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L’impact méconnu des chauves-souris et du guano dans l’évolution morphologique tardive des cavernes Philippe Audra, Lionel Barriquand, Jean-Yves Bigot, Didier Cailhol, Hector Caillaud, Nathalie Vanara, Jean-Claude Nobecourt, Giuliana Madonia, Marco Vattano, Michel Renda To cite this version: Philippe Audra, Lionel Barriquand, Jean-Yves Bigot, Didier Cailhol, Hector Caillaud, et al.. L’impact méconnu des chauves-souris et du guano dans l’évolution morphologique tardive des cavernes. KARSTOLOGIA, Fédération Française de Spéléologie et Association Française de Karstologie, 2016. ฀hal-01838348฀ HAL Id: hal-01838348 https://hal.archives-ouvertes.fr/hal-01838348 Submitted on 23 Jul 2018 HAL is a multi-disciplinary open access archive for the deposit and dissemination of scientific research documents, whether they are published or not. The documents may come from teaching and research institutions in France or abroad, or from public or private research centers. 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Audra Lionel Barriquand 85 PUBLICATIONS 781 CITATIONS 29 PUBLICATIONS 54 CITATIONS University of Nice Sophia Antipolis SEE PROFILE Jean-Yves Bigot 53 PUBLICATIONS 487 CITATIONS SEE PROFILE ARPA Université Claude Bernard Lyon 1 SEE PROFILE Didier Cailhol Université Savoie Mont Blanc 51 PUBLICATIONS 44 CITATIONS SEE PROFILE Some of the authors of this publication are also working on these related projects: Hypogene Karst Regions and Caves of the Word View project Karstology View project All content following this page was uploaded by Ph. Audra on 03 July 2018. The user has requested enhancement of the downloaded file. Philippe AUDRA1, Lionel BARRIQUAND², Jean-Yves BIGOT3, Didier CAILHOL4, Hector CAILLAUD5, Nathalie VANARA6, Jean-Claude NOBÉCOURT3, Giuliana MADONIA7, Marco VATTANO7 et Michel RENDA8 L’impact méconnu des chauves-souris et du guano dans l’évolution morphologique tardive des cavernes RÉSUMÉ : Les chauves-souris sont considérées comme des occupants emblématiques des grottes. Les colonies, parfois de taille gigantesque, peuvent occuper les cavernes sur de très longues périodes. Ainsi, il se constitue des accumulations de guano dont le volume a favorisé l’exploitation des phosphates, à l’échelle artisanale voire industrielle. L’impact des chauves-souris est triple : leur respiration dégage du CO2, leur urine est corrosive, et la minéralisation du guano libère des acides (carbonique, nitrique, sulfurique, phosphorique). Ces substances agressives agissent sur la roche et les concrétions carbonatées, soit par corrosion directe du sol encaissant au contact du guano, soit par condensationcorrosion sur les parois et les plafonds. Bien que tardif dans l’histoire des cavités, l’impact spéléogénétique sur les parois est considérable et peut aller jusqu’à l’ablation de plusieurs mètres d’épaisseur de roche. La présence durable de colonies de chauves-souris est un facteur majeur de spéléogenèse tardive des cavernes, générant des morphologies spécifiques, des dépôts de phosphates conséquents, et un remaniement des parois allant d’un simple rabotage centimétrique jusqu’à des ablations métriques. Ces morphologies de corrosion, qui ont pu être confondues avec des ennoyages, sont probablement responsables de la disparition d’une bonne partie des œuvres pariétales préhistoriques qui n’ont pu être préservées que dans des conditions bien spécifiques. MOTS-CLEFS : chauves-souris, guano, condensation-corrosion, spéléogenèse. ABSTRACT: The little known impact of bats and bat guano in the late stages of cave morphogenesis. Bats are considered as symbolic caves inhabitants. The colonies, sometimes huge, may occupy caves through long periods. Large guano deposits were accumulated. Some have been mined for phosphates, either by hand or at the industrial scale. Bats impact is triple: breathing releases CO2, urine is corrosive, and guano mineralization releases acids (carbonic, nitric, sulfuric, and phosphoric). Such aggressive compounds have an effect on carbonate rock and flowstones, either by direct ground corrosion at the contact of the guano, or by condensation-corrosion on walls and ceilings. The speleogenetic impact of these late stages of cave evolution is considerable and may provoke denudation of several meters of rock. The long lasting presence of bat colonies is a major factor of the late speleogenetical stages, making specific morphologies, significant phosphate deposits, and wall reworking ranging from some centimeters to several meters. These corrosion morphologies, sometimes misinterpreted as marks of flooding, are also responsible of the destruction of many prehistoric realizations, which have been preserved only in specific conditions. KEYWORDS: bats, guano, condensationcorrosion, speleogenesis. Introduction tropicales. Elles ont colonisé l’ensemble des surfaces terrestres, à l’exception des hautes latitudes et altitudes, on les retrouve ainsi dans les zones marginales que représentent les montagnes des régions tempérées. Du fait de leur repos souterrain diurne, permanent ou saisonnier, elles produisent des accumulations parfois importantes de guano. Dans le contexte généralement humide des cavités, la matière organique se minéralise rapidement. Dans un premier temps, la minéralisation produit de l’ammoniaque, de l’acide nitrique, puis des nitrates pour les composés azotés, de l’acide sulfurique et des sulfates pour les composés soufrés. Très solubles, surtout pour les nitrates, ceux-ci sont rapidement lixiviés, sauf en conditions particulièrement sèches où les nitrates peuvent être préservés. Les chauves-souris sont des hôtes emblématiques des cavernes. Leur présence est attestée depuis l’Éocène, et compte parmi les lignées les plus anciennes de mammifères. Elles peuvent constituer des colonies importantes de plusieurs dizaines de milliers d’individus sous nos latitudes et jusqu’à plusieurs dizaines de millions sous les latitudes (1) Université de Nice Sophia-Antipolis, Polytech’Lab, 930 route des Colles, 06903 Sophia-Antipolis, Nice, France, audra@unice.fr (2) Association de Recherche Paléoécologique en Archéologie (ARPA), Université Claude Bernard, France, lionel.barriquand@wanadoo.fr (3) Association française de karstologie (AFK), 21 rue des Hospices, 34090 Montpellier, France, jeanbigot536@gmail.com (4) Laboratoire EDYTEM, Université Savoie – Mont Blanc, CNRS, Pôle Montagne, 73376 Le Bourget-du-Lac, France, didier.cailhol@univ-savoie.fr (5) Laboratoire de Géographie Physique Environnements Quaternaires et Actuels - UMR 8591, Bat. Y, 1 place Aristide Briand, 92195 Meudon cedex, France, hectorcaillaud@yahoo.fr (6) Université Paris 1 – Panthéon-Sorbonne, UMR 5608 TRACES, Nathalie.Vanara@univ-paris1.fr 7) Dipartimento di Scienze della Terra e del Mare, Univ. Palermo, Italy, giuliana.madonia@unipa.it ; marco.vattano@unipa.it (8) Spéléo-club de Béziers et des Avants-monts (SCBAM), michel.renda@neuf.fr P. AUDRA, L. BARRIQUAND, J.-Y. BIGOT et al., L’impact méconnu des chauves-souris et du guano dans l’évolution morphologique tardive des cavernes KARSTOLOGIA n° 68, 2016 • 1-20 1 Les sulfates, principalement le gypse, subissent également la lixiviation. Ils demeurent présents à la surface des dépôts récents en cours de minéralisation, ou en accumulation si les conditions d’humidité restent modérées. Ainsi, sauf environnement sec, le guano en début de minéralisation est un dépôt azoté, sulfaté, et phosphaté, puis évolue par enrichissement relatif en dépôt principalement phosphaté, ces derniers étant peu mobiles. Le guano a été largement exploité comme fertilisant azoté aux temps historiques anciens, d’abord artisanalement et localement. À partir du XVIIIe siècle, s’y ajoutent les dépôts phosphatés issus de vieux guanos, dont l’utilisation est en partie à l’origine de la révolution agricole du XVIIIe siècle, préparant ainsi la Révolution industrielle, jusqu’à être finalement exploités au XIXe siècle comme ressource minière, quasi-industrielle. Au début du XXe siècle, la concurrence des phosphates sédimentaires marins d’outre-mer sonnera le glas de l’exploitation en grotte [Pélissié, 1999]. Par ailleurs, le guano est un sédiment datable qui enregistre sur des séquences parfois très longues les paramètres environnementaux contemporains de sa constitution (pollens, restes d’insectes, isotopes, etc.), au même titre que les spéléothèmes [par ex. Wurster et al., 2009]. Il représente aussi un support organique exogène, localement abondant dans un monde souterrain où la biomasse est faible, à l’origine d’une activité et d’une diversité microbienne et de faune cavernicole sans égales, développées sur la chaîne trophique du guano. Du fait de la présence de phosphates diversifiés, les accumulations de guano ont été précocement étudiées d’un point de vue minéralogique. Elles restent encore l’un des environnements les plus riches du point de vue minéralogène, avec des minéraux rarissimes reconnus seulement en grottes [Hill et Forti, 1997 ; Onac et Forti, 2011 et références incluses ; Audra et al., 2018]. L’acidité évidente des accumulations de guano ancien a suggéré depuis longtemps son rôle dans la corrosion de l’encaissant. Toutefois, cet aspect a généralement été restreint aux environs immédiats des sols couverts de guano. Les études sur les chauves-souris et sur le guano en tant qu’agents significatifs de la spéléogenèse par le biais de la corrosion sont rares : Forti et al. [2006] soulignent l’aspect exothermique de la minéralisa- 2 tion, responsable de convections d’air corrosif au-dessus des tas de guano avec la formation de grandes vagues d’érosion, les megascallops. J. Lundberg et D.A. McFarlane [2009, 2012 et 2015] quantifient l’ampleur de l’effet de la condensation-corrosion provoquée par la présence des chauves-souris, et démontrent l’efficacité du processus dans le développement des volumes souterrains abritant des volatiles (chauves-souris et hirondelles). Dans cet article, nous démontrerons l’importance de l’influence des chauves-souris en tant que processus spéléogénétique, non seulement par le biais du guano corrosif qu’elles produisent, mais surtout par la condensationcorrosion extrêmement active qui résulte de la présence des chauvessouris. Ce processus de spéléogenèse peut devenir dominant, responsable de la majeure part des volumes, sous certaines conditions où les paramètres environnementaux sont très favorables, à proximité des zones d’entrée et de fortes accumulations de guano. Ces processus de corrosion sont naturellement des agents morphogéniques, à l’origine d’une grande variété de formes, dont certaines sont typiques de ces processus et permettent ainsi en retour de les diagnostiquer. Après une présentation des chauvessouris, de leur comportement, et des processus physiologiques et éthologiques susceptibles d’engendrer une altération de la roche, nous détaillerons les morphologies associées, principalement de corrosion, dont la combinaison aboutit à une expansion des vides dans des proportions et à des vitesses parfois inattendues. I. Les chiroptères Les chauves-souris (chiroptères) peuvent se regrouper en colonies parfois importantes. Elles occupent notamment les cavités karstiques, en général saisonnièrement. Leur présence impacte les cavités en augmentant la température et l’humidité, et en introduisant de la matière organique (guano) dans le milieu souterrain qui en est quasi dépourvu. Elles participent indirectement à la corrosion des parois calcaires, par l’intermédiaire de leur métabolisme ou par l’acidité produite par la