Encadrement de la profession et éthique professionnelle – PEP110
Hiver 2025
Entrevue spéciale et questionnaire
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Mise en contexte :
« Pénélope » (nom fictif d’emprunt), une ex-ingénieure, témoigne de sa dernière expérience dans une
entreprise de génie. Disposant d’une double spécialisation en construction et en logiciel, elle avait le
profil idéal pour proposer des ajustements et mener des analyses de performance dans des bâtiments
vieillissants. Or, l’expérience de Pénélope au sein de son entreprise ne fut pas positive. Dans cette
entrevue, elle témoigne de ses expériences.
Cette entrevue est basée sur un échange réel. Cependant, certaines affirmations ont été modifiées.
L’entrevue a été analysée et reformulée par ChatGPT 4.0, afin d’anonymiser le contenu, d’expliciter
certains points, de simplifier la lecture et de romancer l’histoire.
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Q1 :
Bonjour et merci d’accepter de me parler. Avant d’entrer dans le vif du sujet, peux-tu me dire quelques
mots sur l’organisation qui t’employait au moment où tu as vécu un conflit éthique ?
R1 :
Merci pour l’invitation. L’organisation où je travaillais en 2013, c’est une PME de 200 employés. Elle
se spécialise dans le développement et l’optimisation de systèmes de gestion d’énergie pour les
bâtiments. Elle est située à Montréal. Elle emploie à la fois des ingénieurs en bâtiment et en logiciel.
Pour ma part, j’ai cette double spécialisation (construction et logiciel). J’avais donc l’impression de
pouvoir pleinement me réaliser dans cette entreprise. C’est important pour moi d’avoir un espace pour
exceller dans mes fonctions.
Notre but, c’était de concevoir des systèmes de chauffage, de ventilation et de climatisation intelligents,
capables de réduire la consommation énergétique tout en maintenant le confort des occupants. Pour ce
faire, nous utilisions une combinaison de capteurs, de logiciels d’analyse prédictive et d’algorithmes
d’apprentissage machine pour ajuster les réglages énergétiques en fonction de différents paramètres
comme l’occupation des bâtiments ou la météo.
Le dernier projet majeur sur lequel j’ai été sollicitée, c’était un contrat avec une commission scolaire
devant gérer un réseau d’écoles vétustes.
Q2 :
Parfait, merci. Peux-tu me dire quelques mots sur la culture au sein de l’organisation ? Les ingénieurs
jouissaient-ils d’une grande autonomie, ou étaient-ils dans une structure hiérarchisée ? Quelles étaient
les principales valeurs guidant les décisions de l’organisation ?
R2 :
Les ingénieurs jouissaient d’une autonomie considérable, surtout dans la phase de recherche et
développement des solutions, mais une structure hiérarchique restait bien présente. Il fallait valider nos
travaux auprès de responsables de projets et d’experts techniques avant d’implanter les solutions chez
les clients. Donc, nous avions de la liberté pour concevoir et tester, mais les décisions finales passaient
toujours par une chaîne de validation. Cela incluait la production des rapports, dont je vais parler tout à
l’heure.
Les valeurs affichées par l’entreprise mettaient en avant l’efficacité, la transparence, et l’engagement
environnemental. La mission était de réduire la consommation d’énergie dans le bâtiment en rendant
les technologies de gestion énergétique accessibles et performantes. Cependant, j’ai pu constater que la
transparence, notamment, était appliquée de façon sélective. Si l’entreprise communiquait ouvertement
avec les clients sur les projets en général, elle adoptait parfois une approche plus opaque lorsqu’il
s’agissait de métriques de performance. Ce conflit entre les valeurs affichées et les pratiques internes
est d’ailleurs ce qui m’a conduit à remettre en question certaines pratiques dans l’organisation.
Q3 :
Qu’est-ce que ça voulait dire, dans votre entreprise, l’efficacité, la transparence, et l’engagement
environnemental ?
R3 :
(moment de silence)
C’est une très bonne question. On martelait sans cesse ces notions, mais je ne suis pas sûr qu’on
réfléchissait vraiment à ce qu’elles voulaient dire.
