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Analyse Linéaire de La Scène 8 de lII

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Roula Chamoun
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Analyse linéaire de la scène 8 de l’acte III d’On ne badine

pas avec l’amour.


Alfred de Musset est l’un des principaux représentants du romantisme français, et en particulier de
la génération désabusée née après la révolution de 1789 et déçue par celle de 1830.

C’est un écrivain qui oscille toute sa vie entre deux facettes : celle d’un écrivain brillant et
travailleur, et celle d’un homme débauché et alcoolique.

Musset, c’est aussi l’homme passionné qui vécut une relation orageuse avec l’écrivaine
George Sand pendant 2 ans, relation qui l’inspira par ses éclats et ses déceptions pour
écrire On ne badine pas avec l’amour.

Dans la scène 3 de l’acte III, Perdican a déclaré son amour à Rosette, entendu par Camille
dissimulée. Camille prévient ensuite Rosette que Perdican la trompe et ne l’épousera pas.

Problématique
En quoi ce dénouement particulièrement riche en rebondissements rentre-t-il en contradiction
avec le genre annoncé par la pièce ?

Les deux principaux mouvements du texte :

1. Depuis « Insensés que nous sommes » jusqu’à « Chère créature, tu es à moi ! » : vers
un dénouement heureux, les aveux réciproques.
2. Depuis « Il l’embrasse ; on entend un grand cri derrière l’autel. » jusqu’à la fin de la
scène : rebondissement imprévu et catastrophe finale.

La tirade de Perdican commence par une exclamation, qui est aussi une auto-accusation :
« Insensés que nous sommes ! » qui renvoie à leur folie commune. Le champ lexical de la
déraison est d’ailleurs repris très peu après dans l’expression « misérables folies ».

L’absence de sens dans leur comportement consiste à avoir refusé d’admettre l’évidence du
simple constat : « nous nous aimons. » C’est évidemment un coup de théâtre que de le
reconnaître alors que le spectateur s’attendait à une séparation imminente.

Un autre champ lexical fait son apparition, celui du « songe » : « Quel songe avons-nous fait,
Camille ? » qui est à comprendre dans un sens péjoratif d’illusion qui trompe, qui éloigne de
la réalité.

Quatre questions s’enchaînent par lesquelles Perdican prend à témoin Camille de leurs
erreurs. La forme interrogative souligne l’incompréhension vis-à-vis des obstacles qu’ils ont
semés devant leur amour.
La reprise rhétorique des adjectifs interrogatifs (« quel songe », « quelles vaines paroles »,
« quelles misérables folies ») produit un effet de martèlement.

Les termes employés sont dépréciatifs : « vaines paroles », « misérables folies » et renvoient
à des fautes morales : « Lequel de nous a voulu tromper l’autre ? »

Les reproches adressés par Perdican à lui-même et à Camille sont virulents et à la hauteur de
la menace du tragique, matérialisé par la comparaison « comme un vent funeste entre nous
deux ». L’adjectif « funeste » indique l’ombre portée du malheur, voire de la mort.

Une exclamation élégiaque suit : « Hélas ! cette vie est elle-même un si pénible rêve ». Elle
généralise le malheur des deux amants et donne accès à la vision douloureuse du monde de
Perdican, renforcée par l’emploi de l’intensif « si ».

Perdican considère la vie comme un « pénible rêve », c’est-à-dire une illusion


métaphysique à laquelle viennent s’ajouter les erreurs, fantasmes et folies des hommes :
« pourquoi encore y mêler les nôtres ? »

Sa tirade gagne en expressivité et en lyrisme par l’invocation à Dieu : « Ô mon Dieu » suivie
du tutoiement.

Dieu n’est pas rendu responsable des malheurs des hommes qui savent fort bien se les créer
eux-mêmes.