minéralisation du guano. L’ordre des chiroptères appartient aux mammifères et il compte plus de 1 200 espèces. Des fossiles vieux de 52 et 47 millions d’années sont connus sur les continents américains, européen et africain [Polturat, 2015]. Si ces animaux ont colonisé tous les continents, à l’exception des pôles, c’est au niveau de l’équateur qu’elles sont les plus représentées. Ainsi, on dénombre 170 espèces en Colombie alors qu’on en compte seulement 36 pour toute l’Europe [idem]. Les chiroptères présentent des tailles très variables allant d’une masse d’environ 2 g pour les plus petits (Craseonycteris thonglogyia, chauves-souris bourdon), à 1,6 kg pour les plus grands (Pteropus giganteus, roussette). Leurs prédateurs sont peu nombreux et certaines espèces ont une espérance de vie pouvant dépasser les trente ans. Elles occupent des niches écologiques très variées et ont des régimes alimentaires qui varient en fonction de leur localisation : insectivore, carnivore, frugivore, piscivore, hématophage [Brosset, 1966]. Leurs habitats sont également très différents : bâtiments, arbres, cavités naturelles ou artificielles, et peuvent varier en fonction de leurs besoins : accouplement, maternité, hibernation [Rodrigues et Palmeirim, 2007]. Ainsi de nombreuses espèces de chauves-souris fréquentent assidûment les réseaux karstiques. Elles sont très fidèles à un lieu, et de génération en génération elles y reviennent [Casteret, 1936 ; Entwistle et al., 2000 ; Furmankiewicz, 2016]. A. Les populations de chiroptères et leur présence dans les grottes Les chauves-souris se regroupent régulièrement en colonies dont l’effectif est très variable en fonction de l’espèce mais également des activités associées à leur cycle annuel (hibernation, regroupement, reproduction, nurserie ). Les plus grandes colonies observées dans une même cavité peuvent dépasser le million d’individus. À Eagle Creek Cave, Arizona, une colonie a été estimée entre 2 et 4 millions de Tadarida brasiliensis (comptages réalisés entre 1962 et 1991). La densité d’individus de Tadarida brasiliensis est estimée à 1 500 adultes ou 4 000 jeunes (de moins de 15 jours) par mètre carré. À Bracken Cave, Texas, la colonie atteint 40 millions d’individus. Au Kenya, il a été estimé que la densité de chiroptères est de 400 individus / m² avec une couverture de 82 % du plafond [Lundberg et McFarlane, 2015]. En Europe les populations sont moindres, mais elles atteignent quand même P. AUDRA, L. BARRIQUAND, J.-Y. BIGOT et al., L’impact méconnu des chauves-souris et du guano dans l’évolution morphologique tardive des cavernes KARSTOLOGIA n° 68, 2016 • 1-20 Espèces Masse (g) Colonies maternité (nombre d’individus) Colonies hibernation (nombre d’individus et localisation) Rhinolophus ferrumequinum 18-24 20-1 000 1 600 (Roumanie-Bulgarie) Rhinolophus mehelyi 12-17 20-200 (rarement 500) 5 000 à 10 000 (Bulgarie) Rhinolophus blasii 10-14 30-500 3 000 (Bulgarie) Myotis daubentonii 6-10 / 5 000 (Allemagne) 20 000 (Pologne) Myotis capaccinii 7-10 30-500, jusqu’à 10 000 (Bulgarie et Albanie) 20 000 à 50 000 (Bulgarie) Myotis emarginatus 6-9 20-500 7 000 (Balkans) Myotis myotis 20-27 50-1 000, jusqu’à 8 000 (bassin méditerranéen) Quelques centaines Myotis oxygnathus 3,5-5,5 50-500, jusqu’à 8 000 (Bulgarie) Quelques centaines Pipistrellus pipistrellus 3-7 / 30 000 à 60 000 (Roumanie) Barbastella barbastellus 7-10 / 8 000 (Slovaquie-Pologne) Miniopterus schreibersii 10-14 20 000 (Portugal) 35 000 à 60 000 (Croatie et Bulgarie) 70 000 régulièrement quelques milliers d’individus et plus rarement quelques dizaines de milliers d’individus (tableau 1). B. Localisation dans le réseau karstique La localisation des chiroptères dans les réseaux karstiques dépend des conditions climatiques externes, mais également du type de besoin des chauves-souris. En hiver, afin d’économiser de l’énergie, les chiroptères abaissent plus ou moins leur température corporelle. Pendant la période d’hibernation, la température ne doit pas descendre en dessous de 0 °C. Chaque espèce possède des besoins spécifiques en termes de température et, de fait, ne voisinera pas forcément avec une autre espèce dans un réseau karstique (figure 1). Pendant l’été dans les zones chaudes et arides, elle sélectionne plutôt des gîtes présentant une grande humidité et une température basse et constante pour limiter les pertes d’eau corporelles, car elle présente une masse corporelle petite par rapport à la surface corporelle qu’elle développe [Webb et al., 1995]. corporelle des chauves-souris présentes varie entre 37,0 et 41,1 °C. La température moyenne annuelle dans la région où sont localisées les cavités est d’environ 16 °C. Pour ce qui concerne l’air, au moment de l’étude, la température moyenne quotidienne était de l’ordre de 10,8 °C (± 3,8), et 13,6 °C (± 1,1) en fonction de l’altitude de la grotte considérée. Pendant la période de mesures, les températures moyennes dans Kitum caves variaient quotidiennement selon les entrées et sorties des chiroptères, entre 11,7 et 14,1 °C, entre 13,0 et 29,4 °C dans Mackingeny Cave et entre 11,3 et 15,5 °C dans Ngwarisha Cave. Ces comparaisons montrent que l’échauffement thermique des vides occupés par les chiroptères peut localement atteindre 15 °C. À proximité des essaims, la température moyenne de la paroi rocheuse fut de 12,4 °C à Kitum Caves, N. noctula P. pipistrellus B. barbasteilus P. auritus/austriacus E. serotinus/nilssoni C. Impact microclimatique La présence d’essaims de chiroptères peut modifier le microclimat dans les cavités. Des sites sont en cours d’étude en Europe (France, Italie), mais les effets ont déjà été montrés au Kenya par une étude dans Kitum Caves (grotte-témoin contenant peu de chiroptères), Mackingeny Cave et Ngwarisha Cave [Lundberg et McFarlane, 2015]. Au moins onze espèces de chiroptères sont présentes dans ces cavités. Les populations varient entre 1 000 et 10 000 individus. La température Tableau 1 : Quelques chiroptères présents en Europe. Effectif et localisation géographique des plus grands des essaims dans les maternités et gîtes d’hibernation karstiques répertoriés en Europe [d’après Dietz et Kiefer, 2015]. Some chiropters from Europe. Maximal size and location of largest swarms in maternities and karstic hibernation lairs reported in Europe. Figure 1 : Répartition des espèces en hibernation dans une grotte ouverte, croquis sans échelle [Lang, d’après Nagel et Nagel, 1993, in Dietz et Kiefer, 2015]. Distribution of hibernating species in an open cave, without scale. M. bechsteinii M. brandtii M. daubentonii M. nattereri M. mystacinus E. nilssonii P. auritus/austriacus M. myotis M. emarginatus -2°C +7°C 0°C +9°C +4°C Myotis bechsteinii Myotis brandtii Myotis daubentonii Myotis nattereri Myotis mystacinus Eptesicus nilssonii P. auritus/austriacus P. AUDRA, L. BARRIQUAND, J.-Y. BIGOT et al., L’impact méconnu des chauves-souris et du guano dans l’évolution morphologique tardive des cavernes KARSTOLOGIA n° 68, 2016 • 1-20 3 16,2 °C à Mackingeny Cave, et 18,2 °C à Ngwarisha Cave, ce qui correspond à une élévation d’environ 2 °C par rapport à la température annuelle moyenne externe, correspondant approximativement à la température attendue de la roche. Ce résultat traduit l’effet de la présence des chauves-souris sur la température de la roche sur laquelle elles sont accrochées. L’étude a également montré que ces microclimats varient rapidement en fonction de la présence ou non des chiroptères dans la grotte. Le retour aux conditions initiales s’effectue à la fin de la période nocturne d’absence [Lundberg et McFarlane, 2009]. À Green Grotto - Runaway Caves, Jamaïque, Monophyllus redmani et Artibeus jamaicensis vivent dans des coupoles à chauves-souris. Il a été mis en évidence une augmentation de la température de l’ordre de 1 °C entre la partie basse et la partie haute des cloches qui regroupent au moins dix chiroptères [Lundberg et McFarlane, 2009]. D. Les sécrétions Afin de maintenir la souplesse de leur patagium (membrane qui relie l’extrémité des ailes au corps) et pour qu’il ne se dessèche pas, les chiroptères l’enduisent d’une sécrétion produite à la commissure des lèvres [Dietz et Kiefer, 2015]. Ces sécrétions glandulaires marquent ainsi les emplacements occupés par Myotis myotis par une couleur brun-noir (photo page IV de couverture). de regroupement ou swarming, hibernation). Pendant la période d’hibernation, le métabolisme de la chauve-souris ne s’arrête pas, et de ce fait elle connaît plusieurs périodes de réveil afin d’uriner, déféquer ou boire, mais avec une intensité d’activité nettement moindre [Dietz et Kiefer, 2015]. Ce volume de déjection dépend également de la taille et du nombre de chiroptères présents. Le transit intestinal des chiroptères est très rapide et ils défèquent généralement 2 à 3 heures dans la période postprandiale. Les fèces sont évacuées rapidement pendant la période nocturne et les résidus des derniers repas le sont dans le gîte diurne. Les volumes de déjection produits annuellement peuvent être considérables. Dans Eagle Creek Cave, Arizona, le guano généré chaque année au printemps et pendant l’été est estimé à environ 100 m3 [Mizutani et al., 1992]. Dans la Cueva del Tigre, Mexique, la quantité d’urée rejetée par la colonie de chiroptères est évaluée à 454 g / jour soit 0,2 mg d’urée par jour et par chiroptère [McFarlane et al., 1995]. Sous terre, l’ensemble des déjections contribue au renouvellement des ressources organiques principales et permet le développement d’une biomasse variée (bactéries, champignons, insectes, myriapodes, araignées ). Le guano est le principal apport de nourriture pour ce microcosme spécifique [Moulds, 2005 ; Pellegrini et Lopez Ferreira, 2013]. En outre, la fermentation de cette biomasse constitue, avec la présence des colonies, une source de chaleur ponctuelle à l’intérieur du milieu karstique. II. L’altération : sources et mécanismes, caractérisation et vitesse L’altération est la résultante d’actions chimiques et/ou mécaniques qui dépendent non seulement du ou des agents qui provoquent l’altération mais aussi des caractéristiques des roches soumises à l’altération (composition, dureté, porosité ) ainsi que de l’interface qui peut exister entre ces deux précédents éléments (film d’eau par exemple). Comme toute réaction chimique, elle sera également dépendante des conditions environnementales telles que la température. Nous évoquerons ici les agents qui provoquent l’altération, nous essayerons de caractériser celle-ci, et nous proposerons une première approche de la vitesse d’altération. L’impact de la présence des chiroptères sur l’environnement a été abordé dans le paragraphe précédent. A. Les agents d’altération 1) Agents d’altération liquides Les quantités d’urine générées par les chiroptères (figure 2) dépendent bien entendu des espèces, des régimes alimen- E. Les déjections Les chiroptères défèquent pendant les périodes de vol mais également pendant les périodes où ils sont suspendus par les membres antérieurs. Pour ce faire, ils utilisent alors leur morphologie si particulière au niveau des ailes dont la structure ressemble à celle d’une main d’homme dont on aurait allongé les phalanges [Polturat, 2015], avec un pouce orienté à l’opposé des quatre autres doigts (figure 4). Ils pivotent et utilisent les griffes qui se trouvent sur leurs pouces (au-dessus de l’aile) pour s’accrocher. Ils sont alors suspendus par leurs membres antérieurs et non plus postérieurs. Leur tête se trouve en haut et elles défèquent vers le côté [Paladino, 2016]. Elles peuvent ainsi envoyer leurs déjections sur les parois qui se trouvent à proximité. Les volumes de déjections varient en fonction du type d’occupation de la grotte (maternité, lieu 4 Figure 2 : Traces d’excrétas (urine) d’un individu niché dans une coupole, attestant l’usage générationnel prolongé de l’emplacement. Grotte de la Lare, Alpes-de-Haute-Provence. Cliché J.