Boris Barraud
Enseignant et chercheur en philosophie, droit et science politique
Actuellement enseignant à l’Université Lyon III (Facultés de droit et de philosophie)
Auteur de recherches en éthique, philosophie morale, philosophie politique, philosophie du droit, philosophie de la technique, philosophie de la connaissance, droits de l’homme et libertés fondamentales, droit public et droit du numérique
Projet de recherche actuel : « Actualité de l’éthique et de l’homme-machine »
Derniers ouvrages : In Vino Voluptas – Philosophie sensuelle ; Homo autonomicus – La philosophie individualiste contre le conformisme ; Éthique de l’intelligence artificielle ; Humanisme et intelligence artificielle – Théorie des droits de l’homme numérique ; Dignité, liberté, égalité – Pratique des droits de l’homme numérique ; La Prospective juridique
Docteur en philosophie juridique et politique
Diplômé de masters dans les disciplines suivantes : philosophie, droit, science politique, sciences de l’information et de la communication
Qualifié aux fonctions de maître de conférences par le Conseil National des Universités
Ancien enseignant-chercheur contractuel à l’Université Grenoble-Alpes, à l’Université d’Avignon et à l’Université de Franche-Comté
Ancien chercheur contractuel à l’Université d’Artois (Chaire IA Responsable)
Ancien doctorant contractuel puis ATER à la Faculté de droit et de science politique d’Aix-Marseille ; Ancien chargé d’enseignements à la Faculté de droit et de science politique d’Aix-Marseille et à l’IUT d’Arles
Expérience importante de l’enseignement universitaire en cours magistraux et séminaires de master (plusieurs centaines d’heures)
Champs de recherche principaux :
- Philosophie sensuelle, hédonisme, libertés, autonomie individuelle
- Éthique, philosophie morale
- Philosophie du droit
- Philosophie de la technique
- Intelligence artificielle, révolution numérique
- Droits de l’homme et libertés fondamentales
Actuellement enseignant à l’Université Lyon III (Facultés de droit et de philosophie)
Auteur de recherches en éthique, philosophie morale, philosophie politique, philosophie du droit, philosophie de la technique, philosophie de la connaissance, droits de l’homme et libertés fondamentales, droit public et droit du numérique
Projet de recherche actuel : « Actualité de l’éthique et de l’homme-machine »
Derniers ouvrages : In Vino Voluptas – Philosophie sensuelle ; Homo autonomicus – La philosophie individualiste contre le conformisme ; Éthique de l’intelligence artificielle ; Humanisme et intelligence artificielle – Théorie des droits de l’homme numérique ; Dignité, liberté, égalité – Pratique des droits de l’homme numérique ; La Prospective juridique
Docteur en philosophie juridique et politique
Diplômé de masters dans les disciplines suivantes : philosophie, droit, science politique, sciences de l’information et de la communication
Qualifié aux fonctions de maître de conférences par le Conseil National des Universités
Ancien enseignant-chercheur contractuel à l’Université Grenoble-Alpes, à l’Université d’Avignon et à l’Université de Franche-Comté
Ancien chercheur contractuel à l’Université d’Artois (Chaire IA Responsable)
Ancien doctorant contractuel puis ATER à la Faculté de droit et de science politique d’Aix-Marseille ; Ancien chargé d’enseignements à la Faculté de droit et de science politique d’Aix-Marseille et à l’IUT d’Arles
Expérience importante de l’enseignement universitaire en cours magistraux et séminaires de master (plusieurs centaines d’heures)
Champs de recherche principaux :
- Philosophie sensuelle, hédonisme, libertés, autonomie individuelle
- Éthique, philosophie morale
- Philosophie du droit
- Philosophie de la technique
- Intelligence artificielle, révolution numérique
- Droits de l’homme et libertés fondamentales
less
InterestsView All (195)
Uploads
Books/Livres by Boris Barraud
Si une théorie dit à une science ce qu’elle doit rechercher et où, quand, comment et pourquoi elle doit le rechercher, les sciences du droit « postmodernes », attachées aux phénomènes normatifs et régulatoires para- ou extra-étatiques, reposent nécessairement sur des théories, bien que celles-ci soient souvent implicites, non-dites et même inconscientes. Ces théories pourraient être qualifiées de « pratiques » dans le double sens de concrètement utiles et de réalistes, cohérentes et pertinentes par rapport à ce qui se passe dans les faits.
En pratique, droit rime de moins en moins avec État. Renouveler les recherches et enseignements juridiques en donnant plus de place aux objets normatifs originaux qui se développent pourrait par exemple amener à délaisser les exposés détaillés de régimes juridiques issus de la loi et de la jurisprudence au profit d’approches plus organiques, physiologiques, métaboliques, généalogiques et prospectives permettant de comprendre, plutôt que le sens et la portée des devoir-être que le droit contient — donnée de plus en plus contingente et variable bien que très utile pour les praticiens et les acteurs —, d’où vient le droit, où il va, comment il fonctionne et comment il évolue.
