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Les Saphirs du Riou Pezouillou

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LES SAPHIRS DU RIOU PEZOUILLOU


La bibliothèque publique du Puy s’est récemment enrichie d’un volume qui fait partie de la collection des documents inédits sur l’histoire de France et a pour titre : Inventaire du mobilier de Charles V, roi de France. Ce livre, publié par M. Jules Labarte, membre de l’Institut, mentionne, aux pages 95, 96, 97, 251, 268, 285 et 295, des saphirs du Puy provenant du petit cours d’eau connu sous le nom de Riou Pezouillou, près Espaly.

L’emploi, au moyen âge, des gemmes de notre pays s’explique aisément. On ne connaissait pas encore, à cette époque, l’île de Ceylan, si productive en diamants, rubis, topazes et saphirs, et sa découverte n’eut lieu qu’en 1505 par le Portugais Almeyda. Vasco de Gama, doublant en 1497 le cap de Bonne-Espérance, aborda sur les côtes occidentales de la presqu’île cisgangétique et, durant les XVIe et XVIIe siècles, de grandes explorations dues aux Portugais et aux Hollandais enrichirent l’Europe des produits de ces contrées lointaines. Alors parurent sur les marchés les diamants du Bengale et les saphirs de Ceylan, d’une plus belle eau et d’un plus grand prix que ceux d’Espaly.

Les saphirs du Riou Pezouillou entraient dans la fabrication de bijoux façonnés par les orfèvres du Puy dont la corporation, jadis très florissante, constituait une des industries les plus importantes de cette ville, et livrait au commerce des anneaux, des croix, des reliquaires, des statuettes de la vierge noire, des ceintures d’or et une foule d’objets précieux portant la marque de la cité anicienne. Ces produits de l’orfèvrerie locale, bien rares aujourd’hui, se rencontrent parfois dans les églises, les musées et les collections particulières.

Des lettres patentes de Charles V, données au mois de mai 1367, imposent un règlement aux orfèvres du Puy désignés sous le nom de aurifabri, artifices et operarii auri et argenti civitatis Aniciensis. La joaillerie du Puy remontait toutefois à une époque bien antérieure, car un inventaire de la succession d’Eudes, comte de Nevers, décédé en Palestine en 1266, publié par M. Chazaud, archiviste de l’Allier, signale des anneaux fabriqués dans notre ville.

D’après Leroux-Dufié (Traité de la science des pierres précieuses), un paysan du village d’Espaly faisait au XVIIIe siècle le métier de rechercher les saphirs du Riou Pezouillou[1]. Faujas de Saint-Fond les a signalés dans ses Recherches sur les volcans éteints du Vivarais et du Velay, et l’on sait que notre regretté compatriote, M. Bertrand de Lom, en avait recueilli un grand nombre. Enfin, M. Paul Le Blanc a publié sur ces pierres fines une intéressante notice dans l’Annuaire de la Haute-Loire de 1876.

L’inventaire du riche mobilier de Charles V, commencé en 1379 et terminé un peu avant la mort de ce souverain, survenue le 16 septembre 1380, indique dix pièces ouvragées serties de saphirs du Puy. En voici la nomenclature :


No 644. 
Ung annel où est assiz une louppe du Puy, plate, à huit carres beslongues, assiz en ung annel d’or à fillet.
— 647. 
Item, ung saphir du Puy, bien fossoyé, à six carres, assiz en ung annel à fillet.
— 648. 
Item, ung autre saphir du Puy, ront dessus, a une verge esmaillée et escripte de blanc et de noir.
— 649. 
Item, ung mauvais saphir du Puy, assis à fillet, en une verge d’or ronde.
— 660. 
Ung annel d’or, à un petit saphir carré du Puy.
661. 
Item, ung autre annel ouvré de feuillage d’argent sur la verge ; et y a ung saphir du Puy.
2301. 
Item, une autre croix, qui est au doz hachiée de fleurs de lys, et ou mylieu est ung ballay cabouchon, et en ladicte croix a cinq esmeraudes, quatre saphirs, vingt une grosses perles, et ou pié sept perles bruttes et sept saphirez du Puy ; pesant six onces huit estellins.
2511. 
Item, une croix garnye de saphirs du Puy, où dessus est ung os ou une pierre blanche enchassée ; pesant XVII estellins obole.
2659. 
Item, une croisette d’or, ouvrée en la façon de Damas, où dessus est du fust de la vraye croix, tout noir, et y a huit turcoises menuettes, cinq saphirs du Puy, et cinq grenats, et est neellée au doz ; et poise, sans le pié, deux onces douze estellins d’or.
2772. 
Item, une seincture longue à femme, toute d’or, à charnières, garnye de perles, saphirs du Puy, esmeraudes et rubiz d’Alixandre et a ou mordant de ladicte seincture ung escusson de France et ung de Navarre ; pesant ung marc quatre onces dix estellins d’or.


A. Lascombe.




  1. Inventaire du mobilier de Charles V, page 95, en note.