Q4 :
D’accord, mais aviez-vous un code d’éthique à l’interne ? Si oui, que disait ce code sur les valeurs
phares de l’entreprise, soit l’efficacité, la transparence et l’engagement ? Peut-être que c’est le code qui
clarifiait ces notions.
R4 :
Ah tu as raison. Ça me revient.
L’entreprise disposait d’un code d’éthique interne. De mémoire, les notions étaient présentées des
manières suivantes :
Sur l’efficacité, nos solutions devaient être mesurables et démontrées par des données probantes.
Sur la transparence, nous avons un devoir de communication honnête envers les clients, en
partageant les données et les méthodologies de manière claire.
Sur l’engagement environnemental, nous devions nous assurer que chaque décision prise allait
avoir un impact sur la réduction mesurée de l’empreinte énergétique de nos clients. On valorisait
l’optimisation, mais dans un cadre où les économies d’énergie devaient être concrètes et
quantifiables, sans tromper les attentes des clients.
C’était un code sur l’honneur. Personne n’était vraiment sanctionné en cas d’infraction. Malgré cela, le
code était affiché à l’entrée du bureau, à la vue de tous.
Dans la réalité, le contenu du code n’était pas toujours respecté. Les pressions internes pour présenter
des résultats convaincants et maximiser la satisfaction des clients prenaient parfois le dessus, et cela a
créé des situations où l’on a tenté d’adapter les métriques pour embellir les résultats.
Q5 :
Parfait, je pense que cela met bien la table pour parler de ton conflit éthique. Décris d’abord le mandat
que vous avez reçu de la Commission scolaire de Montréal.
R5 :
Le mandat de la Commission scolaire de Montréal (la CSDM à l’époque) était ambitieux. Il portait sur
la réduction significative de la consommation énergétique de plusieurs de ses établissements scolaires.
Ce contrat représentait un investissement important pour la commission, qui souhaitait moderniser ses
installations de chauffage et ventilation pour les rendre plus économes en énergie et plus respectueuses
de l’environnement.
Dans les années 2010, la CSDM traversait une période difficile : écoles délabrées, pénurie de classes
pour accueillir les élèves, reportages négatifs dans mes médias sur divers enjeux, déficits chroniques,
etc. Ils devaient réagir. Leur plan de redressement comprenait un point sur l’efficacité énergétique. Plus
ta consommation d’énergie est efficace, moins tu dépenses d’argent sur ce plan, et plus tu peux
t’occuper des autres problèmes. Quand on regardait le contexte plus large, on voyait que notre rôle clé
était d’aider la CSDM à se relever.
Nous devions, dans un premier temps, équiper les écoles de capteurs et de systèmes de contrôle
intelligents pour optimiser la gestion de la température en fonction des horaires d’occupation, de la
météo et des besoins spécifiques de chaque bâtiment. Ensuite, l’objectif était de suivre l’impact de nos
solutions sur la consommation énergétique des bâtiments et d’atteindre un certain pourcentage de
réduction, tout en garantissant le confort des élèves et du personnel.
Comme pour chaque projet, notre équipe devait mener une étude d’impact post-implantation pour (i)
évaluer l’efficacité réelle des systèmes et (ii) déterminer si les objectifs de réduction de consommation
étaient atteints. C’est à ce stade précis que le conflit éthique s’est manifesté.
Notre manière de mesurer l’efficacité énergétique était élémentaire. Essentiellement, on mesurait deux
choses :
La consommation d’électricité, de mazout et de gaz naturel avant nos interventions (en unités
d’énergie et/ou en dollars).
La consommation d’électricité, de mazout et de gaz naturel quelques mois ou années après nos
interventions (en unités d’énergie et/ou en dollars).
C’est vraiment simple à comprendre comme métrique. Plusieurs clients aiment cela, car ils
comprennent parfaitement ce qui est mesuré, et comment cela les affecte. Or, ce n’est pas du tout
nuancé. Et on savait bien que, dans certains cas, les variations mesurées n’avaient rien à voir avec nos
interventions.
