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Mxx. MICIPSA - MKWSN
Le nom
La forme originelle du nom de Micipsa est MKWSN ; elle est attestée :
- En Libyque, dans la bilingue dite de Masinissa* (RIL 2) « GLD MKWSN »
- En Punique, dans la partie punique de la bilingue dite de Masinissa « l’an dix du roi
MKWSN »
- Sur des stèles votives du sanctuaire de Baal Hamon et de Tanit « El Hofra » de
Constantine. Inscriptions en punique datées par la formule « l’an X du règne de
MKWSN, GLSN, MSTN‘B´L, princes » ou « l’an onze du règne de MKWSN »
- En Néopunique, dans l’inscription dite « La funéraire de Micipsa » provenant de
Cherchell en Algérie sous la forme MKSN
- En Néopunique, dans la borne-limite de jbel Massouge « l’an 21 du règne du roi
MKWSN ».
La forme grecque puis latine, Micipsa, attestée dans les sources est donc relativement
éloignée de la forme originelle du nom, MKWSN ; la prononciation exacte demeure
inconnue1.
L’arrivée au pouvoir de Micipsa et son règne
En 148 avant J.C. et au lendemain de la mort de Masinissa*, Micipsa et ses deux
frères, Gulussa* et Mastanabal* , se partagèrent le pouvoir dans un royaume unique ; cette
situation aura duré quelques années, en tous cas jusqu’aux décès naturels des deux frères de
Micipsa ; En l’an dix de son règne, c’est à dire en 138/7 avant J.C., Micipsa est mentionné
seul dans la bilingue dite de Masinissa ; Rien ne permet de trancher et de dire exactement
combien de temps aura duré le partage du pouvoir ; ce dont on est sûr c’est que cette période
s’est passée sans accrocs ; l’historiographie gréco-romaine qui semble plus préoccupée
d’expliquer la suite des évènements – Jugurtha et la guerre qui portera son nom – ne
mentionne aucune crise durant les trente années qui suivirent la disparition de Masinissa. Le
règne de Micipsa aura duré jusqu’en 118, année de son décès par vieillesse.
Les traits physiques du personnage ne sont pas connus avec certitude ; certes les
monnaies* portant une effigie attribuée à Micipsa existent mais la question de leur attribution
au roi Micipsa demeure posée. Le personnage représenté sur ces monnaies est joufflu et
imberbe, la tête est cernée d’une couronne de laurier. Les monnaies portent les lettres M et N
qui font penser à la première et la dernière lettre de MKWSN.
L’image laissée par Micipsa
Micipsa fut bien vu par l’historiographie gréco-latine car, nous dit-on, il fut un allié de
Rome, venant à son secours – n’a-t-il pas « nourri » l’armée romaine ? – ; cultivé, il parlait le
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Les inscriptions libyques (et puniques) ne fournissent que les consonnes. La forme latine, apparemment
éloignée de l’original libyque, présente néanmoins une correspondance quasi « normale » avec celui-ci : les
finales –N du libyque sont régulièrement rendues par un –a latin (Masinisa / MSNSN) et il existe plusieurs
exemples de correspondances libyque -W- / latin /p/ en position médiane implosive (Capusa / KWSN). En
onomastique* libyco-berbère, la séquence MKWSN correspond à un schème de formation fréquent, dans lequel
le -N final est très certainement une marque de pluriel, et le M- initial un préfixe dérivationnel de nom d’agent
(cf. Chaker, « Onomastique berbère ancienne (Antiquité/Moyen âge) : rupture et continuité », BCTH, n.s., 19,
1983 [1985], p. 483-497 ; repris dans Textes en linguistique berbère, Paris, Editions du CNRS, 1984, chap. 14).
NDLR.
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grec. Les historiens ont repris ces données presque à la lettre sans se dire que cette image est
le résultat à la fois de présupposés idéologiques et de la conjoncture qui va suivre sa
disparition : l’image de Jugurtha est tellement négative que celles des autres ne peuvent être
que positives ; dans son magistral ouvrage, Gsell passe en revue les points de vue des anciens
et livre son avis : « à l’égard de Rome, il [Micipsa] remplit ses devoirs avec fidélité ».
