L’impact méconnu des chauves-souris et du guano dans
l’évolution morphologique tardive des cavernes
Philippe Audra, Lionel Barriquand, Jean-Yves Bigot, Didier Cailhol, Hector
Caillaud, Nathalie Vanara, Jean-Claude Nobecourt, Giuliana Madonia, Marco
Vattano, Michel Renda
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Philippe Audra, Lionel Barriquand, Jean-Yves Bigot, Didier Cailhol, Hector Caillaud, et al.. L’impact
méconnu des chauves-souris et du guano dans l’évolution morphologique tardive des cavernes.
KARSTOLOGIA, Fédération Française de Spéléologie et Association Française de Karstologie, 2016.
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L’impact méconnu des chauves-souris et du guano dans l’évolution
morphologique tardive des cavernes / The little known impact of bats and
bat guano in the late stages of cave morph...
Article in KARSTOLOGIA · July 2018
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Lionel BARRIQUAND²,
Jean-Yves BIGOT3,
Didier CAILHOL4,
Hector CAILLAUD5,
Nathalie VANARA6,
Jean-Claude NOBÉCOURT3,
Giuliana MADONIA7,
Marco VATTANO7
et Michel RENDA8
L’impact méconnu des
chauves-souris et du
guano dans l’évolution
morphologique tardive
des cavernes
RÉSUMÉ : Les chauves-souris sont considérées
comme des occupants emblématiques
des grottes. Les colonies, parfois de taille
gigantesque, peuvent occuper les cavernes
sur de très longues périodes. Ainsi, il se
constitue des accumulations de guano
dont le volume a favorisé l’exploitation
des phosphates, à l’échelle artisanale voire
industrielle. L’impact des chauves-souris
est triple : leur respiration dégage du CO2,
leur urine est corrosive, et la minéralisation
du guano libère des acides (carbonique,
nitrique, sulfurique, phosphorique). Ces
substances agressives agissent sur la roche
et les concrétions carbonatées, soit par
corrosion directe du sol encaissant au
contact du guano, soit par condensationcorrosion sur les parois et les plafonds.
Bien que tardif dans l’histoire des cavités,
l’impact spéléogénétique sur les parois
est considérable et peut aller jusqu’à
l’ablation de plusieurs mètres d’épaisseur
de roche. La présence durable de colonies
de chauves-souris est un facteur majeur
de spéléogenèse tardive des cavernes,
générant des morphologies spécifiques, des
dépôts de phosphates conséquents, et un
remaniement des parois allant d’un simple
rabotage centimétrique jusqu’à des ablations
métriques. Ces morphologies de corrosion,
qui ont pu être confondues avec des
ennoyages, sont probablement responsables
de la disparition d’une bonne partie des
œuvres pariétales préhistoriques qui n’ont pu
être préservées que dans des conditions bien
spécifiques.
MOTS-CLEFS : chauves-souris, guano,
condensation-corrosion, spéléogenèse.
ABSTRACT: The little known impact of bats
and bat guano in the late stages of cave
morphogenesis.
Bats are considered as symbolic caves
inhabitants. The colonies, sometimes huge,
may occupy caves through long periods.
Large guano deposits were accumulated.
Some have been mined for phosphates,
either by hand or at the industrial scale.
Bats impact is triple: breathing releases
CO2, urine is corrosive, and guano
mineralization releases acids (carbonic,
nitric, sulfuric, and phosphoric). Such
aggressive compounds have an effect on
carbonate rock and flowstones, either by
direct ground corrosion at the contact of
the guano, or by condensation-corrosion on
walls and ceilings. The speleogenetic impact
of these late stages of cave evolution is
considerable and may provoke denudation
of several meters of rock. The long lasting
presence of bat colonies is a major factor
of the late speleogenetical stages, making
specific morphologies, significant phosphate
deposits, and wall reworking ranging
from some centimeters to several meters.
These corrosion morphologies, sometimes
misinterpreted as marks of flooding, are
also responsible of the destruction of many
prehistoric realizations, which have been
preserved only in specific conditions.
KEYWORDS: bats, guano, condensationcorrosion, speleogenesis.
Introduction
tropicales. Elles ont colonisé l’ensemble
des surfaces terrestres, à l’exception des
hautes latitudes et altitudes, on les retrouve
ainsi dans les zones marginales que
représentent les montagnes des régions
tempérées. Du fait de leur repos souterrain
diurne, permanent ou saisonnier, elles
produisent des accumulations parfois
importantes de guano. Dans le contexte
généralement humide des cavités,
la matière organique se minéralise
rapidement. Dans un premier temps, la
minéralisation produit de l’ammoniaque,
de l’acide nitrique, puis des nitrates pour
les composés azotés, de l’acide sulfurique
et des sulfates pour les composés soufrés.
Très solubles, surtout pour les nitrates,
ceux-ci sont rapidement lixiviés, sauf
en conditions particulièrement sèches
où les nitrates peuvent être préservés.
Les chauves-souris sont des hôtes
emblématiques des cavernes. Leur
présence est attestée depuis l’Éocène,
et compte parmi les lignées les plus
anciennes de mammifères. Elles peuvent
constituer des colonies importantes de
plusieurs dizaines de milliers d’individus
sous nos latitudes et jusqu’à plusieurs
dizaines de millions sous les latitudes
(1) Université de Nice Sophia-Antipolis, Polytech’Lab, 930 route des Colles, 06903 Sophia-Antipolis, Nice, France, audra@unice.fr
(2) Association de Recherche Paléoécologique en Archéologie (ARPA), Université Claude Bernard, France, lionel.barriquand@wanadoo.fr
(3) Association française de karstologie (AFK), 21 rue des Hospices, 34090 Montpellier, France, jeanbigot536@gmail.com
(4) Laboratoire EDYTEM, Université Savoie – Mont Blanc, CNRS, Pôle Montagne, 73376 Le Bourget-du-Lac, France, didier.cailhol@univ-savoie.fr
(5) Laboratoire de Géographie Physique Environnements Quaternaires et Actuels - UMR 8591, Bat. Y, 1 place Aristide Briand, 92195 Meudon cedex, France, hectorcaillaud@yahoo.fr
(6) Université Paris 1 – Panthéon-Sorbonne, UMR 5608 TRACES, Nathalie.Vanara@univ-paris1.fr
7) Dipartimento di Scienze della Terra e del Mare, Univ. Palermo, Italy, giuliana.madonia@unipa.it ; marco.vattano@unipa.it
(8) Spéléo-club de Béziers et des Avants-monts (SCBAM), michel.renda@neuf.fr
P. AUDRA, L. BARRIQUAND, J.-Y. BIGOT et al., L’impact méconnu des chauves-souris et du guano dans l’évolution morphologique tardive des cavernes
KARSTOLOGIA n° 68, 2016 • 1-20
1
Les sulfates, principalement le gypse,
subissent également la lixiviation. Ils
demeurent présents à la surface des
dépôts récents en cours de minéralisation,
ou en accumulation si les conditions
d’humidité restent modérées. Ainsi,
sauf environnement sec, le guano en
début de minéralisation est un dépôt
azoté, sulfaté, et phosphaté, puis
évolue par enrichissement relatif en
dépôt principalement phosphaté, ces
derniers étant peu mobiles. Le guano a
été largement exploité comme fertilisant
azoté aux temps historiques anciens,
d’abord artisanalement et localement.
À partir du XVIIIe siècle, s’y ajoutent
les dépôts phosphatés issus de vieux
guanos, dont l’utilisation est en partie
à l’origine de la révolution agricole du
XVIIIe siècle, préparant ainsi la Révolution
industrielle, jusqu’à être finalement
exploités au XIXe siècle comme ressource
minière, quasi-industrielle. Au début du
XXe siècle, la concurrence des phosphates
sédimentaires marins d’outre-mer sonnera
le glas de l’exploitation en grotte [Pélissié,
1999].
Par ailleurs, le guano est un sédiment
datable qui enregistre sur des séquences
parfois très longues les paramètres environnementaux contemporains de sa
constitution (pollens, restes d’insectes,
isotopes, etc.), au même titre que les
spéléothèmes [par ex. Wurster et al.,
2009]. Il représente aussi un support
organique exogène, localement abondant
dans un monde souterrain où la biomasse
est faible, à l’origine d’une activité et
d’une diversité microbienne et de faune
cavernicole sans égales, développées
sur la chaîne trophique du guano. Du
fait de la présence de phosphates diversifiés, les accumulations de guano ont
été précocement étudiées d’un point de
vue minéralogique. Elles restent encore
l’un des environnements les plus riches
du point de vue minéralogène, avec des
minéraux rarissimes reconnus seulement
en grottes [Hill et Forti, 1997 ; Onac
et Forti, 2011 et références incluses ;
Audra et al., 2018]. L’acidité évidente des
accumulations de guano ancien a suggéré
depuis longtemps son rôle dans la corrosion de l’encaissant. Toutefois, cet aspect
a généralement été restreint aux environs
immédiats des sols couverts de guano.
Les études sur les chauves-souris et sur le
guano en tant qu’agents significatifs de la
spéléogenèse par le biais de la corrosion
sont rares : Forti et al. [2006] soulignent
l’aspect exothermique de la minéralisa-
2
tion, responsable de convections d’air
corrosif au-dessus des tas de guano avec
la formation de grandes vagues d’érosion, les megascallops. J. Lundberg et
D.A. McFarlane [2009, 2012 et 2015]
quantifient l’ampleur de l’effet de la
condensation-corrosion provoquée
par la présence des chauves-souris, et
démontrent l’efficacité du processus dans
le développement des volumes souterrains
abritant des volatiles (chauves-souris et
hirondelles).
Dans cet article, nous démontrerons
l’importance de l’influence des
chauves-souris en tant que processus
spéléogénétique, non seulement par le
biais du guano corrosif qu’elles produisent,
mais surtout par la condensationcorrosion extrêmement active qui
résulte de la présence des chauvessouris. Ce processus de spéléogenèse
peut devenir dominant, responsable
de la majeure part des volumes, sous
certaines conditions où les paramètres
environnementaux sont très favorables, à
proximité des zones d’entrée et de fortes
accumulations de guano. Ces processus de
corrosion sont naturellement des agents
morphogéniques, à l’origine d’une grande
variété de formes, dont certaines sont
typiques de ces processus et permettent
ainsi en retour de les diagnostiquer.
Après une présentation des chauvessouris, de leur comportement, et des
processus physiologiques et éthologiques
susceptibles d’engendrer une altération
de la roche, nous détaillerons les
morphologies associées, principalement
de corrosion, dont la combinaison
aboutit à une expansion des vides dans
des proportions et à des vitesses parfois
inattendues.
I. Les chiroptères
Les chauves-souris (chiroptères)
peuvent se regrouper en colonies parfois
importantes. Elles occupent notamment
les cavités karstiques, en général
saisonnièrement. Leur présence impacte
les cavités en augmentant la température
et l’humidité, et en introduisant de la
matière organique (guano) dans le milieu
souterrain qui en est quasi dépourvu. Elles
participent indirectement à la corrosion
des parois calcaires, par l’intermédiaire de
leur métabolisme ou par l’acidité produite
par la minéralisation du guano.
L’ordre des chiroptères appartient
aux mammifères et il compte plus de
1 200 espèces. Des fossiles vieux de
52 et 47 millions d’années sont connus
sur les continents américains, européen
et africain [Polturat, 2015]. Si ces animaux ont colonisé tous les continents,
à l’exception des pôles, c’est au niveau
de l’équateur qu’elles sont les plus représentées. Ainsi, on dénombre 170 espèces
en Colombie alors qu’on en compte seulement 36 pour toute l’Europe [idem].