-Y. Bigot. Excreta traces (urine) of an individual nested in a cupola, showing use of the spot by successive generations. Grotte de la Lare, Alpes-de-Haute-Provence. P. AUDRA, L. BARRIQUAND, J.-Y. BIGOT et al., L’impact méconnu des chauves-souris et du guano dans l’évolution morphologique tardive des cavernes KARSTOLOGIA n° 68, 2016 • 1-20 taires, mais également des périodes de l’année. Pour exemple, les rejets générés par Plecotus auritus et Myotis daubentoni, dans la période des douze heures postprandiale ont été évalués respectivement à 0,1 à 0,3 g [Webb et al., 1994]. Ainsi, un essaim d’environ 150 individus de Myotis daubentoni génère environ 36 g d’urine toutes les douze heures. Les compositions de l’urine diffèrent également. Ainsi, les chiroptères fructivores et carnivores se singularisent, pour l’ordre des mammifères, par leur capacité à moduler la concentration de leur urine. Les fructivores génèrent des urines très diluées alors que Desmodus rotundus, qui est hématophage, peut produire des urines très concentrées [Webb et al., 1994]. Une étude réalisée sur les chiroptères du Panama montre des taux de sodium variant entre 3,0 et 53 mEq / L, entre 22,9 et 111,7 mEq / L pour le potassium, et entre 3 et 8337 mEq / L pour l’azote [Studier et Wilson, 1983]. 2) Agents d’altération solides Le guano est essentiellement composé de phosphates, sulfates, potassium, ammonium, sodium, et calcium. Toutefois sa composition varie également en fonction du régime alimentaire des chiroptères. Une comparaison a été effectuée sur cinq sites en Israël [ShahackGross, 2004]. Les taux de phosphates contenus dans des guanos de chiroptères insectivores et frugivores présentent des variations très importantes (tableau 2). Quand de l’eau percole à travers, l’ammonium qu’il contient est évacué [Hill et Forti, 1997]. Les ions phosphates (PO43-), moins soluble, reste en place. L’évolution des concentrations en azote et en phosphore sur une coupe de 5 m de hauteur de guano a été mesurée à Lapa Nova, Brésil [Giovannini Pellegrini et Lopez Ferreira, 2013]. Le guano situé en Régime alimentaire Taux de phosphate (% massique) 6,3 + 1,6 Frugivore 7,7 24,8 Insectivore 56,8 Tableau 2 : Taux de phosphate mesurés dans des guanos frais de chiroptères frugivores et insectivores [Shahack-Gross et al., 2004]. Phosphate concentrations measured in fresh guano from frugivorous and insectivorous bats. surface du remplissage contient environ 6 % d’azote et 13 % de phosphore, alors que celui situé à la base de la carotte contient environ 1 % d’azote et 60 % de phosphore. Du fait de cette évolution, il peut se former de véritables dépôts qui s’intègrent à la stratigraphie des remplissages karstiques. Ces derniers peuvent être datés et leur ancienneté est souvent attestée comme dans Batu Cave, Malaisie, où leur âge varie entre 35 et 4 ka, ou encore dans Tabon Cave, Palawan, Philippines, où les sédiments les plus anciens sont datés d’entre 40 et 32 ka [Choa et al., 2016]. Le pH du guano évolue en fonction de son âge et des conditions de conservation. Le guano frais est légèrement basique. La lixiviation par percolation d’eau élimine d’abord l’ammoniaque. Ensuite, dans un guano ancien, la percolation d’eau produit des solutions acides pouvant atteindre un pH très bas, compris entre 2 et 4 [tableaux 2 et 3 ; Martini, 1993 ; Mulec et al., 2015]. Ces solutions corrosives vont alors réagir avec le carbonate de calcium de l’encaissant ou des spéléothèmes et former des minéraux phosphatés, principalement de l’hydroxyapatite Ca5(PO4)3(OH). En fonction également des éléments chimiques présents dans le guano ou dans le substrat rocheux, diverses réactions peuvent avoir lieu et donner Cavité Sites Types Présence pH à 25 °C Âge estimé du guano Grotte de Blanot Entrée Crottes Individu 7,77 Quelques jours Site Blanot 2,5 Crottes Individus isolés 6,74 < 1 an Individus isolés 6,25 < 1 an Colonies 5,28 > 20 ans Colonies 5,02 > 20 ans Colonies 3,63 > 20 ans Colonies 3,54 > 20 ans Grotte des Renards Grotte d’Azé Grotte de Blanot Grenier des Chauvessouris Amas au sol Salle Jusseau Amas au sol naissance à tout un cortège minéralogique [Audra et al., 2018]. Cette néogenèse peut également affecter les sédiments se trouvant sous le guano [Perrenoud, 1993 ; Martini, 1993]. Les quantités de phosphates générées par les chiroptères peuvent être importantes. Une estimation de la quantité de guano produite par Plecotus auritus et Myotis daubentoni, dans la période des douze heures postprandiale a été réalisée [Speakman et Racey, 1994]. Sachant que le guano contient environ 25 % en masse de phosphate, la quantité de phosphate générée peut être estimée. Ainsi, pendant une période de 1 000 ans, 10 individus de Plecotus auritus et 10 individus de Myotis daubentoni, qui auraient occupé une cavité pendant quatre mois chaque année, peuvent générer 65 kg de phosphate. 3) Agents d’altération gazeux (figure 3) La respiration des êtres vivants est un des principaux facteurs de consommation de l’oxygène (O2) dans les grottes. Celle-ci produit en contrepartie du dioxyde de carbone (CO2). Même si les origines du CO2 dans les cavités sont variées, la respiration d’une colonie de chauves-souris entraîne une production importante de ce gaz, car celui-ci n’est pas forcément évacué immédiatement de la cavité. À l’abri des courants d’air dans des milieux semi-confinés, la concentration peut s’élever significativement. La quantité de CO2 rejetée par jour pour un individu de Plecotus auritus ou Myotis daubentoni est évaluée à 0,798 g / j [Webb et al., 1994] et atteint 2,74 g / j pour Rousettus aegyptiacus [Lundberg et McFarlane, 2015]. Les chiroptères présentent la particularité d’éliminer le dioxyde de carbone qu’ils produisent par la bouche, mais également par le patagium [Polturat, 2015]. La transpiration et la respiration des chiroptères entraînent par ailleurs un dégagement de vapeur d’eau. Dans Tableau 3 : pH, à 25 °C, de guanos de chauves-souris d’âge croissant. Grottes d’Azé et de Blanot, Saône-et-Loire. Mesures réalisées en laboratoire après mise en suspension du guano dans de l’eau déminéralisée, selon la méthode utilisée en pédologie [Mulec et al., 2015]. pH at 25 °C from guanos of increasing age. Grottes d’Azé and de Blanot, France. Measures performed in laboratory after proceeding to suspension of guano in demineralized water, according to the pedology method. P. AUDRA, L. BARRIQUAND, J.-Y. BIGOT et al., L’impact méconnu des chauves-souris et du guano dans l’évolution morphologique tardive des cavernes KARSTOLOGIA n° 68, 2016 • 1-20 5 Mackingeny Caves, Kenya, la quantité d’eau ainsi rejetée a été estimée à 148 kg (rejet moyen de 5,24 g/jour et par individu), pendant une période de présence de 12 heures d’une colonie estimée à 28 250 chiroptères. Cette quantité est suffisante pour saturer en humidité 20 000 m3 d’air [Lundberg et McFarlane, 2015]. L’évaporation et la décomposition rapide par des bactéries de l’urine génèrent de l’ammoniac [McFarlane et al., 1995 ; James, 2013]. Figure 3 : Distribution des agents acides à partir des phases gazeuses et liquides. Distribution of acidic agents originating from liquid and gaseous phases. Colonie de chauves-souris Acide nitrique (urines) Acide carbonique + vapeur d’eau (respiration) C carbone H 2O (vapeur d’eau) N azote 4) Agents d’altération mécaniques Tas de guano S soufre P phosphore Figure 4 : Détail des griffes d’un Rhinolophus ferrumequinum accroché aux parois. Leur action mécanique participe à la désagrégation du calcaire altéré. Grottes de Blanot, Saôneet-Loire. Cliché D. Vergnaud. Detail of the claws of a Rhinolophus ferrumequinum hung to the wall. Their mechanical action participates to the disaggregation of the weathered limestone. Grottes de Blanot, France. La concentration en urée et ammoniaque est dépendante du régime alimentaire des chiroptères. L’urine des espèces insectivores est plus concentrée en urée et ammoniaque que les espèces fructivores [Studier et Wilson, 1983]. Ainsi l’air des grottes occupées par les grandes colonies de Tadarida brasiliensis au sud-ouest des États-Unis et au nord du Mexique, dont les populations peuvent excéder 10 millions d’individus, peut contenir entre 1 000 et 2 000 ppm d’ammoniac [Mizutani et al., 1992 ; McFarlane et al., 1995]. Il a été montré à Eagle Creek Cave, Arizona, que le taux d’ammoniac est dépendant de la présence ou non des chiroptères. Celui-ci augmente rapidement à l’arrivée de la colonie pour diminuer à nouveau quelques semaines après son départ. Acides sulfurique et phosphorique (contact guano / roche et concrétions) Pour s’accrocher aux parois des cavités, les chiroptères utilisent leurs griffes qu’ils positionnent dans des anfractuosités de la roche (figure 4). Si cette dernière est altérée, des fragments peuvent alors tomber. Des altérites (grains de quartz et fragments de calcaire) se mélangent alors au guano et se retrouvent plus tard associées aux niveaux phosphatés des remplissages karstiques [Shahack-Gross et al., 2004]. Il a été également observé de véritables pluies de sable lorsque des spéléologues dérangent de grandes colonies de chiroptères (observations au Vanuatu et au Gabon, B. et J. Lips, com. orale). B. Caractérisation de l’altération La partie sommitale d’une paroi où s’accrochent les chiroptères paraît peu altérée. Mais à quelques centimètres en dessous de celle-ci, une porosité importante apparaît. Le calcaire présente alors des micro-cupules et des sillons qui peuvent mesurer plusieurs centimètres Figure 5 : Altération des parois liée aux excréments de chauves-souris. Échelle à graduation centimétrique. À gauche : cupules et rigoles s’approfondissant vers le bas, grotte d’Azé, Saône-et-Loire. À droite : profondeur d’altération des parois liée aux excréments de chauves-souris, grottes de Blanot, Saône-etLoire. Cliché L. Barriquand. Weathering of walls made by bats excrements. Scale with centimetric graduation. Left: cupules and rills going deeper downwards, grotte d’Azé, France. Right: weathering depth of the walls made by bat excrements, grottes de Blanot, France. 6 P. AUDRA, L. BARRIQUAND, J.