Sclérodermie
Spécialité | Immunologie |
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CIM-10 | L94.0-L94.1, M34 |
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CIM-9 | 701.0 710.1 |
MedlinePlus | 000429 |
Les sclérodermies sont un « groupe hétérogène de maladies du tissu conjonctif de cause inconnue qui ont en commun une induration et un changement d'aspect de la peau ». Les sclérodermies uniquement cutanées (dites « localisées ») se distinguent par des lésions scléreuses en formes de taches ou parfois grossièrement de bandes (siégeant alors plutôt sur les membres, le cuir chevelu et le visage). Ces lésions sont aussi appelées « morphées », par opposition aux sclérodermies systémiques qui affectent aussi les organes internes. Chez la majorité des patients atteints de sclérodermie localisée, l'IRM révèle souvent des « anomalies de signal » indiquant des troubles musculosquelettiques[1] et même chez des patients asymptomatiques[1]. Ces troubles varient selon le sous type clinique[1].
Les sclérodermies ne semblent pas contagieuses. Elles pourraient avoir une composante génétique car quelques cas « familiaux » sont rapportés par la littérature[2]. « Il y a de fortes présomptions que plusieurs gènes soient impliqués et puissent provoquer la maladie à la faveur de conditions environnementales, chimiques ou virales[2]. » Certains métiers semblent prédisposer à cette maladie (certains ouvriers de l'industrie, mineurs, sculpteurs)[3] ce qui invite à évoquer un lien avec l'inhalation de silice libre[4], lien reconnu par l'ANSES en 2019[5].
En 1753, la maladie fut décrite pour la première fois par le docteur de l'hôpital des Incurables de Naples, Carlo Curzio[6].
Mécanisme
[modifier | modifier le code]Les sclérodermies sont des maladies qui semblent liées à une accumulation du collagène et à un épaississement de la matrice extracellulaire, ce qui provoque une atteinte des vaisseaux de petit calibre qui deviennent fibreux au niveau de leur paroi. Plus profondément dans le réseau capillaire on constate une fibrose progressive accompagnée d'une ischémie. Une activation endothéliale pourrait être à l’origine de ce processus avec augmentation de l’expression de molécules d’adhésion endothéliales (VCAM-1, ICAM-1 et selectine E) et recrutement de lymphocytes qui produisent des cytokines pro-fibrosantes (TGF-β, IL-4 et IL-6) et pro-inflammatoires. Le TGF-β augmente la production de collagène, de fibronectine et de protéoglycanes par les myofibroblastes, et diminue la production de protéases (MMP1 et MMP9), qui sont responsables de la dégradation du collagène.
Il peut s'agir de maladies auto-immunes qui, dans leurs formes localisées, provoquent des indurations cutanées et une modification de couleur et d'aspect de la peau. Les petites lésions (en gouttes ou en plaques) peuvent régresser spontanément après quelques années sans séquelles graves.
En 2017, des études semblent confirmer le rôle du microbiote intestinal dans le développement de la maladie. Les résultats « suggèrent enfin que la restauration de l’équilibre bactérien intestinal par la modification du régime alimentaire par exemple, des probiotiques ou par transplantation du microbiote pourraient contribuer à réduire les symptômes gastro-intestinaux et améliorer la qualité de vie chez les patients atteints de sclérose systémique[7] ».
Description
[modifier | modifier le code]La lésion s'étend parfois de manière linéaire (sclérodermie en bande ou sclérodermie linéaire[8]), les bandes sont généralement assez bien délimitées, formant un tissu ferme (difficile ou impossible à pincer) de couleur claire à blanc nacré, bordées par un liseré de couleur pourpre chez les individus à peau claire. La lésion peut aussi prendre l'aspect d'un coup de sabre qui aurait déformé un visage (dépression/enfoncement de la peau le long de la lésion). Quand la maladie apparait précocement, elle peut déformer les membres, les doigts et/ou la main[9] ou le crâne (avec amincissement de la boîte crânienne sous les lésions[10] et le visage[11],[12].
Les changements de couleur et texture de la peau et de structures sous-jacentes peuvent dans les cas de sclérodermie frontopariétales suivre sur le corps les lignes de Blaschko[13].
Typologie
[modifier | modifier le code]Forme localisée et cutanée
[modifier | modifier le code]Elle est caractérisée par :
- une atteinte clinique apparemment limitée à la peau, avec des lésions qui peuvent être planes ou déprimées ;
- l'absence de sclérodactylie ;
- l'absence de syndrome de Raynaud ;
- l'absence d’atteinte microvasculaire (à la capillaroscopie).
Les organes internes ne sont pas touchés, sauf dans le cas de la scléro-atrophie de Degos qui est classée parmi les sclérodermies localisées, mais touche néanmoins également souvent le système musculaire des membres[14]. Cette forme est assez fréquente chez l'enfant et touche plutôt les membres inférieurs[14].