Je vais te donner l’exemple le plus flagrant illustrant ce point. Avant l’installation de nos systèmes
intelligents, une école avait connu un bris majeur du système de chauffage de sa piscine. Le thermostat
était défaillant, et la chaudière était très mal isolée. C’étaient des équipements de chauffage d’une autre
époque. Le système était en fin de vie. Cette école avait donc connu une pointe inédite de
consommation de mazout l’année où nous avons débuté nos interventions.
Tableau 1 : Consommation trimestrielle d’électricité et de mazout de la piscine
Mazout (MJ, $) Électricité (MJ, $) Total (MJ, $)
Avant le changement du 1,500,000 MJ 500,000 MJ 2,000,000 MJ
système de chauffage 37,500$ 10,000$ 47,500$
Pendant la mise à 0 MJ 50,000 MJ 50,000 MJ
niveau 0$ 1,000$ 1,000$
Après le changement du 600,000 MJ 300,000 MJ 900,000 MJ
système de chauffage 15,000$ 6,000$ 21,000$
Nos systèmes ont été installés, et quelques semaines plus tard, la mise à niveau du chauffage de la
piscine a été effectuée. Pendant plusieurs mois, la piscine ne fonctionnait pas, et ne consommait donc
pas d’énergie. Puis, par après, avec la mise en marche du nouveau système de chauffage, la
consommation énergétique pour chauffer la piscine a diminué.
Lors de l’analyse d’impact de notre solution, certains membres de l’équipe ont utilisé les deux périodes
suivantes pour mener la comparaison :
Pour le « avant » : trois mois pendant lesquels les équipements vétustes de la piscine était
défectueux comme point de comparaison avant nos interventions
Pour le « après » : trois mois pendant lesquels la piscine était hors service, et trois autres mois
pendant lesquels le nouveau système de chauffage était en place.
Avec ces données, ils ont pu générer des statistiques qui semblaient montrer une réduction importante.
J’ai essayé de leur expliquer que ce n’était pas comme cela que l’on devait traiter nos clients, mais ils
m’ont répondu que c’était la métrique inscrite au contrat entre notre entreprise et la CSDM. Je
n’arrivais pas à faire modifier le rapport d’impact.
Juste pour être claire : l’installation de nos systèmes a mené à une réduction de la consommation
d’énergie. De plus, nous ne faussions pas les données. Or, le rapport allait donner l’impression que
nous avions permis de réaliser des économies spectaculaires. En réalité, les gains d’efficacité étaient
modestes.
R6 :
C’est une drôle de métrique promue par l’entreprise. On pourrait même imaginer des situations où la
simplicité extrême de la métrique se retourne contre l’entreprise. Si la piscine avait été mise hors
service juste avant l’installation des capteurs, et remise en service après l’installation des capteurs,
comment ton entreprise aurait géré la situation ? Aurais-tu mentionné, dans ton rapport, que l’efficacité
énergétique de l’école était en recul ?
Q6 :
Cela se produisait à l’occasion. Lorsque la variation défavorable était mineure, nous ne faisions rien.
L’équipe de direction jugeait que c’était le prix à payer pour avoir des métriques faciles à comprendre.
Lorsque la variation défavorable était majeure, nous avions l’habitude d’inclure une note explicative
dans nos analyses précisant les limites ou le manque de fiabilité des données collectées. Nous ajoutions
alors une analyse plus nuancée, prenant plus de variables en compte, au rapport. Par voie de
comparaison, dans le rapport pour la CSDM, nous n’avions pas prévu nuancer nos analyses entourant
la piscine défectueuse.
Il y a un seul cas qui me vient en tête où nous n’avons pas précisé les vraies causes d’une variation
défavorable majeure. C’était pour un mandat avec un Ministère fédéral. Nous savions qu’un hiver
particulièrement froid nous avaient empêché d’atteindre nos cibles, mais nous n’avons pas mentionné
les vraies raisons de la fluctuation. L’équipe a mentionné dans son rapport que les mesures mises en
place semblaient avoir été insuffisantes pour atteindre les objectifs environnementaux du Ministère, et
que plus de mesures devaient être implémentées. Mon impression est que cette équipe essayait de
décrocher un second contrat avec le Ministère. Cela dit, à ma connaissance, c’est arrivé une seule fois,
et cela concernait un client d’une autre équipe.