-Y. BIGOT et al., L’impact méconnu des chauves-souris et du guano dans l’évolution morphologique tardive des cavernes KARSTOLOGIA n° 68, 2016 • 1-20 de profondeur (figure 5). Une caractérisation physique de cette porosité par porosimétrie au mercure est actuellement en cours aux grottes d’Azé. En pied de paroi, les croûtes issues de l’altération de la paroi par le guano finissent par se décoller du substrat altéré. Ce dernier, du fait de son altération, se désagrège facilement. Ce phénomène laisse apparaître en hauteur la roche saine qui se trouve alors en retrait de plusieurs centimètres par rapport à la zone présentant encore les croûtes liées à l’altération (figure 6). C. Vitesse de retrait des parois La vitesse d’altération des roches liée aux déjections de chauves-souris est rapide. Un exemple est donné sur du grès par les importantes dégradations que connaît le temple d’Angkor Wat au Cambodge [Siedel et al., 2008]. La vitesse d’altération des parois et les retraits engendrés par celle-ci peut-être approchée par trois méthodes : la première consiste à modéliser les paramètres physico-chimiques et climatiques engendrés par la présence des chiroptères et également les caractéristiques de l’encaissant. Avec cette approche, la vitesse de retrait d’une paroi a été estimée en moyenne à environ 12,5 mm / ka, avec un maximum à 24 mm / ka (entre 1 m / 60 000 ans et 1 m / 100 000 ans) par Lundberg et McFarlane [2015]. Les mêmes auteurs estiment que les cloches (bell holes) cylindriques à chauves-souris (lmoy = 35 cm, hmoy = 62 cm) présentes dans Runaway Bay Caves, Jamaïque, ont ainsi été formées par condensation-corrosion en moins de 50 000 ans, soit des vitesses de « perforation » de l’ordre de 12 mm / ka, au moins [Lundberg et McFarlane, 2009]. Enfin, dans Gomantong Cave, Bornéo, une modélisation à partir des données microclimatiques et physiologiques des chauves-souris aboutit à des vitesses de retrait de l’ordre de 3 à 5 mm / ka, et jusqu’à 34 mm / ka dans les cas les plus favorables [Lundberg et McFarlane, 2012]. La deuxième approche consiste à mesurer le retrait sur des massifs stalagmitiques datés par la méthode des isotopes de l’uranium et du thorium. Cette méthode ne donne qu’une vitesse minimale du retrait, car elle suppose une vitesse moyenne et sans interruption des processus d’altération depuis la date calculée. En réalité, le processus est beaucoup plus rapide que ces valeurs de retrait calculées, puisqu’il se déroule seulement pendant une partie de la période considérée, et à des rythmes qu’on peut supposer variables. Dans la grotte préhistorique d’Azé, un plancher stalagmitique a fermé la cavité à 60 m de son entrée. Celui-ci a fait l’objet de plusieurs datations et Figure 6 : Retrait de la paroi par désagrégation sous l’effet de la corrosion par le guano, les reliques des croûtes de phosphates en pied de paroi attestent d’un retrait de plusieurs centimètres. À gauche : grotta Palombara, Sicile. Cliché D. Cailhol. À droite : grotta dei Personaggi, Sicile. Cliché J.-Y. Bigot. Wall retreat by disaggregation from guano corrosion. Rests of phosphate crusts at the foot of the walls show a retreat of several centimeters. Left: grotta Palombara, Sicilia. Right: grotta dei Personaggi, Sicilia. Figure 7 : Coulée de calcite altérée par les excréments de chiroptères en moins de 10 000 ans, grotte d’Azé, Saôneet-Loire. Échelle à graduation centimétrique. Cliché L. Barriquand. Par datation des parties non corrodées à proximité, la vitesse de retrait de la surface est estimée à environ 5 mm / ka. Flowstone weathered by bat excrements in less than 10 000 years grotte d’Azé, France. Scale with centimetric graduation. Dating of non-weathered zones located close yielded a wall retreat velocity of about 5 mm / ka. P. AUDRA, L. BARRIQUAND, J.-Y. BIGOT et al., L’impact méconnu des chauves-souris et du guano dans l’évolution morphologique tardive des cavernes KARSTOLOGIA n° 68, 2016 • 1-20 7 Retrait 6 cm Figure 8 : Lambeau de calcite en piédestal ayant protégé l’encaissant de la corrosion, grotte de Julio, Hérault. Le plafond est altéré en boxwork. Cliché M. Renda. Calcite remnant in pedestal that protected the host rock from corrosion, grotte de Julio, France. Ceiling is weathered as boxwork. Figure 9 : Massif stalagmitique partiellement exhumé d’un cône de guano, grotte de la Lare, Alpes-de-Haute-Provence. Les formes adoucies sont typiques de la crypto-corrosion, les pinacles attestent de l’intense corrosion de la concrétion. Cliché J.-Y. Bigot. Stalagmite partly exhumed from a guano cone, grotte de la Lare, France. Softened shapes are typical of crypto-corrosion ; the calcite pinnacles remaining from the stalagmite show the intensity of the corrosion. sa partie sommitale est datée à 10,3 (± 0,4) ka [Barriquand et al., 2006]. La profondeur d’altération d’une coulée de calcite qui se trouve à quelques centimètres du prélèvement daté est d’environ 5 cm (figure 7). À partir de ces données nous pouvons donc établir une vitesse de retrait d’environ 5 mm / ka. La troisième méthode consiste à dater des spéléothèmes apparaissant en piédestal, qui ont protégé les parois de l’altération, et de mesurer le recul que celles-ci ont connu, juste à côté du spéléothème (figure 8). Des datations U/Th sont en cours, afin d’approximer les vitesses moyennes de recul de paroi. Une approche similaire réalisée sur des concrétions altérées, en datant le cerne sain le plus externe a donné des vitesses de retrait de l’ordre de 0,4 mm / ka [Auler et Smart, 2009]. Dans la grotte du Chameau, au Maroc, la datation à 100 ka d’un piédestal en relief de 10 cm, donne une vitesse de retrait minimale de l’ordre de 1 mm / ka (Audra, non publié). D’autres sites sont en cours de datation. Stalagmite en pinacles, exhumée après crypto-corrosion sous le guano III. Les morphologies de corrosion associées aux chauves-souris et au guano La corrosion associée au guano, qu’elle soit directe sous l’effet des percolations acides ou indirecte sous l’effet de convection gazeuses corrosives, produit des formes variées. Certaines sont très similaires à celles engendrées par des processus complètement différents, notamment l’écoulement noyé, d’autres au contraire sont typiques de la corrosion sous l’influence du guano. Trois processus mettent en œuvre les produits acides dérivés de la présence des chauves-souris et du guano : la condensation-corrosion, le ruissellement et la crypto-corrosion. La condensation-corrosion se produit lorsque l’air de la cavité est plus chaud que l’encaissant rocheux, ce qui est le cas presque systématiquement au plafond des conduits. Ce phénomène courant et généralement peu efficace se voit considérablement renforcé par les courants d’air apportant de l’air extérieur chaud et humide, par la chaleur et l’humidité dégagées par les colonies de chauves-souris suspendues au plafond, et par les réactions exothermiques de minéralisation du guano. Le film d’eau de condensation constitué sur la paroi s’équilibre avec le CO2 atmosphérique et éventuellement d’autres acides (sulfurique, nitrique), et devient corrosif vis-à-vis de l’encaissant qui s’altère. Sur la partie haute des parois, le cumul de l’eau de condensation produit un fil d’eau qui ruisselle le long des parois et s’égoutte sous les larmiers. L’effet corrosif est similaire. Enfin, la crypto-corrosion agit sur le substrat rocheux couvert par des amas de guano humide qui diffusent l’agressivité produite par la minéralisation du guano (acide phosphorique principalement, mais aussi sulfurique, et probablement nitrique ; l’acide carbonique des percolations agit également). A. Formes de crypto-corrosion sous guano À l’image des lapiaz de crypto-corrosion enfouis sous des sols, une corrosion diffuse s’exerce sous les accumulations de guano acide, donnant des formes régulières et des parois adoucies. 1) Lapiaz de crypto-corrosion et abaissement du sol Lorsque la roche est couverte de guano, la corrosion agit de manière diffuse au contact guano / roche. Les formes sont adoucies, mais elles peuvent se présenter en pinacles lorsque les lames ont été considérablement amincies (figure 9). Des formes similaires, plus spectaculaires, sont connues dans les grottes de Mulu, Malaisie. Le contact du guano corrosif attaque le substrat rocheux, qui s’abaisse 8 P. AUDRA, L. BARRIQUAND, J.-Y. BIGOT et al., L’impact méconnu des chauves-souris et du guano dans l’évolution morphologique tardive des cavernes KARSTOLOGIA n° 68, 2016 • 1-20 progressivement. Dans la grotte d’Isturitz, Pyrénées-Atlantiques, le grand pilier a joué un rôle protecteur : le sol s’est abaissé de 1 à 2 m, tandis que la roche sous le pilier a été protégée. Il apparaît perché sur un piédestal de 1 à 2 m de hauteur, attestant de l’ampleur de la corrosion au sol, qui serait de l’ordre de 20 à 40 mm / ka, si l’on se réfère à l’âge du sédiment et du guano (figure 10). 2) Lapiaz de guano Lorsque les dépôts de guano sont en hauteur sur des margelles, l’humidité percole au travers ruisselle sur la roche sous-jacente, formant de profondes rigoles de corrosion, assimilables à des lapiaz de ruissellement (figure 11). Plafond ancien Calcite Roche Pilier 1 Guano 2 3) Tines à guano À l’aplomb des zones d’accrochage des chauves-souris, on trouve des creux cylindriques que nous appelons « tines à guano » (tinajitas à Cuba, guano pot holes en anglais). Leur section est grossièrement circulaire, avec des parois verticales formant un cylindre se refermant en pointe d’obus arrondie (figure 12). Elles se développent sur les blocs rocheux, dans l’encaissant calcaire, et le plus souvent sur des dômes de calcite présents à l’aplomb des stalactites où les chauves-souris s’accrochent. Si le substrat est incliné, elles peuvent être égueulées. Elles sont souvent enduites d’une auréole de phosphates (hydroxylapatite) issus de l’altération de la calcite par le guano. Les tines sont souvent garnies d’un cône de crottes sèches, tandis que le fond est composé de guano humide décomposé noir, mélangé à une pâte blanche phosphatée issue de l’altération de la calcite. La corrosion s’effectue par crypto-corrosion au fond du culot acide de 3 Abaissement du sol : 2 m (≈ 20-40 mm / ka) guano humide, qui progresse en profondeur et aboutit à la forme cylindrique. Dans la grotte de Cabrespine, Aude, la stalactite surplombant la tine ne permet que l’accroche d’un individu unique. La tine est donc liée à l’effet d’une seule chauve-souris à la fois, ce qui atteste de la puissance de la corrosion, même s’il est probable que plusieurs générations se sont succédé sur un temps long. En zone tropicale, les excrétas des chauves-souris hématophages sont encore plus corrosifs. Les vampires d’Amérique du Guano Piédestal rocheux Sol ancien Sol actuel Figure 10 : Évolution du Grand Pilier de la Grande Salle dans la grotte d’Isturitz, Pyrénées-Atlantiques. Cliché J.-Y. Bigot. Le pilier a protégé le sol calcaire, il est désormais perché sur un piédestal de 1 à 2 m de hauteur, exhumé par l’exploitation du guano. Les vestiges archéologiques permettent d’estimer la vitesse d’abaissement du sol à environ 20-40 mm/ka. Evolution of the Great Pillar in Great Chamber, grotte d’Isturitz, France. The limestone floor has been protected by the pillar, which is now perched on a 1 to 2 m high pedestal, exhumed after guano mining. Archeologic remains allow estimating the floor lowering velocity at about 20-40 mm/ka. Suintements co r r o s i fs 10 cm Figure 11 : Lapiaz de guano avec rigoles de corrosion, développé par les ruissellements en contrebas d’une accumulation de guano, grotta dei Personaggini, Sicile. Cliché J.-Y. Bigot. Guano karren with corrosion rills made by acidic runoff down to a guano accumulation, grotta dei Personaggini, Sicilia. P. AUDRA, L. BARRIQUAND, J.-Y. BIGOT et al., L’impact méconnu des chauves-souris et du guano dans l’évolution morphologique tardive des cavernes KARSTOLOGIA n° 68, 2016 • 1-20 9 G uano Chauve souris G uano Culot Figure 12 : Tines à guano égueulées encastrées dans des coulées de calcite. À gauche : enduit de phosphates et tines se déversant les unes dans les autres, grotte de la Lare, Alpes-de-Haute-Provence. Cliché J.-Y. Bigot. Au centre gauche : suintements de guano teintant la coulée sous-jacente, grotte de Cabrespine, Aude. Cliché É. Fabre. Au centre droit : schéma de l’approfondissement d’une tine par corrosion à la base du culot de guano acide qui corrode l’encaissant carbonaté. À droite : les excrétas liquides très corrosifs des vampires hématophages sont à l’origine de fosses de dissolution, creusées dans les planchers stalagmitiques et les remplissages, cueva del Gallito de Rocas de Palestina, Pérou. Cliché J.