Le droit n’est pas l’ensemble de connaissances le moins sujet aux « obstacles épistémologiques » et le moins en attente de quelques « révolutions scientifiques ». Dès lors, peut-être un directeur de recherches en droit devrait-il posséder une formation en épistémologie et en philosophie au moins autant qu’une formation principalement ou même exclusivement de technicien du droit positif. Ce qui différencie peut-être les recherches académiques, des universitaires, par rapport aux publications des praticiens serait, parmi d’autres éléments, leur prise de recul critique et l’angle plus philosophique et théorique qu’ils peuvent adopter relativement aux objets observés.
Or la mécanique démocratique est mise en danger par les fausses informations, par les « fake news ». L’élection présidentielle américaine et le référendum britannique sur le Brexit en ont récemment témoigné. Trouver les moyens de limiter la désinformation 2.0 et faire en sorte qu’internet soit un allié et non un ennemi de la démocratie est donc un enjeu décisif pour les sociétés du XXIe s. La désinformation 2.0 est à la fois un symptôme de la crise de la démocratie et un appel à reconstruire la démocratie.
Dans ce cadre, le droit et la loi doivent sans doute intervenir et poser des garde-fous. Lutter contre la désinformation 2.0, ce n’est pas faire œuvre liberticide. C’est, au contraire, protéger les libertés civiles les plus fondamentales. Plus on lutte contre la désinformation, plus on protège les libertés d’expression et d’opinion, car celles-ci ont besoin d’être éclairées. Et le vote est une forme d’expression et d’opinion que la « post-vérité » asservit bien plutôt que de les libérer.
Les chercheurs sont les premiers concernés par ce grand renouvellement. Grâce à l’intelligence artificielle, apparaissent à la fois de nouveaux territoires à explorer et de nouveaux véhicules et instruments d’exploration, donc de nouveaux objets d’étude et de nouveaux moyens d’étude. Comme l’invention du microscope ou celle du télescope ont permis de voir autrement le monde et l’univers, les capteurs numériques, toujours plus omniprésents, mesurent tout et prédisent tout. Cela concerne en particulier la recherche et l’enseignement, donc la formation et la transmission des pensées, des connaissances et de l’esprit critique.
Les contributions contenues dans ce livre, rédigées par les meilleurs spécialistes, interrogent l’intelligence artificielle dans toutes ses dimensions : historique, sociologique, anthropologique, économique, politique, juridique, sanitaire ou encore philosophique et prospective. Une radiographie critique de l’intelligence artificielle et de ses conséquences est un enjeu démocratique et social fort. Puisque tout le monde est concerné et impacté, souvent dans de grandes proportions, tout le monde devrait pouvoir comprendre le fonctionnement de l’intelligence artificielle, les dynamiques qu’elle accompagne, les progrès mais aussi les menaces dont elle constitue le terreau. Cet ouvrage souhaite ainsi offrir à tous un moyen de mieux cerner l’intelligence artificielle et ses conséquences. Rarement le besoin d’une science grand public s’est fait autant ressentir, car rarement des progrès scientifiques ont impacté aussi intimement le quotidien de chacun.
« Qu’est-ce que le droit ? » est peut-être la plus essentielle des problématiques auxquelles les juristes doivent répondre. Or peu de questions touchant à l’homme et aux sociétés ont suscité des réponses aussi diverses et parfois antagonistes que « Qu’est-ce que le droit ? ». Dans le vaste paysage des théories du droit, il est difficile de savoir avec précision ce qu’est le droit. Faut-il dès lors se résigner à ne jamais disposer d’un objet-droit homogène et stable, dont l’identité serait finement établie et les frontières nettement tracées ? Pour étudier le droit, il importe pourtant de connaître ses spécificités parmi les différents modes de régulation sociale, cela afin de délimiter le champ des normes juridiques et donc circonscrire et borner l’objet d’étude.
La définition du droit exposée dans la première partie de ce livre est une définition lexicographique, une définition scientifique. Il s’agit de constater ce qu’est le droit, quelles sont ses propriétés, au terme d’une enquête objective et empirique, excluant tout jugement subjectif et toute proposition personnelle. Comme la religion romaine qui accueillait dans son panthéon tous les dieux grecs et étrusques sans distinction, la théorie syncrétique réunit toutes les définitions du droit actuellement en vigueur dans la pensée juridique. Dans ce cadre, les diverses théories du droit ne sont pas des concurrentes mais des associées. Elles ne s’opposent pas mais se complètent.