Q7 :
Qui décidait des métriques employées pour mesurer l’impact des mesures ?
R7 :
Les gestionnaires l’équipe de direction, en collaboration avec l’équipe des ventes. Bien que les
ingénieurs soient supposés jouer un rôle important dans la collecte des données et l’analyse technique,
les décisions sur les métriques de performance, notamment les points de comparaison et les indicateurs
de succès, étaient souvent prises en amont par ces décideurs. Comme je l’ai dit un peu plus tôt, les
clients s’en plaignaient rarement, car la métrique était facile à comprendre pour eux.
Les ingénieurs avaient la possibilité de signaler des incohérences ou des biais dans ces métriques, mais
ces retours étaient minimisés au nom des « impératifs de communication ». Cela créait une tension
entre l’intégrité technique et les attentes des décideurs, rendant difficile pour les ingénieurs d’imposer
des méthodes d’analyse rigoureuses sans subir de pressions.
Il faut dire aussi que les métriques faisaient partie des contrats signés entre la CSDM et notre
entreprise. Cela nous plaçait dans une position difficile : soit être peu rigoureux, soit ne pas faire ce qui
est inscrit dans notre contrat.
Q8 :
D’accord, mais avec ce que tu viens de dire, je comprends que la métrique comme telle n’était pas
cachée au client. En d’autres termes, les clients avaient accès aux métriques proposées. En un sens, on
pourrait dire que c’est transparent, non ?
R8 :
Nos pratiques atteignaient un « seuil minimal » de transparence. Cependant, la manière de présenter ces
métriques jouait un rôle crucial dans la perception que le client en avait, et c’est là que se situait le
problème plus substantiel de transparence.
Même si la Commission scolaire avait accès aux métriques proposées, les données choisies et la
manière de les interpréter créaient une image biaisée. Par exemple, en prenant pour référence la période
de consommation anormalement basse en raison de la panne de chauffage de la piscine, on introduisait
un biais que les gestionnaires de l’école n’étaient peut-être pas en mesure de repérer facilement. En
d’autres termes, même avec l’accès aux chiffres, il était difficile pour le client de discerner les causes
réelles des fluctuations.
La transparence technique existait, mais elle manquait d’intégrité dans la façon dont elle orientait la
perception du client. On pourrait dire que c’était une « transparence sélective », où seules les
informations qui appuyaient un résultat favorable étaient mises de l’avant, et celles qui auraient nuancé
ou contextualisé l’analyse étaient minimisées.
Q9 :
Du point de vue du droit, tu tombes dans un flou classique en génie. Tu as deux clients, soit ton propre
employeur et le client de ton employeur. Comment tu as vécu cette position où tu as deux « maîtres » ?
R9 :
Cette position difficile, je l’ai vécue pendant toute ma carrière en génie. À la fin, j’étais vraiment
fatiguée d’être prise entre l’arbre et l’écorce.
En bonne ingénieure qui suivait son Guide de pratique, mon devoir de loyauté allait d’abord vers mon
employeur. Mon travail consistait aussi à respecter les objectifs commerciaux et de performance de
l’entreprise, qui incluaient satisfaire les attentes de la Commission scolaire en montrant des résultats
tangibles. Cependant, en choisissant de manipuler certaines métriques, mon employeur compromettait
l’intégrité de l’analyse. Cela allait à l’encontre de mes obligations envers le client final, la Commission
scolaire, qui comptait sur nos données pour prendre des décisions éclairées sur ses investissements
énergétiques.
Sur le plan personnel, cela a été difficile : je me sentais responsable de garantir que les résultats que
nous présentions étaient pleinement honnêtes.
Q10 :
Au final, quelle a été votre solution au conflit éthique ? Comment avez-vous surmonté le problème ?