-Y. Bigot. Opened guano pits in a calcite flowstone. Left: phosphate crusts and successive guano pits, grotte de la Lare, France. Center left: guano dripping staining a flowstone, grotte de Cabrespine, France. Center right: diagram of the deepening of a guano pot by crypto-corrosion at the base of the acidic guano accumulation that corrodes the carbonated rock. Right: the very corrosive liquid excreta of hematophagous vampires make dissolution pits in the calcite floor, Cueva del Gallito de Rocas de Palestina, Peru. Sud sont à l’origine de fosses de 1 à 2 m de profondeur au pied des coupoles [Bigot et Guyot, 2014 ; figure 12]. B. Formes de paroi et de plafond liées aux convections agressives En hauteur, parois et plafonds ne sont pas soumis directement aux fluides corrosifs percolant du guano. En revanche, les convections d’air provoquent de la condensation sur ces parois hautes relativement froides, qui combinée au CO2 et autres substances acides émanant des chauves-souris, corrodent les parois de manière uniforme. phénomène récent, toujours actif. Une corrosion par ennoyage est totalement exclue, les blocs à l’écart des convections sont encore anguleux, ainsi que la base des blocs. La proximité d’épaisses accumulations de guano en contrebas, la position de la trémie tout en haut d’une salle inclinée, atteste l’effet exclusif des convections corrosives. Ce site est remarquable, car il présente un cas incontestable où tout autre processus concurrent est exclu ; il démontre la puissance de la condensation-corrosion par les convections agressives au-dessus des accumulations de guano. 3) Niches et encoches de parois 1) Aspect lisse et uniforme des parois L’aspect parfaitement lisse des parois évoque faussement une corrosion de type phréatique. Cet aspect est effectivement lié à la circulation d’un fluide, mais qui est ici l’air, animé par des convections. Sous l’effet de la condensation, la corrosion se diffuse de manière uniforme, rabotant indifféremment la paroi qui présente un aspect lisse (figure 13). Les massifs stalagmitiques sont réduits à des figures géométriques simplifiées et massives, ultimement en « meule de foin ». Des structures hétérogènes comme les brèches sont tranchées net, y compris les éléments paléontologiques phosphatés comme les ossements et même l’émail des dents. Seuls les éléments les moins corrodables (gros fossiles de calcite, insolubles de l’encaissant comme les silex) dépassent de la paroi et attestent de son retrait. 2) Blocs d’éboulis émoussés Dans la grotta Palombara, Sicile, un éboulis (trémie) a fourni des blocs, dont la partie superficielle est émoussée par la condensation-corrosion (figure 14). Si le plafond, également lissé, pourrait être attribué aux vestiges de la phase noyée initiale, les blocs – initialement anguleux – témoignent d’un 10 10 cm Les niches et encoches de paroi relèvent du même processus de condensation-corrosion en présence de chauves-souris, guidé par les convections d’air (figure 15). La fissuration est exploitée par la corrosion, donnant des hiéroglyphes de paroi. Parfois, le phénomène de ruissellement de condensation est important au point de générer une rigole qui recueille et canalise les eaux de condensation. Lorsqu’elles sont suffisamment profondes, les niches peuvent ensuite abriter des essaims de chauvessouris et évoluent en biocoupoles (infra). La condensation-corrosion renforcée par la présence de chauves-souris produit un recul généralisé des parois. Lorsque le sol est composé de matériaux insolubles (argiles, phosphates), seule la paroi au-dessus du sol recule, alors que la paroi enfouie demeure fossilisée sous le dépôt, à l’image des banquettes-limites dans les conduits paragénétiques. L’encoche se présente sous la forme d’un trottoir rocheux passant sans transition au remplissage. 4) Trous de stillation Lorsque les ruissellements de condensation se concentrent, ils s’écoulent goutte-à-goutte à partir de larmiers et tombent au sol. Chargés d’acides, ils sont extrêmement corrosifs. Ils P. AUDRA, L. BARRIQUAND, J.-Y. BIGOT et al., L’impact méconnu des chauves-souris et du guano dans l’évolution morphologique tardive des cavernes KARSTOLOGIA n° 68, 2016 • 1-20 percent littéralement le sol rocheux et les blocs de trous de stillation, larges de quelques centimètres, mais profonds parfois jusqu’à 1 m. Les parois de ces trous de stillation sont lisses, parfaitement cylindriques, se rétrécissent faiblement vers le bas en cône inversé (figure 16). Au même titre que les trous de stillation produits en atmosphère ultra-acide chargée de CO2 ou d’H2S [Audra, 2007], ils illustrent la puissance des substances corrosives issues du guano. 5) Niches des piliers et massifs stalagmitiques Les niches de parois peuvent se développer dans la roche calcaire ou dans la calcite. Certains piliers stalagmitiques sont spectaculairement sculptés de niches sur toute leur hauteur. La morphologie initiale des stalagmites conditionne l’évolution des formes. Ainsi, une forme massive générera des morphologies en meule de foin conditionnée par la corrosion sous un voile de guano (figure 17). En revanche, des formes effilées comme les piliers ou stalagmites, qui présentent des surfaces plus verticales, évolueront en niches sous l’effet des convections d’air corrosif [Bigot, 2014 ; figure 18]. Une évolution longue aura pour effet d’amincir les piliers stalagmitiques les plus massifs et de faire disparaître les concrétions Plafond lissé G uano de taille plus réduite. Dans la grotte d’Isturitz, Pyrénées-Atlantiques, seul le Grand Pilier subsiste, la plupart des autres concrétions ont disparu, ne laissant en témoin que des placages résiduels, ou des concrétions récentes (figure 10). Ce pilier rejoignait vraisemblablement le plafond, mais la partie sommitale a complètement disparu. En effet, le plafond a perdu une bonne épaisseur de roche et de concrétionnement, seules quelques petites stalactites récentes s’accrochent sur une surface nue et corrodée. Les coulées stalagmitiques qui recouvraient les parois de la galerie ont disparu pour ne laisser que des lambeaux dans lesquels on peut voir les cernes de croissance de la calcite. De nombreux exemples de piliers ainsi sculptés ont été identifiés dans les grottes à accumulations importantes de guano : grotte de la Grosse Marguerite dans le Gard, Slaughter Canyon Cave au Nouveau Mexique [Bigot, 2014], Baradla Cave en Hongrie ou au Pérou [Bigot et Guyot, 2014]… C. Traces laissées par les essaims de chauves-souris 1) Les traînées sombres Certaines coupoles, mêmes abandonnées depuis longtemps, présentent des coulées sombres descendant le long des parois. Ces Figure 13 : Rabotage par la condensation-corrosion en présence de guano. À gauche : parois et plafonds lissés par la condensation-corrosion, plancher corrodé par les dépôts de guano aujourd’hui disparus, grotte de l’Hortus, Hérault. Au centre : encaissant calcaire et cristaux de calcite recoupés indifféremment. Le concrétionnement postérieur qui recouvre partiellement la roche rabotée par la condensation-corrosion est également fortement corrodé, grotte d’Azé, Saône-et-Loire. Clichés J.-Y. Bigot. À droite : concrétion conique en « meule de foin » réduite par la présence des chauves-souris, grotte de Saint-Marcel, Ardèche. Cliché L. Mocochain. Smoothing by condensationcorrosion in the presence of guano. Left: smoothed walls and ceilings, calcite floor corroded by guano now eroded, grotte de l’Hortus, France. Center: limestone host rock and calcite crystals are both cut. The recent calcite deposit which partly covers the corroded rock is also strongly corroded, grotte d’Azé, France. Right: conical stalagmite in « haystack » reduced by the presence of bats, grotte de Saint-Marcel, France. Blocs émoussés Condensationcorrosion Blocs anguleux Figure 14 : Blocs issus d’un éboulis (trémie), émoussés par la condensation-corrosion actuelle sous l’effet des convections associées au guano, grotta Palombara, Sicile. Plus les blocs sont localisés vers le haut, plus ils sont émoussés. Cliché D. Cailhol. Block from a collapse, smoothed by active condensation-corrosion made by air convections associated to guano, grotta Palombara, Sicilia. The higher the blocks are, the smoother they are. P. AUDRA, L. BARRIQUAND, J.-Y. BIGOT et al., L’impact méconnu des chauves-souris et du guano dans l’évolution morphologique tardive des cavernes KARSTOLOGIA n° 68, 2016 • 1-20 11 Co u p o l e Hiéroglyphes Co n d e n s a t i o n co r r o s i o n Co n d e n s a t i o n co r r o s i o n Guano Recul de paroi 1,7 m Croûte de p hosphates Pe t i t rh i n o l o p h e Ch e n a l d e co r r o s i o n Niches de paroi G uano ré ce nt Figure 15 : Niches de parois et encoches formées par les convections d’air produisant de la condensationcorrosion en présence de chauvessouris. À gauche : niches en pied de paroi au-dessus de guano ancien et frais, un petit rhinolophe est visible en haut de la niche centrale, grotte de Saint-Marcel, Ardèche. Cliché Cailhol. Au centre : sous une grande coupole de plafond, du guano est accumulé à la base de la niche. Les percolations de condensation produites au sommet de la coupole se collectent dans un chenal de corrosion après avoir traversé le guano acide. Les percolations du chenal s’égouttent ensuite et forment un trou de stillation, grotte de Saint-Marcel, Ardèche.Cliché D. Cailhol. À droite : encoche de pied de paroi produite par condensation-corrosion, la croûte de phosphates insolubles a préservé la position initiale de la paroi, cas extrême de recul de paroi ici jusqu’à 1 m 70, grotte du Chameau, Maroc. Cliché M. Renda. Wall niches and notches made by air convections making condensationcorrosion, in presence of bats. Left: niches at the foot of the wall above fresh and old guano deposits, a small rhinolophus is visible on top of the central niche, grotte de Saint-Marcel, France. Center: below a large ceiling cupola, some guano accumulated at the base of the niche. Condensation dripping produced on top of the cupola are collected in the corrosion channel after crossing acidic guano. Eventually, the acidic dripping makes a dripping hole, grotte de SaintMarcel, France. Right : foot notch made by condensation-corrosion, the insoluble phosphate crust preserved the initial position of the wall, extreme case of wall retreat reaching here up to 1.70 m, grotte du Chameau, Morocco. 12 1m E n co c h e Tro u d e stillation 1m coulées suivent la ligne de plus grande pente, y compris les surplombs, et tendent à s’élargir vers le bas. Parfois la coulée s’interrompt par un larmier naturel (stalactite ou pendant rocheux). L’aspect sombre correspond à la roche décapée ou mise à nu, contrastant avec les parois environnantes recouvertes de calcite ou de calcaire altéré blanchâtre, qui peuvent recouvrir partiellement la coulée lorsque l’abandon est ancien (figure 19). Ces observations démontrent que la présence des chauves-souris est un processus concurrent à l’évolution des parois par altération diffuse et recouvrement par un voile de calcite. L’origine de ces coulées sombres est liée à un flux gravitaire diffus, s’écoulant par capillarité (y compris sous les surplombs). L’humidité résulte de la condensation produite par l’essaim, à laquelle s’ajoutent les excrétas qui en renforcent l’agressivité. L’urine est assurément présente (figure 2) ; les déjections solides possiblement, qui seraient alors à l’origine des coulées brunes d’apatite (figure 23). Ces traînées sombres permettent d’identifier les anciens essaims, même en l’absence des croûtes de phosphates noires caractéristiques. Bas Figure 16 : Trous de stillation formés par les percolations rendues ultra-corrosives par les acides provenant du guano, grotta Monello, Sicile. À gauche : trous de stillation perforant un bord de bloc, le trou de gauche atteint près de 1 m de profondeur et traverse le bloc. À droite : modèle 3D d’un trou de stillation perçant un bloc fragmenté en deux morceaux. Les parois du trou sont lisses, de section parfaitement cylindrique et encroûtées de calcite. Cliché et image 3D, D. Cailhol. Dripping holes made by acidic dripping coming from guano, grotta Monello, Sicilia. Left: the dripping holes pierce the edge of a block, the left dripping hole is almost 1 m-deep and entirely crosses the block. Right: 3D model of a dripping hole broken in two pieces. The lining is smooth, perfectly cylindrical, and encrusted by calcite. P. AUDRA, L. BARRIQUAND, J.