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Hexafluorure de tungstène

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Hexafluorure de tungstène
Structure de l'hexafluorure de tungstène
Identification
Nom UICPA hexafluorotungstène
Synonymes

fluorure de tungstène(VI)

No CAS 7783-82-6
No ECHA 100.029.117
No CE 232-029-1
PubChem 522684
SMILES
InChI
Apparence gaz hygroscopique à l'odeur âcre[1]
Propriétés chimiques
Formule F6WWF6
Masse molaire[2] 297,83 ± 0,01 g/mol
F 38,27 %, W 61,73 %,
Propriétés physiques
fusion 2,3 °C[1]
ébullition 17,1 °C[1]
Solubilité se décompose au contact de l'eau
Masse volumique 3,43 kg/L[1] (liquide au point d'ébullition)
4,56 g/cm3[3] (solide à −9 °C)
Pression de vapeur saturante 113,2 kPa[1] à 20 °C
Point critique 1,26 g/cm3 à 172,6 °C et 4,57 MPa[1]
Point triple 2,4 °C et 56 kPa[1]
Précautions
SGH[1]
SGH04 : Gaz sous pressionSGH05 : CorrosifSGH06 : Toxique
Danger
H280, H314, H330, EUH071, P260, P280, P403 et P405
Transport[1]
   2196   

Unités du SI et CNTP, sauf indication contraire.

L'hexafluorure de tungstène, ou fluorure de tungstène(VI), est un composé chimique de formule WF6. Dans les conditions normales de température et de pression, il se présente sous la forme d'un gaz incolore dont la masse volumique de 12,4 g/L, environ 10,3 fois la densité de l'air, est la plus élevée des gaz connus dans ces conditions — la masse volumique du radon n'est alors que de 9,73 g/L. L'hexafluorure de tungstène s'hydrolyse au contact de l'humidité de l'air ce qui provoque l'émission de fumées, et a une odeur piquante. Il est essentiellement utilisé dans les procédés de dépôt chimique en phase vapeur de l'industrie des semiconducteurs pour produire des couches de tungstène métallique ou de disiliciure de tungstène WSi2 réalisant des contacts ohmiques appréciés du fait de la grande stabilité thermique et chimique du tungstène.

Propriétés

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L'hexafluorure de tungstène est très toxique et corrosif car il réagit violemment avec l'eau pour former de l'acide fluorhydrique HF en donnant des oxyfluorures de tungstène ou de l'acide tungstique H2WO4[4] :

WF6 + 4 H2OH2WO4 + 6 HF.

Sa forte tendance à l'hydrolyse, contrairement à l'hexafluorure de soufre SF6 qui présente pourtant une structure à première vue semblable, peut s'expliquer par le rayon de covalence de l'atome central de tungstène, sensiblement plus élevé que celui du soufre (162 pm contre 105 pm[5]), de sorte que le tungstène est stériquement moins encombré.

Aux températures supérieures à 17,1 °C à pression atmosphérique, l'hexafluorure de tungstène est un gaz diamagnétique incolore[4]. Dans la plage de température de 2,3 à 17,1 °C, c'est un liquide jaune pâle dont la masse volumique vaut 3,44 g/cm3 à 15 °C[4],[6]. À 2,3 °C, il gèle en un solide blanc cristallisé dans le système cubique avec pour paramètres cristallins a = 628 pm et Z = 2, donnant une masse volumique calculée de 3,99 g/cm3. On observe une transition de phase à −9 °C vers le système orthorhombique dans le groupe d'espace Pnma (no 62) avec pour paramètres a = 960,3 pm, b = 871,3 pm, c = 504,4 pm et Z = 4, pour une masse volumique calculée de 4,56 g/cm3[3]. Les atomes de fluor adoptent une disposition hexagonale compacte[7].

Son point critique se situe à 179,6 °C et 4,57 MPa, avec une masse volumique de 1,28 kg/L, tandis que son point triple se situe à 2,4 °C et 55,97 kPa[1].

