Devoir de dissertation
Sujet : Dans quelle mesure pouvons-nous dire, selon l’Augustinisme que Dieu est la vérité ?
Depuis ses origines, la philosophie a toujours eu pour but ultime la recherche de la vérité.
Pour y parvenir, plusieurs auteurs, de par leur réflexion, ont opiné sur cette question. Pour certains
philosophes, la recherche de la vérité doit passer par l’usage exclusive de la raison (Descartes et
Kant par exemple) alors que pour d‘autres, la vérité provient d’une inspiration divine (Platon, Saint
Bonaventure par exemple). C’est dans cette deuxième catégorie de penseurs que se situe Saint
Augustin, tenant de l’Augustinisme, qui pense que toute connaissance vient de Dieu. Qu’est-ce
qui justifie cette position ? Quelle est sa conception de Dieu et de la vérité ? Dans quelle mesure
peut-on dire que selon l’Augustinisme, Dieu est la vérité ?
Pour résoudre cette problématique, clarifions d’abord les concepts "Dieu" et "Vérité".
D’une part, selon l’Augustinisme, « Dieu est la VERITE SUBSISTANTE ou SUPREME, source
à la fois de la vérité logique ou de nos sciences et de la vérité ontologique ou des perfections de ce
monde »1. Cette école attribut cinq qualités à Dieu :
simplicité (c’est-à-dire qu’il est tout ce qu’il y a, il est la Sagesse, la Vie, l’Intelligence, il
est la Vérité même), unité (il est l’expression de la plénitude et de l’harmonie),
immuabilité (il est parfait et ne peut changer, on ne peut rien lui ajouter ou lui retrancher
de ce qu’il est), éternité (il n’est pas conditionné par le temps ; en lui il n’y pas le temps ;
il transcende le temps), immense (il est au-delà de l’espace)2.
Dieu est donc l'Être suprême, éternel et immuable, qui est à la fois transcendant et immanent.
Incarnant la vérité elle-même, il est la source de toute vérité, l’intelligence créatrice, le principe
ultime et universel de l'être ou encore la norme nécessaire du réel, ou encore la norme de la pensée
en acte c'est à dire de la réflexion. Saint Augustin voit Dieu également comme le Bien Suprême,
1
Jean François Thonnard, Précis d’Histoire de la Philosophie, 1963, p.215
2
Ibid, p.216-217
le Bien absolu, de qui vient tout ce qui est bon. Pour lui, Dieu est aussi l'être intime ou intérieur de
l'âme humaine.3
D’autre part, Saint Augustin, définit la vérité comme étant une lumière intérieure qui guide
l'âme vers la compréhension. Cette vérité est intrinsèquement liée à la connaissance de Dieu et à
la réalité divine. Il insiste sur l'idée selon laquelle la compréhension de Dieu est essentielle pour
atteindre la sagesse ultime c’est-à-dire la vérité.4
Cette quête de la vérité qui est la philosophie, chez les Augustiniens, n'est pas quelque
chose d'acquise ou de définitivement élaborée ou autonome. Au contraire, tout est question
d'inspiration car on ne peut nier l’existence d’une chose parce qu’on ne la voie pas physiquement :
« La sensation fournit pleinement l’objet de la science mais elle est insuffisante pour expliquer
l’objet de la sagesse » (Thonnard, 1963, p.231). Une inspiration qui conduit à la transcendance de
Dieu. Dans sa philosophie, Saint Augustin affirme que l’âme humaine possède une capacité innée
à connaître Dieu, car elle est éclairée de l’intérieur par la lumière intérieure divine. Cette lumière
est une participation de l’âme à la vérité divine, permettant à l’homme d’atteindre la connaissance
de Dieu par l’introspection. C’est ce que Saint Augustin appelle la « théorie de l’illumination »5.
Pour expliquer cette théorie, nous évoquerons quelques arguments. Premièrement, il affirme que
Dieu est la connaissance par excellence. Pour le trouver, il faut faire une introspection c'est-à-dire,
aller au dedans de soi, une sorte d'examen de conscience approfondie car, la conscience est le lieu
de la rencontre de la vérité, don de Dieu. La lumière de la vérité est présente dans l'âme humaine
et ne peut être trouvé que dans son for intérieur. C'est en cela qu'il dit : « ...mais ne va pas au dehors,
cherche en toi-même ; la vérité réside dans l'homme intérieur »6, ce qui se décline plus facilement
en « ne sors pas de toi, rentre en toi-même ». Dans ce même passage il dit : « car la vérité ne
3
Les Confessions de Saint Augustin, Livre X, chapitre 17-20
4
De la Vraie Religion, Chapitre XXXIX-XL
5
Selon la doctrine de l’illumination, « ce n’est pas Dieu qui connait en nous ; ce n’est pas Dieu qui abstrait pour
nous ; ce n’est pas Dieu qui fait briller ses Idées directement sur nous. Mais c’est l’influence créatrice de Dieu
Vérité qui permet à notre vie intellectuelle la plus haute où règne la sagesse, de reproduire en soi-même une
image fidèle du monde des Vérités éternelles dont le monde réel n’est qu’un reflet. », Précis d’Histoire de la
Philosophie, p.235
6
De la Vraie Religion, Chapitre XXXIX, n°72
découvre point à elle-même par le raisonnement, c'est à elle que le raisonnement conduit »7. Ainsi
Saint Augustin nous encourage à chercher la vérité non pas dans le monde extérieur mais dans
notre fort intérieur, car cette vérité qui est divine se révèle dans le silence de notre âme. Cela
s’apparente à la dialectique de Platon où l’homme prisonnier, doit sortir de la caverne représentée
par le monde des apparences pour aller contempler le monde des idées. C’est là que l’âme, à travers
la réminiscence, se remémore de tout ce qu’il avait appris.