R10 :
Dans le dossier des écoles de la CSDM, j’ai démissionné avant la fin du projet. Ma solution a été de ne
pas signer le rapport en quittant l’entreprise.
Démissionner a été une décision difficile, mais c’était la solution la plus alignée avec mes valeurs.
J’étais fatiguée, j’en avais assez. Ce n’était pas la première fois que je faisais face à ce type de conflit
éthique, et les tentatives pour encourager des pratiques plus honnêtes n’avaient pas porté fruit. Je
réalisais que, dans ce contexte précis, mes efforts pour influencer les décisions et promouvoir une
analyse transparente ne suffisaient pas à changer la culture de l’entreprise.
En refusant de signer les analyses finales et en choisissant de partir, j’ai mieux vécu mon désaccord
personnel face aux pratiques que je jugeais trompeuses. Je n’ai pas compromis ma réputation
professionnelle, puisque je n’ai pas eu à porter l’étiquette de « dénonciatrice ». Si j’étais resté, et que
j’avais signé le rapport, on m’aurait associé à ces analyses biaisées, et j’aurais dû répondre de ces choix
si la Commission scolaire ou d’autres clients venaient à questionner l’intégrité des résultats. Sur le plan
personnel, cela m’a permis de m’orienter vers des environnements professionnels plus en phase avec
l’intégrité que je souhaitais incarner dans ma pratique.
Ce fut mon dernier mandat comme ingénieure. Depuis, je me suis réorienté et j’ai quitté l’Ordre.
Q11 :
Donc si je comprends bien, ton employeur n’a pas été mis au courant des vraies raisons de ton départ.
Pourquoi ne pas avoir abordé explicitement le problème avec ton employeur avant de sortir de cette
entreprise ? En d’autres termes, pourquoi ne pas avoir fait un post-mortem avec ton patron ?
R11 :
J’ai envisagé d’aborder explicitement le problème avec la direction, en espérant que des discussions
ouvertes pourraient aboutir à des changements dans leur approche.
Cependant, au fil du temps, j’avais remarqué que mes préoccupations étaient souvent minimisées ou
ignorées. J’avais également observé que certains de mes collègues, qui avaient soulevé des problèmes
similaires, avaient subi des conséquences négatives, allant de la marginalisation dans leurs rôles à des
réprimandes directes. Cela a créé un climat de méfiance et de peur de représailles, rendant l’idée d’une
discussion franche beaucoup plus difficile.
De plus, le format et la culture de l’entreprise favorisaient une certaine conformité aux attentes de la
direction, et il était souvent plus facile de faire des compromis que de défier le statu quo. On pouvait
proposer des métriques et des solutions, mais la décision finale nous échappait. C’était la direction qui
tranchait. Cela a créé une dynamique où aborder ces problèmes pourrait être perçu comme un manque
de coopération ou une menace pour la réussite du projet.
J’ai réalisé que ma capacité à influencer le changement était limitée dans un environnement où les
priorités étaient clairement orientées vers la présentation de résultats « optimistes ». Il me semblait
donc plus constructif de quitter l’entreprise sans rien dire.
Q12 :
Ce fut ta dernière expérience dans une entreprise de génie. Tu as même quitté l’OIQ après cela. Est-ce
que l’Ordre a cherché à comprendre les raisons de ton départ de la profession ? Je pose la question,
puisque comme tu étais une femme ingénieure, l’Ordre devrait s’intéresser à « te garder » dans la
profession. L’Ordre a des objectifs avoués en termes de diversité en génie.
R12 :
L’Ordre n’a pas cherché à comprendre mes raisons spécifiques pour ce non-renouvellement. Je n’ai pas
reçu de communication directe de leur part à ce sujet, ce qui m’a un peu déçue.
Il est vrai que l’OIQ dit promouvoir la diversité et encourager davantage de femmes à entrer dans la
profession. Cela soulève des questions sur la façon dont ils soutiennent réellement les membres en
difficulté ou en désaccord avec certaines pratiques. J’aurais aimé voir un intérêt plus prononcé de leur
part concernant les motifs de départ des membres, en particulier ceux qui ont pu vivre des conflits
éthiques comme les miens.