Les chiroptères présentent des tailles très
variables allant d’une masse d’environ
2 g pour les plus petits (Craseonycteris
thonglogyia, chauves-souris bourdon),
à 1,6 kg pour les plus grands (Pteropus
giganteus, roussette). Leurs prédateurs
sont peu nombreux et certaines espèces
ont une espérance de vie pouvant dépasser les trente ans. Elles occupent des
niches écologiques très variées et ont
des régimes alimentaires qui varient en
fonction de leur localisation : insectivore, carnivore, frugivore, piscivore,
hématophage [Brosset, 1966]. Leurs
habitats sont également très différents :
bâtiments, arbres, cavités naturelles ou
artificielles, et peuvent varier en fonction de leurs besoins : accouplement,
maternité, hibernation [Rodrigues et
Palmeirim, 2007]. Ainsi de nombreuses
espèces de chauves-souris fréquentent
assidûment les réseaux karstiques. Elles
sont très fidèles à un lieu, et de génération en génération elles y reviennent
[Casteret, 1936 ; Entwistle et al., 2000 ;
Furmankiewicz, 2016].
A. Les populations de chiroptères
et leur présence dans les grottes
Les chauves-souris se regroupent
régulièrement en colonies dont l’effectif
est très variable en fonction de l’espèce
mais également des activités associées
à leur cycle annuel (hibernation,
regroupement, reproduction, nurserie ).
Les plus grandes colonies observées dans
une même cavité peuvent dépasser le
million d’individus. À Eagle Creek Cave,
Arizona, une colonie a été estimée entre
2 et 4 millions de Tadarida brasiliensis
(comptages réalisés entre 1962 et 1991).
La densité d’individus de Tadarida
brasiliensis est estimée à 1 500 adultes
ou 4 000 jeunes (de moins de 15 jours)
par mètre carré. À Bracken Cave, Texas,
la colonie atteint 40 millions d’individus.
Au Kenya, il a été estimé que la densité
de chiroptères est de 400 individus / m²
avec une couverture de 82 % du plafond
[Lundberg et McFarlane, 2015]. En
Europe les populations sont moindres,
mais elles atteignent quand même
P. AUDRA, L. BARRIQUAND, J.-Y. BIGOT et al., L’impact méconnu des chauves-souris et du guano dans l’évolution morphologique tardive des cavernes
KARSTOLOGIA n° 68, 2016 • 1-20
Espèces
Masse
(g)
Colonies maternité
(nombre d’individus)
Colonies hibernation (nombre
d’individus et localisation)
Rhinolophus ferrumequinum
18-24
20-1 000
1 600 (Roumanie-Bulgarie)
Rhinolophus mehelyi
12-17
20-200 (rarement 500)
5 000 à 10 000 (Bulgarie)
Rhinolophus blasii
10-14
30-500
3 000 (Bulgarie)
Myotis daubentonii
6-10
/
5 000 (Allemagne)
20 000 (Pologne)
Myotis capaccinii
7-10
30-500, jusqu’à 10 000 (Bulgarie et
Albanie)
20 000 à 50 000 (Bulgarie)
Myotis emarginatus
6-9
20-500
7 000 (Balkans)
Myotis myotis
20-27
50-1 000, jusqu’à 8 000 (bassin
méditerranéen)
Quelques centaines
Myotis oxygnathus
3,5-5,5
50-500, jusqu’à 8 000 (Bulgarie)
Quelques centaines
Pipistrellus pipistrellus
3-7
/
30 000 à 60 000 (Roumanie)
Barbastella barbastellus
7-10
/
8 000 (Slovaquie-Pologne)
Miniopterus schreibersii
10-14
20 000 (Portugal)
35 000 à 60 000 (Croatie et Bulgarie)
70 000
régulièrement quelques milliers d’individus
et plus rarement quelques dizaines de milliers
d’individus (tableau 1).
B. Localisation dans le réseau karstique
La localisation des chiroptères dans les
réseaux karstiques dépend des conditions
climatiques externes, mais également du type
de besoin des chauves-souris. En hiver, afin
d’économiser de l’énergie, les chiroptères
abaissent plus ou moins leur température
corporelle. Pendant la période d’hibernation, la
température ne doit pas descendre en dessous
de 0 °C. Chaque espèce possède des besoins
spécifiques en termes de température et, de
fait, ne voisinera pas forcément avec une autre
espèce dans un réseau karstique (figure 1).
Pendant l’été dans les zones chaudes et arides,
elle sélectionne plutôt des gîtes présentant une
grande humidité et une température basse et
constante pour limiter les pertes d’eau corporelles, car elle présente une masse corporelle
petite par rapport à la surface corporelle qu’elle
développe [Webb et al., 1995].
corporelle des chauves-souris présentes
varie entre 37,0 et 41,1 °C. La température
moyenne annuelle dans la région où sont
localisées les cavités est d’environ 16 °C.
Pour ce qui concerne l’air, au moment de
l’étude, la température moyenne quotidienne
était de l’ordre de 10,8 °C (± 3,8), et 13,6 °C
(± 1,1) en fonction de l’altitude de la grotte
considérée. Pendant la période de mesures,
les températures moyennes dans Kitum caves
variaient quotidiennement selon les entrées et
sorties des chiroptères, entre 11,7 et 14,1 °C,
entre 13,0 et 29,4 °C dans Mackingeny Cave
et entre 11,3 et 15,5 °C dans Ngwarisha Cave.
Ces comparaisons montrent que l’échauffement
thermique des vides occupés par les chiroptères
peut localement atteindre 15 °C. À proximité
des essaims, la température moyenne de la
paroi rocheuse fut de 12,4 °C à Kitum Caves,
N. noctula
P. pipistrellus
B. barbasteilus
P. auritus/austriacus
E. serotinus/nilssoni
C. Impact microclimatique
La présence d’essaims de chiroptères
peut modifier le microclimat dans les cavités.
Des sites sont en cours d’étude en Europe
(France, Italie), mais les effets ont déjà été
montrés au Kenya par une étude dans Kitum
Caves (grotte-témoin contenant peu de
chiroptères), Mackingeny Cave et Ngwarisha
Cave [Lundberg et McFarlane, 2015]. Au moins
onze espèces de chiroptères sont présentes
dans ces cavités. Les populations varient entre
1 000 et 10 000 individus. La température
Tableau 1 : Quelques
chiroptères présents
en Europe. Effectif
et localisation
géographique des plus
grands des essaims dans
les maternités et gîtes
d’hibernation karstiques
répertoriés en Europe
[d’après Dietz et Kiefer,
2015].
Some chiropters from
Europe. Maximal size
and location of largest
swarms in maternities
and karstic hibernation
lairs reported in Europe.
Figure 1 : Répartition des espèces
en hibernation dans une grotte
ouverte, croquis sans échelle
[Lang, d’après Nagel et Nagel,
1993, in Dietz et Kiefer, 2015].
Distribution of hibernating
species in an open cave, without
scale.
M. bechsteinii
M. brandtii
M. daubentonii
M. nattereri
M. mystacinus
E. nilssonii
P. auritus/austriacus
M. myotis
M. emarginatus
-2°C
+7°C
0°C
+9°C
+4°C
Myotis bechsteinii
Myotis brandtii
Myotis daubentonii
Myotis nattereri
Myotis mystacinus
Eptesicus nilssonii
P. auritus/austriacus
P. AUDRA, L. BARRIQUAND, J.-Y. BIGOT et al., L’impact méconnu des chauves-souris et du guano dans l’évolution morphologique tardive des cavernes
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16,2 °C à Mackingeny Cave, et 18,2 °C à
Ngwarisha Cave, ce qui correspond à une
élévation d’environ 2 °C par rapport à la
température annuelle moyenne externe,
correspondant approximativement à la
température attendue de la roche. Ce
résultat traduit l’effet de la présence des
chauves-souris sur la température de la
roche sur laquelle elles sont accrochées.
L’étude a également montré que ces
microclimats varient rapidement en
fonction de la présence ou non des
chiroptères dans la grotte. Le retour aux
conditions initiales s’effectue à la fin de
la période nocturne d’absence [Lundberg
et McFarlane, 2009].
À Green Grotto - Runaway Caves,
Jamaïque, Monophyllus redmani et Artibeus
jamaicensis vivent dans des coupoles à
chauves-souris. Il a été mis en évidence
une augmentation de la température de
l’ordre de 1 °C entre la partie basse et la
partie haute des cloches qui regroupent
au moins dix chiroptères [Lundberg et
McFarlane, 2009].
D. Les sécrétions
Afin de maintenir la souplesse de leur
patagium (membrane qui relie l’extrémité
des ailes au corps) et pour qu’il ne se
dessèche pas, les chiroptères l’enduisent
d’une sécrétion produite à la commissure
des lèvres [Dietz et Kiefer, 2015]. Ces
sécrétions glandulaires marquent ainsi
les emplacements occupés par Myotis
myotis par une couleur brun-noir (photo
page IV de couverture).
de regroupement ou swarming, hibernation). Pendant la période d’hibernation,
le métabolisme de la chauve-souris ne
s’arrête pas, et de ce fait elle connaît
plusieurs périodes de réveil afin d’uriner, déféquer ou boire, mais avec une
intensité d’activité nettement moindre
[Dietz et Kiefer, 2015]. Ce volume de
déjection dépend également de la taille
et du nombre de chiroptères présents. Le
transit intestinal des chiroptères est très
rapide et ils défèquent généralement 2 à
3 heures dans la période postprandiale.
Les fèces sont évacuées rapidement pendant la période nocturne et les résidus
des derniers repas le sont dans le gîte
diurne. Les volumes de déjection produits
annuellement peuvent être considérables.
Dans Eagle Creek Cave, Arizona, le guano
généré chaque année au printemps et
pendant l’été est estimé à environ 100 m3
[Mizutani et al., 1992]. Dans la Cueva
del Tigre, Mexique, la quantité d’urée
rejetée par la colonie de chiroptères est
évaluée à 454 g / jour soit 0,2 mg d’urée
par jour et par chiroptère [McFarlane
et al., 1995]. Sous terre, l’ensemble des
déjections contribue au renouvellement
des ressources organiques principales et
permet le développement d’une biomasse
variée (bactéries, champignons, insectes,
myriapodes, araignées ). Le guano est le
principal apport de nourriture pour ce
microcosme spécifique [Moulds, 2005 ;
Pellegrini et Lopez Ferreira, 2013]. En
outre, la fermentation de cette biomasse
constitue, avec la présence des colonies,
une source de chaleur ponctuelle à l’intérieur du milieu karstique.
II. L’altération : sources
et mécanismes,
caractérisation et vitesse
L’altération est la résultante d’actions chimiques et/ou mécaniques qui
dépendent non seulement du ou des
agents qui provoquent l’altération mais
aussi des caractéristiques des roches
soumises à l’altération (composition,
dureté, porosité ) ainsi que de l’interface
qui peut exister entre ces deux précédents éléments (film d’eau par exemple).
Comme toute réaction chimique, elle sera
également dépendante des conditions
environnementales telles que la température. Nous évoquerons ici les agents qui
provoquent l’altération, nous essayerons
de caractériser celle-ci, et nous proposerons une première approche de la vitesse
d’altération. L’impact de la présence des
chiroptères sur l’environnement a été
abordé dans le paragraphe précédent.
A. Les agents d’altération
1) Agents d’altération liquides
Les quantités d’urine générées par
les chiroptères (figure 2) dépendent bien
entendu des espèces, des régimes alimen-
E. Les déjections
Les chiroptères défèquent pendant
les périodes de vol mais également pendant les périodes où ils sont suspendus
par les membres antérieurs. Pour ce
faire, ils utilisent alors leur morphologie si particulière au niveau des ailes
dont la structure ressemble à celle d’une
main d’homme dont on aurait allongé
les phalanges [Polturat, 2015], avec
un pouce orienté à l’opposé des quatre
autres doigts (figure 4). Ils pivotent et
utilisent les griffes qui se trouvent sur
leurs pouces (au-dessus de l’aile) pour
s’accrocher. Ils sont alors suspendus
par leurs membres antérieurs et non
plus postérieurs. Leur tête se trouve
en haut et elles défèquent vers le côté
[Paladino, 2016]. Elles peuvent ainsi
envoyer leurs déjections sur les parois
qui se trouvent à proximité. Les volumes
de déjections varient en fonction du type
d’occupation de la grotte (maternité, lieu
4
Figure 2 : Traces d’excrétas (urine) d’un individu niché dans une coupole, attestant l’usage
générationnel prolongé de l’emplacement. Grotte de la Lare, Alpes-de-Haute-Provence.