Forme CREST
[modifier | modifier le code]C'est une forme limitée de sclérodermie, CREST reprenant les initiales des quatre pathologies associées :
- Calcinose (C) : de petites masses calcifiées apparaissent sur la peau, avec parfois des ulcères en regard des saillies osseuses des pieds et mains ;
- Syndrome de Raynaud (R) : les artérioles des doigts (de mains/pieds) se contractent au froid, entraînant une chute de la vascularisation (ischémie digitale paroxystique, associée à une succession de pâleur et de cyanose (⇒ coloration gris-bleuté des doigts). Inversement un réchauffement trop brusque induit une coloration rouge vif des doigts avec une douleur. Parfois, seuls deux ou trois doigts de chaque main sont affectés par ce syndrome (qui peut aussi annoncer — mais pas systématiquement — une sclérodermie généralisée ou systémique ;
- Trouble œsophagique (E) : un déficit de péristaltisme nuit à la digestion. Il est mesuré par manométrie œsophagienne (prise de la pression à l’intérieur de l’œsophage) et se traduit par une dysphagie (gène quand le patient avale les aliments) ;
- Une sclérodactylie (S) : rigidification de la peau qui peut prendre l'aspect d'un parchemin impossible à pincer. Les doigts deviennent plus fins puis se déforment (flexion irréductible), alors qu'une télangiectasie peut aussi toucher le visage, les mains ou les pieds.
- Télangiectasies (T).
Forme généralisée
[modifier | modifier le code]Elle est dite « généralisée » ou « systémique » (sclérodermie systémique, qui peut notamment être due à une exposition chronique à des particules de silice)[5]. Elle peut attaquer de nombreux autres organes que la peau et notamment le cœur (coronaropathie), les poumons, le rein (néphropathie vasculaire) ou encore le tractus gastro-intestinal ; dans ces derniers cas le pronostic vital est en jeu, car aucun traitement efficace n'existe actuellement.
Formes chéloïdiennes (ou nodulaires)
[modifier | modifier le code]Cela est rare, mais dans les formes cutanées localisées, comme dans les formes systémiques, des éléments nodulaires peuvent apparaître alors que la maladie évolue ; avec ou sans bandes scléreuses, avec un aspect atypique « bigarré » (zones pigmentées alternant avec des zones dépigmentées, avec la présence de nodules, observées chez des hommes adultes[15]. De tels nodules ont été signalés dans la littérature médicale dès 1884 (par Addisson). Ils peuvent parfois se manifester dès le début de la manifestation de la dermatose[15]. Dans ces cas, la sclérodermie est dite « chéloïdienne » ou « nodulaires ».
Autres formes frontières
[modifier | modifier le code]- Les connectivites mixtes : elles associent des signes de sclérodermie, de lupus érythémateux disséminé et de dermatomyosite.
Le syndrome de Sharp en est l'expression la plus simple, incluant un syndrome de Raynaud, d'arthralgie des mains, des doigts d'apparence « boudinée », des mégacapillaires, et des anticorps antiribonucléoprotéine. - Le syndrome de Shulman ; c'est une fasciite qui infiltre le derme profond et les aponévroses, avec rétraction tendineuse progressive et d'éosinophilie, mais sans syndrome de Raynaud et sans aucune manifestation viscérale. Il conduit parfois à une aplasie médullaire grave.
- La « sclérodermie du diabétique » : elle est caractérisée par l'évolution chronique et bénigne d'infiltrations du cou et des membres, très souvent œdémateuses et parfois dyschromiques.
- Le MMTC, syndrome de Cléopâtre et autres syndromes sclérodermiformes d'origine médicamenteuse et/ou toxique : c'est un syndrome toxicologique invalidant proche de la sclérodermie ; il est caractérisé par des fortes douleurs musculaires associées à une éosinophilie (taux anormal de globules blancs et des sclérodermies. Il affecte à la fois les muscles et le squelette.
Les empoisonnements peuvent être d'origine médicamenteuse[16] avec par exemple une sclérose cutanée au site d’injection de vitamine K1 par voie intramusculaire[17], ou de pentazocine, ou plus rarement de véritables sclérodermies systémiques[18],[19],[20],[21],[22].
Les empoisonnements peuvent aussi être environnementaux[20] et notamment d'origine alimentaire ; le cas le plus massif et connu est celui du syndrome de l'huile toxique SHT à Madrid en 1981, catastrophe sanitaire qui en raison de la diffusion d'une huile frelatée vendue comme huile alimentaire a fait environ 20 688 victimes dont — suivant les décomptes — de 370 à 835 sont mortes[23],[24]. Un autre exemple connu est celui du syndrome éosinophilie–myalgie lié au L-tryptophane et on a plus récemment démontré l'existence d'une dermopathie fibrosante néphrogénique induite par le gadolinium notamment utilisé comme agent de contraste pour la radiographie, en particulier chez des patients ayant une insuffisance rénale chronique. Il est à craindre que les patients victimes de fuites d'implants de silicone puissent aussi être victimes de troubles iatrogènes de ce type[25],[26],[27],[28],[29],[30],[31],[32],[33],[34],[35]. - « Syndrome de chevauchement » (épaississement de la peau associé à une faiblesse musculaire) comme la sclérodermatomyosite (pouvant être confondue avec une polymyosite.