Ensuite, en appliquant les critères de juridicité ainsi recensés à une norme donnée, on peut mesurer son niveau de force juridique sur l’échelle de juridicité. Cette échelle, expliquée et expérimentée dans la seconde partie du livre, permet d’interroger les dimensions du droit. Or son application à de multiples formes de normativité indique que, dans le monde des normes sociales, les normes fortement juridiques côtoieraient les normes moyennement juridiques et les normes faiblement juridiques. En revanche, il ne semble guère exister de normes sociales non juridiques — les différences entre normes seraient de degré et non de nature. Ainsi l’échelle de juridicité invite-t-elle à retenir une conception graduelle du droit et un panjuridisme modéré. L’intérêt de cette nouvelle forme de rationalité de la pensée juridique est d’autoriser le juriste à s’ouvrir à tout type de normes sociales tout en sauvegardant l’autonomie conceptuelle du droit.
***
La question « qu’est-ce que le droit ? » est peut-être la première et la plus cardinale de toutes les questions posées à la pensée et aux sciences juridiques. Au début de son ouvrage Le concept de droit, écrit à la fin des années 1950, Herbert Hart note combien « il est peu de questions relatives à la société humaine qui aient été posées avec autant de persistance et qui aient fait l’objet, de la part de théoriciens réputés, de réponses aussi différentes, étranges et même paradoxales que la question “Qu’est-ce que le droit ?” ». Pourtant, les entreprises menées afin d’y répondre sont aujourd’hui de plus en plus rares, comme si les juristes étaient tentés de capituler face au redoutable défi du concept de droit, comme s’ils se résignaient à ne jamais disposer d’un objet d’étude homogène et stable, dont l’identité serait précisément établie et les frontières nettement tracées. En souhaitant réfléchir à nouveaux frais à la définition du droit, on touche forcément à un nid de guêpes.
Il faut cependant gager qu’il demeure possible — si ce n’est nécessaire — d’interroger les propriétés et les dimensions du droit. Se demander comment reconnaître le droit serait une prémisse indispensable pour pouvoir éventuellement connaître le droit, a fortiori à l’ère du multijuridisme et du panjuridisme, en des temps où l’on en vient à appeler « droit » des objets normatifs ou semi-normatifs hétéroclites, ne réduisant plus l’univers juridique aux domaines de la loi et de la jurisprudence. Alf Ross pouvait convenir en ce sens que la tâche de la théorie du droit serait déjà de répondre à la problématique suivante : « En quoi le système juridique se distingue-t-il d’autres ensembles particuliers de normes comme ceux des échecs, du bridge ou de la courtoisie ? ».
Or une nouvelle route du droit, une nouvelle manière d’aborder le monde juridique et ses limites pourrait être explorée : le syncrétisme juridique. Dans le cadre syncrétique, les définitions du droit ne doivent plus être considérées telles des concurrentes mais telles des associées. Elles ne s’opposent plus mais se complètent. Il s’agit moins de choisir parmi elles que de les combiner dans un élan éclectique. En ce sens, la théorie syncrétique se présente telle une théorie pluraliste du droit.
En ces pages, l’État est identifié tantôt de manière descriptive et classique, tantôt de façon plus stipulative et fondatrice, par exemple lorsqu’est esquissée la distinction de la souveraineté et de la puissance étatiques en ces termes : « La puissance de l’État est au fait ce que la souveraineté de l’État est au droit ». L’auteur propose ainsi à la fois une introduction et une contribution à la théorie de l’État, à la fois un exposé de la pensée moderne de l’État et un essai de renouvellement des modes de compréhension et d’explication du phénomène étatique.
Or il est un dogme, dessiné par le théoricien positiviste Hans Kelsen, qui se construit essentiellement dans le cadre étatique : la « pyramide » des normes. Cette figure s’est imposée au sein des esprits juridiques avec une telle autorité qu’elle semble, aujourd’hui encore, immuable. Pourtant, qui plonge dans le paysage globalisé du XXIè siècle internetique et s’adonne à une approche pragmatique constate fatalement la déchéance de ce modèle par trop linéaire.
Traditionnellement réfractaire à l’évolution, le milieu juridico-politique doit alors admettre combien l’insaisissable cadence du temps maltraite ses acquis les mieux encrés ; et c’est tout naturellement que le droit de l’internet – postmoderne s’il en est – conduit à un nouveau paradigme : le « réseau » de normes.
Notamment en incluant un Dictionnaire du droit postmoderne (p. 305), cet ouvrage contribue à la délicate mise en lumière des mutations de la sphère juridique, ainsi qu’à la réflexion fondamentale sur le renouveau des notions de droit et de norme.
