pas, eux, livré de monnaies. Il y a donc là un lien spéciique, apparemment, au milieu urbain, en comparaison du statut de station routière d’Ambrussum. À Narbonne, dans la maison du Grand Triclinium, un puits a également été fouillé et publié récemment (Lemartret 2011). Il a fourni 9 des 47 monnaies du site, soit 19 % de l’ensemble, qui sont toutes des bronzes du Haut-Empire. L’unique couche de fonctionnement de ce puits (US 135), datée de la dernière période d’utilisation (in IIe-début IIIe s.), a livré cinq monnaies : trois dupondii de Vespasien, Nerva et Trajan, ainsi que deux sesterces d’Hadrien et Antonin (nos 11 et 14 à 17). Les quatre autres exemplaires proviennent des différentes couches de comblement (US 130, 131 et 133) et sont des moyens bronzes (nos 10, 12 et 21) : un dupondius de Nîmes (type II ou III), un as de Vespasien, un dupondius de Géta et une monnaie indéterminée. Le bronze de Géta est, avec un as de Plautille, le témoignage monétaire le plus récent, avant la réoccupation du site au IVe s. Nous sommes ici dans un contexte d’usage privé de puits ; ce dernier offre un nombre non négligeable de monnaies, qui sont des bronzes, majoritairement de module moyen : un as et cinq dupondii pour deux sesterces. Cinq seulement appartiennent à la couche de fonctionnement, ce qui nous ramène à un nombre plus modeste et plus proche des découvertes des puits de Lattes. Plus à l’ouest, sur la voie d’Aquitaine, l’agglomération antique d’Eburomagus (Bram, Aude) a également livré des puits, fouillés en 1970 par M. Passelac, qui nous en a très aimablement communiqué les données. Un seul puits, celui du point 16, a été fouillé complètement, avec tamisage in à l’eau du niveau d’utilisation (Passelac 1972, 85-89 et ig. 95-100 ; Passelac 2009). Ce puits est situé dans la partie septentrionale de l’agglomération et était destiné à l’approvisionnement en eau d’une ou de plusieurs habitations de ce quartier. Sa position précise par rapport à l’habitat n’est pas connue : puits localisé dans une propriété particulière, une cour ? ou dans un espace public, une rue ? Sa fouille a permis de reconnaître cinq unités stratigraphiques : une correspondant au fonctionnement (US 1605), datée de la seconde moitié du Ier s.-première moitié IIe s., quatre (US 1601 à 1604) correspondant au comblement (gros matériaux et terre), intervenu sans doute après l’abandon dans la première moitié du IIe s. L’US 1605 contenait une grande quantité de céramiques utilisées au puisage (environ 60 cruches) et quelques tessons ou petits objets de la vie quotidienne (fragment de mortier centro-italique estampillé, fusaïole raN, supplément 42, 2012 - Quatre puits d’Ambrussum fichier EDITEUR destiné à un usage privé 9. LeS MoNNaieS 229 en terre cuite, un poinçon et trois aiguilles en os, un petit pot (à fard ?), des restes de vaisselle en verre, deux anneaux et un crochet en fer appartenant sans doute au système de puisage). Cette couche contenait également deux monnaies, deux as, très corrodés, dont l’un est sans doute à l’efigie et à la légende de Domitien. Au regard donc d’un abondant mobilier, nous constatons une nouvelle fois que ce puits en contexte urbain ne livre que très peu de monnaies et qu’il s’agit par ailleurs de petites dénominations, dont la perte peut tout à fait être accidentelle. Les autres puits de Bram ont été fouillés de façon incomplète et n’ont pu bénéicier, à cause des conditions d’observation dans des travaux, du même traitement. Ainsi l’absence de monnaies dans les autres puits ne peut donc être considérée comme totalement signiicative. Toujours en Narbonnaise, nous disposons également des fouilles, un peu anciennes, des puits de la colline Saint-Jacques à Cavaillon (Vaucluse), dans le quartier des Vergers (Dumoulin 1965). 13 puits de l’ancien oppidum du lieu ont été explorés au cours de l’exploitation de carrières de gravier. Un seul d’entre eux a livré des monnaies : le puits no 7, dans sa couche inférieure (Ier s. av. n. è.), contenait un quinaire de Caius Egnatuleius, 101 av. n. è. et un bronze des Volques arécomiques au personnage en toge (Ibid. : 6 et 8, ig. 9a et 9b p. 7). Tous les autres puits, et notamment ceux bien attestés à l’époque gallo-romaine, n’ont pas livré de monnaies, alors que la céramique, notamment, y est très abondante. Mais il est peut-être dificile de tenir compte de ces résultats, compte tenu des conditions de fouilles de certains d’entre eux, qui ont pu « oublier » quelques exemplaires. Mais notons que là encore nous sommes en milieu urbain. Remarquons enin que les puits fouillés depuis 2005 par Archéopuits dans le cadre de fouilles préventives n’ont livré de monnaies que dans de très rares cas et jamais plus de trois ou quatre exemplaires (J.