Emna Mrabet
Emna Mrabet is Maîtresse de conférences affiliated with the Ecole Esthétique, Sciences et Technologie du Cinéma et de l'Audiovisuel, University Paris 8, where she has been teaching since 2010, especially a course on "Maghreb and middle east cinema" and documentary production. Her research interests lie in Maghrebi-French cinema. She has written the book "Le cinéma d'Abdellatif Kechiche : Prémisses et Devenir" (Riveneuve, 2016) and several articles on the works of films directors of Maghrebi origins, in particular, "Contestation et défense des droits humains chez les cinéastes Abdellatif Kechiche et Rabah Ameur-Zaïmeche" (Studies in french cinema), “La question identitaire chez les cinéastes issus de l’immigration maghrébine” (L’Harmattan), "Akerman et Kechiche au prisme de la représentation de la sexualité (Nebraska University Press). In 2019, she directed the movie "A l'Aube de nos rêves", a documentary on the tunisian revolution and postrevolution, selected for the festivals : Rendez-vous de l'histoire de Blois, Panorama des Cinémas du Maghreb et du Moyen Orient, Festival du Cinéma Méditerranéen de Tétouan. She is currently focusing her research on Maghreb and Middle Eastern cinematography and on "guerilla" cinema
less
InterestsView All (13)
Uploads
Papers by Emna Mrabet
Après une grande phase de stagnation, le cinéma tunisien rencontre aujourd’hui un nouvel essor. Ce foisonnement artistique se traduit notamment par une augmentation des productions cinématographiques et par une diversification des styles et des esthétiques. Dans la lignée d’un
cinéma qui a, très tôt, été jalonné par la question des tabous moraux, nous assistons à l’avènement de filmographies qui osent interroger la société sur les contraintes et les barrières qu’elle pose au développement de l’individu comme dans les films, Les secrets de Raja Amari (2009), ou encore Hédi un vent de liberté (2016). Ces nouvelles réalisations commencent à avoir un large impact et se voient souvent attribuer des prix dans des festivals internationaux.
Le renouveau du secteur est également visible dans le champ de la production des séries ramadanesques. Comme dans plusieurs autres pays arabes, le mois de ramadan constitue ainsi un enjeu financier de taille pour les chaînes télévisuelles. Ces séries, produites pour être
diffusées spécifiquement durant cette période, rassemblent souvent un audimat considérable et peuvent être observées comme un véritable phénomène de société. Tel est le cas des séries Nouba de Abdelahamid Bouchnak, El Foundou de Saoussen Jemni, El Harka de Lassad
Oueslati. Le succès de ces séries l’année 2021, a, ainsi, été l’occasion d’en poursuivre la trame durant une deuxième saison cette année.
Maîtrisant les codes et références du film noir, les jeunes réalisateurs de ces feuilletons, emploient l’élément du crime pour l’échafaudage des nœuds dramatiques qui permettent de tenir en haleine les spectateurs.
Mais ce qui est notable, est la manière dont ces réalisateurs se saisissent
de cet élément du crime pour mettre en lumière les tabous et points de crispation (sociale, culturelle et politique) de la société tunisienne. Nous pouvons citer à titre d’exemple le feuilleton Baraa, dernière production de la chaîne télévisuelle privée El Hiwar Ettounsi qui a défrayé la chronique en abordant la question de la polygamie et du mariage coutumier, pratiques
interdites en Tunisie.
Cette communication se propose ainsi de mettre en lumière la manière dont le cadre du film noir est employé ou détourné pour servir de baromètre et de révélateur des évolutions sociétales
L’Institut Français peut être considéré comme l’un des protagonistes de cette restructuration. La présente communication vise à d’analyser les diverses collaborations mises en œuvre entre l’Institut Français et les différents organismes locaux tel que le
tout nouveau CNCI (centre national du cinéma et de l’image tunisien) ; mais aussi à évaluer l’impact des actions menées par l’Institut Culturel Français sur le nouveau
dynamisme à l’œuvre dans le champ cinématographique en Tunisie.