Les grandes mutations économiques, sociétales et culturelles ont toujours été amorcées par la découverte et l'exploitation d'une nouvelle forme d'énergie. Peut-être les données numériques constituent-elles une telle ressource, cultivée au moyen de savants algorithmes. L'intelligence artificielle serait ainsi le moteur, tandis que les données seraient le carburant, de nombreuses révolutions actuelles ou à venir. Ensemble, elles transforment et transformeront l'homme, ses activités personnelles et professionnelles, ses moyens de communication, ses manières de consommer, ses modes de transport ou encore ses façons d'observer et de penser le monde.
Une radiographie critique de l'IA et de ses conséquences est un enjeu démocratique et social fort, peut-être même un enjeu civilisationnel. Beaucoup de services fonctionnant grâce à des IA et à de grandes bases de données sont de véritables outils de gouvernement et de régulation des comportements, qui orientent effectivement les conduites et les pensées individuelles et collectives.
Parce que nous sommes tous concernés et touchés, nous devons tous nous intéresser au fonctionnement des intelligences artificielles et prendre conscience des dynamiques qu'elles accompagnent, des progrès qu'elles permettent et des menaces dont elles constituent le terreau. Rarement le besoin de sciences grand public, accessibles à tous, s'est fait autant ressentir, car rarement des avancées scientifiques ont impacté aussi intimement le quotidien de chacun.
Voici donc un livre essentiel pour comprendre les bouleversements technologiques de nos activités et de notre environnement.
Si une théorie dit à une science ce qu’elle doit rechercher et où, quand, comment et pourquoi elle doit le rechercher, les sciences du droit « postmodernes », attachées aux phénomènes normatifs et régulatoires para- ou extra-étatiques, reposent nécessairement sur des théories, bien que celles-ci soient souvent implicites, non-dites et même inconscientes. Ces théories pourraient être qualifiées de « pratiques » dans le double sens de concrètement utiles et de réalistes, cohérentes et pertinentes par rapport à ce qui se passe dans les faits.
En pratique, droit rime de moins en moins avec État. Renouveler les recherches et enseignements juridiques en donnant plus de place aux objets normatifs originaux qui se développent pourrait par exemple amener à délaisser les exposés détaillés de régimes juridiques issus de la loi et de la jurisprudence au profit d’approches plus organiques, physiologiques, métaboliques, généalogiques et prospectives permettant de comprendre, plutôt que le sens et la portée des devoir-être que le droit contient — donnée de plus en plus contingente et variable bien que très utile pour les praticiens et les acteurs —, d’où vient le droit, où il va, comment il fonctionne et comment il évolue.
Le droit n’est pas l’ensemble de connaissances le moins sujet aux « obstacles épistémologiques » et le moins en attente de quelques « révolutions scientifiques ». Dès lors, peut-être un directeur de recherches en droit devrait-il posséder une formation en épistémologie et en philosophie au moins autant qu’une formation principalement ou même exclusivement de technicien du droit positif. Ce qui différencie peut-être les recherches académiques, des universitaires, par rapport aux publications des praticiens serait, parmi d’autres éléments, leur prise de recul critique et l’angle plus philosophique et théorique qu’ils peuvent adopter relativement aux objets observés.
Si une théorie dit à une science ce qu’elle doit rechercher et où, quand, comment et pourquoi elle doit le rechercher, les sciences du droit « postmodernes », attachées aux phénomènes normatifs et régulatoires para- ou extra-étatiques, reposent nécessairement sur des théories, bien que celles-ci soient souvent implicites, non-dites et même inconscientes. Ces théories pourraient être qualifiées de « pratiques » dans le double sens de concrètement utiles et de réalistes, cohérentes et pertinentes par rapport à ce qui se passe dans les faits.
En pratique, droit rime de moins en moins avec État. Renouveler les recherches et enseignements juridiques en donnant plus de place aux objets normatifs originaux qui se développent pourrait par exemple amener à délaisser les exposés détaillés de régimes juridiques issus de la loi et de la jurisprudence au profit d’approches plus organiques, physiologiques, métaboliques, généalogiques et prospectives permettant de comprendre, plutôt que le sens et la portée des devoir-être que le droit contient — donnée de plus en plus contingente et variable bien que très utile pour les praticiens et les acteurs —, d’où vient le droit, où il va, comment il fonctionne et comment il évolue.
Le droit n’est pas l’ensemble de connaissances le moins sujet aux « obstacles épistémologiques » et le moins en attente de quelques « révolutions scientifiques ». Dès lors, peut-être un directeur de recherches en droit devrait-il posséder une formation en épistémologie et en philosophie au moins autant qu’une formation principalement ou même exclusivement de technicien du droit positif. Ce qui différencie peut-être les recherches académiques, des universitaires, par rapport aux publications des praticiens serait, parmi d’autres éléments, leur prise de recul critique et l’angle plus philosophique et théorique qu’ils peuvent adopter relativement aux objets observés.