Cliché J.-Y. Bigot. Excreta traces (urine) of an individual nested in a cupola, showing use of the spot
by successive generations. Grotte de la Lare, Alpes-de-Haute-Provence.
P. AUDRA, L. BARRIQUAND, J.-Y. BIGOT et al., L’impact méconnu des chauves-souris et du guano dans l’évolution morphologique tardive des cavernes
KARSTOLOGIA n° 68, 2016 • 1-20
taires, mais également des périodes de
l’année. Pour exemple, les rejets générés
par Plecotus auritus et Myotis daubentoni,
dans la période des douze heures postprandiale ont été évalués respectivement
à 0,1 à 0,3 g [Webb et al., 1994]. Ainsi,
un essaim d’environ 150 individus de
Myotis daubentoni génère environ 36 g
d’urine toutes les douze heures. Les compositions de l’urine diffèrent également.
Ainsi, les chiroptères fructivores et carnivores se singularisent, pour l’ordre des
mammifères, par leur capacité à moduler
la concentration de leur urine. Les fructivores génèrent des urines très diluées
alors que Desmodus rotundus, qui est
hématophage, peut produire des urines
très concentrées [Webb et al., 1994].
Une étude réalisée sur les chiroptères
du Panama montre des taux de sodium
variant entre 3,0 et 53 mEq / L, entre
22,9 et 111,7 mEq / L pour le potassium,
et entre 3 et 8337 mEq / L pour l’azote
[Studier et Wilson, 1983].
2) Agents d’altération solides
Le guano est essentiellement
composé de phosphates, sulfates, potassium, ammonium, sodium, et calcium.
Toutefois sa composition varie également en fonction du régime alimentaire
des chiroptères. Une comparaison a été
effectuée sur cinq sites en Israël [ShahackGross, 2004]. Les taux de phosphates
contenus dans des guanos de chiroptères
insectivores et frugivores présentent des
variations très importantes (tableau 2).
Quand de l’eau percole à travers,
l’ammonium qu’il contient est évacué
[Hill et Forti, 1997]. Les ions phosphates
(PO43-), moins soluble, reste en place.
L’évolution des concentrations en azote
et en phosphore sur une coupe de 5 m de
hauteur de guano a été mesurée à Lapa
Nova, Brésil [Giovannini Pellegrini et
Lopez Ferreira, 2013]. Le guano situé en
Régime
alimentaire
Taux de phosphate
(% massique)
6,3 + 1,6
Frugivore
7,7
24,8
Insectivore
56,8
Tableau 2 : Taux de phosphate mesurés dans
des guanos frais de chiroptères frugivores
et insectivores [Shahack-Gross et al., 2004].
Phosphate concentrations measured in fresh
guano from frugivorous and insectivorous bats.
surface du remplissage contient environ
6 % d’azote et 13 % de phosphore, alors
que celui situé à la base de la carotte
contient environ 1 % d’azote et 60 % de
phosphore. Du fait de cette évolution,
il peut se former de véritables dépôts
qui s’intègrent à la stratigraphie des
remplissages karstiques. Ces derniers
peuvent être datés et leur ancienneté
est souvent attestée comme dans Batu
Cave, Malaisie, où leur âge varie entre
35 et 4 ka, ou encore dans Tabon Cave,
Palawan, Philippines, où les sédiments
les plus anciens sont datés d’entre 40
et 32 ka [Choa et al., 2016]. Le pH du
guano évolue en fonction de son âge et
des conditions de conservation. Le guano
frais est légèrement basique. La lixiviation
par percolation d’eau élimine d’abord
l’ammoniaque. Ensuite, dans un guano
ancien, la percolation d’eau produit des
solutions acides pouvant atteindre un pH
très bas, compris entre 2 et 4 [tableaux 2
et 3 ; Martini, 1993 ; Mulec et al., 2015].
Ces solutions corrosives vont alors réagir
avec le carbonate de calcium de l’encaissant ou des spéléothèmes et former des
minéraux phosphatés, principalement
de l’hydroxyapatite Ca5(PO4)3(OH).
En fonction également des éléments
chimiques présents dans le guano
ou dans le substrat rocheux, diverses
réactions peuvent avoir lieu et donner
Cavité
Sites
Types
Présence
pH à 25 °C
Âge estimé
du guano
Grotte de Blanot
Entrée
Crottes
Individu
7,77
Quelques jours
Site Blanot
2,5
Crottes
Individus
isolés
6,74
< 1 an
Individus
isolés
6,25
< 1 an
Colonies
5,28
> 20 ans
Colonies
5,02
> 20 ans
Colonies
3,63
> 20 ans
Colonies
3,54
> 20 ans
Grotte des
Renards
Grotte d’Azé
Grotte de Blanot
Grenier
des
Chauvessouris
Amas au
sol
Salle
Jusseau
Amas au
sol
naissance à tout un cortège minéralogique
[Audra et al., 2018]. Cette néogenèse
peut également affecter les sédiments
se trouvant sous le guano [Perrenoud,
1993 ; Martini, 1993]. Les quantités de
phosphates générées par les chiroptères
peuvent être importantes. Une estimation
de la quantité de guano produite par
Plecotus auritus et Myotis daubentoni, dans
la période des douze heures postprandiale
a été réalisée [Speakman et Racey, 1994].
Sachant que le guano contient environ
25 % en masse de phosphate, la quantité
de phosphate générée peut être estimée.
Ainsi, pendant une période de 1 000 ans,
10 individus de Plecotus auritus et 10 individus de Myotis daubentoni, qui auraient
occupé une cavité pendant quatre mois
chaque année, peuvent générer 65 kg
de phosphate.
3) Agents d’altération gazeux
(figure 3)
La respiration des êtres vivants est un
des principaux facteurs de consommation
de l’oxygène (O2) dans les grottes. Celle-ci
produit en contrepartie du dioxyde de
carbone (CO2). Même si les origines du
CO2 dans les cavités sont variées, la respiration d’une colonie de chauves-souris
entraîne une production importante de
ce gaz, car celui-ci n’est pas forcément
évacué immédiatement de la cavité. À
l’abri des courants d’air dans des milieux
semi-confinés, la concentration peut
s’élever significativement. La quantité de
CO2 rejetée par jour pour un individu de
Plecotus auritus ou Myotis daubentoni est
évaluée à 0,798 g / j [Webb et al., 1994]
et atteint 2,74 g / j pour Rousettus aegyptiacus [Lundberg et McFarlane, 2015].
Les chiroptères présentent la particularité d’éliminer le dioxyde de carbone
qu’ils produisent par la bouche, mais
également par le patagium [Polturat,
2015]. La transpiration et la respiration
des chiroptères entraînent par ailleurs
un dégagement de vapeur d’eau. Dans
Tableau 3 : pH, à 25 °C, de guanos de
chauves-souris d’âge croissant. Grottes
d’Azé et de Blanot, Saône-et-Loire.
Mesures réalisées en laboratoire après
mise en suspension du guano dans de l’eau
déminéralisée, selon la méthode utilisée en
pédologie [Mulec et al., 2015].
pH at 25 °C from guanos of increasing
age. Grottes d’Azé and de Blanot, France.
Measures performed in laboratory after
proceeding to suspension of guano in
demineralized water, according to the
pedology method.
P. AUDRA, L. BARRIQUAND, J.-Y. BIGOT et al., L’impact méconnu des chauves-souris et du guano dans l’évolution morphologique tardive des cavernes
KARSTOLOGIA n° 68, 2016 • 1-20
5
Mackingeny Caves, Kenya, la quantité d’eau
ainsi rejetée a été estimée à 148 kg (rejet moyen
de 5,24 g/jour et par individu), pendant une
période de présence de 12 heures d’une colonie
estimée à 28 250 chiroptères. Cette quantité est
suffisante pour saturer en humidité 20 000 m3
d’air [Lundberg et McFarlane, 2015].
L’évaporation et la décomposition rapide
par des bactéries de l’urine génèrent de l’ammoniac [McFarlane et al., 1995 ; James, 2013].
Figure 3 : Distribution des
agents acides à partir des phases
gazeuses et liquides.
Distribution of acidic agents
originating from liquid and
gaseous phases.
Colonie de
chauves-souris
Acide
nitrique
(urines)
Acide carbonique
+ vapeur d’eau
(respiration)
C
carbone
H 2O
(vapeur d’eau)
N
azote
4) Agents d’altération mécaniques
Tas de guano
S
soufre
P
phosphore
Figure 4 : Détail des griffes d’un
Rhinolophus ferrumequinum
accroché aux parois. Leur
action mécanique participe à
la désagrégation du calcaire
altéré. Grottes de Blanot, Saôneet-Loire. Cliché D. Vergnaud.
Detail of the claws of a
Rhinolophus ferrumequinum
hung to the wall. Their
mechanical action participates
to the disaggregation of the
weathered limestone. Grottes
de Blanot, France.
La concentration en urée et ammoniaque est
dépendante du régime alimentaire des chiroptères. L’urine des espèces insectivores est plus
concentrée en urée et ammoniaque que les
espèces fructivores [Studier et Wilson, 1983].
Ainsi l’air des grottes occupées par les grandes
colonies de Tadarida brasiliensis au sud-ouest
des États-Unis et au nord du Mexique, dont les
populations peuvent excéder 10 millions d’individus, peut contenir entre 1 000 et 2 000 ppm
d’ammoniac [Mizutani et al., 1992 ; McFarlane
et al., 1995]. Il a été montré à Eagle Creek Cave,
Arizona, que le taux d’ammoniac est dépendant
de la présence ou non des chiroptères. Celui-ci
augmente rapidement à l’arrivée de la colonie
pour diminuer à nouveau quelques semaines
après son départ.
Acides sulfurique
et phosphorique
(contact guano / roche
et concrétions)
Pour s’accrocher aux parois des cavités,
les chiroptères utilisent leurs griffes qu’ils
positionnent dans des anfractuosités de la
roche (figure 4). Si cette dernière est altérée,
des fragments peuvent alors tomber. Des altérites (grains de quartz et fragments de calcaire)
se mélangent alors au guano et se retrouvent
plus tard associées aux niveaux phosphatés
des remplissages karstiques [Shahack-Gross et
al., 2004]. Il a été également observé de véritables pluies de sable lorsque des spéléologues
dérangent de grandes colonies de chiroptères
(observations au Vanuatu et au Gabon, B. et
J. Lips, com. orale).
B. Caractérisation de l’altération
La partie sommitale d’une paroi où s’accrochent les chiroptères paraît peu altérée. Mais
à quelques centimètres en dessous de celle-ci,
une porosité importante apparaît. Le calcaire
présente alors des micro-cupules et des sillons
qui peuvent mesurer plusieurs centimètres
Figure 5 : Altération des
parois liée aux excréments
de chauves-souris. Échelle à
graduation centimétrique.
À gauche : cupules et rigoles
s’approfondissant vers le bas,
grotte d’Azé, Saône-et-Loire.
À droite : profondeur
d’altération des parois liée aux
excréments de chauves-souris,
grottes de Blanot, Saône-etLoire. Cliché L. Barriquand.
Weathering of walls made by
bats excrements. Scale with
centimetric graduation. Left:
cupules and rills going deeper
downwards, grotte d’Azé,
France. Right: weathering
depth of the walls made by bat
excrements, grottes de Blanot,
France.
6
P. AUDRA, L. BARRIQUAND, J.-Y. BIGOT et al., L’impact méconnu des chauves-souris et du guano dans l’évolution morphologique tardive des cavernes
KARSTOLOGIA n° 68, 2016 • 1-20
de profondeur (figure 5). Une caractérisation
physique de cette porosité par porosimétrie
au mercure est actuellement en cours aux
grottes d’Azé. En pied de paroi, les croûtes
issues de l’altération de la paroi par le guano
finissent par se décoller du substrat altéré. Ce
dernier, du fait de son altération, se désagrège
facilement. Ce phénomène laisse apparaître en
hauteur la roche saine qui se trouve alors en
retrait de plusieurs centimètres par rapport à
la zone présentant encore les croûtes liées à
l’altération (figure 6).