Prenant racine dans l’histoire du cinéma franco-maghrébin, l’œuvre de Kechiche illustre l’évolution de ce mouvement. Ses films s’éloignent ainsi de l’aspect sociopolitique des premiers films franco- maghrébins pour témoigner du développement d’une écriture singulière. Si ses réalisations s’attachent à brosser un portrait de l’immigration, elles produisent une synergie diégétique nouvelle dépassant le strict cadre culturel et ethnique pour mieux prendre place dans le champ du «cinéma d’auteur» et offrir aux cinéastes issus de cette mouvance une certaine légitimité. Il est ainsi parvenu à construire une œuvre dense tant par sa portée narrative que par la mise en place de procédés cinématographiques et discursifs originaux.
Le jeu constitue par ailleurs une entité primordiale chez Kechiche: jeu théâtral, jeu de piste, jeux linguistiques, comme si le cinéaste revenait à l’essence même de la création artistique, celle du plaisir de jouer. Cette notion de plaisir prédomine ainsi dans tous ses films et culmine dans son avant-dernier opus, Mektoub My Love: Canto Uno qui s’édifie quasi entièrement sur l’idée du désir. Plaisir de la chair, plaisir de la dégustation des mots, mais aussi le plaisir de jouer avec la patience du spectateur par la recherche de l’excès. Cette propension à la démesure est cependant équilibrée par une linéarité du récit filmique focalisant l’attention perceptive autour de la quête des personnages.
Vénus noire s’inspire de la véritable histoire de la Vénus hottentote, ramenée d’Afrique du Sud pour être d’abord livrée en pâture au public londonien qui l’observe comme un monstre, puis traitée en objet érotique dans les salons parisiens, avant de finir littéralement disséquée par les scientifiques.
Les films de Kechiche arborent néanmoins une dimension dénonciatrice culminant avec son quatrième film, Vénus noire, qui s’ancre dans une perspective postcoloniale. Le cinéaste y interroge la construction de la perception de l’Autre dans la vision occidentale qui, en se fondant sur des présupposés «scientifiques», pose l’Européen comme base canonique et établit une échelle évaluative des races. Ce film catalyse ainsi l’une des questions majeures qui traverse l’œuvre du cinéaste: celle du regard répressif qui stigmatise le marginal et le différent. Sous des apparences d’histoires empruntant leur structure à la forme du conte, l’œuvre de Kechiche se dote d’une dimension politique qui dé- place les frontières de la marginalité vers le cœur de l’universel.
Ses films s’appuient et se construisent sur une stratégie de l’épuisement qui est à l’origine d’une appréhension singulière de la direction d’acteurs. C’est cette partie du travail du réalisateur que nous nous proposons d’analyser dans le présent article en ancrant tout d’abord l’œuvre du cinéaste dans la lignée des réalisateurs Henri-Georges Clouzot et Maurice Pialat. Il s’agira également d’observer comment le corps est représenté et de quelle manière cette représentation de la corporéité confère à son œuvre une dimension incarnée. Se caractérisant également par l’épuisement du corps – et plus particulièrement du corps féminin –, ce dernier devient partie intégrante de la construction diégétique de l’œuvre.
Après une grande phase de stagnation, le cinéma tunisien rencontre aujourd’hui un nouvel essor. Ce foisonnement artistique se traduit notamment par une augmentation des productions cinématographiques et par une diversification des styles et des esthétiques. Dans la lignée d’un
cinéma qui a, très tôt, été jalonné par la question des tabous moraux, nous assistons à l’avènement de filmographies qui osent interroger la société sur les contraintes et les barrières qu’elle pose au développement de l’individu comme dans les films, Les secrets de Raja Amari (2009), ou encore Hédi un vent de liberté (2016). Ces nouvelles réalisations commencent à avoir un large impact et se voient souvent attribuer des prix dans des festivals internationaux.