-Y. BIGOT et al., L’impact méconnu des chauves-souris et du guano dans l’évolution morphologique tardive des cavernes KARSTOLOGIA n° 68, 2016 • 1-20 2) La corrosion différentielle La corrosion par les écoulements noyés lents laisse en relief les éléments plus résistants à la corrosion, telles les veines et filons de calcite dont les cristaux sont plus gros. La corrosion par le suintement des eaux de condensation produit les mêmes effets de corrosion différentielle et laisse en relief les parties plus résistantes. Au contraire, la condensation-corrosion dans les coupoles ou les niches corrode d’une manière uniforme et tranche sans distinction les cristaux de calcite et le calcaire. Dans la grotte d’Azé, Saône-et-Loire, les parois présentent de fines arêtes de calcaire, en relief de quelques millimètres par rapport au fond de la paroi. Ces arêtes sont verticales et correspondent à des bandes-témoins du retrait de la paroi calcaire, qui ont été protégées par du concrétionnement (petites draperies). Les eaux corrosives de condensation dissolvent plus lentement la calcite que le calcaire. Le phénomène, apparemment toujours actif, est bien visible en éclairage rasant (figure 20). On en déduit que le concrétionnement n’a jamais cessé de recouvrir les parois, et qu’il est indépendant du flux migratoire des chauves-souris dans la grotte. Ainsi, une présence durable et assidue de chiroptères aura pour conséquence de faire reculer la calcite ; à l’inverse, une absence favorisera le développement du concrétionnement. D. Les cloches et coupoles d’origine biologique Les coupoles sont des formes classiques des grottes épigènes creusées en régime noyé ou épinoyé. Ces coupoles « phréatiques » présentent parfois des cernes noirs qui attestent la présence de débris végétaux, d’air, ou de CO2, piégés lors des crues par la montée des eaux (figure 21). Les coupoles phréatiques diffèrent des coupoles sphériques emboîtées de condensation-corrosion que l’on trouve dans les cavités hypogènes [Audra et Palmer, 2015]. Quant aux coupoles d’origine biolo- Co r r o s i o n p a r cont a c t g u a no - c a l c i te ( é vo l u t i o n u n i f o r m e d e l a s u r f a ce ex p o s é e ) Figure 17 : Évolution différentiée des morphologies des concrétions stalagmitiques Forme massive sans développement de niches dans une cavité occupée par les chauves-souris. Les concrétions massives évoluent en meule de 1 m foin par crypto-corrosion sous un voile de guano ; les stalagmites élancées sont sculptées de niches sur toute leur hauteur par combinaison de la Forme en Forme en crypto-corrosion et de la "Meule de foin" "Pilier scupté condensation-corrosion. de niches" Different morphological evolutions of stalagmites in caves used by bats. The gique façonnées par la présence d’essaims de massive stalagmites evolve chauves-souris favorisant la condensation-cortowards a “haystack” shape by rosion (supra), plusieurs critères permettent de crypto-corrosion under a thin coating of guano ; the slender les différencier. Par nécessité descriptive et en stalagmites are entirely carved conformité avec la terminologie anglo-saxonne, by niches originating from the nous distinguons les coupoles (cupolas), plus combination of crypto-corrosion larges que hautes et en forme de verre de and condensation-corrosion. Développement des niches (condensation- corrosion) montre, des cloches (bell holes), hautes et étroites et de forme cylindrique terminée en ogive arrondie (figures 22 et 23). Il se pourrait que les grandes coupoles soient la conséquence de colonies très nombreuses, tandis que les petites cloches soient associées à des colonies plus modestes. Parfois, des cloches s’emboîtent dans des coupoles allongées (figure 23). Les coupoles biologiques ayant abrité des essaims sont aisément identifiables grâce aux traces brunes ou noires laissées le long des parois par l’écoulement de leur excrétas (idem). Les analyses minéralogiques révèlent qu’il s’agit systématiquement de croûtes de phosphates (hydroxylapatite), formées à partir de l’urine et du guano réagissant avec l’encaissant calcaire [Audra et al., 2018]. IV. Les croûtes de paragenèses minérales, dépôts associés à la présence des chauves-souris Les accumulations de guano sont bien connues pour être à l’origine de phosphates. 2,5 m 4 m Co n d e n s a t i o n - co r r o s i o n ( é vo l u t i o n p a r l e h a u t ) Pi l i e r stalagmitique scupté de niches Croûte d ’a p a t i te Figure 18 : Piliers stalagmitiques sculptés de niches. À gauche : formation des niches par combinaison de la condensationcorrosion sous les parties hautes surplombantes, et de la crypto-corrosion sur les parties basses où un voile de guano peut s’accumuler. Au centre : stalagmite sculptée de niches, Slaughter Canyon Cave, États-Unis. On distingue nettement en haut des niches la partie claire sculptée par les convections corrosives, et la base peu inclinée permettant l’accumulation d’un voile de guano. Cliché J.-C. Nobécourt. À droite : les niches sont profondément encastrées ne laissant qu’un aspect squelettique de la coulée originelle, grotte du Chameau, Maroc. Cliché Ph. Audra. Stalagmite pillar carved by niches. Left: development of niches by combination of condensation-corrosion in the overhanging parts, and by crypto-corrosion on the lower parts where a thin coating of guano can accumulate. Center: pillar carved by niches, Slaughter Canyon Cave, USA. The light upper part of the niches carved by corrosive convections is clearly visible, whereas the darker base is gently inclined allowing the accumulation of a thin guano coating. Right: the niches are deeply incised, only living a skeletal flowstone, Grotte du Chameau, Morocco. P. AUDRA, L. BARRIQUAND, J.-Y. BIGOT et al., L’impact méconnu des chauves-souris et du guano dans l’évolution morphologique tardive des cavernes KARSTOLOGIA n° 68, 2016 • 1-20 13 généralement pas des dépôts caractérisés du point de vue morphologique. A. Les encroûtements phosphatés Figure 19 : Traînée sombre (roche à nu) produite par les écoulements corrosifs émanant d’un ancien essaim de chauvessouris dans une coupole, grotte d’Isturitz, Pyrénées-Atlantiques. Cliché J.-Y. Bigot. Dark trickle (bare rock) made by corrosive seepage originating from a bat colony located in a cupola, grotte d’Isturitz, France. Ces minéraux extrêmement variés (> 100), certains très rares, résultent de l’interaction complexe des lixiviats issus du guano avec la roche généralement calcaire, et les sédiments [Hill et Forti, 1997 ; Onac et Forti, 2011 et références incluses ; Audra et al., 2018]. Hormis ces phosphates, les autres classes de minéraux associés au guano constituant des amas macroscopiques sous forme de croûtes sont les sulfates, avec principalement le gypse. En conditions particulièrement sèches seront présents les nitrates (le fameux salpêtre), et plus rarement les minéraux organiques telle l’urée [Audra et al., 2017]. Nous n’évoquerons pas ces deux dernières classes qui ne constituent Les croûtes de phosphates sont des dépôts courants recouvrant une partie des parois des cavités contenant ou ayant contenu des guanos anciens. Ce sont ces croûtes qui étaient recherchées par les phosphatiers. Pour l’anecdote, les autres dépôts meubles – de très faible concentration – étaient généralement mélangés et vendus également pour des phosphates, ce qui relevait assurément de l’escroquerie sur la marchandise. Ces croûtes sont épaisses parfois de plusieurs centimètres, de couleur blanchâtre, grise, brun clair ou foncé, avec plus rarement des teintes rosâtres ou verdâtres. Elles se disposent en contrebas des accumulations des margelles recouvertes du guano qui a fourni les lixiviats acides. Ces produits corrosifs réagissent avec l’encaissant calcaire, lequel est systématiquement altéré au contact des croûtes phosphatées (figure 24). Des stalactites et coulées d’aspect similaire peuvent se former sous les surplombs ; elles présentent des laminations comparables aux concrétions de calcite. D’un point de vue minéralogique, il s’agit quasi-systématiquement d’hydroxylapatite, les autres minéraux n’étant présents qu’à l’état de traces. Dans bien des cas, lorsque les grottes ont été abandonnées par les chauves-souris depuis longtemps et que le guano a été érodé par les ruissellements, ces croûtes de phosphates quasi-insolubles sont les seuls témoignages de colonies importantes du passé. Elles sont généralement associées aux morphologies décrites dans cet article, Figure 20 : Les draperies et filets de calcite protègent un temps la paroi de la condensation-corrosion. Les bandes verticales de calcaire en relief attestent le retrait de la paroi, sous l’effet des suintements corrosifs, grotte d’Azé, Saône-et-Loire. Clichés J.-Y. Bigot. The calcite curtains and lines are temporarily protecting the wall from condensation-corrosion. The vertical stripes of limestone show the wall retreat originating from corrosive seepage, grotte d’Azé, France. 14 P. AUDRA, L. BARRIQUAND, J.-Y. BIGOT et al., L’impact méconnu des chauves-souris et du guano dans l’évolution morphologique tardive des cavernes KARSTOLOGIA n° 68, 2016 • 1-20 notamment les concrétions puissamment corrodées. B. Les encroûtements de gypse Le gypse est un minéral fréquemment associé au guano [Martini, 1993], présent sous forme d’efflorescences et de croûtes noduleuses jaune et orange sur les tas de guano. En conditions arides où l’humidité est restreinte, le tas de guano peut se transformer intégralement en gypse cotonneux ayant la consistance de barbe à papa dorée [Martini et Kavalieris, 1978, figure 25 à droite]. Dans les cavités où le guano est plus ancien ou a complètement disparu, le gypse peut former des croûtes épaisses de plusieurs millimètres recouvrant les blocs au sol. Très soluble, il ne peut persister que dans les zones très sèches ou en position d’abri par rapport aux percolations, comme dans les grottes de Sirach, Pyrénées-Orientales, ou d’Isturitz, Pyrénées-Atlantiques (figure 25 à gauche). Ces sulfates se forment à partir des solutions d’acide sulfurique issues du guano en cours de minéralisation, qui réagissent avec les percolations chargées de carbonates en solution. Figure 21 : Coupole comportant un cerne noir dû aux débris organiques transportés par les pertes de l’Ardèche, grotte de Saint-Marcel, Ardèche. Il s’agit d’une coupole « classique » de type phréatique. Cliché J.