C. Vitesse de retrait des parois
La vitesse d’altération des roches liée aux
déjections de chauves-souris est rapide. Un
exemple est donné sur du grès par les importantes dégradations que connaît le temple
d’Angkor Wat au Cambodge [Siedel et al.,
2008]. La vitesse d’altération des parois et les
retraits engendrés par celle-ci peut-être approchée par trois méthodes : la première consiste
à modéliser les paramètres physico-chimiques
et climatiques engendrés par la présence des
chiroptères et également les caractéristiques de
l’encaissant. Avec cette approche, la vitesse de
retrait d’une paroi a été estimée en moyenne
à environ 12,5 mm / ka, avec un maximum
à 24 mm / ka (entre 1 m / 60 000 ans et 1 m
/ 100 000 ans) par Lundberg et McFarlane
[2015]. Les mêmes auteurs estiment que les
cloches (bell holes) cylindriques à chauves-souris (lmoy = 35 cm, hmoy = 62 cm) présentes dans
Runaway Bay Caves, Jamaïque, ont ainsi été formées par condensation-corrosion en moins de
50 000 ans, soit des vitesses de « perforation »
de l’ordre de 12 mm / ka, au moins [Lundberg
et McFarlane, 2009]. Enfin, dans Gomantong
Cave, Bornéo, une modélisation à partir des
données microclimatiques et physiologiques
des chauves-souris aboutit à des vitesses de
retrait de l’ordre de 3 à 5 mm / ka, et jusqu’à
34 mm / ka dans les cas les plus favorables
[Lundberg et McFarlane, 2012].
La deuxième approche consiste à mesurer
le retrait sur des massifs stalagmitiques datés
par la méthode des isotopes de l’uranium et
du thorium. Cette méthode ne donne qu’une
vitesse minimale du retrait, car elle suppose
une vitesse moyenne et sans interruption des
processus d’altération depuis la date calculée.
En réalité, le processus est beaucoup plus
rapide que ces valeurs de retrait calculées,
puisqu’il se déroule seulement pendant une
partie de la période considérée, et à des rythmes
qu’on peut supposer variables. Dans la grotte
préhistorique d’Azé, un plancher stalagmitique a fermé la cavité à 60 m de son entrée.
Celui-ci a fait l’objet de plusieurs datations et
Figure 6 : Retrait de la paroi
par désagrégation sous l’effet
de la corrosion par le guano,
les reliques des croûtes de
phosphates en pied de paroi
attestent d’un retrait de
plusieurs centimètres.
À gauche : grotta Palombara,
Sicile. Cliché D. Cailhol.
À droite : grotta dei Personaggi,
Sicile. Cliché J.-Y. Bigot.
Wall retreat by disaggregation
from guano corrosion. Rests of
phosphate crusts at the foot
of the walls show a retreat of
several centimeters. Left: grotta
Palombara, Sicilia. Right: grotta
dei Personaggi, Sicilia.
Figure 7 : Coulée de calcite
altérée par les excréments
de chiroptères en moins de
10 000 ans, grotte d’Azé, Saôneet-Loire. Échelle à graduation
centimétrique.
Cliché L. Barriquand.
Par datation des parties non
corrodées à proximité, la
vitesse de retrait de la surface
est estimée à environ 5 mm /
ka. Flowstone weathered by
bat excrements in less than
10 000 years grotte d’Azé,
France. Scale with centimetric
graduation. Dating of
non-weathered zones located
close yielded a wall retreat
velocity of about 5 mm / ka.
P. AUDRA, L. BARRIQUAND, J.-Y. BIGOT et al., L’impact méconnu des chauves-souris et du guano dans l’évolution morphologique tardive des cavernes
KARSTOLOGIA n° 68, 2016 • 1-20
7
Retrait
6 cm
Figure 8 : Lambeau de calcite
en piédestal ayant protégé
l’encaissant de la corrosion,
grotte de Julio, Hérault. Le
plafond est altéré en boxwork.
Cliché M. Renda. Calcite remnant
in pedestal that protected
the host rock from corrosion,
grotte de Julio, France. Ceiling is
weathered as boxwork.
Figure 9 : Massif stalagmitique
partiellement exhumé d’un cône
de guano, grotte de la Lare,
Alpes-de-Haute-Provence. Les
formes adoucies sont typiques
de la crypto-corrosion, les
pinacles attestent de l’intense
corrosion de la concrétion.
Cliché J.-Y. Bigot. Stalagmite
partly exhumed from a guano
cone, grotte de la Lare, France.
Softened shapes are typical of
crypto-corrosion ; the calcite
pinnacles remaining from the
stalagmite show the intensity of
the corrosion.
sa partie sommitale est datée à 10,3 (± 0,4) ka
[Barriquand et al., 2006]. La profondeur d’altération d’une coulée de calcite qui se trouve
à quelques centimètres du prélèvement daté
est d’environ 5 cm (figure 7). À partir de ces
données nous pouvons donc établir une vitesse
de retrait d’environ 5 mm / ka.
La troisième méthode consiste à dater des
spéléothèmes apparaissant en piédestal, qui ont
protégé les parois de l’altération, et de mesurer
le recul que celles-ci ont connu, juste à côté
du spéléothème (figure 8). Des datations U/Th
sont en cours, afin d’approximer les vitesses
moyennes de recul de paroi. Une approche
similaire réalisée sur des concrétions altérées,
en datant le cerne sain le plus externe a donné
des vitesses de retrait de l’ordre de 0,4 mm /
ka [Auler et Smart, 2009]. Dans la grotte du
Chameau, au Maroc, la datation à 100 ka d’un
piédestal en relief de 10 cm, donne une vitesse
de retrait minimale de l’ordre de 1 mm / ka
(Audra, non publié). D’autres sites sont en
cours de datation.
Stalagmite en
pinacles, exhumée
après crypto-corrosion
sous le guano
III. Les morphologies de corrosion
associées aux chauves-souris et
au guano
La corrosion associée au guano, qu’elle
soit directe sous l’effet des percolations
acides ou indirecte sous l’effet de convection gazeuses corrosives, produit des formes
variées. Certaines sont très similaires à celles
engendrées par des processus complètement
différents, notamment l’écoulement noyé,
d’autres au contraire sont typiques de la corrosion sous l’influence du guano. Trois processus
mettent en œuvre les produits acides dérivés
de la présence des chauves-souris et du guano :
la condensation-corrosion, le ruissellement
et la crypto-corrosion. La condensation-corrosion se produit lorsque l’air de la cavité
est plus chaud que l’encaissant rocheux, ce
qui est le cas presque systématiquement au
plafond des conduits. Ce phénomène courant
et généralement peu efficace se voit considérablement renforcé par les courants d’air
apportant de l’air extérieur chaud et humide,
par la chaleur et l’humidité dégagées par les
colonies de chauves-souris suspendues au
plafond, et par les réactions exothermiques
de minéralisation du guano. Le film d’eau de
condensation constitué sur la paroi s’équilibre
avec le CO2 atmosphérique et éventuellement
d’autres acides (sulfurique, nitrique), et devient
corrosif vis-à-vis de l’encaissant qui s’altère.
Sur la partie haute des parois, le cumul de
l’eau de condensation produit un fil d’eau
qui ruisselle le long des parois et s’égoutte
sous les larmiers. L’effet corrosif est similaire.
Enfin, la crypto-corrosion agit sur le substrat rocheux couvert par des amas de guano
humide qui diffusent l’agressivité produite par
la minéralisation du guano (acide phosphorique principalement, mais aussi sulfurique,
et probablement nitrique ; l’acide carbonique
des percolations agit également).
A. Formes de crypto-corrosion sous guano
À l’image des lapiaz de crypto-corrosion
enfouis sous des sols, une corrosion diffuse
s’exerce sous les accumulations de guano
acide, donnant des formes régulières et des
parois adoucies.
1) Lapiaz de crypto-corrosion
et abaissement du sol
Lorsque la roche est couverte de guano,
la corrosion agit de manière diffuse au contact
guano / roche. Les formes sont adoucies, mais
elles peuvent se présenter en pinacles lorsque
les lames ont été considérablement amincies
(figure 9). Des formes similaires, plus spectaculaires, sont connues dans les grottes de
Mulu, Malaisie. Le contact du guano corrosif attaque le substrat rocheux, qui s’abaisse
8
P. AUDRA, L. BARRIQUAND, J.-Y. BIGOT et al., L’impact méconnu des chauves-souris et du guano dans l’évolution morphologique tardive des cavernes
KARSTOLOGIA n° 68, 2016 • 1-20
progressivement. Dans la grotte d’Isturitz,
Pyrénées-Atlantiques, le grand pilier a joué
un rôle protecteur : le sol s’est abaissé de 1 à
2 m, tandis que la roche sous le pilier a été
protégée. Il apparaît perché sur un piédestal
de 1 à 2 m de hauteur, attestant de l’ampleur
de la corrosion au sol, qui serait de l’ordre de
20 à 40 mm / ka, si l’on se réfère à l’âge du
sédiment et du guano (figure 10).
2) Lapiaz de guano
Lorsque les dépôts de guano sont en
hauteur sur des margelles, l’humidité percole
au travers ruisselle sur la roche sous-jacente,
formant de profondes rigoles de corrosion,
assimilables à des lapiaz de ruissellement
(figure 11).
Plafond
ancien
Calcite
Roche
Pilier
1
Guano
2
3) Tines à guano
À l’aplomb des zones d’accrochage des
chauves-souris, on trouve des creux cylindriques que nous appelons « tines à guano »
(tinajitas à Cuba, guano pot holes en anglais).
Leur section est grossièrement circulaire, avec
des parois verticales formant un cylindre se
refermant en pointe d’obus arrondie (figure 12).
Elles se développent sur les blocs rocheux, dans
l’encaissant calcaire, et le plus souvent sur
des dômes de calcite présents à l’aplomb des
stalactites où les chauves-souris s’accrochent.
Si le substrat est incliné, elles peuvent être
égueulées. Elles sont souvent enduites d’une
auréole de phosphates (hydroxylapatite) issus
de l’altération de la calcite par le guano. Les
tines sont souvent garnies d’un cône de crottes
sèches, tandis que le fond est composé de
guano humide décomposé noir, mélangé à
une pâte blanche phosphatée issue de l’altération de la calcite. La corrosion s’effectue par
crypto-corrosion au fond du culot acide de
3
Abaissement
du sol : 2 m
(≈ 20-40 mm / ka)
guano humide, qui progresse en profondeur et
aboutit à la forme cylindrique. Dans la grotte
de Cabrespine, Aude, la stalactite surplombant
la tine ne permet que l’accroche d’un individu
unique. La tine est donc liée à l’effet d’une
seule chauve-souris à la fois, ce qui atteste
de la puissance de la corrosion, même s’il est
probable que plusieurs générations se sont
succédé sur un temps long.
En zone tropicale, les excrétas des
chauves-souris hématophages sont encore
plus corrosifs. Les vampires d’Amérique du
Guano
Piédestal
rocheux
Sol
ancien
Sol actuel
Figure 10 : Évolution du
Grand Pilier de la Grande
Salle dans la grotte d’Isturitz,
Pyrénées-Atlantiques. Cliché
J.-Y. Bigot. Le pilier a protégé
le sol calcaire, il est désormais
perché sur un piédestal de
1 à 2 m de hauteur, exhumé
par l’exploitation du guano.
Les vestiges archéologiques
permettent d’estimer la vitesse
d’abaissement du sol à environ
20-40 mm/ka.
Evolution of the Great Pillar in
Great Chamber, grotte d’Isturitz,
France. The limestone floor has
been protected by the pillar,
which is now perched on a 1 to
2 m high pedestal, exhumed
after guano mining. Archeologic
remains allow estimating the
floor lowering velocity at about
20-40 mm/ka.
Suintements
co r r o s i fs
10 cm
Figure 11 : Lapiaz de guano avec
rigoles de corrosion, développé
par les ruissellements en
contrebas d’une accumulation
de guano, grotta dei
Personaggini, Sicile.
Cliché J.-Y. Bigot.
Guano karren with corrosion
rills made by acidic runoff down
to a guano accumulation, grotta
dei Personaggini, Sicilia.