Le jeune homme développe un langage métaphorique où Dieu est un « pêcheur céleste », le


bonheur « une perle si rare », un « inestimable joyau » « dans cet océan d’ici-bas » qu’est la
vie terrestre, considérée aussi comme « les profondeurs de l’abîme. »

Face à cette perle (l’amour) qui leur a été offerte par Dieu, Camille et Perdican (« nous ») se
sont comportés « comme des enfants gâtés » qui ont fait du bonheur « un jouet », c’est-à-dire
un amusement, un badinage comme l’indique le titre de la pièce.

Une nouvelle série de métaphores est ensuite empruntée à la nature, comme en atteste son
champ lexical : « vert sentier », « pente si douce », « buissons si fleuris », « si tranquille
horizon ».

Les adverbes d’intensité renforcent la beauté et la douceur du « chemin » qui s’ouvrait aux
deux jeunes gens, promis à un amour heureux et durable comme en témoignent les imparfaits
à valeur de durée.

Mais une forme de fatalité, indiquée par l’anaphore de « Il a bien fallu », s’est dressée
devant ce bonheur naturel : celle de l’appartenance à l’humanité : « car nous sommes des
hommes. »

Des obstacles purement humains et intellectuels se sont dressés : « la vanité », « le


bavardage et la colère », défauts moraux ou sentiments négatifs, qui ont « jet[é] leurs rochers
informes sur cette route céleste ». Le programme divin a donc été dévié.

Le « mal » apparait comme une fatalité chez les humains, ce qui traduit la vision romantique
et pessimiste de l’homme condamné à la douleur.
La tirade se conclut, dans une expressivité grandissante, par le vocatif « ô » placé devant le
terme initial : « ô insensés ! » qui est ainsi intensifié.

Mais Perdican choisit de renouveler le constat de ce qui les fait échapper au malheur qu’ils
ont eux-mêmes créé : « nous nous aimons. » Cet amour laisse augurer d’un dénouement
heureux de comédie : le couple a surmonté des obstacles et va enfin pouvoir être uni, in
extremis.

Un geste de tendresse vient consacrer cette union : « Il la prend dans ses bras » et Camille
reprend elle aussi en écho la formule de Perdican : « Oui, nous nous aimons. »

Elle incite au rapprochement physique : « laisse-moi le sentir sur ton cœur » et place le couple
sous un regard divin enfin bienveillant : « ce Dieu qui nous regarde ne s’en offensera pas. »

Il n’y a donc plus de culpabilité chez Camille qui reconnait la bonté et l’omniscience de
Dieu : « il veut bien que je t’aime ; il y a quinze ans qu’il le sait. »

Perdican poursuit l’élan de tendresse qui les unit : « Chère créature, tu es à moi ! ».

La didascalie qui clôt le premier mouvement de ce dénouement offre enfin au spectateur la


satisfaction du baiser refusé au début de la pièce par Camille : « Il l’embrasse ».

Mais brutalement et sans transition aucune se juxtapose un élément de rupture : « on entend


un grand cri derrière l’autel ».

Le « on » englobe les spectateurs qui ne savaient pas que Rosette était cachée, contrairement à
la scène 6 de l’acte III où l’on savait Camille dissimulée.

La possible mort de Rosette est suggérée avec un effet de surprise et d’effroi qui fait
cohabiter violemment l’amour et la mort.

Rebondissement imprévu et catastrophe finale

Camille identifie la voix de Rosette : « C’est la voix de ma sœur de lait », rappelant le lien qui
les unit.

Perdican s’exclame avec surprise. Comme les spectateurs, il ignorait la présence de Rosette
cachée. Il émet une hypothèse, également à destination des spectateurs : « Il faut donc qu’elle
m’ait suivi, sans que je m’en sois aperçu. »

La tension monte avec l’invitation de Camille à aller voir dans la « galerie » où le cri a été
entendu.
Perdican sent venir le dénouement tragique et s’identifie à un meurtrier : « il me semble que
mes mains sont couvertes de sang. »

On reconnaît ici une référence intertextuelle à la pièce Macbeth de Shakespeare et plus


précisément à Lady Macbeth, qui croit avoir sur les mains le sang du roi d’Écosse dont elle a
commandité l’assassinat.