À l'état gazeux, il est environ 10,3 fois plus dense que l'air, ce qui en fait le gaz le plus dense connu aux conditions normales de température et de pression. À l'état condensé, sa masse volumique se situe en revanche dans la plage typique des composés de métaux lourds covalents ou ioniques[8].

La molécule WF6 a une géométrie octaédrique Oh, avec des liaisons WF longues de 182,6 pm[9]. Cette symétrie moléculaire élevée s'observe dans la plupart des composés apparentés. Cependant, l'hexahydrure de tungstène WH6 et l'hexaméthyltungstène W(CH3)6 adoptent une géométrie prismatique trigonale[10],[11].

On obtient l'hexafluorure de tungstène en faisant réagir du tungstène dans un flux de fluor F2 à des températures comprises entre 350 à 400 °C[12],[13] :

W + 3 F2 ⟶ WF6.

Le WF6 gazeux est séparé de l'oxytétrafluorure de tungstène(VI) (en) WOF4 par distillation[14]. Il est également possible d'employer du monofluorure de chlore ClF, du trifluorure de chlore ClF3 ou du trifluorure de brome BrF3 à la place du fluor gazeux. Une autre voie de production fait intervenir le trioxyde de tungstène WO3 avec le fluorure d'hydrogène HF, le trifluorure de brome BrF3 ou le tétrafluorure de soufre SF4. L'hexafluorure de tungstène peut également être obtenu par conversion de l'hexachlorure de tungstène WCl6[4] :

WCl6 + 6 HF ⟶ WF6 + 6 HCl ;
WCl6 + 2 AsF3 (en) ⟶ WF6 + 2 AsCl3 ;
WCl6 + 3 SbF5 ⟶ WF6 + 3 SbF3Cl2.

En raison de la similitude chimique du molybdène et du tungstène, le produit obtenu contient des impuretés d'hexafluorure de molybdène MoF6 qui peuvent être éliminées par réduction avec n'importe quel élément, y compris le molybdène lui-même, à des températures modérément élevées[15],[16].

Applications

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L'utilisation principale de l'hexafluorure de tungstène est dans les procédés de dépôt chimique en phase vapeur de tungstène dans l'industrie des semiconducteurs. L'intérêt du tungstène dans cet usage réside dans sa stabilité thermique et chimique ainsi que dans sa faible résistivité (5,6 µΩ cm) et son électromigration limitée. WF6 est utilisé préférentiellement à l'hexachlorure de tungstène WCl6 et à l'hexabromure de tungstène (de) WBr6 en raison de sa pression de vapeur plus élevée, qui donne des vitesses de dépôt plus élevées. Deux méthodes de dépôt ont été développées depuis 1967 : la décomposition thermique et la réduction par l'hydrogène[17]. Il faut un gaz de très grande pureté, de 99,98 % à 99,9995 % de WF6 selon le type d'application[4].

Les molécules de WF6 doivent être clivées par le processus de dépôt chimique. La décomposition est généralement facilitée en mélangeant le WF6 avec de l'hydrogène H2, du silane SiH4, du germane GeH4, du diborane B2H6, de la phosphine PH3 et des gaz hydrogénés apparentés.

Catalyse par le silicium

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L'hexafluorure de tungstène réagit au contact du substrat en silicium[4]. Sa décomposition dépend de la température :

2 WF6 + 3 Si ⟶ 2 W + 3 SiF4 en dessous de 400 °C ;
WF6 + 3 SiW + 3 SiF2 au-dessus de 400 °C.

Cette particularité est essentielle dans la mesure où la réaction consomme deux fois plus de silicium à haute température. La décomposition survient sélectivement sur le silicium pur, pas sur le dioxyde de silicium SiO2 ou le nitrure de silicium Si3N4, de sorte que le dépôt est très sensible aux contaminations ou aux traitements du substrat. La réaction est rapide mais sature lorsque la couche de tungstène atteint 10 à 15 µm d'épaisseur car le tungstène bloque la diffusion des molécules de WF6 vers le silicium, qui l'unique catalyseur dans ce procédé[4].