P. AUDRA, L. BARRIQUAND, J.-Y. BIGOT et al., L’impact méconnu des chauves-souris et du guano dans l’évolution morphologique tardive des cavernes
KARSTOLOGIA n° 68, 2016 • 1-20
9
G uano
Chauve souris
G uano
Culot
Figure 12 : Tines à guano
égueulées encastrées dans des
coulées de calcite. À gauche :
enduit de phosphates et tines
se déversant les unes dans
les autres, grotte de la Lare,
Alpes-de-Haute-Provence.
Cliché J.-Y. Bigot.
Au centre gauche : suintements
de guano teintant la coulée
sous-jacente, grotte de
Cabrespine, Aude. Cliché É. Fabre.
Au centre droit : schéma de
l’approfondissement d’une tine
par corrosion à la base du culot
de guano acide qui corrode
l’encaissant carbonaté. À droite :
les excrétas liquides très corrosifs
des vampires hématophages
sont à l’origine de fosses de
dissolution, creusées dans les
planchers stalagmitiques et les
remplissages, cueva del Gallito
de Rocas de Palestina, Pérou.
Cliché J.-Y. Bigot.
Opened guano pits in a calcite
flowstone. Left: phosphate
crusts and successive guano
pits, grotte de la Lare, France.
Center left: guano dripping
staining a flowstone, grotte de
Cabrespine, France. Center right:
diagram of the deepening of a
guano pot by crypto-corrosion
at the base of the acidic guano
accumulation that corrodes the
carbonated rock. Right: the
very corrosive liquid excreta of
hematophagous vampires make
dissolution pits in the calcite
floor, Cueva del Gallito de Rocas
de Palestina, Peru.
Sud sont à l’origine de fosses de 1 à 2 m de
profondeur au pied des coupoles [Bigot et
Guyot, 2014 ; figure 12].
B. Formes de paroi et de plafond liées
aux convections agressives
En hauteur, parois et plafonds ne sont
pas soumis directement aux fluides corrosifs
percolant du guano. En revanche, les convections d’air provoquent de la condensation sur
ces parois hautes relativement froides, qui
combinée au CO2 et autres substances acides
émanant des chauves-souris, corrodent les
parois de manière uniforme.
phénomène récent, toujours actif. Une corrosion par ennoyage est totalement exclue,
les blocs à l’écart des convections sont encore
anguleux, ainsi que la base des blocs. La proximité d’épaisses accumulations de guano en
contrebas, la position de la trémie tout en
haut d’une salle inclinée, atteste l’effet exclusif
des convections corrosives. Ce site est remarquable, car il présente un cas incontestable où
tout autre processus concurrent est exclu ; il
démontre la puissance de la condensation-corrosion par les convections agressives au-dessus
des accumulations de guano.
3) Niches et encoches de parois
1) Aspect lisse et uniforme des parois
L’aspect parfaitement lisse des parois
évoque faussement une corrosion de type
phréatique. Cet aspect est effectivement lié
à la circulation d’un fluide, mais qui est ici
l’air, animé par des convections. Sous l’effet
de la condensation, la corrosion se diffuse de
manière uniforme, rabotant indifféremment la
paroi qui présente un aspect lisse (figure 13).
Les massifs stalagmitiques sont réduits à des
figures géométriques simplifiées et massives,
ultimement en « meule de foin ». Des structures
hétérogènes comme les brèches sont tranchées
net, y compris les éléments paléontologiques
phosphatés comme les ossements et même
l’émail des dents. Seuls les éléments les moins
corrodables (gros fossiles de calcite, insolubles
de l’encaissant comme les silex) dépassent de
la paroi et attestent de son retrait.
2) Blocs d’éboulis émoussés
Dans la grotta Palombara, Sicile, un éboulis (trémie) a fourni des blocs, dont la partie
superficielle est émoussée par la condensation-corrosion (figure 14). Si le plafond,
également lissé, pourrait être attribué aux
vestiges de la phase noyée initiale, les blocs
– initialement anguleux – témoignent d’un
10
10 cm
Les niches et encoches de paroi relèvent
du même processus de condensation-corrosion
en présence de chauves-souris, guidé par les
convections d’air (figure 15). La fissuration
est exploitée par la corrosion, donnant des
hiéroglyphes de paroi. Parfois, le phénomène
de ruissellement de condensation est important
au point de générer une rigole qui recueille et
canalise les eaux de condensation. Lorsqu’elles
sont suffisamment profondes, les niches
peuvent ensuite abriter des essaims de chauvessouris et évoluent en biocoupoles (infra).
La condensation-corrosion renforcée par la
présence de chauves-souris produit un recul
généralisé des parois. Lorsque le sol est composé
de matériaux insolubles (argiles, phosphates),
seule la paroi au-dessus du sol recule, alors
que la paroi enfouie demeure fossilisée sous
le dépôt, à l’image des banquettes-limites dans
les conduits paragénétiques. L’encoche se
présente sous la forme d’un trottoir rocheux
passant sans transition au remplissage.
4) Trous de stillation
Lorsque les ruissellements de condensation
se concentrent, ils s’écoulent goutte-à-goutte à
partir de larmiers et tombent au sol. Chargés
d’acides, ils sont extrêmement corrosifs. Ils
P. AUDRA, L. BARRIQUAND, J.-Y. BIGOT et al., L’impact méconnu des chauves-souris et du guano dans l’évolution morphologique tardive des cavernes
KARSTOLOGIA n° 68, 2016 • 1-20
percent littéralement le sol rocheux et les
blocs de trous de stillation, larges de quelques
centimètres, mais profonds parfois jusqu’à
1 m. Les parois de ces trous de stillation sont
lisses, parfaitement cylindriques, se rétrécissent faiblement vers le bas en cône inversé
(figure 16). Au même titre que les trous de
stillation produits en atmosphère ultra-acide
chargée de CO2 ou d’H2S [Audra, 2007], ils
illustrent la puissance des substances corrosives
issues du guano.
5) Niches des piliers et massifs
stalagmitiques
Les niches de parois peuvent se développer dans la roche calcaire ou dans la calcite.
Certains piliers stalagmitiques sont spectaculairement sculptés de niches sur toute leur
hauteur. La morphologie initiale des stalagmites conditionne l’évolution des formes. Ainsi,
une forme massive générera des morphologies
en meule de foin conditionnée par la corrosion sous un voile de guano (figure 17). En
revanche, des formes effilées comme les piliers
ou stalagmites, qui présentent des surfaces plus
verticales, évolueront en niches sous l’effet
des convections d’air corrosif [Bigot, 2014 ;
figure 18]. Une évolution longue aura pour
effet d’amincir les piliers stalagmitiques les plus
massifs et de faire disparaître les concrétions
Plafond
lissé
G uano
de taille plus réduite. Dans la grotte d’Isturitz,
Pyrénées-Atlantiques, seul le Grand Pilier
subsiste, la plupart des autres concrétions
ont disparu, ne laissant en témoin que des
placages résiduels, ou des concrétions récentes
(figure 10). Ce pilier rejoignait vraisemblablement le plafond, mais la partie sommitale
a complètement disparu. En effet, le plafond
a perdu une bonne épaisseur de roche et de
concrétionnement, seules quelques petites
stalactites récentes s’accrochent sur une surface
nue et corrodée. Les coulées stalagmitiques
qui recouvraient les parois de la galerie ont
disparu pour ne laisser que des lambeaux dans
lesquels on peut voir les cernes de croissance
de la calcite. De nombreux exemples de piliers
ainsi sculptés ont été identifiés dans les grottes
à accumulations importantes de guano : grotte
de la Grosse Marguerite dans le Gard, Slaughter
Canyon Cave au Nouveau Mexique [Bigot,
2014], Baradla Cave en Hongrie ou au Pérou
[Bigot et Guyot, 2014]…
C. Traces laissées par les essaims
de chauves-souris
1) Les traînées sombres
Certaines coupoles, mêmes abandonnées
depuis longtemps, présentent des coulées
sombres descendant le long des parois. Ces
Figure 13 : Rabotage par la
condensation-corrosion en
présence de guano. À gauche :
parois et plafonds lissés par
la condensation-corrosion,
plancher corrodé par les
dépôts de guano aujourd’hui
disparus, grotte de l’Hortus,
Hérault. Au centre : encaissant
calcaire et cristaux de calcite
recoupés indifféremment. Le
concrétionnement postérieur
qui recouvre partiellement
la roche rabotée par la
condensation-corrosion est
également fortement corrodé,
grotte d’Azé, Saône-et-Loire.
Clichés J.-Y. Bigot.
À droite : concrétion conique en
« meule de foin » réduite par
la présence des chauves-souris,
grotte de Saint-Marcel, Ardèche.
Cliché L. Mocochain.
Smoothing by condensationcorrosion in the presence of
guano. Left: smoothed walls
and ceilings, calcite floor
corroded by guano now eroded,
grotte de l’Hortus, France.
Center: limestone host rock and
calcite crystals are both cut. The
recent calcite deposit which
partly covers the corroded rock
is also strongly corroded, grotte
d’Azé, France. Right: conical
stalagmite in « haystack »
reduced by the presence of bats,
grotte de Saint-Marcel, France.
Blocs
émoussés
Condensationcorrosion
Blocs
anguleux
Figure 14 : Blocs issus d’un
éboulis (trémie), émoussés par la
condensation-corrosion actuelle
sous l’effet des convections
associées au guano, grotta
Palombara, Sicile. Plus les blocs
sont localisés vers le haut, plus
ils sont émoussés.
Cliché D. Cailhol.
Block from a collapse,
smoothed by active
condensation-corrosion made
by air convections associated to
guano, grotta Palombara, Sicilia.
The higher the blocks are, the
smoother they are.
P. AUDRA, L. BARRIQUAND, J.-Y. BIGOT et al., L’impact méconnu des chauves-souris et du guano dans l’évolution morphologique tardive des cavernes
KARSTOLOGIA n° 68, 2016 • 1-20
11
Co u p o l e
Hiéroglyphes
Co n d e n s a t i o n co r r o s i o n
Co n d e n s a t i o n co r r o s i o n
Guano
Recul
de paroi
1,7 m
Croûte
de
p hosphates
Pe t i t
rh i n o l o p h e
Ch e n a l d e
co r r o s i o n
Niches de paroi
G uano ré ce nt
Figure 15 : Niches de parois et
encoches formées par les convections
d’air produisant de la condensationcorrosion en présence de chauvessouris. À gauche : niches en pied de
paroi au-dessus de guano ancien
et frais, un petit rhinolophe est
visible en haut de la niche centrale,
grotte de Saint-Marcel, Ardèche.
Cliché Cailhol. Au centre : sous
une grande coupole de plafond,
du guano est accumulé à la base
de la niche. Les percolations de
condensation produites au sommet
de la coupole se collectent dans
un chenal de corrosion après
avoir traversé le guano acide. Les
percolations du chenal s’égouttent
ensuite et forment un trou de
stillation, grotte de Saint-Marcel,
Ardèche.Cliché D. Cailhol.
À droite : encoche de pied de paroi
produite par condensation-corrosion,
la croûte de phosphates insolubles
a préservé la position initiale de
la paroi, cas extrême de recul de
paroi ici jusqu’à 1 m 70, grotte du
Chameau, Maroc. Cliché M. Renda.
Wall niches and notches made by air
convections making condensationcorrosion, in presence of bats. Left:
niches at the foot of the wall above
fresh and old guano deposits, a small
rhinolophus is visible on top of the
central niche, grotte de Saint-Marcel,
France. Center: below a large ceiling
cupola, some guano accumulated at
the base of the niche. Condensation
dripping produced on top of the
cupola are collected in the corrosion
channel after crossing acidic guano.
Eventually, the acidic dripping makes
a dripping hole, grotte de SaintMarcel, France. Right : foot notch
made by condensation-corrosion,
the insoluble phosphate crust
preserved the initial position of the
wall, extreme case of wall retreat
reaching here up to 1.70 m, grotte
du Chameau, Morocco.