Le renouveau du secteur est également visible dans le champ de la production des séries ramadanesques. Comme dans plusieurs autres pays arabes, le mois de ramadan constitue ainsi un enjeu financier de taille pour les chaînes télévisuelles. Ces séries, produites pour être
diffusées spécifiquement durant cette période, rassemblent souvent un audimat considérable et peuvent être observées comme un véritable phénomène de société. Tel est le cas des séries Nouba de Abdelahamid Bouchnak, El Foundou de Saoussen Jemni, El Harka de Lassad
Oueslati. Le succès de ces séries l’année 2021, a, ainsi, été l’occasion d’en poursuivre la trame durant une deuxième saison cette année.
Maîtrisant les codes et références du film noir, les jeunes réalisateurs de ces feuilletons, emploient l’élément du crime pour l’échafaudage des nœuds dramatiques qui permettent de tenir en haleine les spectateurs.
Mais ce qui est notable, est la manière dont ces réalisateurs se saisissent
de cet élément du crime pour mettre en lumière les tabous et points de crispation (sociale, culturelle et politique) de la société tunisienne. Nous pouvons citer à titre d’exemple le feuilleton Baraa, dernière production de la chaîne télévisuelle privée El Hiwar Ettounsi qui a défrayé la chronique en abordant la question de la polygamie et du mariage coutumier, pratiques
interdites en Tunisie.
Cette communication se propose ainsi de mettre en lumière la manière dont le cadre du film noir est employé ou détourné pour servir de baromètre et de révélateur des évolutions sociétales
L’Institut Français peut être considéré comme l’un des protagonistes de cette restructuration. La présente communication vise à d’analyser les diverses collaborations mises en œuvre entre l’Institut Français et les différents organismes locaux tel que le
tout nouveau CNCI (centre national du cinéma et de l’image tunisien) ; mais aussi à évaluer l’impact des actions menées par l’Institut Culturel Français sur le nouveau
dynamisme à l’œuvre dans le champ cinématographique en Tunisie.
Prenant racine dans l’histoire du cinéma franco-maghrébin, l’œuvre de Kechiche illustre l’évolution de ce mouvement. Ses films s’éloignent ainsi de l’aspect sociopolitique des premiers films franco- maghrébins pour témoigner du développement d’une écriture singulière. Si ses réalisations s’attachent à brosser un portrait de l’immigration, elles produisent une synergie diégétique nouvelle dépassant le strict cadre culturel et ethnique pour mieux prendre place dans le champ du «cinéma d’auteur» et offrir aux cinéastes issus de cette mouvance une certaine légitimité. Il est ainsi parvenu à construire une œuvre dense tant par sa portée narrative que par la mise en place de procédés cinématographiques et discursifs originaux.
Le jeu constitue par ailleurs une entité primordiale chez Kechiche: jeu théâtral, jeu de piste, jeux linguistiques, comme si le cinéaste revenait à l’essence même de la création artistique, celle du plaisir de jouer. Cette notion de plaisir prédomine ainsi dans tous ses films et culmine dans son avant-dernier opus, Mektoub My Love: Canto Uno qui s’édifie quasi entièrement sur l’idée du désir. Plaisir de la chair, plaisir de la dégustation des mots, mais aussi le plaisir de jouer avec la patience du spectateur par la recherche de l’excès. Cette propension à la démesure est cependant équilibrée par une linéarité du récit filmique focalisant l’attention perceptive autour de la quête des personnages.
Vénus noire s’inspire de la véritable histoire de la Vénus hottentote, ramenée d’Afrique du Sud pour être d’abord livrée en pâture au public londonien qui l’observe comme un monstre, puis traitée en objet érotique dans les salons parisiens, avant de finir littéralement disséquée par les scientifiques.
Les films de Kechiche arborent néanmoins une dimension dénonciatrice culminant avec son quatrième film, Vénus noire, qui s’ancre dans une perspective postcoloniale. Le cinéaste y interroge la construction de la perception de l’Autre dans la vision occidentale qui, en se fondant sur des présupposés «scientifiques», pose l’Européen comme base canonique et établit une échelle évaluative des races. Ce film catalyse ainsi l’une des questions majeures qui traverse l’œuvre du cinéaste: celle du regard répressif qui stigmatise le marginal et le différent. Sous des apparences d’histoires empruntant leur structure à la forme du conte, l’œuvre de Kechiche se dote d’une dimension politique qui dé- place les frontières de la marginalité vers le cœur de l’universel.