Si le dépôt est réalisé non pas sous atmosphère inerte mais en présence d'oxygène, il se forme alors un dépôt de trioxyde de tungstène WO3[18].

Catalyse par l'hydrogène

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La réaction de dépôt se déroule entre 300 et 800 °C en libérant des vapeurs de fluorure d'hydrogène :

WF6 + 3 H2W + 6 HF.

La cristallinité des couches de tungstène déposées dépend à la fois du rapport WF6/H2 et de la température du substrat : des valeurs faibles pour ce rapports et la température forment des cristallites de tungstène orientés (100) tandis que des valeurs élevées favorisent une orientation (111). La formation de HF est un inconvénient car ses vapeurs sont très corrosives et attaquent la plupart des matériaux. De plus, le tungstène déposé sur le dioxyde de silicium, principal matériau de passivation en électronique, adhère peu à sa surface, de sorte que le SiO2 doit être revêtu d'une couche intermédiaire avant d'y déposer du tungstène. HF présente en revanche l'intérêt d'éliminer les couches d'impuretés sur la surface exposée[4].

Catalyse par le silane et le germane

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Le dépôt de tungstène à partir d'un mélange WF6/SiH4 est caractérisé par une vitesse de réaction élevée, une bonne adhérence sur les surfaces et la formation de couches de tungstène régulières. Ce procédé présente en revanche un risque d'explosion, tandis que sa vitesse de réaction ainsi que la géométrie des dépôts sont très sensibles aux paramètres de réaction, notamment le rapport de mélange et la température du substrat. Le silane est par conséquent généralement utilisé dans un premier temps pour déposer le tungstène en une couche mince de nucléation avant de basculer sur un mode catalysé par l'hydrogène qui ralentit la vitesse de réaction et nettoie les dépôts[4].

Le dépôt de tungstène à partir d'un mélange WF6/GeH4 est semblable au précédent mais le tungstène ainsi déposé est contaminé par le germanium à hauteur de 10 à 15 %, ce qui fait passer sa résistivité d'environ 5 à 200 µΩ cm[4].

