Peuple Vezo
Madagascar | environ 8 000 |
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Langues | malgache |
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Ethnies liées | Masikoro, Sakalaves |
Les Vezo (Vézos en français), parfois appelés les « nomades de la mer », forment un peuple de Madagascar qui occupait autrefois toute la côte ouest de la grande île et vivant essentiellement de la pêche. Les Vezo sont l'une des dernières ethnies nomades du pays. Pêcheurs, ils partent loin de leur village. Durant cette période, ils bivouaquent dans les dunes, utilisant la voile carrée de leur pirogue comme toile de tente. Les Vezo sont aujourd'hui localisés autour de la ville de Tuléar, et sont fortement présents le long du littoral jusqu'à Morombe.
Ethnonymie
[modifier | modifier le code]Selon les sources, on observe quelques variantes[1] :
Selon le linguiste malgache Pierre Simon, le mot vezo (aujourd'hui veju en bugis et bejau en malais, bajo en javanais, Bajau en abaknon) est un emprunt au proto-Malayo-Javanais (proto MJ) et désignait, pour une île, la "population du bord de mer"[2]. Le mot Vazimba (aujourd'hui barimba ou orang rimba en malais), en revanche, dérive du proto-Sud Est Barito (proto SEB) ba-γimba (γimba = forêt) et désignait, la "population de la forêt" (sous entendu de l'intérieur)"[3]. Au fil du temps le "b" s'est muté en "v".
"Vezo" désignait donc, à l'origine, les Ntaolo austronésiens pêcheurs qui restèrent sur les côtes de l'Ouest et du Sud[4] (probablement les côtes du débarquement des premiers austronésiens[5]), tandis que les Vazimbas étaient les Ntaolo austronésiens chasseurs et/ou cueilleurs et/ou cultivateurs qui décidèrent de s'établir à l'intérieur des terres, notamment dans les forêts des hauts plateaux centraux de la grande île.
Histoire et origines des Vezo
[modifier | modifier le code]Une origine austronésienne commune à tous les Malgaches
[modifier | modifier le code]Les nombreuses recherches archéologiques[6], génétiques[7], linguistiques[8] et historiques[9] récentes confirment toutes que le peuple malgache est primordialement originaire de l'archipel indonésien[10]. Ces premiers pionniers, les Austronésiens, arrivés au début de notre ère (voire avant selon les archéologues) sont connus de l'histoire orale malgache sous le nom des "Ntaolo" qui, selon leurs choix de mode de subsistances, se subdivisèrent au tout début du peuplement -appelée "période paléomalgache"- en deux grands groupes : les "Vezo" et les "Vazimba".
Il est également probable que ces anciens Ntaolo se nommaient eux-mêmes les Vahoaka (du proto-austronésien *Va-*waka "peuple des canoës" ou "peuple de la mer", de *waka-"canoë (à balancier) en proto-Malayo-Polynésien"), terme signifiant simplement aujourd'hui le "peuple" en malgache.
Sur le plan morphologique/phénotypique, cette origine Sud-Est asiatique première des malgaches explique, par exemple au niveau des yeux, le "pli épicanthal" asiatique de la paupière supérieure répandu chez tous les Malgaches qu'ils soient des côtes ou des hautes terres, qu'ils aient la peau claire, sombre ou cuivrée.
Ces premiers Ntaolo austronésiens (Vazimba et Vezo) sont à l'origine de la langue malgache actuelle, unique et parlée dans toute l'île, ainsi que de tout le fonds culturel malgache[11].
Comme la plupart des austronésiens, les Ntaolo (Vazimba et Vezo) de Madagascar avaient pour coutume de placer les corps de leurs défunts dans des pirogues en argent et de les enfouir dans la mer (pour ceux des côtes, les Vezo) ou, à défaut, dans des lacs artificiels (pour ceux de l'intérieur, les Vazimba).
À l'instar de tous leurs cousins des archipels indonésiens et polynésiens, les Ntaolo austronésiens implantèrent à Madagascar : les noix de coco, les bananiers, le taro, le riz ainsi que de nombreux autres fruits et légumes communs à toute la culture austronésienne.
Quant à la cause de la venue de ces austronésiens, l’histoire de l'Océan indien du début du premier millénaire de notre ère est encore très mal connue. On peut seulement supposer que l’île de Madagascar joua un rôle important dans le commerce, notamment celui des épices, entre l’Asie du Sud-Est et le Moyen-Orient, directement ou via les côtes africaines. Il se peut notamment que ces vahoaka ntaolo aient en particulier recherché du bois solide pour construire leurs canoës, tel le vintana (un nom que l'on trouve encore aujourd'hui dans le vinta, des canoës Bajau homonymes contemporains des Vezo).