L’apport de l’archéologie est essentiel car il donne une idée de l’importance du règne de
Micipsa ; C’est durant celui-ci que se situent, avec quasi certitude, les documents et les
monuments suivants :
- La bilingue dite de Masinissa « RIL 2 »
- La majorité des inscriptions libyques dites officielles en écriture horizontale et
mentionnant une série de titres et de fonctions qui étaient exercées à Dougga et, au
moins, durant le règne de Micipsa
- Le monument numide de Chemtou
- Le monument à Masinissa à Dougga
- Le Kbor Klib dans le Haut Tell tunisien
- La borne-limite du jbel Massouge qui parle des territoires de la tuskat à la tête
desquelles se retrouve WLBH qui semble appartenir à la famille royale.
Cette liste est importante car elle résume à elle seule l’apogée des royaumes numides ; elle
illustre le degré d’organisation atteint, le degré d’assimilation par les Numides de ce qu’il est
convenu d’appeler l’hellénisme ; la culture néopunique perdure grâce à Micipsa ; il n’est sans
doute pas exagéré de dire que c’est après la destruction de Carthage qu’elle atteint, en
profondeur, des populations, jusque-là, réticentes.
Le règne de Micipsa correspond à une longue période de paix qui est d’autant plus
remarquable qu’elle a été précédée par les guerres menées par Masinissa et suivie par les
problèmes découlant des règnes chaotiques de ses héritiers dont Jugurtha.
Le personnage est aussi célèbre pour sa culture, ses penchants hellénistiques et les
relations « amicales » qu’il a su maintenir avec Rome ; d’aucuns diront aujourd’hui que
Micipsa fut un allié docile de Rome, venant même en aide à Rome et à sa politique
d’expansion ; Micipsa aura aussi profité de la situation à Rome même et dans les provinces.
La fin du règne de Micipsa semble avoir été marqué par l’âge avancé du roi et par les
problèmes que connaissent souvent les dynasties : la question de la succession ;
l’historiographie antique prête à Micipsa :
- d’avoir cherché à instituer le partage du pouvoir au sein d’un royaume uni à l’image
de ce qui s’était passé en -148, au lendemain de la mort de Masinissa ;
- d’avoir écouté les conseils de Scipion Emilien.
Reste que cette historiographie est habituée à faire de l’histoire à rebours et surtout
presque toujours orientée ; le royaume et le pouvoir furent partagés entre les trois prétendants
– deux frères et un fils adopté mais qui est aussi le neveu du roi – Jugurtha. Ce partage durera
quelques semaines puisque Jugurtha fera assassiner son cousin ; le royaume se trouvera
partagé en deux par la force des choses et le demeurera six années ; la reprise des hostilités – à
supposer qu’elles aient jamais cessé – en 112, déclenchera la fameuse guerre dite de Jugurtha.
L’héritage de Micipsa
L’organisation du royaume
Lors du partage du pouvoir entre les trois frères, Micipsa semble avoir pris
l’administration du royaume ; c’est donc à lui qu’échoua la tâche d’organiser l’héritage laissé
par Masinissa ; ce dernier aura été occupé d’abord par la deuxième guerre entre Rome et
Carthage puis par la question de la « récupération des territoires de ses ancêtres » annexés par
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le pouvoir punique, il ne pouvait pas « s’occuper » de la gestion du quotidien. Nous n’avons
que très peu d’informations directes sur l’action de Micipsa mais les inscriptions libyques
dites officielles découvertes à Dougga – elles sont douze aujourd’hui – prouvent une
organisation municipale précise et hiérarchisée tandis que « la borne limite » du Jbel
Massouge pose la question de l’organisation administrative du royaume numide : « les
territoires de la Tuskat » sont dirigés par WLBH qui est dit : ‘S ‘L, littéralement « celui qui est
sur », donc « le responsable ». On peut extrapoler et dire que le reste du royaume était
organisé de la même façon ; il est aussi possible que seuls les territoires récupérés par
Masinissa au détriment de Carthage aient été dotés d’un administrateur, représentant du roi ;
le reste du territoire du royaume devait continuer à avoir une « administration » basée sur la
tribu et les fractions de tribus.