12
1m
E n co c h e
Tro u d e
stillation
1m
coulées suivent la ligne de plus grande pente,
y compris les surplombs, et tendent à s’élargir
vers le bas. Parfois la coulée s’interrompt par
un larmier naturel (stalactite ou pendant
rocheux). L’aspect sombre correspond à
la roche décapée ou mise à nu, contrastant
avec les parois environnantes recouvertes de
calcite ou de calcaire altéré blanchâtre, qui
peuvent recouvrir partiellement la coulée
lorsque l’abandon est ancien (figure 19). Ces
observations démontrent que la présence des
chauves-souris est un processus concurrent
à l’évolution des parois par altération diffuse
et recouvrement par un voile de calcite.
L’origine de ces coulées sombres est liée à un
flux gravitaire diffus, s’écoulant par capillarité
(y compris sous les surplombs). L’humidité
résulte de la condensation produite par l’essaim, à laquelle s’ajoutent les excrétas qui en
renforcent l’agressivité. L’urine est assurément
présente (figure 2) ; les déjections solides
possiblement, qui seraient alors à l’origine
des coulées brunes d’apatite (figure 23).
Ces traînées sombres permettent d’identifier
les anciens essaims, même en l’absence des
croûtes de phosphates noires caractéristiques.
Bas
Figure 16 : Trous de stillation formés par les percolations rendues ultra-corrosives par les acides provenant
du guano, grotta Monello, Sicile. À gauche : trous de stillation perforant un bord de bloc, le trou de gauche
atteint près de 1 m de profondeur et traverse le bloc. À droite : modèle 3D d’un trou de stillation perçant
un bloc fragmenté en deux morceaux. Les parois du trou sont lisses, de section parfaitement cylindrique
et encroûtées de calcite. Cliché et image 3D, D. Cailhol. Dripping holes made by acidic dripping coming from
guano, grotta Monello, Sicilia. Left: the dripping holes pierce the edge of a block, the left dripping hole is
almost 1 m-deep and entirely crosses the block. Right: 3D model of a dripping hole broken in two pieces.
The lining is smooth, perfectly cylindrical, and encrusted by calcite.
P. AUDRA, L. BARRIQUAND, J.-Y. BIGOT et al., L’impact méconnu des chauves-souris et du guano dans l’évolution morphologique tardive des cavernes
KARSTOLOGIA n° 68, 2016 • 1-20
2) La corrosion différentielle
La corrosion par les écoulements noyés
lents laisse en relief les éléments plus résistants à la corrosion, telles les veines et filons
de calcite dont les cristaux sont plus gros.
La corrosion par le suintement des eaux
de condensation produit les mêmes effets
de corrosion différentielle et laisse en relief
les parties plus résistantes. Au contraire, la
condensation-corrosion dans les coupoles ou
les niches corrode d’une manière uniforme et
tranche sans distinction les cristaux de calcite
et le calcaire.
Dans la grotte d’Azé, Saône-et-Loire, les
parois présentent de fines arêtes de calcaire, en
relief de quelques millimètres par rapport au
fond de la paroi. Ces arêtes sont verticales et
correspondent à des bandes-témoins du retrait
de la paroi calcaire, qui ont été protégées par
du concrétionnement (petites draperies). Les
eaux corrosives de condensation dissolvent
plus lentement la calcite que le calcaire. Le
phénomène, apparemment toujours actif, est
bien visible en éclairage rasant (figure 20).
On en déduit que le concrétionnement
n’a jamais cessé de recouvrir les parois, et
qu’il est indépendant du flux migratoire des
chauves-souris dans la grotte. Ainsi, une présence durable et assidue de chiroptères aura
pour conséquence de faire reculer la calcite ;
à l’inverse, une absence favorisera le développement du concrétionnement.
D. Les cloches et coupoles d’origine
biologique
Les coupoles sont des formes classiques
des grottes épigènes creusées en régime noyé
ou épinoyé. Ces coupoles « phréatiques » présentent parfois des cernes noirs qui attestent
la présence de débris végétaux, d’air, ou de
CO2, piégés lors des crues par la montée des
eaux (figure 21). Les coupoles phréatiques
diffèrent des coupoles sphériques emboîtées
de condensation-corrosion que l’on trouve
dans les cavités hypogènes [Audra et Palmer,
2015]. Quant aux coupoles d’origine biolo-
Co r r o s i o n p a r cont a c t
g u a no - c a l c i te
( é vo l u t i o n u n i f o r m e
d e l a s u r f a ce ex p o s é e )
Figure 17 : Évolution
différentiée des
morphologies des
concrétions stalagmitiques
Forme massive sans
développement de niches
dans une cavité occupée
par les chauves-souris.
Les concrétions massives
évoluent en meule de
1 m
foin par crypto-corrosion
sous un voile de guano ;
les stalagmites élancées
sont sculptées de niches
sur toute leur hauteur
par combinaison de la
Forme en
Forme en
crypto-corrosion et de la
"Meule de foin"
"Pilier scupté
condensation-corrosion.
de niches"
Different morphological
evolutions of stalagmites
in caves used by bats. The
gique façonnées par la présence d’essaims de
massive stalagmites evolve
chauves-souris favorisant la condensation-cortowards a “haystack” shape by
rosion (supra), plusieurs critères permettent de
crypto-corrosion under a thin
coating of guano ; the slender
les différencier. Par nécessité descriptive et en
stalagmites are entirely carved
conformité avec la terminologie anglo-saxonne,
by niches originating from the
nous distinguons les coupoles (cupolas), plus
combination of crypto-corrosion
larges que hautes et en forme de verre de
and condensation-corrosion.
Développement des niches
(condensation- corrosion)
montre, des cloches (bell holes), hautes et
étroites et de forme cylindrique terminée en
ogive arrondie (figures 22 et 23). Il se pourrait
que les grandes coupoles soient la conséquence
de colonies très nombreuses, tandis que les
petites cloches soient associées à des colonies
plus modestes. Parfois, des cloches s’emboîtent
dans des coupoles allongées (figure 23). Les
coupoles biologiques ayant abrité des essaims
sont aisément identifiables grâce aux traces
brunes ou noires laissées le long des parois
par l’écoulement de leur excrétas (idem). Les
analyses minéralogiques révèlent qu’il s’agit
systématiquement de croûtes de phosphates
(hydroxylapatite), formées à partir de l’urine et
du guano réagissant avec l’encaissant calcaire
[Audra et al., 2018].
IV. Les croûtes de paragenèses
minérales, dépôts associés à la
présence des chauves-souris
Les accumulations de guano sont bien
connues pour être à l’origine de phosphates.
2,5 m
4 m
Co n d e n s a t i o n - co r r o s i o n
( é vo l u t i o n p a r l e h a u t )
Pi l i e r
stalagmitique
scupté de niches
Croûte
d ’a p a t i te
Figure 18 : Piliers stalagmitiques
sculptés de niches. À gauche :
formation des niches par
combinaison de la condensationcorrosion sous les parties
hautes surplombantes, et de
la crypto-corrosion sur les
parties basses où un voile de
guano peut s’accumuler. Au
centre : stalagmite sculptée
de niches, Slaughter Canyon
Cave, États-Unis. On distingue
nettement en haut des niches
la partie claire sculptée par les
convections corrosives, et la
base peu inclinée permettant
l’accumulation d’un voile de
guano. Cliché J.-C. Nobécourt.
À droite : les niches sont
profondément encastrées
ne laissant qu’un aspect
squelettique de la coulée
originelle, grotte du Chameau,
Maroc. Cliché Ph. Audra.
Stalagmite pillar carved by
niches. Left: development
of niches by combination of
condensation-corrosion in the
overhanging parts, and by
crypto-corrosion on the lower
parts where a thin coating of
guano can accumulate. Center:
pillar carved by niches, Slaughter
Canyon Cave, USA. The light
upper part of the niches carved
by corrosive convections is
clearly visible, whereas the
darker base is gently inclined
allowing the accumulation of
a thin guano coating. Right:
the niches are deeply incised,
only living a skeletal flowstone,
Grotte du Chameau, Morocco.
P. AUDRA, L. BARRIQUAND, J.-Y. BIGOT et al., L’impact méconnu des chauves-souris et du guano dans l’évolution morphologique tardive des cavernes
KARSTOLOGIA n° 68, 2016 • 1-20
13
généralement pas des dépôts caractérisés du
point de vue morphologique.
A. Les encroûtements phosphatés
Figure 19 : Traînée sombre
(roche à nu) produite par les
écoulements corrosifs émanant
d’un ancien essaim de chauvessouris dans une coupole, grotte
d’Isturitz, Pyrénées-Atlantiques.
Cliché J.-Y. Bigot.
Dark trickle (bare rock) made by
corrosive seepage originating
from a bat colony located in a
cupola, grotte d’Isturitz, France.
Ces minéraux extrêmement variés (> 100),
certains très rares, résultent de l’interaction
complexe des lixiviats issus du guano avec la
roche généralement calcaire, et les sédiments
[Hill et Forti, 1997 ; Onac et Forti, 2011
et références incluses ; Audra et al., 2018].
Hormis ces phosphates, les autres classes de
minéraux associés au guano constituant des
amas macroscopiques sous forme de croûtes
sont les sulfates, avec principalement le gypse.
En conditions particulièrement sèches seront
présents les nitrates (le fameux salpêtre), et plus
rarement les minéraux organiques telle l’urée
[Audra et al., 2017]. Nous n’évoquerons pas
ces deux dernières classes qui ne constituent
Les croûtes de phosphates sont des
dépôts courants recouvrant une partie des
parois des cavités contenant ou ayant contenu
des guanos anciens. Ce sont ces croûtes qui
étaient recherchées par les phosphatiers. Pour
l’anecdote, les autres dépôts meubles – de très
faible concentration – étaient généralement
mélangés et vendus également pour des
phosphates, ce qui relevait assurément de
l’escroquerie sur la marchandise. Ces croûtes
sont épaisses parfois de plusieurs centimètres,
de couleur blanchâtre, grise, brun clair ou
foncé, avec plus rarement des teintes rosâtres
ou verdâtres. Elles se disposent en contrebas
des accumulations des margelles recouvertes
du guano qui a fourni les lixiviats acides. Ces
produits corrosifs réagissent avec l’encaissant
calcaire, lequel est systématiquement altéré au
contact des croûtes phosphatées (figure 24).
Des stalactites et coulées d’aspect similaire
peuvent se former sous les surplombs ; elles
présentent des laminations comparables aux
concrétions de calcite. D’un point de vue
minéralogique, il s’agit quasi-systématiquement
d’hydroxylapatite, les autres minéraux n’étant
présents qu’à l’état de traces. Dans bien des cas,
lorsque les grottes ont été abandonnées par
les chauves-souris depuis longtemps et que le
guano a été érodé par les ruissellements, ces
croûtes de phosphates quasi-insolubles sont
les seuls témoignages de colonies importantes
du passé. Elles sont généralement associées
aux morphologies décrites dans cet article,
Figure 20 : Les draperies et filets de calcite protègent un temps la paroi de la condensation-corrosion. Les bandes verticales de calcaire en relief attestent
le retrait de la paroi, sous l’effet des suintements corrosifs, grotte d’Azé, Saône-et-Loire. Clichés J.-Y. Bigot.
The calcite curtains and lines are temporarily protecting the wall from condensation-corrosion. The vertical stripes of limestone show the wall retreat
originating from corrosive seepage, grotte d’Azé, France.
14
P. AUDRA, L. BARRIQUAND, J.-Y. BIGOT et al., L’impact méconnu des chauves-souris et du guano dans l’évolution morphologique tardive des cavernes
KARSTOLOGIA n° 68, 2016 • 1-20
notamment les concrétions puissamment
corrodées.
B. Les encroûtements de gypse
Le gypse est un minéral fréquemment
associé au guano [Martini, 1993], présent sous
forme d’efflorescences et de croûtes noduleuses
jaune et orange sur les tas de guano. En conditions arides où l’humidité est restreinte, le tas
de guano peut se transformer intégralement
en gypse cotonneux ayant la consistance de
barbe à papa dorée [Martini et Kavalieris, 1978,
figure 25 à droite]. Dans les cavités où le guano
est plus ancien ou a complètement disparu,
le gypse peut former des croûtes épaisses de
plusieurs millimètres recouvrant les blocs au
sol. Très soluble, il ne peut persister que dans
les zones très sèches ou en position d’abri
par rapport aux percolations, comme dans
les grottes de Sirach, Pyrénées-Orientales, ou
d’Isturitz, Pyrénées-Atlantiques (figure 25 à
gauche). Ces sulfates se forment à partir des
solutions d’acide sulfurique issues du guano
en cours de minéralisation, qui réagissent
avec les percolations chargées de carbonates
en solution.