En tant que femme dans un environnement dominé par les hommes, je pense que partager ces
expériences aurait pu ouvrir la porte à des discussions sur la culture de travail dans le génie. Cela aurait
pu contribuer à des initiatives visant à améliorer l’environnement de travail et à renforcer la prise de
conscience des enjeux éthiques au sein de la profession.
L’absence de suivi de l’OIQ me laisse penser qu’il reste un long chemin à parcourir. On veut créer un
environnement où les préoccupations des femmes ingénieures sont non seulement entendues, mais
aussi prises au sérieux, surtout lorsque cela touche à des relations fondamentales avec les clients basés
sur l’intégrité et la transparence.
Q13 :
Je suis d’accord, mais en même temps, les hommes aussi tiennent à l’intégrité et à la transparence. Tu
sembles suggérer que les manquements à l’éthique sont des facteurs de sortie de la profession
spécifiques aux femmes.
R13 :
Je ne veux pas suggérer que les hommes ne s’intéressent pas à l’éthique, ou que les femmes sont moins
capables d’accepter la malhonnêteté que les hommes. Mais il y a peut-être une différence, chez les
femmes, dans la manière de comprendre certaines attentes.
Mon expérience personnelle, c’est que les femmes sont un peu plus sensibles aux relations tissées avec
leurs clients, alors que les hommes sont généralement satisfaits tant qu’ils obtiennent la conformité au
contrat passé avec les clients. Je ne me sens pas excellente au travail en me disant simplement ceci :
« j’ai seulement à faire ce qui a été convenu dans le contrat ». Il y a plus que nos obligations
contractuelles. Il y a les liens que je tisse avec un client dans mes fonctions. Ces derniers n’ont pas
vraiment le choix de me faire confiance. Ils dépendent de nous pour recevoir des conseils, et bien
interpréter différentes analyses techniques. La relation est inégale.
Qu’est-ce que ça prend, comme qualités, pour être une bonne ingénieure ? Je dois écouter mon client.
Je ne dois pas abuser de sa vulnérabilité. Je dois m’adapter aux imprévus, ou aux événements
anormaux, comme dans l’exemple de la piscine défectueuse. Est-ce juste une histoire de contrat ? Pas
pour moi. En génie, j’ai souvent eu l’impression que la seule chose qui compte, ce sont tes obligations
contractuelles. Je ne me reconnais pas là-dedans. J’ai croisé beaucoup de femmes ingénieures qui ont la
même attitude. Je sais que ça peut sonner bizarre. C’est peut-être juste dans la manière qu’on éduque
les femmes, ou dans les attentes sociales envers nous. Je ne pense pas que ce soit biologique. En tout
cas, dans mon cheminement, c’est un facteur qui m’a amené à quitter la profession.
Question 1. À partir du code d’éthique de l’entreprise, des règlements entourant la profession
d’ingénieur et du Code de déontologie de l’OIQ, répondez aux sous-questions suivantes (~300-600
mots pour l’ensemble des sous-questions) :
(1.a) Déterminez s’il aurait été conforme aux règles en vigueur, pour Pénélope, de mentir dans son
rapport. (1 pt)
(1.b) Déterminez s’il aurait été conforme aux règles en vigueur, pour Pénélope, d’ignorer son contrat
avec le client et de mener une analyse d’impact complètement différente. (2 pts)
(1.c) Déterminez s’il aurait été conforme aux règles en vigueur, pour Pénélope, d’ajouter une note
explicative dans son rapport précisant des facteurs additionnels ayant eu un impact sur les résultats,
comme la rénovation du chauffage de la piscine. (1 pt)
(1.d) Selon le Code de déontologie des ingénieurs, qui est le client de Pénélope dans la situation
décrite ? Est-ce son employeur, la Commission scolaire, ou les deux? Précisez si votre interprétation se
situe au niveau de l’esprit des règles, de la lettre (les « obligations concrètes »), ou les deux. (6 pts)
Question 2. Pénélope a dû prendre différentes décisions pendant son dernier mandat. Différentes
valeurs soutenaient les options s’offrant à elle. Parmi les conflits suivants, lequel représente le plus
sérieux conflit de valeurs (ou encore, le conflit de valeurs le plus difficile à résoudre) ?