-M Féménias, information orale). Toutefois, les dernières fouilles de Nîmes ont offert un lot important de monnaies dans un des puits découverts, lot dont nous n’avons pas encore le détail (étude en cours, information J.-Y. Breuil) mais qu’il conviendra d’intégrer à nos comparaisons par la suite. Dans les autres provinces, nous avons relevé quelques exemples intéressants, en relation avec l’utilisation des puits et la « perte » de monnaies. En premier lieu, dans la province d’Aquitaine, nous pouvons prendre en compte les monnaies trouvées dans un puits de Barzan (Charente-Maritime), récemment publiées (Geneviève 2011). Ce puits, PT25055, se trouve dans le secteur d’habitat du quartier du sanctuaire du Moulin du Fâ ; il a livré 17 monnaies de bronze, échelonnées d’Auguste à Domitien (deux sesterces, neuf dupondii dont six imitations nîmoises et six as dont quatre imitations claudiennes), appartenant toutes aux différents niveaux de comblement. Ces derniers ont été réalisés en plusieurs apports, mais certainement dans un délai assez bref, comme l’indique l’étude de la céramique. Ce comblement est interprété comme un dépotoir domestique. Les monnaies n’entrent donc pas ici dans le cadre du fonctionnement du puits, mais uniquement de son comblement, ce qui illustre à nouveau une absence de numéraire dans un puits situé dans un espace privé, a priori. Nous signalons également un puits lié à une source : il s’agit d’un puits d’époque romaine découvert en septembre 1913 à la chapelle de la Croix de Burn, à Brunstatt (Haut-Rhin), lors de travaux entrepris par la commune pour capter la source du Burn comme eau potable pour le village ; ce dernier contenait « une très grande quantité de monnaies romaines », en assez mauvais état cependant. Seules quatre furent identiiées : une de Trajan, une de Marc Aurèle, une de Constantin I et une de Gratien. Selon L. G. Werner (www.mairie-brunstatt.fr/La-Chapelle-de-la-Croixdu-Burn-id26.aspx), les monnaies auraient été jetées dans le puits pour « amadouer la divinité de la source ». Dans le quart nord-est de la France, les deux puits de l’agglomération de Hettange-Grande (Moselle), comblés au cours du IVe s., offrent deux cas de igures différents (Stachowski 1997, 187) : le puits 1, installé à l’intérieur d’un lieu privé enclos de murs, a livré un abondant mobilier – ossements animaux, céramiques communes, vernissées et sigillées, pièces de cuir (sandales, lanières), éléments d’architecture… – mais aucune monnaie ; le puits 2, placé en bord de voie romaine et semblant relever du domaine public, contenait seulement une anse de seau en bronze et 10 monnaies d’époque constantinienne. Il semblerait donc, dans ce dernier cas, que la situation du second puits sur la voie romaine ait pu avoir une incidence sur la présence de monnaies, comme à Ambrussum, mais pour le Bas-Empire cette fois. Au regard de ces quelques exemples, qu’il conviendra de compléter ultérieurement, il semblerait donc que la situation des puits d’Ambrussum soit particulière, au moins dans trois des cas sur les quatre fouillés, et pourrait, comme nous l’avons indiqué supra, attester un rite de passage lié à la présence de l’eau et au franchissement du Vidourle. On pourRAN, supplément 42, 2012 – pp. 219-233 fichier EDITEUR destiné à un usage privé – M arie-Laure berdeaux-Le brazidec 230 rait toutefois objecter que les monnaies demeurent en nombre insufisant si une telle pratique était largement répandue, mais il peut s’agir aussi de dépôts occasionnels, à moins que ces puits aient fait l’objet de curages au cours de leur utilisation. En comparaison, notons que les monnaies de la zone 11 (enclos cultuel) ne sont pas très nombreuses pour le Ier s. de n. è. : 17 proviennent du premier état (1-25) et 24 du second (25-100) (Berdeaux-Le Brazidec 2007). Si les dépôts avaient perduré jusqu’au milieu du IIIe s., 60 monnaies au moins auraient pu s’y ajouter, ce qui serait supérieur au nombre d’exemplaires des puits et reléguerait alors cette dernière pratique à un rythme moins fréquent. Par ailleurs, tout comme l’obole à Charon n’est pas une offrande systématique dans les tombes, et parfois très variable en quantité selon les cas attestés et les périodes chronologiques, ce geste lié aux