Notes et références

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  1. a b c d e f g h i et j Entrée « Tungsten(VI) fluoride » dans la base de données de produits chimiques GESTIS de la IFA (organisme allemand responsable de la sécurité et de la santé au travail) (allemand, anglais), accès le 8 janvier 2022 (JavaScript nécessaire)
  2. Masse molaire calculée d’après « Atomic weights of the elements 2007 », sur www.chem.qmul.ac.uk.
  3. a et b (en) Stanley Siegel et David A. Northrop, « X-Ray Diffraction Studies of Some Transition Metal Hexafluorides », Inorganic Chemistry, vol. 5, no 12,‎ , p. 2187-2188 (DOI 10.1021/ic50046a025, lire en ligne)
  4. a b c d e f g h i et j (en) Erik Lassner et Wolf-Dieter Schubert, Tungsten: Properties, Chemistry, Technology of the Element, Alloys, and Chemical Compounds, Springer, 1999, p. 111, 168. (ISBN 0-306-45053-4)
  5. (en) Beatriz Cordero, Verónica Gómez, Ana E. Platero-Prats, Marc Revés, Jorge Echeverría, Eduard Cremades, Flavia Barragán et Santiago Alvarez, « Covalent radii revisited », Dalton Transactions, vol. 2008, no 21,‎ , p. 2832-2838 (PMID 18478144, DOI 10.1039/B801115J, S2CID 244110, lire en ligne)
  6. (en) David R. Lide, « Properties of the Elements and Inorganic Compounds », CRC Handbook of Chemistry and Physics, 90e éd., Taylor & Francis, 2009, p. 4-97. (ISBN 978-1420090840)
  7. (en) J. H. Levy, J. C. Taylor et A. B. Waugh, « Neutron powder structural studies of UF6, MoF6 and WF6 at 77 K », Journal of Fluorine Chemistry, vol. 23, no 1,‎ , p. 29-36 (DOI 10.1016/S0022-1139(00)81276-2, lire en ligne)
  8. (en) J. H. Levy, J. C. Taylor et P. W. Wilson, « The structures of fluorides XIII: The orthorhombic form of tungsten hexafluoride at 193°K by neutron diffraction », Journal of Solid State Chemistry, vol. 15, no 4,‎ , p. 360-365 (DOI 10.1016/0022-4596(75)90292-3, Bibcode 1975JSSCh..15..360L, lire en ligne)
  9. (en) Thomas Drews, Joanna Supeł, Adelheid Hagenbach et Konrad Seppelt, « Solid State Molecular Structures of Transition Metal Hexafluorides », Inorganic Chemistry, vol. 45, no 9,‎ , p. 3782-3788 (PMID 16634614, DOI 10.1021/ic052029f, lire en ligne)
  10. (en) Arne Haaland, Andreas Hammel, Kristin Rypdal et Hans V. Volden, « The coordination geometry of gaseous hexamethyltungsten is not octahedral », Journal of the American Chemical Society, vol. 112, no 11,‎ , p. 4547-4549 (DOI 10.1021/ja00167a065, lire en ligne)
  11. (en) Frank Weinhold et Clark R. Landis, Valency and bonding: a natural bond orbital donor-acceptor perspective, Cambridge University Press, 2005, p. 427. (ISBN 0-521-83128-8)
  12. (en) Georg Brauer, Handbook of Preparative Inorganic Chemistry, 2e éd., Academic Press, 1963, p. 260-261, DOI 10.1016/B978-0-12-395590-6.X5001-7. (ISBN 978-0-12-395590-6)
  13. (en) Homer F. Priest et Carl F. Swinehert, « Anhydrous Metal Fluorides », Inorganic Syntheses, vol. 3,‎ , p. 171-183 (DOI 10.1002/9780470132340.ch47, lire en ligne)
  14. (en) Hans Vercammen et Joris Baele pour AMI Semiconductor Belgium BVBA et Alcatel SA, Brevet U.S. 6544889B2 : Method for tungsten chemical vapor deposition on a semiconductor substrate, déposé le 24 janvier 2001, publié le 8 avril 2003, sur Google Patents.
  15. (en) Takashi Suenaga, Mitsuya Ohashi, Takashi Yoneda et Yoshiyuki Kobayashi pour Central Glass Co Ltd, Brevet U.S. 5234679A : Method of refining tungsten hexafluoride containing molybdenum hexafluoride as an impurity, déposé le 10 avril 1992, publié le 10 août 1993, sur Google Patents.
  16. (en) Hirohisa Kikuyama, Masahide Waki, Kazuyuki Fujimoto et Yoshinori Nakagawa pour Stella Chemifa Corp, Brevet U.S. 6896866B2 : Method for purification of tungsten hexafluoride, déposé le 14 décembre 2000, publié le 24 mai 2005, sur Google Patents.
  17. (en) Jean Aigueperse, Paul Mollard, Didier Devilliers, Marius Chemla, Robert Faron, René Romano et Jean Pierre Cuer, « Fluorine Compounds, Inorganic », Ullmann's Encyclopedia of Industrial Chemistry,‎ (DOI 10.1002/14356007.a11_307, lire en ligne)
  18. (en) Rein U. Kirss et Lamartine Meda, « Chemical vapor deposition of tungsten oxide », Special Issue: Thin Film Processing by Chemical Vapour Deposition, vol. 12, no 3,‎ (DOI 10.1002/(SICI)1099-0739(199803)12:3<155::AID-AOC688>3.0.CO;2-Z, lire en ligne)