Or la mécanique démocratique est mise en danger par les fausses informations, par les « fake news ». L’élection présidentielle américaine et le référendum britannique sur le Brexit en ont récemment témoigné. Trouver les moyens de limiter la désinformation 2.0 et faire en sorte qu’internet soit un allié et non un ennemi de la démocratie est donc un enjeu décisif pour les sociétés du XXIe s. La désinformation 2.0 est à la fois un symptôme de la crise de la démocratie et un appel à reconstruire la démocratie.
Dans ce cadre, le droit et la loi doivent sans doute intervenir et poser des garde-fous. Lutter contre la désinformation 2.0, ce n’est pas faire œuvre liberticide. C’est, au contraire, protéger les libertés civiles les plus fondamentales. Plus on lutte contre la désinformation, plus on protège les libertés d’expression et d’opinion, car celles-ci ont besoin d’être éclairées. Et le vote est une forme d’expression et d’opinion que la « post-vérité » asservit bien plutôt que de les libérer.
Les chercheurs sont les premiers concernés par ce grand renouvellement. Grâce à l’intelligence artificielle, apparaissent à la fois de nouveaux territoires à explorer et de nouveaux véhicules et instruments d’exploration, donc de nouveaux objets d’étude et de nouveaux moyens d’étude. Comme l’invention du microscope ou celle du télescope ont permis de voir autrement le monde et l’univers, les capteurs numériques, toujours plus omniprésents, mesurent tout et prédisent tout. Cela concerne en particulier la recherche et l’enseignement, donc la formation et la transmission des pensées, des connaissances et de l’esprit critique.
Les contributions contenues dans ce livre, rédigées par les meilleurs spécialistes, interrogent l’intelligence artificielle dans toutes ses dimensions : historique, sociologique, anthropologique, économique, politique, juridique, sanitaire ou encore philosophique et prospective. Une radiographie critique de l’intelligence artificielle et de ses conséquences est un enjeu démocratique et social fort. Puisque tout le monde est concerné et impacté, souvent dans de grandes proportions, tout le monde devrait pouvoir comprendre le fonctionnement de l’intelligence artificielle, les dynamiques qu’elle accompagne, les progrès mais aussi les menaces dont elle constitue le terreau. Cet ouvrage souhaite ainsi offrir à tous un moyen de mieux cerner l’intelligence artificielle et ses conséquences. Rarement le besoin d’une science grand public s’est fait autant ressentir, car rarement des progrès scientifiques ont impacté aussi intimement le quotidien de chacun.
« Qu’est-ce que le droit ? » est peut-être la plus essentielle des problématiques auxquelles les juristes doivent répondre. Or peu de questions touchant à l’homme et aux sociétés ont suscité des réponses aussi diverses et parfois antagonistes que « Qu’est-ce que le droit ? ». Dans le vaste paysage des théories du droit, il est difficile de savoir avec précision ce qu’est le droit. Faut-il dès lors se résigner à ne jamais disposer d’un objet-droit homogène et stable, dont l’identité serait finement établie et les frontières nettement tracées ? Pour étudier le droit, il importe pourtant de connaître ses spécificités parmi les différents modes de régulation sociale, cela afin de délimiter le champ des normes juridiques et donc circonscrire et borner l’objet d’étude.
La définition du droit exposée dans la première partie de ce livre est une définition lexicographique, une définition scientifique. Il s’agit de constater ce qu’est le droit, quelles sont ses propriétés, au terme d’une enquête objective et empirique, excluant tout jugement subjectif et toute proposition personnelle. Comme la religion romaine qui accueillait dans son panthéon tous les dieux grecs et étrusques sans distinction, la théorie syncrétique réunit toutes les définitions du droit actuellement en vigueur dans la pensée juridique. Dans ce cadre, les diverses théories du droit ne sont pas des concurrentes mais des associées. Elles ne s’opposent pas mais se complètent.
Ensuite, en appliquant les critères de juridicité ainsi recensés à une norme donnée, on peut mesurer son niveau de force juridique sur l’échelle de juridicité. Cette échelle, expliquée et expérimentée dans la seconde partie du livre, permet d’interroger les dimensions du droit. Or son application à de multiples formes de normativité indique que, dans le monde des normes sociales, les normes fortement juridiques côtoieraient les normes moyennement juridiques et les normes faiblement juridiques. En revanche, il ne semble guère exister de normes sociales non juridiques — les différences entre normes seraient de degré et non de nature. Ainsi l’échelle de juridicité invite-t-elle à retenir une conception graduelle du droit et un panjuridisme modéré. L’intérêt de cette nouvelle forme de rationalité de la pensée juridique est d’autoriser le juriste à s’ouvrir à tout type de normes sociales tout en sauvegardant l’autonomie conceptuelle du droit.