Ses films s’appuient et se construisent sur une stratégie de l’épuisement qui est à l’origine d’une appréhension singulière de la direction d’acteurs. C’est cette partie du travail du réalisateur que nous nous proposons d’analyser dans le présent article en ancrant tout d’abord l’œuvre du cinéaste dans la lignée des réalisateurs Henri-Georges Clouzot et Maurice Pialat. Il s’agira également d’observer comment le corps est représenté et de quelle manière cette représentation de la corporéité confère à son œuvre une dimension incarnée. Se caractérisant également par l’épuisement du corps – et plus particulièrement du corps féminin –, ce dernier devient partie intégrante de la construction diégétique de l’œuvre.
This analysis traces the turning points that mark this evolution, from the starting point of the “migrant worker” as cinematographic figure, followed by the appropriation of their self-image on screen by first-generation Franco-Maghrebi youth and finishing with Abdellatif Kechiche’s cinema as syncretism of this movement.
An aesthetic analysis of a selection of films allows us to grasp the specificity of this movement, which began in the 1970s and asserted itself in the 1980s with the release of Mehdi Charef’s “Tea in the Harem” (“Le thé au harem d’Archimède”). This allows us to question the notion of “Beur Cinema”, which was used to describe the Franco-Maghrebi directors who followed in Mehdi Charef’s footsteps.
The cinema of Abdellatif Kechiche is both a continuation of, and a departure from, this movement. This research highlights the artistic mechanisms at work in his oeuvre and initiates a reflection on the singularity of his writing, as well as on the establishment of a cinematography that questions French cinema’s ability to reproduce reality in its current polymorphous dimension
Ce second film, réalisé après Je, tu, il, elle (1974) procède, comme lui, à une explosion du cadre formel de la narration, faisant la part belle à la ritualisation des gestes et du corps. Il s’agira ainsi d’observer de quelle manière et à l’aide de quels procédés cinématographiques, la cinéaste Chantal Akerman parvient à construire des personnages féminins dérangeants et jouant sur le trouble et la déviance sexuelle. L’analyse des œuvres Jeanne Dielman, 23 quai du Commerce, 1080, Bruxelles et de La captive (2000), adaptation de La prisonnière de Proust, sera ainsi l’occasion de mettre en lumière les dispositifs mis en place par Chantal Akerman pour élaborer une œuvre unique et moderne.
Après une grande phase de stagnation, le secteur du film connait aujourd’hui un nouvel essor et se trouve en pleine mutation grâce notamment à la création du CNCI et à une volonté de restructuration du secteur. On note par ailleurs un réel engouement du public pour les films tunisiens.
La présente étude a pour objectif de mettre en lumière, à travers un travail de terrain, la présence et le rôle joué par les femmes dans le secteur cinématographique en Tunisie, d’observer cette activité depuis les dix dernières années afin d’interroger l’impact de la révolution sur la place octroyée aux femmes. Cette étude s’intéressera également aux réalisatrices résidant aujourd’hui en France afin d’observer les interactions qu’elles tissent avec la Tunisie mais également les perspectives que leur offrent leur statut de « femmes de la diaspora ».
une nouvelle génération de cinéastes, enfants des premiers
immigrés maghrébins, qui commencent à se raconter. Ils réalisent des fictions où il est souvent question des problèmes économiques,
socio–culturels et identitaires vécus dans les cités de banlieues.