Figure 21 : Coupole comportant un cerne noir dû aux débris organiques transportés par les
pertes de l’Ardèche, grotte de Saint-Marcel, Ardèche. Il s’agit d’une coupole « classique »
de type phréatique. Cliché J.-Y. Bigot.
Cupola with a black rings originating from organic debris brought through river sinkholes,
grotte de Saint-Marcel, France. It corresponds to a “classical” cupola, of phreatic origin.
Cloches
profondes
V. Discussion : morphologies
diagnostiques et expansion
des conduits
Coupoles
larges
A. Les cloches verticales indépendantes
de la fracturation, diagnostiques de
la corrosion par les chauves-souris
Une question fondamentale est d’attribuer
une forme à un processus, question délicate
s’il en est dès lors que bien souvent plusieurs
processus convergent vers des formes similaires, qu’il s’agit alors de différencier par des
critères incontestables. Pour les coupoles,
il s’agit d’une part d’identifier les coupoles
d’origine intégralement biologique, façonnées
Grotte d'Azé
Grotte d'Isturitz
Figure 22 : À gauche : cloches (bell holes), de forme cylindrique haute et étroite, exemple
de la grotte d’Azé, Saône-et-Loire. À droite : coupoles (cupolas), en verre de montre plus
larges que hautes, exemple de la grotte d’Isturitz, Pyrénées-Atlantiques, dont les coupoles
évoquent la taille des colonies de chauves-souris.
Left: bell holes with deep and narrow cylindrical shape, grotte d’Azé, France. Right: wide
and shallow cupolas, which width could be related to the size of the bat colony, grotte
d’Isturitz, France.
Figure23 : Cloches cylindriques d’origine biologique, avec traces de coulées brunes ou noires de phosphates (apatite) provenant des excrétas des
chauves-souris. Le plafond soumis à une condensation-corrosion intense est dépourvu de coulées et d’enduits de calcite, qui n’apparaissent que plus
bas. À gauche : grotte de la Grosse Marguerite, Gard. 2ème photo à partir de la gauche : cloches emboîtées dans une coupole allongée, grotte d’Isturitz,
Pyrénées-Atlantiques. Clichés J.-Y. Bigot. Deux photos de droite : cloches cylindriques biogéniques typiques des cavités de Madagascar, le personnage
entouré donne l’échelle. Clichés O. Grunewald.
Biological bell holes with phosphate brown or black trickles originating from bat excreta. Intense condensation-corrosion occurs on the ceiling of the
bell holes, which lacks of dark trickles and calcite coating that only appear downwards. Left: grotte de la Grosse Marguerite, France. Second from
the left: interlocked bell holes in an elliptical cupola, grotte d’Isturitz, France. Two right pictures: biological bell holes typical from Madagascar caves ;
encircled person for scale.
P. AUDRA, L. BARRIQUAND, J.-Y. BIGOT et al., L’impact méconnu des chauves-souris et du guano dans l’évolution morphologique tardive des cavernes
KARSTOLOGIA n° 68, 2016 • 1-20
15
Figure 24 : Croûte de phosphate
(hydroxylapatite) recouvrant un
bloc de calcaire dont la surface
de contact est altérée. Échelle
centimétrique, grotta Monello,
Sicile. Clichés. J.-Y. Bigot.
Phosphate crust
(hydroxylapatite) covering a
limestone block, which surface
is weathered. Centimetric scale,
grotta Monello, Sicilia.
Figure 25 : À gauche : croûte
de gypse recouvrant un bloc de
calcaire émoussé par l’altération,
protégé de la dissolution par
le recouvrement d’un autre
bloc. Du guano ancien est
visible au sol, grotte d’Isturitz,
Pyrénées-Atlantiques. Cliché
J.-Y. Bigot. À droite : cône de
guano entièrement transformé
en gypse ayant l’aspect de
barbe à papa dorée, du fait des
conditions particulièrement
sèches, grotte du Chameau,
Maroc. Cliché M. Renda.
Left: a weathered limestone
block is covered by a gypsum
crust, which has been protected
from dissolution by another
covering block. Some old guano
is visible on the ground, grotte
d’Isturitz, France. Right: guano
heap entirely transformed in
gypsum like golden candy-floss
grotte du Chameau, Morocco.
16
par les essaims de chauves-souris, et d’autre
part de pouvoir exclure une origine autre
(phréatique), où les chauves-souris n’auraient
été que des hôtes opportunistes sans effet
morphogénique. Les exemples incontestables
ne sont pas fréquents, dans la plupart des cas
il est impossible d’attester qu’il n’a pas existé
au préalable de coupoles phréatiques que
les chauves-souris n’auraient fait que retoucher. Dans les exemples suivants, plusieurs
arguments permettent d’exclure une origine
phréatique préalable, prouvant qu’elles sont
postérieures au stade noyé initial, et excluant
toute phase de mise en charge tardive. Dans la
grotte d’Isturitz, Pyrénées-Atlantiques, les coupoles sont creusées dans l’encaissant calcaire,
mais celles situées dans la Grande Salle sont
creusées dans une brèche formée par l’effondrement tardif d’une entrée. Elles ne peuvent donc
pas être d’origine phréatique. De nombreux
sites montrent des coupoles recoupant à la fois
l’encaissant calcaire et d’anciens édifices de
calcite, dans un contexte excluant un ennoyage
postérieur au concrétionnement, comme à la
grotte d’Azé, Saône-et-Loire (figure 13) ou dans
les flank margin caves des Caraïbes [Lundberg
et McFarlane, 2009]. Dans ce dernier cas, la
surrection constante marquée par les niveaux
de cavités permet d’exclure totalement un
ennoyage par remontée du niveau marin. Dans
la grotte d’Azé encore, un bouchon de calcite
a refermé le conduit à 60 m de l’entrée. La
grotte est connue pour ses gisements paléontologiques d’ours. En amont du bouchon, la
biochronologie date les ours du Pléistocène
moyen récent [Barriquand et al., 2011]. Les
datations U-Th effectuées sur ce site permettent
de montrer que le bouchon était total il y a
22 ka, et que les remplissages qui se trouvent
en amont de celui-ci fermaient quasiment
entièrement la cavité il y a plus de 30 000 ans
[Barriquand et al., 2006]. Ce bouchon sépare
la cavité en deux espaces fondamentalement
différents du point de vue morphologique.
La partie profonde, isolée par le bouchon de
calcite, présente des coupoles peu nombreuses
et toujours creusées sur la fracturation qui
est légèrement oblique. Certaines gardent
encore des griffures d’ours (figure 26). Dans
la zone d’entrée ouverte au moins depuis le
P. AUDRA, L. BARRIQUAND, J.-Y. BIGOT et al., L’impact méconnu des chauves-souris et du guano dans l’évolution morphologique tardive des cavernes
KARSTOLOGIA n° 68, 2016 • 1-20
Magdalénien si l’on se réfère à l’occupation
humaine de la cavité, on ne trouve aucune
griffure d’ours. Les coupoles creusées sur la
fracturation sont absentes (figure 27). Toutes
les coupoles et niches se développent selon un
axe vertical et sont recouvertes de coulées d’excrétas de chauves-souris. Les parois sont lisses
et semblent « plus jeunes ». Calcite et roche ont
été corrodées indifféremment. Ces observations
permettent de démontrer que les morphologies
profondes, notamment les coupoles inclinées
selon la fracturation, sont d’origine phréatique
exclusivement. Grâce au bouchon de calcite
limitant les échanges d’air avec l’extérieur
et interdisant l’entrée des chauves-souris, la
condensation-corrosion a été inopérante et
a permis la conservation de griffures d’ours
vieilles de plus de 160 ka. En revanche, la zone
d’entrée a toujours été ouverte sur l’extérieur,
avec des échanges d’air permanents et une
colonisation par les chauves-souris. Il en résulte
une condensation-corrosion puissante, qui a
provoqué un retrait et un lissage des parois,
effaçant toutes les marques, telles les griffures
d’ours et même les graffitis historiques. Les
coupoles se sont développées verticalement
par condensation-corrosion, par la présence
des chauves-souris, selon le modèle des bell
holes démontré pour les Caraïbes [Lundberg
et McFarlane, 2009]. Le développement vertical des cloches exclut un écoulement noyé
et atteste de l’effet de la gravité animant les
mouvements d’air, comme cela a été observé
et démontré aussi bien pour les cloches à
chauves-souris [Wilford, 1966 ; Simms, in
Tarhule-Lips et Ford, 1998 ; Miller 2014],
que pour les coupoles dans les cavités sulfuriques [Audra, 2007 ; De Waele et al., 2016].
Les formes de la zone d’entrée de la grotte d’Azé
n’ont plus rien à voir avec celles d’origine.
Il est probable que les Pré-néandertaliens qui
l’ont occupée n’ont jamais connu les formes
que l’on peut observer actuellement, car elles
ont été complètement corrodées par la présence
des essaims de chauves-souris qui ont colonisé
la grotte ultérieurement (figure 28).
Entrée
Axe
vercal
Joint
B. Expansion des vides
La fermeture partielle de la grotte préhistorique d’Azé par un bouchon stalagmitique
a permis de montrer l’importance de l’effet
de la condensation-corrosion. Même si ce
phénomène est naturellement important à
proximité des entrées, il a été ici fortement
renforcé par la présence des chauves-souris. La
grotte du Déroc, Ardèche, donne une preuve
encore plus spectaculaire. Il s’agit d’une galerie
principale de grandes dimensions (figure 29),
avec plusieurs ouvertures sur le versant extérieur. Ces ouvertures ont permis l’accès des
ours des cavernes et des chauves-souris. De
manière concurrente, les hommes ont également fréquenté la cavité, dès la préhistoire
ainsi qu’à toutes les époques historiques. Au
XIXe-XXe siècle, ils ont exploité de manière
quasi-industrielle les phosphates du guano.
Dans la grotte voisine de Louoï, le remplissage
a été totalement extrait. La galerie du Déroc
présente des parois minées de niches profondes
et des plafonds taraudés de hautes cloches
verticales pratiquement jointives. Parois et plafond présentent une surface blanche de roche
à nu, sans le moindre témoin de remplissage
argileux ancien, ce qui est rarissime. Le sol
est constitué par les bases d’édifices de calcite
puissamment corrodés, par de gros blocs, par
des accumulations résiduelles de guano, et par
des artéfacts préhistoriques et historiques. La
Zone confinée
Cloche
biogénique
de st
rate
Cloches vercales et expansion des conduits
par condensaon-corrosion
associée aux colonies de chauves-souris
Axe de
fracture
Joint
de st
rate
Coupole phréaque
Fracture
Coupoles phréaques inclinées suivant les
fractures. Les morphologies originales et la taille
réduite des conduits sont préservées par le confinement
Figure 26 :
Coupole d’origine
phréatique de la
partie profonde
isolée par le
bouchon de
calcite, vue vers
le plafond, grotte
d’Azé, Saône-etLoire. Les griffures
d’ours y ont
été conservées.
Cliché. J.-Y. Bigot.
Phreatic cupola
in the distant
zone of the cave,
which is isolated
by a calcite plug,
view toward the
ceiling, grotte
d’Azé, France.
The bear scratches
have been
preserved.
Figure 27 : Types de coupoles,
avant le bouchon de calcite et
confinées derrière, grotte d’Azé,
Saône-et-Loire. À gauche :
coupoles de la partie ouverte,
proche de l’entrée (avant le
bouchon), d’origine biologique
(chauves-souris) et creusées selon
un axe vertical. La galerie s’est
de plus agrandie par expansion
sous l’effet de la condensationcorrosion. À droite : coupoles de
la partie profonde (au-delà du
bouchon), d’origine phréatique
et creusées sur la fracturation.
Le conduit est resté dans
les dimensions originelles,
non influencées par la phase
d’expansion tardive liée à la
condensation-corrosion.