***
La question « qu’est-ce que le droit ? » est peut-être la première et la plus cardinale de toutes les questions posées à la pensée et aux sciences juridiques. Au début de son ouvrage Le concept de droit, écrit à la fin des années 1950, Herbert Hart note combien « il est peu de questions relatives à la société humaine qui aient été posées avec autant de persistance et qui aient fait l’objet, de la part de théoriciens réputés, de réponses aussi différentes, étranges et même paradoxales que la question “Qu’est-ce que le droit ?” ». Pourtant, les entreprises menées afin d’y répondre sont aujourd’hui de plus en plus rares, comme si les juristes étaient tentés de capituler face au redoutable défi du concept de droit, comme s’ils se résignaient à ne jamais disposer d’un objet d’étude homogène et stable, dont l’identité serait précisément établie et les frontières nettement tracées. En souhaitant réfléchir à nouveaux frais à la définition du droit, on touche forcément à un nid de guêpes.
Il faut cependant gager qu’il demeure possible — si ce n’est nécessaire — d’interroger les propriétés et les dimensions du droit. Se demander comment reconnaître le droit serait une prémisse indispensable pour pouvoir éventuellement connaître le droit, a fortiori à l’ère du multijuridisme et du panjuridisme, en des temps où l’on en vient à appeler « droit » des objets normatifs ou semi-normatifs hétéroclites, ne réduisant plus l’univers juridique aux domaines de la loi et de la jurisprudence. Alf Ross pouvait convenir en ce sens que la tâche de la théorie du droit serait déjà de répondre à la problématique suivante : « En quoi le système juridique se distingue-t-il d’autres ensembles particuliers de normes comme ceux des échecs, du bridge ou de la courtoisie ? ».
Or une nouvelle route du droit, une nouvelle manière d’aborder le monde juridique et ses limites pourrait être explorée : le syncrétisme juridique. Dans le cadre syncrétique, les définitions du droit ne doivent plus être considérées telles des concurrentes mais telles des associées. Elles ne s’opposent plus mais se complètent. Il s’agit moins de choisir parmi elles que de les combiner dans un élan éclectique. En ce sens, la théorie syncrétique se présente telle une théorie pluraliste du droit.
En ces pages, l’État est identifié tantôt de manière descriptive et classique, tantôt de façon plus stipulative et fondatrice, par exemple lorsqu’est esquissée la distinction de la souveraineté et de la puissance étatiques en ces termes : « La puissance de l’État est au fait ce que la souveraineté de l’État est au droit ». L’auteur propose ainsi à la fois une introduction et une contribution à la théorie de l’État, à la fois un exposé de la pensée moderne de l’État et un essai de renouvellement des modes de compréhension et d’explication du phénomène étatique.
Or il est un dogme, dessiné par le théoricien positiviste Hans Kelsen, qui se construit essentiellement dans le cadre étatique : la « pyramide » des normes. Cette figure s’est imposée au sein des esprits juridiques avec une telle autorité qu’elle semble, aujourd’hui encore, immuable. Pourtant, qui plonge dans le paysage globalisé du XXIè siècle internetique et s’adonne à une approche pragmatique constate fatalement la déchéance de ce modèle par trop linéaire.
Traditionnellement réfractaire à l’évolution, le milieu juridico-politique doit alors admettre combien l’insaisissable cadence du temps maltraite ses acquis les mieux encrés ; et c’est tout naturellement que le droit de l’internet – postmoderne s’il en est – conduit à un nouveau paradigme : le « réseau » de normes.
Notamment en incluant un Dictionnaire du droit postmoderne (p. 305), cet ouvrage contribue à la délicate mise en lumière des mutations de la sphère juridique, ainsi qu’à la réflexion fondamentale sur le renouveau des notions de droit et de norme.
Les grandes mutations économiques, sociétales et culturelles ont toujours été amorcées par la découverte et l'exploitation d'une nouvelle forme d'énergie. Peut-être les données numériques constituent-elles une telle ressource, cultivée au moyen de savants algorithmes. L'intelligence artificielle serait ainsi le moteur, tandis que les données seraient le carburant, de nombreuses révolutions actuelles ou à venir. Ensemble, elles transforment et transformeront l'homme, ses activités personnelles et professionnelles, ses moyens de communication, ses manières de consommer, ses modes de transport ou encore ses façons d'observer et de penser le monde.
Une radiographie critique de l'IA et de ses conséquences est un enjeu démocratique et social fort, peut-être même un enjeu civilisationnel. Beaucoup de services fonctionnant grâce à des IA et à de grandes bases de données sont de véritables outils de gouvernement et de régulation des comportements, qui orientent effectivement les conduites et les pensées individuelles et collectives.