divinités des eaux ne pourrait ainsi concerner qu’une partie des voyageurs, statistique qu’il nous est cependant très dificile d’apprécier, faute de mention explicite notamment. Ce qui poserait également la question de son origine : plutôt romaine ou gauloise ? Cet état des lieux montre que nous ne disposons pas encore d’assez d’éléments pour trancher et apporter toutes les réponses relatives à la présence de monnaies dans les puits, domaine pour lequel une synthèse nationale ne pourrait être que bienvenue. raN, supplément 42, 2012 - Quatre puits d’Ambrussum fichier EDITEUR destiné à un usage privé 9. LeS MoNNaieS 231 ◤ Appendice Le « médaillon » du puits PT117 Marie-Laure Berdeaux-Le Brazidec et Joël Françoise Le puits PT117 a livré dans l’US 3012 une sorte de petit médaillon présentant la même iconographie sur ses deux faces, dont voici la description (ig. 149) : Quatre chevaux galopant à gauche ; derrière eux, se tient un personnage debout de trois-quarts, nu, la jambe gauche reposant sur le sol, levant le bras droit et coiffé d’une forme ronde. Le tout dans un cercle de grènetis incomplet, la forme de l’objet n’étant pas parfaitement circulaire. Poids : 1,04 g ; diam. : 17 mm. La restauration de cet objet a permis d’identiier la technique de fabrication employée pour sa réalisation : il s’agit d’une âme en plomb sur laquelle a été plaquée, sur chaque face, une feuille de cuivre dorée. L’ensemble est serti sur la tranche. Cette feuille avait été préalablement étampée entre deux moules dont le motif iconographique décrit plus haut est en creux pour l’un des moules et en relief pour l’autre. Compte tenu de la présence du grènetis et du motif, nous avons cherché s’il pouvait exister un type monétaire de cette iconographie particulière, représentant un quadrige dont on ne voit pas le char, l’aurige le cachant en étant placé devant, comme s’il allait y monter. Nous n’avons trouvé qu’un seul type monétaire s’y rapportant au plus près, à savoir les revers d’une série de monnaies (aurei, deniers, antoniniens, sesterces, dupondii et as) émises au nom de Caracalla en 215, 216 et 217 (TR P XVIII, TR P XVIIII et TR P XX), répertoriées dans le RIC IV/1 sous les nos 265, 282 et 294 pour l’or et l’argent, et 543 (sesterce), 551 (dupondius), 556 (as), 562 (as), 566 (sesterce) et 570 (as). Ces monnaies représentent en effet un quadrige à gauche, dans lequel monte le dieu Sol, nu, portant une couronne radiée, levant le bras droit et tenant un fouet (ig. 150 et 151). Les divers exemplaires examinés de ces types montrent que le char n’est généralement indiqué que par une roue, plus ou moins visible : elle est soit bien apparente entre les jambes des chevaux et de Sol, soit en partie cachée par la jambe gauche du dieu. Quant à la position du personnage principal, il y en a quelques variantes, car Sol est décrit soit comme montant dans le quadrige, soit comme le conduisant. On peut en effet constater que sur certaines des monnaies de cette série, le dieu tient les rênes du premier cheval, alors que sur les autres il lève simplement le bras droit au-dessus de la tête des chevaux. Il existe également un type de revers assez proche dans le monnayage de Probus (par exemple Siscia, 4e émission, 277, RIC V/2 783, revers Soli invicto), mais le style et la composition légèrement différente, dans laquelle Sol est très en hauteur par rapport aux chevaux et sensé être dans le char, ne semblent pas correspondre à l’iconographie du médaillon du puits d’Ambrussum. Dans un souci de recherche iconographique de comparaison en dehors des séries monétaires, nous avons également examiné les motifs des médaillons d’applique que l’on trouve sur les vases gallo-romains de la vallée du Rhône notamment, certains représentant des personnages sur des chars. Un article récent a d’ailleurs fait un point sur ce type de représentations (Savay-Guerraz 2011), qui différent sur plusieurs points de celle du médaillon d’Ambrussum. En effet, la plupart de ces scènes sont liées aux victoires des attelages lors de courses de chevaux et illustrent l’aurige vainqueur sur son quadrige, à droite ou à gauche, tenant une couronne et une palme, faisant un tour d’honneur. Les chevaux sont généralement bien détaillés ainsi que le vêtement spéciique du conducteur (tunique recouverte d’un corset constitué d’épaisses courroies enserrant le buste et ixé autour du cou par un harnais). Le médaillon d’Ambrussum offre un type iconographique éloigné de ces représentations, qui n’ont donc