En adaptant son roman au cinéma, Le Thé au harem
d’Archimède réalisé en 1985, Mehdi Charef fait figure de
précurseur. Il est ainsi l’un des premiers à évoquer la vie des jeunes issus de l’immigration maghrébine : discrimination, difficultés à
trouver du travail, amitiés, amour et sexualité, différends avec leurs
parents dont ils ne parlent souvent pas la langue, difficultés pour
les filles d’accéder à la liberté…
"Le Thé au harem d’Archimède" marque ainsi un tournant dans
l’histoire de la représentation de la population d’origine
maghrébine. Naguère cantonnés dans des rôles secondaires de voyous et de marginaux, les jeunes issus de l’immigration
maghrébine, prennent corps au centre de films narrant leur
quotidien. Nous tenterons ainsi d’observer de quelles diverses
manières ces cinéastes abordent la « question identitaire »,
en évoquant un malaise, une désappartenance identitaire ou
encore un dépassement de cette question des origines.
Lorsque Julia Kristeva1 prolonge la réflexion Bakhtinienne sur l’hétérogénéité du texte et sa densité discursive, il s’agissait de mettre en évidence la mosaïque d’œuvres qui constitue le texte dans sa capacité à y inscrire la mémoire littéraire ou du moins à l’ouvrir sur un espace intertextuel. Mais cette spatialité met aussi en jeu des éléments de territorialisation ainsi que des éléments de caractérisation sociale. En effet, comme l’a très tôt démontré Pasolini à propos de l’imitation dans les dialogues, certaines pratiques d’emprunts peuvent revêtir une fonction politique dès lors qu’elles jouent sur un ancrage qui est social et régional. Il s’agira donc d’ouvrir les films à l’ailleurs qui les compose, dans ce qu’ils produisent en terme de discours politique, de support d’expression individuelle, tout en assumant, tant par le cumul de ces effets que les dispositifs en œuvre, une fonction réflexive appuyée.
et sur un français stigmatisé (parler jeune, parler des cités,…) avait pour objectif d’exclure ces personnes en les présentant comme entité s’opposant à une certaine langue/culture dominante. D’un état de marginalisation, le Français d’origine maghrébine s’est imposé comme créateur de tendances sociolinguistiques. Des études récentes menées auprès de ces « jeunes » ont révélé l’impact de cette langue /culture : le fait de ne pas la pratiquer exclut l’adolescent de son group de pairs dans certaines villes françaises. La pratique de l’arabe, jadis signe d’une condition sociale inférieure suscitant une culpabilité linguistique, deviendrait donc un facteur d’intégration.
Aussi la présente communication se propose d’observer ces diverses mutations par le biais d’une étude comparative entre d’une part, des films de fiction réalisés dans les années soixante- dix : Elise ou la vraie vie (1970) de Michel Drach, Les Ambassadeurs (1975) de Naceur Ktari et des œuvres réalisées à partir des années quatre-vingt : Le Thé au Harem d’Archimède (1985) de Mehdi Charef, Wesh wesh qu’est ce qui se passe ? (2001) de Rabah Ameur Zaïmeche, L’Esquive (2002) de Abdellatif Kechiche. Cette étude s’ancrant dans une anlyse des procédés stylistiques et esthétiques, tentera de mettre en lumière les questionnements et représentations identitaires traversant ces œuvres.
En partant de ce titre emblématique, il nous a paru judicieux de nous interroger sur la pertinence de cette appellation « cinéma beur ». Pour se faire, nous tenterons de revenir dans un premier temps sur l’étymologie du terme « beur » et d’observer dans un second temps les traits communs qui se dégagent du corpus de films choisi. Ces analyses nous permettront d’observer en dernier lieu les limites de cette désignation « cinéma beur ».
Nous limiterons notre corpus à l’œuvre de quatre réalisateurs : Mehdi Charef, Malik Chibane, Rabah Ameur Zaïmeche et Abdellatif Kechiche dont l’étude nous a semblé pertinente pour l’interrogation de cette appellation. Afin de toucher un champ d’investigation plus large, notre choix s’est porté sur un corpus de films qui s’étend des années quatre-vingt aux années deux mille.