Deuxièmement, pour Saint Augustin, Dieu est éternel, il n'est pas soumis au changement.
Il n'est pas limité par le temps ou l'espace. Il existe dans le présent et éternellement. Du coup, la
vérité liée à lui n'est pas changeante, ne peut s'effriter, en opposition à la vérité humaine (et même
scientifique). On pourra, suivant la logique de saint Augustin dire que chez Dieu, les vérités d'hier
ne peuvent pas être des erreurs d’aujourd’hui8. Mais comment savoir que cette vérité est aussi sûre
et certaine ? Saint Augustin souligne que la vérité puisqu'elle n'est pas extérieure, ne provient pas
d'un maître extérieur qui nous l'enseigne, elle vient du maître intérieur c'est à dire de l'intuition
intérieure, éclairée par la lumière divine. C'est donc le Christ, Dieu, qui nous guide vers la lumière,
lui-même étant source de cette lumière : « cette vérité que l'on consulte et qui enseigne, c'est le
Christ lui-même, c'est à dire l'immuable vertu de Dieu et son éternelle sagesse, dont il est dit qu'il
habite dans l'homme intérieur »9. L'intitulé du chapitre XII de son œuvre Du Maître en dit plus :
« Christ est là vérité, il enseigne au-dedans ». Les paroles des autres ne peuvent donc pas nous
rassurer de la pertinence de ce que nous entendons. Dieu est donc la vérité certaine. Si donc la
vérité ne vient pas de l'extérieur alors tout langage humain ne peut communiquer la vérité ou la
vraie connaissance, car le langage comporte des mots, ces derniers, ne désignant que des choses
ou des idées10. Mais le langage ne nous fait pas comprendre que ce sont ces choses-là, il ne peut
7
Ibid.
8
Les Confessions, Livre XI, chapitre 14-31
9
Du Maître, chapitre XI, n°37
10
Au chapitre II de son œuvre Du Maître, Saint augustin pose à son interlocuteur une série de questions sur les
signes et leur signification. L’une d’entre elles est : Dis-moi ce que signifient chacune des paroles de cette phrase : Si
nihil tenta superis placet urbe relinqui. A son interlocuteur de répondre : Je vois bien ce que signifie si mais je ne
trouve aucun autre mot pour l’exprimer…Je crois que si est une expression de doute… le second mot du vers n’est
pas un signe puisqu’il ne signifie pas quelque chose…
pas transmettre directement la vérité. Par exemple un mot peut avoir plusieurs interprétations, ou
peut mal designer une réalité, ou peut-être même équivoque. La connaissance ne se trouve donc
pas dans le langage ou le mot mais dans l'effort de compréhension que fait l'individu dans son
esprit. Cet effort est mû par le maître intérieur. Cela ne veut pas dire que l'homme ne peut rien dire
de vrai, loin de là. Mais cela ne garantit en rien que celui qui l'écoute comprendra que c'est la vérité.
La certitude réside donc dans l'esprit et non dans les mots. C'est donc Dieu qui révèle ou qui dans
une illumination intérieure confirme que telle ou telle chose est vraie.
En définitive, l’augustinisme est cette doctrine qui stipule que Dieu est l’essence de toute
chose et que toute connaissance vient de lui. Et la verité, étant divine, est l’unique cause parfaite,
immédiatement explicative de tout être, dans ses diverses modalités de nature et d’action : « Rien
n’est vrai que par la vérité. »11 En cela, l’augustinisme fait précéder la foi de la raison. L’homme
doit aller donc à la vérité, c’est-à-dire à Dieu, non pas seulement avec sa raison mais avec toute
son âme. Il faut noter que cette foi n’opprime pas la raison, mais l’illumine, car laissé à lui-même,
l’homme n’est qu’illusion, limité. La philosophie se voit donc au service de la théologie.
Bibliographie
1. Augustin. (s.d.). De la Vraie Religion. L.Guérin.
2. Augustin. (s.d.). Du Libre Arbitre. (J.-J.-F. Poujoulat, & J.-B. Raulx, Trads.)
3. Augustin, S. (s.d.). Du Maitre. (B. Jolibert, Trad.)
4. Thonnard, J. F. (1963). Précis d'Histoire de la Philosophie. Paris: Desclée et Cie,
Editeurs pontificaux.
11
François Thonnard, Précis d’histoire de la philosophie, p.212