Associations pathologiques
[modifier | modifier le code]Ce sont (en lien avec le syndrome de Reynolds) :
Prévalence
[modifier | modifier le code]La maladie est rare : elle touche entre 7 et 44 personnes sur 100 000, avec des variations suivant les pays[36]. Elle concerne les femmes le plus souvent.
Les premiers symptômes apparaissent souvent entre 40 et 50 ans[2], mais les formes auto-immunes peuvent être contractées à tout âge.
La sclérodermie auto-immune atteint 3 femmes pour 1 homme et se déclare habituellement entre 30 et 50 ans.
Évolution
[modifier | modifier le code]Elle est imprévisible et il n'existe pas de médicaments, si ce n'est pour traiter certains symptômes.
- Dans les formes localisées, la sclérodermie détruit définitivement les poils ou cheveux situés au niveau des lésions en plaques ou bandes. La sensibilité superficielle est dégradée et la sécrétion sudorale diminue ou disparaît également. Les taches peuvent s'étendre (en surface ou en nombre) ou se stabiliser ou disparaitre avec toutefois une « atrophie séquellaire secondaire (pigmentée ou dépigmentée) », avec perte de pilosité)[14].
- Dans les formes généralisées, le pronostic vital est en jeu. Les causes de décès les plus fréquentes sont les complications dues à l'atteinte pulmonaire (fibrose, hypertension artérielle pulmonaire)[37].
Diagnostic
[modifier | modifier le code]Les premiers signes sont non spécifiques : fatigue et syndrome de Raynaud[38].
C'est une maladie dont les débuts sont difficiles à diagnostiquer, et qui peut mettre plusieurs années à se déclarer. Une biopsie cutanée précise le diagnostic.
Elle est généralement précédée de troubles conjonctifs bénins, et souvent associée à des troubles dépressifs[39].
La capillaroscopie peut montrer des lésions évocatrices[40].
Dans certains cas, les signes cliniques peuvent rapidement faire évoquer un syndrome de CREST à savoir :
- calcinose sous-cutanée ;
- phénomène de Raynaud (changement de coloration des doigts en contact avec le froid) ;
- troubles de la motilité œsophagienne avec dysphagie ;
- sclérodactylie ;
- télangiectasies.
Risque de cancer associé
[modifier | modifier le code]Il semble exister. L'association de sclérodermie et de néoplasie est rare mais possible ; leur « caractère fortuit ou non reste controversé ». Il convient de rechercher dans les formes atypiques ou rapidement progressives une néoplasie sous-jacente.
Remarque : dans un cas, une morphée généralisée a complètement régressé deux mois après l’intervention chirurgicale d'un cancer de l'anus[41]. L'exposition à la silice (par inhalation a priori) est reconnue comme l'une des sources possibles de sclérodermie, et est maintenant également clairement reconnue comme cancérigène, notamment par une directive européenne[42] et en France par l'Anses depuis 2019[5].
Traitement
[modifier | modifier le code]Les traitements proposés à ce jour sont les corticoïdes, les immunosuppresseurs (cyclophosphamide (Endoxan), ou azathioprine (Imurel) et le traitement d'une éventuelle néoplasie sous-jacente.
Des prostaglandines (iloprost : Ilomédine) sont également proposées pour leur effet vasodilatateur qui permet parfois une amélioration significative.
Les corticoïdes et anti-inflammatoire non stéroïdien (AINS) agissent sur la composante douloureuse surtout articulaire ; les topiques cutanés sont proposés pour soulager et tonifier la peau.
Notes et références
[modifier | modifier le code]- (en) Qtefan Schanz, Gerhard Fierlbeck, Anja Ulmer, Marc Schmalzing, Jasmin Kümmerle-Deschner, ClausD Claussen, marius Horger (2011) « Localized scleroderma : MR Findings and Clinical features » Radiology vol260, no 3, septembre 2011, PDF, 17 p.
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- Association Sclérodermie (France) Qui est atteint par la sclérodermie ?, consulté 2013-10-05
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- ANSES (2019) Dangers, expositions et risques relatifs à la silice cristalline Rapport d’expertise collective - Saisine « n° 2015-SA-0236 - Silice cristalline » | mars
- http://www.asmn.re.it/lezione-magistrale-a-palazzo-rocca-saporiti-la-sclerodermia-una-malattia-ancora-misteriosa
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