La présente communication a pour objectif d’observer, à travers l’étude de films précis, la représentation du corps chez ces deux cinéastes et de mettre en lumière la manière dont le corps devient un enjeu essentiel pour la réappropriation du pouvoir par les personnages féminins nous permettant par là-même d’analyser ces œuvres cinématographiques comme le reflet des nouveaux défis sociaux lancés à la jeune démocratie tunisienne.
Les premiers films réalisés datent de 1911 et cette période s’achève avec la décolonisation du Maroc et de la Tunisie en mars 1956 et de l’Algérie en juillet 1962 après la guerre d’Algérie qui dure de 1954 à 1962.
Nous nous proposons ainsi d’analyser la relation complexe qui se tisse entre ces trois cinéastes et leurs acteurs afin de mettre en lumière une méthode de travail et de direction de l’acteur et d’interroger dans un même mouvement les notions de « vol de l’intime » et de mise à nu des acteurs.
The film’s diegesis follows the degrading and mortifying journey experienced by the character of Venus in the nineteenth century. After travelling from South Africa to Europe with her master Caesar, he ends up making her perform a « savage », serving her up to London working-class public and to high society « salons » in Paris. Later on, she is examined by scientists as an object of curiosity and an anthropological study.
This lecture will focus on the processes director Abdellatif Kechiche uses to represent the spectacle of violence and humiliation which Venus endures, thereby enclosing the viewer in a position of voyeur and confronting him with his own receptive and perceptual limitations.
Refering to the collective book Zoos humains et exhibitions coloniales (Blanchard Boëtsch 2002) - « Human zoos and colonial exhibitions » - will help us to comprehend the film Black Venus in a context of a larger corpus of works denouncing white racial supremacist politics, which are sometimes built on supposedly scientific and deductive arguments, as shown in Kechiche’s movie.
Le présent exposé propose ainsi d’examiner la question de la mémoire qui jalonne l’œuvre de Yamina Benguigui et d’observer de quelle manière ses réalisations documentaires contribuent à la restitution d’une mémoire collective oubliée.
A priori hétérogène, le film guérilla révèle pourtant des similitudes au niveau des processus de fabrication et dessine des modalités communes reposant sur la construction d’une hétérotopie, l’utopie d’un cinéma autre, se caractérisant par une organisation sociale, temporelle, économique, volontairement distincte des habitudes du cinéma français. La fabrication de ces films met ainsi en exergue la notion de « collectif » et privilégie l’intime sur les compétences techniques (couple, famille, amis….), n’hésitant pas à engager des durées de tournage et de post-production de plusieurs années (9 ans pour Rengaine par exemple). Leur financement repose souvent sur des ressources personnelles ou contributives tel que le crowdfunding (Brooklyn, Pascal Tessaud, 2012), et la revendication de leur autonomie se révèle jusque dans la distribution (Donoma).
Il s’agira ainsi d’observer comment ces œuvres, par leurs procédés de production et de fabrication, révèlent de nouvelles modalités créatives et collaboratives et de questionner, de quelle manière, tout en se revendiquant comme le contre champs du cinéma français, elles se trouvent aussi contraintes d’intégrer l'industrie dominante.
La présente proposition de communication vise à mettre en lumière les contextes politiques dans lesquels émergent ces deux œuvres et de quelle manière cette évolution politico-sociale détermine une représentation différente des corps et de la sexualité. Il s’agit également d’observer les divers procédés cinématographiques employés par Akerman et Kechiche pour dépeindre le corps comme un élément tangible où s’inscrivent les tensions sociales, amoureuses, nous permettant par là-même d’interroger la question de la transgression et du voyeurisme.
On assiste, depuis le début des années 2000, à l’émergence d’une nouvelle génération de cinéastes, bénéficiant pour certains d’une reconnaissance à l’international, et témoignant de la vivacité de ce champ cinématographique. Ce renouveau est ainsi perceptible, tant au niveau de la diversification des styles qu’au niveau des thématiques abordées. Dans ce nouveau vivier créatif, plusieurs œuvres n’hésitent pas à franchir les systèmes normatifs en surfant sur les marges et en repérant les failles des systèmes de contrôle.