Parce que nous sommes tous concernés et touchés, nous devons tous nous intéresser au fonctionnement des intelligences artificielles et prendre conscience des dynamiques qu'elles accompagnent, des progrès qu'elles permettent et des menaces dont elles constituent le terreau. Rarement le besoin de sciences grand public, accessibles à tous, s'est fait autant ressentir, car rarement des avancées scientifiques ont impacté aussi intimement le quotidien de chacun.
Voici donc un livre essentiel pour comprendre les bouleversements technologiques de nos activités et de notre environnement.
Si une théorie dit à une science ce qu’elle doit rechercher et où, quand, comment et pourquoi elle doit le rechercher, les sciences du droit « postmodernes », attachées aux phénomènes normatifs et régulatoires para- ou extra-étatiques, reposent nécessairement sur des théories, bien que celles-ci soient souvent implicites, non-dites et même inconscientes. Ces théories pourraient être qualifiées de « pratiques » dans le double sens de concrètement utiles et de réalistes, cohérentes et pertinentes par rapport à ce qui se passe dans les faits.
En pratique, droit rime de moins en moins avec État. Renouveler les recherches et enseignements juridiques en donnant plus de place aux objets normatifs originaux qui se développent pourrait par exemple amener à délaisser les exposés détaillés de régimes juridiques issus de la loi et de la jurisprudence au profit d’approches plus organiques, physiologiques, métaboliques, généalogiques et prospectives permettant de comprendre, plutôt que le sens et la portée des devoir-être que le droit contient — donnée de plus en plus contingente et variable bien que très utile pour les praticiens et les acteurs —, d’où vient le droit, où il va, comment il fonctionne et comment il évolue.
Le droit n’est pas l’ensemble de connaissances le moins sujet aux « obstacles épistémologiques » et le moins en attente de quelques « révolutions scientifiques ». Dès lors, peut-être un directeur de recherches en droit devrait-il posséder une formation en épistémologie et en philosophie au moins autant qu’une formation principalement ou même exclusivement de technicien du droit positif. Ce qui différencie peut-être les recherches académiques, des universitaires, par rapport aux publications des praticiens serait, parmi d’autres éléments, leur prise de recul critique et l’angle plus philosophique et théorique qu’ils peuvent adopter relativement aux objets observés.
Si l’internet et le droit ne s’ignorent donc plus, un nouvel ensemble de réseaux informatiques défie aujourd’hui le droit : le darknet. Beaucoup des activités illégales qui profitaient autrefois de l’impunité offerte par l’internet ont migré vers le darknet. Les nouvelles technologies de l’information et de la communication n’ont ainsi de cesse de bouleverser les sociétés, leurs habitudes et, par suite, le droit qui est censé les accompagner. Celui-ci n’a d’autre choix que de s’adapter, quoique dans sa forme bien plus que dans son contenu. Y parvient-il — et le peut-il seulement — en matière de darknet, dernier témoignage de ces mouvements technologiques incessants ?
Pour être exact, il faudrait évoquer « les darknets », même si l’on a pris l’habitude de parler « du darknet » afin de désigner l’ensemble de ces darknets. Un darknet est un réseau privé et autonome — les différents darknets ne sont pas interopérables, ne s’associent pas afin de former un inter-réseaux. Il profite des technologies de l’internet mais recourt à des logiciels, des configurations et des autorisations spécifiques. La caractéristique essentielle d’un darknet est d’anonymiser les activités de ses utilisateurs, de les crypter. Quant au darkweb, il s’agit d’un des principaux services accessibles grâce aux darknets — comme le web (protocole <http>) est un des principaux services de l’internet.
Le darknet est donc une forme d’internet parallèle, mystérieux et secret. Il est caché et invisible, c’est-à-dire que ses acteurs et utilisateurs sont cachés et invisibles, non identifiables au moyen des technologies habituellement utilisées afin de réguler l’internet et ses services — et sanctionner les éventuels auteurs d’infractions. En premier lieu, le darknet interdit toute identification des adresses IP des ordinateurs connectés, i.e. leurs numéros d’immatriculation numérique. Cet anonymat des darknautes a favorisé le développement du marché noir et des activités délictuelles en tous genres, ainsi que la mise en ligne d’innombrables contenus illicites. Les réseaux sombres servent de support à un nombre croissant d’activités illégales. Or cela s’explique avant tout par l’impression d’une zone de non-droit qu’ils procurent, par le sentiment d’impunité qui anime les cybercriminels.