pas pu servir de modèle à sa réalisation, à notre sens. Les monnaies de Caracalla précédemment étudiées demeurent alors une source d’inspiration et de copie beaucoup plus proche. Figure 149 Droit et revers du médaillon trouvé dans le PT117, grossi environ deux fois (cliché : J. Françoise). Figure 150 Antoninien de Caracalla et son revers représentant Sol et un quadrige à gauche, émission de 215, RIC IV/1 265c (http:// www.wildwinds.com/coins/ sear5/s6773.html#RIC_0265c). Figure 151 Antoninien de Caracalla, émission de 217, non répertorié dans le RIC IV/1 (no 294 pour le denier) (http://www.wildwinds. com/coins/ric/caracalla/ RIC_0294ADD.jpg). RAN, supplément 42, 2012 – pp. 219-233 fichier EDITEUR destiné à un usage privé – M arie-Laure berdeaux-Le brazidec – JoëL FraNçoiSe 232 Nous notons toutefois que le rendu du motif de notre objet est assez fruste en comparaison du revers des monnaies oficielles examinées. Nous pouvons de ce fait écarter l’hypothèse d’une fabrication des moules à partir de l’empreinte de celle-ci. L’artisan s’est simplement inspiré du motif iconographique de cette monnaie, peut-être en sa possession, pour créer ses moules. Ainsi, nous serions donc en présence d’un objet dont l’iconographie a pour modèle, dans la forme et dans le type, une série monétaire datable de la in du règne de Caracalla. Dans ce cas, nous pouvons supposer, en fonction du délai nécessaire à l’arrivée des prototypes possibles dans la région de découverte, que la fabrication de ce petit médaillon n’intervient pas avant le début des années 220, au moins. Et même s’il n’était pas de réalisation locale, c’est-à-dire qu’il aurait été apporté sur le site par une personne étrangère, il faudrait compter au moins le même délai, sinon plus. Reste aussi à savoir quel artisan a pu réaliser ce type d’objet et pour quelle fonction, deux questions liées mais dont les réponses sont dificiles à déterminer précisément. La réalisation de ce médaillon a demandé la mise en œuvre de techniques complexes (étampage avec la fabrication d’un moule gravé et d’un contre moule, du sertissage et de la dorure) qui permettent d’orienter nos recherches vers le travail d’un orfèvre ou d’un bijoutier. Enin, en ce qui concerne la fonction de ce médaillon, de nombreuses hypothèses peuvent être envisagées. Il semble toutefois que nous ne puissions pas retenir une fonction purement décorative, en raison du motif présent sur les deux faces de l’objet. Nous pouvons à cet égard mentionner un autre exemple de médaillon réalisé à partir d’une monnaie, mais n’ayant qu’un seul côté décoré : il s’agit d’une applique décorative en bronze, sans doute à usage militaire, utilisant le revers d’un sesterce d’Hadrien1, daté 134-138 (ig. 152), trouvé sur la commune de Martigues, au lieu-dit boulevard de Tholon (ChausserieLaprée, Rétif 2002 : 177-178). Figure 152 Applique en bronze de Martigues (dessin M. Rétif, dans Chausserie-Laprée, Rétif 2002, 178, ig. 10), reprenant l’iconographie de revers d’un sesterce d’Hadrien, daté 134-138. Par ailleurs, aucun élément de suspension ne semble être visible, donc ce médaillon n’aurait pas été non plus accroché à une chaîne, faute de bélière. Nous pouvons alors envisager qu’il ait pu servir de jeton, comme élément de reconnaissance par exemple, dans un cadre que nous ne pouvons pas actuellement déinir. Il faut toutefois noter qu’il s’agit d’un objet dont l’aspect est soigné (dorure), ce qui peut ne pas être anodin dans le rapport à sa fonction et en comparaison, par exemple, à une simple tessère en plomb. Sans doute également le thème de Sol représenté sur cet objet pourrait nous orienter vers un lien avec un contexte militaire ou administratif, en lien avec un fonctionnaire2. raN, supplément 42, 2012 - Quatre puits d’Ambrussum fichier EDITEUR destiné à un usage privé 9. LeS MoNNaieS 233 ◤ Notes de commentaire 1. Type RIC II 920, BMC III 1679 mais inversé puisque le type est normalement à droite et non à gauche comme ici. On notera aussi que la marque S C, qui devrait normalement se trouver sous la légende GERMANICVS ou éventuellement dans le champ, est ici absente. Ce qui pourrait signiier que l’artisan n’a délibérément pas copié cette marque ou bien que celle-ci était déjà effacée lorsque la monnaie a servi de modèle. 2. Nous remercions M. Feugère, chercheur CNRS, UMR 5140, de nous avoir donné son avis sur cet objet. RAN, supplément 42, 2012 – pp. 219-233 fichier EDITEUR destiné à un usage privé fichier EDITEUR destiné à un usage privé