En témoigne la révélation de figures sociales dissonantes, comme un étendard vers une affirmation du droit à une individuation de l’intime et de la défense du droit des minorités.
Nous pouvons citer, à titre d’exemples, les dernières créations arabes : Les filles d’Olfa de Kaouthar Ben Hania (Tunisie, 2023), Amal de Mohamed Siam (Egypte, 2018), Le bleu du Caftan de Maryam Touzani (Maroc, 2023), L'air de la mer rend libre de Nadir Moknèche (Algérie, 2023). Les deux derniers films tunisiens, Take my breath (2023) de Nada Mezni Hafaiedh et The Needle (2023) de Abdelhamid Bouchnak, vont même jusqu’à aborder le sujet des enfants intersexes, interrogeant, par là-même, la question du « trouble dans le genre».(1)
Dans la lignée d’un cinéma qui a, assez rapidement dans son évolution historique, porté une vision critique des rapports de domination patriarcale et questionné les tabous sociaux, politiques et religieux, nous assistons à l’avènement de cinématographies qui interrogent les contraintes et les barrières sociales qui entravent le développement de l’individu, et stigmatisent souvent le différent. Cette remise en question des tabous sociaux est ainsi constitutive du geste cinématographique arabe, depuis au moins Gare Centrale (1958) de Youssef Chahine où le cinéaste aborde la question de la frustration sexuelle, ou encore L’homme de cendres (Tunisie, 1986) de Nouri Bouzid (2) traitant de la question de l’homosexualité et de la pédophilie.
Il s’agira donc d’observer de quelle manière, la période contemporaine reconfigure et redéfinit ces interrogations.
Ce colloque se donne pour objectif de mettre en lumière la question de
l’émancipation à l’aune du genre, à travers les dernières productions cinématographiques arabes qui émergent au début des années 2000, mais aussi dans une perspective tant historique que politique, car toute libération individuelle (et davantage encore pour cette sphère socio-culturelle interrogée) ne peut se penser en dehors d’une lecture du contexte social et géopolitique dans lequel elle s’inscrit.
(1) Nous faisons ici référence à cette notion telle que conceptualisé e par Judith Butler dans son ouvrage Trouble dans le genre : le féminisme et la subversion de l’identité, Ed La Découverte, 2007.
(2) Nouri Bouzid est représentatif de ce que l’on a nommé « l’âge d’or » du cinéma tunisien. Sonia Chamkhi : Le cinéma tunisien à la lumière de la modernité : 1996-2006; Centre de publication universitaire, Manouba, 2009
Depuis les indépendances, les réalisateurs du Maroc, d’Algérie et de Tunisie ont, pour une large part, défini leur œuvre en termes de contestation politique. Qu’elle soit frontale ou indirecte, celle-ci jalonne le champ cinématographique maghrébin à travers l’histoire. L’évocation des régimes autoritaires va de pair avec un questionnement autour de la censure et des stratégies employées par les cinéastes pour la contourner. L’analyse du contexte postrévolutionnaire permettra de prolonger ces interrogations autour de la prégnance d’autres régimes de censure inhérents au contexte de chacun des trois pays, le Maroc, l’Algérie et la Tunisie, et qui est souvent incarné par un censeur social, voire religieux.
Par ailleurs, la révélation, à l’échelle internationale, de réalisatrices et réalisateurs témoignent des nouvelles dynamiques à l’œuvre dans le cinéma maghrébin et de l’émergence d’une génération de cinéastes. Nous assistons ainsi à une diversification des styles et des esthétiques survenues à la faveur des mutations technologiques et de l’émergence de nouvelles écoles de formation. Il s’agira également d’interroger cette évolution à l’aune des révolutions et soulèvements populaires survenus au Maghreb à partir de 2011. La période est aussi propice à la redécouverte des premières expériences cinématographiques révolutionnaires menées dans le sillage des indépendances, étouffées par le pouvoir politique, et des occasions manquées des cinémas marocain, algérien et tunisien.