-Y. Bigot. Cupola with a black rings originating from organic debris brought through river sinkholes, grotte de Saint-Marcel, France. It corresponds to a “classical” cupola, of phreatic origin. Cloches profondes V. Discussion : morphologies diagnostiques et expansion des conduits Coupoles larges A. Les cloches verticales indépendantes de la fracturation, diagnostiques de la corrosion par les chauves-souris Une question fondamentale est d’attribuer une forme à un processus, question délicate s’il en est dès lors que bien souvent plusieurs processus convergent vers des formes similaires, qu’il s’agit alors de différencier par des critères incontestables. Pour les coupoles, il s’agit d’une part d’identifier les coupoles d’origine intégralement biologique, façonnées Grotte d'Azé Grotte d'Isturitz Figure 22 : À gauche : cloches (bell holes), de forme cylindrique haute et étroite, exemple de la grotte d’Azé, Saône-et-Loire. À droite : coupoles (cupolas), en verre de montre plus larges que hautes, exemple de la grotte d’Isturitz, Pyrénées-Atlantiques, dont les coupoles évoquent la taille des colonies de chauves-souris. Left: bell holes with deep and narrow cylindrical shape, grotte d’Azé, France. Right: wide and shallow cupolas, which width could be related to the size of the bat colony, grotte d’Isturitz, France. Figure23 : Cloches cylindriques d’origine biologique, avec traces de coulées brunes ou noires de phosphates (apatite) provenant des excrétas des chauves-souris. Le plafond soumis à une condensation-corrosion intense est dépourvu de coulées et d’enduits de calcite, qui n’apparaissent que plus bas. À gauche : grotte de la Grosse Marguerite, Gard. 2ème photo à partir de la gauche : cloches emboîtées dans une coupole allongée, grotte d’Isturitz, Pyrénées-Atlantiques. Clichés J.-Y. Bigot. Deux photos de droite : cloches cylindriques biogéniques typiques des cavités de Madagascar, le personnage entouré donne l’échelle. Clichés O. Grunewald. Biological bell holes with phosphate brown or black trickles originating from bat excreta. Intense condensation-corrosion occurs on the ceiling of the bell holes, which lacks of dark trickles and calcite coating that only appear downwards. Left: grotte de la Grosse Marguerite, France. Second from the left: interlocked bell holes in an elliptical cupola, grotte d’Isturitz, France. Two right pictures: biological bell holes typical from Madagascar caves ; encircled person for scale. P. AUDRA, L. BARRIQUAND, J.-Y. BIGOT et al., L’impact méconnu des chauves-souris et du guano dans l’évolution morphologique tardive des cavernes KARSTOLOGIA n° 68, 2016 • 1-20 15 Figure 24 : Croûte de phosphate (hydroxylapatite) recouvrant un bloc de calcaire dont la surface de contact est altérée. Échelle centimétrique, grotta Monello, Sicile. Clichés. J.-Y. Bigot. Phosphate crust (hydroxylapatite) covering a limestone block, which surface is weathered. Centimetric scale, grotta Monello, Sicilia. Figure 25 : À gauche : croûte de gypse recouvrant un bloc de calcaire émoussé par l’altération, protégé de la dissolution par le recouvrement d’un autre bloc. Du guano ancien est visible au sol, grotte d’Isturitz, Pyrénées-Atlantiques. Cliché J.-Y. Bigot. À droite : cône de guano entièrement transformé en gypse ayant l’aspect de barbe à papa dorée, du fait des conditions particulièrement sèches, grotte du Chameau, Maroc. Cliché M. Renda. Left: a weathered limestone block is covered by a gypsum crust, which has been protected from dissolution by another covering block. Some old guano is visible on the ground, grotte d’Isturitz, France. Right: guano heap entirely transformed in gypsum like golden candy-floss grotte du Chameau, Morocco. 16 par les essaims de chauves-souris, et d’autre part de pouvoir exclure une origine autre (phréatique), où les chauves-souris n’auraient été que des hôtes opportunistes sans effet morphogénique. Les exemples incontestables ne sont pas fréquents, dans la plupart des cas il est impossible d’attester qu’il n’a pas existé au préalable de coupoles phréatiques que les chauves-souris n’auraient fait que retoucher. Dans les exemples suivants, plusieurs arguments permettent d’exclure une origine phréatique préalable, prouvant qu’elles sont postérieures au stade noyé initial, et excluant toute phase de mise en charge tardive. Dans la grotte d’Isturitz, Pyrénées-Atlantiques, les coupoles sont creusées dans l’encaissant calcaire, mais celles situées dans la Grande Salle sont creusées dans une brèche formée par l’effondrement tardif d’une entrée. Elles ne peuvent donc pas être d’origine phréatique. De nombreux sites montrent des coupoles recoupant à la fois l’encaissant calcaire et d’anciens édifices de calcite, dans un contexte excluant un ennoyage postérieur au concrétionnement, comme à la grotte d’Azé, Saône-et-Loire (figure 13) ou dans les flank margin caves des Caraïbes [Lundberg et McFarlane, 2009]. Dans ce dernier cas, la surrection constante marquée par les niveaux de cavités permet d’exclure totalement un ennoyage par remontée du niveau marin. Dans la grotte d’Azé encore, un bouchon de calcite a refermé le conduit à 60 m de l’entrée. La grotte est connue pour ses gisements paléontologiques d’ours. En amont du bouchon, la biochronologie date les ours du Pléistocène moyen récent [Barriquand et al., 2011]. Les datations U-Th effectuées sur ce site permettent de montrer que le bouchon était total il y a 22 ka, et que les remplissages qui se trouvent en amont de celui-ci fermaient quasiment entièrement la cavité il y a plus de 30 000 ans [Barriquand et al., 2006]. Ce bouchon sépare la cavité en deux espaces fondamentalement différents du point de vue morphologique. La partie profonde, isolée par le bouchon de calcite, présente des coupoles peu nombreuses et toujours creusées sur la fracturation qui est légèrement oblique. Certaines gardent encore des griffures d’ours (figure 26). Dans la zone d’entrée ouverte au moins depuis le P. AUDRA, L. BARRIQUAND, J.-Y. BIGOT et al., L’impact méconnu des chauves-souris et du guano dans l’évolution morphologique tardive des cavernes KARSTOLOGIA n° 68, 2016 • 1-20 Magdalénien si l’on se réfère à l’occupation humaine de la cavité, on ne trouve aucune griffure d’ours. Les coupoles creusées sur la fracturation sont absentes (figure 27). Toutes les coupoles et niches se développent selon un axe vertical et sont recouvertes de coulées d’excrétas de chauves-souris. Les parois sont lisses et semblent « plus jeunes ». Calcite et roche ont été corrodées indifféremment. Ces observations permettent de démontrer que les morphologies profondes, notamment les coupoles inclinées selon la fracturation, sont d’origine phréatique exclusivement. Grâce au bouchon de calcite limitant les échanges d’air avec l’extérieur et interdisant l’entrée des chauves-souris, la condensation-corrosion a été inopérante et a permis la conservation de griffures d’ours vieilles de plus de 160 ka. En revanche, la zone d’entrée a toujours été ouverte sur l’extérieur, avec des échanges d’air permanents et une colonisation par les chauves-souris. Il en résulte une condensation-corrosion puissante, qui a provoqué un retrait et un lissage des parois, effaçant toutes les marques, telles les griffures d’ours et même les graffitis historiques. Les coupoles se sont développées verticalement par condensation-corrosion, par la présence des chauves-souris, selon le modèle des bell holes démontré pour les Caraïbes [Lundberg et McFarlane, 2009]. Le développement vertical des cloches exclut un écoulement noyé et atteste de l’effet de la gravité animant les mouvements d’air, comme cela a été observé et démontré aussi bien pour les cloches à chauves-souris [Wilford, 1966 ; Simms, in Tarhule-Lips et Ford, 1998 ; Miller 2014], que pour les coupoles dans les cavités sulfuriques [Audra, 2007 ; De Waele et al., 2016]. Les formes de la zone d’entrée de la grotte d’Azé n’ont plus rien à voir avec celles d’origine. Il est probable que les Pré-néandertaliens qui l’ont occupée n’ont jamais connu les formes que l’on peut observer actuellement, car elles ont été complètement corrodées par la présence des essaims de chauves-souris qui ont colonisé la grotte ultérieurement (figure 28). Entrée Axe vercal Joint B. Expansion des vides La fermeture partielle de la grotte préhistorique d’Azé par un bouchon stalagmitique a permis de montrer l’importance de l’effet de la condensation-corrosion. Même si ce phénomène est naturellement important à proximité des entrées, il a été ici fortement renforcé par la présence des chauves-souris. La grotte du Déroc, Ardèche, donne une preuve encore plus spectaculaire. Il s’agit d’une galerie principale de grandes dimensions (figure 29), avec plusieurs ouvertures sur le versant extérieur. Ces ouvertures ont permis l’accès des ours des cavernes et des chauves-souris. De manière concurrente, les hommes ont également fréquenté la cavité, dès la préhistoire ainsi qu’à toutes les époques historiques. Au XIXe-XXe siècle, ils ont exploité de manière quasi-industrielle les phosphates du guano. Dans la grotte voisine de Louoï, le remplissage a été totalement extrait. La galerie du Déroc présente des parois minées de niches profondes et des plafonds taraudés de hautes cloches verticales pratiquement jointives. Parois et plafond présentent une surface blanche de roche à nu, sans le moindre témoin de remplissage argileux ancien, ce qui est rarissime. Le sol est constitué par les bases d’édifices de calcite puissamment corrodés, par de gros blocs, par des accumulations résiduelles de guano, et par des artéfacts préhistoriques et historiques. La Zone confinée Cloche biogénique de st rate Cloches vercales et expansion des conduits par condensaon-corrosion associée aux colonies de chauves-souris Axe de fracture Joint de st rate Coupole phréaque Fracture Coupoles phréaques inclinées suivant les fractures. Les morphologies originales et la taille réduite des conduits sont préservées par le confinement Figure 26 : Coupole d’origine phréatique de la partie profonde isolée par le bouchon de calcite, vue vers le plafond, grotte d’Azé, Saône-etLoire. Les griffures d’ours y ont été conservées. Cliché. J.-Y. Bigot. Phreatic cupola in the distant zone of the cave, which is isolated by a calcite plug, view toward the ceiling, grotte d’Azé, France. The bear scratches have been preserved. Figure 27 : Types de coupoles, avant le bouchon de calcite et confinées derrière, grotte d’Azé, Saône-et-Loire. À gauche : coupoles de la partie ouverte, proche de l’entrée (avant le bouchon), d’origine biologique (chauves-souris) et creusées selon un axe vertical. La galerie s’est de plus agrandie par expansion sous l’effet de la condensationcorrosion. À droite : coupoles de la partie profonde (au-delà du bouchon), d’origine phréatique et creusées sur la fracturation. Le conduit est resté dans les dimensions originelles, non influencées par la phase d’expansion tardive liée à la condensation-corrosion. Types of cupolas, outward of the calcite plug and inward in the confined zone, grotte d’Azé, France. Left: cupolas in the outward zone close to the entrance (before the calcite plug) ; the cupolas are of biologic (bats) origin and develop according to a vertical axis. Moreover, the passage size increased by expansion resulting from condensationcorrosion. Right: cupolas in the inward (confined) zone, beyond the calcite plug ; the cupolas are of phreatic origin and develop according to joints, which are inclined. The passage remained in its original size, with no influence of the late phase of expansion through condensation-corrosion that occurred close to the entrance. P. AUDRA, L. BARRIQUAND, J.-Y. BIGOT et al., L’impact méconnu des chauves-souris et du guano dans l’évolution morphologique tardive des cavernes KARSTOLOGIA n° 68, 2016 • 1-20 17 Entrée Zone confinée (accessible aux chauves-souris) (inaccessible aux chauves-souris) Cloches nombreuses Bouchon de calcite désobstrué Figure 28 : Modèle 3D de la grotte d’Azé, Saône-et-Loire. Le bouchon stalagmitique au centre, maintenant désobstrué, isolait la partie confinée dont le volume est entièrement d’origine phréatique de la zone d’entrée ouverte à l’extérieur et aux colonies de chauvessouris, où les volumes sont nettement plus vastes et irréguliers avec des cloches et cheminées. Image D. Blanchard et S. Jaillet, EDYTEM. 