Le brassage avec les nouveaux immigrants du second millénaire
[modifier | modifier le code]Au Moyen Âge, les Ntaolo Vezo de la côte Ouest et Nord-Ouest faisaient du commerce avec les Perses Shirazi, les Arabes Omani qui établirent des comptoirs sur l'île[12]. Ces derniers étant le plus souvent accompagnés de Bantus d'Afrique orientale. De ce fait, la côte Ouest, du Nord au Sud de Madagascar, connu à cette époque un fort brassage entre toutes ces populations qui, peu à peu, changèrent d'identité et de nom.
Seul un clan du Sud-Ouest de Madagascar garde encore aujourd'hui l'ancien nom et le mode de vie des anciens Vahoaka Ntaolo austronésiens de la côte Ouest : les Vezo.
Économie
[modifier | modifier le code]Tout comme celle de leurs ancêtres depuis des millénaires, l'économie traditionnelle des Vezo est la pêche. Les pêcheurs partent en pirogue à balancier et à voile carrée parfois pour plus d'une semaine pour aller pêcher des requins et autres gros poissons ou tortues. Le poisson est ensuite séché au soleil ou apporté frais aux familles des villages dispersés de Tulear à Morombe. Une partie est vendue ou échangée aux villes situées à proximité, dont Morombe, leur centre principal. La Compagnie de pêche frigorifique de Toliara est ainsi un acteur important de cette économie, achetant des produits de la mer à plus de 3 000 Vezo.
Culture
[modifier | modifier le code]Leur tradition veut que les Vezo soient tous les descendants de l'union d'un ancêtre unique et d'une sirène[réf. souhaitée].
Les Vezo embarquaient autrefois saisonnièrement leur famille pour suivre les poissons. Ils utilisaient alors leurs voiles et mâtures pour en faire des tentes pour dormir. Cette pêche nomade est devenue plus rare. Pour les Vezo, de nombreux esprits, dont ceux de personnes noyées, errent dans la mer et il ne faut pas pêcher plus que pour assurer ses besoins sous peine d'offenser les dieux marins qui pourraient se venger en les privant de poissons ou en provoquant un naufrage[réf. souhaitée].
Références
[modifier | modifier le code]- Source RAMEAU, BnF [1]
- Simon P. (2006), ibid., p. 474
- Simon P. (2006), p. 16
- Simon P. (2006), ibid., p. 455
- Burney et alii (2004)
- Burney et al (2004)
- Hurles et al. (2005)
- Dahl O. (1991)
- Verin (2000), p.20
- Patrice Rabe, Quotidien Midi Madagasikara, édition du 24 septembre 2008
- « Dans la langue malgache, nous constatons d'étroites connexions avec l'idiome Maanyan parlé par la population de la vallée de Barito dans le sud de Bornéo », Dr Mathew Hurles du Welcome Trust Sanger Institute
- ulaval
- Collection d'objets ethnographiques de l'université de Strasbourg
Voir aussi
[modifier | modifier le code]Bibliographie
[modifier | modifier le code]- (en) Archdeacon Sarajane, « Erotic grave sculpture of the Sakalava and Vezo », in Transition (Kampala), 3 (12), janvier-février 1964, p. 43-47
- (en) Astuti Rita, « Invisible objects : mortuary rituals among the Vezo of western Madagascar », in Res : anthropology and aesthetics (New York), 25, printemps 1994, p. 111-122
- (en) Astuti Rita, People of the sea : identity and descent among the Vezo of Madagascar, Cambridge University Press, Cambridge, NewYork, 1995, 188 p. (ISBN 0521433509)
- (en) Astuti Rita, « Food for pregnancy : procreation, marriage and images of gender among the Vezo of Western Madagascar », in Repenser "la femme malgache" : de nouvelles perspectives sur le genre à Madagascar, Institut de civilisations—Musée d'art et d'archéologie, Université d'Antananarivo, 2000, p. 173-192
- Astuti Rita, « C'est un garçon! C'est une fille! : Considérations sur le sexe et le genre à Madagascar et au-delà », in Gradhiva (Paris), n° 23, 1998 p. 67-80
- (en) Peter Bellwood, James J. Fox et Darrell Tryon (éds.), The Austronesians Historical and Comparative Perspectives, Australian National University, 2006
- (en) Roger Blench, « Musical instruments and musical pratices as markers of austronesian expansion », 18th Congress of the Indo-Pacific Prehistory Association, Manila, 26 March 2006.