Il s’agira in fine d’observer de quelle manière ces résistances opèrent selon le contexte socio- historique de chaque pays. Mais il conviendra également de se demander si les cinémas du Maghreb sont voués à n’être «que» des cinémas “engagés” et d’interroger les dispositifs critiques, économiques et universitaires... qui ont permis de mettre en avant telles œuvres au détriment d’autres. Cette dernière observation renvoie largement à la question des modalités de production et de diffusion de ces cinématographies.
Ce colloque sera également l’occasion de mettre en lumière l’évolution des filières économiques et institutionnelles et d’évaluer l’impact des bouleversements politiques dans les industries cinématographiques locales. Les deux journées de colloque seront ainsi ponctuées de projections de films accompagnées par leurs réalisateurs / réalisatrices et de tables rondes faisant intervenir des producteurs et distributeurs dans le but de faire dialoguer les chercheurs et spécialistes de ces cinématographies avec les acteurs qui contribuent à leur développement.
Il est organisé en partenariat avec l’ESTCA (Esthétiques, Sciences et Technologies du cinéma et de l’audiovisuel / Université Paris 8), le CEMTI (Centre d’études sur les médias, les technologies et l’internationalisation / Université Paris 8), l’ESAC (Ecole Supérieure de l’audiovisuel et du cinéma de Gammarth / Université de Carthage), l’Institut français de Tunis (IFT), l’Institut de recherche sur le Maghreb contemporain (IRMC), la Cinémathèque Tunisienne et le Centre National du Cinéma et de l’Image (CNCI).
Comité scientifique : Morgan Corriou, Lamia Belkayed Guigua, Pauline Gallinari, Ons Kamou, Emna Mrabet, Dork Zabunyan
[1] Nous empruntons cette expression à Guy Hennebelle (« Les Journées de Carthage, instrument de libération », Le Monde, 31 mars 1975).
1
Un vaste champ analytique sera proposé, comprenant l'émergence de « nouveaux cinémas » notamment en Israël dans les années 60 et 70, au Brésil et en Argentine dans les années 80 et 2000.
Le mouvement peut faire acte de résistance, à l'instar des « films de femmes », de l'éclosion des « films sexuels » qui utilisent les combats du cinéma féministe et l'audace du genre pornographique l'un contre l'autre, ou de l'engagement politique et social des productions japonaises contemporaines SIGLO. L'analyse des dynamiques apparaissant juste après la Nouvelle Vague française dans le cinéma japonais, africain, mais également en URSS, fera l'objet d'un panel traduisant les répercussions mondiales d'un mouvement souche.
Les questions propres aux modalités artistiques et stratégies économiques du cinéma seront elles aussi développées, à travers l'exemple des coopératives regroupant la production expérimentale, mais aussi celui des artisans de la société de production Diagonale ou des générations issues de Sundance. Les mouvements se fondant sur des manifestes trouveront également leur place dans ces journées, qu’il s’agisse des groupes Zanzibar, juste après mai 68, Dogma 95 et du « nouveau long-métrage allemand ». Seront aussi examinées les convergences perceptibles entre contexte et mouvement cinématographique via le cinéma politique italien des années 60 et 70 et le cinéma « beur » à la suite de la marche du même nom de 1983 .
Autour de chercheurs, et selon une approche à la fois historique, socio- économique et esthétique, il s’agira d’interroger les œuvres cinématographiques, et audiovisuelles, comme potentiel reflet de sociétés qui connaissent des crises et des mutations.
L’exemple du cinéma tunisien sera mis en lumière tout au long de la journée, par la projection du court-métrage Bobol, réalisé par Khedija Lemkecher, et du film Les Secrets, qui sera accompagné par sa réalisatrice, Raja Amari.
"À l'aube de nos rêves" se dessine comme un éclairage sur l'actualité de ce pays initiateur des "printemps arabes".
Huit ans après la révolution de janvier 2011, que subsiste-t-il de ce vaste vent d'enthousiasme et d'espoir insufflé chez tous les citoyens, toutes classes et toutes tranches d'âge confondues.