Les écrivains romantiques ont proclamé leur admiration pour le dramaturge du XVIe siècle,
qui est un modèle pour le drame romantique, notamment pour le mélange des tons qu’il
pratique dans ses pièces, avant les codifications contraignantes du théâtre classique.

Camille a une réaction empathique qui se manifeste par l’expression « la pauvre enfant », la
proposition de lui « port[er] secours » et l’interjection « hélas ! » suivie du constat que « tout
cela est cruel. »

Elle émet l’hypothèse d’un évanouissement, qui écarterait le tragique. Le spectateur se range
aux côtés de Camille, plein de pitié pour Rosette et d’espoir d’éviter la catastrophe. La tension
atteint une apogée.

Perdican confirme son intuition. Il refuse de suivre Camille et « sen[t] un froid mortel qui [l]e
paralyse ». C’est la 2e fois qu’il emploie le champ lexical de la mort, préparant ainsi le
spectateur au 2e dénouement.

Deux didascalies encadrent la dernière tirade de Perdican, qui indiquent la sortie de Camille
et son retour dans l’oratoire.

Perdican profite de l’absence de Camille pour adresser une prière à Dieu,


particulièrement pathétique : « Je vous en supplie, mon Dieu ! ne faites pas de moi un
meurtrier ! ».

Il en appelle à un miracle : « ne tuez pas Rosette », car il pressent la mort de la jeune fille. Il
s’en remet à la décision de Dieu, qu’il appelle « juste » et à qui il accorde tout pouvoir de
décision.

Il reconnaît à nouveau la faute commise : « nous sommes deux enfants insensés, et nous avons
joué avec la vie et la mort. » On remarque la reprise du terme « insensés », déjà utilisé par
Perdican et le retour de l’idée de jeu, associée à l’enfance, comme si les deux jeunes gens
n’étaient pas en âge d’avoir compris le sérieux de ce qui se jouait.

Mais il plaide pour une part d’innocence : « mais notre cœur est pur ». Ils n’avaient pas
l’intention de faire du mal, ils ne se sont pas rendu compte.

Perdican propose de « réparer » sa faute et se comporte comme un dramaturge qui écrirait


une autre fin : « je lui trouverai un mari, […] elle est jeune, elle sera riche, elle sera
heureuse ». Ce serait ainsi la fin d’une comédie.

Perdican exprime son dernier espoir et implore Dieu qui décide de tout : « ne faites pas cela,
ô Dieu, vous pouvez bénir encore quatre de vos enfants. »

Il se résout à interroger sa cousine, qui « rentre » de la galerie d’où le cri est venu.
La dernière réplique de Camille est particulièrement brève et sobre : elle juxtapose l’annonce
de la mort de Rosette : « Elle est morte. » et la décision de la séparation : « Adieu,
Perdican. »

La catastrophe s’est abattue, le bonheur est désormais devenu impossible pour les deux jeunes
gens qui ont « badiné avec l’amour » et provoqué la mort d’une jeune fille innocente.

Conclusion
Une première étape de ce dénouement voit se dérouler l’aveu d’amour inespéré et mutuel de
Camille et Perdican, laissant espérer une fin heureuse.

Mais la catastrophe s’abat sous forme d’un coup de théâtre particulièrement brutal : Rosette a
écouté ces aveux, un cri en témoigne, suivi d’une montée de la tension dramatique jusqu’à
l’annonce finale de sa mort.

On se demandait en quoi ce dénouement riche en rebondissements entrait en contradiction


avec le genre de la pièce, annoncée comme une comédie.

Ce dénouement propose in extremis et dans un court espace la réunion des amants, la mort
d’une innocente et la séparation du couple de héros, devenue nécessaire.

Terreur (la tension ne cesse de grandir jusqu’à l’annonce brutale finale) et pitié (pour Rosette
mais aussi pour les deux amants contraints à laisser échapper leur bonheur) s’imposent donc
pour inscrire le dénouement dans le tragique.

Si la pièce de Musset est intitulée « comédie », elle évoque bien davantage le drame
romantique qui promeut le mélange du grotesque et du sublime.

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