Si l’on définit le droit en tant que droit de l’État, alors le darknet s’est construit loin du droit et a prospéré notamment en raison de cette image d’ajuridicité qui l’accompagne. Cependant, il ne se développe pas loin des normes. Tout d’abord, il repose sur nombre de normes technologiques. Ensuite, ses acteurs et utilisateurs opèrent dans le cadre de codes et usages privés dont le niveau d’effectivité est remarquable. Seulement ces codes et usages privés ne sont-ils pas toujours compatibles avec les lois, tant s’en faut. En témoigne le sort réservé aux propriétés intellectuelles. Aussi le juriste qui observe ces réseaux parallèles ne peut-il qu’être saisi par leur besoin de droit — i.e. par leur besoin de régulation étatique. On ne saurait justifier un quelconque abandon de ce nouvel espace immatériel à des puissances privées défendant des intérêts privés qui, parfois, sont aussi des intérêts crapuleux.
Pourtant, le droit applicable aux activités du darknet ne manque pas. Si ce dernier se présente tel un supermarché mondial de produits illicites, il est, comme les autres pans du cyberespace, un domaine dans lequel toutes les règles de droit, du droit pénal au droit fiscal, ont vocation à s’appliquer. La difficulté est de les faire respecter concrètement — et ce n’est pas la moindre des difficultés (I). La barrière technologique est-elle infranchissable pour le droit, est-elle capable d’interdire l’entrée à toutes les autorités exécutives et juridictionnelles ? Il faut gager que tel ne saurait être le cas, que le darknet n’est pas incompatible avec le droit. En effet, au cours des derniers mois, les pouvoirs publics sont parvenus à fermer plusieurs sites illégaux comptant au nombre des plus importants du darkweb. C’est pourquoi celui-ci mériterait de moins en moins d’être compris telle une zone de non-droit (II). Pour autant, les services de police devront persévérer et peut-être trouver de nouveaux alliés et de nouveaux moyens (juridiques et/ou technologiques) s’ils entendent endiguer durablement l’hypertrophie criminelle du darknet et du darkweb, s’ils souhaitent permettre au droit de triompher de la force technologique, à la régulation publique de l’emporter sur la régulation privée, à l’intérêt général de dominer les intérêts particuliers et à l’ordre public de s’imposer face au désordre libertaire.
divisio du droit, peut-être sera-t-elle un jour concurrencée par la distinction du macro-droit et du
micro-droit. Toutefois, l’idée de summa divisio pourrait être écartée au profit de l’idée de ratio
divisio : les distinctions du droit privé et du droit public et du macro-droit et du micro-droit
n’entreraient plus en confrontation ; elles se combineraient et se compléteraient. En effet, si l’une et
l’autre se rapportent aux objets étudiés par les juristes, ce sont des objets incomparables mais
complémentaires. Les catégories de la recherche macro-juridique et de la recherche micro-juridique
permettraient ainsi d’affiner l’épistémologie juridique. Une recherche pourrait être soit macrojuridique
et de droit privé, soit macro-juridique et de droit public, soit micro-juridique et de droit
privé, soit micro-juridique et de droit public1
.
La recherche micro-juridique, telle qu’il sera proposé de la comprendre dans le cadre des
facultés de droit françaises, consisterait en l’étude d’une branche du droit ou, plus finement, d’un
régime juridique, d’une norme ou d’une institution, tandis que le recherche macro-juridique porterait
sur toute question transcendant les branches du droit et intéressant le droit dans son ensemble ou, du
moins, le droit public ou le droit privé en général. La branche du droit servirait donc de ligne de
démarcation entre macro-droit et micro-droit — les dimensions du droit privé et du droit public en
faisant davantage des troncs communs du droit que de simples branches du droit.
Cependant, pour que la séparation de la recherche macro-juridique et de la recherche microjuridique
seconde efficacement la séparation du droit privé et du droit public, il faudrait qu’elle
prospère davantage au sein de la pensée juridique collective. En effet, si elle paraît imprégner
nécessairement les travaux des juristes, elle s’avère souvent inconsciente et implicite. Et, lorsque les
adjectifs « macro-juridique » ou « micro-juridique » sont employés, ce qui n’arrive
qu’occasionnellement, ils revêtent des significations polysémiques, donc incertaines.
Aussi l’objet de ce texte sera-t-il de fournir quelques explications, quelques réflexions et
quelques propositions — non des observations scientifiques — afin d’essayer de clarifier le sens et la
portée de la distinction de la recherche macro-juridique et de la recherche micro-juridique (I). Le pari
pris est que la séparation du macro-droit et du micro-droit, sur le modèle de la séparation de la macro-
économie et de la micro-économie, pourrait permettre de mieux comprendre les orientations suivies
par les différentes sciences et pensées du droit. Dans un second temps, après avoir opéré le constat
d’une nette domination quantitative des travaux micro-juridiques par rapport aux travaux macrojuridiques
en France, y compris au sein des facultés de droit, il s’agira de plaider en faveur du
développement de la recherche macro-juridique (II).
Tome II : La théorie syncrétique du droit et la possibilité du pluralisme juridique
Presses universitaires d'Aix-Marseille-2016