Types of cupolas, outward of
the calcite plug and inward
in the confined zone, grotte
d’Azé, France. Left: cupolas
in the outward zone close
to the entrance (before the
calcite plug) ; the cupolas are
of biologic (bats) origin and
develop according to a vertical
axis. Moreover, the passage
size increased by expansion
resulting from condensationcorrosion. Right: cupolas in
the inward (confined) zone,
beyond the calcite plug ; the
cupolas are of phreatic origin
and develop according to joints,
which are inclined. The passage
remained in its original size,
with no influence of the late
phase of expansion through
condensation-corrosion that
occurred close to the entrance.
P. AUDRA, L. BARRIQUAND, J.-Y. BIGOT et al., L’impact méconnu des chauves-souris et du guano dans l’évolution morphologique tardive des cavernes
KARSTOLOGIA n° 68, 2016 • 1-20
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Entrée
Zone confinée
(accessible aux chauves-souris)
(inaccessible aux chauves-souris)
Cloches nombreuses
Bouchon
de calcite
désobstrué
Figure 28 : Modèle 3D de la grotte d’Azé, Saône-et-Loire. Le bouchon stalagmitique au
centre, maintenant désobstrué, isolait la partie confinée dont le volume est entièrement
d’origine phréatique de la zone d’entrée ouverte à l’extérieur et aux colonies de chauvessouris, où les volumes sont nettement plus vastes et irréguliers avec des cloches et cheminées.
Image D. Blanchard et S. Jaillet, EDYTEM.
3D model of the grotte d’Azé, France. The calcite plug in the center, now removed by
digging, isolated the confined part which limited volume is entirely of phreatic origin. On
the contrary, the outward part opened to the surface and to bat colonies displays larger
and irregular volumes with bell holes and cupolas.
Cô n e d e g u a n o
Expansion du condui t
D é p ô t m i x te ( b l o c s, terra rossa, guano,
paléontologie, a r c h é o l o g i e, migon, cendres. . . )
Co n d e n s a t i o n
Co l o n i e d e c h a u ves - s o u r i s
Galets fluviaux
1
2
3
4
5
6
R i v i è re
Co l m a t a g e
Décolmatage
O u ver t u re
Expansion
Expansion actuelle
Figure 29 : Expansion des vides sous l’effet de la condensation-corrosion en présence de
guano et de chauves-souris, exemple de la grotte du Déroc, Ardèche. Le remplissage de
galets a été arénisé par la condensation-corrosion, puis exporté par soutirage ; la galerie
s’est ensuite considérablement agrandie au détriment des parois et du plafond. Des niches
se développent, les coupoles s’agrandissent par expansion et se recoupent, entraînant
des chutes de blocs qui sont intégrés dans le remplissage puis partiellement digérés.
Cliché M. Renda.
Expansion of underground passages by condensation-corrosion in presence of guano,
grotte du Déroc, France. The pebbles filling has been entirely weathered by condensationcorrosion, then washed away by seepage. Eventually, the size of the passage substantially
increased to the detriment of walls and ceiling. The niches and cupolas extended by
expansion and eventually intersected, making blocks collapses. The blocks are integrated
to the filling then partly digested.
18
grotte est connue pour avoir fonctionné au
Pliocène en perte de la paléo-Ardèche, formant
un recoupement de méandre dont la sortie
correspondait à la grotte Chauvet [Mocochain
et al., 2009]. Elle a été entièrement remplie
de galets cévenols constitués de quartzites,
granite, schistes et basaltes, atteignant parfois
plus de 10 cm de longueur. Or, ce remplissage
intégral ne subsiste que dans un conduit latéral,
où il colmate une galerie de plusieurs mètres
de diamètre. Il apparaît comme un front puissamment altéré par la condensation-corrosion,
qui recoupe verticalement tous les éléments
qui s’arénisent en sable fin, à l’exception des
rares quartzites. Aucun témoin de cette phase
majeure de remplissage n’étant visible dans
la galerie principale, on doit admettre que la
totalité du remplissage de galets grossiers a
été d’abord arénisée par la condensation-corrosion, et une fois affinée en sable, soutirée
par les ruissellements. L’absence de témoins
dans les niches et l’aspect « propre » des
parois montrent qu’elles ont reculé au-delà
des quelques décimètres seulement, faisant
disparaître les niches qui auraient pu préserver
ces témoins, aboutissant à une expansion du
conduit principal. Cette expansion se réalise
sous l’effet de la condensation-corrosion en
présence de chauves-souris, avec un développement des niches latérales et un creusement
des cloches de plafonds. L’expansion de ces
formes en creux qui se recoupent laisse des
pendants et arêtes qui finissent par s’écrouler,
donnant les gros blocs présents au sol. Sur un
site de Bornéo, J. Lundberg et D. A. McFarlane
[2012] mettent en évidence un processus
identique, dont ils quantifient l’ampleur à 75
à 90 % du volume total, et dont la moitié est
attribuée directement à la condensation-corrosion induite par les chauves-souris, l’autre
moitié relevant des chutes de blocs prédécoupés
par la condensation-corrosion. Pour la grotte
du Déroc, il n’y a pas d’évaluation précise de
l’ampleur de l’expansion du conduit, postérieure au remplissage fluviatile, mais au vu
de l’absence totale de témoins sédimentaires,
elle dépasse le mètre et atteint probablement
plusieurs mètres (figure 29).
Ainsi, les éléments morphologiques permettent d’approcher l’importance du retrait
des parois (Isturitz, Azé, Bornéo, Déroc) ; ils
attestent un retrait de parois d’importance
pluri-métrique sur des périodes relativement courtes, et d’une expansion majeure
des conduits sous l’effet de la condensation-corrosion, accentuée par la présence de
chauves-souris.
P. AUDRA, L. BARRIQUAND, J.-Y. BIGOT et al., L’impact méconnu des chauves-souris et du guano dans l’évolution morphologique tardive des cavernes
KARSTOLOGIA n° 68, 2016 • 1-20
Conclusion
Dans cet article, nous avons évoqué
le rôle des chauves-souris dans la corrosion des conduits, soit directe par leur
respiration provoquant l’élévation locale
de la température, de l’humidité et de la
concentration en CO2, soit indirecte par
la minéralisation du guano engendrant
percolations et gaz ultra-acides. Si les
percolations acides corrodent le substrat
rocheux et calcitique, les autres processus sont responsables d’une puissante
condensation-corrosion qui s’exerce sur
les parois et les plafonds. Les retraits de
paroi, mesurés par divers auteurs selon
différentes approches (datations et modélisations microclimatiques), aboutissent
à des vitesses de retrait de l’ordre de 5 à
15 mm / ka, et jusqu’à 25 à 35 mm / ka
dans les cas les plus favorables. Rapportés
à la durée de l’Holocène, ces valeurs
donnent des retraits pouvant atteindre
des valeurs considérables de 15 à 50 cm,
susceptibles d’agrandir significativement
les conduits et de modifier totalement leur
morphologie (figure 30). La crypto-corrosion sous le guano façonne des lapiaz,
des tines et fosses à guano, aboutissant
à un abaissement du sol rocheux (2 m
à Isturitz !). Par l’entretien des convections d’air et une condensation-corrosion
renouvelée, parois, plafonds et concrétions sont décapés, lissés, rabotés,
sculptés de niches, de coupoles et de
cloches. Les anciennes concrétions sont
perchées au-dessus du sol ou accrochées
en paroi par des piédestaux rocheux. Les
écoulements corrosifs suintant des coupoles où nichent les essaims laissent des
traînées sombres de croûtes phosphatées,
de décapages pariétaux tranchant sur les
parois couvertes de calcite blanche, de
minces filets rocheux ou de calcite en
relief entre les zones d’écoulements diffus.
Les croûtes de phosphates ou de gypse
sont parfois les derniers témoins présents
après disparition totale du guano. Les
coupoles cylindriques verticales, indépendantes de la fracturation, sont une
des formes diagnostiques de la présence
de chauves-souris qui, à la longue, créent
ainsi leur gîte par la condensation-corrosion produite. Enfin, l’ensemble des
processus de condensation-corrosion
très agressive aboutit à une expansion
considérable des conduits pouvant
atteindre plusieurs mètres notamment
aux grottes d’Isturitz, d’Azé, du Déroc,
et du Chameau. L’absence de témoins
d’ancien remplissage est d’ailleurs un
bon indicateur de l’expansion. Ainsi,
Coupoles
biologiques
Cloches
biologiques
Pilier sculpté de niches
Condensationcorrosion
intense
Niche
Ancienne
coulée
corrodée
Encroûtements
phosphatés
Restes de
plancher
corrodé
Eau de
condensation
et coulées d'urine
Crypto-corrosion
sous guano
Concrétion en
“meule de foin”
Guano
Encaissant calcaire
Figure 30 : Synthèse des principales morphologies, et distribution de l’activité des processus, avec
principalement de la condensation-corrosion sur les parois et plafonds, et de la crypto-corrosion
sous guano au sol.
Overview of the main morphologies and distribution of the active processes, mainly condensationcorrosion on walls and ceiling, and crypto-corrosion below guano on the floor.
la présence des chauves-souris génère
directement, ou indirectement par la
minéralisation du guano, des formes de
creusement typiques, dont certaines sont
totalement diagnostiques de leur origine.
Le cumul de ces creusements aboutit à des
agrandissements de conduits par expansion. L’expansion des volumes, si elle
est localisée dans des zones favorables,
notamment à proximité des entrées avec
forts gradients microclimatiques et de
larges accumulations de guano et grandes
colonies, prend une ampleur jusqu’alors
insoupçonnée. Cet article met en lumière
des phénomènes de corrosion peu connus
et a priori considérés comme mineurs.
L’impact sur les parois des grottes n’a
pas été perçu en raison de l’absence de
faits d’observations incontestables et
surtout par le manque de données de
quantification.
Les travaux futurs, outre l’approfondissement des faits présentés, s’orientent
dans deux directions principales : la première vise à estimer les processus actuels
au moyen de suivis microclimatiques et à
mesurer les vitesses des retraits pariétaux.
Le rôle évident du microbiote, reste à
définir dans ses processus métaboliques,
dans son ampleur et dans ses modalités
d’action sur la roche. La seconde direction
a pour but de quantifier les processus
et notamment les vitesses de retrait sur
le long terme, par l’intermédiaire des
datations de concrétions perchées sur
piédestal. Outre l’exclusion nécessaire
de formes antérieures, il s’agira notamment de différencier la part liée à la
condensation-corrosion seule, de celle
provenant de son expansion par la présence de chauves-souris et de guano. Ces
phases tardives de spéléogenèse peuvent
avoir un impact majeur dans les cavités
ouvertes à l’extérieur, sur des distances
parfois hectométriques à kilométriques,
pour peu qu’elles soient accessibles aux
chauves-souris. Ce décapage « récent »
des parois par des processus de corrosion
doit amener les archéologues à proposer
de nouvelles interprétations en matière de
supports pariétaux et d’art préhistorique
en général. En effet, il est probable que les
hommes préhistoriques ne se soient pas
bornés aux zones distantes ou confinées
des grottes, tout simplement parce que
la majeure partie des œuvres pariétales
aurait disparu sous l’effet de la condensation-corrosion. Ainsi, les supports
pariétaux sur lesquels sont conservées
ces œuvres patrimoniales doivent non
seulement être préservés des dégradations
d’origine anthropique, mais l’impact des
chauves-souris doit mieux être pris en
compte, tant pour l’interprétation de
leur distribution actuelle que pour leur
conservation.
Remerciements
Pour les photographies et leur aide
sur le terrain : Pascal Bieth, David
Blanchard, Bernard Chirol, Étienne Fabre,
Jean-Philippe Grandcolas, Stéphane Jaillet,
Christian Jessaulme, Ludovic Mocochain,
Olivier Grunewald, Daniel Vergnaud.
Pour leur relecture attentive et constructive :
Yves Quinif et Jérôme Poulenard.
P. AUDRA, L. BARRIQUAND, J.-Y. BIGOT et al., L’impact méconnu des chauves-souris et du guano dans l’évolution morphologique tardive des cavernes
KARSTOLOGIA n° 68, 2016 • 1-20
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KARSTOLOGIA n° 68, 2016 • 1-20