Ce système de « territoires » avec un ‘S ‘L a été considéré comme étant d’origine
punique et récupéré par les rois numides à la suite de la reconquête par Masinissa des
« territoires de ses ancêtres » ; les futurs pagi et anciens « territoires » seraient un découpage
carthaginois, et pour que le dossier soit complet, on a ajouté à la liste des pagi attestés par
l’épigraphie latine, des pagi non attestés par l’épigraphie et par conséquent demeurés
anonymes ; il s’agit de ceux couvrant le Cap bon, le Sahel proprement dit, le nord-est ;
personne ne s’est posé la question du reste du territoire punique : les Syrtes, le reste du
littoral méditerranéen, sans parler du reste de « l’empire carthaginois ».
Cette organisation de « territoires » gérés par des représentants du pouvoir punique
nous semble en contradiction avec deux données importantes : le système de la cité-état sur
lequel repose le schéma administratif punique et la contradiction entre l’idée de « territoires »
avec un responsable, un haut fonctionnaire, et l’autonomie dont semble jouir les villes et leurs
territoires qui étaient dotés d’un système calqué sur le modèle, Carthage ; l’attitude de
certaines d’entre-elles en temps de crise illustre bien cette autonomie.
Quelque soit l’origine de cette notion de « territoires », il est important de noter que
sous Micipsa, le royaume numide devait avoir une organisation double : l’héritage tribal qui
demeurait la base et les « territoires » qui ont été plus ou moins longtemps sous le pouvoir
politique et administratif punique ; le statut de certaines villes qualifiées plus tard de royales
et les privilèges dont semblent jouir d’autres cités pourraient ainsi trouver une explication ;
capitales régionales, sièges du représentants du roi, etc. Il est tout de même significatif que
ces villes qualifiées de royales par l’administration romaine se retrouvent toutes dans la partie
orientale du royaume, c’est à dire dans la partie qui fut à un moment ou à un autre annexée
par Carthage donc perdue momentanément pour le pouvoir royal numide.
L’hellénisation de la société numide
L’hellénisation a commencé dès le quatrième siècle à Carthage et, ailleurs, elle devient
une réalité « numide » au second siècle avant J.C. ; Micipsa y joua un rôle primordial ; cette
acculturation est visible sur des monuments aussi importants que le tombeau de la chrétienne,
le Medracen*, le mausolée d’Atban à Dougga*, le décor du monument de Chemtou et de
Kbor Klib. Le décor que renferment certains haouanet* (chambres funéraires creusées dans la
roche à flanc de colline) témoigne aussi de cette pénétration (les haouanet de Sidi Mhamed
Latrech, de Sidi Zid, de Ben Yasla, etc.).
Micipsa le bâtisseur
La capitale Cirta aura été « embellie » par Micipsa d’après les sources grecques et
latines ; malheureusement aucun monument remontant à cette époque n’est visible.
Le mausolée du Khroub fut identifié comme étant la tombe de Micipsa ; cette
attribution demeure une hypothèse de travail ; les évènements vécus par la Numidie
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aux lendemains de sa mort jettent un doute sur cette hypothèse ; l’on ne voit pas lequel
des héritiers aurait eu le temps et le loisir de « faire construire » ce monument, à moins
d’avancer l’idée que Micipsa avait préparé sa tombe de son vivant.
Le monument numide de Chemtou est le premier monument construit entièrement en
marbre jaune, le giallo antico ; il est daté autour de 130 avant J.C.
Le monument à Masinissa rappelle par sa forme celui de Chemtou ; le soubassement
permet de dire qu’il était de forme rectangulaire reposant sur une assise moulurée ;
aucun élément de décor n’a été jusque-là mis au jour si ce n’est des éléments de gorge
égyptienne et des fragments de chapiteaux éoliques et ioniques réemployés dans la
fortification byzantine ; ces éléments pré-romaines pourraient appartenir au monument
de Masinissa qui est daté par la bilingue libyque/punique de 138/137 avant J.C.
Le Kbor Klib : ce monument est en quatre parties : trois, formant un quadrilatère de 45
mètres de long et de 9 mètres de large et une quatrième, plus petite, placée devant
l’élément du milieu, côté nord et faisant office d’autel. Le décor est, là aussi,
hellénistique. Le monument daterait de 120 avant J.C.
Micipsa fut un grand roi bien qu’éclipsé par son père, Masinissa, et par son neveu et fils
adoptif, Jugurtha ; l’un et l’autre marquèrent certes l’histoire mais plus par les évènements
auxquels ils participèrent ; le règne de Micipsa correspond à l’apogée du royaume numide ;
l’historiographie ne donne toujours pas à ce grand roi la place qui lui revient.
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