3D model of the grotte d’Azé, France. The calcite plug in the center, now removed by digging, isolated the confined part which limited volume is entirely of phreatic origin. On the contrary, the outward part opened to the surface and to bat colonies displays larger and irregular volumes with bell holes and cupolas. Cô n e d e g u a n o Expansion du condui t D é p ô t m i x te ( b l o c s, terra rossa, guano, paléontologie, a r c h é o l o g i e, migon, cendres. . . ) Co n d e n s a t i o n Co l o n i e d e c h a u ves - s o u r i s Galets fluviaux 1 2 3 4 5 6 R i v i è re Co l m a t a g e Décolmatage O u ver t u re Expansion Expansion actuelle Figure 29 : Expansion des vides sous l’effet de la condensation-corrosion en présence de guano et de chauves-souris, exemple de la grotte du Déroc, Ardèche. Le remplissage de galets a été arénisé par la condensation-corrosion, puis exporté par soutirage ; la galerie s’est ensuite considérablement agrandie au détriment des parois et du plafond. Des niches se développent, les coupoles s’agrandissent par expansion et se recoupent, entraînant des chutes de blocs qui sont intégrés dans le remplissage puis partiellement digérés. Cliché M. Renda. Expansion of underground passages by condensation-corrosion in presence of guano, grotte du Déroc, France. The pebbles filling has been entirely weathered by condensationcorrosion, then washed away by seepage. Eventually, the size of the passage substantially increased to the detriment of walls and ceiling. The niches and cupolas extended by expansion and eventually intersected, making blocks collapses. The blocks are integrated to the filling then partly digested. 18 grotte est connue pour avoir fonctionné au Pliocène en perte de la paléo-Ardèche, formant un recoupement de méandre dont la sortie correspondait à la grotte Chauvet [Mocochain et al., 2009]. Elle a été entièrement remplie de galets cévenols constitués de quartzites, granite, schistes et basaltes, atteignant parfois plus de 10 cm de longueur. Or, ce remplissage intégral ne subsiste que dans un conduit latéral, où il colmate une galerie de plusieurs mètres de diamètre. Il apparaît comme un front puissamment altéré par la condensation-corrosion, qui recoupe verticalement tous les éléments qui s’arénisent en sable fin, à l’exception des rares quartzites. Aucun témoin de cette phase majeure de remplissage n’étant visible dans la galerie principale, on doit admettre que la totalité du remplissage de galets grossiers a été d’abord arénisée par la condensation-corrosion, et une fois affinée en sable, soutirée par les ruissellements. L’absence de témoins dans les niches et l’aspect « propre » des parois montrent qu’elles ont reculé au-delà des quelques décimètres seulement, faisant disparaître les niches qui auraient pu préserver ces témoins, aboutissant à une expansion du conduit principal. Cette expansion se réalise sous l’effet de la condensation-corrosion en présence de chauves-souris, avec un développement des niches latérales et un creusement des cloches de plafonds. L’expansion de ces formes en creux qui se recoupent laisse des pendants et arêtes qui finissent par s’écrouler, donnant les gros blocs présents au sol. Sur un site de Bornéo, J. Lundberg et D. A. McFarlane [2012] mettent en évidence un processus identique, dont ils quantifient l’ampleur à 75 à 90 % du volume total, et dont la moitié est attribuée directement à la condensation-corrosion induite par les chauves-souris, l’autre moitié relevant des chutes de blocs prédécoupés par la condensation-corrosion. Pour la grotte du Déroc, il n’y a pas d’évaluation précise de l’ampleur de l’expansion du conduit, postérieure au remplissage fluviatile, mais au vu de l’absence totale de témoins sédimentaires, elle dépasse le mètre et atteint probablement plusieurs mètres (figure 29). Ainsi, les éléments morphologiques permettent d’approcher l’importance du retrait des parois (Isturitz, Azé, Bornéo, Déroc) ; ils attestent un retrait de parois d’importance pluri-métrique sur des périodes relativement courtes, et d’une expansion majeure des conduits sous l’effet de la condensation-corrosion, accentuée par la présence de chauves-souris. P. AUDRA, L. BARRIQUAND, J.-Y. BIGOT et al., L’impact méconnu des chauves-souris et du guano dans l’évolution morphologique tardive des cavernes KARSTOLOGIA n° 68, 2016 • 1-20 Conclusion Dans cet article, nous avons évoqué le rôle des chauves-souris dans la corrosion des conduits, soit directe par leur respiration provoquant l’élévation locale de la température, de l’humidité et de la concentration en CO2, soit indirecte par la minéralisation du guano engendrant percolations et gaz ultra-acides. Si les percolations acides corrodent le substrat rocheux et calcitique, les autres processus sont responsables d’une puissante condensation-corrosion qui s’exerce sur les parois et les plafonds. Les retraits de paroi, mesurés par divers auteurs selon différentes approches (datations et modélisations microclimatiques), aboutissent à des vitesses de retrait de l’ordre de 5 à 15 mm / ka, et jusqu’à 25 à 35 mm / ka dans les cas les plus favorables. Rapportés à la durée de l’Holocène, ces valeurs donnent des retraits pouvant atteindre des valeurs considérables de 15 à 50 cm, susceptibles d’agrandir significativement les conduits et de modifier totalement leur morphologie (figure 30). La crypto-corrosion sous le guano façonne des lapiaz, des tines et fosses à guano, aboutissant à un abaissement du sol rocheux (2 m à Isturitz !). Par l’entretien des convections d’air et une condensation-corrosion renouvelée, parois, plafonds et concrétions sont décapés, lissés, rabotés, sculptés de niches, de coupoles et de cloches. Les anciennes concrétions sont perchées au-dessus du sol ou accrochées en paroi par des piédestaux rocheux. Les écoulements corrosifs suintant des coupoles où nichent les essaims laissent des traînées sombres de croûtes phosphatées, de décapages pariétaux tranchant sur les parois couvertes de calcite blanche, de minces filets rocheux ou de calcite en relief entre les zones d’écoulements diffus. Les croûtes de phosphates ou de gypse sont parfois les derniers témoins présents après disparition totale du guano. Les coupoles cylindriques verticales, indépendantes de la fracturation, sont une des formes diagnostiques de la présence de chauves-souris qui, à la longue, créent ainsi leur gîte par la condensation-corrosion produite. Enfin, l’ensemble des processus de condensation-corrosion très agressive aboutit à une expansion considérable des conduits pouvant atteindre plusieurs mètres notamment aux grottes d’Isturitz, d’Azé, du Déroc, et du Chameau. L’absence de témoins d’ancien remplissage est d’ailleurs un bon indicateur de l’expansion. Ainsi, Coupoles biologiques Cloches biologiques Pilier sculpté de niches Condensationcorrosion intense Niche Ancienne coulée corrodée Encroûtements phosphatés Restes de plancher corrodé Eau de condensation et coulées d'urine Crypto-corrosion sous guano Concrétion en “meule de foin” Guano Encaissant calcaire Figure 30 : Synthèse des principales morphologies, et distribution de l’activité des processus, avec principalement de la condensation-corrosion sur les parois et plafonds, et de la crypto-corrosion sous guano au sol. Overview of the main morphologies and distribution of the active processes, mainly condensationcorrosion on walls and ceiling, and crypto-corrosion below guano on the floor. la présence des chauves-souris génère directement, ou indirectement par la minéralisation du guano, des formes de creusement typiques, dont certaines sont totalement diagnostiques de leur origine. Le cumul de ces creusements aboutit à des agrandissements de conduits par expansion. L’expansion des volumes, si elle est localisée dans des zones favorables, notamment à proximité des entrées avec forts gradients microclimatiques et de larges accumulations de guano et grandes colonies, prend une ampleur jusqu’alors insoupçonnée. Cet article met en lumière des phénomènes de corrosion peu connus et a priori considérés comme mineurs. L’impact sur les parois des grottes n’a pas été perçu en raison de l’absence de faits d’observations incontestables et surtout par le manque de données de quantification. Les travaux futurs, outre l’approfondissement des faits présentés, s’orientent dans deux directions principales : la première vise à estimer les processus actuels au moyen de suivis microclimatiques et à mesurer les vitesses des retraits pariétaux. Le rôle évident du microbiote, reste à définir dans ses processus métaboliques, dans son ampleur et dans ses modalités d’action sur la roche. La seconde direction a pour but de quantifier les processus et notamment les vitesses de retrait sur le long terme, par l’intermédiaire des datations de concrétions perchées sur piédestal. Outre l’exclusion nécessaire de formes antérieures, il s’agira notamment de différencier la part liée à la condensation-corrosion seule, de celle provenant de son expansion par la présence de chauves-souris et de guano. Ces phases tardives de spéléogenèse peuvent avoir un impact majeur dans les cavités ouvertes à l’extérieur, sur des distances parfois hectométriques à kilométriques, pour peu qu’elles soient accessibles aux chauves-souris. Ce décapage « récent » des parois par des processus de corrosion doit amener les archéologues à proposer de nouvelles interprétations en matière de supports pariétaux et d’art préhistorique en général. En effet, il est probable que les hommes préhistoriques ne se soient pas bornés aux zones distantes ou confinées des grottes, tout simplement parce que la majeure partie des œuvres pariétales aurait disparu sous l’effet de la condensation-corrosion. Ainsi, les supports pariétaux sur lesquels sont conservées ces œuvres patrimoniales doivent non seulement être préservés des dégradations d’origine anthropique, mais l’impact des chauves-souris doit mieux être pris en compte, tant pour l’interprétation de leur distribution actuelle que pour leur conservation. Remerciements Pour les photographies et leur aide sur le terrain : Pascal Bieth, David Blanchard, Bernard Chirol, Étienne Fabre, Jean-Philippe Grandcolas, Stéphane Jaillet, Christian Jessaulme, Ludovic Mocochain, Olivier Grunewald, Daniel Vergnaud. Pour leur relecture attentive et constructive : Yves Quinif et Jérôme Poulenard. P. AUDRA, L. BARRIQUAND, J.-Y. BIGOT et al., L’impact méconnu des chauves-souris et du guano dans l’évolution morphologique tardive des cavernes KARSTOLOGIA n° 68, 2016 • 1-20 19 Bibliographie AUDRA P., 2007 - Karst et spéléogenèse épigènes, hypogènes, recherches appliquées et valorisation. Thèse d’habilitation, Université de Nice SophiaAntipolis, 278 p. AUDRA P. and PALMER A.N., 2015 - Research frontiers in speleogenesis. Dominant processes, hydrogeologic conditions and resulting cave pattern. Acta Carsologica, vol. 44, n° 3, p. 315-348. http:// dx.doi.org/10.3986/ac.v44i3.1960 AUDRA P., BOSÁK P., GÁZQUEZ F., CAILHOL D., SKÁLA R., LENKA L., JONÁŠOVÁ Š., FRUMKIN A., KNEZ M., SLABE T., ZUPAN-HAJNA N. and AL-FARRAJ AL-KITBI A., 2017 - Bat urea minerals in arid environment. New cave mineral (Allantoin) from Kahf Kharrat Najem Cave, United Arab Emirates. 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