- (en) D.A. Burney, L.P. Burney, L.R. Godfrey, W.L. Jungers, S.M. Goodman, H.T. Wright, and A.J. Jull. 2004. « A chronology for late prehistoric Madagascar », Journal of Human Evolution, 47, 25-63.
- F. Callet (1908), Tantara ny Andriana (Histoire des rois), Imprimerie Catholique, Edition 1878-1881, 1943 p
- (en) Otto Christian Dahl, Migration from Kalimantan to Madagascar, Oslo, Norwegian University Press, 1991. (ISBN 82-00-21140-1)
- Hubert Deschamps, Madagascar, Paris: Presses Universitaires de France, 1976.
- MIchel Domenichini-Ramiaramana, Instruments de musique des Hautes-Terres de Madagascar, Master’s thesis Paris 1982.
- (en) Edkvist, Ingela , The performance of tradition: an ethnography of Hira Gasy popular theatre in Madagascar, Dept. of Cultural Anthropology and Ethnology, Uppsala University, 1997.
- Ambroise Engelvin , Monographie d'une sous-tribu Sakalava : les vézos ou "enfants de la mer". Madagascar, Librairie Vincentienne et Missionnaire, Bellevue, 1936, 169 p.
- Gabriel Ferrand, Les migrations musulmanes et juives à Madagascar, Paris: Revue de l'histoire des religions, 1905.
- A & G. Grandidier, Collection des Ouvrages Anciens Concernant Madagascar, 9 vols. Paris, Comité de Madagascar, 1903–1920.
- (en) Hagelberg et alii, "A genetic perspective on the origins and dispersal of the austronesians. Mitochondrial DNA variation from Madagascar to Easter islands"
- (en) Hurles, M. E. et al. , "The Dual Origin of the Malagasy in Island Southeast Asia and East Africa: Evidence from Maternal and Paternal Lineages". American Journal of Human Genetics, vol. 76, 894–901, 2005. (ISSN 0002-9297)
- (en) Arthur M. Jones, Africa and Indonesia. The Evidence Of The Xylophone And Other Musical And Cultural Factors, Leiden, E.J.Brill, 1971.
- Bernard Koechlin, Les Vezo du sud-ouest de Madagascar : contribution à l'étude de l'éco-système de semi-nomades marins, Mouton, Paris, 1975, 243 p.
- Jacques Millot et Pascal A., « Note sur la sorcellerie chez les Vezo de la région de Morombe », in Mémoires de l'Institut scientifique de Madagascar (Tananarive), Série C, Sciences humaines. 1 (1), 1952, p. 13-28
- Janie Rasoloson, Carl Rubino, 2005, "Malagasy", in Adelaar & Himmelmann, eds, The Austronesian languages of Asia and Madagascar
- Michel Norbert Rejela, La pêche traditionnelle Vezo du sud-ouest de Madagascar : un système d'exploitation depassé ?, Université de Bordeaux 3, 1993, 449 p. (thèse)
- Ricaut et al. (2009) "A new deep branch of eurasian mtDNA macrohaplogroup M reveals additional complexity regarding the settlement of Madagascar", BMC Genomics.
- Curt Sachs, Les instruments de musique de Madagascar, Paris, Institut d’ethnologie, 1938.
- Simon P. (2006) La langue des ancêtres. Ny Fitenin-drazana. Une périodisation du malgache des origines au XVe siècle , L'Harmattan
- (en) August Schmidhoffer, « Some Remarks On The Austronesian Background of Malagasy Music », 2005.
- Pierre Vérin, Madagascar, Paris, Karthala, 2000.
Filmographie
[modifier | modifier le code]- Balades à Madagascar, 6 films réalisés par Philippe Lecadre et Georges H. Morel (dont un consacré aux pêcheurs Vezo), Papavelo Images ; AK Video, 2005, 70 min (DVD)
- Nomades du lagon, film documentaire de Luc Bongrand, Cerimes, Vanves, 2008, 52 min (DVD)
- Avec Oli chez les Vézo, reportage dans la série Rendez-vous en terre inconnue, diffusés sur France 2 le mardi 14 juin 2022
Articles connexes
[modifier | modifier le code]- Histoire de Madagascar
- Vazimbas
- Démographie de Madagascar
- Canal de Mozambique
- Liste des groupes ethniques d'Afrique
Liens externes
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- « Les Vezo du littoral sud-occidental de Madagascar », Francis Veriza, Suzanne Chazan-Gillig et Barthélemy Manjakahery, Journal des anthropologues 154-155 | 2018, p. 261-283, OpenEdition
- « Genre de vie vezo, pêche traditionnelle et mondialisation sur le littoral sud-ouest de Madagascar », Christophe Grenier, Annales de géographie 2013/5 (n° 693), Cairn.info