1. Choisir entre (i) tirer intentionnellement des conclusions trompeuses dans le rapport (ii) ne pas tirer
intentionnellement des conclusions trompeuses dans le rapport.
2. Choisir entre (i) accepter de faire une analyse avec les métriques simplifiées identifiées par son
employeur ou (ii) refuser de le faire.
3. Choisir entre (i) démissionner de l’entreprise (ii) ne pas démissionner de l’entreprise.
4. Choisir entre (i) sonner l’alarme auprès de son employeur quant aux problèmes entourant les
métriques utilisées dans le rapport ou (ii) ne pas sonner l’alarme.
Sélectionnez le conflit le plus sérieux. Puis, justifiez pourquoi il est particulièrement difficile à
résoudre, en prenant soin de souligner et de définir les grandes valeurs qui entrent en jeu dans le conflit.
(~300-600 mots au total, 10 pts)
Question 3. Lisez la section 1.4 du manuscrit de Mekhaël et Daoust (disponible sur Moodle). Puis,
répondez aux sous-questions suivantes (~300-500 mots) :
(3.a) Résumez dans vos mots ce qu’est le conséquentialisme. (2 pts)
(3.b) Supposons que Pénélope aimerait utiliser la méthode des comparaisons intrapersonnelles pour
faire ressortir l’option ayant les meilleures conséquences probables. Identifiez d’abord la démarche à
suivre pour appliquer la méthode au choix entre « accepter de faire une analyse avec les métriques
simplifiées identifiées par son employeur » et « refuser de le faire ». Puis, en prenant le point de vue de
Pénélope, exposez les éléments connus et manquants pour appliquer la méthode. (8 pts)
Question 4. Lisez la section 1.4 du manuscrit de Mekhaël et Daoust (disponible sur Moodle). Puis,
répondez aux sous-questions suivantes (~300-500 mots):
(4.a) Résumez, dans vos mots, deux différences entre le contractualisme et l’éthique des vertus. (2 pts)
(4.b) À quelle méthode morale s’identifie Pénélope ? Est-elle plus sensible à des arguments
contractualistes, ou à des arguments centrés sur les vertus ? Expliquez votre réponse. (8 pts)
Question 5. Mettez-vous dans les souliers de Pénélope. Prenez sa perspective ou son point de vue. À
partir de ce point de vue, répondez aux sous-questions suivantes (~400-700 mots) :
(5.a) Si vous étiez dans les souliers de Pénélope, auriez-vous refusé de signaler les problèmes entourant
les métriques retenues dans le mandat avec la CSDM ? Décrivez brièvement pourquoi. (1 pt)
(5.b) En fonction de votre décision prise au point (a), quels sont les principaux acteurs désavantagés par
votre décision (2-3 maximum) ? Pour chaque acteur, expliquez brièvement pourquoi votre solution le
désavantage. (3 pt)
(5.c) Écrivez une lettre à l’un des acteurs mentionnés au point (b). Prenez soin (i) de préciser les raisons
et les valeurs motivant votre décision et (ii) de répondre à une bonne objection possible que pourrait
soulever cet acteur à l’encontre de votre position. Note: Vous pouvez vous baser en partie sur des
éléments de réponse développés dans les sections précédentes du travail. (6 pts)
Question 6. Répondez aux deux sous-questions suivantes (~400-600 mots) :
(6.a) Vers la fin de sa carrière comme ingénieure, Pénélope a démissionné de son poste et a quitté
l’Ordre. Compte tenu de la manière dont elle a mis fin à sa carrière, a-t-elle contribué à l’amélioration à
long terme des institutions ? (2 pts)
(6.b) Proposez une amélioration possible aux mécanismes de l’OIQ visant à limiter le risque que des
problèmes similaires ne se reproduisent. Anticipez un problème potentiel auquel nous devrions faire
attention avec votre proposition. (8 pts)